La maison en ses territoires_Rapport d'études Licence, 2013

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LA MAISON EN SES TERRITOIRES

comment s’organise la vie sur plusieurs territoires ?

Quentin DESFARGES

Rapport d’Etudes, Licence 3, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon, 2012/2013 Directeur de rapport : Sandra Fiori


SOMMAIRE.

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Introduction.

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I. DES TERRITOIRES.

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I.1. Domaine familial. I.1.1. Un lieu de villégiature. I.1.2. Acquisition. I.1.3. Extensions. I.1.4. Activités.

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I.2. Voisins. I.2.1. Répartition du territoire. I.2.2. Fonctionnement. I.2.3. Exploitations voisines.

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I.3. Ville alentour. I.3.1. Vivre sur plusieurs territoires. I.3.2. Neyron. I.3.3. Miribel. I.3.4. Rillieux-la-Pape. I.3.5. Croissance.

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II. LE METIER D’AGRICULTEUR.

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II.1. Être agriculteur. II.1.1. Activités. II.1.2. Environnement.

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II.2. Travailler plus loin. II.2.1. Installation. II.2.2. Rayons d’action.

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II.3. Evolution. II.3.1. Contexte. II.3.2. Croissance.

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III. Le projet comme outils d’aménagement du territoire.

48 III.1. Les moyens mis en oeuvre pour la conservation de territoire rural. 48 III.1.1.Taxes. 48 III.1.2.PLU. 49 III.1.3.SCoT. 49 III.1.4.PSADER-PENAP. 52 III.2. Le devenir des constructions agricoles. 52 III.2.1.Enjeux. 52 III.2.2.Paysages Agricoles. 52 III.2.3.Parcs Agricoles. 55 III.2.4.Lotissements Agricoles. 57 III.2.5.Bâtiment Agricole.

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III.3. Les hypothèses pour un retour de l’agriculture en ville. III.3.1.Agriculture urbaine. III.3.2.Projet agricole urbain.

74 Conclusion 76 Glossaire 77 Bibliographie. 78 Annexes.

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INTRODUCTION.

Le domaine «Les épinettes» est le lieu où j’ai grandit . Situé dans la commune de Neyron dans l’Ain, il se trouve à 15 minutes en voiture du centre de la métropole Lyonnaise. Arrière petit-fils, petit-fils, et fils d’agriculteur, ma famille a pu s’installer sur ce territoire et édifier une maison sur ce terrain non constructible grâce à l’installation de l’entreprise agricole céréalière de mon père. Ainé d’une fratrie de quatre enfants, je n’avais, depuis mes années lycée, plus qu’une idée en tête; devenir architecte pour connaitre la ville et voyager à travers le monde. Quitter cet endroit pour forger mon expérience et vivre de mon côté est pour moi quelque chose d’indéniable. Du fait que je vais très bientôt m’installer ailleurs, partir du lieu de mon enfance, et grâce à de nombreux voyages à travers le monde, je me suis rendu compte de l’attachement que j’avais pour ce lieu, ce terrain et les souvenirs qui y sont liés. Ce rapport d’études est donc l’occasion pour moi, d’aller plus profondément dans la compréhension de ce lieu, et de partager mon histoire et mes racines. J’ai choisi un sujet en rapport avec l’agriculture car, depuis que je suis en école d’architecture, je sens que mes parents ont plus de mal à comprendre ce que je fais, qui je deviens. Ce rapport était donc pour moi l’occasion de trouver un sujet commun qui nous rassemble. Vivre dans une campagne périurbaine n’est pas tous les jours facile. Il faut vivre avec les avantages et les inconvénients de la campagne, mais en profitant des bénéfices qu’offre une ville en perpétuelle mutation. Ainsi, à travers ce rapport d’études, j’ai cherché à comprendre comment ma famille s’est ancrée sur ce domaine, et comment nous avons du apprendre à vivre sur différents territoires. Les notions de propriété, d’identité et de travail sont les fondements de ce travail. En partant d’un territoire géographique délimité d’environ 500 hectares à la périphérie Nord-Est lyonnaise, je présenterais le domaine familial où ma famille s’est installée et ancrée. Puis j’analyserais le fonctionnement du territoire agricole du site, et les exploitations maraichères voisines. Enfin, je présenterais les tissus urbains des trois villes qui se rencontrent sur le lieu, et les logiques de fonctionnement de notre quotidien entre ces différentes entités. Je vous décrirais le métier d’agriculteur de mon père, qui nous a

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permis de nous implanter sur ce territoire, et qui suit la même logique d’organisation sur des territoires dispersés et éloignés les uns des autres. Enfin, j’aborderais la question de la conservation du territoire rural par le biais du projet architectural utilisé comme outils d’aménagement du patrimoine naturel. L’avenir des constructions agricoles et la redécouverte de l’agriculture dans l’urbanisme comme outils d’aménagement du territoire sont des questions importantes du développement du territoire français. Pour concevoir ce rapport d’études, j’ai du m’appuyer sur un corpus d’informations de natures différentes. Un premier corpus historique, qui remonte jusqu’à l’achat du terrain, par le biais de documents familiaux, de plans, cartes cadastrales et autres archives municipales. Cette première étape a été très intéressante et m’a beaucoup appris sur le lieu où je vis. Par la suite, j’ai regroupé un corpus de témoignages récoltés dans l’environnement familial. Par le biais de nombreuses discussions tout au long de l’avancement de mon travail, j’ai appris de nouvelles choses sur le passé familial et son ancrage dans le territoire. J’ai également pu m’appuyer sur des rencontres avec des élus locaux, des urbanistes, et d’autres résidents vivant sur ce lieu qui m’ont permis d’en acquérir de nouvelles visions. Finalement, afin de comprendre et interpréter les informations récoltées, des connaissances théoriques historiques, sociales et juridiques m’ont été indispensable pour replacer les informations recueillies sur ce lieu dans leur contexte.

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Plan de localisation dans le territoire lyonnais 6


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I. DES TERRITOIRES.

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I.1. Domaine familial. I.1.1. Un lieu de villégiature. Acquis en 1974 par mes grands-parents maternels, le domaine des épinettes, d’une surface de 10 026 m2 est réparti sur trois parcelles. Ce sont les parcelles N°47, 51 et 52 réparties entre la C.D. N°7 (route de Vancia), la C.R. N°4 (chemin de Séveillant), et l’ancien chemin de Chalamont. Sur la commune de Neyron dans l’Ain, ce terrain est à 12 km de la ville de Lyon. Mes grands-parents Reverchon (dont un ancêtre a donné le nom au cerisier), sont issus d’une lignée de grands botanistes et fleuristes Lyonnais. Ils travaillaient en ville et habitaient jusque dans les années 1980, une grande maison sur la commune de Caluire et Cuire, Montée des soldats. Mais une fois les enfants partis, ils décidèrent de déménager dans un appartement pour des raisons pratiques. C’est alors qu’ils acquiérirent un terrain en campagne dans l’idée d’en faire un lieu de villégiature, une résidence secondaire dans la périphérie lyonnaise. Le terrain est à l’abandon et construit de l’ancienne maison d’un brocanteur et d’un petit hangar attenant qui prend place à l’extrémité Est, sur la parcelle N°52. Alimentée en eau courante et équipée d’un groupe électrogène pour l’électricité, elle peut accueillir jusqu’à 6 personnes. Elle est toujours présente sur le terrain à ce jour et sert de lieu de débarras. Fleuriste et paysagiste, mon grand-père utilise une grande surface du terrain pour produire des fleurs, des légumes et planter des arbres fruitiers. Il remet l’endroit en bon état, après de longs travaux de défrichages et d’aménagements paysagers. Comme ce terrain se situe dans un site agricole non constructible, mes grands-parents sont dans l’impossibilité d’effectuer une nouvelle construction et ce retrouvent avec ce grand terrain et une maison en plus ou moins bon état qu’ils utilisent seulement le temps d’un week-end. I.1.2. Acquisition. Après une recherche difficile d’un logement qui combinerait une habitation et un espace de stockage pour le matériel agricole de mon père, céréalier de profession, mes parents décident d’acquérir le domaine des épinettes et rachètent

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La maison du brocanteur et son hangar attenant, 2005

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le terrain à mes grands-parents en 1992, dans l’objectif d’y construire une villa. Grâce au métier d’agriculteur de mon père et à la compréhension du maire de la commune de Neyron, le permis de construire d’une maison individuelle d’environ 200 m2 leur est accordé à la condition d’un projet futur d’annexes agricoles. La villa sera implantée au Nord-Ouest de la parcelle N°51, de façon à accéder facilement à la Route de Vancia et de sauvegarder un maximum de terrain au Sud de l’habitation. Elle est conçue par un cube central d’habitation, dans lequel on trouve un hall d’entrée, un séjour / salle à manger et une cuisine au Rez-de-Chaussée, et trois chambres et une salle de bain à l’étage. Un second volume attenant au cube est constitué d’un garage, et d’un bureau dans lequel on trouve une salle d’eau. I.1.3. Extensions. A la naissance de mes frères et soeurs en 1996, une extension à été réalisée au Nord-Est de la résidence, qui ajoute à l’ensemble une buanderie et deux chambres. Un projet de hangar agricole prendra place en 2005 sur la limite Nord du terrain. Il occupe une surface d’environ 1.300 m2 dont 750 m2 de cours et de dégagement et 500 m2 de rangement de matériel agricole. Cette dernière est séparée entre un volume complètement fermé et hermétique à l’intérieur duquel on trouve un atelier de mécanique, une petite cuisine et un wc, et un second volume ouvert sur la cours. Le matériel agricole autrefois entreposé sur la commune de Genay (Rhône) à environ 20 minutes de voiture de Neyron, obligeait mon père à faire régulièrement de nombreux allers-retours entre ces deux lieux, ce qui lui prenait du temps et de l’énergie. Ainsi, l’organisation professionnelle comme familiale se sont retrouvées simplifiées par la proximité des installations. Le hangar n’a pas tout à fait été implanté comme l’indique le plan de construction de la villa. De façon à l’éloigner au maximum de la propriété et de lui permettre un accès par l’ancien chemin de Chalamont, il a été construit à l’Est du terrain, contre le petit hangar attenant à la maison de brocanteur, à cheval sur les parcelles N° 51 et 52.

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Construction de la villa, 1992

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En 2013, ce projet s’est vu complété d’une plateforme de lavage du matériel agricole. D’une surface d’environ 300m2, elle permet de récupérer les eaux nocives phytosanitaires et de les nettoyer par le biais de bactéries avant de les rejeter dans la nature. En 2010, mes parents acquéraient les parcelles N°48, 49 et 50 qui se trouvent à la jonction des chemin de Séveillant et de la route de Vancia. Portant la surface de propriété à environ 17 000 m2. Autrefois exploitées par un ancien paysan du hameau du Mas-Rillier maintenant à la retraite, ces parcelles étaient plantées de quelques légumes et céréales pour sa consommation personnelle. I.1.4. Activités. Le terrain peut se décomposer selon les activités qui y prennent place. Au Nord du terrain se trouve la partie agricole du domaine, avec le hangar agricole et sa cours de dégagement ainsi que la maison du brocanteur et son petit hangar où est entreposé du matériel. A l’Est, se tient un potager et des arbres fruitiers pour la production personnelle de fruits et légumes. Au Sud, une partie boisée laissée sauvage, où on trouve de hauts conifères et une forêt de bambous. On trouve à l’Ouest sur les parcelles N°47 à 50, une grande prairie où viennent paitre nos 3 chevaux deux fois dans l’année. Enfin, au centre de la parcelle principale (N° 51) où se trouve la villa, se tient un espace plus travaillé et paysagé avec de grandes pelouses et différents massifs de fleurs, espace de réunion et de jeux lors d’évènements festifs.

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Le potager, 2002

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I.2. Les voisins. I.2.1. Répartition du territoire. Le plan d’occupation des sols nous indique que la totalité du secteur étudié est considérée comme zone agricole et est ainsi non-constructible. La commune fait partie du SCoT du Bugey-Côtière-Plaine de l’Ain et est actuellement dans l’élaboration d’un PLU. Cependant, des exceptions sont faites pour la construction sur un terrain agricole, ainsi les agriculteurs ont le droit de s’y installer à la condition essentielle qu’ils y implantent également leur activité agricole, de façon à rester proches de leur activité professionnelle. Sur les vingt dernières années, je n’ai trouvé aucun nouveau découpage parcellaire sur le territoire d’études. Quelques remembrements ont eu lieu et on trouve cependant de nombreux changements d’exploitants des terrains. Afin de regrouper des domaines de production dans un objectif de rentabilité, certains propriétaires procèdent à des échanges de parcelles, le procédé se fait d’un accord commun et moyennant participation financière pour une équité maximale. On trouve également de nombreux rachats de parcelles par des exploitants agricoles voulant investir ou élargir leur domaine, ou bien des partages de domaine agricole entre des proches suite à la retraite ou au décès d’un paysan. I.2.2. Fonctionnement. Les terres agricoles du secteur étudié sont exclusivement utilisées par des productions maraîchères ou céréalières. Les plantations se réalisent dans un rythme rotatif. Les terrains accueillent différentes variétés de céréales ou de légumes à chaque saison. Comme chaque plantation ne nécessite pas les mêmes besoins, la plantation de variétés différentes chaque année permet de ne pas appauvrir le sol en matière organique et ainsi de ne pas avoir à compenser les besoins de la culture par le biais d’engrais chimiques. Le fait de changer les plantations à chaque saison a un deuxième effet positif, à savoir celui d’éviter les maladies propre à chaque culture de se développer. L’organisation est la suivante, l’exploitant maraicher va planter de façon alternative des salades, poireaux, choux, oignons blanc, puis une céréale d’interculture. La céréale

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Cultures maraÎchères, 2013

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d’interculture est utilisée si le terrain se retrouve vide de toute plantation à un moment donné dans une saison. Celleci est une céréale lambda, du blé, maïs, orge, tournesol, ou autre, qui ne sera pas récoltée mais broyée et enterrée alors qu’elle ne sera pas encore à maturité. La céréale va enrichir le sol en engrais naturel et parer à l’érosion de la parcelle grâce à son système racinaire. I.2.3. Exploitations voisines. Le secteur où se trouve notre propriété est le lieu de deux autres résidences individuelles de familles d’agriculteurs et de leurs dépendances agricoles. Le reste du territoire étant exclusivement des territoires agricoles réservés à la production céréalière et maraîchère. La famille D., qui habite à 250m au Nord-Ouest du domaine familial, a une activité de production maraichère. Monsieur D., issu d’une famille d’exploitants agricole sur la commune de Vancia, n’avait pas pour vocation première de suivre le tracé familial. Après un BTS dans le domaine de l’élevage suivi d’une formation dans la production laitière, et un BTS dans la floriculture, domaine de production alors en difficulté en France, il décide de se lancer dans le maraîchage. A la suite d’un BTS «Cultures Légumières», il choisi la sécurité en reprenant l’entreprise familiale avec une exploitante bien portante et des débouchés commerciaux en développement. Le 1 mai 1988, il s’installe dans l’entreprise familiale avec sa compagne, Madame D. rencontrée pendant les études, en tant que salariés. En juillet 1990, ils décident prendre leur indépendance et de quitter la société familiale pour monter leur propre entreprise de production maraichère. A cause de l’urbanité du hameau de Vancia, ils prennent conscience qu’ils ne peuvent continuer à travailler sur ce site. Par le rejet des eaux de lavage et boueuses dans les réseaux de la ville, la proximité des habitations à ce lieu bruyant, et l’espace de travail limité qui les obligeaient à empiéter sur la voie publique le temps de déchargement d’un convoi, ils décident de s’installer 1km plus loin, dans la campagne du hameau du Mas-Rillier. Appuyés financièrement par la famille, ils construisent alors leur lieu de résidence, une villa de 120m2, attenante à un bâtiment de production de 600m2, sur la commune de Miribel.

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Entreprise maraÎchère et habitation de monsieur D., 2013

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Ils créent l’entreprise maraîchère SARL Les Grandes Terres en 1994 pour la production, et la société SARL D. pour le commerce et la vente de leur production à des magasins. Avec une surface de 8 hectares au lancement et au vu de la pression exercée par les centres de distribution, Monsieur D. décide de limiter les variétés de cultures pour se concentrer et produire en plus grande quantité de la betterave rouge, des poireaux, des oignons blancs, des salades, des choux et des épinards en plus grande quantité. Il acquiert de plus en plus de terrain au fil des ans, d’une part par un héritage familial, et par des investissements sur le territoire de travail. Le sacrifice des épouses d’agriculteurs est un élément important dans le choix de vie. Dans le cas de madame D., floricultrice de formation, elle a du renoncer à sa carrière pour s’installer sur le secteur. Impliquée dans le métier de son mari, elle s’occupe de la vente des produits sur les marchés de gros deux fois par semaine, et a décidé de ne pas travailler plus pour s’occuper de ses enfants. Avec une bonne maitrise de la culture maraîchère mais peu de connaissances dans le domaine de la mécanique, enjeu important pour le bon développement de l’entreprise, D. décide en 2000 de s’associer avec un autre exploitant maraicher, monsieur M. Ce dernier est formé en mécanique agricole et est installé sur la commune de Neyron, il fournit alors un seul client grossiste lyonnais. Après un contrat d’entraide d’un an, pour confirmer de la bonne entente et du fonctionnement en association, ils ont tout deux bien défini leur rôle et leurs fonctions dans la nouvelle entreprise montée, la SARL Les épinettes. D. s’occupe du commerce, du personnel et du côté technique des cultures, M. gère quant à lui le côté mécanique. L’entreprise se porte actuellement à une surface de 145 hectares de SAU, dont 83 hectares de D. et 62 hectares apportés par M. En 2002, suite au rachat infructueux d’une société maraîchère dans les Monts du Lyonnais par le biais d’un groupement de sept producteurs, D. se voit déposer le bilan pour ses trois sociétés en 2004, et endetté de plusieurs millions d’euros auprès des banques et fournisseurs. Un plan de continuation a alors été voté pour laisser un délai de 15 ans à l’entreprise pour rembourser ses dettes.

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Le siège de l’entreprise et son territoire d’exploitation maraîcher.

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Fraicheur Lyonnaise est une société née en 2000, de l’alliance de l’entreprise D. avec une autre entreprise maraichère de Cailloux s/Saône, celle de monsieur B.. Elle n’avait pas pour vocation de faire du commerce, avant le dépôt de bilan. Elle récupéra en 2004, le portefeuille client de la société qui s’était effondrée, afin que l’activité maraîchère continue. L’entreprise de D. embauchent 10 salariés permanents, des prestataires de services régulièrement et jusqu’à 55 salariés saisonniers lors des grandes périodes de travaux, notamment au mois de juillet. L’entreprise s’étend sur un territoire de 145 hectares de SAU, répartis entre les communes de Mionnay (28 ha), Rillieux (1,7 ha), Reyrieux (1 ha) et dans un territoire plus proche du siège de l’exploitation, soit environ 115 hectares sur le site d’étude. Pour le travail, la proximité de l’entreprise à la ville est bénéfique. Les grands magasins et leur centrale de distribution à distance limite les frais de logistiques, qui peuvent devenir importants dans le budget de l’entreprise. Cette proximité est cependant parfois gênante, notamment du fait d’une grande incompréhension entre les citadins et les agriculteurs. Par exemple, de nombreux habitants sont très vite incommodés par les odeurs de fumier, D. doit donc compenser ces apports par du compost, qui n’est pourtant pas aussi rentable écologiquement et économiquement. Proche de grands axes routiers, le maniement des engins hors de la parcelle devient vite périlleux. Les routes salies par les engins agricoles doivent impérativement être nettoyées. L’arrosage des parcelles est rendu difficile car il ne faut surtout pas mouiller les routes, sous peine d’avertissement de la part des services communaux. L’image de l’agriculteur comme un pollueur est très présente dans la vision du citadin étranger au travail de la terre. L’entreprise a ainsi aménagé les horaires des salariés les jours de traitement afin de les faire commencer plus tôt pour limiter la vue des matériels de traitement aux habitants des communes. Les problèmes de voisinage sont également permanent. Face aux plaintes des riverains, l’entreprise, autrefois équipée de bazookas pour effrayer les nuisibles, a du s’adapter à ce voisinage et investir dans des effaroucheurs, appareils qui imitent le cri d’oiseaux en détresse, très efficaces. C’est ainsi

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L’urbanisation grignote le territoire agricole, nouveau lotissement à Vancia, 2013

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dire une constante adaptation des pratiques agricoles au mode de vie urbain. Les agriculteurs du secteurs dépendent du département de l’Ain, la ville de référence est ainsi celle de Bourg-en-Bresse, plus loin que la ville Lyon. Cette chambre d’agriculture est cependant plus proche des agriculteurs et de la réalité du métier que celle de la ville de Lyon. Dans le cadre de la vie quotidienne, cette proximité à la ville est avantageuse par la présence de grandes écoles et des grands équipements commerciaux et culturels. Cette relative distance à la ville est cependant parfois, surtout pour les enfants des agriculteurs, synonyme d’exclusion sociale. L’ambiance ici n’est pas la même que dans un lotissement, proche de ses amis, et le secteur est assez mal desservi par les transports en commun. L’urbanisation grignote petit à petit le territoire agricole de l’entreprise. La famille D. s’est vue il y a 5 ans, vendre 1 600 m2 de terrains exploités devenus constructibles, dans le hameau de Vancia, pour la construction d’un lotissement pavillonnaire. Bien entendu, si le prix est de mise, aucun agriculteur, aussi consciencieux soit-il, ne refusera de vendre son lopin de terre constructible. Monsieur D. a également vu disparaitre de grands territoires pour des infrastructures nationales comme l’autoroute ou la voie ferrée, construite à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver d’Albertville en 1992. Monsieur D. ne se voit pas travailler autant après 55 ans. N’ayant pour l’instant aucun repreneur dans sa famille, il espère, d’ici cet âge, opérer une phase de transition et voir son entreprise, ce travail d’une vie, continuer sur sa lancée grâce à ses collaborateurs. Autre exploitation agricole voisine, la famille G., qui habite à 100m à l’Ouest, a une activité de production céréalière. Ils se sont installés sur ce terrain en 2000. Quelques uns des terrains du site d’étude leur appartiennent. Le rayon d’action de l’entreprise est plus important. Autres ceux présentés ci-dessus, les propriétaires des autres terrains agricoles sont répartis entre de nombreux paysans et agriculteurs exploitants, céréaliers ou maraichers, des communes alentours, à savoir celles de Neyron (4 exploitants), du Mas-Rillier (10 exploitants) ou bien de Vancia (2 exploitants). 23


I.3. Ville alentour. I.3.1. Vivre sur plusieurs territoires. Le territoire étudié, est le lieu de rencontre de trois différentes communes et deux départements, il fait la liaison entre la Dombes et la ville de Lyon. Il est bordé à l’Ouest par la bretelle d’autoroute Lyon-Paris A42 et le village de Vancia (commune de Rillieux-la-Pape). On trouve au Nord une nouvelle construction autoroutière, l’A432 ouverte en 2010 et à l’Est, le hameau du Mas-Rillier (commune de Miribel). Enfin au Sud, le secteur est bordé par la commune de Neyron. La vie s’organise ainsi sur plusieurs territoires. La proximité de notre lieu de vie à la ville de Lyon offre bien des avantages, médecins généralistes ou spécialistes sont à portée de main. Les équipements culturels lyonnais, comme l’Opéra de Lyon, le théâtre des Célestins ou les nombreux complexes de cinéma sont également des lieux proches et nous permettent de nous y rendre dès qu’on le souhaite. La proximité des grandes écoles (l’Ecole d’Infirmière ou l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon, dans le cas de notre famille) ne nous obligent pas, ma soeur et moi à devoir déménager pour nos études post-bac, et bien entendu en possédant une voiture, nous habitons chez nos parents et nous nous rendons quotidiennement en cours. Enfin, Lyon offre de très nombreux espaces de services commerciaux ou administratifs desquels nous pouvons profiter en permanence. Tout en étant proche de la ville, notre habitat à la campagne a également ses avantages. C’est seulement à une certaine distance de la ville que les habitants sont en mesure de posséder un si grand domaine, verdoyant et calme. Nous ne connaissons pas les problèmes de voisinage, de stationnement, de nuisances sonores ou olfactives, et nous nous savons respirant un air pur. Cette distance à la ville pose parfois problème. En effet, il nous est indispensable de posséder une voiture, le site étant peu desservi par les transports en commun. Ainsi, la vie d’adolescent dans ce lieu n’est pas évidente, notre réseau social, les complexes commerciaux sont à l’écart, et l’on se sent alors marginalisé, loin de toute vie sociale «normale».

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I.3.2. Neyron. Au Sud de la route de Vancia, se tient la commune de Neyron (Ain). Cette petite commune d’une surface de 5,2 km2, était composée de seulement 1 125 habitants lors de l’acquisition du terrain comme lieu de villégiature par mes grands-parents en 1974. Elle s’est fortement développée en abritant plus de 1 800 habitants l’année de l’acquisition du domaine par mes parents et de la construction de la villa en 1992. Elle compte aujourd’hui 2501 habitants au 1er janvier 2013. La commune, installée sur une colline, offre une amplitude d’altitude de 150m. La zone des Brotteaux, à une altitude de 164m, fait partie du Grand Parc naturel de Miribel-Jonage, c’est le bourg de Neyron, appelé Neyron-le-bas de part sa position topographique, et elle est le coeur de la commune. C’est un secteur d’activité secondaire où on trouve la mairie, les écoles maternelles et primaires, les services de police et les pompiers, les nombreux commerces (surtout de proximité) et accueille les loisirs sportifs (tennis, football) ou créatifs, notamment les activités extra-scolaires des enfants. Le plateau de la Côtière, Saint Didier, culmine à 314m d’altitude, c’est le secteur de Neyron-le-haut qui propose des activités de type primaires et tertiaires. On trouve ici la totalité des territoires agricoles Neyrolands parmi lesquels se trouve le domaine étudié dans ce rapport. Elle comprend aussi le secteur d’activité de Sermenaz, partagé avec la commune de Rillieux-la-Pape, qui accueille de nombreuses industries et usines, ainsi qu’un lycée général et professionnel. La commune de Neyron permet de relier de nombreuses communes de l’Ain, telles que Miribel, Beysnot, Montluel ou Meximieux à la ville de Lyon, grâce à l’artère importante qui prend place en son bourg, ou sa gare ferroviaire. Neyron est située au Nord de Vaulx-Velin, séparée de cette dernière commune par le parc de Miribel-Jonage. Notre propriété étant localisée sur la commune de Neyron, nous devons nous reporter à celle-ci ainsi qu’à la ville de Bourg-en-Bresse, préfecture du département de l’Ain, pour tout document officiel administratif. Nous aurions également du nous reporter à la commune de Neyron pour notre éducation, l’école primaire Pierre

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La mairie de Neyron en 1900 et en 2013 26


Racine étant notre école de référence. Cependant, ne trouvant aucune nourrice sur le secteur, mes parents ont alors demandé une dérogation pour nous inscrire à l’école Henri Deschamps sur la ville de Miribel, où notre vie sociale s’est alors développée. I.3.3. Miribel. Au Nord et à l’Est du secteur étudié, on trouve le hameau du Mas-Rillier, appartenant à la commune de Miribel (Ain). Cette dernière était quant à elle composée de 6 103 habitants en 1974 et de plus de 7 700 habitants en 1992. Elle est aujourd’hui composée de 9 310 habitants sur un territoire de 24,5 km2, ce qui représente une densité de 376 habs/km2. Elle est le chef-lieu du canton de Miribel qui regroupe plus de 20 000 habitants sous l’égide de cinq communes, à savoir celles de Saint-Maurice-de-Beynost, Beynost, Thil, Neyron, et bien sûr Miribel. Son territoire est étendu puisque la ville de Miribel regroupe le hameau des Echets, qui se trouve à l’orée du plateau de la Dombes, et celui du Mas-Rillier, qui est situé sur le coteau de la Côtière. La ville de Miribel est topographiquement divisée en trois parties distinctes. Au Sud, la zone du Parc de Miribel-Jonage et du canal de Miribel (qui est une déviation temporaire du Rhône) culmine à 170m. On trouve dans cette zone peu d’habitations, la gare ferroviaire de Miribel et le chemin ferré reliant les villages de l’Ain à l’Est à la ville de Lyon à l’Ouest et qui sépare la ville de Miribel de son cours d’eau. On trouve également un grand quartier industriel bordant le canal où sont implantées de grandes entreprises comme Cemex ou Philips France. Plus au Nord, on trouve la route de Genève, grand axe routier traversant qui marque le début du coteau sur lequel on trouvera le hameau du Mas-Rillier. Cet axe important traverse le centre-ville composé de la très grande majorité de commerces (de proximité ou de grande distribution), de services (mairie, pompiers, gendarmerie, bureau de poste), d’équipements (sportifs, culturels ou éducationnels) et d’habitations résidentielles de type barre (quartier HLM du Trèfle ou des Célestins), maison de village le long de la route de Genève, et maison mitoyenne ou villa avec jardin.

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La rue commerciale de Miribel en 1900 et en 2013


Plus au Nord encore, la ville atteint le plateau de la Dombes et les coteaux du Mas-Rillier et Les Echets culminant à 315m d’altitude. Le hameau du Mas-Rillier, est un ancien village médiéval où on trouve l’église Notre-Dame-du-Sacré-Coeur, ainsi qu’une statue de la vierge du même nom, plus haute statue religieuse de France, accompagnée d’un carillon. Mis à part quelques commerces de proximité, à savoir un bar/ restaurant/hôtel/bureau de tabac et une boulangerie, une salle polyvalente et une école primaire, la quasi-totalité des constructions du hameau sont des résidences, le plus souvent d’habitants travaillant dans la ville de Lyon. Le hameau Les Echets, est composé d’une chapelle (construite en 1945), d’une école primaire et maternelle, de quelques services (station essence, bureau de tabac) et de quelques grands restaurants étoilés. On trouve à l’entrée de la commune de nombreuses entreprises industrielles. Le hameau est divisé en nombreux quartiers et lotissements résidentiels, on y construit de nombreuses villas ou maisons mitoyennes ainsi que de petits immeubles de quatre étages au maximum. Comme nous allions à l’école dans la ville de Miribel, mes frères et soeurs et moi nous sommes liés d’amitiés avec des Miribelans. Ainsi, nous avons pris l’habitude de vivre dans cette ville et nous y sommes très attachés. Sans aucun transport en commun à proximité, il était indispensable à mes parensts de posséder une voiture et de faire des allers-retours quotidiens pour nous rendre à l’école, chez le médecin, ou faire des courses. Avec quatre enfants, l’organisation était parfois très complexe et les trajets devaient être regroupés au maximum. Amis, loisirs, éducation (écoles maternelle, primaire puis collège), santé et commerces, la ville de Miribel offre l’essentiel des services indispensables à la personne. Depuis 2012, la communauté de commune de Miribel a développé son réseau de transport en commun le long de la route de Genève, en reliant au mieux les communes de l’Ain à la ville de Lyon, et a mis en place un nouveau réseau de bus appelé Colibri qui dessert les hameaux de la commune.

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La mairie de Rillieux en 1900 devenue centre de la MJC en 2013 30


Le Mas-Rillier, les Echets sont maintenant reliés à la ville et il est plus facile, pour les personnes n’ayant pas accès à la voiture, de se déplacer dans la commune. I.3.4. Rillieux-la-Pape. A l’Ouest du site d’étude se trouve la hameau de Vancia, qui dépendait de la commune de Miribel jusqu’en 1968, et qui a maintenant changé de département pour appartenir à la commune de Rillieux-la-Pape (Rhône). Cette dernière, qui accueillait 30 624 habitants en 1974 et plus de 30 800 en 1992, en accueille aujourd’hui 30 375 sur une superficie de 14,55 km2 (soit une densité de 2 088habs/km2). C’est une des cinquante-huit communes qui composent la communauté urbaine du Grand Lyon. On remarque donc une faible croissance de cette commune ces dernières années. La ville de Rillieux est équipée de la polyclinique Lyon-Nord, construite en 1969. C’est un établissement privé d’environ 200 lits. Elle fait partie des trois services d’urgences desservant la région lyonnaise avec l‘hôpital de La CroixRousse et l’hôpital Edouard-Herriot. La ville est desservie par un réseau ferroviaire TER reliant Lyon à Bourg-en-Bresse et Lyon à Genève, par le biais de deux gares, à savoir la gare de Sathonay-Rillieux, et la halte de Crépieux-la-Pape. Elle est également alimentée par le réseau de transports en commun lyonnais des bus TCL. Rillieux-la-Pape se découpe en neuf quartiers. Ce sont des secteurs plus ou moins résidentiels (du pavillon à la barre de logement d’après-guerre), commerciaux, ou industriels où l’on trouve de nombreux groupes scolaires, et lycées, des équipements sportifs, et surtout des équipements administratifs. Ces quartiers sont ceux des Alagniers, Crépieux, Europe/ Mont-Blanc, La Roue, Mercières / Victor-Hugo / LoupPendu, Semailles, Rillieux-Village, La Velette et Vancia. Le quartier de Vancia, qui est intégré dans le site d’étude, a gardé son esprit villageois. Ses maisons de village et ses commerces de proximité bordant la route de Strasbourg côtoient des villas en lotissement et de petits immeubles discrets. Le hameau est construit d’une église et d’un groupe scolaire.

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Le hameau de Vancia en 1900 et en 2013

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I.3.5. Croissance urbaine. Ces communes sont en constante expansion et elles influencent le territoire de différentes façons. L’autoroute A46 qui relie Paris à Marseille et qui passe entre le site d’étude à l’Est et le hameau de Vancia à l’Ouest, provoque par sa saturation fréquente, le détournement des automobilistes par les routes campagnardes qui traversent le secteur étudié. Ainsi, depuis 20 ans, la circulation automobile dans les lieux-dits Les épinettes, Fontamaret et Séveillant, ne fait que croitre. En 2010 a vue le jour une nouvelle bretelle d’autoroute au Nord, l’A432, au niveau du hameau des Echets. Créée pour désengorger l’A46, elle évite le centre-ville de Lyon et contourne la ville par l’aéroport de Saint-Exupéry avant de rejoindre le territoire des Alpes. Elle est encore peu utilisée, du fait qu’elle soit encore mal connue des automobilistes, qu’elle ne soit pas gratuite, et que la grande majorité des utilisateurs de l’A46 l’empruntent non pour traverser la ville, mais pour aller en son centre. L’expansion des communes alentours ont souvent posé la question de l’expansion urbaine sur le territoire rural alentour. Un projet de création d’une zone commerciale comprenant un hypermarché et divers magasins a eu lieu en 2000 à la frontière des communes de Neyron et de Rillieuxla-Pape. Pensé afin de désengorger la ville de Rillieux-laPape, il remettait en question le plan d’occupation des sols de la ville de Neyron et une très grande partie du secteur serait devenu constructible. Cependant, la perte des terrains agricoles de ce lieu aurait provoqué l’arrêt complet de l’entreprise maraîchère de M. et Mme D., qui se seraient vu licencier la totalité de leurs salariés, soit une cinquantaine de personnes. De nombreux paysans du secteur auraient de même subit la diminution de leur patrimoine agricole. Ainsi, après la pression exercée sur les maires par l’entreprise D. et quelques autres exploitants agricoles, le projet a été abandonné. Cependant, certains propriétaires des terrains concernés, voyant leurs terres prendre une valeur considérable, étaient pour l’élaboration de ce projet.

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En 2012, un projet de création d’un terrain d’accueil pour les gens du voyage a été programmé sur le secteur, à l’endroit même où avait pris place le projet de centre commercial douze ans auparavant, sur un territoire agricole Neyroland. Il était pensé pour être en lien direct avec la sortie d’autoroute et installé à l’extérieur de la commune, près de quelques entreprises agricoles et de lotissements pavillonnaires. Cependant, notamment par la pression faite par les habitants des zones résidentielles proches du site auprès du maire, ce dernier à annulé le projet et une zone d’accueil à récemment été réaménagée dans la zone industrielle de la commune de Rillieux-la-Pape.

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II. LE METIER D’AGRICULTEUR.

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Hangar Agricole, 2013

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II.1. Être agriculteur. II.1.1. Activités. Pas d’horaires, pas de salaire, pas de vacances. Le métier d’agriculteur est difficile. Il faut aimer plus que tout ce travail de la terre avant de se lancer dans cette aventure. Il est aussi important d’avoir un capital de départ conséquent car les investissements dans le matériel nécessaire est primordial à toute activité. Fils et petit-fils de paysans dans le Rhône, mon père est agriculteur céréalier. Il est le gérant d’une entreprise de travaux agricoles, et propriétaire d’une exploitation agricole. L’Entreprise de travaux agricoles, montée en 1988, représente 70% du travail. C’est une activité de prestation de services. Elle s’occupe de la culture et de la récolte de céréales sur des terres agricoles appartenant à différents propriétaires, qui restent les seuls décideurs des activités à mener. Les superficies varient selon les activités à mener, le semis de maïs représente environ 700 hectares, le semis de blé 450 ha, le labour 350 ha et la moisson des récoltes environ 850 hectares. Il faut savoir que le matériel agricole nécessaire à la culture de ces céréales représente une somme très importante et qui impose des prêts bancaires conséquents. Une moissonneuse-batteuse performante peut atteindre les 300 000 € neuve. L’entreprise emploie un salarié permanent et un saisonnier pendant les grosses périodes de travaux. L’entraide entre collègues agriculteurs et l’aide familiale sont également appréciées, afin de regrouper au mieux les activités. Dans les périodes de grande activité, les horaires de travail deviennent indécents, levé à 4h du matin pour rentrer vers minuit ou 1h du matin, l’agriculteur ne connait ni les weekends ni les jours fériés. Seule la météo lui dictera s’il peut travailler ou non ce jour-ci. Dans les périodes plus calmes, afin de rester en activité, mon père à essayer au fil des ans de se diversifier. Ainsi, il propose maintenant de l’élagage, ou du transport de fumier, très convoité pour enrichir les terres naturellement. L’Exploitation agricole consiste à la culture de terrains en propriété ou loués par mon père, dont il est le seul et unique

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Dose totale prévisionnelle d'azote MONSIEUR DESFARGES

Blé C a m p a g n e

Parcelle : LA GARE

Sol : Limon argileux

F-506094-X

Ilot : 1 Surface : 9.06 ha

Précédent : COLZA AVEC REPOUSSE

Variété : PAKITO

Semis : 08/10/2012

Densité (grains/m²): 305

4°54'56.7''E/45°53'54.3''N

2 0 1 2

Carte d'azote absorbé Azote absorbé dans la parcelle en Unités (U)

-

0 10 20 30 40+ Bilan simplifié pour un objectif de rendement de 85.0 q/ha Besoin de la culture 238 U Reliquat après récolte 35 U -32 U Azote moyen absorbé sortie hiver Minéralisation (humus + précédent, effet CIPAN, -55 U Vos données arrière effet prairie) Reliquat sortie hiver -40 U U U Apport matière organique de l'année 0 U

2 0 1 3

Dose totale conseillée (forme solide)

V o s

146 U

U

AZOTE : Mettez en réserve 40 U d'azote pour le pilotage de l'apport fin montaison. Cette dose sera réévaluée en cours de montaison par Farmstar SOUFRE (Méthode ARVALIS) : estimation de la carence : risque faible, pas d'apport conseillé.

p a r c e l l e s v u e s

Prochains stades : 0

200

- Epi 1 cm vers le 31/03/2013, - 1 noeud vers le 13/04/2013.

Origine des données climatologiques :

Projection : France Zone II étendu

Produit soumis à licence d'utilisation : reproduction interdite sans autorisation - 08/03/2013.

Photo-satellite FarmStar, 2013

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d u c i e l


décideur sur les activités à entreprendre sur ces terres. Créée en 1996, elle représente une superficie de 105 hectares dont 13 ha en propriété. Les cultures de ces terres sont gérées par l’entreprise de travaux agricole. Elles sont constituées de céréales et oléagineux; blé, orge, maïs, colza. Le financement de l’exploitation agricole se fait à l’aide d’un prêt bancaire appelé prêt d’emblavure, qui couvre en premier lieu l’achat important de semences et d’engrais, indispensables à la culture. Ce prêt est remboursé ultérieurement, après la récolte, par les primes PAC, et par la vente de la récolte. La prime PAC est calculée à l’hectare. Il y a quelques années, le prix des céréales était tellement bas, qu’elle seule donnait un maigre salaire aux agriculteurs. Elle tend à diminuer au fil des ans, dans l’objectif que le cours boursier des céréales qui conditionne la vente de la récolte suffise à payer l’agriculteur de son travail. Après l’achat des semis, la culture des céréales, puis la récolte arrive l’étape de la vente de cette dernière. Mon père vend 70% de sa récolte à un organisme stockeur, l’entreprise Bernard. Cette dernière lui achète selon un principe d’acompte et complément. C’est à dire que le prix fixé est le prix du marché sans négociations, puis selon la future bonne vente ou non des céréales, ils viendront compléter cette somme ultérieurement, si besoin. Le restant de la récolte est vendu par l’entreprise de mon père sur le marché à termes, bourse céréalière internationale. Il peut alors arriver que les céréales soient vendues avant la récolte, voire avant même qu’elles soient semées ! II.1.1. Environnement. L’entreprise prône une politique environnementale d’agriculture raisonnée. Cela consiste à l’utilisation intelligente de traitements par l’appui d’analyse de sol et d’une photosynthèse faite par satellite, afin de ne pas utiliser d’engrais ou autres produits nocifs si ce n’est pas nécessaire. Ainsi, l’exploitation enregistrée sur un satellite, est photographiée trois fois par saison, aux mois de février, mars, avril, et selon la couleur des semences, l’agriculteur peut régler son matériel de façon à utiliser plus ou moins d’engrais selon les résultats de la photographie sur les zones de la parcelle. Il faut également réfléchir pour faire

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avec la nature, comme l’exemple d’utiliser certains produits agressifs pour les insectes en fin de journée, pour ne pas tuer certains spécimen comme les abeilles qui butinent en journée. Les produits de traitements sont également de mieux en mieux développés afin d’être plus performants et moins nocifs pour l’environnement. Enfin, l’Etat propose des primes et des financements pour que l’agriculteur investisse dans des dispositifs écologiques. Ainsi, mon père à récemment fait construire une plateforme phytosanitaire de lavage du matériel agricole. Plutôt que de laver son matériel sur du remblais et de laisser les produits nocifs partir en pleine nature, la plateforme peux maintenant diriger les produits dangereux vers une fosse microbienne qui nettoie les produits de façon écologique grâce à des bactéries, avant de rejeter l’eau dans la nature.

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II.2. Travailler plus loin. II.2.1. Installations. Après des études de menuisier, mon père choisit en 1985 de suivre la lignée familiale d’agriculteurs et travaille comme salarié pendant deux ans dans une entreprise de travaux agricoles sur la commune de Mionnay (Ain). En 1988, il décide de se mettre à son compte et fonde une entreprise de prestation de services pour la culture de terres agricoles. Il ne possède alors aucune exploitation agricole et les seuls terrains cultivés appartiennent à des propriétaires extérieurs. En 1996, il s’associe avec son ancien patron et, ensemble, ils fondent la SCEA La Griotte, du nom du lieu-dit de l’entreprise, et une SNC à Mionnay. Cette société de travaux agricoles se développe et embauche quelques salariés, notamment saisonniers. Ils décident alors d’investirent dans des terres sur le secteur d’activité afin de se créer une exploitation agricole propre. Après leur séparation en 2002, les deux associés établissent de nouvelles sociétés en leur nom propre. Mon père implante l’ETA Hervé Desfarges sur Neyron, son lieu de résidence. Il dirige alors un petit domaine agricole, acquis entre 1996 et 2002, sur le plateau de la Dombes, dans les communes de Mionnay, Saint-Marcel en Dombes ou Genay. Comme on a pu le voir dans la partie précédente, aucun terrain autre que notre domaine de résidence n’appartient à ma famille. Ainsi, mon père a fondé le développement de son activité professionnelle dans un territoire plus large et s’est développé sur le territoire de la Dombes, ainsi que sur le plateau Lyonnais. II.2.2. Rayons d’action. L’entreprise de travaux agricoles exerce son activité dans un rayon d’action de 50 kilomètres du domicile, en passant par les villes de Bourg-en-Bresse à Villefranche s/Saône. Les terres de l’exploitation agricole sont situées dans un rayon de 15 kilomètres. Séparées entre les départements de l’Ain et du Rhône, elles se trouvent sur les communes de Saint-Marcel en Dombes, Mionnay ou Genay.

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10 Ha

40 Ha

45 Ha

17km

14km

21km

DOMICILE Crottet

Vinzelles

Treffort-Cuisiat

Confrançon Polliat

Crèches-sur-Saône

Viriat

Meillonnas

Vonnas

La Chapelle-de-Guinchy

Beaujeu

Territoire de l’Exploitation Agricole

Fleurie Saint Didier-sur-Chalaronne Villié Morgon

Bourg-en-Bresse Peronnas

Jasseron Ceyzériat

Neuville-les-Dames Tossiat

Régnié-Durette Quincié-en-Beaujolais

Chatillon-sur-Chalaronne

Belleville

Lent Saint-Paul-de-Varax

Montmerle-sur-Saône Saint-Georges-de-Reneins

Poncin

Marlieux Pont-d’Ain

Blacé

Arnas

Saint-Jean-le-Vieux

Villeneuve Villars-les-Dombes

Villefranche-sur-Saône Limas

Priay

Chalamont

Ambronay

Ambérieu-en-Bugey Anse Le Bois-d’Oingt

Trevoux Saint-André-de-Corcy

Quincieux Genay Lissieu

Bully L’Arbresle Lentilly Savigny

Neuville-sur-Saône

Caluire et Cuire Bessenay

Ecully Veaugneray

Villebois Saint-Vulbas Montalieu-Vercieu

Jonage Meyzieu

LYON

Sainte-Foy-lès-Lyon

Lagnieu

Beligneux

Montluel Miribel Balan NEYRON Rillieux-la-Pape

Limonest

Tenay

Meximieux

Briord

Chavanoz Pont-de-Chéruy

Bron

Genas

Oullins

Crémieu

Creys-Mépieu

Rayon d’action de l’Entreprise de travaux agricoles 42


Originaire du village de Genay, proche de la ville de Neuville s/Saône, dans le département du Rhône, mon père à hérité et repris en 2003 l’exploitation agricole familiale de ses parents. Afin d’être plus proche de son foyer et de perdre moins de temps dans la circulation, mes parents ont fait construire un hangar agricole sur notre terrain en 2005, pour entreposer le matériel.

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25% du PIB de la France et 70% du PIB mondial seraient directement influencés par les conditions météorologiques. C’est ce qu’on appelle la météo-sensibilité. Source GEA France.

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II.2. Evolution. II.2.1. Contexte. Dans un contexte urbain où la ville est en constante expansion sur les territoires ruraux, l’entreprise agricole perd de 0,5 à 1 hectare de terres exploitée par an (soit 5 à 10%) au profit de l’urbanisme, pour la construction d’autoroutes, de lotissements ou de zones industrielles. L’agriculture est à la merci du temps et par conséquence des cours boursiers. Certaines corporations sont parfois en difficulté économique, comme récemment les éleveurs laitiers. Cultivée pour nourrir la planète, la céréale est un enjeu majeur économique mondiale qui, de ce fait, est largement spéculé sur les marchés boursiers selon le principe de l’offre et de la demande. Un évènement climatique dévastateur comme des grosses intempéries ou une importante sécheresse sur un continent, comme aux USA l’été 2012, et les cours boursiers montent en flèche. A contrario, si tous les continents cultivent des céréales en quantité, ils sont alors plus nombreux à devoir se partager le gâteau. II.2.2. Croissance. Le développement de l’entreprise se fait pour une grande part par le bouche à oreille. Par son bon travail, l’entreprise se fait recommandée par ses clients pour de nouveaux chantiers. Récemment, mon père s’est su attribué d’un nouveau travail important. Préconisé par un client de longue date pour son travail de qualité, une récente entreprise lui propose une nouvelle activité, qui nécessiterait de nouveaux investissements dans du matériel. L’agrandissement de l’activité se fait petit à petit, par l’achat de nouvelles terres pour agrandir l’exploitation agricole, et par la recherche de nouveaux clients, pour agrandir l’entreprise de travaux agricoles. L’entreprise, afin de répondre au mieux au travail demandé, se voit en permanence investir dans du nouveau matériel agricole, moissonneuse-batteuse, semoir, tracteur... Cependant, il faut savoir que l’entreprise ne cherche pas forcément à s’étendre dans de nouvelles activités agricoles, ni dans de nouveaux secteurs géographiques. En effet, à moins d’un contrat intéressant, ces expansions nécessiteraient

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de nouveaux investissements, trop importants pour la trésorerie de la société. Il est impossible pour un céréalier de travailler sur des secteurs trop éloignés. Premièrement car le déplacement des machines agricoles est difficile et nécessite du personnel, pour convoyer le chauffeur, et du temps, au vu de la vitesse maximale du matériel sur route n’excédant pas 40km/h. Secondement car les dates de cultures, les plantations comme les récoltes, se font dans des périodes courtes. Il faut alors que l’agriculteur investisse dans du matériel pour travailler dans plusieurs zones à la fois. Il est une tache ardue que de trouver du personnel qualifié ET intéressé. Dans ce domaine professionnel saisonnier, nombreux sont ceux rebutés par le maigre salaire et les heures de travail éprouvantes durant les grosses périodes de travail. Le futur de la société familiale est encore flou. Jusqu’à ce jour, aucun des enfants de mon père n’est intéressé pour reprendre les rennes de l’entreprise. Il faudra alors voir le jour voulu, si le salarié actuel se sent prêt à diriger l’activité de travaux agricoles. Si personne n’est intéressé, la société sera démantelée et le hangar loué à une personne extérieure, agriculteur, artisan ou autre.

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III. LE PROJET COMME OUTILS D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE.

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III.1. Les moyens mis en oeuvre pour la conservation de territoire rural. Afin de protéger le territoire vis-à-vis de l’expansion de la ville, plusieurs outils spéciaux sont mis en place par le gouvernement ou les collectivités territoriales et locales. III.1.1. Taxes. Depuis 2010, l’Etat Français a mis en place une taxe sur la vente des terrains agricoles rendus constructibles. Due par le propriétaire à la première cession à titre onéreux du terrain, elle est calculée selon la plus-value réalisée. Ainsi, pour un terrain dont la plus-value est comprise entre 10 et 30 fois le prix d’acquisition, cette dernière est taxée à hauteur de 5%, et de 10% si la plus-value réalisée est supérieure à 30 fois le prix d’acquisition. Cet outils a pour but, pour le gouvernement, de faire face à la forte augmentation des prix des terrains constructibles non bâtis, et à la pénurie de foncier disponible pour de nouvelles construction. III.1.2. PLU. Par délibération du 11 septembre 2008, la commune de Neyron a décidé la révision du POS et l’élaboration du PLU. Le PLU planifie l’urbanisme communal et permet une certaine maîtrise de l’espace et de la pression foncière. Il permet à la commune de disposer d’un document d’urbanisme, qui non seulement définisse la destination générale des sols, mais propose un cadre de cohérence des diverses actions d’aménagement engagées. Le PLU a plusieurs objectifs. Restructurer l’aire urbaine de façon harmonieuse et cohérente, préserver l’environnement et le patrimoine architectural, ainsi que d’inscrire la commune dans une démarche de développement durable. Pour ce faire, il fixe les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols qui peuvent notamment comporter l’interdiction de construire. Il délimite les zones urbaines ou à urbaniser, précise les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définit, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions. Le PLU est un document compatible avec d’autres outils d’urbanisme comme le zonage d’assainissement de la commune, le plan de déplacements urbains et le SCoT, à savoir celui du Bugey - Côtière - Plaine de l’Ain dans le cas présent.

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III.1.3. SCoT. Le SCoT est un second outils développé par les communautés de communes pour la protection et la conservation du territoire rural. Le SCoT de l’agglomération lyonnaise s’étend sur un territoire de 730 km2, il regroupe 72 communes (dont 14 extérieures au Grand Lyon) et 1 250 000 habitants. Sur ce territoire, 70% sont des espaces gérés non par du bâti, mais par une activité agricole sous pression. En effet, entre 1988 et 2000, 300 hectares de SAU (Surface Utile Agricole) et 50 exploitations agricoles ont disparu tous les ans. En 1992, le SDAL du Grand Lyon annonce que «les espaces agricoles sont un double enjeu pour l’économie et pour l’environnement». L’importance de l’activité agricole et du territoire produit est d’ores et déjà jugé comme un facteur important dans le développement des communes. Il est alors primordial de conserver une activité productive dans les campagnes périurbaines, qui puisse approvisionner au maximum les centres-villes grâce à leur production, et générer des paysages naturels, véritables poumons verts en périphérie. Le SCoT a pour objectifs de pérenniser un réseau maillé continu d’espaces naturels et agricoles à l’échelle métropolitaine, et d’ancrer une agriculture périurbaine. En agissant sur des sites porteurs d’enjeux agricoles ou environnementaux forts, la maitrise du foncier doit être clairement lisible pour garantir une activité viable, pérenne, et faciliter l’installation de jeunes exploitants agricoles. Ces actions se réalisent en deux temps, une première étape d’analyse factuelle par le recueil, l’analyse et le traitement des données va permettre de mieux connaitre le territoire, et de comprendre les enjeux avant de mettre en place une phase de concertation et de dialogue, entre les politiques, urbanistes et des acteurs locaux agriculteurs. III.1.4. PSADER-PENAP. En 2005, la Loi de Développement des Territoires Ruraux a octroyé la compétence PENAP (Protection des Espaces Naturels, Agricoles et Périurbains) au département du Rhône. Une fois le périmètre d’intervention définit, un programme d’actions est élaboré, qui définit les orientations de gestion en faveur de l’exploitation agricole et de la valorisation des espaces naturels et des paysages.

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Périmètre du SCoT de l’agglomération lyonnaise.

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En 2009, le Grand Lyon, en collaboration avec les communautés de communes de l’Est Lyonnais et du Pays de l’Ozon, dépose une candidature pour la mise en place d’un Projet Stratégique Agricole et de Développement Rural (PSADER). Il permet de bénéficier d’un soutien régional pour développer des projets qui visent la promotion de l’agriculture et du développement rural sur le territoire, à savoir la totalité de celui du SCoT. Le milieu agricole est actuellement menacé, par le manque de foncier, l’enclavement des sièges d’exploitation et les difficultés de circulation des engins agricoles en ville. Avec un budget de 4 millions d’euros mobilisables jusqu’en 2016, le programme PSADER-PENAP se développe selon trois axes stratégiques pour le secteur d’étude. Le premier est de créer des condition favorables au maintien d’une agriculture périurbaine viable. Par le biais de nombreuses actions sur le territoire, il vise à maintenir et renouveler la population agricole, maintenir une diversité de production alimentaire ou non. Ainsi qu’assurer des débouchés rémunérateurs, et répondre aux besoins de la population en produits locaux sains et respectant l’environnement et de produits issus de l’agriculture biologique, c’est à dire le développement des circuits courts. Ces actions peuvent ici consister à la création d’un atelier de transformation de légumes et fruits frais, ou de l’aide à l’installation de maraîchers bio. Le second est de gérer et améliorer les liens entre l’urbain, le périurbain et le rural. Les collectivités ont le souhait d’améliorer la cohabitation entre les riverains d’exploitations agricoles et les exploitants, de créer du lien social entre les différents contextes de la ville et de l’agriculture, entre le citadin et l’agriculteur. Enfin, l’objectif est de faciliter les conditions de circulation des engins agricoles sur les voiries de l’agglomération. Le troisième et dernier est de participer à la qualité des espaces agricoles et naturels, ainsi que des ressources en préservant la biodiversité et les paysages, la qualité de l’eau, et gérer les risques naturels, comme l’érosion des sols ou les risques d’inondation. Par le biais d’actions de mise en place de dispositif permettant de réduire les ruissellements et coulées de boue, ou l’implantation de cultures dérobées polliniques, les exploitants ont le soucis de la préservation de la biodiversité. 51


III.2. Le devenir des constructions agricoles. III.2.1. Enjeux. Si la présence d’activité agricole dans la ville élargie semble envisageable, voire primordiale dans le cas du développement durable, la cohabitation doit être clairement définie. Le désir de campagne des riverains, en dépit des représentations stéréotypées, agit comme élément déclencheur de la synergie possible entre le monde agricole et citadin. L’agriculture peut alors être porteuse de sens et considérée comme un outils d’urbanisme d’aménagement du territoire. Elle peut intervenir de différente façon dans l’espace urbain, de la plus grande à la plus petite échelle. III.2.2. Paysages Agricoles. Il est fréquent que les agriculteurs n’ont pas conscience du potentiel paysager de leur territoire d’exploitation. Les campagnes urbaines étant devenues des espaces d’habitation, les riverains attendent ainsi de l’agriculture qu’elle produise de nouvelles formes urbaines, ainsi que des espaces de nature et des paysages agréables. Les paysages agricoles contemporains, comme définit par Pierre et Rémi Janin comme «l’affirmation et la valorisation de nouvelles formes de projets de paysages agricoles pensés et affirmés d’abord pour fonction productive et la mise en place d’une nouvelle esthétique agricole, tout en étant pleinement ouverts sur l’extérieur.». Le monde rural, en constante évolution, se mue au gré des remembrements, des aménagements paysagers et des cultures qui y prennent place. III.2.3. Parcs Agricoles. Dans un contexte de précarité de statut des terres agricoles, combiné à la prise de conscience de la valeur de ces derniers espaces verts au sein des agglomérations, sur les plans écologique, économique et social, se développe dans quelques villes, françaises ou catalanes, la notion de parc agricole. Pensé dans un premier temps pour sa forme productive, c’est un espace agricole préexistant ou non qui a pour valeur d’être un espace public. Ces parcs ont pour objectif d’être au plus près des citadins, pour qu’ils prennent conscience de l’enjeu vital de l’agriculture. Nous allons expliciter cette notion par le biais de quelques exemples concrets.

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La ville de Montpellier offre un premier exemple avec l’agriparc du domaine du Mas Nouguier. Cette ancienne propriété viticole de 25 hectares, a été convertie en 2007 en parc public afin de relier deux quartiers récents. L’activité agricole de ce parc a été développée afin de continuer une production viticole, apicole et oléicole, tout en ayant un aspect pédagogique et de loisirs pour les visiteurs, notamment les écoles. Ce site doit sa sauvegarde et son identité rurale à une forte volonté de la part de la ville et des citoyens. Le parc agraire du Baix Llobregat qui se trouve à l’Ouest de Barcelone, proche du centre-ville, est l’exemple d’une agriculture dans un territoire périurbain de qualité. Ce territoire de grande tradition maraichère et de vergers a alimenté la ville par ses productions pendant plusieurs siècles. Sur une superficie de presque 3 000 hectares, il s’étend sur quatorze communes et compte environ 700 000 habitants. Elaboré en 1998 par un accord entre les différentes municipalités, il a pour objectif général la «consolidation et le développement de la base territoriale et de faciliter la continuité de l’activité agraire, en impulsant des programmes spécifiques permettant de préserver les valeurs (productives ou ressources, cours, écologiques et culturels) et développer les fonctions (économique, environnementale et sociale) de l’espace agricole dans le cadre d’une agriculture durable intégrée dans le territoire et en harmonie avec l’environnement naturel». Le développement du parc passe par le biais de différentes actions stratégiques. Dans un premier temps, la valeur productive du lieu est considérée comme primordiale, ainsi, la modernisation des exploitants doit être optimale et les services et infrastructures du parc doivent être efficaces afin de développer la production et la commercialisation des produits agricoles. Par la suite, dans un but pédagogique, ce parc doit être crée et consolidé par des espaces de qualité en harmonie avec le milieu naturel, et il faut faire connaitre le patrimoine naturel et culturel du parc au public, grâce à des rencontres.

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Le Parc Agraire du Baix Llobregat, Barcelone


Ce parc agraire est l’un des meilleurs exemples de tentative d’insertion de l’agriculture dans la ville, tant par l’ampleur du projet que par sa position stratégique à l’orée d’une métropole européenne en pleine croissance. Né du volontarisme politique catalan appuyé par l’Union Européenne, il illustre le rôle essentiel de l’agriculture périurbaine. III.2.4. Lotissements Agricoles. Dans l’idée d’une nouvelle relation ville-agriculture, le lotissement agricole propose un principe d’agencement qui regroupe les espaces bâtis qui permettent la mise en place d’espaces productifs qui ont, dans le même temps, vocation d’espaces collectifs. Ces dernières, souvent soumises à une très forte pression foncière, peuvent être préservées seulement grâce à une volonté politique forte. Les architectes et paysagistes Pierre et Rémi Janin proposent un premier projet de lotissement agricole sur des terres familiales actuellement exploitées comme pâturages pour leur troupeau de moutons. Avec une pression immobilière importante, ils proposent d’urbaniser partiellement ces terres tout en conservant leur usage agricole. Une forme hybride où seraient regroupées les habitations autour d’un vaste pâturage central où seraient plantés des arbres fruitiers. Ainsi, en période estivale, le site serait occupé par les moutons et ouvert à la collectivité le reste du temps, un système de parc partagé. Il y a de nombreux avantages à cette cohabitation, les résidents assureraient une présence humaine pour surveiller le pâturage, les eaux des toitures peuvent être recueillies pour abreuver les moutons, et les fumiers accumulés pendant l’année peuvent être utilisés pour les potagers et les diverses cultures des riverains. La difficulté de ce projet étant plus pour les citadins de s’adapter à la vie dans une campagne excentrée de la ville, et de vivre en lien avec les animaux, source de désagréments (odeurs, mouches...). A Valence, en Espagne, le quartier Sociopolis a vu le jour. Ce projet de micro-ville, né d’une forte volonté politique pour la création de nombreux logements (2 809), doit pouvoir offrir un habitat aux personnes en difficulté. Sur un espace agricole en voie d’extinction de 35 hectares, une équipe pluridisciplinaire est mise en place pour la conception

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Sociopolis, Valence.


de ce quartier futuriste, on trouve alors des sociologues, paysagistes, biologistes, agronomes, anthropologues et juristes. dirigés par l’architecte en chef valencien Guallart. Sociopolis a pour objectif de démontrer qu’«une forte densité, soit environ 80 logements à l’hectare, est compatible avec un espace ouvert de qualité et l’accessibilité aux équipements qui dotent ce quartier d’urbanité et de centralité». Des cabinets d’architectes internationaux, comme MVRDV, le récemment récompensé par le Pritzker Prize Toyo Ito, ou Duncan Lewis sont investit dans ce projet. Autour d’un parc central de 17 hectares, quadrillé de 3 500 arbres, se dresseront dix-huit immeubles, proposant 2 809 logements dont 650 en location pour des loyers de 90 à 200€. Le reste des logements étant réservé à l’accession sociale à la propriété avec un prix moyen inférieur à 200 000€, restant donc ouvert à une mixité de population importante. Le quartier offre aux habitants des parcelles de terrain (de 25 à 100 m2) équipées d’un système d’irrigation pour leur production personnelle. Sociopolis se veut être un quartier digital, à la pointe des nouvelles technologies, et équipé de nombreuses infrastructures pour le sport (stade, piscine, pistes cyclables), l’éducation et les services. Plusieurs questions restent cependant en suspens, celle du financement du projet, née d’investisseurs privés, qui attendront surement un retour de ce quartier. La seconde question est la question de l’émancipation de ce quartier visà-vis de la ville de Valence, ce quartier risque de morceler le territoire et ne proposer qu’une vitrine moderne et hightech. Malgré tous ses atraits, «Sociopolis n’en reste pas moins dans le registre du «faire pour» la population alors que des urbanistes de plus en plus nombreux affirment que la ville doit désormais se «faire avec» les habitants.». III.2.5. Bâtiment Agricoles. Par les progrès techniques quotidiens du secteur agricole, le nombre d’exploitations agricoles tend à diminuer pour augmenter en superficies. Le paysage français est donc de plus en plus parsemé de bâtiments agricoles abandonnés et désuets qui tendent à la ruine. La réflexion repose ici sur l’avenir du patrimoine construit agricole, sa réhabilitation, ainsi que sur les constructions agricoles contemporaines.

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Habiter la ruine Ă Porquera de los Infantes, par Jesus Castillo Oli.

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La ruine née d’une activité agricole intéresse de nombreux architectes, qui lui trouvent de nouveaux usages, une nouvelle fonctionnalité, une seconde vie. Sur la commune espagnole de Porquera de los Infantes, les fermes ont laissé place aux ruines, l’architecte Jesus Castillo Oli aménage une ruine de briques et de pierres en loft industriel pour une résidence secondaire. Achetée en 2005 par un critique hôtelier et globe-trotter espagnol, cette parcelle de 153m2 érigée d’une ancienne grange se veut être un havre de paix. L’architecte confie alors que «le seul intérêt de la construction existante était lié à son état calamiteux. La restaurer entièrement, de manière conventionnelle, en aurait annihilé l’attrait, d’où l’idée d’habiter une ruine.». Le positionnement en tant qu’esthètes, du propriétaires et du maitre d’oeuvre face à se patrimoine bâti, les fait renouer avec la vision romantique de la ruine. Le bâtiment est conservé au maximum, les ouvertures sont sublimées par un positionnement du bloc fenêtre à 15cm au nu de la façade. Depuis l’intérieur, seul le reflet du verre trahit la présence d’une baie, renforçant le sentiment d’habiter un lieu désaffecté. L’implantation dans l’existant nécessite un positionnement fort face à lui, les protagonistes décident alors d’adapter le logement à la ruine et l’appropriation du lieu est calquée sur le niveau de délabrement de la grange. L’ossature porteuse est réutilisée et laissée apparente, et l’effondrement partiel de la toiture délimite l’espace intérieur du patio enclos dans la ruine. A Breuschwickersheim en Alsace, une grange, propriété familiale datant du XIXè siècle, a été transformée en espace autonome pour les enfants. Guidés par d’importantes contraintes réglementaires, les architectes décident de conserver les façades et imaginent une «molécule habitable», jeu de volumes greffés entre les murs originaux. Sur 200m2, ces boites de bois ont pour objectif d’aller chercher la lumière, d’être autoporteuses et d’agencer des espaces de circulation et des pièces à usage des enfants. En pleine croissance, certaines entreprises agricoles, municipalités ou collectivités nécessite en permanence de nouvelles constructions agricoles, des hangar pour le rangement du matériel, des bâtiment de stabulation pour les éleveurs, ou des halles pour les évènements. La notion de projet architectural agricole est aujourd’hui soit liée à

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Une grange rĂŠhabilitĂŠe pour des enfants en Alsace. 60


des nécessités «d’intégration paysagères» amenant à sa dissimulation ou sa ressemblance au bâti ancien, soit liée à des principes formels ne rencontrant pas forcément un projet agricoles. Les bâtiments agricoles contemporains sont l’affirmation et la valorisation de nouvelles formes de projets pensés et affirmés d’abord pour leur fonction productive et la mise en place d’une nouvelle esthétique agricole, tout en étant ouverts sur l’extérieur. Pour Pierre et Rémi Janin, le projet architectural semble être souvent exprimé comme une superposition au projet agricole et non son expression. L’intérêt est pourtant à l’inverse, l’idée de mettre en place les moyens de s’approprier et d’appréhender un projet agricole pour former un projet spatial cohérent et qualitatif, «en jouant des matières et des formes souvent d’apparences simples que proposent les constructions agricoles contemporaines.». L’objectif des ces exercices de conception de bâti agricole est d’en prévoir la polyvalence, la mixité des usages et l’évolution future possible. L’agence Fabriques a travaillée en 2010 sur le projet de Pôle régional de manifestations agricoles. Ce bâtiment à usage agricole pour des concours bovins, équins, ovins, caprins ou viticoles, peut aussi être approprié pour des concerts, cinéma ou spectacles (jusqu’à 1500 personnes). Situé dans une zone périurbaine en périphérie d’un village, le programme est constitué d’une zone de préparation des bêtes et d’une halle d’exposition. Les architectes avaient pour volonté de créer un lien entre les visiteurs et les agriculteurs, en offrant aux passants la vue sur les animaux, de leur préparation à leur exposition. Il promeuvent l’utilisation d’un système constructible simple pour permettre aux entreprises locales de répondre, et une forte identité agricole contemporaine forte et dynamique. Le revêtement est constitué de lames de bois ajourées qui permettent une aération continue et un apport de lumière diffus et non agressif. Ils s’insèrent dans le territoire et dans le registre agricole par l’utilisation de mobilier simple, piquets en bois et clôtures utilisées dans les champs alentours. A 1 800m d’altitude en Savoie, la même agence des architectes et frères Janin travaille actuellement sur un projet de création d’une zone agricole pour neuf bâtiments d’élevage. Dans ce cas, c’est la relation tendue entre les riverains d’un village et les activités agricoles qui s’y déroulaient en son sein, qui sont à l’origine du projet. Commandés par

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Zone Agricole en Savoie, Fabriques, P.&R. Janin.


la communauté de commune, ces constructions liées à l’élevage de moutons seront ensuite louées aux agriculteurs. Les bâtiments sont un élément mineur, les versants de la montagne constituent les véritables zones de projet. Le site étant soumis à de forts risques d’avalanches, la construction d’un merlon de protection de 9m de haut sur 150m de long est obligatoire. Les bâtiments, de forte densité, pour limiter l’impact au sol, viennent alors s’organiser contre ce dernier, proposant une circulation centrale parallèle à la vallée de la Maurienne. La zone agricole est directement reliée à la rue et au village (classé au patrimoine Français) et permet de rejoindre facilement les lieux agricoles, à savoir les espaces de fauche, et les pâturages proches comme d’estives. Les toitures sont végétalisées, créant un troisième niveau de surface utilisable et productive pour l’élevage et la fauche, qui s’intègrent au paysage et dissimulent les constructions. Les bâtiments s’organisent sur deux niveaux, un premier composé des étables, bergeries, laiteries, fumières et bureaux, un second composé des granges et espaces de stockage du matériel. Le concours initial demandait au architecte l’utilisation de la pierre, mais l’ABF a appuyé le projet agricole sur une posture contemporaine, on trouve donc l’utilisation de bois et de béton brut.

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III.3. Les hypothèses pour un retour de l’agriculture en ville.

Un pâturage urbain dans le Parc de Gerland, 2007

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III.3.1. Agriculture urbaine. Les citoyens prennent actuellement conscience du constat de l’enclavement et de la diminution générale des espaces agricoles, ainsi que des zones urbanisées qui n’ont pas d’usage ou de fonction particulière et qui pose des problèmes d’entretien conséquent. De nombreuses personnes se sont alors lancées à la recherche du moindre petit parcellaire encore non-construit dans les zones urbaines, qui pourrait être exploité. De nombreuses villes tentent alors de créer un nouveau lien avec l’agriculture. Ponctuée de nombreux espaces résiduels, des friches, des zones non-constructibles ou autres enclaves urbaines, elle vont alors faire appel à des agriculteurs. Ces derniers ont pour objectifs de valoriser en exploitant ces délaissés urbains. L’agriculteur céréalier urbain va tenter de produire des céréales en ville, le berger urbain va faire paitre son troupeau sur le territoire du citadin, l’apiculteur va mettre en place des ruches en ville, etc. Les exploitants, indépendants ou employés par des associations, peuvent utiliser soit des terrains appartenant ou acquis par des collectivités publiques, soit des terrains privés qui leur sont mis à dispositions ou loués. Par le biais d’évènements expérimentales, des communauté ont alors invitées des exploitants sur des parcelles urbaines. C’est le cas en 2007, dans le cadre du symposium du vivant, organisé par la ville de Lyon, que l’agence Fabriques (cf. P&R Janin) a installer un pâturage urbain de 80 brebis dans l’enceinte du Parc de Gerland. Sur place pendant une journée et surveillée par un berger urbain, cette installation avait pour but d’interpeller sur l’importance des surface urbaines ayant des potentiels exploitables et productifs. L’apport du troupeau dans le parc a permis une cohabitation ponctuelle entre le citadin et l’agriculteur, entre l’activité agricole ponctuelle et mobile et les usages habituels de l’espace vert. D’autres expériences du même genre ont été initiées par l’agence et des troupeaux ont été installés dans des zones urbaines, parfois sur de plus longues durées, et des délaissés ont été répertoriés sur les communes de Toulouse ou Roanne. L’objectif de cet axe de réflexion est de pouvoir installer des agriculteurs qui travaillaient en permanence dans des agglomérations urbaines. Ces activités permettraient de valoriser l’ensemble de ces délaissés dans une logique

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Les jardins enneigĂŠs du Rockefeller Center, New-York City

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productive et non seulement d’entretien de ces espaces. Les difficultés actuelles concernant les déplacements des troupeaux en centre-ville ou proche des autoroutes, et l’installation de l’exploitant sur le territoire urbain. La présence d’un bâtiment de logement et d’exploitation (bergerie, stockage du foin et du matériel), étant indispensable à la pérennité du système. Pour la plupart situés sur le continent américain, de nombreux projet de productions agricoles dans la ville et surtout sur les toits des immeubles ont vu le jour depuis quelques années, inspirés des Jardins suspendus de Babylone. Ils proposent une solution écologique et économique pour la gestion de l’eau, une biodiversité préservée, une isolation thermique supplémentaire pour le bâti et la production de nourriture si utilisés comme potagers. Dans la ville de New-York où les toits représentent 20% de la surface urbaine, un plan de développement PlaNYC propose des abattements fiscaux aux habitants qui convertiront leur toit en «roof garden», sur le modèle du Rockefeller Center du centre-ville qui propose des jardins d’agréments accessibles à quelques privilégiés. A Montréal, c’est une exploitation maraîchère de 3 000 m2 qui a pris place sur le toit d’un bâtiment industriel. Cultivés hors-sol et sous serres, jusqu’à 800 kg de fruits et légumes sont produits et vendus aux abonnés par jour. Plusieurs techniques d’implantation des jardins en toiture sont utilisées. Un semis de pelouse peut être réalisé par des rouleaux prévégétalisés, pulsé sur les toits ou par des plates-bandes disposées sur une structure étanche. Les plantes doivent être semées dans des contenants disposant d’une réserve d’eau suffisante. Enfin, les toits peuvent se construire de pergolas ou de serres, qui constituent des jardins d’hiver et complètent un espace ouvert. Un béton organique, reunissant en un seul élément le végétal et l’inorganique a été développé par e-studio en 2005, à l’occasion de la biennale «Experimenta - Design 2005» à Lisbonne. Ce matériau est composé d’une plaque d’acier et de béton auquel a été intégré 10% à 30% de gazon. L’objectif est de créer un tais végétal plus ou moins dense sans pour autant amoindrir les propriétés de résistance du béton. Utilisant l’humidité qui se dépose en son sein, il fait office

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Les toits végétalisés productifs de Montréal 68


de réservoir qui dispense l’eau nécessaire en période sèche. Utilisé en surface, il crée des espaces perméables et vivants qui favorisent le retour du végétal en zone urbaine. Les toitures végétalisées posent encore certains problèmes. Pour certaines plantations qui nécessite d’être semées en pleine terre, le bâtiment au toit végétal doit posséder une structure renforcée, qui doit souvent être pensée au préalable au projet de «roof garden». Un toit végétal est le lieu d’un surcoût au propriétaire, vis-à-vis d’un jardin de même taille au sol. Tous les immeubles ne sont pas en mesure d’accueillir ces jardins suspendus, du au fait de leurs toitures, souvent déjà recouvertes par de nombreuses superstructures comme des antennes, des cages d’ascenseur, des gaines de ventilation, des cheminées, des bouches d’aération, des galeries techniques ou des enseignes lumineuses. Les assurances sont également réticentes face à ses projets de jardins «lourds» qui posent la question de la structure du bâtiment. Enfin, ces espaces extérieurs sont fragiles, vulnérables au stress hydrique en cas de canicule ou à l’arrachage des plantations en cas de forte tempête. III.3.2. Projet agricole urbain. De nombreux architectes et urbanistes ont actuellement cette utopies en tête : faire sortir l’agriculture des campagnes pour produire des fruits et légumes dans des tours. Ce bouleversement est de taille, à l’image des fantasmes et cauchemars qu’il alimente pour les uns ou les autres. Rêve de ville verte autonome alimentaire pour les uns, vision apocalyptique d’une agriculture développée en laboratoire pour approvisionner une métropole à la démographie dévorante. Avec très peu de références, il est encore difficile de voir tous les avantages et inconvénients de ce genre de pratique sur le long terme. Prolongement naturel de la production agricole dans les serres sur les toits au bâtiment tout entier, il faut s’interroger sur la position de l’architecte à intégrer et à faire fonctionner ces infrastructures dans le tissu urbain existant. Ces projets de fermes verticales interrogent les limites de compabilité entre les besoins techniques de l’agriculture intensive et le patrimoine culturel de nos cités. Aucune ferme verticale n’a encore vu le jour mais de nombreux projets sont en cours d’élaboration.

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Dragonfly, Vincent Callebaut pour New-York, 2008

Locavore Fantasia, Work Architecture Company pour New-York, 2010 70


Le projet Dragonfly pour New-York proposé par l’architecte belge Vincent Callebaut sur l’East River, propose une architecture au service d’une nouvelle agriculture urbaine et pensé selon un contexte social de mutation écologique et d’autonomie d’alimentation. Selon un programme mixte de logements, de bureaux et de laboratoires pour les sciences alimentaires, il est équipé d’espaces fermiers sur plusieurs niveaux qui peuvent parfois être cultivés par ses propres résidents. Les productions sont diverses, alliant des productions céréalières, maraichères, de viande bovine et ovine, et des productions laitières. Cette tour, véritable organisme vivant, devient alors autosuffisante en eau, énergie électrique, et fertilisation biologique et prône le recyclage de tous les déchets pour une auto-alimentation continue. Son architecture «double peau» en résille de nid d’abeille permet à la tour d’exploiter l’énergie solaire et de stocker l’air chaud l’hiver dans l’épaisseur de l’exo-structure et en rafraichissant l’atmosphère par ventilation naturelle et par évapotranspiration des plantes l’été. Le projet Locavore Fantasia, pensé à nouveau pour la ville de New-York en 2008 par la Work Architecture Company, est un concept de ferme verticale stratifiée. Des habitations pour les fermiers saisonniers étalonnées sur des terrasses qui permettent l’insertion d’un marché fermier et des espaces publics au Rez-de-Chaussée. Ce principe de terrasse permet la production agricole en pleine terre, des élevages et un parcours de golf, dupliquant la surface du site initial. Ce projet, commissionné par le New-York magazine est littéralement supporté par la culture, grâce à des sculpturesstructures. Enfin, la ville de Londres a récemment lancé un concours d’idées sur la «Loft London Farm Tower», une ferme verticale métropolitaine londonienne, sur les berges de la Tamise. Le projet lauréat de ce concours, VAWA, mené par l’équipe Sud-Coréenne SJA203.4, devait réfléchir aux meilleurs matériaux à utiliser pour la construction d’une ferme urbaine, des matériaux résistants, lumineux, pérennes ou expérimentaux et innovateurs. Dans un scénario catastrophe de réchauffement planétaire et de montée des eaux, ce projet cherche à connecter l’agriculture à la ville contemporaine. La structure est composée de trois principales méga-structures qui supportent et agissent

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VAWA, SJA203.4 pour Londres, 2011

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comme le coeur du projet, fournissant en eau les zones de production. Ce projet propose un programme mixte mixant des espaces agricoles à des zones de résidences et des espaces publics accessibles à tous. L’implantation des fermes en ville se traduit à plusieurs échelles et introduit ainsi une diversité qui n’existait quasiment pas jusqu’alors dans les zones périurbaines et à la campagne. Certaines études montrent que cette nouvelle forme d’agriculture peut compléter la production rurale, et peut-être contribuer à l’amélioration de la qualité des productions en général. La ville est avant toute chose un environnement humain dont le fonctionnement et la richesse reposent sur la qualité des liens et la multiplicité des appartenances sociales. Ainsi, la ferme urbaine n’a de légitimité que si elle représente une entité sociale à l’échelle de l’exploitant et s’inscrit dans un échange direct et local avec la population, il faut dépasser les simples logiques marchandes et redéfinir le rôle de l’agriculteur. Si les progrès de la technique agricole a consisté, pour son époque, à libérer la population agricole des tâches quotidiennes pour les orienter vers le monde de l’industrie et à alléger les efforts physiques grâce à la mécanisation et la chimie, le projet des fermes urbaines cherche, à son tour, à promouvoir le métier d’agriculteur tout en lui restituant ses responsabilités, tant dans ses choix de production que dans son rôle de transmission d’un savoir-faire. Le déplacement des personnes est privilégié sur celui des marchandises.

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CONCLUSION.

Ce rapport d’études m’a permis de prendre du recul par rapport à un territoire qui m’était connu. J’ai ainsi pris conscience, à une plus grande échelle que celle du propre domaine familial Les épinettes, des logiques de répartition de ce territoire agricole entre des exploitants, des villes et des infrastructures nationales. Grâce à des discussions et des entretiens, j’ai de même pu appréhender le fonctionnement de ces terres, et les logiques de cultures maraîchères et céréalières. Dans la cadre familial, l’ancrage de ma famille sur ce lieu m’a permis d’appréhender les enjeux qui sont présents à habiter une campagne urbaine. Les épouses des agriculteurs se voient parfois faire des sacrifices concernant leur carrière et le mode de vie. Les logiques de fonctionnement d’une famille sur un territoire comme celui-ci sont assez complexes, au vu des distances quotidiennes à réaliser dans différents cadres, pour le travail, les loisirs, les équipements et services, ou notamment pour les enfants. Cependant, la campagne offre à ses familles un cadre de vie idéal par un territoire naturel, verdoyant et calme, où n’existent pas les problèmes de bruit, de stationnement ou de voisinages présents en ville. La relative proximité de l’habitat à la ville est également très avantageuse au vu des équipements culturels, d’éducation et de services qui sont proposés. Ce travail m’a permis de me positionner en temps que futur architecte urbaniste sur ce territoire. La prise de conscience de l’importance vitale de la sauvegarde du patrimoine naturel périurbain est un second apport de ce travail. C’est un élément essentiel pour une ville à l’échelle métropolitaine, comme celle de Lyon, de préserver un territoire périphérique productif. Pour favoriser l’alimentation de la population et une certaine autonomie alimentaire, c’est un fort avantage pour la croissance d’une ville et de sa démographie. Les mentalités ont changés, et depuis quelques décennie, l’agriculture est considérée comme un outils favorable à l’aménagement du territoire. En effet, de nombreuses communes utilisent cette exploitation du territoire pour valoriser leur patrimoine naturel, et proposer aux citadins un cadre rural verdoyant travaillé par la main de l’homme.

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Grâce à cette prise de conscience, de nombreux outils politiques et urbanistiques, taxes et plans d’aménagement des sols, ont été élaborés à plusieurs échelles, de celle de la région à celle de collectivités de communes locales. PLU, SCoT, PENAP ont pour objectif la conservation et le développement d’un patrimoine agricole, et contrôlent les expansions des zones urbaines non réfléchies dans un cadre plus large. Ils agissent par le biais d’actions locales subventionnées par les politiques urbaines. Les communes ne doivent pas être limitées dans leur croissance urbaine, mais cette dernière doit être pensée à l’échelle plus large de leur territoire périphérique, dont elles modifient le fonctionnement à chaque expansion. Quelques architectes ont pris conscience de ce potentiel fort qu’est la campagne périurbaine et réfléchissent à la problématique du lien entre le citadin et l’agriculteur. Par différentes projets, ils cherchent à amener des morceaux de ville à la campagne et inversement. C’est un objectif, je pense, crucial dans la question de la prise de conscience des riverains pour la sauvegarde d’un patrimoine rural. Enfin, certains architectes et urbanistes proposent, suite à au défi de la rentabilité des terrains en ville, la création de projets agricoles, véritables fermes verticales, dans un tissu urbain dense existant. Ces projets, qui ont pour objectif de créer une interaction sociale entre l’exploitant agricole et le citadin et de les rapprocher au point d’éliminer tous les intermédiaires, posent encore des questions et sont sujet à réflexion. En effet, leur acceptation et leur fonctionnement dans un tissu urbain n’est pas prouvée. Malgré de nombreuses recherches sur le sujet, l’élevage de bovins, la plantation de céréales ou légumes ou tout autre production agricole sur des strates en plein centre-ville n’est pas certifié. Les productions agricoles dans les campagnes périphériques ne peuvent pas, à ce jour, être remplacées par des productions limitées dans un bâtiment urbain. Ainsi, la sauvegarde du territoire rural doit être considérée comme un élément primordial au bon développement d’une métropole européenne.

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GLOSSAIRE.

SCoT

Schéma de Cohérence Territoriale

PLU

Plan Local d’Urbanisme

POS

Plan d’Occupation des Sols

INSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques HLM

Habitations aux Loyers Modérés

CoUrLy

Communauté Urbaine de Lyon

TCL

Transports en Commun Lyonnais

PAC

Politique Agricole Commune

SCEA

Société Civile d’Exploitation Agricole

SNC

Société en Nom Collectif

ETA

Entreprise de Travaux Agricoles

PENAP Protection des Espaces Naturels, Agricoles et Périurbains SAU

Surface Agricole Utile

SDAL

Schéma Directeur d’Aménagement Lumière

SEPAL

Syndicat mixte d’Etudes et de Programma tion de l’Agglomération Lyonnaise

PSADER

Projet Stratégique pour l’Agriculture et le Développement Rural

PDU

Plan de Déplacements Urbains

PSU

Plan Spécial Urbanistique

PGD

Plan de Gestion et de Développement

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BIBLIOGRAPHIE.

DEPARDON Raymond, 2006. La Ferme du Garet, Actes Sud. DESVIGNES Perrine, co-auteur Sandra FIORI, 2011. Mise en regard de deux processus d’ancrage différents dans un même lieu, Rapport d’études ENSAL. 41p. DONADIEU Pierre, 1998. Campagnes Urbaines, Actes Sud. 224p. JANIN Rémi, directeur de mémoire Pierre DONADIEU, 2007/2008. Enclaves agricoles dans la périphérie de Lyon, vers des agricultures urbaines ?, DSA Architecture et Projet Urbain, option Paysage, ENSA La Villette, 129p. MANGIN David, 2004. La ville franchisée : Formes et structures de la ville contemporaine, Editions de La Villette. 480p. THOMANN Sandra, PINSON Daniel, 2005. La maison en ses territoires, de la villa à la ville diffuse, L’harmattan. 191p. JANIN Pierre et Rémi, conférence le 13/03/2013 à l’ENSAL, sur La question agricole. Le Berre Marion, Habiter la ruine, Architectures à Vivre N°66, Mai-Juin 2012. Pierre et Rémi JANIN, architectes paysagistes. www.fabriques-ap.net Christophe Deroubaix, Sociopolis, «microville», 2007. www.humanite.fr/node/65349 Agriparc, ville de Montpellier. www.echangesurbains.org/pages/Agriparc-5006972.html R. Terricabras, Le parc agraire du Baix Llobregat www.fedenatur.org/docs/docs/157.pdf Laboratoire d’Urbanisme Agricole. www.lua-paris.com/fr Nicole Ouvrard, La protection des terres agricoles, 2012. www.reussir-grandes-cultures.com

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ANNEXES. GUIDE D’ENTRETIEN avec G.D., voisin.

A) Famille D.

1-Quelles sont vos origines familiales ? 2-Quel est votre parcours personnel ? Comment est né votre projet d’embrasser le métier d’agriculteur ?

B) Historique

1-Comment et quand avez-vous été amené à vous installer sur ce territoire ?

C) Activités

1-Aujourd’hui, que cultivez-vous et sur quelle surface ? 2-Quels sont les circuits de fonctionnement de votre entreprise ?

D) Territoire

1-Quels sont vos territoires de travail ? 2-Quels sont vos territoires de vie ?

E) Rapport à la ville

1-Aujourd’hui, votre travail se déroule dans un cadre péri-urbain à moins de 20 km d’une grande métropole européenne, comment intégrez-vous cette réalité dans votre métier ? 2-Quels sont les conséquences de cette proximité ? 3-Quels sont, selon vous, les avantages et inconvénients de vivre dans une campagne péri-urbaine ?

F) Développement

1-Depuis votre installation, quels ont été les développements importants (dates clés) de votre entreprise ? 2-Où vous voyez-vous dans 10 ans ? Et quel avenir pour votre société ?

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POS de la ville de Neyron

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POS de la ville de Neyron - zoom sur le secteur d’étude

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Plan du secteur - 1996

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Plan du domaine des Epinettes - 1992

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RESUME. Dans un contexte d’extension urbaine, ce rapport étudie, à partir d’une étude de cas personnelle, un territoire de la campagne périurbaine Lyonnaise où sont implantés des exploitants agricoles. Après avoir étudié les logiques de fonctionnement de ce territoire à la rencontre de trois communes et de deux départements, le métier d’agriculteur céréalier de nos jours sera expliqué. Puis, nous verrons pourquoi la conservation du territoire rural est un élément essentiel pour le développement de la ville et quelles sont les propositions pour créer à nouveau un lien fort entre l’agriculture et la ville.

SUMMARY. In a context of urban growth, this report examines, from a personnal case study, a territory of the Lyon countryside where farmers are set up. After sudying the logical operation of this area where three cities and two departments meet, the work of a cereal farmer nowadays will be explained. Then, we’ll see why the conservation of the rural territory is essential for the development of the city and what are the proposals are to create a new and stronger link between agriculture and the city.

MOTS-CLES. Agriculture Périurbain campagne territoire projet

Quentin DESFARGES 89


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