Rapport d'étude 2017

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Rapport d’études RAphaël Larbey


Introduction


Les ruelles étroites du centre ancien désemplissent, les groupes d’étudiants s’éparpillent, le brouhaha s’estompe. La nuit s’assombrit à mesure que les devantures, l’une après l’autre s’éteignent. Pourtant, dans la nuit, subsistent des lueurs opiniâtres : celle des lampes des plans de travail provenant de quelques appartements. Parmi eux, le mien où occupé entre colle et carton, je m’attelle à la confection d’une maquette. Tandis que mon binôme, Baptiste, les yeux rivés et le nez collé à son écran d’ordinateur ajuste la mise en page de nos planches communes. Nous sommes « charrette. » Véritable rite d’initiation dans la formation, tant redouté puis accepté au sein de nos études, comme si elle en faisait partie. Alors, entre deux gorgées de café et un regard sur l’heure qui défile, Baptiste levant les yeux, le regard souligné par de larges cernes me lance : -« Mais comment peut-on en arriver là ? Qu’est qui t’a séduit toi dans ces études ? » Presque trois ans déjà que j’ai rejoint les bancs de l’école, trois années durant lesquelles j’ai pu découvrir une infinité d’enseignements, aux gré de courtes nuits, de réflexions et décisions prises en projet. Les expériences sociales et humaines, de nombreux échanges et rencontres, on fait naître en moi une conscience de l’architecture et des enjeux qu’elle sous-tend dans la construction de la société de demain. Cette construction de pensée, je vais tenter de vous l’expliciter ici. Tout d’abord, je fais partie de ceux qui ont eu la chance d’être initié très tôt à l’architecture. Originaire du Havre, ville inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, il est difficile de ne pas porter un jugement, de ne pas avoir conscience de l’ordonnance régulière du plan d’ensemble érigé par l’atelier Perret ou encore des lignes sensuelles du Volcan dessiné par Oscar Niemeyer. Toutefois, il s’est avéré nécessaire d’aiguiser mon opinion, de dépasser le simple « j’aime ou j’aime pas », de comprendre les choix architecturaux opérés. Ainsi, sortant d’un baccalauréat scientifique qui nous assujetti à développer un esprit cartésien, j’ai voulu rejoindre une formation où la création et l’imaginaire étaient mis en avant, afin de mêler, de mettre en cohérence les arts et la science, la rigueur et la créativité. C’est donc dans cette optique, après avoir réalisé ma MANAA que j’ai rejoint l’ENSAB, avide de connaissances, prêt à comprendre et assimiler les rouages de cette discipline qu’est l’architecture.


DEs expĂŠriences formatrices


En arrivant à l’école, notre curiosité souvent trop galvaudée ou bridée se voit mise à l’honneur. Ici nous incombe la responsabilité d’être curieux, d’échanger, réceptifs à tout ce qui nous entoure. L’école nous tend par de nombreux enseignements les outils primaires à l’élaboration d’un processus de conception. A nous, étudiants de se saisir des connaissances qui nous sont livrées afin de faire des choix, de prendre des décisions en adéquation avec nos envies. Matières techniques qui permettent d’assimiler la corrélation des matériaux et leurs mises en forme. Matières théoriques qui nous aident à comprendre les choix opérés au cours de l’Histoire et enfin matières artistiques qui développent notre imaginaire et nous accompagnent pour transcrire notre pensée, notre vision via la mine d’un crayon. Enfin, habitués à l’individualisme, institué durant nos années passées au lycée, nous découvrons à l’école, le travail en groupe où l’ego de chacun doit s’effacer. Patience, rigueur et humilité sont de mise afin d’accepter les critiques des autres et engendrer une création dont chacun pourra percevoir la pertinence. Cependant, ce cadre mis en place à l’école, ces connaissances apprises en cours ne sont qu’une première approche de la discipline. Notre vision, nos choix s’affinent selon moi à la suite d’expériences personnelles. Le voyage : élément essentiel à la formation d’un architecte. De nombreuses capitales européennes sillonnées, des pays parcourus m’ont permis d’avoir conscience de l’éclectisme architectural. Sur les traces d’une œuvre précédemment étudiée ou simplement en arpentant la ville, jusqu’à ce que notre regard s’accroche sur un élément. Il me semble indispensable durant la formation d’un architecte de s’immerger dans un pays étranger ,de comprendre son actualité et ses enjeux : j’ai pu apprendre que l’architecture n’est pas un acte isolé : elle s’inscrit dans une histoire, dans un environnement, dans une société. Les courts séjours que j’ai pu faire avec l’école ou de manière autonome ne me permettaient pas d’assimiler l’ensemble des enjeux culturels, environnementaux et sociétaux des pays visités. C’est cette approche qui m’a poussé à réaliser une année d’étude au Mexique. Avoir l’opportunité d’appréhender un pays, son architecture et son histoire tout en bénéficiant d’un apprentissage théorique et pratique me permettra d’avoir une vision éclairée et encadrée de l’actualité et des enjeux de ce territoire. Le large éventail de possibilités d’échanges nécessite un choix et une décision difficile à prendre. Pourtant très vite je me suis senti attiré par le Mexique : Pays aux multiples facettes. Ce pays au long passé colonial semble être défini par l’éclectisme : une mosaïque de peuples qui oscille entre modernité et tradition, des climats et paysages très variés entre désert aride, forêt tropicale et plaine luxuriante. Connaître les différentes conceptions architecturales issues de ces caractéristiques, découvrir l’utilisation des matériaux locaux telle que la terre, percevoir l’histoire d’un peuple à travers l’architecture, forment une partie de mes intentions durant ce voyage. C’est cette terre de contrastes aux habitations colorées qui m’a attiré pour effectuer mon échange international. Pouvoir échanger avec d’autres étudiants, confronter l’enseignement reçu de deux continents différents, connaître les enjeux de l’architecture mexicaine, sa place au sein de la société et comprendre à qui s’adresse le geste architectural au sein de ce pays, font partie de mes objectifs durant cette année.


La dimension théorique joue un rôle important dans notre formation et très vite nous effectuons des parallèles entre le projet et les cours dispensés. Toutefois, la réalisation n’a jamais lieu, le projet demeure seulement sur le papier, s’élevant parfois en maquette mais ne prend jamais réellement forme. Les stages sont ainsi une façon d’expérimenter l’architecture et de comprendre que parfois subsiste un fossé entre la conception et la réalisation. Tout d’abord le stage effectué en première année constitue une opportunité de se confronter au chantier, aux réflexions constructives, mais aussi à différents outils. J’ai eu la chance d’effectuer mon stage au sein de « Lohra Castle » en Allemagne. Château qui couvre près de 1000 ans d’histoire. C’est donc en compagnie de vingt-six jeunes étudiants arrivant du monde entier que j’ai participé à ce chantier. Durant ces deux semaines, nous devions mettre à niveau une partie de la bergerie du château afin que dans un second temps une dalle de béton soit coulée au même niveau que la première afin d’obtenir une surface parfaitement plane. Couler ma première dalle, utiliser une lunette de chantier ou encore pratiquer les méthodes de constructions traditionnelles en pierre fût une expérience très enrichissante. Ce stage m’a permis de découvrir une ébauche du monde ouvrier tout en faisant partie d’une équipe aux multiples nationalités. Puis, en deuxième année le stage dit de « première pratique ». Premier stage réalisé dans une agence, celui-ci se doit d’être rassurant afin de confirmer nos aspirations. Cela a été l’occasion pour moi d’être confronté au quotidien d’une agence et d’un architecte, de me rendre compte de la grande pluridisciplinarité nécessaire de ce métier mais aussi des nombreux clichés qui subsistent dans la profession. Effectuant mon stage chez un jeune architecte, j’ai été surpris que celui-ci travaille sur tant de projets. Tout au long de notre licence, différents professeurs nous ressassent que l’accessibilité à la profession d’architecte et surtout la création de sa propre agence est une tâche difficile et aléatoire. Toutefois, j’ai vite remarqué que la plupart des maîtres d’ouvrages que j’ai pu rencontrer s’inscrivait dans un grand réseau de connaissances que l’architecte possédait déjà avant de s’installer au Havre. De plus, ces derniers étaient tous issus d’une classe sociale relativement aisée comme si la profession d’architecte avait du mal à se détacher du cliché d’une architecture réservée à une élite. Enfin, j’ai pu me rendre compte que le métier d’architecte dépasse celui de simple concepteur. Très vite, celui-ci devient organisateur et médiateur entre les différentes entreprises et le maître d’ouvrage ou encore comptable des budgets et parfois même simple confident auprès des clients. L’architecte travaille avec des personnes porteurs d’un projet, parfois très précis, ou d’une idée qui peut-être plus vague. C’est donc à l’architecte d’apporter par ses outils et ses compétences ce qui manque entre l’idée et sa conception. Faire appel à un architecte, c’est donc demander que celui-ci veille à comprendre et à mettre en forme l’attente et le désir de son client pour le traduire dans un projet juste et adéquat. Dimension sociologique qui pour moi n’est pas assez soulignée tout au long de notre formation. Nous concevons, construisons pour des hommes et des femmes qui habiteront ces espaces dessinés. Pour chaque projet, c’est une relation étroite qui s’instaure entre maître d’ouvrage et architecte. Nous nous devons de répondre le plus fidèlement à leurs demandes.


Lohra Castle, Allemagne. Kerala, Inde du Sud.

Lohra Castle, Allemagne. Tamil Nadu, Inde du Sud.

Practice de Golf, Le Havre.

Voyage à Porto.

Rénovation d’un appartement, LE HAVRE.


Fréquenter une école ne se résume pas à recevoir des cours. Durant ces trois années il m’a paru important de prendre part aux manifestations organisées par les étudiants, tel que le workshop. Elément qui selon moi, nous aide à insuffler l’élan et la motivation indispensables pour poursuivre les études d’architectures. Ainsi, chaque année un groupe d’étudiants motivés de l’école prend l’initiative d’organiser un workshop axé sur un thème de réflexion. C’est avant tout une expérimentation où idées et matériaux s’entremêlent, jusqu’à la construction échelle 1. Un événement qui se veut fédérateur afin de nouer des liens inter-promos et inter-écoles. Une semaine à laquelle chacun prend part volontairement, où les étudiants se prennent en main et portent un projet du début jusqu’à la fin. De l’esquisse à la pratique. En première année, j’ai pu participer au workshop « Fair Play » dans la lignée de la biennale d’Art Contemporain « Play-Time » dont le thème initial est « l’aire de jeux ». Ainsi, durant une semaine, une dizaine d’équipes travaillaient selon certains thèmes imposés pour finalement exposer leurs productions, jeux de société à taille humaine place Hoche où les passants rennais étaient alors invités à pratiquer ces structures ludiques. Une expérience enrichissante, les structures étant utilisées par un public à la fin de la semaine, elles devaient être à la fois ludiques mais aussi accessibles à tout public. Dans un second temps, le workshop « NoMade » introduisait une nouvelle dimension : celle du nomadisme. Un centaine d’étudiants s’émancipait de l’école afin de parcourir le territoire à pied jusqu’au Mont Saint Michel tout en conduisant une ville mobile afin de répondre à leurs besoins primaires. Avoir pu participer à ces deux workshops fût une expérience très instructive. Cette émulation collective condensée dans le temps et donc très intense nous amène à manipuler divers outils, à échanger des connaissances, des savoir-faire tout en nouant des liens toutes promotions confondues. Et quelle satisfaction de pouvoir admirer à la fin de cette semaine de dur labeur, rythmée par les bruits de marteaux, scies et autres la composition érigée de nos idées préalablement exprimées, dessinées. Inévitablement j’ai voulu à mon tour prendre part à l’organisation du workshop de cette année. Ainsi, après avoir vécu l’expérience forte de vie commune de NoMade et l’échange réalisé avec les habitants rennais lors du workshop Fair-Play, nous avons voulu à notre tour proposer un workshop qui se penche sur des problématiques actuelles : Les différentes métropoles subissent un étalement urbain conséquent. Progressivement les terres agricoles et campagnes sont peu à peu envahies par de nouveaux quartiers aseptisés. Pourtant, nombre d’espaces urbains restent délaissés : friche industrielle, anciens immeubles d’habitations, casernes désertées, ancienne prison.. Notre objectif était donc d’investir un espace non considéré afin de le mettre en lumière et de révéler ses potentialités. C’est dans ce contexte que 120 étudiants issus de 4 écoles différentes ont investi une ancienne friche militaire, en plein cœur du nouveau quartier de la Courrouze. Les étudiants divisés en 10 équipes devaient investir un espace de la friche tout en répondant à une problématique en lien avec le site et son quartier. Enfin dans un second temps, les habitants du quartier et des alentours étaient invités à parcourir les différentes réalisations afin de prendre conscience du lieu, aujourd’hui délaissé mais demain centre de ce nouveau quartier. Mener à bien ce projet restera pour moi une des expériences les plus marquantes de mes trois années passées à l’école. Exalté après ces deux workshops précédents nous étions loin d’imaginer l’ampleur d’un tel projet. Comment obtenir l’autorisation d’occuper un lieu abandonné durant une semaine ? Comment trouver les financements nécessaires au bon déroulement de ce projet ? Mettre en place un budget récapitulatif, démarcher des acteurs locaux, collaborer avec différentes institutions… Nous étions confrontés à une logistique démesurée, jamais connu auparavant. Et bien qu’ayant peu de temps pour considérer l’ensemble de ces points, l’équipe composée de 18 étudiants a su mener à bien cet exercice. Lors du déroulé de la semaine, quel plaisir de percevoir sur les visages de chacun exaltation et satisfaction d’être eux aussi, porteurs de ce projet et de prendre part à l’aventure.


Mon seul regret fût de ne pas avoir pu intégrer pleinement les citoyens, les habitants du quartier de la Courrouze à contribuer à cette émulation collective, ce laboratoire d’idées qui défriche et teste des possibles. Offrir la possibilité aux habitants de concevoir, de prendre part à la construction de ces interventions légères, aurait renforcé d’autant plus leurs appropriations progressives du lieu. Toutefois, cette dimension aurait été rendue possible sur un temps considérablement plus long afin de permettre l’acclimatation au terrain, et le développement d’une réelle implication des habitants. Se frotter au réel, voilà ce que nous recherchions durant l’organisation de cette semaine. L’école n’est pas le lieu pour ce genre d’expérimentation. Ces pratiques qui renouvellent les modes de transformations de la ville et la production même de l’architecture sont encore trop peu instillés tout au long de notre cursus. Nous sommes trop peu souvent aux contacts des habitants, des citoyens. Nous avons donc cherché à provoquer cette rencontre durant cette semaine d’occupation et de construction. L’action reste modeste je l’admet, mais peut-être avons nous réussi à capter quelques regards, à les sensibiliser aux potentiels de ces anciennes cartoucheries. Le Workshop, cette initiative étudiante perpétuée depuis de nombreuses années se retrouve aujourd’hui remise en cause par un certain nombre de professeurs qui la juge en marge de notre formation.Il est vrai que cette initiative tente progressivement de s’émanciper du cadre de l’école qui le contraint dans ces possibilités. Pourtant, elle n’en reste pas moins ancré dans notre formation et je crois que l’organisation d’expériences de ce genre ne peut être que stimulante et enrichissante pour l’ensemble des étudiants. Les études d’architecture restent des études stressantes où nous sommes constamment notés, évalués. Ici, cette semaine reposant sur la motivation de tous, offre une belle respiration à notre formation dense en permettant d’aborder l’architecture par une approche originale tout en découvrant les plaisirs mais aussi les difficultés de l’expérimentation. Workshop Versopolis.

Workshop Versopolis.

Equipe du Workshop Versopolis.


Enfin, je tenais à évoquer une expérience personnelle qui a bouleversé ma vision de l’architecture et orienté les choix que j’ai pu effectuer durant ces années à l’école. Calais, ultime frontière sur le parcours chaotique des migrants et réfugiés frontière de plus en plus infranchissable. Ceci n’est pas une nouveauté mais plutôt la répétition d’une situation qui ne cesse d’empirer sur ce territoire aux portes de l’Angleterre. Situation que l’evolution de la guerre en Syrie a contribué à remettre en lumière ces dernières années. Durant cette attente forcée, ces migrants et réfugiés s’efforcent de se réinventer un quotidien. Ainsi j’ai voulu poser mon jeune regard d’architecte étudiant sans doute trop naïf, trop ingénu, sur cette réalité afin d’apprendre, de comprendre ce tissu urbain décousu, ce véritable melting pot tout en essayant d’accompagner, d’aider ces personnes dans leurs quotidiens. C’est donc en tant que bénévole avec l’association UTOPIA 56, que je suis intervenu au camp de la Linière à Grande-Synthe mais aussi directement à la jungle de Calais. Durant 1 mois j’ai pu effectuer de multiples tâches : construction, distribution, nettoyage, accueil de nouveaux arrivants… J’ai pu échanger, écouter ces personnes, leurs histoires d’hier, d’aujourd’hui et leurs espoirs de demain. Tirer des enseignements de toutes ces constructions qui semblent dans un premier temps informelles et qui se trouvent finalement extrêmement régulées, organisation se rapprochant plus de celle de la ville que du véritable campement. Hôtel pour recevoir, Epicerie, Restaurant pour se rassasier, bar à chichas salon de thé pour se divertir; Eglises pour se réunir, Ecole pour s’instruire… Cette auto-organisation est une véritable expérimentation de la ville et amène à nous questionner sur notre conception de celle-ci, aujourd’hui régie par de trop nombreuses réglementations. Habiter c’est tout d’abord expérimenter un lieu et j’en ai véritablement pris conscience là-bas, à la Jungle de Calais.


Welcome

Calais

Jungle Books

Les 3 idiots.

Eglises/Usines.

ÂŤLieu de vieÂť Tentes & Dunes.


Une pensĂŠe architecturale


Comme je l’ai souligné précédemment l’ensemble des expériences décrites en complément des enseignements dispensés à l’école permettent de ne pas s’enfermer dans une démarche trop formelle, trop explicite qui aurait tendance à nous éloigner de la réalité et d’intégrer une dimension pratique permettant de vérifier concrètement ce que l’on avance. A travers ces différentes pratiques, très vite nous nous forgeons une pensée architecturale qui se trouve notamment influencée par les ateliers dans lesquels nous évoluons durant notre formation. La première année se doit d’être fondatrice dans la compréhension même de l’architecture. Avec des programmes relativement simples, les projets sont prétexte à manipuler l’espace, la lumière, les ouvertures. Ils permettent d’expérimenter des rapports entre des volumes, des matières, des épaisseurs…Pour autant il est difficile d’avoir un réel dialogue avec les enseignants référents, agglutinés à cent dans quatre ateliers, ces dispositions ne sont guère propices à l’apprentissage. En deuxième année, la promotion se voit divisée dans plusieurs ateliers ce qui permet un réel suivi. Les problématiques se complexifient, les projets requièrent une réflexion plus poussée. Les différents projets ont un site, une implantation ce qui engendre de nombreuses données supplémentaires qu’il faut prendre en considération afin de concevoir un projet cohérent. Enfin la troisième année est celle de l’émancipation, pour la première fois nous pouvons choisir l’atelier où nous voulons évoluer et qui est en accord avec nos principes, notre vision de l’architecture. C’est ainsi que rebuté par certains ateliers qui me semblaient trop déconnectés de la réalité, j’ai vite été attiré par l’atelier que proposait Mr. Jouve et dont la problématique était : « La ferme au 21ème siècle, quels modèles ? Et si on commençait par bien manger ? ». L’idée génitrice de cette problématique était donc d’effectuer un parallèle entre la qualité du paysage péri-urbain produit par les pratiques agricoles et la qualité des aliments présents dans notre assiette. Ainsi après avoir assimilé les nombreux rouages qui régissent l’agriculture, nous nous sommes penchés sur une exploitation agricole située aux alentours de Rennes. Dans un premier temps nous avons étudié soigneusement dans ces dimensions architecturales, patrimoniales, paysagères, historiques, socio-économiques et humaines son contexte. Pour dans un second temps élaborer un projet à différentes échelles, du paysage aux détails constructifs tout en tenant compte des évolutions urbaines et notamment des pressions foncières .Le projet devait être viable au long terme pour les exploitants agricoles tout en s’autorisant à repenser leur modèle économique. Ce que j’ai pu apprécier durant ce premier semestre c’est la dimension humaine développée tout au long de l’atelier. Nos semaines étaient rythmées par des allers-retours constants entre l’exploitation agricole et l’école. Nous pouvions passer des après midis entières en compagnie de l’exploitant agricole Mr. Dragon afin de comprendre sa profession dans les moindres détails, son emploi du temps, le fonctionnement d’une exploitation bovine…Et cet échange de savoirs, de pratiques et la relation que nous avons pu développer avec l’exploitant agricole a été très bénéfique pour réaliser un projet qui répondait à ses attentes, à nos attentes tout en s’inscrivant dans l’actualité.


L’atelier dans lequel j’évolue actuellement se veut radicalement différent. Proposé par O.Delepine celui-ci développe une démarche de conception qui m’intriguait. Je tenais donc à me confronter à son enseignement. Nous procédons par «réductions d’incertitudes» pour arriver à la réalisation d’un projet. Ces incertitudes doivent se lever au cours de différents exercices préalablement effectués : Tout d’abord, le Cercle de Sens qui nous oblige à qualifier par des termes notre projet et les sensations que nous aimerions qu’il retranscrive. Puis à ces termes viennent s’accoler des images de référence qui caractérisent les thèmes précédemment choisis. Ces expérimentations mentales nous obligent à préciser et qualifier notre pensée vis-à-vis d’un sujet. L’étape de la réalisation de Dispositifs Spatiaux de Référence qui constitue un temps important dans le processus de conception. « Un temps quelque peu inconfortable où nous devons jouer avec des possibles, laisser libre des pistes et cependant garder une vigilance, trouver une cohérence et ne pas se défier de la raison » comme l’explique O.Delepine. L’objectif du temps du DSR c’est ajouter encore un filtre avant ce temps des résolutions, un filtre qui oscille entre espace et matière et qui n’est pas encore de l’architecture, ce temps me parait nécessaire pour éviter d’aller vers une solution simpliste. Aujourd’hui après quelques mois passés au sein de son atelier, je ne me sens pas pleinement satisfait par cette approche, qui me parait peu enclin avec la réalité. Toutefois, je n’en suis pas moins déçu d’avoir essayé ce processus de conception, car je veux que mes études soit le lieu d’expériences nouvelles, d’essai, même si celle-ci sont amenés à me placer dans une situation inconfortable.


COnclusion


En me relisant, je prends conscience de n’avoir pas consacré de chapitre entier à l’enseignement reçu pendant ces trois années. Toutefois, toutes ces expériences de vie, de voyages culturelles prennent un sens différent grâce à l’enseignement que j’ai pu recevoir durant ces années si riches. L’architecture est un véritable art vivant, oscillant selon l’histoire, le territoire, se mouvant entre divers disciplines… Appréhender celui ci est un véritable défi et un investissement conséquent durant ces années ne laissant guère place à d’autre activités. Des semestres éreintants, des ateliers exténuants mais une soif d’apprendre grandissante, voici le paradoxe de cette formation. Ce premier cycle de 3 ans nous permet d’acquérir une culture, une compréhension architecturale. Une pratique du projet par l’expérimentation de méthodes et de savoirs qui nous sont livrés. Mais cela n’est pas suffisant. Je mise beaucoup sur les années à venir, en Master pour m’apporter ce qui me manque mais également me rapprocher de la réalité du monde du travail. L’école nous apporte beaucoup et j’en suis très attaché. Durant nos années d’études elle nous laisse une grande liberté pour évoluer, se construire, imaginer, concevoir et cela est très appréciable. Pour autant la réalité est tout autre, en sortant de l’école l’étau se resserre, on découvre un monde régit par des normes drastiques qui contraignent fortement notre marge de conception, des chantiers ou l’erreur n’est pas permise et où l’architecte se doit d’orchestrer et organiser cela. Les (ex)étudiants fraichement diplômés se voit mis à nu face à cette réalité. Les stages sont trop courts et trop peu nombreux pour réellement se confronter à cela. Alors je souhaite, durant ces deux prochaines années acquérir les outils nécessaires afin d’être le mieux préparer au monde professionnel. Chaque étudiant rêve de faire de la « belle architecture » en sortant de l’école. Toutefois, chacun en possède sa propre définition. Me concernant, je ne veux pas être vu comme l’architecte vêtu de noir donneur d’ordres et craignant de salir ces nouvelles Dock Martens vernis sur le chantier. Je veux être dans le « faire », il est facile de dessiner une porte sur un quelconque logiciel mais je veux aussi savoir la réaliser. Je veux être dans le « partage » l’architecture ostentatoire ne m’intéresse pas, je veux tout savoir du chantier, de ces artisans et de chacune de leurs disciplines. Je veux rencontrer des clients et construire pour cette personne son projet tant rêvé. Voila l’architecte que j’aspire à devenir et l’architecture que j’aspire à dessiner. Enfin j’ai pu découvrir au sein de la formation dispensées, l’urbanisme. Cette discipline propose de porter un regard large sur la ville, on ne s’intéresse plus seulement à l’échelle du bâtiment mais davantage à celle du quartier et de la ville. Et cela a trouvé un écho en moi. Concevoir un bâtiment qui s’inscrit dans un projet urbain cohérent et qui répond a des attentes de collectivités, de décideurs publics prend pour moi réellement sens. L’architecte se concentre essentiellement dans l’art de concevoir des bâtiments, tandis que l’architecte-urbaniste explore autour et voit plus loin, propose un projet viable sur le long terme et cohérent pour ces usagers du quotidien, les habitants, premier expérimentateur de la ville. J’aspire donc a pouvoir m’orienter vers ce double cursus initié en master qui me permettrait d’acquérir ces compétences. Voilà ce qui me séduit dans les études d’architecture Baptiste. Cette discipline aux multiples facettes, ce véritable art vivant que chacun appréhende à sa manière et selon ces principes. Il est 8h, l’appartement est plongé dans un silence profond, seul persiste le chant matinal des oiseaux qui accompagne le lever du jour. La maquette trône sur mon plan de travail, résultante d’amoncellement de colle, cartons, baguette et nombreuses coupures. Dans un second temps, il faudra se diriger vers l’école afin d’afficher notre rendu pour que la charrette soit officiellement terminée. Puis adossé à la K-fêt nous débattrons avec nos congénères de cette longue nuit ponctuée de ses anecdotes de balsa, de colle ou de logiciels qui plantent. Nous nous rassurerons mutuellement car tel ou un telle n’a pas encore affiché et puis fourbu de cette charrette nous patienterons avant d’entendre le verdict de nos enseignants. Voilà notre quotidien et je crains que nous aimions cela.



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