La dynamique du genre dans le dessin de la ville, notion en (r)évolution.

Page 1

Vivian Maier, New York

LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE, NOTION EN (R)ÉVOLUTION Quelle place pour la notion du genre dans la fabrique de la ville ? De la compréhension d’une notion complexe à son intégration dans le projet de la ville durable.

MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES

École Nationale Supérieure d’Architecture de Bretagne 2019 Raphaël LARBEY DIRECTEUR D’ÉTUDE Christophe CAMUS


2-


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE, NOTION EN (R)ÉVOLUTION Quelle place pour la notion du genre dans la fabrique de la ville ? De la compréhension d’une notion complexe à son intégration dans le projet de la ville durable.

MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDE

École Nationale Supérieure d’Architecture de Bretagne 2019 Raphaël LARBEY DIRECTEUR D’ÉTUDE Christophe CAMUS

3


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

4-


SOMMAIRE

REMERCIEMENTS

7

INTRODUCTION

8

I/ LA NOTION DE GENRE

12

1. Le genre, une fabrique continue

12

2. Le genre omniprésent dans nos vies a) L’enfance b) Les garçons, éternels bénéficiaires des espaces de loisirs

14

II/ LE GENRE DANS L’ESPACE URBAIN

19

1. La ville, territoire des masculinités Une ville, deux usages

20

2. Les femmes et le sentiment d’insécurité a) Le harcèlement de rue b) La ville noctambule

24

3. Le mobilier urbain

28

III/ LA VILLE DURABLE, L’IDÉE D’UNE JUSTICE SPATIALE

30

1. Mobilité douce, le vélo en ville : une alternative favorable aux femmes ?

32

2. La démocratie participative, la parole des femmes disqualifiée

36

CONCLUSION

40

ANNEXE

44

BIBLIOGRAPHIE

46

-5


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

6-


REMERCIEMENTS Je voudrais dans un premier temps remercier, mon directeur de mémoire Christophe CAMUS, professeur de sociologie pour sa patience, et ces premiers conseils avisés. Je remercie également toute l’équipe pédagogique de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Bretagne pour m’avoir permis de découvrir la richesse du monde de l’architecture. Enfin, mes parents, pour leur soutien constant et leurs encouragements, Lena pour ses conseils de rédaction et sa jovialité, la Maison Radieuse pour m’offrir un cadre de vie propice au travail.

-7


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

INTRODUCTION

¹

BRUNTLAND Gros Harlem, rapport de brundtland, Commission mondiale sur l’environnement et le développement, 1988, p.51

²

RUMPALA Yannick, le « développement durable » appelle-t-il davantage de démocratie ? Quand le « développement durable » rencontre la « gouvernance », VERTIGO, octobre 2008, pp. 40-44

³

BRUNTLAND Gros Harlem, rapport de brundtland, Commission mondiale sur l’environnement et le développement, 1988, p.5 4

BOURDIN Sylvie, Villes durables, de l’expérimentation à la concrétisation, Publidossier, décembre 2018, p.12 5

DA CUNHA Antonio, 2005. Enjeux du développement urbain durable, Transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes 8-

Aujourd’hui de façon globale, l’ensemble de la population a admis que le réchauffement climatique, l’étalement urbain, la réduction progressive des énergies fossiles sont des menaces. Face à cela, depuis une quinzaine d’années les politiques publiques tentent de mettre en place de « nouvelles pratiques » de la ville intégrant ces faits. C’est le concept de la ville durable, héritage des réflexions lancées dès 1986 par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) sur les relations entre la ville et l’environnement. Puis dans un second temps celui du rapport de Brundtland de 1987 où pour la première fois est utilisée l’expression « Développement durable » : « Le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »¹. C’est à partir de cette démarche qu’apparaissent les nouveaux modes de gouvernance : l’initiative du développement durable descend au niveau des collectivités locales qui se trouvent désormais sensibilisées au respect de l’environnement et au développement de nouvelles pratiques. Dans cette logique, sont mis en place des outils tel que l’Agenda 21 qui a pour finalité de mettre en application la notion de développement durable dans tous ses aspects au sein d’un territoire proche et lointain et d’instaurer un dialogue entre les organisations locales, les institutions et les habitants autour des ces enjeux. La thématique du développement durable renvoie donc à un large ensemble de changements profonds à réaliser dans toutes les sphères de la société. Elle s’inscrit dans une volonté de mobilisation générale puisque les acteurs doivent prendre en compte les dimensions économiques, sociales et environnementales². L’idée de la ville durable repose sur «une justice intergénérationnelle, prenant en compte les besoins des générations présentes à la condition que leurs mises en pratique n’entravent pas la liberté de choix et les possibilités des générations futures » ³. Ce concept débouche sur l’identification de différentes figures constitutives de la ville durable : la ville polycentrique, la ville dense, la ville nature, inclusive, la ville de la mixité sociale et fonctionnelle, les écoquartiers.4 «La ville durable se dessine, se construit donc sur un temps long, l’idée étant que l’avenir construit nos sociétés ».5 Toutefois, alors que le concept de la ville durable semble être une expérimentation sur le long terme en développement constant, nous sommes immédiatement saisis par le sentiment que cette situation est à régler de manière urgente comme le souligne l’introduction du rapport de Brundtland.6 En effet, face à cette transition urgente, les figures de la ville durable se déclinent en normes et en procédures techniques qui se diffusent à l’échelle de la planète : les « bonnes pratiques » en charge de produire la ville durable sans qu’elles soient véritablement interrogées, questionnées. De manière explicite, ces schémas se traduisent par la mise en place de mobilité durable qui semblent faire consensus :


pénalisation du trafic automobile intra-urbain, encouragement du deuxroues motorisé, du vélo, de la marche à pied, du tramway, des autres transports en commun et du co-voiturage. Avec l’idée que ces schémas s’inscrivent dans une démarche de développement durable. Cependant, ces initiatives établies de manière impérative semblent oublier un thème à la fois concret et en même temps très sensible : celui de la notion de genre qui distingue les individus en fonction de leurs sexes. En effet, les femmes et les hommes sont-ils égaux face à ces actions volontaristes ? A qui profite réellement le dessein de la ville durable ? Comment se dessinent ses initiatives ? Prennent-elles en compte la notion du genre dans leurs transcriptions véritables ? Face à ces questionnements, je souhaite réfléchir sur la conception de nos espaces urbains aujourd’hui et plus précisément sur le dessin de la ville dite « durable et intelligente » où l’égalité entre les femmes et les hommes doit être sa condition principale : « On ne peut traiter les causes fondamentales du changement climatique sans comprendre la dynamique de genre en profondeur ». 7 Ainsi, j’entreprends ici de réaliser, un état des lieux des recherches constituées par de nombreuses lectures dans différents domaines : géographie, urbanisme, psychologie, féminisme, architecture, anthropologie. Ces deux parties nous permettront de comprendre dans comment se fabrique les fondements du genre dans notre société puis, la relation que le genre entretient avec l’espace urbain. La troisième partie s’articule autour d’analyses d’actions menées par les politiques publiques : développement des mobilités douces, mise en place de participation citoyenne et si celles-ci répondent aux enjeux de la ville durable. Mon mémoire est le fruit d’une interrogation personnelle. A travers les yeux d’un étudiant en architecture qui, débarrassé des règles et normes imposées par la connaissance du monde professionnel, tente d’apporter un regard neuf sur des phénomènes et des problématiques contemporaines. En effet, tout au long de notre cursus nous sommes sensibilisés aux bonnes pratiques de l’architecture, à concevoir en prenant en compte les enjeux sociétaux, économiques, politiques et écologiques qui se trouvent définitivement en (r)évolution, la notion de durabilité y est donc largement introduite et questionnée. Pour autant, les architectes projeteurs de la ville future, semblent hermétiques à la question du genre dans l’espace public, phénomène générateur de conflits et d’inégalités. Cette donnée devrait être introduite au sein des écoles d’architecture afin que les étudiants, futurs bâtisseurs de la cité de demain prennent conscience de ces enjeux et ne reproduisent pas assidûment des schémas archaïques, aujourd’hui dépassés. Ainsi, cette notion sera donc largement traitée au sein de ce mémoire.

6 BRUNTLAND Gros Harlem, rapport de brundtland, Commission mondiale sur l’environnement et le développement, 1988, p.5 7

MACGREGOR Sherilyn, « Gender and climate change » : from impacts to discourses, décembre 2010, p.8

-9


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

10 -


CHAPITRE I LA NOTION DE GENRE

Vivian Maier, New York

- 11


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

La notion de genre

LE GENRE, UNE FABRIQUE CONTINUE Il faut intégrer que la question du genre intervient le plus souvent de manière inconsciente dans tous les domaines de vie de chacun : famille, marché du travail, couple, parentalité… Cette question fait partie de la construction de l’identité d’un individu et cela sans distinction de classes sociales et/ou de problématiques humaines. On peut penser que la norme législative est égalitaire dans notre pays démocratique. Pour autant, il semble qu’une norme supérieure s’impose auprès de chaque individu, ce sont les principes du genre, qui agissent au quotidien : les codes vestimentaires, les normes comportementales, les normes identitaires etc. Autant de normes et principes qui s’imposent à nous et qui régissent nos faits et gestes. Ainsi on peut se poser la question : « Qu’est ce qui fait qu’une femme ne peut pas être dehors la nuit au même titre qu’un homme ? C’est toute l’histoire et l’héritage patriarcaux qu’il faut analyser »1 LA NAISSANCE DES QUESTIONNEMENTS SUR LE GENRE

1

MARUEJOULS-BENOIT Édith, Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe. Géographie. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2014. p32. 2

PAGES Claire, D’où vient le genre ? Freud, Darwin, Butler, février 2016, p.2 3

BUTLER Judith, CONNEL Raewyn et TRACHMAN Mathieu, in : TRACHAM Mathieu, Les Vrais hommes et les autres, La Vie des idées, juillet 2014.

Le sexe désigne la réalité anatomique de la sexuation tandis que le genre renverrait à l’identité sexuelle sociale2. La différence des deux serait alors le partage entre nature et culture. Pourtant, le rapport entre les deux dimensions de l’identité sexuelle est le plus souvent pensé comme une relation mimétique, le sexe étant tenu pour la cause du genre. Ainsi, pendant longtemps on a considéré que le genre était uniquement inscrit dans une vision binaire : celui du féminin et celui du masculin, sans aucune transgression possible. Toutefois, cette représentation aujourd’hui est questionnée, car les pratiques sexuelles ne respectant pas ce schéma seraient donc considérées comme « déviantes ». Ainsi, depuis le XXème siècle, la question de l’identité est abordée d’un point de vue politique et social. L’identité du genre ne vient plus du sexe, c’est une identité qui s’acquiert avec le temps. Le genre de l’individu est construit dans l’imaginaire collectif et individuel en fonction du sexe. Ainsi entre sexe féminin et identification féminine, c’est à dire le sentiment d’être une femme, il n’y a pas de correspondance automatique, le curseur peut être déplacé entre l’identité masculine et féminine pour considérer d’autres identités comme celle de l’androgynie. On quitte le modèle de la bicatégorisation. On voit apparaître notamment « la théorie queer »3, largement inspiré des travaux de Judith Butler qui considère que l’identité sexuelle est ouverte aux champs des possibles. Ainsi l’individu a la possibilité de faire évoluer comme bon lui semble son identité sexuelle. Le discours queer tente donc d’effacer et de dépasser toutes les classifications de genre et de sexe en promouvant une personne générique, une personnalité de genre universelle et floue gommant ainsi toutes les classifications traditionnelles.

12 -


Le genre s’inscrit donc autour de trois concepts : Tout d’abord, la construction sociale et culturelle d’une catégorie de sexe, une identité qui s’acquiert avec le temps : « On ne naît pas femme, on le devient »4. Il y a donc une construction sociale à partir d’une sexualité physique. Le deuxième sens est la « double dissymétrie »5 l’idée qu’il y a une domination constante politique et économique sur la femme par l’homme. Puis, la domination de l’hétérosexualité sur l’homosexualité. Deux dissymétries qui apparaissent productrices d’inégalités et qui instaurent des rapports sociaux de genre. Le troisième sens serait l’observation d’un décalage entre le sexe physique et le sentiment d’appartenance à un sexe de façon mental. Le genre n’est donc pas synonyme de femmes mais un concept qui englobe différentes catégories telles que les gays, les lesbiennes, les queers ou les personnes transgenres qui troublent la congruence entre sexe, genre et sexualité et questionnent les fondements de l’hétéronormativité. Ainsi, cet ensemble de sens justifie l’usage du genre, notion présente dans tous les domaines et qui joue un rôle essentiel dans la production des identités de chacun et donc de la ville, théâtre des différentes interactions sociales.

4

DE BEAUVOIR Simone, Le deuxième sexe, Gallimard, avril 1986, 220p 5

DI MEO Guy, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Armand Colin, 2011.

- 13


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

La notion de genre

LE GENRE, OMNIPRÉSENT DANS NOS VIES Bien que notre société occidentale tente progressivement de réduire les nombreuses inégalités genrées, lorsque que l’on chausse les « lunettes du genre »1 pour reprendre une expression de la sociologue Isabelle Clair, on s’aperçoit que la différenciation sexuée et les discriminations genrées forment encore un modèle omniprésent et valide au sein de nos sociétés. Selon Nicole Claude Mathieu « Les sociétés humaines, avec une remarquable monotonie, surdéterminent la différenciation biologique en assignant aux deux sexes des fonctions différentes (divisées, séparées et généralement hiérarchisées) dans le corps social en son entier. Elles leur appliquent une “grammaire” : un genre (un type) “féminin” est imposé culturellement à la femelle pour en faire une femme sociale et un genre “masculin” au mâle pour en faire un homme social. »2

1

CLAIR Isabelle, Sociologie du genre, Paris, Armand Colin, coll. « 128 », 2012, 125 p 2

MATHIEU Nicole-Claude, in : MARRO Cendrine, Le rempart des idées reçues par les filles et les garçons : proposition conceptuelle et pédagogique pour penser la diversité de sexe et faire vivre la mixité au collège, actes du congrès de l’Actualité de la Recherche en Education et en Formation (AREF), Université de Genève, septembre 2010 3

HERITIER Françoise (dir.), Hommes, femmes : La construction de la différence, Universcience et Le Pommier, mai 2010, p.55

14 -

Françoise Héritier, anthropologue et ethnologue française a longtemps travaillé sur les différenciations sexuées jusqu’à analyser qu’une domination masculine s’était construite au cours de l’Histoire. Pour élucider l’universalité de cette domination, Françoise Héritier remonte le temps pour comprendre ses origines. Selon elle, ce schéma se construit autour de trois critères : - La privatisation de la liberté : les femmes n’ont jamais été maîtresses de leurs corps. Dans toutes les sociétés du monde, les femmes étaient données en mariage jusqu’au cours du 19ème siècle. - La privatisation de l’accès au savoir, les femmes se sont longtemps vues privées du droit à l’éducation et au savoir. Cette nécessité d’apprendre étant réservée aux hommes. - La privatisation d’accès à l’autorité. L’idée que les femmes sont là pour reproduire l’espèce humaine et non pas pour accéder à des postes d’autorités. Elle évoque un « modèle archaïque dominant »3 qui au cours de l’histoire est devenu une force des représentations sociales, mentales, idéologiques et culturelles. Françoise Héritier va plus loin dans son analyse en expliquant que dans toutes sociétés, à partir de la différence biologique, on observe un système de valeurs, qui permet de nous exprimer grâce a un langage fondé sur des oppositions : Haut/Bas, Sec/Humide, Chaud/Froid… De façon intuitive, pour chacun de nous, ces termes sont dotés de l’indice masculin ou de l’indice féminin ; Les hommes sont actifs, les femmes passives. Ces termes se voient attribuer de valeurs positives ou négatives. Or, dans chaque culture se sont systématiquement les termes associés au masculin qui sont considérés comme positifs. Ainsi, en prenant l’exemple du passif et de l’actif, on remarque qu’en Europe, le passif est féminin tandis que l’actif est masculin, c’est ce dernier qui est valorisé. A l’inverse, en Chine ou en Inde, l’actif est féminin tandis que le passif est masculin, pour autant c’est le passif qui est valorisé. Même si nos modes contemporains semblent marqués par un mouvement d’égalisation depuis l’arrivée massive des femmes dans le monde du


travail, de leur progressive indépendance économique et de leurs revendications d’égalité de condition, les inégalités entre les hommes et les femmes semblent incontestables et ancrées dans nos sociétés. Guy di Méo dans son ouvrage « Les murs invisibles »4 démontre que malgré une évolution vers l’équité du partage progressif des différentes tâches communes, les femmes continuent de prendre en charge les activités domestiques, ménagères, la récupération des enfants bien qu’elles soient largement intégrées et investies au sein du monde du travail. L’éducation doit donc apporter du crédit à cela, à apprendre à s’écouter, à s’entendre, à vivre ensemble. Pour autant Il semble que les fondements de ces inégalités prennent forme beaucoup plus tôt, instaurés dès l’enfance et notamment dès la cour de récréation. L’ENFANCE. Dès l’ouverture des yeux de l’enfant, son interaction avec son environnement social et familial va contribuer à forger et façonner son identité. C’est véritablement à partir de deux ans et demi lorsque que les capacités cognitives de l’enfant se développent que celui-ci commence à s’identifier au genre féminin ou masculin. Ainsi dès le plus jeune âge, son interaction avec l’environnement aura déjà eu un impact dans la formation de sa personnalité. L’entourage, notamment les parents qui stimulent et éduquent les garçons et les filles de manière différente ont eux aussi, directement une conséquence sur la construction de l’identité de l’enfant. On observe que les rapports à l’utilisation du corps, la motricité et l’occupation de l’espace commencent à se différencier alors en fonction du sexe. « À partir de 3 ans, les filles ont déjà limité leur espace et leur mobilité », déplore Nicole Abar, ancienne internationale de football et fondatrice de l’association Liberté aux joueuses. « Plus tard, ça donne des filles qui ne savent pas courir ou jeter une balle. »5 C’est notamment à partir de cet âge que l’enfant se dirige manifestement vers des partenaires de jeu de même sexe. Avec l’âge les enfants passent ainsi de plus en plus de temps en groupes de jeux unisexués.6 Indéniablement, le contexte social a donc directement une influence sur la construction de l’identité de l’enfant et notamment sur ses rapports sociaux. Ainsi on observe que des inégalités de genre apparaissent très tôt et de manière inconsciente et cristallise tout au long de la scolarité de l’enfant. En effet, lorsque l’on imagine une cour de récréation, on pense à un lieu mixte où filles et garçons partagent et jouent dans tout l’espace proposé de la cour sans distinction. Pour autant, selon Edith Maruéjuls-Benoit, la réalité semble tout autre. Cette spécialiste du territoire étudie les cours d’école depuis 2010.7 D’après elle, l’espace des cours d’école de plusieurs établissements scolaires serait inégalement réparti, et ce, dès le plus jeune âge. Ainsi, elle observe que les garçons jouent quotidiennement aux sports collectifs. Ils s’approprient les terrains dessinés sur le sol et situés généralement au centre des cours de récréation. Ils jouent au football, au basket, au hand-ball. Tandis que les filles, elles, de leur coté, se serrent dans les marges et les recoins, jouant sous les préaux ou gravitant autour des terrains de football et basket. Elles se déplacent dans l’espace de la cour de récréation en fonction des jeux des garçons. La position centrale du terrain de sport, bien souvent celui de football engendre une forme d’invisibilisation des filles.

4

DI MEO Guy, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Armand Colin, 2011 5

SCHLAMA Olivier, Nicole Abar : Pour la pionnière du foot féminin, l’égalité c’est du sport, in : DIS-LEUR!, 14 novembre 2017 6

ZAIDMAN Claude, Jeux de filles, jeux de garçons, Les cahiers du CEDREF, 1 décembre 2018 7

MARUEJOULS-BENOIT Édith, Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe. Géographie. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2014

- 15


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

La notion de genre

Les limites du terrain légitiment un jeu de « garçons » et, loin de constituer une règle du jeu, les lignes empêchent surtout les enfants « qui ne jouent pas au foot » d’entrer sur le terrain. De ce fait, les garçons n’aimant pas le football, sont relégués aux « jeux de filles » et sont exclus de l’espace masculin. Alors que la Loi Haby impose la mixité à l’école depuis 19758, la cour de récréation suit toujours une règle de jeu bien établie : garçons qui disputent les match de football au centre tandis que dans un coin, les filles sautent à l’élastique ou jouent à la marelle. Le sport définit l’espace et la répartition des sexes. La cour d’école est un condensé de l’espace publique, un micro-espace qui prépare chaque enfant aux rapports sociaux, à la liberté et à l’autogestion. C’est un endroit où chacun fait l’apprentissage de l’organisation et de la négociation dans les espaces publics. Il est donc nécessaire que enfants et adultes puissent constater ces mécanismes à l’œuvre, afin d’asseoir un système égalitaire. Ces schémas se reproduisent inlassablement et ce qui se joue dans la cour prend forme à l’extérieur et notamment au sein des espaces de loisirs. LES GARÇONS, ETERNELS BENEFICIAIRES DES ESPACES DE LOISIRS.

8

Loi relative à l’éducation *Loi Haby*, 11 juillet 1975, n°75-620, art. 7. 9

RAIBAUD Yves, La ville faite par et pour les hommes, Belin, 2015, pp. 15-25. 10

Observatoire bordelaise de l’Egalité, résultats d’enquêtes, réunion, 14 avril 2015 11

GALLAND Olivier, Les jeunes, La découverte, 2009, pp. 6-20 12

MAYOL Pierre, Les enfants de la liberté : études sur l’autonomie sociale et culturelle des jeunes en France, 1970-1996, Paris, l’Harmattan, (Débats jeunesses), 1997 13

MARUEJOULS-BENOIT Édith, Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe. Géographie. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2014

16 -

On sait que l’adolescence est une période où la mixité est une question centrale. Les jeunes en pleine période de construction et de recherche ont besoin de confrontations et d’échanges avec l’autre sexe. Les espaces de loisirs, de sport et de culture sont l’écrin d’interrelations en dehors du collège, moins contraints qu’au sein de l’espace de l’éducation nationale, moins soumis au regard des adultes référents. Pour autant, selon Yves Raibaud, géographe, les filles et les garçons ne se côtoient généralement que très peu au sein de ces lieux publics.9 En effet, Yves Raibaud constate que les stéréotypes sexués qui imprègnent l’univers scolaire et notamment celui de la cour d’école sont également visibles dans les activités culturelles, sportives et de loisirs, pourtant présentées comme ouvertes à tous et à toutes. A travers une série d’enquêtes réalisées autour de l’agglomération bordelaise10, il constate que dès l’entrée au collège, les filles décrochent des activités de loisirs sportifs ou culturels proposées par les municipalités. La jeunesse est un moment privilégié de la construction vers une affimation identitaire11, et le choix des loisirs des jeunes est un élément décisif dans leurs transitions vers l’âge adulte12. Le décrochage massif des filles est donc un phénomène préoccupant. Selon Edith Maruéjuls-Benoit13, ce décrochage massif des filles se justifie par l’investissement conséquent dans le monde scolaire pour les filles et la volonté d’équilibrer la moins bonne réussite scolaire des garçons en leur permettant de s’exprimer, de réussir au sein des espaces de loisirs. Ainsi la non-mixité et le renforcement des stéréotypes sexués dans les espaces publics et les équipements de loisirs amorcent l’invisibilité des femmes dans la ville. Elles se trouvent dépossédées, contrairement aux garçons, de l’accès à l’apprentissage de la citoyenneté qu’on acquiert au sein de l’espace public. Ce délaissement a pour conséquence l’exclusivité presque totale pour les garçons des lieux tels que les maisons de quartiers où ils représentent 75% à 80% des utilisateurs, et pratiquement 100% des usagers des skateparks et citystades.14


Les lieux de répétitions de musique et les médiathèques quant à eux, semblent des espaces moins genrés où ils représentent 50% des effectifs. On peut penser que ces espaces sont plus égalitaires dans leurs utilisations dû à la présence de personnel, contrairement aux citystades et skateparks. Ces loisirs généralement subventionnés par les collectivités deviennent alors le terrain de rapports sociaux et de jeux de la jeune population masculine. Pourtant, certains lieux comme la maison des jeunes, les lieux de répétitions ou encore les événements culturels ne proposent pas à priori des activités qui nécessitent de la force physique, ni ne font appel à des dispositions naturelles qui excluraient les filles. Les projets pédagogiques sont généralement axés sur l’autonomie des jeunes, le principe de mixité sociale, et /ou culturelle. Ce sont des lieux qui s’appuient sur des valeurs fortes de l’éducation. C’est donc le cadre idéal pour que filles et garçons s’émancipent, se libèrent et se préparent aux tumultes complexes de la ville. Sauf que les filles sont encore trop peu représentées. C’est donc ici qu’on observe avec force le décrochage de l’espace public des filles. Ces petits archipels, ces îlots spécifiques principalement occupés par les garçons forment des micro-espaces publics. Ils participent à construire la ville, lieu de trop nombreuses inégalités sexuées. Ce sont les prémices d’une ville qui se construit sous nos yeux et qui prend la forme de grands espaces consacrées au football ou au rugby et destinés quasi exclusivement à un public masculin. 14

RAIBAUD Yves, La ville faite par et pour les hommes, Belin, 2015, p-16

- 17


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

18 -


CHAPITRE II LE GENRE DANS L’ESPACE URBAIN

Vivian Maier, New York

- 19


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

Le genre dans l’espace urbain

LA VILLE, TERRITOIRE DES MASCULINITÉS

« L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça se coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça cogne. Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d’espace. Le problème n’est pas d’inventer l’espace, encore moins de le réinventer (trop de gens bien intentionnés sont là aujourd’hui pour penser notre environnement…), mais de l’interroger, ou, plus simplement encore, de le lire ; car ce que nous appelons quotidienneté n’est pas évidence, mais opacité : une forme de cécité, une manière d’anesthésie. »1 Espèces d’espaces, Georges Perec.

1

PEREC Georges, Espèces d’espaces, Galilée, 1974, 125p 2

COUTRAS Jacqueline, Crise urbaine et espaces sexués, Paris : A. Colin, 1996, 155p

George Perec évoque ici le dessin de l’espace urbain, de lieux de rencontres et d’échanges, espace de citoyenneté, en négatif de l’espace bâti. Ces espaces de rassemblements et de débats où se nouent les relations sociales, forment des espaces capitaux dans la construction de la sociabilité des individus et des groupes sociaux. Il s’avère que ces espaces apparaissent comme marqués par des phénomènes de hiérarchisation et de domination. Or l’invisibilité de la sexuation des représentations a longtemps perduré. En France, pendant de nombreuses années les diverses disciplines s’intéressant aux spatialités (géographie, urbanisme, architecture et sociologie urbaine) ne prenaient pas en compte les questions du genre. En effet, c’est seulement à partir des travaux de Jacqueline Coutras2 publiés au milieu des années 1980, qu’il a été possible de montrer combien les villes françaises sont le support et le produit de rapports de genre et donc de force et de pouvoir. Ils ont contribué à une meilleure compréhension des différents territoires urbains. Ainsi, ses travaux ont permis d’observer qu’au sein des villes contemporaines, modernisation et mobilité semblaient progresser au même rythme. La mobilité permettait de profiter au mieux des bienfaits de la ville devenant ainsi une condition fondamentale à l’insertion sociale des personnes. Ainsi, les catégories socio-professionnelles les plus aisées ont les mobilités les moins contraintes et les plus choisies. Tandis que la mobilité féminine se trouve dans une situation complexe : certes, les femmes semblent avoir progressivement fait disparaître les modèles passés de différenciation entre hommes et femmes. Toutefois, elles restent aussi traditionnellement rattachées à la vie familiale et donc au logement. De ce fait, elles développent une présence dans un certain périmètre accessible à pied depuis leur logement, pour autant elles deviennent invisibles au sein de l’espace urbain hors de la « proximité résidentielle ». L’espace développé autour du logement familial devient le lieu de réalisation des tâches familiales.

20 -


L’homme est donc rattaché aux domaines du travail, de l’entreprise tandis que la femme l’est à l’espace familial et donc par extension à son quartier. Ainsi pendant longtemps, semble avoir prévalu le modèle qu’avait organisé au XIXème siècle l’idéologie bourgeoise : une division, un cloisonnement de l’espace et du temps entre les hommes et les femmes notamment pour ces dernières une assignation à l’espace domestique, dit « du foyer ». Toutefois, depuis une vingtaine d’années, ce modèle semble s’estomper. Depuis l’arrivée massive des femmes dans le monde du travail, de leur progressive indépendance économique et leurs revendications d’égalité de condition, les déplacements au quotidien des femmes et des hommes ne se différencient plus, les amenant à fréquenter les mêmes espaces dans la ville. Il est vrai, aujourd’hui la femme est bel et bien présente dans la ville. Elle n’a plus besoin de légitimer sa présence car elle fait partie de l’espace urbain : elle y vit, y travaille, y accompagne ses enfants à l’école, y va faire des courses… En effet, nos modes de vie contemporains sont marqués par un mouvement d’égalisation et d’individuation qui semblent avoir progressivement fait disparaître ces modèles passés de différenciation des rôles sociaux entre hommes et femmes. Ces dernières se déplacent aujourd’hui légitimement dans la sphère publique et ce, quasiment autant que les hommes. Pour autant, lorsque l’on dépasse les représentations sur ce sujet afin d’explorer les pratiques quotidiennes des individus et d’analyser la justice spatiale au sein des espaces de nos villes, on discerne très vite que les femmes ne pratiquent pas la ville de la même façon que les hommes. Elles développent le sentiment d’avoir à se protéger, ce qui se traduit par des stratégies d’évitement ou d’adaptation dépendant du moment de la journée et du lieu où elles se trouvent. En effet, de subtiles inégalités président à la conception de nos villes, inégalités tellement intériorisées et ancrées au cours des siècles qu’elles sont devenues aujourd’hui invisibles et semblent faire consensus dans le dessin des villes. La reproduction des inégalités entre femmes et hommes à travers le temps se réalise ainsi sous une apparence démocratique qui reste crédible tant que ne sont pas reconsidérés les processus de construction en y intégrant la notion de genre.

3 LUSSAULT Michel, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, LUSSAULT Michel, LEVY Jacques (dir.), Belin, 2013, 160p.

D’après le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés l’espace public est « au sens strict, un des espaces possibles de la pratique sociale des individus caractérisé par son statut public. »3 . Nous allons découvrir ici que l’espace public n’est à priori pas un espace de sociabilité et de liberté pour toutes et tous. En effet, au travers de différents écrits, études, on s’aperçoit que selon des temporalités différentes, les usages diurnes et nocturnes des espaces publics varient en fonction du sexe ou du genre assigné à la personne, avec l’idée forte que l’aménagement des villes est avant tout pensé par et pour des (jeunes) hommes.

- 21


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

Le genre dans l’espace urbain

UNE VILLE, DEUX USAGES. Les filles traversent les rues, sortent avec ou sans permission, la ville à première vue leur appartient. Arrêtons nous, reconsidérons les choses, observons plus précisément les usages : les femmes semblent aller quelque part, tandis que les hommes, eux, se posent, tiennent les murs, y jouent, semblent y être conviés. En effet, l’espace public est une « mixité en trompe l’œil »4 qui derrière cette première perception est souvent l’objet d’espace conflictuel et négocié. Une étude récente, sans équivalent en France, menée sur la ville de Bordeaux, s’est penchée sur l’égalité d’accès à la ville pour les femmes et les hommes5. Ses conclusions ont une portée bien plus générale que la seule ville de Bordeaux et montrent que la problématique de l’égalité à l’accès à la ville devrait être un indicateur de la qualité des espaces urbains. Derrière l’impression générale qu’il existe une mixité partagée des espace urbains, l’enquête révèle une autre réalité des relations hommes/femmes.

4

RAIBAUD Yves, Féminin singulier universel 2018, Villeneuve-d’Asq, Femmes, hommes : une mixité en trompe l’oeil, 2 octobre 2018 [en ligne]. Rapports et documents disponible à l’adresse : https:// www.architectes.org/actualites/ conference-femmes-hommesdans-l-espace-public-une-mixiteen-trompe-l-oeil-1311 [Consulté le 21 février 2019] 5

Aurba (2011), « l’usage de la ville par le genre », in : www. a u r b a . o rg / E t u d e s / Th e m e s / Populations-et-modes-de-vie/Lusage-de-la-ville-par-le-genreles-femmes 6

Couple, famille, parentalité , travail des femmes. Mars 2011. INSEE première Mars 2011 7

INSEE, 2009, Insee [en ligne]. Janvier 2013. Disponible à l’adresse : https://www.insee.fr/ fr/statistiques/1291297 [consulté le 10 janvier 2019].

22 -

S’il y a bien un domaine où les femmes sont en première position face aux hommes, à l’échelle internationale c’est bien sur l’espérance de vie. Mais qu’en est-il du reste ? De cet ensemble de caractéristiques qui forme une vie, un parcours à travers des lieux, des espaces ? Les premières statistiques dévoile des tendances asymétriques entre hommes et femmes du point de vue des ressources : selon L’INSEE6, en 2006, les femmes reçoivent une rémunération inférieure de 18,2% à celle des hommes. Concernant les ménages, un tiers d’entre eux sont des couples bi-actifs, et il ressort une part non négligeable de couples où aucun des membres ne travaille (13 %). « Ce sont principalement les hommes qui apparaissent occuper un emploi quand seul l’un des deux conjoints exerce une activité professionnelle. De la même manière, lorsque l’on se penche sur la part des individus « au foyer », elle concerne en majorité les femmes. » D’un point de vue des déplacements, l’étude portée sur la ville de Bordeaux montre que la voiture conserve une place de choix dans la mobilité urbaine féminine, « Du fait de son pragmatisme et du sentiment de sécurité qu’elle procure dans les déplacements de la femme qu’elle soit mûre, mère ou jeune noctambule ». Face aux transports en commun la voiture semble être encore le moyen le plus rapide pour se déplacer, elle est d’ailleurs plébiscitée aussi bien par les hommes que par les femmes qui en ont pourtant un usage moins fréquent (elles sont 38% à ne jamais conduire de voiture). Une précédente étude nommée « mobilité-ménage »7 en 2009 toujours sur la ville de Bordeaux a notamment permis de montrer que les femmes ont des déplacements professionnels moins importants que les hommes, pour autant celles-ci sont trois fois plus nombreuses que ces derniers à utiliser leur voiture dans les déplacements liés à l’accompagnement (enfants, personnes âgées) et aux taches domestiques. Bien que les principaux indices d’inégalités recueillis via la variable sexe soient le fruit d’une enquête portant exclusivement sur l’agglomération bordelaise, ils sont révélateurs des tendances actuelles qui seraient sensiblement similaires dans toutes les grandes villes française. De nombreuses autres données pourraient être mobilisées, puisque la variable sexe est un indicateur généralement pris en compte dans toutes les enquêtes portant sur les populations et les modes de vie. Cependant, ces données ne sont pas ou peu exploitées.


Les nombreux écart et différences paraissent naturelles, et n’ouvrent pas sur une réflexion politique ou technique qui permettrait l’amélioration de l’usage de la ville par les femmes. Pour ce faire, il s’agirait de sortir de l’invisibilité, ces différentes statistiques qui forment les premières conditions aux inégalités sexuées au sein de l’espace public. En ce début de XXIème siècle, les stéréotypes perdurent et continuent à légitimer les inégalités, toujours au détriment des femmes. Une autre thématique récurrente au sein des débats publics, a elle aussi, pendant longtemps, été discréditée de tout intérêt d’études via le prisme du genre, en rendant compte des expériences différentes qu’en fait chacun des deux sexes : l’insécurité .L’insécurité et le sentiment d’appréhension sont des impressions que les femmes semblent plus souvent déclarer éprouver lorsqu’elles sortent de chez elles que les hommes.

- 23


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

Le genre dans l’espace urbain

LES FEMMES ET LE SENTIMENT D’INSÉCURITÉ LE HARCELEMENT DE RUE, CULTURE URBAINE.

1

CONDON, Stéphanie, Marylène LIEBER, et Florence MAILLOCHON. « Insécurité dans les espaces publics : comprendre les peurs féminines », Revue française de sociologie, vol. vol. 46, no. 2, 2005, pp. 265-294. 2

MATHIEU Thomas, crocodiles, Le Lombard 2015, 60p. 3

Les eds,

Secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, 2016, Secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations [en ligne]. Avril 2016. Disponible à l’adresse : https://www. egalite-femmes-hommes. gouv.fr/publications/droitsdes-femmes/egalite-entreles-femmes-et-les-hommes/ vers-legalite-reelle-entreles-femmes-et-les-hommesl e s - c h i ff re s - c l e s - l e s s e n t i e l edition-2016/ [consulté le 14 février 2019].

24 -

Ce n’est que depuis peu que les recherches françaises considèrent véritablement ces simples « préoccupations », ces « craintes personnelles » qui étaient jugées jusqu’alors comme non-objectives d’un point de vue sociologique. Le sens commun a toujours pris en compte ce décalage comme évident , conséquence de la grande « vulnérabilité»1 des femmes, une faiblesse qui soi-disant serait naturelle, il n’était donc pas nécessaire de s’y arrêter. Les femmes étant plus « fragiles » que les hommes ; la ville et les espaces publics représenteraient nécessairement un danger pour elles. Il n’y aurait rien à en dire de plus, il n’y aurait rien à faire. La question mérite pourtant d’être posée, car le sentiment de peur a une incidence notoire sur la mobilité et l’autonomie des femmes, quels que soient leur âge et leur catégorie sociale. En France et en Belgique, c’est en 2012 que le harcèlement de rue a été porté au devant de la scène médiatique grâce notamment au travail d’une étudiante bruxelloise. Sofie Peeters, filmait en caméra cachée ses déplacements mais aussi toutes les remarques à connotation sexuelle qu’elle pouvait subir dans les rues de Bruxelles. Une prise de conscience générale de ce problème de société notamment via le « Projet Crocodile »2 (une mise en bandes dessinées, des histoires de harcèlement et de sexisme par Thomas Mathieu) a émergé. Plus récemment en 2017, l’année du mouvement #balancetonporc a suscité un déferlement de témoignages de victimes racontant leurs agressions subies dans la sphère publique et privée. Depuis cinq ans environ, c’est par le récit du pire que la question de la position des femmes dans la ville a surgi dans le débat public. Pourtant il a permis de pointer du doigt un phénomène qui restait encore peu connu et étudié en France, si l’on en juge par la faiblesse des enquêtes publiques, et les lacunes des statistiques officielles de la Police sur les violences faite aux femmes qui d’une part exclut du comptage les mains courantes effectuées, et d’autre part ne prend en compte que les violences rapportées à la police . Ainsi c’est seulement en 2016 qu’apparaissent les premiers chiffres au grand public grâce au secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes qui publie une campagne sous le nom de « Les Chiffres-clés de 2016 vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » dressant un état des lieux succinct des principales inégalité genrées. On y découvre notamment que : 100% des utilisatrices des transport en commun franciliens ont été victimes une fois au moins dans leur vie de harcèlement sexiste ou agressions, 25% des femmes de 18 à 29 ans disent avoir peur dans la rue, et 40% des femmes interrogées ont renoncé à fréquenter certains lieux publics suite à des manifestations de sexisme.3 Les statistiques sont porteurs de sens et révélateurs d’un fléau social. Selon Marylène Lieber4, qui a interrogé des femmes lors d’une étude menée entre 2000 et 2003 à Paris sur la vulnérabilité des femmes dans l’espace public : la peur devient alors un élément « naturel » intimement liée au fait d’être une femme, celle-ci doit composer avec afin de


parcourir l’espace public. Ainsi, toutes les femmes interrogées affirment prendre des précautions à des degrés divers : Elles sont « prudentes », ou « sur leurs gardes ». Ces pratiques relèvent selon elles, du « bon sens », devenues des précautions communes à prendre notamment la nuit. LA VILLE NOCTAMBULE En 2013, On pouvait lire sur le site du ministère de l’intérieur une fiche intitulée « Conseils faits aux femmes » : « En raison de leur sexe et de leur morphologie, les femmes sont parfois les victimes d’infractions particulières. Lorsque vous êtes chez vous, assurez-vous que toutes les issues sont fermées, ne laissez pas apparaître sur votre boites aux lettres votre condition de femme seule. Lorsque vous sortez, évitez les lieux déserts, les voies mal éclairées ou un éventuel agresseur peut se dissimuler. Dans la rue, si vous êtes isolée, marchez toujours d’un pas énergique et assuré. » Cet extrait pointe vers un mécanisme qui tend à obliger les femmes à rester chez elles, à être toujours sur leurs gardes, sous le coup d’un possible danger. En effet, quand vient la nuit, l’usage de la ville se différencie. Tandis que les hommes ne semblent pas altérés par ce changement, les femmes, elles, anticipent et contrôlent leurs déplacements. L’usage de la ville par les femmes diffère selon l’âge, l’origine socio-culturelle et les lieux de résidence et se distingue de celui des hommes. Ainsi, les senior(e)s orientent leurs déplacements vers l’offre culturelle et les dîners au restaurant, certaines disent ne jamais sortir seule le soir en raison de leur situation familiale et matrimoniale tandis que d’autres comme les jeunes femmes, étudiantes ou actives revendiquent leurs droits à la fête et sont amenées à parcourir la ville, l’espace public. Toutefois, toutes ont en commun de jauger les espaces et de toujours être à l’affût relève Marylène Lieber5. Selon ses dires, elles sortent certes mais leurs propos révèlent qu’elles sont continuellement en train de faire un diagnostic, de calculer et de scruter la situation afin de relever les potentiels risquent de mauvaises rencontres . Les propos récemment recueillis par la mairie de Paris (7 décembre 2018) dans le cadre d’une campagne afin d’améliorer les nuits parisiennes diffusés via les réseaux sociaux de la ville, Conseil de la Nuit, illustrent parfaitement les raisons qui freinent leurs velléités de sortie : « En tant que femme, toutes les nuits où je sors j’ai le droit à quelque chose : quelqu’un qui t’aborde dans la rue, qui te siffle ou qui t’insulte si tu ne réponds pas, etc. Bref, attendre seule des amis ou un bus, ou se retrouver dans une rame de métro avec que des mecs, c’est pas du tout rassurant. » « Je sors beaucoup et connais Paris mais j’ai eu très peur cet été en changeant de noctilien à la gare de l’est à 2h du matin (j’ai raté le dernier métro). Les trottoirs étaient occupés par une foule d’hommes, foule que j’ai été obligée de traverser pour ne pas aller sur la route. Plusieurs ont essayé de m’embrasser, je les ai repoussés, mais il y en a eu un avec qui ça a été plus difficile. »6 Ce quotidien sur le qui-vive les amènent à développer des stratégies : les senior(e)s sortent à plusieurs ou en couples mais très rarement seules, elles utilisent plus souvent la voiture, comme outil de mobilité mais aussi comme élément de protection pour affronter la nuit. Elle est utilisée tel un écrin où les sénior(e)s s’y verrouillent.

4 LIEBER Marylène, Genre, violences et espaces publics. La vulnérabilité des femmes en question, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2008 5

Ibid.

6

Mairie de Paris, 2018, Comment améliorer les nuits parisiennes [en ligne]. Décembre 2018. Disponible à l’adresse : https://idee.paris.fr/project/avenir-comment-ameliorer-lesnuits-parisiennes/presentation/ presentation-37 [consulté le 18 février 2019].

- 25


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

7

Aurba (2011), « l’usage de la ville par le genre », in : www. a u r b a . o rg / E t u d e s / Th e m e s / Populations-et-modes-de-vie/Lusage-de-la-ville-par-le-genreles-femmes 8

LIEBER Marylène, Genre, violences et espaces publics. La vulnérabilité des femmes en question, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2008, pp. 34-45.

26 -

Le genre dans l’espace urbain

Quant aux jeunes, les personnes aux identités non binaires, ils adoptent également les déplacements en groupes d’amies et contrôlent leur tenue corporelle en prenant des précautions vestimentaires. Ce phénomène d’élaboration de stratégies pour les femmes est d’autant plus exacerbé lorsque cette population se rend dans les quartiers des fêtes où sont installées les discothèques. En effet, dans la plupart des villes françaises, ces lieux se trouvent excentrés en raison des nuisances sonores qu’ils produisent. Bien que généralement celles-ci s’y rendent en groupe, ils arrivent fréquemment qu’elles soient obligées de rentrer seules au milieu de la nuit, en l’absence de transport en commun. Les taxis étant rares et chers, elles décrivent alors leurs méthodes pour faire face à la ville, la nuit : long manteau cachant jupe et décolleté, chaussures à talons remplacés par des chaussures plates s’il s’avère nécessaire de courir, écouteurs fixés aux oreilles et téléphone portable gardé allumé et à portée de main pour appeler en cas de besoins. Certaines n’hésitent pas à s’armer comme cette étudiante interrogé dans le cadre de l’enquête menée par Aurba7 sur la ville de Bordeaux en 2011 : «J’ai une bombe lacrymo et je garde mes clés à la main quand je sors pour retourner à ma voiture ». Une solution qui rassure mais qui cristallise d’autant plus le sentiment d’insécurité des femmes dans la rue, la nuit. Cette vigilance et ces précautions jugées communes par les personnes interrogées sont révélatrices d’un long travail de conditionnement que les femmes ont largement adopté. Le sentiment d’insécurité structure continuellement leurs visions de l’espace public, elles cherchent et adoptent des stratégies de déplacements dans la ville, pour être le moins exposées au harcèlement de rue. Les lieux de sorties sont minutieusement choisis, les itinéraires préalablement définis quittent à faire des détours pour éviter certaines rues, ruelles mal éclairées, les endroits déserts, les parkings… Ainsi, bien que l’espace public soit conçu et imaginé selon un idéal démocratique, son accessibilité et sa neutralité sont remis en question au quotidien. Les femmes sortent au prix de stratégies destinées à éviter ce qu’elles considèrent comme dangereux. Ces pratiques diffèrent de celles adoptées par la majorité des hommes qui eux, se refusent d’éprouver une quelconque vulnérabilité au sein de l’espace public. Selon Marilène Lieber8, ces nombreuses précautions s’expliquent par les représentations dominantes qui continuent à présenter le domicile comme un havre de paix et l’extérieur comme dangereux, ce qui se traduit par une association de la femme au domicile et de l’homme à l’extérieur. Pourtant, les peurs éprouvées et intériorisées par les femmes ne proviennent pas seulement de ces représentations. En effet, comme énoncé auparavant, les nombreux équipements publics qui font l’objet d’une présence à dominance masculine participent à la construction de ces représentations. Puis, l’expérience quotidienne que fait la femme au sein des espaces publics aliment cette image. Victimes très souvent d’intrusion, d’irruption dans leurs espaces intimes, cela participe à leurs peurs car elles ne savent pas jusqu’où une interaction avec un inconnu peut mener. Elles anticipent de manière systématique le risque de dérapage. L’espace public est partout et visible de tous, parcouru par l’ensemble de la population , il constitue un formidable outil qui permet de mettre en évidence les rapport sociaux entre les genres. Pour autant, du fait de sa visibilité , il ne faut pas perdre à l’esprit qu’il aura tendance à exacerber


certaines pratiques. Ainsi, comme on a pu le voir, les études portées sur l’espace public et leurs médiatisations ont permis d’observer les nombreuses violences verbales et physiques dont les femmes faisaient l’objet. Alors même qu’en considérant l’ensemble des statistiques, on s’aperçoit que les violences faites aux femmes sont généralement perpétrées au sein de l’espace domestique et par des personnes plus ou moins proches (étude réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 6970 femmes âgées de 20 à 59 ans et résidant, hors institution, en métropole par les Enquêtes Nationales sur les Violences Envers les Femmes en France)9 . Quant aux hommes, bien qu’ils soient trois fois moins nombreux à déclarer éprouver un sentiment d’insécurité, ils sont le plus susceptibles d’être victimes d’agressions dans la sphère publique. Il convient donc de considérer l’ensemble des données exploitables et de ne pas seulement se concentrer sur une certaine échelle et un lieu .

9 Elizabeth Brown, « Les enquêtes « Enveff » sur les violences envers les femmes dans la France hexagonale et ultramarine », Pouvoirs dans la Caraïbe [En ligne]. 2012. Disponible à l’adresse : http://journals. openedition.org/plc/860 ; DOI : 10.4000/plc.860 [consulté le 5 janvier 2019].

- 27


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

Le genre dans l’espace urbain

LE MOBILIER URBAIN

1

Mairie de Paris, Réinventons nos places, Paris [en ligne]. 2015. disponible à l’adresse : https://www.paris.fr/serviceset-infos-pratiques/urbanismeet-architecture/projetsurbains-et-architecturaux/ reinventons-nos-places2540#la-concertation-imaginerensemble-les-places-dedemain_15 [consulté le 7 janvier 2019].

28 -

Le mobilier urbain est le premier interface avec lequel interagit les citoyens. En effet, présent au sein de l’espace public, il est l’élément de liaison entre le citoyen et la ville. Abris-bus, bancs, assises, il participe à construire l’espace parcouru par chacun des individus. Aujourd’hui, la place de la voiture au sein de l’espace urbain est amenée à diminuer ce qui a pour conséquence d’augmenter la place réservée aux piétons. Ainsi, les usages sont amenés à changer, à être redéfinis, l’apparition de cette nouvelle équation contemporaine pourrait être l’opportunité de se recentrer pour mieux intégrer les femmes dans l’espace public, au même degré que les hommes. Récemment des aménagements concrets dans ce sens ont déjà pu voir le jour. En effet, dans le cadre de « Réinventons nos places »1 projet datant de Juin 2015, porté par Anne Hidalgo, visant la concertation sur le réaménagement de sept grandes places parisiennes, la Place du Panthéon a fait l’objet d’une expérimentation. L’association Genre et Ville, une plateforme de réflexions et d’actions pour des territoires égalitaires et inclusifs en compagnie du collectif ETC, collectif reconnu d’architectes ont imaginé et conçu un espace inclusif. A partir des observations faites au quotidien par les usagers les plus fréquents, notamment les étudiants qui utilisent l’espace public sans complexe, ils ont imaginé différentes structures pouvant accueillir de multiples usages. En proposant de grandes plateformes en bois et grâce à leur configuration, l’usage du mobilier n’est pas directement défini et imposé, chacun est en capacité de se l’approprier comme il le souhaite, femme ou homme. Au bout du compte, on observe des publics divers qui s’assoient, mangent, travaillent, flânent, jouent, dorment… Sans distinction. L’espace est occupé quotidiennement ce qui permet de développer un sentiment de bienveillance et de sécurité, ainsi l’espace est également occupé par les femmes, sans arrière pensée. La place du Panthéon où l’on peut lire sur le fronton « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » connaît donc un renouveau où la place se métamorphose, avec l’idée, que ce changement pourrait être évolutif avec une appropriation progressive par les habitants . Les initiatives de ce genre sont encore peu fréquentes, mais elles semblent peu à peu être considérées. Laissons émerger les lieux permettant une diversité d’usages et d’assemblages car cela donne lieu à des échanges plus fructueux et moins ordonnancés. Ce sont les enjeux de l’urbanisme de demain : pouvoir créer ces conditions.


Place du Panthéon, Lucas Bonnel

Place du Panthéon, Lucas Bonnel

Place du Panthéon, Lucas Bonnel

- 29


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

30 -


CHAPITRE III LA VILLE DURABLE, L’IDÉE D’UNE JUSTICE SPATIALE

Vivian Maier, New York

- 31


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

1

FRANCE, 1958, Constitution du 4 octobre 1958 [en ligne]. 4 octobre 1958. Mis à jour le 5 décembre 2008. Disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;?idArticle=LEGIAR TI000019240997&cidTexte=LEGITEXT000006071194 [consulté le 10 janvier 2019]. 2

NAPPI-CHOULET Ingrid (dir.) 2007. Les quartiers durables : nouvel enjeu de demain ?, Les cahiers de l’observatoire de la ville n°2

La ville durable, l’idée d’une justice spaciale

Les différentes études sont unanimes, l’espace public est bien vecteur d’inégalités et les femmes sont nombreuses au quotidien à en faire les frais. Les études de genre, longtemps inconsidérées ont permis de mettre en évidence ce phénomène. Les spécialistes de l’espace, sociologues de l’urbain, géographes intègrent de plus en plus l’approche du genre dans leurs travaux comme nous venons de le lire et de façon systématique les conclusions sont révélatrices d’un dysfonctionnement. Longtemps discréditées car soupçonnées de s’inscrire dans une démarche militante post-Mai 68 souvent liée au Mouvement de Libération des Femmes, l’approche par le genre a également eu du mal à se faire une place en France pour des raisons de culture politique. La pensée étant très universaliste, il ne parait pas primordiale de consacrer des recherches à des groupes sociaux en particulier au nom d’une « république une et indivisible»1. Pourtant, aujourd’hui elles commencent à être utilisées par de nombreuses institutions. Les villes étant de plus en plus attentives à la nécessité d’agir en la faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment à l’instar de la Charte Européenne sur l’égalité entre les hommes et les femmes datant de 1990. Tandis que la notion et les études de genre sont progressivement introduites, la ville continue de se construire et d’être conçue avec une notion aujourd’hui prédominante. En effet, le développement durable a trouvé ancrage au sein des différentes administrations et des institutions publiques depuis deux décennies déjà, avec pour objectif de répondre au réchauffement climatique. L’idée étant que le développement durable ouvre des espaces de discussion pour construire un projet collectif de transformation entraînant des changements profonds. Ainsi, on voit apparaître au sein des villes de nouvelles pratiques qui tentent de répondre à ces nouveaux enjeux environnementaux. La ville durable doit respecter les principes du développement durable, tout en répondant à une triple injonction : prendre simultanément en compte les dimensions économiques, sociales et environnementales. Ainsi face à ces enjeux contemporains, la ville de demain sera-t-elle en mesure de compenser les inégalités genrées de la ville d’aujourd’hui ? MOBILITÉ DOUCE, LE VÉLO EN VILLE, UNE ALTERNATIVE FAVORABLE AUX FEMMES ? Depuis une dizaine d’années, la « ville durable », est une expression qui s’est largement diffusée au sein des institutions. Tout nouveau projet doit être « durable » ou « éco » quelque chose. Si l’on s’attarde sur les premières définitions, une ville durable, serait «une ville qui accueille dignement populations et activités sans exporter ses coûts. Elle doit être économiquement viable et respectueuse de l’environnement, tout en développant une appropriation et une participation citoyenne.»2 Lors de la traduction de ces projets, souvent revient l’idée de favoriser les déplacements par des mobilités douces. Et le vélo, en plus de rimer avec écolo, est aujourd’hui devenu incontestable dans l’aménagement des villes et les bonnes pratiques du développement durable. Jugé comme un excellent moyen de soulager la ville des nuisances sonores et de la pollution, il est souvent plébiscité par des associations et des élus qui

32 -


font la promotion de son usage : Il ne pollue pas. Il ne consomme pas d’énergies fossiles. Il participe à l’effort physique. Le vélo est économique. Il fait notamment l’unanimité chez les urbanistes : le vélo réduit les embouteillages, fluidifie la circulation, rend la ville silencieuse. Ainsi le vélo semble regrouper toutes les qualités, et récolte un véritable engouement médiatique. Il représente 7% des déplacements des habitants de la métropole Rennaise, Rennes étant la 4ème métropole derrière Strasbourg, Grenoble et Bordeaux où l’usage du vélo est plus important selon une enquête réalisée par Rennes métropole en 2018 portant sur les mobilités3. Mais le vélo a-t-il un sexe ? Questionner le vélo sous l’angle du genre, c’est d’abord définir une approche historique de la bicyclette. Tout au long de l’histoire, le vélo a été un incroyable outil d’émancipation pour les femmes. Le vélo a permis aux dames de s’affranchir de codes vestimentaires contraignants (robe longue, corset étouffant) rendant peu libres les femmes de leurs mouvements. Ainsi, avant de devenir une revendication écologiste, le droit au vélo fut un long combat féministe et politique pour les dames. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Les pratiques cyclables actuelles sont-elles égalitaires ? La bicyclette d’Yves Montant, n’est plus. La nécessaire mixité des vélos en libre service a mis fin au règne des vélos urbains sexués. Les hommes se sont accommodés aux cadres à géométrie ouverte (sans barre horizontale) formes traditionnellement dévolues aux femmes pour faciliter l’enfourchement d’un vélo en robe. La vision d’un homme sur un vélo type « vélo de femme » ne prête plus à sourire aujourd’hui. L’androgynie du vélo progresse ! Toutefois, malgré ses premières bonnes intentions, on observe encore de nombreuses inégalités dans la pratique du vélo entre les hommes et les femmes. Les études existantes montrent que le vélo est moins pratiqué par les femmes que par les hommes. Tout d’abord, les hommes sont plus nombreux à avoir accès à un vélo personnel (61,5% contre 49,5%). De plus les femmes déclarent détenir généralement des vélos plus anciens (61,5 % ont un vélo de plus de 5 ans, contre 53,4 % des hommes)4. Les propos d’Yves Raibaud synthétisent fort bien la situation. Via une enquête réalisée par la géographe Florianne Ulrich5 menée sur trois places bordelaises à des heures et des jours différents, mais communs aux trois places (plus de 10 000 passages de vélos comptabilisés): « Au total, 62% de cyclistes hommes et 38% de cyclistes femmes. Par temps de pluie, l’écart se creuse 74% d’hommes et 26% de femmes. Même chose la nuit : 67% d’hommes, 33% de femmes. Quant aux portes bagages enfants, on les retrouve à 58% sur des vélos de femmes. » Ces écarts importants sont expliqués pour diverses raisons. Tout d’abord, le mauvais temps est mentionné comme un frein important à sa pratique ; les femmes abandonnent le vélo à l’arrivée d’un deuxième enfant tandis que les hommes continuent ; La peur des ennuis mécaniques ; les incivilités masculines… Il y a aussi un empêchement lié au manque de pratique. En effet, selon l’enquête TNS Sofrès6 réalisée en 2013 : « Les hommes sont plus nombreux à déclarer « savoir très bien faire du vélo » que les femmes (87,6 % contre 69,6 %). lorsque les hommes se déclarent plus à l’aise à vélo (51,1 %) que les femmes (28,9 %), doit-on y voir une prétention masculine ou une inégalité face à l’apprentissage ? Les chiffres donnent la deuxième affirmation gagnante : 47,2 % des

3 RENNES Ville et Métropole, Enquête « déplacements » 2018, Dossier de presse, 2018. 4

VILLE ET VELO, 2012. La femme est l’avenir du vélo. In : Ville et Vélo [en ligne]. Avril 2012. N°54. Disponible à l’adresse : http://www.villes-cyclables.org/ modules/kameleon/upload/ vv_54_femmes_dossier_2012. pdf [consulté le 15 Février 2019]. 5

ULRICH Florianne (2014), la place des femmes dans un projet de ville durable : le cas de la pratique du vélo sur la Communauté Urbaine de Bordeaux, mémoire de master 2 géographie, dir. Yves Raibaud, Université Michel de MontaigneBordeaux. 6

Enquête réalisée à la demande du Club des villes et territoires cyclables et de la Coordination interministérielle pour le développement de l’usage du vélo (Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie) par MTI Conseil et TNS Sofres en octobre et novembre 2013. - 33


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

La ville durable, l’idée d’une justice spaciale

hommes ont appris à faire du vélo avant l’âge de 6 ans contre 39,8 % des femmes. » Ces écarts se creusent d’autant plus dans les formes renouvelées de vélo (fixie, vélo couché , BMX etc), ces nouvelles pratiques sont formées essentiellement d’un public masculin. En BMX, les garçons raflent la mise en montrant leur courage et leur agilité au sein des skateparks qui leurs sont déjà attribués. C’est aussi la virilité de la chute, du risque, de l’approche du danger. Lorsqu’un domaine d’activité semble s’ouvrir aux femmes, on aperçoit généralement en parallèles des nouvelles pratiques qui se créent et se constituent par un public masculin. Comme si le fait qu’un secteur, ici la pratique du vélo en s’ouvrant à la population féminine se dépréciait ?

7

INSEE, 2017, Insee [en ligne]. Janvier 2017. Disponible à l’adresse :https://www.insee.fr/fr/ statistiques/3202943 [consulté le 18 février 2019]. 8

MERCAT Nicolas, 2018. Paris, capitale du vélo en 2020. 5 février 2018. Document interne à l’entreprise Inddigo

Ainsi, bien qu’on observe une féminisation de plus en plus importante du vélo, les femmes ne bénéficient pas encore du même accès à la pratique que les hommes, les principaux obstacles étant liés à leur « condition féminine ». Ce sont elles, qui aujourd’hui encore, effectuent majoritairement les tâches d’accompagnement et les courses liées aux ménages. Les observations sur les loisirs des jeunes expliquent aussi ce décalage : des pratique sportives deux fois inférieures chez les filles que chez les garçons7. Un décrochage qui s’explique notamment par l’utilisation quasiment exclusive des skateparks et autres équipements liés à l’usage du vélo sportif par les garçons. Il est courant d’entendre chez les aménageurs urbains la plaisanterie qui consiste à dire qu’un aménagement cyclable est réussi lorsque celui-ci est parcouru par des femmes. Pourtant, il est vrai que pour les experts de la mobilité, les femmes sont des indices précieux et font l’objet de toutes les attentions. Selon Nicolas Mercat, co-fondateur du cabinet Inddigo/Aftermodal8, c’est bien la mère plutôt que le père qui tient le rôle de diffuser la pédagogie sur la mobilité auprès des enfants. Ainsi, si la mère effectue ces déplacements en vélo, elle sera d’autant plus encline à diffuser ces modes de déplacements auprès des enfants. L’engagement féminin en faveur du vélo est donc bénéfique à l’ensemble de la famille et aux institutions. Le vélo joue un rôle primordial dans le contexte actuel de crise économique et d’essor des modes doux et non polluants. Remplacer la deuxième voiture par un vélo, faire les courses et les courts trajets à vélo ou même se rendre sur son lieu de travail en vélo pourraient donc avoir un impact significatif au sein des villes. Comme énoncé ci-dessus, le vélo est considéré comme l’exemple même en terme de mobilité durable. Pour autant, si cette nouvelle pratique est préconisée, il faut savoir, connaître et comprendre les empêchements et ce que les nouveaux dispositifs excluent. Pour inciter les femmes à recourir davantage aux vélos pour leurs différents déplacements quotidiens, il est donc primordial d’intégrer les études de genre dans la conception des différents projets d’aménagement et d’urbanisme. Avant de concevoir l’espace physique, l’espace social et les rapports sociaux doivent être considérés. Cette démarche est depuis longtemps intégrée au sein de la conception des aménagements à Vienne. La ville possède depuis les années 1991, un bureau des femmes qui veille à la répartition des activités et des habitudes de déplacements entre les genres.

34 -


« Il s’est avéré que la circulation automobile était surtout masculine et que les transports en commun et les déplacements à pied étaient surtout féminins »9, indique Eva Kail, urbaniste et ancienne dirigeante du bureau des femmes. Ainsi dans ce contexte, plus de 60 projets ont vu le jour et ont été mis en œuvre dans la ville afin d’adapter la circulation, faciliter la circulation des piétons et le développement de pistes cyclables. Ces différentes prises de décisions ont été conçues en réponse aux études menées pour définir les besoins des usages selon leurs genres. Ainsi, à l’instar de la ville de Vienne, il faut intégrer dès la phase de réflexion urbanistique, une prise en considération de la différence des sexes afin que les femmes trouvent leurs places et que les aménagements cyclables répondent à leurs attentes. On a pu voir se développer dans les différentes métropoles françaises des ateliers de remise en pratique du vélo proposés aussi bien pour les personnes âgées que pour les femmes. Ils traduisent donc d’une réelle nécessité d’aider les personnes à se familiariser avec les déplacements en vélo et de desserrer les freins psychologiques. Pour autant, la création de ces ateliers n’est que la résultante d’un problème de fond dans l’aménagement des villes françaises. Qu’en est-il de la création de ces aménagements ? Comment sont-ils votés et décidés ?

9

DELORME Florian, 2017. Espace(s) public(s) (1/4) De Vienne à Casablanca : les femmes à la conquête de la rue. In : Cultures monde, [podcast] [en ligne]. 11 septembre 2017. Disponible à l’adresse : https://www.franceculture. fr/emissions/cultures-monde/ espaces-publics-14-de-viennecasablanca-les-femmes-laconquete-de-la-rue [consulté le 10 février 2019].

- 35


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

La ville durable, l’idée d’une justice spaciale

LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE, LA PAROLE DES FEMMES DIQUALIFIÉE

1

FRANCE. Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, Rio de Janeiro, 1992. Disponible à l’adresse : https://www.hevs. ch/media/document/1/guide_ bibliographie_ingenierie.pdf [consulté le 05 février 2019].

La démocratie représentative a pendant longtemps et officiellement été représentative d’un seul sexe présenté, essentiellement par les hommes. Il a fallu introduire un nouveau concept , celui de « parité » pour permettre aux femmes de parvenir à la représentation publique. Face à l’omniprésence des politiques au sein de la démocratie représentative s’est affirmé l’impératif de mettre en place, à la disposition des citoyens, des moyens de débattre, d’exprimer leurs avis sur des décisions les concernant. On parle alors de démocratie participative, fondée sur le renforcement de la participation citoyenne. Elle est d’abord apparue à propos des questions liées à l’aménagement du territoire et de l’urbanisme avant de s’étendre jusqu’aux questions de l’environnement. Ainsi, la démocratie participative trouve ses fondements dans les lacunes de la démocratie représentative. Affichant des ambitions inclusives et égalitaristes, la démocratie participative a su apparaître comme le terrain politique idéal que pourraient et devraient investir les femmes. L’idée première était de déployer des rapports plus horizontaux entre les différents groupes sociaux et représentants politiques. La démocratie participative est devenue aujourd’hui un principe central à respecter pour toutes prises de décisions notamment dans les pratiques liées au développement durable. En effet, cette notion est précisée dans le principe 10 de la « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement adoptée le 13 juin 1992 lors de la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, le texte précise que : « La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci »1. Développement durable et démocratie participative sont donc intiment liés dans le processus de conception et de décisions de la ville de demain qu’on retrouve également très présent dans les différents dispositifs mis en place par l’Agenda 21. Toutefois, ce dispositif est-il réellement égalitaire ? Comment les femmes et les hommes, ensemble ou séparément, sont-ils entendus dans les dispositifs participatifs contemporains ? Longtemps exclues de toute la sphère politique, les femmes sont-elles aujourd’hui pleinement intégrées au sein de ces dispositifs ? Nous avons pu voir que inégalités et discriminations se matérialisent au sein des villes par une emprise moindre des individus sur l’espace. En est-il de même dans les lieux de prises de décisions ? Face à ce défi contemporain, Yves Raibaud géographe bordelais, a voulu comprendre et analyser les rouages de la participation citoyenne, notamment lors du déroulement de deux plénières portant sur la

36 -


Grenelle des Mobilités de Bordeaux. Invité comme géographe expert, il a pu observer tout le processus de participation sans pour autant dévoiler ses préoccupations : savoir si ce dispositif était réellement égalitaire. Sa méthode d’analyse s’appuie donc sur un comptage systématique des commanditaires, présidents, et rapporteurs d’ateliers, experts, les membres désignés et enfin des individus présents lors des assemblées . Les temps de prises de paroles sont notées et notifiées afin de comprendre comment ceux-ci sont donnés et évincés par les animateurs de débats. Chaque participation des femmes ainsi que les thèmes abordés ont eux aussi été notés par le géographe. Dans un second temps, afin de savoir si les différents débats qui avaient eu lieu lors des plénières ont bien été considérés, Yves Raibaud a effectué une lecture genrée des différents documents de synthèse2. Ainsi, lors d’une séance ayant eu lieu le 26 juin 2012, il compte un total de 91 participants, composé de 69 hommes et 22 femmes. Durant l’intégralité du débat : - Les hommes ont pris la parole 39 fois tandis que les femmes 7 fois (15%) ; - le temps moyen de parole dans le débat pour les hommes est de 3 minutes et 25 secondes, quant à celui des femmes il est 1 minutes et 32 secondes ; - le temps de parole mesuré au final est de 3 heures 23 minutes pour les hommes et 17 minutes pour les femmes (8 %). Sur l’ensemble du déroulement des trois plénières où le géographe était présent, l’ensemble des comptages effectués donne ces chiffres : – présence moyenne de 77 % d’hommes et 23 % de femmes ; – temps de parole (présidents, rapporteurs et experts inclus) de 90 % pour les hommes et 10 % pour les femmes. Les premiers chiffres relevés sont donc sans appel. Yves Raibaud révèle une disparité très forte entre les femmes et les hommes lors des différents débats qui ont eu lieu. Celle-ci est d’autant plus exacerbée lors des prises de paroles et des différents thèmes abordés par les femmes. Tout au long des débats, les présidents semblent oublier d’octroyer la parole à certaines femmes, levant la main. Ils acceptent les interventions sauvages, et les tours de paroles semblent essentiellement donnés aux experts, aux notables, élus locaux composés d’hommes. Les temps de paroles si faibles pour les femmes, ne sont pas dûs à un « mécanisme d’auto-censure »3 bien que les femmes se voient moins octroyer la parole que les hommes durant les séances. Souvent les femmes se voient interrompues dans leurs débats car leurs propos sont jugés « hors sujets » traitant du « cas particulier », ils ne sont pas pris en compte car ne relevant pas de l’intérêt général. Soit on doute de leur capacité à maîtriser les outils et le langage technique, soit on considère que leurs compétences en matière d’éducation ou à l’aide à la personne n’ont pas leur place à l’intérieur de ce débat qui concerne l’intérêt général et non particulier. Dans ces conditions, la prise de parole des femmes devient donc difficile au sein de ces plénières, bien qu’elles soient les porteparoles de sujets importants en tant que représentantes d’associations, d‘élues, de parents d’élèves…

2

Aurba (2013), Pour une mobilité fluide raisonnée et régulée. Rapport du grenelle des mobilités de la métropole bordelaise. Disponible à l’adresse : www.aurba.org. [consulté le 28 Janvier 2019] 3

RAIBAUD Yves, La ville faite par et pour les hommes, Belin, 2015, pp. 47-57.

- 37


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

La ville durable, l’idée d’une justice spaciale

A la lecture du document final, on constate que afin de palier à des problèmes de mobilités et dans une optique de réduction du trafic automobile, cinq modèles principaux sont introduits : Le modèle sans voiture, le modèle à vélo, le modèle à deux-roues motorisé, le modèles des véhicules urbains légers et le modèles de téléservices. Confrontons maintenant ces propositions face aux usages féminins de ces outils. Tout d’abord, le modèle sans voitures proposé par le Grenelle vise à réduire le trafic automobile autour des écoles dans l’optique de rompre avec la dépendance automobile . Pour autant, ce modèle pénalise spécifiquement les femmes qui généralement sont accompagnatrices et effectuent les taches domestiques, elle sont donc directement impactées par ces changements. On a pu voir que l’usage de la voiture est souvent plébiscité par les femmes qui partageant un sentiment d’insécurité la nuit, considèrent la voiture comme un espace de confort et de protection. Le modèle du vélo, bien qu’il n’ait pas d’impact direct dans son usage par les femmes, indique dans les chiffres, qu’il se retrouve moins pratiqué notamment aux heures d’entrées et de sorties des écoles ainsi que la nuit ou quand il pleut. Quand au modèle du deux-roues motorisé il est très peu utilisé, et représente un modèle de déplacement majoritairement masculin. Comment amoindrir ces inégalités dans les pratiques afin que les femmes soient plus enclines à utiliser ces modes de déplacements ? La question n’est pas réellement posée. Le grenelle de mobilité de Bordeaux illustre bien l’échec de ce type d’opération, qui se veut être une démocratie participative ayant pour ambition une parité totale. En effet, les plénières sont composés essentiellement d’homme à la tribune et les femmes prennet très peu la parole. Et lorsqu’elles la possèdent celles ci se trouvent souvent disqualifiées, ou reprises par des personnes se disant plus « expert » dans le domaine. On observe véritablement une hiérarchie des priorités : Il est jugé très important de considérer la diminution des embouteillages, la rationalisation des transports, la limitation de la pollution, le recours à des technologies mécaniques ou numériques. Tandis qu’il est jugé secondaire l’accessibilité, les temps de vie, l’éducation, le soin auprès de la personne, la mixité sociale. Ces décisions ne manquent pas d’ambition face à l’idée de réduire les mobilités automobiles et donc la pollution au sein de la métropole bordelaise. Pourtant, elles participent à creuser des inégalités déjà présentes et qui ne cessent de s’accroître au fil du temps. Des inégalités de genre dans un premier temps, mais aussi la possibilité de l’oubli progressif d’une partie de la population en raison de leur âge, sexe, classe sociale etc.. La ville durable ne doit pas se limiter à une ville dessinée exclusivement pour de jeunes personnes masculines mais bien pour l’intégralité de la population, il est donc nécessaire de prendre en compte aussi les questions relevant du soin à la personne, de l’éducation, de la mixité sociale en même temps que celles liées aux mobilités et aux déplacements. J’ai bien conscience que l’analyse portée par Yves Raibaud est loin d’être exhaustive, elle concerne seulement l’analyse de deux plénières portant sur les mobilités et les déplacements au sein de la métropole de Bordeaux. Elle n’est donc pas représentative de l’ensemble des débats citoyens ou tout autre réunion intégrant l’idée d’une démocratie représentative 38 -


en France. Toutefois, elle est révélatrice d’un dysfonctionnement, les plénières s’affichant paritaires, elles ne le sont pas réellement et l’idée d’une participation citoyenne n’a pas vraiment lieu. Au premier plan, on serait tenté de penser que les politiques publiques ont évolué et donnent une place comparable aux hommes et aux femmes dans les prises de décisions et la conception des projets. En témoignent, la signature de la Charte européenne des femmes dans la cité (1990) ou celle de l’égalité entre les hommes et les femmes dans les politiques locales (2006). Pourtant, dans la mise en pratique, il semble résider encore des disparités quant à la présence et la prise de parole des femmes. Ces plénières, réunions sont le véritable écrin aux mécanismes de production de la ville, elles construisent la ville de demain. Bien qu’elles considèrent les mobilités douces, avec pour objectif de répondre aux enjeux du réchauffement climatique, elles participent à l’isolement des revendications féminines et tend à compliquer leurs vies. Comment peut-on alors changer le dessin de la ville si la parole des femmes n’est pas audible ? En tant que futurs architectes, nous avons bien conscience qu’il est nécessaire d’intégrer dans la conception de nos projets la mixité sociale, elle figure parmis les credo maintes fois répétés lors de la présentation de nos travaux. Toutefois, qu’en est-il de la mixité entre les hommes et les femmes ? Les dessins de nos projets, leurs organisations spatiales ne genèrent-ils pas, eux aussi, des discriminations liées au sexe en contribuant à assigner des places à chacun sans y porter attention ?

- 39


CONCLUSION Les politiques publiques, rouages des mécanismes qui pensent et dessinent les aménagements de la ville de demain semblent focalisées sur l’idée de répondre aux changements climatiques. Les lignes grossières de « l’urgence » climatique occultent la vision des aménageurs, qui s’évertuent à imaginer précipitamment les bonnes pratiques qui constitueront la ville de demain. La ville sera donc plus douce, tranquille, meilleure pour la santé, plus récréative pour tous et chacun devra faire un effort pour s’y adapter. Toutefois, certains détails semblent y échapper. En effet, la ville est le lieu de reproduction de la domination masculine ,qui se perpétue avec nos modes éducatifs , puissamment intégrés par tous. Elle est bien sur parcourue par les femmes mais avec un usage restreint , toujours pensé et jamais de façon complètement libéré .La ville durable qui se construit sous nos yeux a oublié de prendre en compte l’usage de la ville par les femmes . Le nouveau mode de développement de la ville n’a pas pris en compte la notion de genre .Et nous avons pu lire que la démocratie participative n’est pas le levier qu’il aurait pu être pour prendre en compte les préoccupations des femmes et l’utilisation qu’elles font de la ville et des modes de transport doux. En effet, l’étude genrée et approfondie de ces modes de prises de décisions laissent douter de leurs véritables parités. 1

ROSTAING Mélanie (2014), « Analyse sociologique de l’application française de la charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale », Université LumièreLyon 2, Master professionnel E.G.A.L.I.T.E

Les politiques d’égalité ne doivent pas se réduire à de simples aménagements de l’ordre de l’ouverture de crèche, amélioration de l’éclairage public,élargissement des trottoirs, mais bien d’une considération totale des demandes des femmes et d’une répartition égalitaire des budgets publics qui ont tendance à profiter encore essentiellement aux hommes. La France compte 184 collectivités signataires de la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Ces collectivités s’engagent à mettre en œuvre les mesures énoncées par la Charte, à commencer par un « plan d’action pour l’égalité » et à intégrer la dimension de genre dans les prises de décisions et l’analyse des budgets. Toutefois, rien ne les oblige pour autant. Une analyse portée en 2014 par Mélanie Rostaing1 a montré que trois collectivités sur dix ne l’ont pas appliquée et beaucoup d’élues en charge de l’égalité hommes/ femmes semblent faire état de manque d’écoute et de résistances. Ces premières statistiques sont révélatrices d’un dysfonctionnement, qu’on pourrait expliquer par le manque d’information concernant les programmes d’urbanisme qui traitent de l’émancipation des femmes. En effet, l’impact du genre dans les constructions et les aménagements étant encore très récent, et trop peu diffusé dans les instituts d’urbanisme et de géographie, et n’est pas connu de façon systématique ce qui peut-être l’un des freins à leur mise en place. Beaucoup de différents programmes ayant pour objectif de mieux inclure les femmes dans les espaces urbains et leurs conceptions, au niveau professionnel, politique et citoyen ont pourtant vu le jour dans le monde entier depuis les années 1980 mais leur existence est encore peu connue sauf à l’intérieur des réseaux particuliers. Ainsi afin de rendre les villes plus agréables, notamment pour les femmes, il est nécessaire de pouvoir diffuser ces connaissances et informations.

40 -


J’ai voulu interroger les étudiants en école d’architecture française. A travers une rapide enquête, diffusée via les réseaux sociaux dans un souci d’efficacité, j’ai donc voulu mettre en évidence les connaissances des étudiants en école d’architecture à propos de la notion de genre et de son importance dans l’aménagement et le dessin des villes. l’enquête se compose de 4 questions fermées avec la possibilité d’argumenter sa réponse. J’’ai pu obtenir un ensemble de 303 réponses d’étudiant.e.s en école d’architecture. l’objectif premier était de former un panel de réponses afin de savoir si la question du genre était considérée par l’ensemble des étudiants femmes et hommes confondus, en partant du constat que nous sommes tous sensés recevoir la même formation, afin de dégager une « tendance actuelle ». A la première question « Avez-vous conscience que le dessin et l’aménagement des villes favorisent des usages majoritairement masculins ? » 186 individus femmes et hommes confondus sur 303 réponses ont répondu Non (61,4%), tandis que 92 ont répondu Oui (30,4%) et 25 ont choisis de ne pas se prononcer (voir annexe 1) . Bien que ma première question soit orientée et place la personne interrogée face au postulat que la ville est un espace genrée, beaucoup d’étudiant.e.s semblent encore sceptiques et hermétiques face à ce constat. Ces premières statistiques peuvent s’expliquer par le manque d’informations et de formations liées à l’impact du genre. En effet, à la question : « Avez vous eu au cours de votre formation au sein d’une école d’architecture, une réflexion sur l’impact du genre dans les constructions et les aménagements (enseignement théorique et atelier de projet) » 235 personnes femmes et hommes confondus ont répondu non (77,8%) et seulement 63 (20,9%) ont répondu oui (voir annexe 2). Une majorité n’a donc jamais soulevé cette question en cours théorique ou au sein d’un atelier de projets. Les individus ayant répondu positivement à la question précédente indiquent dans la plupart des cas que la question a été abordée de manière ponctuelle en cours théorique ou brièvement lors d’un atelier de projets mais jamais dans son entièreté comme l’évoque la réponse ci-dessous : « Lors de cours théoriques de socio/science humaine pour l’architecture. Les questions abordées étaient avant tout la questions des classes sociales, mais le sujet de la distinction homme/femme aussi bien dans le logement que dans l’espace public a été abordée par l’enseignante (mais plutôt rapidement, et pas sûr que tout le monde ait suivi). Aussi, lors d’un optionnel j’ai suivi un cours sur la place dans la ville des personnes en grande précarité (sdf, etc) et la question des femmes sdf a été abordée. Puis, je ne sais plus si c’était un conférence ouverte à ceux qui veulent, ou un court magistral prévu dans le planning, mais une enseignante de l’école a abordé la place de la femme dans la conception architecturale et la conception de l’urbain (la place de la femme architecte). Mais pour toute ces questions ce fut à chaque fois une intervention ponctuelle dans un cours n’étant pas consacré à cette question précisément.(…) La ville de demain dite « durable et intelligente » ne semble pas pour les étudiant.e.s interrogé.e.s vecteur de véritables changements dans la prise en compte de la notion de genre. A la question « Pensezvous que la ville de demain, dite durable et intelligente, sera en capacité de compenser les inégalités genrées de la ville d’aujourd’hui ? (Développement des mobilités douces, réduction de l’éclairage public, participation citoyenne etc…) » 35,8% répondent oui, 33,8% répondent non et 30,5% ne se prononcent pas (voir annexe 3). - 41


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

CONCLUSION

Les étudiant.e.s semblent partagés face à cette question, beaucoup évoquent les possibilités que la traduction et la construction de la ville durable, la ville de demain puissent engendrer des changements dans la prise en considération du genre dans de la dessin de la ville. Cela devra nécessairement s’accompagner d’un changement des mentalités et des modes de pensée afin d’inclure la notion de genre mais aussi celle des handicaps, du vieillissement de la population, des enfants etc. Tandis que d’autres plus pessimistes, considèrent que les inégalités de sexe, déjà ancrées dans la société ne feront que se reproduire de nouveau. Il me parait donc nécessaire de pouvoir recevoir un enseignement sur l’impact du genre afin de pouvoir proposer des aménagements qui soient cohérents pour l’ensemble de la population. Ce sentiment semble partagé par une grande partie des étudiant.e.s interrogés. A la question : « Jugez-vous important que la prise en compte du genre dans l’aménagement soit enseignée au sein des écoles d’architecture ? » 70% (voir annexe 4) ont répondu positivement. J’ai bien conscience que mon échantillon est mince et que mon questionnaire est perfectible mais il en ressort une tendance générale révélatrice d’un manque d’informations à ce sujet. A nous futur.e.s architectes de nous emparer de ce sujet afin de dessiner la ville de demain, durable et égalitaire pour tous. Mieux connaitre les usages sexués d’un territoire et les mécanismes androcentrés de la construction des ville nous permettrait de dépasser cette catégorisation binaire homme/ femme en dessinant les intérêts d’autres groupes discriminés pour leur sexualité ou leur composition familiale. Emparons-nous donc de ces nouveaux outils au plus vite pour y répondre de façon juste.

42 -


- 43


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

Annexe

Annexe 1

Annexe 2

44 -


Annexe 3

Annexe 4

- 45


BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES a’URBA et CNRS-ADES, L’usage de la ville par le genre, rapport d’étude, Bordeaux, France, 30 juin 2011. a’URBA et CNRS-ADES, L’usage de la ville par le genre, note de synthèse, Bordeaux, France, septembre 2011. BIAROTTE Lucile. Féminismes et aménagement : influences et ambiguïtés. La diffusion internationale d’initiatives d’urbanisme dédiées à l’émancipation des femmes . In: Les Annales de la recherche urbaine, N°112, 2017. Le genre urbain. pp. 26-35. COUTRAS Jacqueline, (1996), Crise urbaine et espaces sexués, Armand Colin, Paris. DE BEAUVOIR Simone, Le deuxième sexe, Gallimard, 1949 DI MEO Guy, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Armand Colin, 2011. FAURE Emmanuelle, HERNANDEZ-GONZALEZ Edna, LUXEMBOURG Corinne (éd.); 2017, La ville : Quel genre ? L’espace public à l’épreuve du genre, Montreuil, Le temps des Cerises. GERVAIS Claire, Pratiques nocturnes de la ville par les femmes : le combat pour l’espace, travail personnel encadré, dir. Anne Jarrigeon, Institut Français d’Urbanisme, 2011-2012 LIEBER Marylène (2008), Genre, violence et espaces publics. La vulnérabilité des femmes en question, Paris, Les Presses de Sciences Po. LUSSAULT Michel, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, LUSSAULT Michel, LEVY Jacques (dir.), Belin, 2013, 160p. MATHIEU Thomas, Crocodiles, Lombard, 2013. MARUEJOULS-BENOIT Edith, RAIBAUD Yves (2012), « Filles/Garçons : l’offre des loisirs, Asymétries des sexes, décrochage des filles et renforcement des stéréotypes » Revue VIE n°167, janvier 2012, Screnen CNDP. MARUEJOULS-BENOIT Edith (2014), « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisirs des jeunes », dir. G. Di Méo et Y. Raibaud, thèse de doctorat, novembre 2014, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3. PEREC Georges, Espèces d’espaces, Galilée, 1974, 125p. 46 -


RAIBAUD Yves (2015), La ville faite par et pour les hommes, Belin, p80. RAIBAUD Yves. « Durable mais inégalitaire : la ville », Travail, genre et sociétés, vol. 33, no. 1, 2015, pp. 29-47. RAIBAUD Yves (2005), « Des lieux construits par le genre », Géographie culturelle, n°54, Paris L’Harmattan. TUMMERS Lidewij, (2015), « Stéréotypes de genre dans la pratique de l’urbanisme », Travail, genre et sociétés, n°33, p. 67-83. ULRICH Florianne (2014), La place des femmes dans un projet de ville durable : le cas de la pratique du vélo sur la Communauté Urbaine de Bordeaux, mémoire de master 2 Géographie, dir. Yves Raibaud, Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3. ARTICLES Elizabeth Brown, « Les enquêtes « Enveff » sur les violences envers les femmes dans la France hexagonale et ultramarine », Pouvoirs dans la Caraïbe [En ligne]. 2012. Disponible à l’adresse : http://journals. openedition.org/plc/860 ; DOI : 10.4000/plc.860 [consulté le 5 janvier 2019] FERIEL Alouti (2017), Rendre la ville aux femmes. In : Le Monde. 9 septembre 2017, pp. 6-7. GOURDON Jessica (2018), La place des femmes dans la ville, nouveau sujet des écoles d’architecture. In : Le Monde Campus [en ligne]. 17 septembre 2018. Disponible à l’adresse : https://www.lemonde.fr/ campus/article/2018/10/16/dans-les-ecoles-d-architecture-la-parite-enconstruction_5369851_4401467.html [consulté le 24 février 2019]. HERITIER Françoise (dir.), Hommes, Femmes : La construction de la différence, Universcience et Le Pommier, mai 2010. LEGROS Claire (2018), L’aménagement des villes construit l’inégalité. In : Le Monde. 10 février 2018, pp. 6-7. LIEBER Maryline, « Le sentiment d’insécurité au prisme du genre. Repenser la vulnérabilité des femmes dans les espaces publics », Métropolitiques, 5 décembre 2011. Disponible à l’adresse : http://www.metropolitiques. eu/Le-sentiment-d-insecurite-au.html. [consulté le 28 Janvier 2019] LORELLE Véronique (2018), Quand on arrive en ville : Le mobilier urbain de demain. In : Le monde [en ligne]. 18 juin 2018. Disponible à l’adresse : https://www.lemonde.fr/m-design-deco/article/2018/06/18/quand-onarrive-en-ville-le-mobilier-urbain-de-demain_5316937_4497702.html RAIBAUD Yves, A bordeaux (comme ailleurs), le vélo est au masculin, Rue 89, 2 mai 2014, http://rue89bordeaux.com/2015/05/bordeaux-levelo-est-au-masculin REGNIER Isabelle (2018), Jeanne Gang architecte responsable. In : Le monde. 8 décembre 2018, pp. 7-8. - 47


LA DYNAMIQUE DU GENRE DANS LE DESSIN DE LA VILLE

RUMPALA Yannick, « Le « développement durable » appelle-t-il davantage de démocratie ? Quand le « développement durable » rencontre la « gouvernance »… », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 8 Numéro 2 | octobre 2008, en ligne depuis le 24 Novembre 2008. Disponible à l’adresse : http://journals. openedition.org/vertigo/4996 ; DOI : 10.4000/vertigo.4996 [consulté le 24 février 2019]. VILLE ET VELO, 2012. La femme est l’avenir du vélo. In : Ville et Vélo [en ligne]. Avril 2012. N°54. Disponible à l’adresse : http://www. villes-cyclables.org/modules/kameleon/upload/vv_54_femmes_ dossier_2012.pdf [consulté le 15 Février 2019]. CONFERENCES ET COLLOQUES HERITIER Francoise, Francoise Héritier en toute liberté, Débat de la 5ème Quinzaine pour l’égalité en Rhône-Alpes sur le thème la liberté a-t-elle un sexe ?, conférences, cités plumes, Villeurbanne, France, 15 octobre 2015. DI MEO Guy, Femmes, genre et géographie sociale, Transverses journée de la recherche, conférences, Université Miche de Montaigne-Bordeaux 3, France, 12 octobre 2011. BOCCIA Teresa, LAPALUD Pascale, BERTON SCHMITT Amandine, Quelle place pour les femmes dans la ville ? Autour du film « bande de filles », conférences universciences, France, décembre 2016. DOCUMENTAIRES, VIDEOS, EMISSIONS RADIOS, COURTS METRAGES BOUAKRA Nedjma et DIGER Christine, 2015. La vile à l’épreuve du genre. In : Sur les Docks, [podcast] [en ligne]. 24 novembre 2015. Disponible à l’adresse : https://www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks/la-villelepreuve-du-genre [consulté le 25 novembre 2018]. BROUARD Annabelle, 2018. Traverser les forêts. In : CREATION ON AIR, [podcast] [en ligne]. 11 novembre 2018. Disponible à l’adresse : https://www.franceculture.fr/emissions/creation-air/traverser-les-forets [consulté le 22 février 2019]. DELORME Florian, 2017. Espace(s) public(s) (1/4) De Vienne à Casablanca : les femmes à la conquête de la rue. In : Cultures monde, [podcast] [en ligne]. 11 septembre 2017. Disponible à l’adresse : https:// www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/espaces-publics-14de-vienne-casablanca-les-femmes-la-conquete-de-la-rue [consulté le 10 février 2019]. DEMOUSTIER Stéphane et Année Zéro, Paris Places, le Panthéon, documentaire, 8min56s, Pavillon de l’arsenal, France, publié en ligne en juillet 2017, EL MOKHTARI Mouna, La ville est faites par et pour les hommes, interview, 3min45s, Le Monde, France, publié le 08 mars 2018.

48 -


QUINTARD Isabelle et MOTTE Fabien, Je suis à l’heure, court métrage, 2min20s, Nikon Film Festival 5ème édition, France, publié en ligne le 17 octobre 2014, PEETERS Sofie, Femme de la rue, documentaire de fin d’étude à la Haute école Rits, 17min, Belgique, 2012. SITOTHEQUE Genre et ville, « Plateforme de réflexion et d’action sur identités et territorialités » www.genre-et-ville.org Secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr

- 49


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.