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Speed Project

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Tour de France

Tour de France

Boost énergétique: ce parcours, connu sous le nom de Powerline Road, a été découvert par une équipe de Nike en 2019.

La course qui n’existait pas

Hors-piste, hors normes, limite hors-la-loi. Sur la route avec le SPEED PROJECT, la course à pied secrète que peu connaissent, à laquelle peu participent, et qu’aucun n’oublie jamais.

Texte TOM WARD Photos JIM KRANTZ

Tout a commencé par une rumeur au sujet d’une course à pied clandestine partant du front de mer de Santa Monica (Californie) et se terminant à Las Vegas (Nevada). Une course sans sponsors, sans règles, sans même un site internet. Où aucun spectateur n’est admis et où il n’y a pas de récompense à la fn. Et pourtant, elle attire certains des meilleurs athlètes au monde, séduits par la promesse d’une épreuve unique de cadence et de persévérance. Cette rumeur a donné naissance à un nom, Speed Project, la création du fondateur de cette course, Nils Arend, et, fnalement, à une invitation.

«L’idée de voyager à pied, de courir d’un endroit à l’autre, plutôt que de faire un 10 km en groupe et de recevoir un tee-shirt à la fn possède une beauté brute», déclarait début 2020 Nils Arend à The Red Bulletin, alors qu’il était occupé à planifer le Speed Project de cette année-là. À l’époque, le monde était différent.

C’est en 2013 que l’idée a germé dans l’esprit de ce natif de Hambourg âgé de 42 ans et transplanté à Los Angeles, svelte et arborant souvent un mohawk. «Pour moi, la course à pied est ancrée dans une sorte de compétitivité, explique Arend. Si vous regardez la scène de la course à pied, vous verrez soit des courses sérieuses, performantes et compétitives, soit d’autres où les gens se déguisent et boivent en cours de route. Ni l’un ni l’autre ne me plaisait.»

Il a partagé l’idée avec la légende du marathon américain, Blue Benadum, qui a insisté pour que cette compétition soit axée sur la vitesse. «Nous voulions quelque chose de nouveau», dit Arend. C’est ainsi que la course est devenue une course de relais: pas d’aires de repos, pas d’hôtels luxueux, rien que des coureurs soutenus par des véhicules récréatifs. «Nous baissons la tête et courons aussi fort et loin que possible sans rien lâcher, presque comme des pitbulls.»

Ils ont mis au point un itinéraire allant de la jetée de Santa Monica au panneau de bienvenue de Las Vegas – une montée non-stop de 548 km à travers Hollywood, le canyon de Soledad, en passant par le légendaire cimetière d’avions du désert de

Les coureurs peuvent s’écarter de l’OG route comme bon leur semble, à une condition: «Pas d’autoroutes!»

Vers l’inconnu: les coureurs s’élancent par un matin de brouillard à Santa Monica; (ci-contre) une équipe s’aligne pour le départ.

Mojave et la ville de Barstow dans l’Inland Empire, à travers la ville isolée de Baker (541 habitants) et le parc national de la Vallée de la Mort, puis l’Old Spanish Trail et enfn la route 160 jusqu’à Las Vegas. Ce parcours est connu sous le nom de «OG route» – le parcours le plus populaire du Speed Project – mais il s’agit davantage d’une ligne directrice que d’un parcours fxe. Les coureurs peuvent s’en écarter comme bon leur semble, à une condition: pas d’autoroutes.

De même, il n’y a pas de points fxes pour une transmission de relais, pas de règles sur la distance que chacun des six membres de l’équipe doit parcourir, ni sur le nombre de fois qu’ils peuvent revenir dans la course. Une carte est envoyée à l’avance par courriel, divisant le parcours de l’OG en 39 segments d’une longueur allant de 6,5 à 77 km, la plupart faisant environ 10 km. La façon dont les coureurs s’attaquent à ces segments est à leur discrétion. En général, ils proftent des bornes de 10 km pour transmettre les relais métaphoriques. Mais s’ils ont besoin de rattraper le temps perdu, ils peuvent faire la moitié d’un segment chacun, ou seulement quelques centaines de mètres par personne lors du sprint fnal vers Las Vegas.

La réputation du Speed Project a grandi au cours des années qui ont suivi sa création mais son esprit DIY est resté. Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de site web, pas d’invitation et il ne fait l’objet que d’une couverture minimale dans la presse grand public. En 2020, après nous avoir sondé au téléphone, Arend a accepté que The Red Bulletin l’accompagne. Vous connaissez la suite. Pandémie. Projets en veilleuse. Puis, au début de 2022, un autre appel téléphonique. Le message était court: «Rendez-vous à Los Angeles.»

Le Chilien

Le brouillard qui s’échappe du Pacifque donne une teinte étrange à la jetée de Santa Monica à 3h30 du matin en cette fn mars. On entend le faible bourdonnement de la musique et des rires tandis que les lumières des véhicules récréatifs percent la brume, découpant les silhouettes de dizaines d’athlètes. Trois cents participants – répartis en cinquante-cinq équipes – sont venus d’aussi loin que le Royaume-Uni, l’Europe et l’Amérique du Sud pour cette septième édition du Speed Project. Max Keith est l’un d’entre eux. Cet homme de 33 ans, originaire de la capitale chilienne, Santiago, a couru

4 heures du matin. 55 coureurs s’élancent chacun dans une direction différente.

Un concurrent quitte L.A. au lever du soleil (à gauche); (ci-contre) Max Keith au départ.

toute sa vie. Il fait aujourd’hui partie du Maffetones Club, une équipe chilienne qui suit les enseignements du docteur Phil Maffetone, gourou sportif (ainsi que chanteur-compositeur), dont la méthode de la course «à une allure modérée» préconise un plan de marathon à faible fréquence cardiaque; l’idée étant que plus le cœur bat lentement, plus le corps prélève effcacement son énergie.

Au lieu de consommer du sucre, votre corps brûle des graisses, et vous ne frappez pas le mur. L’année dernière, lorsque le Covid a interrompu les événements sportifs, le Speed Project a organisé une course DIY, demandant aux équipes de courir le plus long relais possible, où qu’elles se trouvent, en 31 heures et 15 minutes (le record du parcours établi en 2019). Les Maffetones ont parcouru 425,26 km dans le désert d’Atacama, ce qui les a classés dans le top 10 parmi plus de 160 équipes. Avec des températures allant de 40°C dans la journée à 0°C la nuit, c’était aussi le terrain d’essai idéal avant les plaines brûlantes de la Vallée de la Mort. À l’approche du départ fxé à 4 heures du matin, le compte à rebours commence. Puis cinquante-cinq coureurs s’élancent, un pour chacune des équipes de six personnes. Certains portent des vestes néon lumineuses, d’autres des lampes frontales, d’autres encore de simples tenues de course.

Tous disparaissent dans des directions différentes, bien décidés à trouver le chemin le plus rapide pour quitter la ville. La plupart s’élancent sur Santa Monica Boulevard, passant devant une grande église mormone, tandis que les véhicules des équipes roulent dans la nuit. À 4h22, un message distribué via le groupe

L’athlète mexicaine rayonnante Alex Roudayna (en haut) et l’équipe Maffetones au relais.

«Nous faisons tous partie d’une communauté. Nous nous comprenons d’un simple signe de tête.»

WhatsApp prévient qu’un homme attend avec une planche derrière un virage. À 5h16, les premiers coureurs s’élancent dans la montée en passant devant le célèbre hôtel Chateau Marmont, au 8221 Sunset Boulevard. À 5h53, il fait déjà 14°C et les coureurs de tête ont laissé le gros de la foule derrière eux.

À 6h10, une demi-heure avant l’aube, les Maffetones ont 14 km d’avance sur les autres. À 6h41, le soleil commence à se lever sur les collines de la vallée industrielle de San Fernando, dans la banlieue nord de Los Angeles. Quatre membres de l’équipe s’échangent les 32 premiers kilomètres par tranches de 3 km, atteignant un rythme maximal de 3,4 minutes au kilomètre avant de faire intervenir leurs spécialistes des côtes afn d’avoir des jambes fraîches dans les montées. Peu après, sur une portion de colline sinueuse, Keith sprinte pour terminer sa quatrième section. «Je suis super excité, dit-il, l’énergie dans le camping-car des Maffetones est à son comble. Je me sens bien parce qu’il le faut. Nous n’avons fait que deux heures de route.»

La course est longue, mais pour Keith, il s’agit pour l’instant de s’attaquer au riz et aux burritos, ainsi qu’au breuvage froid et aux boissons énergisantes dans le réfrigérateur du camping-car pour reprendre des forces jusqu’à ce que ce soit son tour de courir à nouveau. Sans pause, il s’agit d’éviter les blessures et la fatigue. Lorsque l’équipe atteindra la Vallée de la Mort, il n’y aura qu’une seule bière fraîche à partager entre eux. Rendus là, ils pourraient en avoir besoin.

La retardataire

Alex Roudayna ne s’attendait pas à participer au Speed Project. Âgée de 32 ans, l’ultra-runneuse de Mexico participe à des compétitions depuis 2013, mais ce n’est que l’année dernière qu’une amie lui a suggéré de briguer une place dans l’équipe féminine internationale mise sur pied par ON Running – l’une des deux équipes sponsorisées par la marque de vêtements de sport, et l’une des cinq équipes de la course entièrement composées de femmes. Habituellement réticente à se lancer dans de tels scénarios, Roudayna a cette fois-ci franchi le pas, s’est mérité une place et rencontré ses coéquipières pour la première fois près de l’aéroport de Los Angeles, douze heures seulement avant le début de la course.

En milieu de matinée, il fait 21°C dans le canyon de Soledad – la neuvième section du parcours OG, et la deuxième de la course pour Roudayna. À mi-chemin entre la vallée et le désert, les longues routes monotones, fanquées de campings ici et là et d’un train de banlieue, ont succédé à l’effervescence de Los Angeles. Alors que la brume de chaleur s’élève de la chaussée, Roudayna est facile à repérer, même de loin, avec ses cheveux teints en vert. Maintenant un rythme rapide, elle ne tarde pas à échanger sa place avec sa coéquipière qui l’attend.

En tant que personne atteinte du syndrome d’Asperger, Roudayna explique que «rien n’a vraiment de sens pour moi sur le plan social», mais que lorsqu’elle court, elle peut rester dans sa tête sans avoir besoin de parler aux autres. «Nous faisons tous partie d’une communauté

Les coureurs téméraires du Speed Project battent le macadam dans le désert près de Los Angeles (en haut) et celui de la Vallée de la Mort (en dessous).

Habit de lumière: deux membres de l’équipe Lululemon approchent de Barstow, faisant fi des camions et des chiens sauvages.

et nous nous comprenons d’un simple signe de tête, dit-elle. Peu importe ce que vous traversez ou d’où vous venez.» Bien qu’elle n’ait fait que récemment connaissance avec ses coéquipières, Roudayna s’est confortablement intégrée à la dynamique, surtout lorsqu’il s’agit de pousser plus fort et plus vite. «Si on me dit de courir vite, je cours vite, dit-elle en riant. Pas facile, mais une fois que vous avez atteint la pain cave (trad. l’antre de la douleur, ndlr), c’est là que le groove s’installe.» Cela fonctionne visiblement: l’équipe est en avance sur le programme et l’une des plus prometteuses de la compétition. Sept heures après le début d’une course qui pourrait en durer quarante, l’optimisme et l’adrénaline sont à leur comble.

La ligne de force

Au fl de la journée, la course arrive au désert proprement dit. Ici, le parcours est ponctué de mines et d’usines de béton. Des villes délabrées dont les bâtiments ressemblent à des boîtes à chaussures poussiéreuses. Au loin se dressent les montagnes enneigées de San Gabriel et, dans ce paysage aride, des réservoirs en bordure de route alimentent l’agglomération de Los Angeles en eau. Les automobilistes qui empruntent la route sont maintenant habitués à voir des coureurs solitaires suivis par des camping-cars portant des messages comme Todo es mental (trad. tout est dans le mental), Wish you were running (trad. dommage que tu ne cours pas) ou, tout simplement, Grit (trad. le cran). Un terrain vague situé à un carrefour dans le désert constitue un point de rencontre naturel pour les équipes. Dans le chat du groupe, on signale que des chiens errants poursuivent les coureurs. Ce phénomène est assez courant pour qu’en 2018, l’équipe Hunter ait emporté un spray au poivre par précaution contre les canidés excités. Heureusement, ils n’ont pas eu à l’utiliser.

À 14h30, sur la route d’El Mirage, une femme aux cheveux roux apparaît sur un cheval noir et galope à côté des coureurs, soulevant des nuages de poussière du désert. Au-delà d’El Mirage, un groupe tente quelque chose de différent. Une ancienne route de service de 151 km – la bien nommée Powerline Road – passe entre des pylônes électriques. En 2019, avant le cinquième Speed Project, la route a été découverte par une équipe de Nike qui cherchait désespérément de nouvelles façons de battre ses rivaux, l’équipe adidas. Le Swoosh a gagné et le Trèfe est arrivé deuxième.

C’est là que se trouve Kam Casey en ce chaud samedi après-midi de 2022. Grand et nerveux, avec le cheveu ras et une façon de s’exprimer par phrases lapidaires qui suggère une formation aux médias, le natif d’Indianapolis de 29 ans,

La course n’a pas de site web, pas d’invitation et bénéficie d’une couverture médiatique minimale.

maintenant basé à Los Angeles, pourrait sûrement faire carrière en portant des vêtements sur Instagram si la course à pied ne fonctionnait pas. En s’inspirant de la découverte de Nike, son team, Bandit, a exploré le parcours pendant trois mois, auscultant les images satellites avant de conclure que le parcours des lignes électriques leur permettrait de parcourir 464 km, soit 84 de moins que les coureurs OG.

Avant que le Speed Project ne vienne frapper à sa porte, Casey, qui s’avoue «accro aux cadences», avait du mal. Marathonien habitué à des temps de 2h30, il n’avait pas couru de marathon depuis le début de la pandémie et sa dernière tentative a été interrompue à mi-course lorsque, dit-il, son corps l’a abandonné. «J’ai perdu le contrôle de mes émotions; j’étais au bord des larmes en pleine course, se souvient Casey. Je n’arrivais pas à donner un sens à tout cela. C’était très dur mentalement.» Cela a entamé sa confance. Il savait qu’il pouvait faire mieux. Le Speed Project représente beaucoup pour beaucoup de gens. Pour Casey, c’est une chance de se racheter. Émergeant à travers la brume de chaleur, fanqué de deux rangées de lignes électriques, Casey semble fort. Son déménagement à Los Angeles l’a habitué à la chaleur, mais le sol n’en est pas moins impitoyable. Des descentes abruptes sont suivies de longues côtes puis de montées et de descentes sans merci. Mais, à 3,4 minutes au km, avec quelques séquences de moins de 3,3 minutes, Casey est convaincu que Bandit a tout à gagner. Alors que l’on arrive en début de soirée, ils ne sont qu’à quelques relais rapides derrière les meneurs...

Un camping-car est orné d’un message pour les coureurs: Todo es mental.

La longue épreuve

La vitesse, bien sûr, est relative. Les vainqueurs du Speed Project en 2019, l’équipe Nike, ont terminé la course en 31 heures 15 minutes ce qui, avec une moyenne de 15 km/h, est très rapide. Mais tandis que Casey et les coureurs de tête analysent tactiquement les raccourcis pour réduire encore ce temps, pour les autres, fnir tout court est déjà un exploit. Cinq heures derrière Bandit, les Black Trail Runners, une équipe britannique, s’acharnent.

Angela Tomusange, une Londonienne d’origine ougandaise, a commencé la course nerveusement. «Dans le milieu de la course à pied, je ne vois pas beaucoup de personnes qui me ressemblent, ditelle. Black Trail Runners m’a séduite parce que je veux inspirer les autres à s’y mettre.» À 40 ans, elle est deux fois plus âgée que la moyenne des coureurs du Speed Project (une vingtaine d’années), mais Tomusange s’est inscrite pour relever un nouveau déf: prouver que tout le monde peut concourir aux côtés de certains des meilleurs coureurs au monde, même s’il faut pour cela parcourir 8800 km à travers l’Atlantique puis la largeur de l’Amérique du Nord. Elle s’est préparée en s’entraînant sur les collines de Londres et de ses environs, mais le Mojave n’est pas Londres et le parcours est diffcile. Lors de sa troisième section de relais, Tomusange trouve enfn son

«Même si on ne gagne pas, l’important est de savoir qu’on a tout donné.»

On the road again: un coureur affronte la Vallée de la Mort juste après le lever du soleil, avec ses coéquipiers juste derrière.

Vive Las Vegas: l’équipe Bandit (avec Kam Casey en noir, au centre) fête l’arrivée.

rythme, mais dès le premier soir du premier jour – et alors que les équipes les plus rapides s’attendent à terminer juste après l’aube le lendemain – il est clair que les Black Trail Runners misent sur le long terme. Peu habitués à la chaleur du désert, ils ralentissent. À cela s’ajoute un changement de plan afn d’aider un coéquipier blessé à se reposer, et l’équipe britannique est mise à rude épreuve.

Alors que la course s’étire dans la nuit, la fatigue est évidente pour tous les coureurs. La plupart se trouvent à la périphérie de Barstow, courant le long de routes sablonneuses désertes. Pour Tomusange, l’air frais de la nuit offre un répit bienvenu et, hormis la crainte de rencontrer des loups ou des lions des montagnes, elle commence à y prendre goût. «Je me laisse porter par le mouvement, dit-elle. C’est une expérience agréable. Je me suis habituée à courir dans le noir, le camping-car au loin.»

Après une longue nuit, l’aube projette une lumière bleue sur les feurs de sauge jaunes de la Vallée de la Mort. Ce parc national, situé dans le désert des Mojaves, est vierge et protégé, à l’opposé des étendues de déchets entre Los Angeles et Barstow. C’est ici, à la fn des années 1960, que Charles Manson et ses disciples se sont installés dans le ranch abandonné de Barker, et que le dernier chercheur d’or de la région, Seldom Seen Slim, a vécu seul dans la ville fantôme de Ballarat avant de disparaître en 1968. C’est là que Hunter S. Thompson, en pleine hallucination, les drogues faisant effet, a vu des chauves-souris gigantesques poussant des cris perçants autour du «Grand Requin rouge», sa décapotable, comme il la décrit dans les premiers paragraphes de son roman de 1971, Las Vegas Parano. La capitale américaine des casinos est encore à environ 240 km, les coureurs en tête sont sur le point de franchir la ligne d’arrivée.

L’arrivée

Soixante-cinq kilomètres après le panneau indiquant Vegas, les Bandits ne sont pas en très bonne forme. Suivant les rumeurs voulant que l’équipe ON Running était en tête, les Bandits ont pris un chemin inconnu et se dirigent vers le sable et la roche, au milieu de la nuit de surcroît. Le pari n’a pas payé et ils ont perdu de précieux kilomètres. Au milieu des maisons en béton qui jalonnent le désert entre la Vallée de la Mort et Vegas, la coureuse Allison Lynch a des problèmes de genou et son coéquipier Evan Schwartz a les quadriceps en feu. L’équipe n’a d’autre choix que de couvrir la distance restante avec les quatre autres coureurs. Casey et les autres puisent dans leurs dernières réserves. Il y a une pente descendante vers Vegas et ils sont capables de franchir un kilomètre toutes les 3,25 minutes, soit environ 18,5 km/h, un rythme herculéen après quelque trente heures de course. À 11h34, ils entrent en trombe dans Las Vegas en tant qu’équipe, rejoints par leurs coureurs blessés. Ils terminent en 31h45, prenant la quatrième place. S’étant inscrit pour courir environ 80 km, Casey estime en avoir parcouru un minimum de 98.

Les Maffetones prennent la huitième place, atteignant Las Vegas en 36h24. «C’était dur, dit Keith. Nous étions tellement fatigués lors de la dernière montée, mais nous avons maintenu nos efforts parce que nous voulions fnir au plus vite. Je suis vidé.»

L’équipe féminine ON Running de Roudayna a terminé la course en 42h49. L’année prochaine, elle envisage de la courir seule. Mais pour l’instant, elle va se coucher – les lumières de Vegas et les célébrations d’après-course ne représentent aucun attrait.

Pour Tomusange et les Black Trail Runners, la dernière ligne droite est devenue foue. Poursuivant leur route dans le désert la première nuit, ils ont couru le samedi au complet, puis une autre nuit et une autre journée, avec une rotation des coureurs à chaque kilomètre pour la dernière section vers Vegas, et fnalement terminer la course en 59h30. «Quand nous avons aperçu Vegas, nous avons eu l’impression surréaliste d’être sur le point de l’atteindre, se souvient Tomusange. Cela nous a fait l’effet d’un encouragement supplémentaire. Je n’arrivais pas à croire que nous avions réussi. J’en retire tellement de choses positives. Si on me le demandait, je le ferais sans hésiter.»

Les gagnants sont l’autre équipe du sponsor ON Running qui a établi un nouveau record de course avec un temps de 29h26. Mais ce périple d’un endroit à l’autre est aussi fguratif que littéral, et chaque coureur à l’arrivée emportera bien plus qu’un jeton de poker autour de son cou. Pour Casey, c’est une rédemption personnelle, et peut-être parlait-il au nom de tous lorsque, épuisé à l’arrivée, il a résumé la situation: «Nous l’avons fait un par un. Un kilomètre à la fois. Un demi-kilomètre à la fois. Et nous n’avons jamais perdu la face.»

Mise en garde: des chiens errants poursuivent les coureurs.

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