Dali, une campagne chinoise

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Ce Carnet de Bord reflète le travail de terrain effectué pendant le mois d’avril 2019 dans la Province du Yunnan (Sud des nuages), région montagneuse située au Sud-Ouest de la Chine à la frontière entre le Tibet, la Birmanie. L’étude s’intéresse à l’architecture traditionnelle de l’ethnie Bai à Dali, ville historique dont le patrimoine architectural datant du royaume de Nan Zhao (VIIIe siècle) a fait la réputation en Chine et à l’étranger. Dans ce carnet les dessins, croquis et cartes illustrent les savoir-faire constructifs des charpentiers, analysent les usages des espaces domestiques ruraux ainsi que leurs évolutions liées à l’urbanisation récente de la campagne chinoise.


La richesse des situations rencontrées autour du bassin du lac ErHai (la «Mer en forme d’oreille») tient aux adaptations des techniques constructives aux situations générées par la rencontre entre le relief (zone sysmique des contreforts de l’Hymalaya), l’altitude (le lac est situé à 2000m d’altitude) et la lattitude de Dali à quelques centaines de kilomètres du climat tropical d’Asie du Sud Est. Les relevés habités réalisés dans la vieille ville de Dali, le village voisin de SanWenbi sur les pans des montagnes Cang Shan, ou encore dans le village de Shaxi (plus au Nord dans une région moins accessible et montagneuse) sont annotés d’informations engrangées lors d’échanges avec des habitants accueillant et ravis de partager leurs connaissances techniques. J’y ai découvert un mode de vie riche ou habiter signifie plus qu’avoir un toit, mais davantage mener sa vie en étant conscient de la relation établie avec son environnement direct, sa communauté, sa culture. Ce travail constitue une importante ressource dans laquelle puise mon imaginaire afin d’interroger la déifnition d’une architecture contemporaine située respectueuse du contexte historique, géographique et culturel dans lequel elle s’inscrit.


沙坪

双廊 西洲

洱海

苍山

才村 大理

东海

下关 Ech. 1:50 000

Ech. 1:50 000


茶马古道 (chamagudao)

Sur les traces de l’ancienne route du thé et des chevaux.

The ancient Tea Horse Road (chamagudao 茶马古道) was one of the world’s highest and most precipitous ancient roads, and was a trade route mainly through Yunnan, Sichuan and Tibet, stretched across Bhutan and Sikkim, Nepal and India, and then reached Western Asia and even the Red Sea coast in Western Africa. In ancient times, people in Sichuan and Yunnan provinces exchanged tea for horses or medicines with people in Tibet. The tea, the medicine and the other materials were transported by caravans (mabang 马帮), and thus the pathway was called the Tea Horse Road, which was first named by Mu Jihong in 1990 when he and other five people first explored it. The ancient Tea Horse Road was an enormous network of trails which grew up between Yunnan, Sichuan and Tibet in the long historical period. Generally speaking, it was divided into two major roads: Sichuan-Tibet Tea Horse Road and Yunnan-Tibet Tea Horse Road. The Sichuan-Tibet Tea Horse Road appeared in the Tang Dynasty (7th century), starting from Ya’an (雅安) to Lhasa (拉薩) via Luding (瀘定), Kangding (康定), Litang (理塘), Markam (芒康) and Chamdo (昌都), extending to the outside countries of Nepal, Burma and India. The Yunnan-Tibet Tea Horse Road was formed roughly in the late part of the 6th century, it began from Pu’er (普洱) to Lhasa, crossing Dali (大 理), Lijiang (麗江), and Shangri-La (香格 里拉), continuing to Nepal, Burma and India. In addition, the Qinghai-Tibet road was also the main pathway to transport the tea to Tibet from the inland areas in the Tang and Song Dynasties. The whole network of the ancient Tea Horse Road is an ongoing project, and this is only a map which was linked by the remaining points of ancient Tea Horse Road found by people today, analysis and map by Wang Xiaohong (Sichuan University), under the supervision of Wang Hongsu and Merrick Lex Berman. extrait de : Xiaohong Wang 王小红 « Mapping the Tea Horse Road », 2016-03-07 Associate Professor, Institute of Collection and Research of Ancient Books, Sichuan University



Une culture ancrée dans le paysage 白族山水的文化

Protégé par les CangShan 苍山 à l’Est, dont les pics enneigés culminent à 4000m d’altitude, l’ancien royaume de Nanzhao 难找 s’est développé aux abords du Lac Erhai 洱海 (la mer en forme d’oreille) sur un territoire d’environ 1400 km2. Dali (Tali) se situe sur le parcours des caravanes de chevaux qui reliaient autrefois les routes du thé cultivé plus au Sud de la Province et vendu jusqu’en Inde, et du sel, extrait sur le plateau tibétain de l’Himalaya. Ce royaume déchu sera aussi la porte d’entrée du Général Kubilai Khan pour conquérir la Chine au XIIIe siècle qu’il dirigera en établissant la dynastie mongole des Yuan jusqu’au quatorzième siècle.


*Cartes issues du fond de la BNF et de l’ouvrage de John Man, Kublai Khan


Alt (m)

4000

3000

2400

2000

苍山 Montagnes CangShan

大理古城

三文笔 San WenBi Village en densification Carrières de marbre

Route G214

Vieille ville protégée de Da activtié principale tourisme


ali

大丽线 Route principale vers Lijiang

Jardins potagers Champs Pépinières + activités de loisir camping

瓦村 Zone de limons

Wa Village en reconfiguration mitage agricole

洱海 Jetée sur le Lac Er Hai Zone de protection 15m autour du rivage Pêche au cormoran Croisière sur le lac


Fresque présente dans la vieille ville illustrant du territoire Vers Lijiang

Golf

Temple des Trois pagodes Embarcadère Caicun Porte Nord Porte des Montagnes Porte du Lac

Porte Sud

Université des minorités

Vers Xia Guan


Schéma de la vieille ville

La vieille ville de Dali, 古城, est une cité fortifiée enserrée par une muraille de pierre. C’est la capitale de l’ethnie Bai. A ce titre le territoire jouit d’un statut d’indépendance partielle pour son administration (大理白族自治州). Située à mi-chemin entre les montagnes et le lac, elle est bordée par deux routes très passantes : à l’Ouest, la nationale 214 et à l’Est la départementale DaLi 大丽路 qui longe le lac. Ces deux routes la relient à la capitale régionale Kunming 昆明 et s’engouffrent au Nord vers l’exrémité montagneuse de la région, vers les villes de Lijiang 丽江 et de Shangrila à la frontière tibétaine. C’est un territoire rural, dominé par l’activité agricole. Toutefois la dimension patrimoniale de l’ancienne Cité de Nanzhao et la présence du Temple des Trois pagodes participent à son attractivité touristique. La qualité de son paysage et la relative préservation de la culture Bai ont fait la renomée de Dali, auprès des touristes chinois et étrangers. Petit à petit le tourisme-roi tend à influencer les usages et les modes de vies des habitants locaux. Depuis les années 1980, le développement économique généré par l’affluence de touristes et le développement des infrastructures avait été concentré dans la ville de XiaGuan 下关 au Sud du lac. Depuis une décennie, l’ensemble de la région du Lac subit les conséquences de l’entropisation, à tel point que le Président Xi JinPing, en visite sur place en mai 2018, a décrété de faire de son assainement une priorité écologique...

« Il est nécessaire de bien protéger le lac Er Hai » Xi Jin Ping


Enjeu patrimonial


Situé sur une artère principale de la vieille ville, le temple de Confucius est un édifice récent employant les techniques de construction traditionnelles. Ce centre culturel est organisé autour d’une série de cours et de pavillons. Le pavillon principal contient 13 niches dédiées aux rois de Nanzhao et à Confucius. Ce genre de mélange religieux éclectique n’est pas rare dans cette province reculée de la Chine où croyances locales et symboles de l’empire se côtoient depuis plusieurs siècles. Le temple ouvert en 2018, a été construit entièrement en bois. Les poteaux centraux mesurent 16 mètres de haut tandis que la charpente supporte une imposante toiture en tuiles vernissées oranges.


Rues commercantes La ville fortifiée de Dali était jadis la capitale d’un royaume prospère. Située au carrefour des routes reliant le Tibet à la Birmanie, le centre ancien est protégé par de hauts murs. Il est dense et compte un lassis de ruelles pavées de pierres volcaniques. Depuis les années 1990-2000, la vieille ville est devenue un haut lieu du tourisme. Le thé et le sel qui faisaient sa richesse autrefois ont peu à peu été remplacés par les cafés et les échoppes de souvenirs. La vieille ville est organisée le long d’axes transversaux et longitudinaux qui relient les portes entre elles. Elle est majoritairement piétonne. Les rues sont arborées et un système de canaux permet l’écoulement des eaux de pluie vers le lac et rafraichit l’air en été. Le long de ces rues, les maisons sont étroites (2,90m), tenues par deux murs perpendiculaires et compte deux niveaux bas de plafond (2,25m). La partie domestique se situe en général à l’étage sous les combles. Le rez-de-chaussée ouvert sur la rue, permet d’ouvrir un commerce. Comme les maisons sont implantées en vis à vis, la rue s’élargie transversalement à son axe en intégrant la profondeur des rez-de chaussée en journée, quand les commerces sont ouverts.


Les commerces fonctionnent de manière autonomes, comme des petites cellules donnant sur la rue. La structure des maisons avec des murs à refend transversaux et des menuiseries démontables en façade libère la profondeur de la parcelle. Ces petites pièces urbaines sont souvent étroites et profondes. L’étage autrefois habité sert le plus souvent pour le stockage.

Dans la vieille ville, le tissu se développe horizontalement (R+1), seuls les temples et les portes dépassent, avec plus récemment quelques constructions publiques (écoles, HLM...)


Façades Habitées Cette maison traditionnelle est située dans la rue qui mène de la porte Sud à la «Dali Art Factory», une ancienne friche reconvertie en centre culturel. A droite, les propriétaires ont abandonné la fonction de commerce en rez-de-chaussée pour agrandir leur habitation. Le comptoir extérieur a perdu sa fonction d’étal et la grande baie vitrée intégrée dans la menuiserie traditionnelle cache un salon derrière des rideaux indigo. L’épaisseur de la façade est riche de détails du sol au plafond : seuil en pierres de taille accumulant la chaleur du soleil, accoudement possible au comptoir en briques, voire siège pour les enfants, volet amovible à mi-hauteur pour créer de l’ombre, débord de toiture pour protéger de la pluie fréquente.

*restaurant sans nom


Exemples de « Façades à comptoir » Ci-dessous : une maison centenaire à l’entrée du village de San Wen Bi, on remarque un autre type de menuiserie : les volets détachables au dessus du comptoir permettent d’ouvrir totalemement la façade sur la rue. En bas Dans la rue des étrangers (洋人街), une artère plus passante de la vieille ville, une famille a transformé son rez-de-chaussée en petite cuisine (小吃). Les passants peuvent commander un bol de pâtes de riz froides agrémentées de cacahuètes 米线, des saucisses grillées ou un riz sauté 炒饭. La rue est fréquentée par les écoliers le matin et en fin d’après midi.


Maisons à cour L’habitat constitué autour d’une cour (四合院 siheyuan) minimise le nombre de façades. Les menuiseries sont tournées vers l’intérieur de la parcelle.

Dans le cas de murs mitoyens, ce type d’habitat cellulaire apporte une solution thermique optimale. A l’échelle du village il génère des rues «aveugles». Les murs d’enceinte procurent de l’ombre en été. Blanchis et ornés de peintures ou de calligraphies, ils réfléchissent la lumière et repoussent les mauvais esprits, les seules perforations sont les portes d’entrée. Toutefois l’enrichissement des villages fait évoluer la typologie de l’habitat. La densification des parcelles modifie le rapport à la rue. Le Siheyuan introverti en rez-de-chaussée s’ouvre sur la ville dans les étages supérieurs jusqu’au toit terrasse créant toutes sortes de vis-à vis. Cette maison moderne occupe la totalité d’une parcelle agricole. Elle synthétise l’évolution de la typologie de l’habitat au fil du temps. Rez-de-chaussée introverti sur la cour. Aveugle sur la rue. Les murs d’enceinte sont décorés, le porche signale la qualité du propriétaire. Les étages supérieurs en porte-àfaux hésitent entre l’ouverture sur la cour ou vers de futurs voisins. Le toit terrasse s’ouvre sur le paysage.


Porches Les porches revêtent une valeur symbolique. Ils sont flanqués de toitures à un, deux voire trois pans, signes distinctifs de la classe sociale du propriétaire de la cour qu’ils protègent. Ci-dessous Le porche est doté d’un emmarchement pour empêcher les démons d’entrer. Une pierre biseautée permer de faire entrer plus facilement les véhicules (charrue, vélo, moto).


Reconfiguration d’une maison traditionelle Maison traditionnelle 120 ans - lambris et peintures anciennes Extension en verre et acier Située près de la Porte Nord de la vieille ville, cette maison est habitée par Rongjie. Originaire de QingDao dans le Nord est du pays, elle a décidé de s’installer à Dali après des études d’Art à Pékin au début des années 2000. Elle a tenu une Guest House pendant une dizaine d’années : le Bird Bar. Elle se consacre désormais à la peinture et à la réalisation de documentaires sur l’artisanat et la culture Bai. Elle habite seule cette vieille maison de 150 m2 dont elle connait bien l’histoire. Le propriétaire Bai qui lui loue depuis sept ans a su la préserver des ravages de la Révolution Culturelle (1966-1976) qui a vu une grande partie du patrimoine chinois partir en fumée. La maison fait partie d’un complexe de cours et de pavillons à la manière des maisons de notables. Elle aurait appartenue à un Général sous les Qing. Les poutres peintes et les lambris constituent des faux plafonds richement décorés, signes de l’opulence de son précédent propriétaire. Le rez-de-chaussée s’ouvre sur un vaste jardin d’environ 100m2. Pour les besoins de la vie quotidienne, Rongjie a fait des aménagement : une cuisine refaite à neuf et une seconde salle de bain à l’étage. Entre le pavillon central en bois qui donne sur la cour et qu’elle n’a quasiment pas modifié et la cuisine, une extension en acier et en verre laisse entrer la lumière du Nord dans un lobby en double hauteur connectant les deux niveaux.



Vues sur le Jardin

Ruelle

EntrĂŠe


Coupe sur l’étage

Plan de Rez-de-chaussée

Projection du plafond à l’étage


Seuil

La « maison du Général » est composée d’une seule façade remarquable donnant sur la cour - jardin. Cette façade légère entièrement en bois est riche de complexité. Les baies sont composées de menuiseries étroites à deux battants s(45 cm pour les fenêtres, 75 cm pour les portes) qui s’ouvrent perpendiculairement à la façade et créent une continuité intérieur / extérieur. L’étage crée un premier encorbellement d’environ 50cm au dessus de l’entrée. Le débord de toiture recouvre la totalité du seuil jusqu’à l’emmarchement en pierre dans la cour, soit environ 1m de profondeur. Il protège de la pluie et crée une ombre portée ce qui rend cette zone de 10 m2 très agréable par tous les temps. Ouverte, cette façade permet la ventilation naturelle de l’ensemble de la maison grâce à la fraîcheur du jardin. C’est un lieu d’échange entre le dedans et le dehors.



Un tissu dense


Cette petite maison est logée dans le tissu dense de la vieille ville à quelques centaines de mètres de celle du Général. Pour y accéder, il faut cheminer le long d’une séquence alternant entre ombre et lumière : d’abord sous la fenêtre d’une rue passante, une entrée dérobée débouche sur un couloir sombre se transformant en allée fleurie. Puis sur la droite une perforation dans un mur épais invite à s’engouffrer dans un nouveau couloir obscur qui débouche enfin sur cette petite courette. La courette est exigüe : moins de 10 m2 , on y trouve pourtant un puits (5m de fond), un escalier, l’encorbellement des étages et les débords de toitures. Le rez-de-chaussée est inhabité. Une partie de l’étage est occupée par un couple de personnes âgées. Leur habitation en angle est composée d’une petite entrée, d’une cuisine servante et d’une pièce à vivre intégrant une chambre. Ils partagent le palier intermédiaire de l’escalier extérieur avec une maison attenante.


Le Parc des Trois Pagodes 三塔公园 Le parc des Trois Pagodes est un complexe taoïste datant du 8e siècle de notre ère. Il a été édifié par les princes du Royaume Bai de NanZhao et s’étire sur presque 1 kilomètre de long, encaissant un dénivelé de cent mètres (pente courbe de 10% en moyenne) par le biais de terrasses et d’escaliers. Il accueille aujourd’hui des milliers de touristes venus des quatre coins de la Chine. Le village de San Wen Bi se déploie parallèlement au temple, le long d’un axe Est-Ouest dans le sens de la pente. Il est essentiellement composé de maisons à cour. Les ruelles sont étroites et pour la plupart inaccessibles aux voitures. Les habitants ont un mode de vie lié à la montagne toute proche. Le relief est très présent dans le village avec le dénivellé qui offre de beaux panoramas sur le lac. La rue principale débute au coin Sud Est du parc débouchant sur la route nationale 214 qui relie Dali à Lijiang (inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco) et se termine par un chemin forestier plus haut dans la montagne. Entre les deux, une artère principale irrigue à la manière d’un torrent qui dévalerait la pente la majorité des ruelles du village.



Habitat traditionnel de San Wen Bi

Situé à 1 km de la Porte Nord de la vieille ville, San Wen Bi est un village de paysans et de tailleurs de marbre (la pierre de Dali). Le village est très compact : 700 habitations rassemblées sur une surface de 32 hectares (800mx400m). La présence de jardins cultivés entre et à l’intérieur des maisons à cour et l’étroitesse des rues laissent penser qu’il s’est constitué sur d’anciennes parcelles agricoles. Les rues dans le sens de la pente se transforment en torrent par temps de pluie. Avec l’arrivée des touristes, on assiste à un phénomène d’embourgeoisement. Les habitants-propriétaires densifient leurs parcelles en hauteur. Les anciennes maisons à cour en pierres, sont transformées en maisons d’hôtes où simplement agrandies à la hâte. Des ouvriers venus d’autres villages (民工 mingong) sont employés pour construire des maisons de deux ou trois étages en béton (d’environ 600 m2). Si le type «maison à cour» est conservé, la verticalité transforme considérablement la morphologie du village qui prend des allures de Casbah. Seuls les débords de toiture, ornements issus de l’architecture Bai, sont conservés et créent d’intéressantes ombres portées dans les rues ainsi protégées du soleil éclatant (nous sommes à 2000m d’altitude sur les contreforts de l’Himalaya).


Contrairement à la vieille ville où les facades sont faites en bois, dans le village de San Wen Bi, les habitations sont quasiment entièrement réalisées en pierres taillées issues de la montagne toute proche. Dans ces deux maisons à cour, le seuil du pavillon principal est dimensionné par un linteau central en pierre. Il ne s’agit pas de la même méthode constructive que dans la vieille ville où le système poteau-poutre en bois permet de travailler en hauteur et en profondeur ce seuil.


Loger dans les ruines

Une partie du village est abandonnée. Les charpentes en bois des maisons en pierres sont souvent en mauvais état. Certaines ruines servent de logement pour les travailleurs migrants. Une entrée dérobée depuis la rue principale préserve l’intimité d’une cour pavée. Autour de cette cour, dix personnes se partagent une centaine de mètres carrés. La cour est mise en commun pour étendre le linge ou garer sa moto. Les constructions en pierres sèches, autrefois des étables ou des greniers, sont aménagées de façon rudimentaire en petits studios pour un couple. Certaines ruines trop délabrées servent de salle de bain en plein air (un tuyau, une bassine), dans d’autres on trouve des plantes. On cuisine dans une marmite, à l’abri de la pluie, sur le seuil de la porte ou à l’intérieur. Pour se soulager il faut aller dans les toilettes publiques à 200m.



Sobriété heureuse Xinxin a quitté sa vie à Kunming pour cette maison de village où elle a installé son petit atelier de fabrication savon. L’habitation est séparée en deux parties complémentaires : la cour et un bâtiment orienté vers le Sud. La cour est protégée du vent qui souffle de la montagne par des murs d’enceinte (2,50m). Son sol est composé d’une mosaïque à base d’éclats de marbre récupérés. La partie traditionnelle de la maison est conservée : une pièce à vivre contenant l’atelier et la cuisine en rez-de-chaussée, deux chambres à l’étage dont une servante séparée par des rideaux. Seules les menuiseries en bois ont été remplacées par des portes coulissantes en verre toujours ouvertes sur la cour. Afin de la rendre plus confortable XinXin a transformé l’ancien poulailler en salle d’eau. L’opération est minimale et économique : une chape incrustée de morceaux de marbre pour couvrir les canalisations, une structure métallique insérée dans les murs en pierres sèches pour supporter la nouvelle toiture dotée d’un puits de lumière et un passage vitré devant la cour qui relie la salle de bain au bâtiment principal. Un chauffe-eau solaire installé sur le toit assure la quasi-autonomie énergétique de la maison. Seule l’isolation fait défaut en hiver.



Parc des Trois pagodes

Ruines

Montagne Toilettes publiques

Nouvelles villas


Chez XinXin Marché aux souvenirs

Parking Bus

Pagode Zone résidentielle

Commerces

Entrée du village Petit marché

Relevé urbain : L’artère principale du village San Wen Bi 1:200°


L’entrée du Village de San Wen Bi

Comme dans tous les villages autour du lac, la place de San Wen Bi s’organise autour d’un Banyan ou Ficus Bengalensis, originaire d’Inde et des contreforts de l’Himalaya (Birmanie, Laos). Sa généreuse canopée créé une ombre propice au repos quand le soleil tape en plein après-midi. Ses racines sont contenues par un bac circulaire en pierres ou en béton qui sert aussi de banc. Située en haut d’une rue carrossable, sa présence marque l’entrée du village. Derrière lui, un mur écran (照壁 zhaobi) perpendiculaire à la rue empêche les véhicules de remonter l’artère principale du village, essentiellement piétonne. A la tombée du jour, les vieux du village se posent sur les bancs de cette terrasse en arc de cercle comme pour garder l’entrée du village. Seuls les vélos et les motos peuvent remonter la rue principale.



La Pagode de San Wen Bi Temple des rois de Nan Zhao Origine environ un siècle, reconstruite 2014 Située au carrefour entre l’artère principale du village qui descend de la montagne et une rue transversale qui termine le village au Nord contre le complexe monumental du parc des Trois Pagodes. Les rues sont trop étroites pour laisser passer les voitures mais elles permettent aux habitants de circuler en moto et en Triporteur. Positionné en plein milieu de l’axe, le temple bloque la visibilité des conducteurs. Le son des klaxons qui en découle crée un «désordre» en même temps qu’il rythme la vie de village. Le Temple est entretenu par le propriétaire d’une des rares boutiques du village également installée sur la placette dans une extension de sa maison. C’est lui qui allume les bougies et les bâtonnets d’encens qui embaument la placette. Il habite ici depuis 80 ans. Selon lui, la pagode a toujours été là. Au fil du temps, elle a été reconstruite au moins à deux reprises sur le même emplacement.


Cette construction est caractéristique des transformations en cours dans le villlage. Une structure moderne et un ornement Bai. Base en pierres granitiques, structure renforcée en béton, charpente inapparente recouverte de ciment, toiture du pavillon avec arrêtier à ailes d’envol. Les murs sont couverts de peintures et de calligraphies de style Bai. A l’intérieur un des Rois-Dieux de l’ancien Royaume de Nan Zhao assure la protection des habitants. Chaque année une fête est organisée à l’approche de l’examen du Gaokao (Bac) pour obtenir sa bénédiction.

三文笔小寺庙 天王 白族 一百年所有


A travers champs

Entre le lac et les montagnes, les terres fertiles sont utilisées pour les cultures de légumes. Récemment des pépiniéristes se sont installés pour profiter des bonnes conditions météorologiques (soleil, vent, altitude) et faire pousser toutes sortes d’espèces. Les parcelles agricoles sont petites (environs 600m2) et séparées par un réseau de canaux qui les alimentent en eau. Dans ces vastes espaces cultivés des routes carrossables relient Dali aux villages situés au bord du lac. Des chemins de traverses surélevés relient perpendiculairement les villages entre eux. Ces chemins sont utilisés par les paysans pour le travail des champs. Avec la brise du soir ils servent de paséo aux habitants du village.



Système d’irrigation Les canaux permettent d’irriguer une grande surface de champs. Cependant ils sont très dispendieux en eau et nécessitent un apport dépassant le débit des torrents issus de la montagne. Dans les années 1960, le gouvernement a mis en place un système d’aqueduc pour acheminer l’eau du lac jusqu’aux champs situés en amont. Des bassins de rétention dotés de petites stations de pompage sont implantés au milieu des champs.



La «Pagodaqueduc» Près du lac, au milieu des champs, cette station de pompage désaffectée sert de lieu de pique-nique le dimanche pour les habitants du village de Xizhou. Un auvent métallique permet de cuisiner dehors à l’abris du soleil tandis que le rezde-chaussée de la pagode a été réaménagé en temple dédié aux Rois de NanZhao. On trouve aussi une cuisine, des toilettes et même une chambre au premier étage. Le 2eme et le 3eme sont condamnés. Pour l’anecdote, un jeune de 30 ans se souvient avoir nagé dans le conduit de l’aqueduc quand il était enfant !



Scènes de destruction au bord du lac La visite du Président a entrainé une vague de destructions massives autour du lac. Les guests houses qui s’y étaient installées se sont vu refuser l’ouverture faute de système de traitement des eaux adéquat. Un périmètre de 17m autour du lac a été décrété zone non aedificandis, ce qui a eu pour effet la suppression des éléments de façade qui dépassaient de cette frontière «virtuelle». La pêche au cormoran qui faisait le charme du lac et assurait une source de revenus pour les habitants a également été prohibée. Enfin l’élevage bovins et de porcs a été interdit pour limiter l’apport en phosphate en attendant que les nouvelles stations d’épuration arrivent à assainir le lac. Certains champs aux bords des berges sont reconvertis en jardins d’agrément voire en campings.



La Pagode du royaume de Nan Zhao


Située sur la route entre Dali et Shaping au Nord du lac, cette pagode vieille de 800 ans est un des rares vestiges de l’ancien royaume à avoir survécu à la révolution culturelle. Surélevée par rapport à la rue et axée sur les quatre points cardinaux, elle fait face au Sud. Ses quatres facades sont étrangement perforées de meurtrières, il faut se pencher à l’intérieur de la fente observer l’effet lumineux créé à l’intérieur.



SHAXI 沙溪 A quelques dizaines de kilomètres par de la les montagnes Cangshan, on arrive au village de Shaxi 沙溪 situé dans une vallée au Nord Ouest du lac. Ce territoire enclavé et difficilement accessible (4h de bus) était à l’époque une étape importante des routes du thé et des chevaux. Au début des années 2000, un projet de rénovation a été mis en place par la coopération Suisse avec la région du Yunnan pour préserver ce village. Le village est entièrement construit en pisé et ses charpentiers sont réputés dans toute la région.

La terre de Shaxi est argileuse et permet la fabrication aisée de pisé.


Projet de valorisation du patrimoine ancien

L’Opéra, le Temple bouddhiste et la place de Shaxi ont fait l’objet d’un méticuleux travail de restauration grâce à l’intervention d’architectes suisses (ETHZ). Ces derniers ont établi pour la province du Yunnan un Plan de sauvegarde qui vise à améliorer les conditions de vie des villageois en développant une économie touristique autour du patrimoine architectural du village. La rénovation propose différents degrés d’intervention: - la réhabilitation de la place du village et de deux vestiges majeurs ainsi que les portes de la ville - la rénovation des rues et des pavements - l’inventaire des anciennes bâtisses et leur protection



东门

戏台


兴教寺

Ce Temple datant du XVe siècle est composé de deux cours et de trois pavillons, il est caractéristique d’une architecture éclectique mêlant le style Bai et l’influence de l’Empire des Ming. Il est dédié au Bouddhisme Tantrique (route du thé) et aux dieux du Royaume NanZhao. La cour principale est pavée d’une mosaïque de pierres et de tuiles sombres. Elle est abritée par d’imposants « chinese scholar tree » (Sophora Japonica Linn 槐树) vieux de 160 ans.


Abords du village Le village est située au bord d’un cours d’eau, au centre d’une vallée cernée par des montagnes. Cet environnement recréé à une plus petite échelle le micro-climat de Dali et du lac Er Hai. De ce côté de la montagne, la terre est rouge et fertile. Jusque là difficile d’accès, une route est en construction pour relier le village au bassin de développement économique généré par la zone touristique de Dali.


Les temples sont souvent implantés à la lisière du village, à la frontière d’avec les champs, où à côté d’un élément remarquable du paysage comme cet arbre monumental (35m de haut) qui tient debout dépourvu de ses feuilles.


La vie de village


En face de Shaxi, un village entièrement en terre est adossé à la colline. Quand je le visite, une famille est en train de démonter un mur en pisé dans la cour de leur maison. L’habitation compte trois pavillons en terre et en bois. Le pavillon central est surélevé et encaisse la topographie abrupte du village. L’étable en contrebas est réservée aux bêtes. Ces derniers réutilisent les briques de pisé pour le chantier de leur nouvelle maison...


Le chantier de la nouvelle maison La nouvelle habitation est une subtile variation de l’ancienne sur un terrain plus grand à flanc de colline, à l’écart du village. Contraintement à l’ancienne maison, le terrain a été nivelé pour offrir un espace de plain pied à la cour centrale (200m2) entourée par des murs de 3m de haut qui protègent l’intimité. Le dénivelé est encaissé en bordure de propriété. L’étage de la maison bénéficie de la vue sur le paysage par delà ce mur d’enceinte. L’étable est située à côté de la maison, il se dissocie de l’espace domestique.


Lors de ma visite, la maison est encore en chantier, notamment un petit pavillon situé entre la maison et l’étable (photo de droite). La cour sert d’atelier pour Monsieur Ren ZeMin, qui construit lui-même avec l’aide de son fils cet appendice de 20m2. Le chantier se déroule sous mes yeux: - réutilisation ou fabrication de nouvelles briques de pisé avec la terre de la colline - poteaux de bois montés sur des pierres équarries - charpente taillée à la main et sur place par le patriarche Le lendemain ce sont les chevrons qui sont installés et taillés à 6m au dessus du sol avec des outils confectionnés sur place.


Savoirs faires constructifs



Rapport aux Ancêtres Au cours de mon voyage j’ai été marqué par la présence des tombes au dessus des villages sur les contreforts de la montagne. Les villes chinoises ne comptent pas de cimetière et il y est interdit d’enterrer les corps. Ces stèles parlent d’un autre temps, celui où l’on pouvait encore enterrer les défunts. Ces aïeux que l’on visite en allumant un bâtonnet d’encens au cours d’une promenade sont comme les gardiens du paysage.


Pavillon du Temple des pierres

A quelques kilomètres de marche de Shaxi, le Temple des pierres, gravé dans la falaise, est dédié aux divinités bouddhistes et locales. En s’enfonçant dans la forêt, on tombe sur ce petit pavillon, perdu au milieu du paysage. Une brise fraîche circule entre les colonnes de béton, des poèmes sont copiés sur les poutres de bois qui soutiennent une imposante charpente. Mais la poésie c’est le pavillon lui-même, sa vue panoramique sur la vallée, sa proximité avec le temple qui en font une retraite d’ombre et de fraîcheur au coeur de la montagne en plein été ; un refuge sous une pluie battante ; un observatoire au clair de lune.



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