Au bouquet - Éric Piette & José Wattebled

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Au Bouquet

é r ic P iet t e Jos é Wat t e b l e d Ce

qui

reste



Au Bouquet U n p oèm e

d ’ é r ic P iet t e P ho to g ra phi es

Jos é Wat t e b l e d

Ce

qui

reste



Au Bouquet — 14e arrondissement, métro Alésia —

à Jean-Luc Wauthier et ceux qui savent la fraternité “l’écho des cordes cassées dure encore”

Jean-Claude Pirotte, La boite à musique


cette nuit la chronologie n’est plus une science la rue Daguerre est déserte Denfert-Rochereau — Alésia revisiter des fuites infligées vers nos oublis cette mémoire retournée cherchant la parole qui m’a donné le jour entre chair et silence jamais nos pas ne résonneront rue Peine Perdue où règnent les ombres de Charleroi




nous nous sommes reconnus en bord de Meuse tu te souviens enfants titubants nos mains amies ont fait écho en nos prisons le Flore de Namur table ronde on ne tempère pas une tempête le vent d’où qu’il vienne fait trembler le doute comme un triangle


les monstres invisibles inconnus sont-ils invincibles je convoque nos garde-fous du ciel et les reflets de refrains simples assis debout quai de Seine c’est abrupt et douloureux alors que la rue des Cannettes est pliée comme une aiguille dans cette mer d’intranquillité où nos autoportraits sont les passages cloutés de l’enfance




encore encore encore vivre en évitant les pièges du désamour et cesser de jouer avec la mort ce temps est passé crois-moi je ne passerai pas mon chemin même si dansera toujours sur le sexe de la mort le roulement de nos trains de nuit et moi aux absents j’adresse parfois mes mirages de déserts nommés


car je suis fort mauvais poète ma main amie ne peut encore aller jusqu’au bout qu’importe je te sens proche et t’emporte en moi tu es la trace de la fraternité le trait grimé des lettres croisées une part de saison manquante nos amis comme nous s’appuieront sur l’épaule du jour




ou la béquille de la nuit où tournoie Alésia le café Daguerre et les carnets perdus abandonnés aux chiens aux chiennes avant de t’égorger par la parole absente atonale lutte à mort afin de tutoyer l’enfant qui nous manque nous ressemble — nos masques éternels sont une tâche d’encre


et roule encore l’absence intransigeante de non-retours l’instant est le temps peut-être aussi les motifs secrets de nos nuits dévorantes quand les pigments s’écaillent je te promets souvent encore nous parlerons ensemble et demain j’irai fredonner rue Lepic au Lux Bar des mots cent fois plus grands que moi




même si le temps ne cesse jamais que les traces s’érodent je choisis de vivre comme un appel l’aube approche les oiseaux chantent on ne sait pas pour qui et on s’en tape (avec Wauthier, Cendrars, Laâbi et Dimey) Brasserie « Au Bouquet », Paris, nuit du 20 au 21 mars 2015



Les auteurs


Éric Piette est né à Charleroi (Belgique) en 1983. Il suit le cours de la Sambre pour faire ses études à Floreffe où il découvre l’ouverture que la poésie offre ainsi que ses premiers balbutiements avec l’écriture. La Sambre se jetant dans la Meuse à Namur, il y nourrit, soutenu par certains poètes confirmés, la certitude qu’il doit se mettre au travail. Ni complètement carolorégien ou namurois, Piette s’installe à Bruxelles. Se sentant exilé de naissance, il décroche un diplôme en philosophie morale à l’Université Libre de Bruxelles. S’ensuivent des métiers aléatoires et le sentiment profond d’être indigne de la poésie. C’est lorsque l’on vida sa cave par erreur (qu’on prit pour celle d'un voisin), qu’Éric Piette perdit tous ses textes accumulés. Cette appréciation hasardeuse lui permit de comprendre que l’écriture lui était essentielle. En 2010, il quitte brusquement la Belgique pour rejoindre


Istanbul – à son retour, il écrit Voz (train, en serbe), que ses proches lui forcent à envoyer à un éditeur. Ce premier recueil paraît en 2011 aux éditions Le Taillis Pré, situées dans la région de Charleroi. Trois ans plus tard, chez le même éditeur, L’impossible nudité est éditée. Sans les rencontres faites durant ses années de fin d’adolescence, entre Charleroi, Floreffe, Namur et Paris, Piette n’en serait pas là : il songe à l’abbé Arthur Léonard, Alain Dantinne, Jean-Claude Pirotte, Jean Meysonnier (fondateur de La Route Inconnue, « association des amis d’André Dhôtel ») et Christophe Mahy. Pour Voz, Éric Piette a obtenu le prix Nicole Houssa 2012 de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique et le prix Gauchez-Philippot 2013. L’impossible nudité, quant à elle, a reçu le prix Emile Polak 2014 de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique ainsi que le prix Marcel Thiry 2015.


José Wattebled Est né en 1953 en Champagne et habite toujours Reims dont il connait les moindres recoins et paysages. Il partage son temps entre blues et photographie. Que ce soit en musique ou en noir & blanc, ce qu’il préfère, c’est que ça raconte une histoire, une rencontre. Une histoire qui pourrait commencer par « Ce jour-là... », cette petite phrase que Willy Ronis utilisait à chaque fois, pour commencer à conter la petite ou la grande histoire, à chacune de ses magnifiques photographies, il prenait des moments sur le vif, des histoires d'un jour. La photographie (argentique à l'époque, il n'avait pas le choix) devenait pour lui une anecdote doucement captivante, une deuxième tranche de bonheur supplémentaire, de poésie parlante, chantante et chuchotante. Aujourd'hui, le numérique est venu : "terrible pourfendeur" pour certains, libérateur pour d'autres. Cela ne change rien au final, ce qui peut changer c'est de laisser son regard au placard. Son blog portfolio : http://jose-wattebled.com




La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME

Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.

© Avril 2016 - Poème - Eric Piette Photographies - José Wattebled La revue Ce qui reste pour la présente édition www.cequireste.fr - revue.cequireste@gmail.com




« je te promets souvent encore nous parlerons ensemble et demain j’irai fredonner rue Lepic au Lux Bar des mots cent fois plus grands que moi » Éric Piette

Ce

qui

reste


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