CĂŠcile A. Holdban
Ce
qui
reste
Cécile A. Holdban
Carnet d’automne
Ce
qui
reste
Les grains si je croque le grain noir du raisin j’avale les yeux de milliers d’oiseaux le jus de sucre vert coule le chant du merle se répand sur la table éclate en rire doux l’automne, sa peau humide se déchire dans ma gorge.
La pierre lunaire Dans la boue, j’ai trouvé un os qui brillait mieux que la lune une page blanche s’ouvrit, griffée d’argile sur laquelle la chair se fit verbe.
Le vent appelle Le vent appelle dans les pins ils tendent les bras et jouent au loin sur le sommet d’un peuplier, la tourterelle chante, invisible je la sais perchÊe au sommet puisque toi je te sens tout près tapi dans le bruissement des herbes.
Les têtes lourdes Des têtes poussent dans le jardin sur leur crâne fissuré jaillissent mousses et lichens elles apprennent à se dégager de la terre leurs paupières frappent le vent les tête lourdes poussent leurs pupilles au ciel où le vent oublie la gravité.
Le flambeau Viens — déliée de l’ombre pour unir le tissu aérien des flambeaux
dans le pouls de la terre Ici le cœur des oiseaux bat à la vitesse du vent et dans le pouls de la terre un dragon cogne ses ailes incandescentes rougoie pour réchauffer la nuit.
Sous les pins Voici le réel dissimulé dans un mot : l’œuf un point blanc dans l’ombre des aiguilles. La douceur pleine dans une paume. Mon corps de plume se fendille reflété dans la porcelaine fine.
Les étoiles Ce matin les étoiles tombent le doigt rouge de l’érable pointe le ciel ridé du V des clans d’oiseaux mais je reste ici, à tracer dans les feuilles la carte de nos chemins sur terre.
Lumière Il restait une fleur sur terre pour l’éclairer
La blessure Le soleil clouĂŠ au monde riait de sa blessure.
Le souffle Tu habites une cage transparente tu prends soin, chaque jour de la peupler de fleurs et d’eau parfois, il suffit d’un souffle pour que l’essence se libère.
le désir Si les bois fanent et noircissent je les vêtirai de lune pour m’y rouler jusqu’à plus soif jusqu’à la reverdie.
Ce qui se délie Aimer ce qui se délie jusque dans sa chute
l’attente Amarrée loin de ta bouche la nuit attendait sous la pluie qu’éclose le scintillement d’un poème
La pluie La pluie fine d’abord puis flaque intérieure et sombre vitre du ciel tombée sur terre
Petits feux Les pierres s’ouvrent, sans retour, sur le chemin les voix des bêtes couvent, petits feux dans des lieux sans carte les étoiles tissent l’espace hors de nous.
Les crêtes Vie striée de crêtes contre lesquelles battent nos inquiétudes ni les pierres ni les os ne demeurent mais le vent qui nous meut.
le roux Le roux et l’or, l’eau et le cuivre toutes les formes, tous les signes qui prolongent, ralentissent la chute. L’automne : ma saison des Antipodes petites têtes enfouies dans la nuit des feuilles, rêves verts dans les jambes.
Le manteau de l’aimée Sur la terre qui fraîchit la couleur jette sa cape d’amoureuse nous marcherons des mois, le visage humide, les pieds lents où tintera la glace avec sur nos épaules le manteau de l’aimée.
L’auteure
Cécile A. Holdban Hongroise d’origine, Cécile A. Holdban vit à Paris. Après diverses études et voyages, elle devient libraire, tout en poursuivant son travail d’écriture et de traduction. Elle est coéditrice de la revue Ce qui reste depuis l’automne 2015. Elle est également plasticienne, pratique surtout l’aquarelle et l’encre, et participe à un certain nombre de livres d’artistes avec différents poètes et plasticiens. Bibliographie Ciel Passager, L’Échappée Belle, 2012 Un nid dans les ronces, La Part Commune, 2013 Poèmes d’après suivi de La Route de sel, Arfuyen, 2016 Une robe couleur de jour, La lune Bleue, 2016 Diverses traductions de poèmes et textes littéraires d’auteurs hongrois, américains et néozélandais, en revue et chez plusieurs éditeurs (Weöres, Karinthy, Mark Strand, Janet Frame...) A paraître L’été, Al Manar, mars 2017
© Novembre 2016 — Poèmes et aquarelles : Cécile A. Holdban La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire — ISSN 2497-2363