Echographie - Annemarie Estor

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Echographie Annemarie Estor traduit du nĂŠerlandais par Daniel Cunin

Ce

qui

reste



Echographie Echografie Annemarie Estor traduit du nĂŠerlandais par Daniel Cunin

Ce

qui

reste


I Dans le gris neutre diffus de l’échographe, les ovules murissent sourds-muets et vitreux. Ils gonflent tels les yeux globuleux d’une grenouille au fond d’une argilière riche en pétrole dans une forêt du Panama, en suspension ils patientent, peu réfléchis et myopes, à l’unique fin d’éclater et de mourir aussi noirs que de nouveaux univers dans les galeries de la grotte.

I In de schimmige grijswaarden van de echograaf rijpen eieren doofstom en glazig. Ze zwellen op als bolgeblazen kikkerogen onderin een olierijke leemput in een bos in Panama, en ze hangen maar te wachten, onnadenkend en bijziend, enkel om te knappen en om zwart als nieuwe universa af te sterven in de gangen van de grot.




II C’est le musée cruel de la déesse de la fécondité morte dans un accident. Taillées, des tourmalines posent alignées à l’unique fin de briller. Les pierres sont terriblement belles. Terriblement dures.

II Dit is het wrede museum van de verongelukte vruchtbaarheidsgodin. Toermalijnen poseren geslepen in een rij slechts om te glanzen. De stenen zijn verschrikkelijk mooi. Verschrikkelijk hard.


III Ici, tu te tiens. Face à face avec ta peur de trilobite. Peur. Devant la froideur de ta mère. Devant l’enfant désespéré. Devant le déterminé. Devant l’erreur. Devant ton corps qui pense par lui-même et connaît toutes les significations, à ta différence.

III Hier sta je. Oog in oog met je eigen trilobieten-angst. Angst. Voor de kilte van je moeder. Voor het hopeloze kind. Voor het vastgelegde. Voor de vergissing. Voor je zelfdenkende lijf dat alle betekenissen kent, en jij niet.




IV Ici, tu es couchée face à face avec ta mère stérile. Ici, tu es couchée face à face avec tes enfants. Avec tes enfants qui vont à l’égout. Qui se décomposent en bas dans la boue sans que tu ne les aies jamais vus. Tous, six millions. Ils sont simplement assis là, derrière le verre de l’échographe effrayant jusqu’aux chauves-souris par l’image qu’il leur renvoie.

IV Hier lig je oog in oog met je onvruchtbare moeder. Hier lig je oog in oog met al je kinderen. Met je kinderen die het riool in gaan. Die in het slijk beneden ontbinden zonder dat je ze ooit zag. Alle zes miljoen. Zij zitten daar maar, achter dat glas van de echograaf, en zelfs de vleermuizen schrikken van wat ze krijgen teruggekaatst.


V Électrons sur l’écran, pluie de comètes. Portrait à ultrasons de dieu grenouille qui se tait et copule et pond le frai, indifférent ne se retourne plus sur la bave. Ce dieu grenouille, c’est toi en tous temps, et dans chacune, chacune des possibilités.

V Elektronen op het scherm, kometenregen. Ultrasoon portret van kikkergod die zwijgt en paart en drillen maakt en onverschillig niet meer omkijkt naar het slijm. Die kikkergod ben jij in alle tijd, en in elke, elke mogelijkheid.




L’auteure



Annemarie Estor Née aux Pays-Bas le 24 avril 1973, Annemarie Estor passe sa vie entre Anvers et l’Aragon. Elle est l’un des piliers du mensuel culturel Streven. À ce jour, elle a publié plusieurs recueils aux éditions De Wereldbibliotheek (Amsterdam) : –– Vuurdoorn me (prix du Meilleur premier recueil 2011), –– De oksels van de bok (long poème récompensé par le prix du Meilleur recueil 2013) –– Dit is geen theater meer (2015). Par ailleurs, avec la poète flamande Liese Van Gasse, elle a conçu un poème graphique consacré à Caspar Hauser : Het boek Hauser (2013). Actuellement, Annemarie Estor élabore un récit poétique centré sur le cycle « Échographie ».



La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.

© Décembre 2016 — Texte de Annemarie Estor Traduction du néerlandais par Daniel Cunin La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363


« Ce dieu grenouille, c’est toi en tous temps, et dans chacune, chacune des possibilités. » Annemarie Estor

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