Même l’hiver
I sa b e l l e L év esq u e Ga e ta n o P e rs ec h i n i Ce
qui
reste
Même l’hiver Un poème
d’Isabelle Lévesque Peintures et photographies de
Gaetano Persechini
Ce
qui
reste
Fi du jour, émane des heures cette lumière — temps de plus venu du fond des âges. Temps ferment, nocturne inversé, ponctuation de l’ombre tournant pleine-lumière et divaguant.
—
Le sachant, j’aurais
fermé le ciel entrebâillé, tardif éveil, gagnant sans cesse, mot-vainqueur parti se vêt. — Qu’as-tu écrit ce jour ? — Les mots de guerre vaincue, toujours à vif où saigne.
Ce que nous fûmes résonne.
Image morcelée avant le soir. Braises et ricochets. Sur la mer, fragments dispersés du jour à la lumière des baisers. Crois-tu ?
Peux-tu compter cent fois altérée l’aube ?
Peux-tu, tant que souffle, dire les mots premiers ?
Je rejoindrai minuit, danse, et nous ferons poème des bribes, gardant sur nos lèvres matin pour que le soir ne soit pas la fin.
Aviver de tes pas le jour,
trouble et la crainte levée, voile sur le clair matin prenant le vent ardent ou murmurant dans sa complainte. — Où est ce bleu, ce bruit du soir, ma planète, mon silence, mon rêve ? Garde les vers dans nos voix, strophes, tercets nombreux, tierce assortie de feu…
Même l’ hiver.
Pas une feuille n’échappe au tomber de glace. Brouillard levé, nappes claires, à l’orée des bois nus. Même chagrin.
Buée, désordre des gouttes, aliment d’altitude. L’eau transformée.
Pour qu’une humide escale prenne la terre et féconde. Nous restons silencieux. Les mots suivent un chemin plus bas, la mer, ses souterrains conduits. Dénichés pour une graine plus silencieuse. Nous recouvrons les signes et, protégés nous le savons, ils deviendront.
Marche dans l’eau claire,
contre la pierre. Le sel (jadis : relief du ciel). L’eau prise en sortilège. L’érosion n’a rien suivi du maritime attrait d’un massif poli. La pensée renonce, captive, angle perdu. Où la parole première ? Flocon magnétique.
Parcelle.
Phrase et le verbe échappé rejoint. Rien ne finit qu’il faille creuser un sillon, ces lignes identiques où des signes attisent. Trace. Vestige. Les mots solides, face au silence, le passé visité, coupé, nous portions sur chaque épaule l’équilibre. La balance. Sa pesée. Le verbe court.
Souffle — à peine, léger.
Conte, s’ il vole. Fée change, baguette souple, coudrier. Trace où vit le soir, et l’alerte or et le jour, l’or trouvé dans les légendes.
Les auteurs
Isabelle Lévesque Isabelle Lévesque, poète, a collaboré avec les peintres : Gaetano Persechini, Jean-Gilles Badaire, Christian Gardair et Colette Deblé (travail en cours). Elle a co-dirigé plusieurs numéros spéciaux de la revue Diérèse (sur Thierry Metz, Nicolas Dieterlé, Gérard Titus Carmel…). Elle écrit des articles pour les revues Europe, Terres de Femmes, Poezibao, Recours au Poème, Terre à ciel… Pour en savoir plus : Terre à ciel Pour Nous le temps l’oubli
Publications : –– D’ici le soir (Encres Vives, 2010) –– La Reverdie (Encres Vives, 2010) –– Trop l’hiver (Encres Vives, mai 2011, n° 394) –– Or et le jour dans Anthologie Triages, printemps 2011 (Éd. Tarabuste) –– Ultime Amer (Rafael de Surtis, 2011) –– Terre ! (Éditions de l’Atlantique, 2011) ––Ossature du silence, préface de Pierre Dhainaut, encres de Claude Lévesque (Éditions Les Deux-Siciles, 2012) –– Va-tout (Éditions Les Vanneaux, 2013)
––Un peu de ciel ou de matin, postface de Pierre Dhainaut, peintures et dessins de Jean-Gilles Badaire (Éditions Les Deux-Siciles, 2013) ––Ravin des nuits que tout bouscule, préface de Pierre Dhainaut – Prix des Trouvères 2013 (Editions Henry, 2014) ––Nous le temps l’oubli, avec des peintures de Christian Gardair (Éditions L’herbe qui tremble, 2015) À paraître : –– Voltige ! (Éditions L’herbe qui tremble, 2017) En italien (livres d’artiste) : ––Neve, photographies de Raffaele Bonuomo, traduction de Marco Rota (Edizioni Quaderni di Orfeo, 2013) ––Tes bras seront(Le tue braccia saranno), poèmes inédits traduits en italien par Marco Rota – Edizioni Il ragazzo innocuo, coll. Scripsit Sculpsit, 2015) Anthologie : ––Christophe Dauphin, Riverains des Falaises, Une anthologie des poètes en Normandie du XIe siècle à nos jours (Éd. Clarisse, novembre 2010) Préface : –– Thierry Metz, Carnet d’Orphée et Autres Poèmes (Éd. Les Deux-Siciles, 2011)
Gaetano Persechini né le 14 février 1964, est artiste peintre et libraire. Il a créé des livres d’artistes et des livres peints avec Isabelle Lévesque, Sylvie Brès et Joël Vernet. Il a publié des poèmes et des notes d’atelier dans les revues : Diérèse, Arpa et Voix d’encre. Il a écrit avec Annpol Kassis « Nicolas Dieterlé - Souffle et couleur poétique » (Éditions du Cygne, 2011). Pour Nicolas Dieterlé, il a également rédigé la préface du Catalogue raisonné de l’œuvre peinte (Éditions Libel, 2013) et participé au dossier qui lui a été consacré par la revue Diérèse 59/60. La couverture du N°56 de Diérèse, consacré à Thierry Metz, reproduit une peinture de Gaetano Persechini Son site internet : http://gaetanopersechini.wix.com/gaetanopersechini Les photographies sont des tirages argentiques. Les peintures : –– «Passage vers le sud», huile sur papier 50x60 cm –– «Comme dans une Venise», huile sur toile 41x27 cm
La revue Ce qui reste RALENTIR POÈME
Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix
Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur. La création n’étant pas que langage, la revue ouvre également son espace à des artistes plasticiens.
© Avril 2016 - Poème - Isabelle Lévesque Peintures et photographies - Gaetano Persechini La revue Ce qui reste pour la présente édition www.cequireste.fr - revue.cequireste@gmail.com
« Les mots suivent un chemin plus bas, la mer, ses souterrains conduits. Dénichés pour une graine plus silencieuse. Nous recouvrons les signes et, protégés, nous le savons, ils deviendront. » Isabelle Lévesque
Ce
qui
reste