Saisons de l'été (extraits) - Lionel Gerin - Caroline François-Rubino

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Poèmes de

Lionel Gerin

Aquarelles de

Caroline François-Rubino

Saisons de l’été

(extraits)

Ce

qui

reste



Saisons de l’été

(extraits) Poèmes de

Lionel Gerin Aquarelles de

Caroline François-Rubino

Ce

qui

reste





PRÉMICES 1 Janvier Ton corps à boire L’invasion de tes reins de tes hanches Digues pour l’étendue de la nuit Dans les étroites noces du jour bientôt grège Et du gris des faubourgs Dans la truffe maigre et humide du matin Ta main improvise l’été.




CORPS DE L’ÉTÉ 6 Miracle de l’été Tu renonces à l’idée de ta mort Et apprends la légèreté de la citronnade Des courses à vélo Des rires et des mains enlacés Tu t’inities à la grammaire de la nudité Á l’évasement du regard Á la menthe extasiée des flâneries Au bord des ports et des rivières Il te reste toute l’immensité de l’instant Pour te risquer aux pénombres Et à l’amour des granges Le linge dans la haie qui bruisse Un soleil scarifié Les insectes incendiés Ta nuque Le nœud de la poussière où le nord a séché Tout concourt à juillet Et manigance l’ombreuse retraite des ruisseaux




11 Dix arpents de soleil Et ta journée est faite La contrebande des fontaines Leur rumeur de feuilles Les oiseaux qui éditent le matin Le pain frais La table ouverte Sous le tilleul de la place Encore tôt Et déjà le soleil publie l’été Aux fontaines Toi nue à la fenêtre Pour goûter l’air neuf Du matin L’acacia frôle le balcon Son ombre tatoue la terrasse Avec les restes de la nuit




18 Voici venir l’eau rare et le soleil à nos tempes Il reste un peu de neige à ton ventre Sur ta peau vagabonde un nuage cherche ton sein Et dans ce gant si fin qui caressa ton corps Je glisse le coeur de mes doigts Á l’écart je te froisse Vois tes yeux s’oublier Vers le sud où brûle enfin L’anneau nu Des confins De ton soleil d’été


C’est une nuit de lisière entre le poème et l’eau Une nuit de roses arrachées au soleil Un jour de grand large Un matin de terre noire et de prénoms livrés au vent Un midi inutile à force d’être blanc Et un soir qui découpe les visages au couteau La nuit revient mentir avec les corsages Et la lisière frissonne avec les roseaux Qui festonnent l’été amer Et marient l’orange et la faux





21 L’enfant attend Que se soulève la frange Qui ourle le jardin des mystères Sous le tilleul Les plis de la sieste Se défont peu à peu Et laissent un peu de soif Au bord des lèvres Cette chaleur échappe encore Aux domaines du nom Sans penser à mal Tu trempes ta main dans l’ombre Et l’ombre s’écarte Et va fondant Dans la moelle du soleil Sorcière de l’été Tu cours la campagne Et désenfièvres les enfants De tes doigts de sureau Tu parles aux fontaines Et t’abreuves la nuit Au museau des béliers


ÉTÉ NOMADE 29 L’été enroué de brouillard Enjambe les troncs endormis sur les plages Cathédrale d’arbres rouges au bord des promontoires Où le silence s’empale sur les fougères J’ai léché ton regard d’étoiles Le corps cassé par l’aventure de la route Et laissé en arrière tous les bleus et le noir Rejoint la lèvre des collines Où l’azur glacé enfouit bien haut les cendres Nous tendons vers le houx


Descendons vers le tendre dans la rousseur des aqueducs Pieds nus sur le marbre chaud Membrane traversée dans la joie La pluie chaude poignarde Le dos boueux du Gange Qui charrie la buée des mourants Vers l’est doucement amer Et la serre désemparée de l’été Le jaspe du ciel aura raison du soir




JEUNESSE DE L’ÉTÉ 31 Il y avait une rivière Un été d’insouciance De guêpes et d’éclaboussures Une fraicheur perlée En contrebas des cerises Dans une ombre où coulait l’azur Loin de la camisole des chambres Il y avait la sente et l’herbe Et rien n’aboyait On aurait presque pu danser ou s’étendre au bois clair Perdu dans les frondaisons du jeu L’enfant ne savait rien du jour Ou des cimes péremptoires En lui la graine de ce lieu se glissait Fécondant l’œil de son sommeil C’est ainsi que parfois le bonheur vient saccager nos douves Toute enfance est résurgence tenace et vagabonde


Cet été là il nous restait cinq ans Pour caresser et partager le jour Boire était comme une leçon apprise Les petites heures étaient soudoyées L’amour n’était que larcins S’il se trouvait quelque étendue entre nous et la mer Nos corps étaient trop blancs Le disque du soleil trop noir Et la pente trop raide Nous prenions notes qu’il y aurait un lendemain Peut-être





Les auteurs


Lionel Gerin Né à Roanne, Lionel Gerin a suivi des études d’anglais à Nanterre. Vit et enseigne à Lyon. Voyages : Europe, Tunisie, Jordanie, USA, Canada, Mexique, Guatemala, Equateur, Thaïlande, Birmanie, Indonésie, Malaisie, Philippines, Vietnam, Chine, Inde, Pakistan. Ecrit depuis très longtemps, mais ne s’est jamais vraiment soucié d’être publié (paresse ? manque de confiance ? orgueil ?). Depuis quelques années, ses poèmes ont paru dans les Cahiers du sens, grâce à un ami poète : Bruno Thomas. Il publie dans la revue Kahel et en ligne, sur le site de Guy Allix ou sur «Recours au poème». Un premier recueil Si nous n’avions qu’une ombre est paru au Nouvel Athanor en 2014. Noirs sur blancs, un recueil textes/photos est en attente de publication.


Caroline François-Rubino Elle expose régulièrement dans le Sud-Ouest et travaille en collaboration avec plusieurs poètes : Michaël Glück, Sabine Huynh, Luis Mizón, François Rannou, Roselyne Sibille, Luigia Sorrentino, Salah Stétié, John Taylor et Sanda Voïca. Le paysage façonne son langage pictural. Elle dit « peindre ce qu’elle ne pourrait photographier » : un nouvel espace aux multiples sentiers invitant à découvrir des itinéraires imprévisibles et à percevoir le temps qui passe. Son site internet : www.caroline-francois-rubino.com Les aquarelles accompagnant les poèmes de Lionel Gerin sont réalisées sur papier Canson à grain moyen, 14,8 x 20 cm, rehauts de crayon blanc et de graphite.



© 2016 - Tous droits réservés Textes de Lionel Gerin Aquarelles de Caroline François-Rubino La revue Ce qui reste pour la présente édition www.cequireste.fr


« Perdu dans les frondaisons du jeu L’enfant ne savait rien du jour Ou des cimes péremptoires En lui la graine de ce lieu se glissait Fécondant l’œil de son sommeil C’est ainsi que parfois le bonheur vient saccager nos douves Toute enfance est résurgence tenace et vagabonde... »

Ce

qui

reste


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