Extraits du livre
TABLE DES MATIERES
Introduction Le sens mystique dans l’Imitation I. le sens caché II. L’auteur révélé III. L’homme à l’image du Dieu-Trine IV. Rôle actuel de l’Imitation OPUSCULE PREMIER Avis utiles pour la vie spirituelle OPUSCULE SECOND Avis propres à entraîner l’homme à la vie intérieure OPUSCULE TROISIEME Brûlante exhortation à la Sacrée Communion OPUSCULE QUATRIEME Le livre de la Consolation intérieure INDEX SCRIPTURAIRES A. Citations propres à l’Imitation B. Citations communes à l’Imitation et aux œuvres de Saint Jean de la Croix
LE SENS MYSTIQUE DANS L'IMITATION « C'est cette faveur mystique et secrète que nul ne connaît s'il ne la reçoit, que nul ne reçoit s'il ne la désire et que nul ne désire si ce n'est celui qui est enflammé jusqu'au fonds des entrailles par le feu du Saint-Esprit que Jésus-Christ a porté sur cette terre» Saint Bonaventure Itinéraire de l'âme à Dieu (chap. VII)
Depuis bientôt cinq siècles, tous les traducteurs ou théologiens, qui ont traité de l'Imitation du Christ (De Imitatione Christi), citent à l'envi cette phrase de Sénèque, que l'auteur nous offre dès son chapitre V : "Ne recherche pas qui a dit cela, mais prends garde à ce qui est dit." Et, depuis cinq siècles également, ils se sont querellés sur le nom de l'auteur ou sa nationalité...tandis que le sens mystique dans l'Imitation n'a point été mis en clair. Au lieu de s'évertuer à démontrer que l'auteur se cachait par humilité, le don de sagesse aurait dû conduire à penser que s'il y a quelque chose de caché, et devant être explicité, c'est dans "ce qui est dit" : quid dicatur. C'est vers l'intérieur et non vers l'extérieur qu'il faut se tourner. Bien plus, ce qui intéresse le lecteur, cherchant le contact avec Dieu, c'est non seulement l'intention de l'écrivain, utilisant des paroles de l'Ecriture ou des exclamations de mystiques dont il ne mesure pas toujours le sens spirituel, le sens lourd d'amour - mais ce que le SaintEsprit lui a fait dire, effectivement, aux âmes ouvertes au langage surnaturel. De nos jours, la querelle de l'Imitation s'est recentrée. Disons tout de suite qu'une première traduction nous ayant été demandée, il y a deux ans, nous avions choisi, pratiquement, pour base le Codex Aronensis. Mais, tout en utilisant l'excellente édition de ce manuscrit italien par Mgr Puyol, nous nous étions gardé de faire nôtres les hypothèses de l'ancien recteur de SaintLouis-des-Français. Si l'excellent manuscrit de la petite cité d'Arona - dominée par la colossale statue de saint Charles Borromée - a bien été copié par une main italienne, sa spiritualité n'appartient nullement au génie méditérranéen. Si nous nous en tenons à "ce qui est dit", par simple critique interne, l'auteur apparaît comme un nordique, au confluent de la mystique rhénane et flamande, appartenant aux groupes des Dévots ou Frères de la Vie commune. Selon toute probabilité, il s'agit de Thomas a Kempis, né à Kempen, près de Cologne, vers 1380, venu aux Pays-Bas vers l'âge de douze ans et mort, modestement, en 1471, sous-prieur du Couvent du Mont Sainte-Agnès, près de Zwolle. En cette nouvelle traduction, nous nous sommes basé - nous montrerons pourquoi - sur le Codex Bruxellensis, manuscrit 5855-61, portant la signature propre de Thomas et enfin édité, diplomatiquement, par M. L. M.J. Delaissé, conservateur de la Bibliothèque Royale de Belgique. Répétons-le, toutes les critiques d'ordre psychologique qui furent élevées contre Thomas Hamerken (c'est-à-dire "petit marteau") de Kempen, et ramassées dans l'ouvrage de M. Maurice Lewandowski, ne sont aucunement recevables. Bien au contraire, qui s'est penché sur la pneumatologie - c'est-à-dire la science de l'esprit ou pneuma - s'aperçoit que ces critiques restent d'ordre psychologique (c'est-à-dire restent au niveau de la psyché ou âme animale) et montrent une complète méconnaissance de l'action de l'Esprit Saint sur l'homme intégral.
Une telle mésinterprétation se rencontre obligatoirement chez ceux qui ont simplement vu dans l'Imitation le mémorial d'un homme d'âge, expérimenté en matière ascétique et morale, le résultat d'une vie d'effort et d'ascèse d'ordre délibéré. C'est d'ailleurs ce qui fait classer l'Imitation parmi les ouvrages d'ascétique - dont la lecture est recommandée dans les ordres religieux - en oubliant que ce livre appartient à l'heureuse époque où l'artificielle séparation entre ascétique et mystique n'avait pas encore pris forme. Avant la Réforme et la Contre-Réforme, il existait une authentique tradition mystique, ou mieux d'ascèse mystique, c'est-à-dire d'ouverture progressive à la charité infuse : elle visait à rectifier, avant tout, les puissances supérieures : mémoire, intelligence, volonté, seules capables de recevoir des habitus surnaturels permanents pour l'exercice des vertus infuses. L'humanisme de la Renaissance, se répercutant sur la vie spirituelle, n'avait point encore conduit à un premier divorce : celui de l'ascétique et de la mystique, puis à un véritable "ascéticisme" se développant à l'écart des douces motions des dons du Saint-Esprit. Nous allons donc successivement étudier le sens profond, le sens secret de l'Imitation ; puis grâce à l'Autographe de Bruxelles, confirmer le bien fondé de notre traduction ; nous rattacherons ensuite l'expérience mystique décrite en ce petit chef-d'oeuvre à la structure naturelle et surnaturelle de l'homme ; enfin nous montrerons le rôle actuel de l'Imitation : Livre de la Foi-humilité.