Le capital social et spatial de Charleroi : quelles combinatoires pour la ville en transition ?

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LE CAPITAL SOCIAL & SPATIAL DE CHARLEROI quelles combinatoires pour la ville en transition ?

ACCARAIN Madeleine PERRAULT Robin


Université catholique de Louvain Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme (Site de Bruxelles)


LE CAPITAL SOCIAL ET SPATIAL DE CHARLEROI Quelles combinatoires pour la ville en transition ?

Etudiants

ACCARAIN Madeleine et PERRAULT Robin Copromoteurs - experts

VANDERNOOT Cécile et WILLEMET Nicolas Copromoteurs

KANDJEE Thierry et DE VISSCHER Jean-Philippe

Année académique 2017-2018 Atelier de recherche en et sur l’architecture : Territoire



INTRODUCTION

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1. LES MOUVEMENTS DE LA TRANSITION

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2. CHARLEROI, VILLE EN TRANSITION 2.1 Capital Spatial 2.2 Capital Social 2.2.1 Les initiatives top-down 2.2.2 Les initiatives bottom-up 2.3 Vers une échelle intermédiaire

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3. LE CONCEPT DES COMMONS 3.1 L’exemple de Commons Gent 3.2 L’exemple de Josaphat en commun

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4. RECHERCHE PAR LE PROJET 4.1 Initiatives existantes comme point de départ pour la transition 4.2 Une approche systémique 4.2.1 Typologies et enjeux 4.2.2 Identifications de clusters et notion d’échelles

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5. HYPOTHESES DE PROJET 5.1 Elaboration d’un outil global 5.2 Application à Gilly 5.3 Application à Marchienne-au-Pont 5.4 Vers un paysage des communs

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CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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REMERCIEMENTS

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« Charleroi, ville de superstructures dantesques, de fumées et de feu où le rude parler se charge de générosité, où les omniprésents viaducs de béton et d’acier enchevêtrés s’affirment comme supports privilégiés de lecture du vaste horizon industriel, où la laideur parvient à se sublimer pour se faire splendide.» Yernaux (s.d.), Une maison dans la ville


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INTRODUCTION L’apogée de l’époque industrielle est arrivée presque aussi vite que son déclin. Charleroi fait partie de ces villes qui ont vécu de plein fouet toutes les répercussions d’un tel drame : chômage, pauvreté, chute démographique, etc. Etant arrivée à un niveau tel d’industrialisation, la disparition de sa raison d’être la laisse longtemps sans possibilité de rebondir. Le territoire en a subi les lourdes conséquences. Les lieux sont désertés, abandonnés, la vie disparaît peu à peu des rues et des quartiers1. Ce qui reste finalement ce sont les spatialités, les diversités de lieux et d’espaces qui se juxtaposent et créent un paysage si particulier. Aujourd’hui, la ville de Charleroi connaît un renouveau inattendu aussi bien au niveau urbanistique que social, et tente de redorer son image grâce à une stratégie de revitalisation2. Lorsque nous avons commencé à nous intéresser à la ville de Charleroi, d’abord via l’analyse de cartes, ensuite lorsque nous nous sommes rendus sur place, nous avons pu nous rendre compte de deux caractéristiques qui font d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Celles-ci seront le tremplin de nos hypothèses de projet pour la ville de Charleroi demain. Nous avons tout d’abord été interpellés par son territoire et ses spatialités, faits de contrastes formels surprenants, présentant une gamme inouïe de typologies d’espaces se côtoyant, et créant son capital spatial si particulier. Du haut d’un terril, on peut apercevoir des fragments de territoire où se côtoient villages, canal, autoroutes, friches industrielles, chemins de fer, forêts, terrils, etc. Ce tissu spatial peu commun résulte de l’arrivée abrupte de l’industrie, qui a façonné la forme de la ville et les structures qui la composent en lui faisant subir des changements forts. 1,2

Charleroi Bouwmeester, Charleroi Metropole : un schéma stratégique, IPM, 2018, p.33-37


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Cette mutation a permis au territoire de garder en son sein une présence significative d’espaces verts, naturels, ouverts, délaissés, qui, pris en compte dans leurs interactions avec l’urbanisation, nous permettent de penser la ville autrement, hors des sentiers battus. Ils nous permettent d’imaginer une approche écosystémique de la ville et de l’urbanité, vers une transition écologique de cette dernière, dans une société où l’intérêt porté aux modes de consommation et de production durables, à la notion d’autosuffisance ainsi qu’au développements de circuits courts ne fait que croître. En effet, aujourd’hui nous sommes plus de 7 milliards d’êtres humains sur la planète et nos actions ne peuvent plus être séparées des leurs conséquences environnementales. Depuis quelques décennies, nous sommes entrés dans l’ère de l’anthropocène3. Penser la ville en transition, c’est accepter que le modèle énergétique actuel duquel nous dépendons n’est donc pas soutenable à long terme et que l’enjeu primordial aujourd’hui est de repenser toutes nos organisations urbaines et sociales en fonction de cette nouvelle variable. De nouveaux postulats de développements et de croissance économique, ainsi que de nouvelles façons de penser nos consommations d’énergies doivent être mis en place. Cette transition de la ville n’est possible que grâce à la présence de ses citoyens, et à implication dans le projet de ville. Or, grâce à diverses rencontres et recherches, nous avons pu constater qu’il existe à Charleroi une grande diversités d’acteurs du territoire. Ces derniers, intervenant chacun à différentes échelles, forment le capital social de la ville, deuxième caractéristique qui nous a permis d’imaginer la transition de cette dernière. D’une part, il existe des initiatives de type « top-down », provenant d’un pilotage directif. 3

CHIAMBARETTA, Philippe, Anthropocène, PCA, Paris, 2014


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Ces initiatives, comme la création du bureau du Bouwmeester, ont permis la mise en place d’un schéma stratégique4 visant à revitaliser le centre-ville et à planifier une re-densification urbaine et paysagère de l’ensemble du territoire. D’autre part, il existe une multitude d’initiatives de type « bottom-up », provenant d’un pilotage participatif. Ces initiatives, partant de l’échelon « le plus bas », ont un impact à une échelle inférieure, celle de la vie quotidienne. Par leur présence, ces jardins partagés, supermarchés participatifs, randonnées alternatives, lieux de recyclage, sont autant d’initiatives déjà présentes à Charleroi qui enclenchent localement la transition en cours. Une réelle coopération de ces deux types d’intervenants, explorant une échelle intermédiaire d’intervention, entre celle de la réponse politique à l’échelle régionale et celle de la réponse individuelle du chez-soi, est nécessaire pour la ville en transition. Couplée avec le capital spatial existant, cette échelle intermédiaire peut être influencée et inspirée par le concept des communs. Ces derniers, traduits de l’anglais commons, sont « des ressources ou des biens créés par la nature ou par la société et dont les enjeux sont partagés par un groupe »5. La gestion et l’exploitation de ces biens se fait de manière collective. Les communs se basent sur des systèmes d’associations, de solidarité et de mutualisation. Ces associations, qui sont l’outil principal de notre recherche, prennent la forme de combinatoires. Ces combinatoires permettent de créer des synergies, aussi bien au niveau du capital spatial que du capital social, et que des interactions entre les deux. A l’instar du design permaculturel, qui est une méthode de conception de système, une analyse systémique du territoire carolo nous a donc permis d’aborder le territoire dans son entièreté, en partant d’une échelle inférieure, celle de la typologie. MAILLIS, G. Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025 (3rd ed.), Charleroi : Charleroi Bouwmeester, 2015 5 EDX, Récits d’urbanisme et gestion de communs, consulté en ligne, https://edge.edx.org, avril 2018 4


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Une première étape a été de déterminer les enjeux de la transition présents sur le territoire, et les typologies spatiales et sociales pouvant répondre à ces derniers. C’est donc en combinant différentes typologies entre elles que l’on pourra répondre à tous les enjeux. Tout comme le design permaculturel « s’inspire des synergies positives et de la productivité des écosystèmes naturels afin d’édicter des principes directeurs »6, nous avons regroupé des lieux pouvant répondre à tous ces enjeux – des clusters - qui signifie grappe ou agrégat, dans lesquels, idéalement, les principes que nous appliqueront pourront être applicables à tous. « Toutes choses étant causées et causantes (...) je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître les parties. »7 Puisque le tout n’est pas que la simple addition de ses parties, c’est qu’il y a eu l’émergence d’une qualité nouvelle qui n’existait pas dans les parties isolées, et qui est révélée lors de la mise en place de combinatoires. L’idée systémique peut alors s’appliquer à plusieurs échelles : le cluster émergeant de la combinaison de différentes typologies, et le nouveau Charleroi émergeant de la cohabitation de ces clusters. HILL & MACRAE, “Conceptual frameworks for the transition from conventional to sustainable agriculture“, Journal of Sustainable Agriculture, vol. 7 7 PASCAL, Blaise, Oeuvres Complètes, Seuil, 1963 6


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fig.2


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1. LES MOUVEMENTS DE LA TRANSITION Aujourd’hui, notre organisation sociale est entièrement basée sur l’accès aisé aux ressources qui seront bientôt épuisées8. Le pétrole, comptant pour 44 % de la consommation d’énergie finale en Belgique9, en fait partie, et nous a permis jusqu’à ce jour de développer et produire notre nourriture, nos déplacements, les objets que nous utilisons, nos logements, etc. La production de cette source d’énergie va atteindre très prochainement un pic pour ensuite décliner, ce qui signifiera la fin de l’ère du pétrole accessible et bon marché. Ce modèle énergétique actuel duquel nous dépendons n’est donc pas soutenable à long terme. « Ce scénario catastrophe est loin d’être paranoïaque. Il représente au contraire un avenir proche que nous devrons affronter tôt ou tard. »10 En tant que futurs architectes devant exercer au 21ème siècle, nous considérons comme fondamental de s’attaquer à cet enjeu. 8 GARRIC, Audrey, “Depuis aujourd’hui, l’humanité vit à crédit“ , Le Monde planète, 2017, consulté en ligne, <http://www.lemonde.fr> 9 DESGAIN, Xavier, DARAS, José, “La Belgique survivra au pétrole“ , Etopia, n°2, 2006, p.62 10 , fig.2, HOPKINS, Rob, Manuel de la transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Broché, 2010


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En effet, si nous ne pensons pas dès aujourd’hui à transformer le tissu urbain afin qu’il puisse accueillir les acteurs d’une ville durable et écologiquement responsable d’ici quelques années, les villes ne pourront s’adapter aux changements drastiques que la pénurie des ressources de notre terre nous imposera. Le mouvement de la transition, que nous considérons comme possible et même essentiel pour la ville de Charleroi, est un mouvement né en Irlande sous l’impulsion de Rob Hopkins, professeur en permaculture à l’université de Kinsale. C’est en proposant à ses étudiants un exercice consistant à élaborer un plan d’action pour une descente énergétique de la ville, que le mouvement a vu le jour. Par la suite, il développa ce mouvement dans la ville de Totnes, en Grande-Bretagne, ce qui permit au concept de se faire connaître. Dans son Manuel en Transition11, Hopkins propose des solutions pour construire dès maintenant des sociétés écologiques et résilientes, pouvant s’adapter aux changements climatiques et aux pics pétroliers à venir. Ces solutions se basent sur six principes qui sous-tendent le concept de la transition. Premièrement, une vision positive d’un avenir au cœur de la descente énergétique projetée est essentielle à la bonne mise en place du mouvement. Ce type de vision s’oppose aux courants traditionnels écologiques qui dressent un futur sombre et tendent à déprimer le public, en les projetant comme impuissants face aux évènements à venir. 11 HOPKINS, Rob, Manuel de la transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Broché, 2010


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Le principe de l’inclusion, quant à lui, induit qu’il est essentiel que tous les citoyens de la ville deviennent acteurs et collaborent au projet de transition : associations, enfants, retraités, organisations professionnelles, entreprises, administrations, pouvoir public, ASBL, etc. La participation de l’ensemble de la société à cette initiative est essentielle afin de mener le projet à bien. Troisièmement, une prise de conscience générale des enjeux écologiques actuels doit être générée, ce qui induit la mise en place d’une campagne de sensibilisation à grande échelle. Ce principe est très lié au suivant, celui de la compréhension psychologique, qui impose de proposer des espaces rassurants pour les citoyens, afin de les inclure au projet et de célébrer autant que possible les succès. Le principe de la résilience est fondamental dans les initiatives de villes en transition. La résilience, définie comme « la capacité des systèmes à retrouver leur équilibre après une perturbation »12 signifie au niveau urbain, que la ville est conçue de manière à anticiper et à s’adapter aux effets néfastes des crises - comme la pénuries de ressources - sur l’ensemble du territoire. Pour qu’une ville devienne résiliente, des solutions crédibles et appropriées doivent être imaginées. Les initiatives de transition explorent une échelle intermédiaire d’intervention, entre celle de la réponse individuelle du chez-soi et celle de la réponse gouvernementale à l’échelle nationale. Cette échelle intermédiaire peut être définie comme celle des communautés. <www. larousse.fr>

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« La permaculture est une méthode systémique et globale qui vise à concevoir des systèmes en s’inspirant de l’écologie naturelle et de la tradition. Elle n’est pas une méthode figée mais un « mode d’action » qui prend en considération la biodiversité de chaque écosystème. »13

Pour finir, Hopkins utilise les principes de la permaculture pour offrir des exemples concrets de mise en œuvre ainsi que des principes généraux. Concrètement, la transition est mise en place à l’échelle de la ville, d’un village ou d’un quartier. Les citoyens créent un cercle dynamique vertueux en collaborant avec les acteurs politiques locaux afin de trouver ensemble les actions qui leurs conviennent, en fonction de leurs ressources et des enjeux présents sur le territoire. Ces actions se traduisent par une sobriété énergétique, le retour à une économie locale, la résilience des matériaux, l’échange de connaissances et de pratiques durables, etc. ANANI Sylvaine, CAILLAUD Philippe et ESCOFFIER Eric, “Synthèse des définitions de la permaculture“, 2014, consulté en ligne : http://permaculture-sans-frontieres.org/synthese-definitions-permaculture fig.3-8, images des auteurs

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fig.3 fig.7


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2. CHARLEROI, VILLE EN TRANSITION 2.1 Capital SPATIAL Il suffit de se promener une heure à Charleroi pour comprendre que son identité si particulière réside dans la cohabitation surprenante des typologies d’espace qui fabriquent son territoire. On passe d’un univers urbain à une zone industrielle, pour ensuite déboucher sur un paysage rural en à peine cinq-cents mètres. L’analyse des cartes et des photographies satellite nous a permis de dresser une carte de ce capital spatial (fig.7), montrant bien à quel point ce mélange de typologies est à la fois passionnant, car il permet de penser le territoire de manière différente et innovante, et intriguant, car il empêche à première vue d’appréhender le territoire de manière globale.

Ecoles

Friches

Parcs

Places publiques

Espaces naturels

Lieux désaffectés

Eglises

Logements sociaux

Parcelles vides

Terrils

Interieurs d’ilots

Espaces residuels

Terres agricoles

Parkings

fig. 7 Carte du capital spatial, Image des auteurs d’après photos satellite, fond de plan par Nicolas Willemet


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Pour mieux comprendre le tissu de la ville de Charleroi, nous nous sommes penchés sur les travaux de Muratori, architecte italien, père de la typo-morphologie. Ce dernier insiste sur l’importance de procéder à une analyse typo-morphologique de la ville comme préalable au projet, en insistant sur l’importance de l’histoire dans la compréhension de la forme de la ville. La typo-morphologie « aborde la forme urbaine par les types d’édifices qui la composent et leur distribution dans la trame viaire. Plus précisément, cela consiste à penser en termes de rapports la forme urbaine (trame viaire, parcellaire, limites, etc.) et la typologie c’est-à-dire les types de construction. »14 Selon Muratori, la forme de la ville, qui nous apparaît comme un « tout », ou comme le paysage, lorsqu’on la regarde du haut d’un terril par exemple, est en fait composée de deux structures/éléments foncièrement différents. Les infrastructures de la ville, d’un côté, sont composées du site en lui-même, ainsi que de la trace au sol des occupations urbaines (viaire et parcellaire). Les superstructures de la ville, de l’autre côté, sont les éléments même de l’occupation du sol, c’est à dire les espaces libres et le bâti. De cette manière, nous pouvons décomposer le tissu urbain en 4 systèmes (fig.8) : - le bâti et espaces libres ; - la trame parcellaire ; - les réseaux ; - le site ; 14

MURATORI, Saverio, Études pour une histoire urbaine en vigueur de Venise, 1959


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fig.8 Dessin des auteurs


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A Charleroi, ces quatre systèmes sont très différents de ceux que l’on pourrait retrouver dans une autre ville belge. Façonnée par l’arrivée de l’industrie dans un laps de temps très court, la forme de la ville et les structures qui la composent ont subi des changements forts, et le tissu spatial qui en résulte est peu commun. Premièrement, le site doit sa particularité à l’existence des terrils et des puits issus de l’exploitation minière. Ces derniers sont parfois profonds de deux-cents mètres, ce qui a eu pour effet de changer drastiquement la morphologie du site. Les résidus miniers accumulés aux abords de ces derniers ont donné naissance à de nouvelles collines, qui ont elles aussi modifié le skyline de la ville et donc le site et sa topographie. Deuxièmement, les réseaux, qu’ils soient viaires (autoroutes, voies ferrées) ou hydrologiques (canal et Sambre), sont apparus brusquement à l’époque industrielle. Bien que pour la plupart encore utilisés de nos jours, ces réseaux décomptent un grand nombre de voies ferrées reliant la ville et ses industries de l’époque, aujourd’hui à l’abandon. La trame parcellaire, quant à elle, présente de grandes particularités à Charleroi, car elle résulte de l’implantation des usines, infrastructures gigantesques qui ont laissé sur le sol la trace de leur présence. La plupart de ces traces sont restées inchangées, jusqu’aujourd’hui. Nous nous retrouvons donc avec des parcelles gigantesques côtoyant d’autres parcelles, beaucoup plus petites, celles des maisons ouvrières. Pour finir, le bâti, qui résulte en général de l’ère industrielle, est lui aussi assez singulier, et le grand nombre de friches et d’espaces libres, naturels et ruraux qui l’entourent accentuent cette singularité. En plus de sa couronne agricole, Charleroi a ceci de particulier qu’elle intègre aussi une partie de son hinterland dans son ensemble « métropolitain ».


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Au cours de l’atelier territoire nous avons eu l’occasion de réfléchir par groupes autour de thèmes communs. Notre travail de groupe avec Valentine Prouff, sur la ville de Charleroi en transition, nous a permis d’approcher deux échelles différentes de ce territoire. Valentine Prouff, via son travail « La Sambre inaccessible »15 aborde le territoire par la grande échelle : celle de ses infrastructures, et plus particulièrement celle de la Sambre. En complémentarité, nous avons abordé le territoire par la petite échelle , celle des typologies que l’on retrouve partout sur le territoire, pour ainsi proposer une stratégie de combinaisons systémiques permettant de répondre aux enjeux territoriaux. 15 PROUFF, Valentine, La Sambre inaccessible, mémoire de fin d’études, UCL, 2018


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fig.9 Charleroi Academy, Eden


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2.2 Capital SOCIAL Un des principes de la transition exposée par Hopkins est celui de l’importance d’intervenir de manière crédible et appropriée. Il s’agit donc de trouver une échelle plausible à laquelle agir, entre celle du chacun pour soi et celle des initiatives gouvernementales, afin d’être capable d’engendrer une transition. Aujourd’hui, à Charleroi des initiatives et des personnes ont pour but de redorer l’image de leur ville, et de la rendre plus attractive. Certaines agissent dans une optique écologique, d’autre moins. Ces interventions sont aussi bien des initiatives dites « top-down », donc provenant d’un pilotage directif (gouvernemental et/ou politique), que des initiatives dites « bottom-up » qui, elles, proviennent d’un pilotage participatif, donc partant de l’échelon « le plus bas » (citoyens engagés, ASBL, associations de quartiers, etc.).


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2.2.1 Les initiatives TOP-DOWN A l’instar de Detroit, la ville de Charleroi se relève d’une crise sociale et économique qui aura duré plus de quarante ans. Grâce à une stratégie privée et publique de revitalisation économique née en 2012, la Ville investit énormément dans sa reconversion. Les plans de développement urbain, les centres de formation et d’aide à l’emploi, le sauvetage de certaines firmes, ainsi que la reconversion culturelle de la ville font partie des initiatives de type top-down, qui ont permis d’entamer la transition post-industrielle de la région carolingienne. En 2013, la Ville de Charleroi décide de créer le bureau Charleroi Bouwmeester. Parce qu’elle se relève de la crise, la ville doit désormais s’atteler à des défis d’envergure colossale, qui commencent entre autres par une revitalisation urbaine globale du territoire. En tant que structure indépendante qui conseille le Conseil Communal et le Collège Communal, Charleroi Bouwmeester a pour but de développer une réflexion sur le développement urbain, architectural et paysager de la ville. Giorgios Maillis et son équipe ont pour ambition de redonner aux habitants carolos une ville à leur image, en proposant une diversité de logements, une vie culturelle pour tous, une offre de transports plus adaptée ainsi qu’une revalorisation du paysage industriel du territoire.


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fig.10

Pour ce faire, le bureau a mis en place des projets à différentes échelles de temps. Des projets « urgents » ont vu le jour assez vite. La première initiative fut un appel à projets pour proposer une nouvelle identité graphique de la ville. Cette nouvelle identité graphique (fig.10) permet aux habitants d’identifier leurs institutions, mais aussi et surtout de montrer une meilleure image de la ville, vers l’extérieur. Un deuxième projet assez vite mis en place fut celui de l’encadrement de cinq évènements culturels sur l’année, les « Big Five », qui permettent de redynamiser la ville. fig. 6, Nouvelle identité graphique pour Charleroi, MAILLIS, G. Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025 (3rd ed.), Charleroi: Charleroi Bouwmeester, 2015


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Les projets à moyen et long terme portent principalement sur des projets d’architecture et de revitalisation urbaine. Une dizaine de projets de logements ( fig.11), de commerces, d’aménagements urbains commencent à voir le jour dans le district centre. Le but étant de donner à ce centre toutes les qualités d’un centre métropolitain. Parmi ces projets, nous pouvons citer le projet Rive Gauche, le Left Side Business Park, Charleroi District Créatif, le nouveau campus Zenobe Gramme, etc. Parallèlement, en 2014, le Collège Communal a approuvé une étude portant sur l’actualisation du Plan Mobilité (fig.12) pour la ville. Ce plan a pour but d’améliorer la circulation pour tous les usagers : piétons, vélos, voitures, transports en commun. Le développement d’une large politique cyclable et le renforcement d’une meilleure accessibilité aux transports en commun ainsi qu’aux parcours piétons font partie des enjeux ciblés par ce Plan Mobilité.


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fig. 11

fig. 12 fig. 11, MAILLIS, G. Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025 (3rd ed.), Charleroi : Charleroi Bouwmeester, 2015 fig. 12, Plan Mobilité, Ville de Charleroi


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« Plutôt que de tendre vers une forme urbaine homogène, l’ambition de cette stratégie est d’intensifier ces deux caractères et d’en renforcer les contrastes en formalisant d’une part une figure métropolitaine le long des axes structurants et d’autre part des systèmes paysagers qui participeront à l’amélioration du cadre de vie des habitants. »16 Un schéma stratégique « Charleroi Métropole »17(fig.13), dessiné par le bureau pour expliciter leurs intentions de projet pour la ville, a été mis en place. Ce schéma expose une volonté d’intensification urbaine - visant à restructurer le territoire - ainsi qu’une volonté d’intensification paysagère, visant à créer un remaillage bleu et vert constitué de la Sambre et de ses affluents ainsi que des éléments du passé industriel (terrils, voies ferrées, etc.). Comme on peut le voir sur le schéma, l’intensification urbaine est privilégiée, à proximité des centres urbains ainsi que des équipements et des infrastructures présents sur le territoire. L’idée est de tirer profit du « déjà là », tout en lui donnant une nouvelle impulsion. Au niveau de l’intensification paysagère, le bureau a pour projet de tirer profit de l’omniprésence d’espaces verts sur le territoire, et d’opérer une relecture de la géographie pour « construire un paysage lisible à l’échelle globale et accessible à tous : une structure paysagère capable d’accueillir des liaisons en mode doux.»18 Ce projet d’envergure devrait être totalement mis en place à l’horizon 2025. MAILLIS, G., Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025 (3rd ed.), Charleroi : Charleroi Bouwmeester, 2015 fig. 13, MAILLIS, G., Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025 (3rd ed.), Charleroi : Charleroi Bouwmeester, 2015. Fond de plan par Nicolas Willemet.

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D’autres acteurs, en collaboration avec la Ville ou la Région, sont présents sur le territoire : La SPAQuE, acteur du développement économique et durable en Wallonie, est une société commerciale créée en 2000 sous l’impulsion du gouvernement Wallon, et qui a pour but de réhabiliter les friches industrielles polluées et décharges de la région. Par ses actions, la SPAQuE joue un rôle dans l’inventaire des sites pollués belges, dans la surveillance environnementale, dans la gestion de la qualité de l’environnement (air-eausol), ainsi que dans l’utilisation d’énergies renouvelables dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les cellules de reconversion, lancées par la Région Wallonne il y a quarante ans, accompagnent les travailleurs licenciés dans leur réorientation et recherche d’emploi. Grâce à une association entre la Ville de Charleroi, l’ULB, l’UMons, l’Université Ouverte ainsi que la Fédération Wallonie-Bruxelles, un nouveau centre universitaire « Zénobe Gramme »19 va voir le jour en 2023. Ce pôle d’activités sera centré sur la formation, l’enseignement supérieur et la recherche scientifique. Il a pour but de résorber le retard de Charleroi dans le domaine de l’enseignement supérieur (seulement 18% de la population carolo et Sud Hainaut dispose d’un diplôme du supérieur)20. Lorsque l’on observe le schéma stratégique de Charleroi Métropole proposé par le Bouwmeester, le Plan Mobilité, ainsi que la situation géographique des grands projets « béton » et éducatifs qui ont vu ou vont voir le jour dans la ville, on se rend compte que la plupart de ceux-ci se trouvent dans la zone de l’intra-ring. La reconstruction du centre-ville est certainement un élément essentiel pour la transition post-industrielle de la ville. Afin de recevoir les « enveloppes » de fonds européens ou belges, miser sur une revitalisation du centre-ville en lui rendant un certain nombre de ses fonctions semble indispensable. 19 MAILLIS, G., Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025 (3rd ed.), Charleroi : Charleroi Bouwmeester, 2015 20 BARBIEUX, Daniel. “Caterpillar : la cellule de reconversion de Châtelineau présente un bilan positif“, consulté en <ligne, rtbf.be>


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Ainsi configuré, le nouveau centre urbain permettra à la population qui l’a déserté de s’y réinstaller, et de faire du centre-ville le pôle central de Charleroi. Cependant la question que nous nous posons aujourd’hui concerne le territoire du grand Charleroi. Les conférences de la Charleroi Academy, axées sur ce sujet, ont été très intéressantes. Ces conférences organisées par l’Eden forment des cycles qui ont pour objectif d’alimenter le débat et de participer au projet de ville. Elles sont un lien entre les différentes échelles d’acteurs. Elles réunissent à la fois des citoyens intéressés par le projet de ville, des figures politiques, ainsi que des acteurs de la mobilité, de l’éducation, etc. Nous avons participé à l’une d’entre elles, où Giorgios Maillis, Bouwmeester, a pris la parole et présenté les grands projets ainsi que le plan stratégique de la Ville. Le Bourgmestre de la ville, Paul Magnette, a lui aussi pris la parole à la fin de la conférence. Pendant la table ronde qui a suivi, nous avons constaté une demande grandissante des habitants pour des projets différents et/ou complémentaires à ceux proposés par le Bouweester. Les acteurs présents ont insisté sur l’importance de créer au plus vite un réseau de mobilité douce et de transports publics en dehors du centreville, pour rejoindre ce dernier ou pour se déplacer entre les différentes communes. Deuxièmement, les citoyens ont insisté sur l’importance de prendre plus largement en compte les initiatives citoyennes existantes, afin de leur donner les moyens de grandir, et d’avoir un impact réel dans la transition en cours à Charleroi. Ces initiatives sont pour la plupart des initiatives qui agissent en dehors du centre-ville, là où les grands projets architecturaux et de revitalisation urbaine ne sont pas envisagés. Charleroi Academy permet donc aux politiques d’entendre et de débattre avec les citoyens, et inversement. Ces échanges permettent de proposer de nouveaux projets dans la ville, coproduits par ses acteurs à l’initiative de projets top-down et bottom-up.


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fig. 14

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2.2.2 Les initiatives BOTTOM-UP

Si Charleroi est maintenant sur la pente ascendante, c’est aussi grâce à des citoyens qui ont vécu cette crise et ont remonté leurs manches pour initier la transition. Ces citoyens, qu’ils soient seuls, en comité de quartier, en ASBL ou en association de fait, se battent avec les moyens qu’ils ont afin de changer la situation actuelle. « La citoyenneté ne s’octroie pas, elle se conquiert à travers la capacité à faire entendre sa voix, à faire exercer ses pouvoirs »21, explique Bernard Cuvat, dans son article « De la déontologie au politique ». Selon lui, malgré le fait que depuis 1978 le statut de citoyen soit attribué à tout individu social, n’est citoyen que celui qui revendique l’être et fait entendre son opinion. C’est ce que font les citoyens engagés de Charleroi, qui mettent en place des initiatives de type « bottom-up ». Ces initiatives multiples témoignent d’une volonté de prendre part au projet de territoire. Nous avons pu remarquer qu’il existe une grande variété de ce type d’initiatives sur le territoire carolo (fig.14). Dans chaque domaine, des citoyens engagés ont décidé d’initier le changement grâce à leurs actions, qui peuvent paraître minimes en comparaison aux projets gouvernementaux mais qui ont un impact réel, rapide, et à une échelle plus petite, généralement celle du quartier. Cette dynamique positive en chaîne prend une réelle ampleur dans cette ville et permet d’imaginer la concrétisation d’une ville en transition. Nous avons rencontré quelques uns de ces acteurs. 21 CUVAT, Bernard, De la déontologie au politique, ASH n°2097, 1998 fig 14, Image des auteurs, d’après un fond de plan de Nicolas Willemet. Carte non exhaustive.


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La Boucle Noire est un chemin de vingt kilomètres reliant le GR412 à Charleroi. A l’origine de celle-ci : Micheline Dufert et Francis Pourcel (fig.11). Tous deux sont anciens musiciens de style punk industriel et originaires de la région qui ont vécu la grande époque de Charleroi, mais aussi son déclin. Nous les avons rencontrés deux ans après l’inauguration de cette randonnée alternative. « En fait nous on connaissait le GR 412 […], on savait qu’on avait une superbe chaine de terrils, et le GR ne passait pas par cette chaine. Et c’est ça l’idée qu’on a eue : c’est de relier ces terrils entre eux et de créer notre boucle en accord avec les GR […], pour améliorer l’environnement de Marchienne-Docherie et désenclaver Dampremy par rapport à Charleroi. C’est ça l’idée de la passerelle […], créer une circulation alternative qui relierait Charleroi à toute la chaine des terrils »22, nous expliquent-ils dans le bar Saint-Joseph, un des points de relais de la Boucle. « L’idée c’était aussi de casser un peu les préjugés, parce que c’est lourd ici. Déjà au moment de l’industrie, faire ce trajet-là, c’était infernal. […] En règle générale, ce qu’il faut savoir quand même, c’est que les gens qui habitent la région, ils ne voient plus qu’il y a des terrils […]. En plus de ça, souvent ils paraissent inaccessibles, beaucoup de gens ont peur d’y aller. Surtout qu’au pied des terrils il y a souvent des dépôts, des terrains vagues, donc cela ne donne pas envie d’y aller. Donc l’idée de faire un cheminement qui soit quand même – on va dire - touristique de type alternatif. Cela permet d’avoir un entretien régulier aussi, et de permettre aux habitants de 22

Francis Dufert et Micheline Pourcel, interview de terrain faite par les auteurs.


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Grâce à Micheline et Francis, il est désormais possible de parcourir cette boucle de vingt kilomètres passant par la zone de la chaîne des terrils, longeant la Sambre et ses monstres de fer tout en faisant un détour par la zone verte, avec son architecture préindustrielle. Cette boucle de randonnée permet aujourd’hui auxcCarolos et aux touristes de découvrir le capital spatial hors du commun que possède Charleroi, de le considérer comme un réel patrimoine à conserver et mettre en valeur, et non comme le stigmate d’un passé industriel déchu. « Si on n’avait pas nous-mêmes créé vraiment le cheminement et tout le suivi et tout le reste, on ne serait jamais arrivés au bout. Finalement, on a bien vu que les subsides et l’aide n’arrivaient pas, alors c’est ça la force du citoyen, c’est que lui il remonte ses manches et il y va. On a envie de faire ça on le fait, c’est tout. »

fig. 15 fig. 15, photo des auteurs, Francis Pourcel et Micheline Dufert fig 16,17,Boucle Noire, Eden


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fig.16


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fig.17


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Charleroi Nature est une ASBL qui agit en faveur des espaces verts carolos et pour la protection de l’environnement, dans une perspective de développement durable. La ville de Charleroi a confié à ChaNa la mise en place du Plan Communal de Développement de la Nature (PCDN)23 qui a pour but de protéger, développer et restaurer la biodiversité au niveau communal. Pour cela, ils font appel à l’écocitoyenneté, qui est au cœur de leurs projets. En effet, les projets mis en place par cette association dans le cadre du PCDN « sont des projets qui ont été pensés par les citoyens, dans le but d’améliorer, à petite ou grande échelle, leur cadre de vie»24, nous a expliqué Benjamin Losseau, coordinateur de terrain de l’ASBL. Les projets choisis sont par la suite mis en place en collaboration avec les citoyens et les écoles environnantes, ce qui permet de les sensibiliser et leur apporter un sentiment d’appropriation par rapport au projet et à l’espace. « L’exemple typique, c’est le p’tit bois à Mont-sur-Marchienne, où il y a eu un projet PCDN, […] il y a d’abord eu une émulsion de quartier qui a créé un comité, et qui a mis en place le nettoyage du bois, ensuite la gestion et réouverture de certaines zones et l’entretien des chemins et le placement de panneaux didactiques […] ça a été fait en 2012 ou 2013, et maintenant c’est eux qui ont la main. La ville est super contente car maintenant l’espace vert est totalement ouvert et on peut y aller à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, on s’y sent en sécurité. » 23 24 Benjamin Losseau, interview sur terrain, par les auteurs fig 18, Petit Bois à Mont sur Marchienne, Charleroi nature


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fig.18


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Le réseau Jacquady est quant à lui un réseau de jardins de quartier dynamiques, et compte à ce jour plus de douze jardins sur le territoire de Charleroi. Souvent associés à des écoles, ces espaces intégrant des potagers urbains permettent d’apporter une « réponse durable au devenir et à l’affectation d’espaces libres ou désaffectés […] La mise en place des jardins partagés, à Charleroi, calme la pression urbaine, pallie l’effritement du lien social et des valeurs ».25 De nouveau, ce types de projet suscite la participation citoyenne, les comportements écoresponsables, et la volonté de créer des liens sociaux autour de projets d’appropriation de l’espace. L’ASBL Faim et Froid est au service des familles en difficulté. Cette association intervient par un soutien alimentaire, matériel, ou éducationnel. Ils aident les plus défavorisés des quartiers alentours en leur proposant dans leurs bâtiments, à Gilly entre autres, un service de réinsertion sociale, une école des devoirs, un restaurant solidaire, des vestiaires sociaux, un service de travaux d’entretien et d’aménagement, etc. Cette association propose aussi des ateliers vélo, ainsi que des réparations et de la location afin d’inciter plus de personnes à se déplacer ainsi le long du Ravel. Provelo est une ASBL qui a pour but d’aider les villes et les citoyens dans la transition vers le vélo. Pour cela, cette ASBL offre des solutions personnalisées, aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises et aux pouvoirs publics. Elle détient entre autres un bureau d’études qui conseille les autorités en matière d’aménagement de pistes cyclables et de nouvelles voies pouvant être ouvertes et accessibles aux mobilités douces. A Charleroi, l’association a proposé un plan de réseau de mobilité douce, qui n’a pas été entièrement appliqué. Nous avons appuyé notre recherche par le projet pour la transition vers une mobilité douce, entre autres sur cette proposition. 25

Jardins partagé, Jacquady, <http://www.charleroi.be/Jaquady>


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L’ASBL Formidable a mis au point un partenariat entre les logements sociaux La Sambrienne et la Wallonie, qui a permis d’aider un quartier à mettre en place des potagers urbains. Les comités de quartier, présents sur tout le territoire carolo, grâce à leur rapport de proximité et à l’échelle à laquelle ils agissent, permettent aux habitants de prendre part à la vie de leur quartier, de créer une cohésion sociale, de proposer une gestion de la propreté dans le quartier, etc. Ces comités, qui sont nés sous l’impulsion de certains citoyens, comme celui du Louvy, sont sensibles aux questions environnementales et sociales et leurs actions ont un réel impact à l’échelle du quartier.


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carte des districts

fig.19 fig.15 bis


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2.3 Vers une échelle intermédiaire Après avoir analysé les différentes actions menées par les multiples acteurs sur le territoire, nous nous sommes rendu compte du potentiel qu’une association des deux échelles d’intervention pourrait avoir. Une combinaison entre les initiatives « bottom-up » et « top-down », pour une coproduction globale de la ville, permettrait d’intervenir à cette échelle intermédiaire, exposée par Hopkins, qui serait plus adaptée au tissu des espaces présents sur le territoire (fig. 20). Cependant, il nous a semblé que l’implication existante des habitants, des comités de quartier et du réseau associatif dans le développement des projets urbains de type « topdown » était assez faible et peu prise en compte. Cette pensée a été contredite lors d’une remise en atelier par Pauline Cabrit, du bureau du Bouwmeester, affirmant qu’en tant que petite ville, les contacts restaient assez bons et encourageants entre les pouvoirs publics et la population engagée, entre autres grâce aux appels à projets de la Ville de Charleroi en matière d’initiatives citoyennes. Néanmoins, il reste à craindre que ceux-ci ne faiblissent ou ne disparaissent carrément après la division du territoire de Charleroi en districts (fig.19), et la création de Charleroi comme Métropole de son bassin de vie, réunissant vingt-huit communes. Il est donc essentiel de veiller à maintenir et renforcer l’implication citoyenne au sein d’une ville complexe comme Charleroi. En effet, l’implication des citoyens au projet de ville présente un double bénéfice : pour les institutions publiques d’un côté, et pour les citoyens eux-mêmes de l’autre. Elle permet de formuler collectivement une stratégie sous la forme d’un discours construit, grâce aux acteurs intervenant aux différents niveaux du système urbain. fig.19, carte des districts de Charleroi, <eden.be>


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La carte du capital spatial comme tremplin vers l’échelle intermediaire, entre « top-down » et « bottom-up »


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fig. 20, Image des auteurs, d’après Charleroi Metropole, fonds de plans par Nicolas Willemet


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fig.21


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3. LE CONCEPT DES COMMONS COMME TREMPLIN pour la ville en transition Cette échelle intermédiaire que nous cherchons à mettre en exergue dans notre projet, peut être influencée et inspirée par le concept des commons. Community Land Trust27, groupes d’achat collectif, coopératives de production d’énergie, jardins partagés, sont autant d’initiatives qui émergent dans les villes d’aujourd’hui et se développent en marge du marché. Elles sont le reflet d’une société de plus en plus soucieuse d’utiliser avec prudence les ressources dont nous disposons, qui privilégie la propriété collective sur l’usage individuel, et qui veut s’ouvrir à tous, et non plus à une minorité. Ces initiatives, déjà en partie présentes à Charleroi, s’appuient sur l’Etat mais restent indépendantes, elles donnent un rôle de décision directe au citoyen, sans représentation, non contre le politique mais avec lui, en approfondissant les processus démocratiques. Les communs sont des ressources ou des biens créés par la nature ou par la société et dont les enjeux sont partagés par un groupe. La gestion et l’exploitation de ces biens se fait de manière collective. Les communs se basent sur des systèmes d’association, de solidarité et de mutualisation. Ils existent depuis toujours et dans toutes les communautés, et représentent une forme d’organisation permettant une mutualisation des ressources, une équité d’usage, une durabilité des ressources etc. La généralisation du droit romain a engendré la disparition quasi totale de ce système de communs, qui n’y a pas trouvé leur place. Le droit romain en effet, a évolué de telle manière qu’il n’offre que deux configurations possibles au statut de propriété : la propriété privée et la propriété publique. Les théories économiques distinguant les biens de leurs caractéristiques intrinsèques n’ont fait que consolider ce contraste public-privé. 27 Community Land Trust Bruxelles, <https://communitylandtrust.wordpress.com/CLTB> fig.21,COMMONS JOSAPHAT, photo de la page <facebook.com/commonsjosaphat>


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Les économistes classifient les biens de telle manière : d’un côté, les biens privés sont désignés comme exclusifs et rivaux, de l’autre, les biens publics sont désignés comme non-exclusifs et non-rivaux. Aujourd’hui, on peut ajouter à ceux-ci les biens dits « hybrides », qui sont les biens exclusifs-non rivaux et les biens non-exclusifs-rivaux. Ces derniers sont définis comme des common-pool resources par Elinor Ostrom28, économiste et politologue américaine. Par la suite, ils donneront les bases de la théorie des communs. La renaissance du concept des commons, assez récente, a été initiée entre autres en 1980 par les théories de Garrett Hardin dans La tragédie des communs29, livre dans lequel il constate l’incompatibilité entre une population grandissante et la finitude des ressources sur terre. Hardin démontre l’absurdité de la logique de rentabilité individuelle, qui mène petit à petit à la pénurie des ressources. En réponse à ce livre, Ostrom propose, quant à elle, de dépasser cette tragédie des communs par la mise en place d’une gestion commune. Elle observe qu’en règle générale ni l’Etat ni le marché ne constituent des solutions universelles. Dans beaucoup de cas, les communautés de citoyens arrivent à de meilleurs résultats en organisant eux-mêmes l’exploitation de leurs ressources communes. Cependant, elle insiste tout de même sur l’importance du rôle des institutions dans la gestion des communs. Selon elle, ce n’est pas la qualité intrinsèque du bien qui le définit comme commun mais bien le système organisé de gestion qui lui institue le statut de commun. Les communs sont également des systèmes non-tangibles, comme la diffusion d’internet et des ressources numériques. Apparues récemment, ces ressources sont libres d’accès et sont la représentation par excellence de la théorie des Commons contemporains. Tout le monde y apporte quelque chose et tout le monde peut en profiter, sans priver qui que ce soit. Ces communs sont aussi appelés « les communs de la connaissance ». 28 CAMILO, Juan & SETHI, Ravij, “Elinor Ostrom : par-delà la tragédie des communs“, consulté en ligne <http://www.laviedesidees.fr/Elinor-Ostrom-par-dela-la-tragedie-des-communs. html> 29 HARDIN, Garrett, La tragédie des communs, Science , 1968 fig. 22, Image des auteurs, schéma d’explication et de potentialités de Charleroi comme commons-city


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fig. 22


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Deux exemples de mise en place du concept des commons ont attiré notre attention. Ces deux projets, nés en Belgique, abordent des échelles identiques à celle que nous aimerions mettre en place à Charleroi, entre celle de la ville, et celle de la typologie, ce pourquoi nous les présentons comme références.

3.1 L’exemple de Commons Gent Un premier exemple de mise en place du système des communs est situé dans la ville de Gand. Michel Bauwens, théoricien du peer-to-peer et expert des sujets culturels et technologiques innovants, s’est vu confier en 2016, avec Yurek Onzia, la mise en place de « Gent : Commonsstad ». C’est le conseil municipal qui a donné la mission pour le projet, et c’est la première administration municipale dans le monde qui ait analysé stratégiquement une possible transition vers les communs. Parallèlement, les initiatives civiles et les organisations de la ville ont montré beaucoup d’enthousiasme et ont largement collaboré au lancement du projet, ce qui montre que les communs vivent et répondent à une réelle demande. La ville étant devenue de plus en plus consciente de l’importance des communs, il a donc été demandé à Bauwens et Onzia de cartographier ceux-ci sur le territoire de Gand. A partir de cela, ils ont eu trois mois pour discuter et collaborer avec les acteurs locaux afin d’élaborer un plan de transition vers une ville des communs. Une telle transition a pu être envisagée à Gand car il s’y passe énormément de choses. En effet, en dix ans, le nombre d’initiatives citoyennes a été multiplié par dix. Cependant il reste encore beaucoup de fragmentation, due au manque de connexion et d’interaction entre les différents acteurs, ce qui empêche d’engager une méta-reflexion sur un projet de ville des communs.


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Bauwens explique32 que le challenge est donc de passer d’une situation fragmentée vers un écosystème alternatif durable et socialement juste. Son idée est de partir d’une structure qui a relativement réussi jusqu’ici, comme la mise en place d’un nouveau système alimentaire alternatif, et que celle-ci puisse devenir la base d’une structure générique pour la transition dans d’autres systèmes d’approvisionnement. Pour cela, ils se réfèrent à l’histoire du concept des communs pour catalyser plus de convergence à travers des projets, de sorte qu’ils puissent avoir un effet systémique sur l’écosystème urbain et même influencer la politique. Cependant, la difficulté de ce projet ne doit pas être sous-estimée, et les questions se posent aujourd’hui : comment obtenir plus de convergence et de systématisation de la part des acteurs des communs dans différents secteurs ? Comment obtenir plus de contrôle et de capacité politique ? comment répondre à des besoins infrastructurels plus importants pour les biens communs, tels que l’espace et la terre, qui font l’objet d’une intense spéculation et d’une gentrification ? De cet exemple, nous avons appris qu’une vision globale par une analyse du territoire est nécessaire pour permettre une discussion entre les acteurs, que la collaboration entre politiques et citoyens est essentielle, et que, même si celle-ci existe, elle est fragile, nécéssitant toujours d’être renforcée. Enfin, prendre appui sur une structure sociale existante qui fonctionne bien nous semble une bonne stratégie pour initier la transition vers une ville de communs. BAUWENS, Michel, “Eerste indrukken over de Commons Transitie in Gent“, 22/05/2017, <https://www.commons.gent/single-post/2017/05/22/Eerste-indrukken-over-de-CommonsTransitie-in-Gent> 32


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3.2 L’exemple de Josaphat en commun Le second exemple, Josaphat en commun, une plate-forme indépendante d’habitants de quartier, de militants et d’associations. Ils se sont rassemblés autour d’une idée principale : la ville appartient à tous et peut être gérée comme un bien commun. Cette idée est mise au service d’une démarche de transition : « Nous avons besoin d’une ville plus durable, plus participative et plus équitable ».33 Les acteurs de ce mouvement, après avoir mené quelques expériences dans Bruxelles, comptent, à partir de celles-ci, développer un quartier selon le principe de bien commun. Le lieu principal de ce quartier est une friche entre Schaerbeek et Evere. Zone d’intérêt régional (ZIR), c’est le lieu idéal pour mettre en pratique toute les réflexions sur « la ville en tant que bien commun, où s’expérimentent nouvelles formes de cohabitation, de gestion de l’environnement, d’expression politique ».34 Beaucoup d’initiatives de mise en commun existent à Bruxelles : groupes d’achat collectif, projets d’habitat groupé, jardins collectifs, Community Land Trust, coopératives de production d’énergie, etc. Toutes présentent une même caractéristique : «elles privilégient l’usage à la propriété ; elles posent la propriété collective comme support de l’usage individuel ».35 Elles s’appuient également sur l’Etat tout en restant indépendantes, elles travaillent avec le politique tout en proposant une nouvelle manière de vivre la démocratie et sa citoyenneté. L’idée que sous-tend Josaphat en commun c’est d’imaginer et de développer un quartier en partenariat public/citoyen. 33,34,35

2015

COMMONS JOSAPHAT, D’une réserve foncière à un quartier en bien commun, Bruxelles,


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« L’aménagement du territoire a une influence déterminante sur le type d’entreprises qui peut se développer sur un territoire. Commons Josaphat présentera des conditions favorables pour l’installation d’une économie circulaire et coopérative tout en laissant des espaces de création organique et de co-création »31 Les domaines abordés sont : l’habitat, la mobilité, l’espace public, la production des biens et services, la santé, la culture, l’écologie urbaine, l’énergie « zéro ou positive » sur la friche Josaphat et un nouveau modèle financier ainsi que de gestion des plus-values immobilières. Nous avons retenu plusieurs principes de leur action. Tout d’abord une relation étroite avec l’Etat tout en restant indépendant est nécessaire. Ensuite, il est important d’établir une stratégie à la bonne échelle, celle du quartier, permettant l’expression des individus et une bonne gestion collective, ainsi que de privilégier l’usage à la propriété. Enfin, il est préférable au début de la transition de s’appuyer sur des structures d’initiatives citoyennes existantes et fonctionnant sur le territoire. Au regard des enseignements que nous avons pu tirer de ces deux expériences, nous pouvons définir des objectifs pour Charleroi. Tout d’abord, nous avons déjà initié une cartographie des lieux communs de Charleroi, ce qui nous a permis d’entamer une discussion sur la ville et le thème de l’usage collectif. Ensuite, il faut renforcer toujours plus le lien existant entre les politiques et les citoyens, d’où l’importance de la recherche d’une échelle intermédiaire. Et enfin il existe déjàà un réseau de jardins partagés : le réseau Jaquady. Les jardins partagés et la volonté de favoriser une proximité entre la production de nourriture et la population semble être une structure d’initiative citoyenne apte à soutenir et engendrer la transition. 31

COMMONS JOSAPHAT, D’une réserve foncière à un quartier en bien commun, Bruxelles, 2015


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« L’architecture ne se satisfait jamais totalement de l’existant alors qu’elle contribue dans un sens à le stabiliser. On peut mobiliser la distinction entre idéologie et utopie, l’idéologie est ce qui stabilise l’existant, l’utopie et ce qui le dérange, l’architecture se situant toujours entre idéologie et utopie, il y a toujours un effet de stabilisation et d’ébranlement de l’existant au travers du projet d’architecture. » 34

34 PICON, Antoine, La recherche par le projet : au-delà de l’architecture, conférence du 16 janvier 2015, Amphithéâtre Marguerite de Navarre.


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4. RECHERCHE PAR LE PROJET

Antoine Picon, professeur à l’université de Harvard, fait remarquer lors d’une conférence en 201532 que l’on note depuis quelques décennies l’utilisation croissante de l’expression « recherche par le projet », et plus largement du terme design. Il s’agit dans de très nombreux cas d’une volonté de rompre avec les barrières traditionnelles entre certaines disciplines, de décloisonner et de promouvoir une approche pragmatique. Ce qui se joue au travers de cela est une recherche d’efficacité concrète. On assiste à une montée en puissance de l’idée de design, de démarche par le projet qui doit permettre d’articuler des savoirs souvent hétérogènes de façon à déboucher sur des réponses concrètes, car les problèmes du concret ne sont jamais limités à une seule discipline. Cette idée de design en progression est renforcée, d’une part par l’urbanisation massive de la planète, d’autre part par la recherche d’un développement durable, car ces questions sont typiquement transdisciplinaires et ne peuvent être résolues qu’à travers une approche qui donnerait une certaine priorité au projet. La recherche par le projet est donc par essence une méthode de travail de type horizontale, permettant à la fois d’agir sur et de comprendre l’existant. En effet, en architecture, le projet possède également une dimension fortement critique, il n’est pas uniquement la résolution d’un ou de plusieurs problèmes. L’architecture, à travers la question de la recherche par le projet, tend à se questionner sur ses fondements disciplinaires, et à voir dans le projet un outil dont la finalité est « tout autant spéculative et critique, que pragmatique. »33 PICON, Antoine, La recherche par le projet : au-delà de l’architecture, conférence du 16 janvier 2015, Amphithéâtre Marguerite de Navarre.

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La recherche en architecture est définie, selon l’AEEA comme « une investigation originale entreprise en vue de produire des connaissances, des perceptions et des compréhensions basées sur les compétences, les méthodes et les outils propres à la discipline de l’architecture ». Par extension la recherche par le projet (RPP) est définie comme suit « tout type d’enquête dans laquelle (...) le processus de conception architecturale constitue le cheminement à travers lequel de nouveaux savoirs, perceptions, pratiques ou produits voient le jour ».34 Lors de leur intervention à un colloque35, Gérald Ledent et Jean-Philippe De Visscher nous expliquent qu’il existe trois manières de comprendre la recherche par le projet : «sur», « pour », et « à travers » le projet. Par cette dernière, « le projet est utilisé non plus comme visée mais comme moyen ». C’est ainsi que nous avons abordé cet atelier de recherche sur le territoire. Le projet nous a été utile pour réfléchir sur Charleroi, sur ses caractéristiques spatiales et sociales, et nous a permis de révéler une certaine prédisposition de la ville à accueillir une transition. « La recherche par le projet est un outil de pensée et de production de connaissance. »36 Cette idée d’outil nous a beaucoup influencés et est à l’origine de la stratégie que nous avons mis en place par la suite. En effet, nous avions à cœur que notre travail, bien que nécessairement incomplet, puisse permettre d’initier une certaine méthodologie concernant le territoire. Nous avons ainsi mis au point une stratégie systémique, c’est-à-dire assez pertinente et malléable pour être réutilisée comme réel outil par les politiques et les citoyens sur l’ensemble de Charleroi. LEDENT, G. et DE VISSCHER, J-P., résumé de la conférence : “Recherche et projet : productions spécifiques et apports croisés“, Lille (du 17/11/2016 au 18/11/2016) 36 VIGANO, Paola, “Le problème du projet comme producteur de connaissance“, re_ARCH’Y : en architecture, la recherche et le projet, Lyon, 2015. fig. 23 LEDENT, G et DE VISSCHER, J-P., «projet» et «recherche par le projet» 34,35


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fig.19

fig.23


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4.1 Initiatives existantes comme point de départ pour la transition Nous avons appris par les exemples de Josaphat en commun et de Commons Gent l’importance de s’appuyer sur une structure citoyenne existante pour initier la transition d’un quartier. A partir de là, nous nous somme inspirés des différentes ASBL ou associations citoyennes qui répondent déjà à des enjeux de transition sur le territoire via leurs actions. Afin de proposer un projet de transition à l’échelle de la ville, il nous a semblé intéressant de chercher sur tout le territoire, via la carte du capital spatial, d’autres lieux potentiels pour multiplier les effets positifs de ces initiatives.


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ECOLES LLF

fig.24

En premier lieu, le réseau Jaquady nous a inspiré la mise en relation d’écoles avec des parcelles vides et/ou zones naturelles afin d’y insérer un programme de potagers en permaculture. En plus de l’accès journalier à des repas plus sains et locaux, les élèves apprendraient à s’occuper d’un tel espace et pourraient par la suite initier ce genre d’initiatives chez eux. Nous avons donc créé une carte regroupant les écoles situées près d’espaces verts suffisament grands pour pouvoir accueillir des potagers. (fig.24) fig. 20, image des auteurs, fond de plan par Nicolas Willemet


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SOCIAL FARMING

fig.25

L’ASBL Formidable a mis au point un partenariat entre les logements sociaux La Sambrienne et la Région Wallonne, ce qui a permis d’aider un quartier à mettre en place des potagers urbains. En nous inspirant de cette initiative, nous avons répertorié sur une carte tous les logements sociaux appartenant à La Sambrienne, et possédant des espaces verts. L’objectif était d’apporter une alternative aux modes de consommation alimentaires actuels, tout en créant un projet de quartier autour duquel les citoyens pourraient créer une vie de quartier et proposer d’autres initiatives.(fig.25) fig. 22, image des auteurs, fond de plan par Nicolas Willemet


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MOBILITE DOUCE

fig.26

Ensuite, l’exemple de la Boucle Noire nous a donné l’idée d’un réseau de mobilité douce s’appuyant sur les terrils et l’accès aux écoles. En effet si le terril devient un lieu de loisirs, de balade, de rencontre, alors le rendre accessible par la mobilité douce deviendrait essentiel, de même pour les écoles. L’idée était donc de mettre à disposition des habitants de quoi baliser leur propre piste cyclable, en relation avec la carte cyclable faite par l’ASBL ProVélo. (fig.26) fig. 21, image des auteurs, fond de plan par Nicolas Willemet


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RECYCLE

fig.27

Charleroi possède une couronne agricole, or la production agricole est à 80% la ressource principale du processus de méthanisation38. Il nous a donc semblé pertinent de mettre en relation ces espaces agricoles avec des sites industriels abandonnés et pollués, possédant des connections aux différentes infrastructures de transport. Ces lieux sont donc prédisposés à accueillir des usines de production de méthane. De plus, un repair-café, au centre-ville, né de l’association du CIEP-MOC et de l’Eden, donc d’initiatives citoyennes, nous a inspiré l’idée de réhabiliter, à plus petite échelle, les usines désafectées afin d’en faire des lieux de réparations et récupération d’objets du quotidien. (fig.27) Comment ça marche ? comment exploiter l’énergie de la biomasse, 28 septembre 2012. <https://dlweb.dropbox.com/get/Monographie/Bibliographie> fig. 23 image des auteurs, fond de plan par Nicolas Willemet 38


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La recherche des nouveaux lieux potentiels s’inspirant des ASBL et répondant aux mêmes enjeux nous a permis de comprendre que ces initiatives sociales fonctionnaient à chaque fois grâce à la combinaison spatiale de différentes typologies. Cela nous a permis de comprendre la force des combinatoires de typologies et leur capacité à répondre à des enjeux, de manière locale. Ici, trois enjeux ont été trouvés : celui de la mobilité, de l’économie quotidienne, et du recyclage, ou énergie alternative. Seulement la ville en transition doit répondre à d’autres enjeux : celui de l’économie et de l’emploi ainsi que celui des lieux communs, qui induisent d’autres combinatoires, encore à déterminer.


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« La pensée systémique considère les phénomènes et leurs interconnexions selon une approche interdisciplinaire en se focalisant d’avantage sur les relations et les échanges entre les différents composants du système étudié plutôt que sur le fonctionnement interne de chacun des composants. »37


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4.2 Une approche systémique Afin de proposer une intervention à une échelle justifiée sur le territoire du Grand Charleroi, une approche systémique du projet a été mise en place, proggressivement. A l’instar de la permaculture, où le design permaculturel est une méthode de conception de système, une analyse systémique du territoire carolo permet d’aborder le territoire dans son intégralité, en partant d’une échelle inférieure, celle de la typologie. En permaculture, ce design s’inspire des synergies positives et de la productivité des écosystèmes naturels afin d’édicter des principes directeurs, applicables à tous. En s’inspirant de cette pensée, nous nous sommes penchés sur le potentiel des combinatoires entre les différentes typologies présentes sur le territoire.

4.2.1 Typologies et enjeux Dans une optique de combinatoires, une classification des typologies existantes sur le territoire, ainsi que des enjeux de la transition a été dressée. Premièrement, les typologies. 37 Bureau Bas SMETS et LIST, Quel Metropolitan Landscape pour Bruxelles et sa périphérie ? , Vlaams Bouwmeester, 2015 fig. 28-39, images des auteurs


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Ensuite, cinq enjeux ont été identifiés sur le territoire de Charleroi, dans une optique de transition. Premièrement, pour initier une transition via le concept des commons, un lieu commun semble essentiel pour développer les initiatives, échanger les idées et permettre la discussion entre les différents acteurs. Ces lieux communs, nous les avons situés dans des bâtiments déjà construits, dans une optique de valorisation du patrimoine existant et de recyclage urbain. Les églises, de moins en moins fréquentées, ainsi que les écoles, désertées les week-ends, sont des édifices bénéficiant d’espaces intérieurs et extérieurs permettant d’y insérer un tel programme. La création d’espaces communs, productifs en énergie ou en nourriture, bien que gérés par une multitude d’acteurs sur le terrain, nécessite des personnes dont l’activité principale serait le management de ces espaces, l’entretien, la mise en œuvre, etc. La création de nouveaux emplois répondant à cette demande pourrait, en plus de cela, apporter une réponse à la crise du chômage dans la région de Charleroi. Le troisième enjeu que nous avons déterminé est celui que nous avons nommé « économie quotidienne ». L’accès à une nourriture saine et locale est encore très restreint à Charleroi, et parce que les produits issus de l’agriculture biologique sont généralement plus couteux, ils sont moins accessibles au grand public. Un accès quotidien, dès le plus jeune âge, à des produits issus d’une agriculture raisonnée est essentiel pour la santé. Les potagers urbains qui ont commencé à fleurir sur le territoire montrent une volonté de revenir à une production plus locale, et qui fait appel à des circuits de production courts. Ces derniers sont primordiaux à mettre en place dans une ville en transition écologique. L’enjeu est aujourd’hui de penser l’indépendance alimentaire, en termes de production de fruits et légumes à Charleroi.


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L’enjeu de la « santé et environnement » est aussi essentiel. Une meilleure gestion des déchets et du tri de ceux-ci doit être mise en place, de manière à éviter une pollution de l’environnement et des zones naturelles de Charleroi. De plus, l’utilisation de déchets organiques dans un processus de méthanisation afin d’en créer de la biomasse est un moyen efficace de créer de l’énergie de manière durable. Le recyclage peut également être envisagé sur d’autres points, comme par exemple via l’upcycling, ou le recyclage urbain, deux procédés qui consistent à redonner une autre vie à des objets ou bâtiments abandonnés, dans une optique de non-gaspillage. Le dernier enjeu identifié est celui de la transition urgente vers un réseau de mobilité douce sur l’ensemble du territoire carolo. Le scénario « no-auto », quoi qu’encore trop idéaliste pour certains, doit être envisagé dans un futur plus lointain, dans une phase éloignée du projet de territoire. En effet, le coût de plus en plus élevé d’une voiture (4800 euros/an)39, dans un environnement socio-économique comme celui de Charleroi - sans parler des effets négatifs sur l’environnement - ne permet plus d’imaginer une ville de demain dont la voiture est le moyen de transport principal. 39

CHANG.D, FABIAN. L, SECCHI.B, VIGANO.P, Towards the «No auto», 2012. < https://issuu.

com/extremecities/docs/fs_2012eng_0705> fig. 38, image des auteurs


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Après avoir identifié les typologies et enjeux, nous avons dressé un tableau (fig.40) à double entrée, déterminant quelles typologies pouvaient répondre à quel(s) enjeu(x). Ainsi completé, le tableau permet de déterminer, en partant des lieux communs (écoles ou églises), essentiels, des regroupements de typologies permettant de répondre à tous les enjeux de la transition. En voici certains :

Pour qu’un projet de transition soit possible, il est indispensable qu’il débute dans une zone à échelle humaine, celle du quartier. Pour déterminer ces zones, nous avons, à partir de la carte du capital spatial, repéré tous les lieux communs (écoles et églises) possèdant dans leurs alentours les combinatoires de typologies répondant à tous les enjeux de la ville en transition.


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fig.40


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4.2.2 Identification de clusters et notion d’échelles Ces zones identifiées (fig. 41) sont en fait des clusters en puissance. Cluster signifie grappe ou agrégat. En informatique il est un regroupement relié à un réseau, dans notre cas, le cluster nait des combinatoires de typologies, il n’existe donc pas avant ces dernières. Ici aussi l’idée de réseau est importante : le cluster n’est pas seul, il est ouvert aux autres clusters mais aussi à la ville, à la région. Un aller-retour entre les différentes échelles devra donc être effectué dès à présent, pour répondre aux enjeux aussi bien à l’échelle du cluster qu’à celle de la ville. Il faut reprendre le principe de système en auto-éco-régulation pour le comprendre : c’est un lieu à la fois autosuffisant et dépendant de son contexte. C’est un agencement d’espaces très diversifiés dont les fonctions sont à la fois définies et non définies, il est l’élément principal pour la transition. fig.41, Identification des zones pour les clusters en devenir, image des auteurs


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fig.39 fig. 41


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fig.42

Les diverses actions entreprises à l’échelle du cluster doivent cristalliser localement et de façon ponctuelle les enjeux et caractéristiques du paysage entier. Les actions mises en commun doivent proposer ensemble une cohérence territoriale et répondre aux questions qui dépassent le simple périmètre du cadrage défini. (fig.42) Un aller-retour entre la petite et la grande échelle doit être effectué, à la manière d’un écosystème, entre la logique des flux, continuelle, et l’aménagement de l’espace, ponctuel. fig.42 schéma de fonctionnement d’un cluster, image des auteurs


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Les zones regroupant le plus d’espaces répondant aux divers enjeux autour d’un lieu commun (école ou église), ont été identifiés sur le territoire (fig.41). La suite de la recherche par le projet se concentre sur deux d’entre eux. Ces deux zones (fig.43) se situent dans les communes de Gilly et Marchienne-au-Pont. Ces zones sont intéressantes car elles se situent toutes deux, dans le schéma stratégique du Bouwmeester, à l’intersection de trois zones d’affectation différentes : zones d’intensification urbaine, zones de rénovation des centres urbains et zones d’intensification paysagère . De plus, le schéma du capital social de type « bottom up » nous y montre l’existence de plusieurs intiatives citoyennes.


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fig.43 Identification de clusters - ĂŠchelle intermĂŠdiaire - sur le territoire, Charleroi Bouwmeester et image des auteurs, fond de plan par Nicolas Willemet


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5.HYPOTHESES DE PROJET POUR LA VILLE EN TRANSITION 5.1 Elaboration d’un outil global L’analyse des deux zones identifiées auparavant par la mise en place du tableau typologies-enjeux (fig.40), nous a permis de déterminer leurs potentialités à pallier les enjeux de la transition, aussi bien via leur capital social que spatial. Une première étape a donc été de proposer séparément, par plusieurs recherches individuelles sur les zones préposées (fig.43 bis), des combinatoires imaginables pour rendre possible le projet de transition. Ces études préliminaires ont permis d’identifier les premiers points de blocage, et de recentrer le propos. En effet, lors de cette étape, nous avons pu remarquer qu’une manière d’opérer, de manière systématique sur toutes les zones identifiées au préalable, pouvait être mise en place. Nous avons donc mis en commun nos recherches et hypothèses, afin de proposer une méthode, un outil global, permettant de répondre aux enjeux de la transition sur tout le territoire. Cette méthode permet, par son aller-retour entre la grande échelle, la petite échelle, et celle, intermédiaire, des clusters en devenir, ainsi qu’entre des échelles de temporalités, de proposer une hypothèse de projet pour le territoire du grand Charleroi.


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Cette méthode, mise au point à l’atelier territoire, (fig.44) se lit en partant de la gauche, donc en partant de la petite échelle, celle de la typologie des ilots, pour ensuite finir à droite par la grande échelle. Cette façon de lire montre comment des combinatoires de typologies spatiales et sociales, permettent de former progressivement les clusters, qui, en se couplant avec des entités paysagères présentes sur le territoire, permettent de les faire exister, créant ainsi notre vision globale, celle du paysage des communs.


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fig.44


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On peut décomposer « l’outil » de cette façon : Quatre typologies sont à la base de cet outil. Toutes quatre sont génériques et apparaîssent partout sur le territoire de Charleroi, ce pourquoi elles ont été choisies. Les trois premières typologies sont spatiales : les ilots, les lieux abandonnés, et les bâtiments publics. La quatrième typologie est sociale, et concentre les initiatives de type jardins partagés (Jacquady, Le Jardin du parc, etc.) et potagers collectifs (ASBL Formidable, Incroyable Comestibles, Permavanti, etc). Ces quatre typologies, lorsqu’elles sont combinées, permettent d’imaginer la création d’intérieurs d’ilots productifs, en termes de production de fruits et légumes (fig.45). En effet, premièrement, beaucoup d’ilots de Charleroi, comme nous l’avons vu lors de l’analyse typo-morphologique, présentent de grandes parcelles en intérieur d’ilot, appartenant à un, voir maximum deux propriétaires. Un achat collectif, ou dans certains cas lorsque cela est possible, un prêt de ces parcelles, peut donc être envisagé afin qu’elles


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fig.45

Deuxièmement, un lieu de stockage, pour le matériel et les semences est indispensable pour une production d’envergure, ce pourquoi les lieux abandonnés sont essentiels, afin que, réhabilités, ils puissent être utilisés à ces fins. Troisèmement, la présence d’initiatives de ce type à Charleroi nous confirme la volonté des carolos d’aller vers une production alimentaire plus locale de cette sorte. Pour que le cluster puisse voir le jour, la mobilité entre les différents ilots, productifs et non-productifs, doit être possible en mode doux. En effet, pour que les habitants des clusters en devenir puissent profiter des productions agricoles et y participer, ces dernières doivent être accessibles à tous, à une distance praticable à pieds.


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Pour finir, afin de permettre une gestion de cette nouvelle économie alimentaire alternative, des lieux publics (écoles, églises, anciennes maisons communales) devront être réinvestis lorsqu’ils ne sont pas utilisés, afin d’accueillir les nouveaux lieux de rassemblements et de prises de décision. Ces bâtiments s’inscrivent donc dans le concept de la multi-temporalité (fig.46) et de la résilience, en étant réhabilités pour un meilleur rendement. Afin que les clusters puissent exister, une première étape nécéssite la présence de ces quatre typologies combinées entre elles.


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On peut en effet parler d’économie, car les ilots productifs, par leur rendement, permettent de répondre à trois enjeux. Premièrement, ils répondent à l’enjeu de l’économie quotidienne par un apport quotidien en produits sains et locaux, plus accessibles. Deuxièmement, « 1000 m2 de culture maraîchère biologique permaculturelle permettent de créer une activité à temps plein »40 ce qui signifie qu’une multitude de nouveaux emplois peuvent voir le jour, diminuant le taux de chômage fort important dans ces localités ( plus de 20 %)41. Pour finir, grâce à la production conséquente de déchets organiques, et à la présence des infrastructures nécessaires pour transporter ces derniers, la possibilité de mise en place d’une centrale de bio méthanisation, à Charleroi, est plus qu’envisageable. Cette centrale pourrait répondre aux enjeux de la mobilité en produisant l’énergie nécessaire pour alimenter le réseau Tec ainsi que l’électricité et chauffage des bâtiments publics. En effet, lors de notre participation à la conférence de Giorgios Maillis à la Charleroi Academy, en février dernier, nous avons pu entendre les citoyens déplorer le manque d’éfficacité du réseau de transports en commun de la Ville. Ce dernier semble être trop peu desservi en dehors du centre, et il reste encore trop de zones non accessibles. 40 Horizon permaculture, Vers l’autonomie alimentaire, consulté en ligne <https://fermesdavenir.org/fermes-davenir/outils/vers-lautonomie-alimentaire-partie-3> 41 Sudinfo, “Le taux de chômage en Hainaut reste supérieur aux autres régions: voici les chiffres “, consulté en ligne <http://www.sudinfo.be/archive/recup/1773297/article/2017-01-27/>


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temps

Nous avons donc pensé à un développement de cette stratégie sur une échelle variant en fonction du temps (fig.47). Dans une première phase, les clusters présentant les typologies nécessaires pour permettre une production maraichère à grande échelle permettraient de baisser le prix des billets. En effet, grâce à la transformation en énergie des déchets organiques, la Tec pourrait alimenter ses bus en biogaz, et ainsi réduire ses dépenses en carburants, permettant une baisse des prix des billets. Un renforcement des lignes passant par les premiers clusters en devenir pourrait être mis en place durant cette phase. Dans une deuxième phase, ce réseau étant renforcé, les clusters pourraient s’agrandir, et permettre une plus grosse production de biogaz. Le réseau général pourra donc être renforcé, et permettre la création de nouveau clusters et/ou l’agrandissement de ceux déjà existants. Pour finir, dans une phase éloignée, la production de déchets organiques sera telle, qu’elle rendra possible la création de nouvelles lignes, permettant de rejoindre des zones jusque là non accessibles en transports en commun. Les clusters pourront s’agrandir davantage, et la ville se transformera en un réel réseau de mobilité douce. L’entièreté de la ville pourra avoir accès à des transports en communs moins chers et plus efficace. Grâce à un partenariat entre la Tec, qui a déjà une volonté de réduction de ses émissions par la mise en place de bus hybrides et Tibi, ce projet pourrait voir le jour.


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fig.47

Tibi, ancien ICDI « Intercommunale de Collecte et de Destruction des Immondices », a changé d’identité et a opté pour un modèle qui est aujourd’hui axé sur la valorisation des déchets et l’économie circulaire, et qui s’ancre donc bien dans un projet de Transition : il ne s’agit plus de détruire les immondices mais de réduire, réemployer, recycler, valoriser, transformer les déchets devenus ressources. Ce type de solution a déjà été mis en place dans plusieurs villes, entre autres à Lille, où elle a montré son efficacité : la ville de Lille – plus d’1 million d’habitants sur 600km2 - s’est lancée dans un projet pilote en la matière dès les années 1990. « En développant son plan de transports publics, elle a d’une part mis l’accent sur les modes de transports existants comme le train, le métro ou le tramway et d’autre part investi dans un réseau de bus utilisant des énergies peu polluantes, en l’occurrence du biogaz. »41 C’est dans un centre de valorisation organique que la ville produit le gaz utilisé par les bus lillois à partir des déchets organiques : « pour 10 à 15%, il provient de la collecte sélective menée auprès des habitants, le reste, soit 85 à 90%, est issu des déchets verts déposés en déchetterie (parcs à conteneurs), ainsi que des déchets organiques provenant de la restauration collective publique et des espaces verts. Outre le méthane, 25.000 à 30.000 tonnes de compost seront également produites chaque année dans ce centre de valorisation. À terme, la production annuelle de cette unité de biométhanisation devrait atteindre 4.111.000 m3/an de biogaz, soit l’équivalent de 4.480.000 litres de diesel. »42 41,42

Le blog pass, Quand les déchets prennent le bus, consulté en ligne, <http://blog.pass. be/societe/quand-les-dechets-prennent-le-bus/>


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En parallèle, la création des ilots productifs et donc d’une nouvelle économie quotidienne, fait naître une appartenance des habitants à un projet commun. Ce projet commun, par tous ses bénéfices sociaux et économiques, lorsqu’il est couplé avec le capital spatial présent à Charleroi (la présence de la Sambre, qui rend possible la création d’une centrale hydroélectrique, les grandes surfaces de toitures sur les bâtiments industriels qui permettent d’y poser de nombreux panneaux photovoltaïques, etc.) peut permettre la création de coopératives de productions d’énergies (fig.48). Ces coopératives voient le jour un peu partout dans le monde : des groupes de citoyens, prêts à initier la transition énergétique, installent, détiennent et profitent des avantages de l’énergie renouvelable. En Allemagne par exemple, « plus de 50 % de la production d’énergie renouvelable en cours d’installation est entre les mains de coopératives citoyennes. » Au Royaume-Uni, depuis 2008, « plus de 5 000 groupes locaux ont lancé des programmes de production d’énergie. »43 « Pour décarboniser notre système d’approvisionnement énergétique, il nous faut décentraliser la production d’énergies renouvelables et augmenter les possibilités d’investissements et de participation au niveau local. »44 Ces projets rassemblent les citoyens et donnent lieu à de multiples conversations, moments partagés et permettent de faire des économies en ne dépendant plus totallement du marché mondial. Ces coopératives s’inscrivent donc dans le mouvement de la Transition. Quelques exemples nous ont marqué: t Transition Bro Gwaun détient la moitié d’une entreprise commune lancée avec un agriculteur local dont l’éolienne de 225kW produit environ 528 000 kWh/an, et ré43, 44 DURIEUX,, Caroline, Les coopératives citoyennes de production d’énergie, consulté en ligne, <https://www.reseautransition.be/articles/les-cooperatives-citoyennes-de-production-denergie/>


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fig.48

t Hassocks, Hurstpierpoint, Keymer, Ditchling Transition ont fondé HKD Energy. Ils ont installé 307 panneaux solaires sur le centre sportif et l’école Downlands, produit 80 000 kWh d’électricité/an, diminué les émissions de 42 tonnes de CO2 par an, et cédé 100 500 £ de parts aux habitants de la région. 83 % des investisseurs habitent dans un rayon de 6 km autour de l’école. t &O 8BMMPOJF REScoop Wallonie45 fédère 13 coopératives dont 10 produisent actuellement de l’électricité principalement d’origine éolienne, mais aussi photovoltaïque et hydro-électrique. Elle possède aussi une unité de biométhanisation (électricité + chaleur). Les coopératives membres réunissent 9300 coopérateurs et ont rassemblé près de 13 millions d’euros de capital. Ensemble elles possèdent 17 MW installés, bientôt elles gèreront 21 MW. En 2017, elles ont produit 30 millions de kWh, de quoi alimenter en électricité 8500 ménages (3500 kWh/an par ménage). 45

<http://www.rescoop-wallonie.be>


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Lorsqu’on recherche les surfaces minimales obligatoires pour répondre aux besoins en fruits et légumes d’une famille de quatre personnes, on trouve ces informations : « un jardin de 250 m2 peut répondre aux besoins en fruits et légumes d’une famille de quatre personnes. Sur une parcelle inspirée de la permaculture, on peut diviser cette surface par 3 minimum, voire par 5. »46 Sachant que le design permaculturel est de plus en plus utilisé en maraichage biologique, pour ses avantages nombreux en termes de productivité, nous avons pris ces chiffres en compte dans nos hypothèses. Grâce a ces données, on peut donc déduire qu’il suffit d’environs 65 mètres carrés de culture maraichère par famille. Sachant que les parcelles en intérieur d’ilot dans les deux zones analysées font environs 11 000 mètres2 pour 90 familles, les ilots productifs permettent donc de produire assez pour les habitants de ces ilots et des ilots voisins, ainsi que pour les carolos n’habitant pas dans une zone avec ce type de chaine alimentaire locale, car n’ayant pas le capital spatial suffisant pour que le projet puisse y être inséré. Cette revente nécessite un nouvel espace, né de la présence de quatre autres typologies (fig.49) : - des ilots productifs ; - des infrastructures routières ou de transports en commun conséquentes (métro, Sambre, train) pour un accès depuis le reste du territoire ; - un espace ayant la taille appropriée - une proximité de lieux publics (place/école/église) utilisés en local de gestion des communs. Horizon permaculture, Vers l’autonomie alimentaire, consulté en ligne, <https://fermesdavenir.org/fermes-davenir/outils/vers-lautonomie-alimentaire-partie-3>

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fig.49


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fig.50 Structure paysagère en puissance


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« Il y a donc une importance de l’aller-retour entre petite et grande échelles, entre actions ponctuelles et plan global. Alors que la logique de l’aménagement de l’espace est une logique ponctuelle, les logiques des flux et de la biodiversité sont purement continuelles et systémiques. Il est, par conséquent, indispensable de coordonner et de penser ces deux échelles de façon parallèle et complémentaire. Chaque aménagement est ainsi l’opportunité de renforcer localement les grandes structures paysagères de la métropole. »47

Bureau Bas SMETS et LIST, Quel Metropolitan Landscape pour Bruxelles et sa périphérie ?, Vlaams Bouwmeester, 2015 fig. 50, Structure paysagère en puissance : image des auteurs, fond de plan par Charleroi Bouwmeester et Bas Smets Paysages 47


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Enfin, il existe à Charleroi une grande diversité d’espaces naturels et ouverts, qu’il faut considérer comme un atout caractéristique du territoire (fig.50). Il est essentiel de les préserver de l’urbanisation, de les rendre accessibles et d’en favoriser la consolidation. Nous avons pu remarquer, via les interviews que nous avons eues avec Benjamin Losseau de Charleroi Nature ainsi que Francis Pourcel et Micheline Dufert de la Boucle Noire, que la préservation de ces espaces rencontre de nombreuses difficultés, entre autres budgétaires, et de mobilité. Les terrils par exemple, sont pour la plupart inaccessibles, ce pourquoi peu de gens ne les considèrent comme des éléments paysagers et naturels de loisirs, et deviennent des décharges à ciel ouvert. Pour que ces espaces paysagers encore trop peu mis en valeur puissent devenir un atout et faire partie intégrante du paysage des communs, des connections doivent être faites entre les clusters et ces espaces (fig.51). Ces connections peuvent être directes, ou via l’accès aux modes de mobilité doux comme la Boucle Noire, les Ravel et le GR, ou la vallée sèche de Bas Smets, paysagiste. Ces liaisons sont essentielles afin de sensibiliser les citoyens à la proximité d’espaces naturels, et afin qu’ils puissent se les réapproprier, à la manière de Francis et Micheline, et du P’tit Bois à Mont-sur-Marchienne, et donc les rendre visibles, protégés, et sécurisés. Sans cette réappropriation et ce sentiment de proximité, cette structure paysagère n’aura pas lieu d’être. L’espace de revente, ce nouvel espace public-productif représente, par son statut, un connecteur entre les différentes parties du cluster et les différentes zones de la ville. Couplé d’une liaison à la grande échelle paysagère, il représente l’échelle intermédiaire essentielle au projet de Transition. 48 MAILLIS, G. Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025 (3rd ed.),Charleroi: Charleroi Bouwmeester, 2015


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fig.51


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L’ ensemble de cette méthode propose une hypothèse de création de clusters via les combinatoires, tout en faisant un aller-retour entre les échelles, pour permettre ainsi de répondre à des enjeux de spatialité, et à des enjeux de temporalité. La mise en place de cette méthode nous a permis de retourner individuellement sur les zones de Gilly et Marchienne-au-Pont, afin de l’appliquer, en prenant en compte les variantes typologiques et paysagères.


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fig.52


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5.2 Application à Gilly La zone identifiée se trouve dans le district Est, dans l’ex commune Gilly. Cette commune, assez dense, présente plusieurs atouts : on y retrouve trois terrils, de grands espaces naturels inscrits dans la charte du PCDN, le Ravel, ainsi que de nombreuse initiatives citoyennes, telles que des jardins partagés du réseau Jaquady, l’ASBL Faim et Froid, le comité de quartier du Louvy, etc. Nous avons identifié dans cette zone les trois typologies nécessaires à la mise en place d’ilots productifs (fig.52). Ces typologies sont présentes partout dans la zone, mais en ajoutant la contrainte d’une proximité avec des espaces publics afin de pouvoir y insérer des locaux de gestion des communs, trois ilots ont été retenus comme « base » pour le cluster en devenir. Ces trois ilots comprennent des parcelles appartenant à un voir deux propriétaires, et si elles sont achetées de manière collective peuvent devenir des ilots maraichers. Combinées, ces parcelles représentent 56.000 m2 de surface, et permettent donc de créer 56 nouveaux emplois à temps plein et de nourrir environs 850 familles en légumes et fruits, à l’année. Cela permet d’inclure les familles appartenant aux ilots voisins, et même de produire un surplus qui pourrait être revendu.


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La gestion de ces maraichages nécessite des lieux stockage, de maintenance et de redistribution. Les lieux désaffectés, réhabilités permettent d’accueillir ces fonctions (fig.53). La mise en place d’une nouvelle économie productive locale implique un lieu de gestion où les différents acteurs peuvent se réunir. Les écoles et les églises sont des lieux dont les horaires d’occupation permettent une mixité programmatique. Il est donc possible d’imaginer que le lieu de gestion des communs prenne place dans ces lieux, lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Dans ce cluster en devenir, la Paroisse Saint-Remy se trouve à un endroit stratégique et deviendra donc le local de gestion des premiers ilots productifs (fig.54). La distance entre ces ilots productifs et non productifs, les locaux de maintenance, ainsi que le local de gestion des communs étant raisonnable, cela permet d’imaginer que la mobilité se fasse en mode doux. Cela peut être mis en place par des interventions « légères », comme des marquages au sol, des installations éphémères, ou par le nouveau réseau de mobilité douce, créé par les ouvertures des intérieurs d’ilots (fig.54bis). La création de cette nouvelle économie locale permet le regroupement des citoyens autour d’un projet commun. Cette nouvelle dynamique, couplée à un capital spatial présent dans la zone (grandes surfaces en toiture, friches, etc.) rend possible la création d’une coopérative de production d’énergies alternatives. Ces nouvelles productions d’énergie permettent de rendre le cluster progressivement indépendant du marché mondial au niveau énergétique et donc des faire des économies quotidienne.


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fig.53

fig.54 bis

fig.54


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La présence du métro, du ring et de la N90 rendent l’accès aisé à cette zone, et permet d’imaginer la revente du surplus maraicher à une plus grande échelle. Cette revente prend place dans un lieu qui pour l’instant est mal exploité et qui créé une fraction dans le quartier, la zone sous les rames du métro aérien. Par cette nouvelle affectation, ce lieu qui avant était une rupture devient le lien entre les différentes zones du quartier (fig.55).


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fig.55


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D’une part entre les ilots productifs et la Paroisse Saint Remy, et d’autre part entre le nouvelle place Destrée, lieu central de Gilly, et le Ravel. Ce lieu devient donc l’échelle intermédiaire qui relie le cluster à la grande échelle, celle de la structure paysagère. Grâce à cette nouvelle connexion, la réappropriation par les citoyens de cette structure permet de la faire exister, et de créer, avec le cluster, le nouveau paysage des communs (fig.56). En parallèle, la récolte des déchets organiques provenant des ilots, permet, grâce à la coopération Tibi-Tec d’alimenter le réseau de bus existant en biogaz et de créer de nouvelles lignes efficientes. Ce nouvel atout permet au réseau de mobilité douce de s’agrandir, et ainsi d’étendre les clusters et leur empreinte.


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fig.56


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fig.57


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5.3 Application à Marchienne-au-Pont La deuxième zone identifiée se trouve dans l’ex commune de Marchienne-au-Pont, dans le district Ouest. Cette commune, proche de la Porte-Ouest a été fortement marquée par le passage de l’industrie. Son capital spatial et social sont intéressants. Au niveau du capital spatial, on y retrouve de grandes zones naturelles, un terril, de gigantesques friches, ainsi que la présence de la Sambre et de son seul bassin, ainsi que de l’Eau d’Heure. Du point de vue du capital social, Coopeco et Permavanti sont deux acteurs de type bottom-up très intéressants et qui sont actifs dans cette zone. Le premier, Coopeco, est un supermarché participatif qui offre aux habitants de Marchienne un accès à une nourriture de qualité à des prix accessibles, le tout dans une démarche soucieuse de l’environnement. Le second, Permavanti, propose des ateliers et formations à la permaculture. Les citoyens sont invités à participer à la création du projet, comme à Coopeco. On retrouve aussi le passage de la Boucle Noire dans cette zone. Comme à Gilly, nous avons identifié dans cette zone les trois typologies nécessaires à la mise en place d’ilots productifs (fig.57). Ces typologies se concentrent entre la Sambre, l’Eau d’Heure et les voies de chemin de fer, donc dans un périmètre qui permet les déplacements en mobilité douce. De plus, on retrouve dans ce périmètre une concentration de lieux publics, près du pont reliant cette zone au Nord de Marchienne-au-Pont. Cinq intérieurs d’ilots possédant de grandes parcelles n’appartenant qu’à un seul propriétaire se trouvent dans cette zone et si elles sont achetées de manière collective, peuvent devenir des ilots maraichers. Ces cinq grandes parcelles représentent 65.000 m2 et permettent donc de créer 65 nouveaux emplois, et d’approvisionner 1000 familles en fruits et légumes, pendant toute l’année. Cela permet d’inclure les familles appartenant aux ilots voisins, et de produire un surplus conséquent qui pourrait être revendu à la grande échelle.


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La gestion de ces maraichages nécessite des lieux stockage, de maintenance et de redistribution. Les lieux désaffectés, réhabilités permettent d’accueillir ces fonctions (fig.58). La mise en place d’une nouvelle économie productive locale implique un lieu de gestion où les différents acteurs peuvent se réunir. Le salon communal, jouxtant la nouvelle maison citoyenne, accueille déjà des évènements carolos et permet d’accueillir ces réunions, dans une optique de diversité programmatique (fig.59). La distance entre les ilots productifs et non productifs, les locaux de maintenance, ainsi que le salon communal étant tout à fait faisable à pieds, rend légitime un mode doux de mobilité, dans tout le cluster en devenir. Ce réseau peut être mis en place par des interventions « légères », comme des marquages au sol, des installations éphémères, ou par le nouveau réseau de mobilité douce, créé par les ouvertures des intérieurs d’ilots (fig.59 bis) La création de cette nouvelle économie locale permet le regroupement des citoyens autour d’un projet commun. La présence d’un barrage hydroélectrique à l’ouest du cluster, couplé à cette nouvelle dynamique, laisse imaginer que les citoyens puissent investir dans cette infrastructure afin de bénéficier des productions énergétiques qui en découlent. De plus, la présence de bâtiments industriels possédant de grandes surface en toitures et de grandes friches, rendent possible la mise en place de panneaux photovoltaïques et d’éoliennes. Ces nouvelles productions d’énergie permettent de rendre le cluster progressivement indépendant du marché mondial au niveau énergétique et donc des faire des économies quotidiennes .


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fig.59 bis

fig.58


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La présence du métro, de la N759 et de la N90 rend l’accès aisé à cette zone, et permet d’imaginer la revente du surplus maraicher aux citoyens ne bénéficiant pas d’un accès direct aux ilots productifs. Il existe deux espaces potentiels pouvant servir de lieu de revente. La piscine du centre sportif, située à côté du salon communal, a fermé ses portes en 2015 pour cause budgétaire. En attendant une future réouverture, planifiée par le Bourgmestre pour l’année 2020, et pour qu’elle ne se dégrade pas plus, le lieu pourrait être réinvesti en marché de produits locaux. Une fois la réouverture programmée, l’espace de revente pourrait prendre place dans un nouveau lieu, juste à côté. Ce nouvel espace, par sa position stratégique, et son rôle dans le cluster, devient l’échelle intermédiaire entre la localité des ilots productifs, et la globalité de la structure paysagère en puissance (fig.60). Cette structure paysagère, composée du bassin de la Sambre, du grand espace naturel et du Terril du Hameau, devient accessible et réappropriée par les citoyens via une nouvelle passerelle, partant de l’espace de revente, s’accrochant aux rames de métro, et débouchant sur la Boucle Noire. De cette manière, il est envisageable de détourner la Boucle pour la faire passer par cet espace paysager afin de le faire exister. Ainsi, avec le cluster, il crée une partie du paysage des communs (fig.61).


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En parallèle, la récolte des déchets organiques provenant des ilots, permet, grâce à la coopération Tibi-Tec d’alimenter le réseau de bus existant en biogaz et de créer de nouvelles lignes efficientes. Ce nouvel atout permet au réseau de mobilité douce de s’agrandir, et ainsi d’étendre le cluster et son empreinte. Cet agrandissement du cluster peut également être possible suite à la dépollution des sols de la grande friche AMS à l’ouest. Cette dépollution peut avoir lieu grâce à la plantation d’une végétation adaptée, permettant ainsi de structurer un futur paysage, qu’il devienne urbain, ou reste paysager.


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fig.61


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« Du haut d’un terril, on peut apercevoir des fragments de territoire où se côtoient villages, canal, autoroutes, friches industrielles, chemins de fer, forêts, terrils, etc. »


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5.4 Vers un paysage des communs L’application de notre méthode aux clusters de Gilly et Marchienne-au-Pont nous a permis de constater son efficacité et, par son pouvoir systémique, sa réplicabilité. Ainsi, il est possible d’imaginer l’évolution des zones déterminées (fig.41) en clusters (fig.62), et de voir apparaître ainsi une nouvelle figure territoriale. Notre vision pour Charleroi, résulte de la cohabitation des clusters, générés par les combinatoires aussi bien spatiales que sociales, et d’une entité paysagère en puissance, et dessine ainsi progressivement cette nouvelle figure, le paysage des communs (fig.63). « Du haut d’un terril, tout est paysage »


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fig.62


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fig.63


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CONCLUSION Le territoire de Charleroi est complexe, il résulte d’une crise importante. En l’analysant nous avons tout d’abord été confrontés à tous les défis qu’il représente. Très vite cependant, en le parcourant, nous avons eu l’intuition que cette complexité pouvait devenir sa force. Aujourd’hui, grâce à une nouvelle dynamique politique et citoyenne, la ville tente de se relever de cette crise post-industrielle dans laquelle elle était ancrée depuis longtemps. La création du bureau du Bouwmeester, les projets intra-ring, les initiatives qui fleurissent partout sur le territoire, etc. en sont les témoins. Cette nouvelle dynamique prouve que Charleroi se trouve à un moment charnière de son histoire. Ce moment charnière est accompagné, au niveau mondial, d’une prise de conscience de notre impact sur l’environnement. Partout dans le monde, de nouvelles politiques et initiatives tentent de donner une alternative aux modes de consommation actuels. Le capital spatial de Charleroi, par sa richesse et sa diversité, nous est apparu, progressivement, comme un atout pouvant accueillir la transition environnementale de la ville. Il est accompagné d’un second atout, un capital social très important, composé des citoyens et politiques qui démontrent, par leurs actions, leur envie d’initier cette transition. Le concept des commons a beaucoup influencé notre travail, il a permis d’apporter une autre vision sur le projet, la ville, et la manière d’aborder cette dernière. Ce concept a la particularité qu’il lie et combine les deux atouts principaux de notre analyse du territoire : le capital spatial et le capital social. La recherche par le projet qui a suivi notre analyse nous a donc permis, dans une première phase de reconnaissance, de découvrir l’intérêt et le pouvoir des combinatoires de typologies, spatiales et sociales.


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Ce jeu de combinatoire nous a été inspiré directement par certaines, déjà existantes sur le territoire, et pratiquées par les citoyens. Cette phase a débouché sur la mise en place des enjeux nécessaires à la ville en transition. Elle a aussi donné lieu à un tableau à double entrée combinant enjeux et typologies. De là, nous avons pu déterminer des zones d’interventions à fort potentiel, regroupant plusieurs des typologies et permettant ainsi de répondre aux enjeux de la transition. Dans une seconde phase, deux zones d’essai ont été choisies, Marchienne-au-pont et Gilly. Après avoir confronté les hypothèses émises sur ces zones, il nous a paru clair que, dans une optique de systémie, il était nécessaire de mettre au point une méthode, un outil global, permettant la réplicabilité des hypothèses aux autres zones. Cette méthode présente un ensemble varié de notions, de leçons et de recommandations qui peuvent être prises en considération pour développer les zones identifiées sur le territoire de Charleroi. Elle permet des aller-retours entre l’échelle de la typologie et l’échelle territoriale du paysage, pour, finalement, aboutir à une échelle intermédiaire. Cette échelle intermédiaire est représentée par l’apparition de clusters, nouvelles entités paysagères et urbaines, produites des différentes combinatoires opérées grâce à l’outil mis en place. L’établissement de ce dernier a rendu possible, par la suite, de faire un retour sur les zones, afin de tester son caractère systémique et son applicabilité. La recherche ayant une part importante dans notre mémoire, il est en effet important de pouvoir faire interagir nos hypothèses de départ avec celles d’arrivée. Les hypothèses ne sont pas des réponses qui se veulent définitives. Elles sont principalement émises dans le but de contribuer à l’élaboration d‘une nouvelle vision du territoire, en explorant de nouvelles idées, de nouvelles voies en matière d’aménagement spatial. Notre vision territoriale est celle du paysage des communs.


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La complexité du monde qui nous entoure ébranle nos certitudes. Les solutions que l’on peut apporter aux problèmes actuels ne sont pas plus importantes que les moyens mis en place pour les résoudre. Ce que nous avons voulu faire à Charleroi, c’est proposer des hypothèses qui prennent appui sur notre savoir-faire, c’est-à-dire la lecture d’un territoire via ses spatialités, tout en restant ancrés dans la réalité sociale et spatiale du « déjà-là ». La question du rôle de l’architecte dans un projet de ville en transition nous a été posée à maintes reprises durant ces derniers mois. Elle peut ne pas sembler évidente, étant donné qu’un mouvement de transition est essentiellement une initiative sociale. A l’issue de ce travail nous nous demandons si le rôle de l’architecte ne réside pas dans sa capacité à faire exister l’existant, à le faire cohabiter de manière à l’amplifier, à lui donner une valeur ajoutée ?


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REMERCIEMENTS

A nos professeurs d’atelier : Jean-Philippe de Visscher Thierry Kandjee A nos copromoteurs-experts : Cecile Vandernoot Nicolas Willemet A nos heureuses rencontres : Micheline Dufert Francis Pourcel Pauline Cabrit Benjamin Losseau Manuel Leon Fanjul A notre relectrice : Eugenie Tiger A nos partenaires de bus : Alice Di Pompeo Arnaud Rigolet Francois Vande Perre Roselyne Deprez Elena Schmeder






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