Magazine de cinéma Gratuit | Mars / Avril 2011 | Numéro 8 www.clapmag.com
Sucker Punch
Le film DEJANTE dE SNYDER
DOSSIER
Le cinema d’horreur DES ANNEES 2000
MORNING GLORY
RENCONTRE AVEC HARRISON FORD
+ SOURCE CODE mr nice
EXPO KUBRICK A LA CINEMATHEQUE GROS PLAN SCREAM selection tV JUSTIFIED
SOMMAIRE
D
éjà le numéro 8 pour Clap! qui continue son bonhomme de chemin pour vous proposer le meilleur. Merci pour les nombreux encouragements que nous avons reçus, n’hésitez pas à nous envoyer vos mots, vos critiques, vos divergences d’opinions à contact@clapmag.com. Nous serons ravis d’y répondre et dès le prochain numéro, le courrier des lecteurs saluera la meilleure missive. Pour cette nouvelle mouture, la rédaction a décidé de rendre hommage à Snyder et au film de genre. Assumer notre goût immodéré pour le jeune cinéaste, c’est aussi affirmer un parti pris éditorial fort et défendre un cinéma contesté, parfois hué mais qu’ici nous préférons honorer avant même d’avoir vu sa dernière production. Rares sont les films qui suscitent autant d’impatience, autant sur leurs idées originales de départ (dernier en date Inception…) que sur leurs formes modernes, au carrefour de plusieurs arts : la bande dessinée, le jeu vidéo et le cinéma (derniers en date Avatar, Tron…). Dans son constant travail de recherche, le réalisateur de 300 parvient à la fois à faire avancer l’Entertainment, tant prisé outre-Atlantique, mais aussi à participer à la construction d’un genre nouveau en train de conquérir peu à peu le grand public. Dans le monde qu’il a créé, les frontières entre fiction et réalité sont floues. Lorsque l’on ira voir Sucker Punch, on sera conscient de la virtualité du spectacle, mais aussi en admiration devant la qualité de l’immersion, pourtant à base de décors synthétiques, de femmes fatales improbables et de magie éternelle. C’est cette même magie, loin de nos frontières, qui nous conduit à parler de cinéma total.
04 Actus
06 Critiques
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EDITO
08 Interview
13 Dossiers
le MAG TENDANCE DU CINé* 18 Expo
21 DVD
23 Jeux Vidéo
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Romain Dubois-Dana
Sommaire | 03 |
© SND
*DISPONIBLE SUR IPAD
actus
L’image du mois :
MIDNIGHT IN PARIS MC Mélanie Laurent
Comme à son habitude, Woody Allen soigne l’affiche de son prochain longmétrage tourné à Paris cette fois-ci. Le Ciel étoilé de Van Gogh s’éparpille sur Paris et augure déjà la douce mélancolie d’une balade dans le cinéma du maître new-yorkais...
Mélanie Laurent sera la maîtresse de cérémonie du 64ème Festival International du Film de Cannes. La jeune actrice de 27 ans succèdera ainsi à Kristin Scott Thomas pour l’animation de l’évènement. Pour rappel, le festival se déroulera du 11 au 22 mai prochain sur la Croisette, avec pour président du jury un certain Robert de Niro….
Le marquis Cassel !
Vincent Cassel (Black Swan) devrait se glisser prochainement dans la peau du marquis de La Fayette dans un film en deux parties. L’acteur retrouverait pour l’occasion le réalisateur Jean-François Richet (Mesrine).En outre, on devrait retrouver Vincent Cassel à l’affiche du prochain film de David Cronenberg, A Dangerous Method.
Sophie Marceau & Gad Elmaleh
Premier clap pour Cloclo
BEAUVOIS ACTEUR
Le réalisateur de Des hommes et des dieux, Xavier Beauvois renoue avec le métier d’acteur pour Benoît Cohen (Nos enfants chéris).Il donnera la réplique à Mathilde Seigner dont il tombera éperdument amoureux dans A côté de la plaque adaptation d’un roman. Sixième long métrage pour le réalisateur et premier rôle principal pour l’acteur Beauvois.
Le tournage de Cloclo, biopic consacré à Claude François débute ces jours-ci à Paris et Jérémie Rénier prête ses traits au plus populaire des chanteurs. Casting parfait vu la ressemblance entre les deux hommes ! La réalisation a été confiée à Florent Emilio Siri (Nid de guêpes), qui retrouvera Benoît Magimel dans le rôle du fameux producteur Paul Lederman. La sortie en salles du film est prévue pour 2012.
SIENNA MILLER CHEZ BOUCHAREB
Les deux acteurs préférés des Français réunis à l’écran : Gad Elmaleh et Sophie Marceau joueront ensemble dans le prochain film de James Huth. Après Brice de Nice et Lucky Luke, le réalisateur s’attaque à un nouveau projet dont l’intrigue n’a pas été divulguée. Le tournage d’Un bonheur n’arrive jamais seul ne devrait débuter qu’en mai prochain en région parisienne. A suivre !
Rachid Bouchareb va réaliser un portrait de femme intitulé Just Like a Woman où Sienna Miller jouera le rôle-titre, Roschdy Zem fidèle du réalisateur fera parti du casting. Le film retrace le parcours d’une femme au foyer américaine qui se lance, à l’insu de ses proches, dans une compétition de danse du ventre à Las Vegas. Début du tournage le 13 juin prochain.
JEAN DUJARDIN EST MUET
Le film de science-fiction Blade Runner (1982) pourrait connaître une suite ou un prequel. Alcon Entertainment, une filiale de la Warner Bros., vient d’acquérir les droits de l’œuvre culte de la science-fiction. L’un des producteurs du futur Blade Runner a déclaré que l’aval de Ridley Scott au projet serait très important pour eux. Wait and see…
CARRIE INFIDELE
Sarah Jessica Parker va jouer les infidèles dans Married and Cheating réalisé par Raymond de Felitta (City Island). Elle y incarne l’épouse modèle qui pense trouver le bonheur grâce à des relations extraconjugales. Trois couples à la dérive en tout dans cette comédie romantique, genre dont Sarah Jessica Parker est une spécialiste. Pour l’heure le rôle du mari trompé n’a pas été trouvé…avis aux amateurs !
BLADE RUNNER
TOM HANKS, OTAGE HEROIQUE
BRIDGET JONES 3
Renee Zellweger, Colin Firth (fraîchement oscarisé pour le discours d’un roi) et Hugh Grant auraient signé pour un troisième volet des aventures de Bridget Jones. L’action devrait se situer à l’approche de la quarantaine, l’ex-célibattante londonienne songerait même à faire un enfant. Ses deux prétendants se disputeraient la paternité of course !
L’acteur Tom Hank tiendra le premier rôle d’un film inspiré de la prise d’otage du cargo américain Maersk-Alabama par des pirates somaliens en avril 2009. Il incarnera le capitaine du navire, Richard Phillips revenu aux Etats-Unis comme un héros pour s’être offert en otage en échange de la liberté de son équipage composé d’une vingtaine de marins. Le scénario devrait s’inspirer du livre de R. Philips, A Captain’s Duty dont les droits ont été acquis par Sony. Actus | 04 |
The Artist, réalisé par Michel Hazanavicius (0SS 117) sera en effet un film muet, en noir et blanc de surcroît ! A l’heure de la 3D et de la recherche de la prouesse technique le pari semble osé. Le réalisateur a choisi de reformer le duo à succès du premier épisode d’OSS 117, Jean Dujardin et Bérénice Bejo. Le film retracera le destin croisé de deux acteurs. Dujardin campera une star du muet qui ne réussit pas à s’adapter à l’arrivée du cinéma parlant, quant à sa partenaire elle incarnera une étoile montante de cette nouvelle discipline. Le tournage a eu lieu l’automne dernier à Los Angeles, il sera à l’affiche le 19 octobre prochain. Actus
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box-office TOP 5 FRANCE 2011 Rien à déclarer
7 761 322
Le discours d’un roi
2 413 000
Black Swan
2 292 698
Au-delà
1 905 094
LES FEMMES DU 6EME ETAGE
1 541 688
hell driver
critique
© Metropolitan FilmExport
Sortie en salles le 23 mars 2011 - Réalisé par Patrick Lussier Avec Nicolas Cage, Billy Burke, Amber Heard...Durée : 1h44 Distributeur : Metropolitan FilmExport Maître dans l’art de la poésie – Mortelle Saint Valentin n’était qu’un début – Patrick Lussier met en scène bagnoles, gros flingues et jolie fille avec autant de classe que de sobriété. Hell driver, c’est un peu le Boulevard de la mort du pauvre : images de synthèse en toc, décors de série Z, répliques pouilleuses, le tout sans direction assistée et sans humour. Si dans un premier temps on se plairait à s’arracher les deux yeux, on se dit finalement que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Le ridicule ne tue pas. Il nuit seulement à la santé mentale des spectateurs. Car, vous l’aurez compris, Hell driver repousse les limites du mauvais goût. Sous couvert d’une intrigue fumeuse (l’avènement de l’Enfer sur Terre), le réalisateur sort l’artillerie lourde. Les guitares se mettent à rugir dès que Nicolas Cage, tout en cuir, pose le talon de sa santiag par terre… Dans les bottes de Milton, il livre une prestation en tout point égale à celle de Ghost Rider et on peine à croire que la marionnette blonde à l’écran était un grand acteur dans une vie antérieure… Ava Cahen
revenge
D
DEVIL
© Universal Pictures
Sortie en salles le 20 avril 2011 - Réalisé par John Erick Dowdle Avec Chris Messina, Logan MarshallGreen, Jenny O’Hara...Durée : 1h20 Distributeur : Universal Pictures International France Bloquées dans un ascenseur, six personnes se retrouvent confrontées à un démon..Produit par Shyamalan, Devil est le premier volet d’une trilogie diabolique. Au vu de l’état de santé de la carrière du cinéaste, il a bien fait de laisser aux commandes le jeune John Dowdle puisque le huis clos aux accents fantastiques se révèle assez efficace. Devil pourrait être un épisode de Destination Finale mixé avec les Dix petits Nègres d’ Agatha Christie...L’atmosphère anxiogène due au confinement du cadre se double d’une noirceur permanente. Retourner dans l’ascenseur est toujours éprouvant et on se surprend a être effrayé et claustro a la fois ! Le jeu de cache-cache avec le démon est plutôt bien filmé et la séquence d’introduction malicieuse rappelle le second volet de l’Exorciste par Boorman. Hormis des personnages un poil lisses, ( le flic, le mexicain croyant, le militaire...) la pure série B révèle une bonne surprise sans respirer toutefois au-delà de ses ambitions... Romain Dubois
LA FILLE DU PUISATIER
©Pathé Distribution
© Equation
Sortie en salles le 20 avril 2011 - Réalisé par Daniel Auteuil Avec Kad Merad, Daniel Auteuil, Astrid Berges-Frisbey Durée : 1h31 Distributeur : Pathé Distribution Daniel Auteuil devait revenir aux sources de son parcours pour réaliser son premier film. C’est donc en toute logique Pagnol à qui il doit son éclosion cinématographique au plus haut niveau (Ugolin dans Jean de Florette et Manon des sources), qui l’inspire pour son passage à la réalisation. Il a choisi d’adapter La Fille du puisatier qui n’est sans doute pas l’œuvre la plus connue de Marcel Pagnol et reprend avec Kad Merad les rôles des anthologiques Raimu et Fernandel. Pagnol était déjà à l’époque le prétexte d’accusations – sans qu’elles soient forcément justifiées – de théâtre filmé. Il ne fait pas de doute qu’on réentendra ces accusations devant le film d’Auteuil. Elles apparaissent malheureusement bien plus légitimes, la distribution, à l’exception d’Auteuil, très juste, n’étant pas aussi inspirée et le lyrisme tombant à plat. Pourtant tout Pagnol s’y retrouve mais cela ne suffit pas à rendre indispensable ce film qui ne dépasse pas le stade de la jolie mise en images purement illustrative. David Speranski
rango Sortie en salles le 23 mars 2011 Réalisé par Gore Verbinski Avec Johnny Depp, Isla Fisher, Abigail Breslin... Durée : 1h40 Distributeur : Paramount Pictures France
L’AGENCE
© Universal Pictures
Sortie en salles le 23 mars 2011 - Réalisé par George Nolfi Avec Matt Damon, Emily Blunt, Michael Kelly...Durée : 1h47 Distributeur : Universal Pictures International France
A
Vous êtes fraîchement amoureux ou bien peut-être souhaitez vous enfin dévoiler vos sentiments à l’être cher ? Grâce à vous L’Agence obtient la moyenne. Pas très bien réalisé, écrit à la truelle, le premier film de George Nolfi avait tout pour nous faire rendre notre repas, mais par le charme de ses interprètes principaux (le couple Blunt/Damon qui fonctionne bien) et le potentiel romanticoscience-fictionnel de son sujet il laisse finalement, au milieu des gravats, une impression de sympathie naïve qui occupe l’esprit (et le cœur) quelque temps après la sortie de salle. Sorte de variation light et béate proche du joli Never Let Me go sorti il y a peu, L’Agence ressemble un peu à du Philip K.Dick (le film est d’ailleurs tiré de sa nouvelle Rajustement) réécrit par Marc Levy. A quoi bon ? C’est vrai qu’il y a de bien meilleures façons de profiter de la vie que de s’enfermer devant L’Agence mais si le destin néanmoins vous y contraint, nous vous souhaitons alors vivement pour éviter le naufrage de laisser filer votre indulgente barque sur les courants d’Eros. Nico Paal
lors qu’il mène sa vie sans histoire d’animal de compagnie, Rango, caméléon peu aventurier, est en pleine crise d’identité : à quoi bon avoir des ambitions quand tout ce qu’on vous demande, c’est de vous fondre dans la masse ? Un jour, Rango échoue par hasard dans la petite ville de Poussière, dans l’Ouest sauvage, où de sournoises créatures venues du désert font régner la terreur. Contre toute attente, notre caméléon, qui ne brille pas par son courage, comprend qu’il peut enfin se rendre utile…
JE N’AI RIEN OUBLIE
Critiques | 06 |
© © Paramount Pictures
© Rezo Films
Sortie en salles le 30 mars 2011 - Réalisé par Bruno Chiche Avec Gérard Depardieu, Alexandra Maria Lara, Niels Arestrup...Durée : 1h33 Distributeur : Studio 37/Rezo Films Frileuse adaptation du roman de Martin Suter, Je n’ai rien oublié ne parvient pas à donner chair à son sujet. Alzheimer n’est qu’un prétexte scénaristique dont Chiche se sert grossièrement pour nouer une intrigue catarrheuse et la forme du « thriller familial » contraint la réflexion sur la mémoire à habiter la toile de fond. Figé dans sa dramaturgie, ce huis clos classique souffre d’une réalisation à la banalité consternante. C’est de linge sale dont il s’agit et, pourtant, le metteur en scène ne se salit pas les mains. N’arrivant pas à imposer son rythme ni même son style, il ne peut parvenir à insuffler la vie à son récit et le mystère n’est pas de mise. Même les personnages, trop caricaturaux, dévoilent trop tôt leur jeu. Et s’il laisse passivement agir le talent de ses interprètes – facile quand à l’écran défilent Depardieu, Arestrup (toujours remarquable) ou Baye – qui portent le film à bout de bras, le réalisateur, malgré le casting flamboyant, s’efface tristement derrière leur étoffe. Ava Cahen
Dans tous ses films, Susanne Bier fait preuve d’un talent hors pair de directrice d’acteurs, d’un goût Sortie en salles le 16 mars 2011 raffiné pour les plans abstraits et d’un sens aigu du Réalisé par Susanne Bier mélodrame, partagé avec son coscénariste Anders Avec Mikael Persbrandt, Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen... Thomas Jensen. Elle ne déroge pas à la règle avec Durée : 1h53 Revenge (In a better world pour les Etats-Unis) où les Distributeur : Equation deux adolescents au centre du drame sont admirables de justesse, ainsi que les interprètes des parents. Elle semble reprendre les affaires là où elle les avait eux familles vivent dans une ville paisible du laissées avec After the wedding, où Mads Mikkelsen Danemark. Dans l’une, Christian, jeune adoles- s’occupait d’un orphelinat en Inde. cent, est durablement éprouvé par la disparition de sa mère et reproche à son père de n’avoir pas Cette ouverture sur l’extérieur permet à Susanne Bier su faire face à son agonie. Dans l’autre, Anton, médecin, de comparer les rapports à la violence selon les types se partage entre son travail dans un camp de réfugiés de sociétés et d’interroger le fondement de la nôtre. en Afrique et son foyer où il s’éloigne progressivement Cette violence, même sophistiquée et domestiquée, de sa femme et songe à divorcer. Leur fils, Elias, se fait entraînera les deux adolescents à commettre l’irréagresser par des camarades à l’école, jusqu’au jour où parable, sous l’influence de foyers dysfonctionnels et Christian prend sa défense… d’un Internet en libre accès. Loin de donner des leçons de morale, Susanne Bier nous plonge au cœur A côté de l’œuvre impressionnante et contestée de Lars du marasme humain qui peut générer des monstres, Von Trier, existe au sein du cinéma danois celle de Su- créatures qui ne sont jamais aussi effrayantes que sanne Bier, sensible et traversée par des interrogations sous l’apparence d’adolescents inoffensifs. Haneke graves et profondes sur la nature humaine. Produite ou le Gus Van Sant d’Elephant rôdent autour du film par LVT sous l’égide de Zentropa, Susanne Bier s’était mais Susanne Bier impose sa touche très personnelle déjà fait remarquer par le Dogme n°28, Open hearts, d’humanité et de poésie, par le biais de plans absun drame existentiel quasi-bergmanien et a su, depuis, traits qui nous relient à la beauté de l’univers. Golden monter en puissance, avec Brothers (dont Hollywood Globe du Meilleur film étranger, en lice pour l’Oscar, s’est inspiré pour le remake de Sheridan), After the Revenge témoigne pour nous aider à résister contre wedding, nommé aux Oscars en 2007 et Nos souve- la tentation du chaos. nirs brûlés, très joli film sur le travail de deuil avec Halle Berry et Benicio del Toro. David Speranski
Rango, un énième bestiaire animé ? Ces dernières années ont été riches en dessins animés anthropomorphes. L’âge de glace, La ferme se rebelle et autre Madagascar pour ne citer qu’eux. Difficile de renouveler le genre tellement tout semble déjà avoir été traité en long, en large et en travers. Du coup, on est forcément un peu méfiant lorsque l’on aperçoit une nouvelle bébête qui parle. Par chance, Rango échappe aux grosses ficelles
scénaristiques. Son seul don est celui de la pantomime. Fin imitateur, interprète de génie et conteur très adroit, de quoi passer le temps dans son terrarium. Mais Rango va se retrouver confronter à la vie sauvage, la vraie. Le Wild West tel qu’on l’imagine avec ses étendues de sable à perte de vue, son soleil de plomb, sa ville fantôme et ses éclopés. Un bel hommage aux films de genre, truffé de références intelligentes et drôles. Loin des paillettes et couleurs gaies de l’animation classique, le film se pare d’une impolitesse réjouissante pour flirter avec le western-spaghetti et joue dans la catégorie des irrévérencieux. Anti-héros en pleine quête identitaire, ce lézard peureux va devoir se la jouer Shérif téméraire afin de sauver la ville d’une coupure d’eau inexpliquée. Moins linéaire que présumée, la narration s’en sort assez bien en termes d’imprévus et si le film s’engouffre à certaines reprises dans un trop-plein de bavardages, on se laisse finalement attendrir par ces petites bêtes disgracieuses à la répartie bien franche. Premier long-métrage d’animation pour Gore «Pirates des Caraïbes» Verbinski, Rango supporte bien le style nerveux du réalisateur : toujours en effervescence, le film confirme du même coup le côté caméléon de l’acteur Johnny Depp qui prête sa voix aux héros et semble définitivement capable d’enfiler n’importe quel costume. Clémence Besset
Critiques | 07 |
© Paramount Pictures
critique pina
HARRISON FORD : l’homme aux mille visages
Boucle d’oreille et chaussette jaune, Harrison Ford, décontracté, s’est prêté au jeu des questions/réponses. A l’occasion de la sortie de Morning Glory, l’acteur nous confie toute son estime du métier de comédien. D’Indiana Jones à Working girl, en passant par Blade Runner, Ford a endossé tous les costumes. Focus sur la carrière d’un aventurier, bien loin de prendre sa retraite.
Mais alors qui est vraiment Mike Pomeroy ? Je pense qu’on le découvre vraiment
Je sais bien que je suis devenu plus vieux, je ne vais pas prétendre le contraire… Il y a des rôles pour les jeunes acteurs et des rôles pour des gens comme moi, c’est assez équilibré. Je suis très heureux de pouvoir interpréter des personnages que je n’aurais pas eu l’occasion de camper avant. J’aime continuer à faire des films. C’est agréable de se sentir encore utile. N’empêche que vous finissez toujours par tomber la fille… Vous n’êtes pas las du métier ? Pas du tout. J’adore jouer ! C’est à chaque
MORNING GLORY
Sortie en salles le 6 avril 2011 - Réalisé par Roger Michell Avec Harrison Ford, Rachel McAdams, Diane Keaton..Durée : 1h42 Distributeur : Paramount Pictures France
B
ecky Fuller est une jeune femme ambitieuse. Engagée par une chaine de télé vision pour rehausser l’audimat de « Daybreak », la matinale la moins regardée du pays, elle découvre l’envers du décor. Voilà enfin une comédie qui s’assume comme telle ! Morning Glory a tout du rayon de soleil : un casting brillant, une mise en scène pétillante et un scénario gracieux. Roger Michell, entouré de pointures comme J.J Abrams et Aline Brosh McKenna (la scénariste du Diable s’habille en Prada), réalise ici un come back détonnant. Avec Morning Glory, le réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill tient le ton juste du début à la fin. Entre les quiproquos, les élans lyriques et le tumulte amoureux, le joyeux bordel prend forme et les sentiments honteux côtoient les situations les plus cocasses. La recette de Morning Glory est infaillible. D’une part, l’intrigue n’est pas en carton et, d’autre part, la psychologie des personnages est aboutie. Les stars défilent sous l’objectif du réalisateur et offrent de véritables performances. Rachel Macadams, premier rôle du film, aborde le personnage de Becky Fuller avec beaucoup d’humilité et de naturel. Au cœur de la mécanique comique, elle est suivie de près par une caméra agile qui capture justement sa vulnérabilité. Mais la palme revient surtout au duo Keaton-Ford,
© Paramount Pictures
fois une expérience très excitante. J’apprécie le travail d’équipe. Vous savez, c’est un métier fascinant. Vous devez vous servir de votre propre compréhension de la nature humaine et l’incarner, la reproduire pour que l’émotion naisse. Dans le film, Mike est un homme en colère. J’ai déjà été en colère, mais pas pour les mêmes raisons que le personnage. Comme lui, j’ai été déçu, j’ai été ému, toutes ces choses là servent de matériau. Les dialogues sonnent très juste et nous voudrions que vos échanges avec Diane Keaton durent éternellement. Faisiez-vous durer le plaisir hors caméra ? Non, Diane est trop délicieuse…Quand le réalisateur dit « coupez », nous reprenons le dessus sur nos personnages. Un peu comme une lumière qu’on allume et qu’on éteint sur commande. On s’est amusés pendant la prise, la récréation est finie. Nous sommes des machines bien huilées… Tout est une question d’entrainement.
©Les films du Losange
Etes-vous satisfait des rôles qu’on vous propose aujourd’hui ?
L
Propos recueillis par Ava Cahen
Nico Paal
Il ne s’en sort pas plus mal que Ferrara ou Lynch qui n’avaient pas signé leurs meilleurs films Sortie en salles: 13 avril 2011 avec le même type d’approche. Car ce métaRéalisé par Monte Hellman cinéma est souvent prétexte à un exercice de Avec Shannyn Sossamon, Tygh Runyan, Dominique style qui empêche de traiter une véritable inSwain, Cliff de Young. trigue et à des considérations du réalisateur sur Durée: 2h01. Distributeur: Capricci Films. l’exercice de son métier. On peut par exemple ici entendre que « tout est affaire de casting » et que « l’essentiel pour un acteur consiste à ne our tenir un rôle inspiré d’un fait divers pas jouer ». ténébreux, un cinéaste indépendant engage une actrice qui le fascine au point Pourtant il y avait matière pour développer d’en tomber amoureux. Mais il ne se doute pas une intrigue de machination criminelle puisque ce choix va le conduire vers une affaire crique le personnage de Laurel Graham, l’actrice minelle, reflet de l’inspiration de son film. engagée, et celui de Velma Duran, la femme assassinée du fait divers, se confondent étranFilm sur le cinéma et la manière dont il peut gement dans le passé. Monte Hellman a choisi influencer nos vies, Road to nowhere, Lion d’or de la raconter à la manière d’un puzzle où les spécial à la Mostra de Venise 2010, s’apparente spectateurs seraient obligés de voir le film au à un genre en soi du cinéma, les films de mise moins deux fois pour raccorder entre eux les en abyme, qu’on pourrait qualifier de méta-cimorceaux de l’intrigue. On peut apprécier cette néma. Les exemples sont nombreux, des Enintention de contamination de la fiction par la sorcelés de Minnelli à Huit et demi de Fellini. Il réalité mais également la trouver un peu vaine, rappelle assez dans ce style l’œuvre d’Abel Ferréussie uniquement par bribes, dans quelques rara Snake eyes avec Harvey Keitel et Madonna, belles séquences surréalistes : une brune favoire les films récents de David Lynch (bien datale avec un sèche-cheveux dans un moment vantage Inland Empire que Mulholland Drive), de temps suspendu, un avion qui tombe à pic où on en arrivait à ne plus savoir où finissait la dans un lac, des répétitions de scène assez drôréalité et où commençait la fiction. les... Mais demeure surtout la fascination pour un visage de femme, celui de Shannyn SossaMonte Hellman, le réalisateur mythique de Mamon (les Lois de l’attraction), sur lequel se clôt cadam à deux voies et The Shooting, a courale film, énigme restée à jamais ouverte. geusement choisi ce sujet pour son retour au cinéma plus de vingt ans après son dernier film. David Speranski
P
éblouissants dans leur costume de star de télévision déclinante. Elle incarne Colleen Peek, la diva du matin. Il est Mike Pomeroy, « le 3ème pire grincheux du monde » aux chaussettes bariolées. Et pourtant, Becky Fuller veut les réunir à l’écran... S’il met de côté son lasso et son chapeau, Harrison Ford ne raccroche pas les gants. Pour notre plus grand plaisir, il joue la carte de l’humour et de l’autodérision, interprétant sûrement le plus charmant des « grumpy ». On ne se lasse pas de ses échanges vifs et sardoniques avec Diane Keaton, ni de voir cette dernière, héroïne de cœur des films de Woody Allen, dans une comédie à la mesure de son talent. Ava Cahen
Interview | 08 |
ces antérieures ; Pina appréhendait certainement les existences extérieures par le caractère essentiel des éléments. Il faut remonter plus loin encore et se souvenir avoir été caillou. Là, c’est un peu de souvenir de lune, de poussière d’esclave, un peu aussi du rire de l’eau… Orphée était le poète ma-
ROAD TO NOWHERE
© Capricci Films
Harrison Ford : Oui, c’est quelque chose que j’ai moi-même suggéré. Je pense que les costumes sont, en règle générale, un aspect très important des personnages. Ils ne définissent pas seulement l’allure ou l’appartenance sociale, ils donnent au public des informations très visuelles qui lui permettent de cerner rapidement le type. On pourrait dire que c’est une façon économique de le caractériser. Ce que j’ai essayé de montrer à travers les chaussettes, c’est qu’il y a quelque chose que vous ne savez pas sur Mike…il y a un secret ! Peutêtre qu’il est, après tout, lui aussi un clown parmi les clowns…
lorsqu’on rentre dans son appartement. On se rend compte de ce qui est vrai pour lui et de ce qui n’est que foutaises. Cette scène définît bien la complexité de Mike. La colère du personnage se manifeste sous plusieurs angles. Ce n’est pas tellement la télévision qui est dans sa ligne de mire. Ce sont ses fêlures qui lui font violence. Il est seul, frustré, …c’est un homme fragile.
© Paramount Pictures
Clap! : Mike Pomeroy est un personnage sec et dominateur. Il est le « 3ème pire grincheux du monde ». Pourtant, il porte des chaussettes multicolores qui rompent avec son image. Peut-on y voir le signe d’une fantaisie latente ? Est-ce votre choix ou celui de l’accessoiriste ?
gique, celui qui maitrisait les éléments et Wenders s’inscrit cinématographiquement dans cette Sortie en salles le 6 avril 2011 tradition, dans cet héritage d’une surnature. Il lui Réalisé par Wim Wenders faut aller chercher Pina de l’autre côté du miroir, Avec Pina Bausch... dans la turgescence de ses danseurs où semble Durée : 1h40 encore couler son sang. Comme Orphée, il est Distributeur : Les films du Losange l’enchanteur d’un film solaire. Il ne pouvait alors réaliser cette initiation qu’en trois dimensions ; a vie est violente, dans la joie comme dans déjouer encore l’aplanissement mortuaire. la solitude. Communiquer c’est arriver à un point de croisement entre deux perceptions Mais le vivant par définition est éphémère et le de cette violence, c’est l’harmoniser pour mieux spectacle vivant, du même coup, ne peut l’être la partager et, finalement, par le mouvement que par la précarité de son existence. C’est la de l’esprit, c’est déjouer le calme spécieux de la première des limites. La seconde c’est l’éternelle mort. C’est l’histoire, entre autres, d’un extrater- injonction de ne pas se retourner, l’impossibilité restre sympathique et d’un robot barbare qui se du retour sur le passé. En dessinant un visage de retrouvent dans les transports en commun. Au- Pina Bausch elle n’appartient plus, le temps d’un delà des mots, dans la marge, Wenders se fait le film, au monde des morts. Mais la tentation est peintre d’un monde d’impressions et dessine un trop grande de se retourner et fatalement il faut visage de Pina Bausch. A mi-chemin entre le pri- que les rideaux se referment et que le spectamitif et l’abstrait, c’est un combat contre le temps, cle se termine. En étant vu sans pouvoir voir en rien d’étonnant, il s’agit de faire d’un portrait de la retour, aussi profondément incarnée soit-elle, morte, l’éloge du spectacle vivant. Aller contre le sur le fini d’une toile et malgré les propositions temps. Retrouver le paradis perdu, le Tout. Effacer Pina ne peut plus exister qu’à moitié. Il faut bien quelques éblouissantes écorchures de l’invisible, l’empreinte de l’ange. sinon du supravisible, pour se replacer à la fronPythagore prétendait se rappeler de ses existen- tière, là où tout est encore possible.
Critiques | 09 |
© SND
HOMBRE Sortie en salles : 20 avril 2011 Réalisé par : Martin Ritt Avec : Paul Newman, Fredric March, Richard Boone… Distributeur : Flash Pictures - Durée : 1h51
U
© Flash Pictures
n indien métis, policier dans sa réserve, revient parmi les blancs. Il prend une diligence qui se fait attaquer par des bandits. Très vite, il va devoir s’occuper des passagers et de leur survie. Le monde est plein de contrariétés. Chez Sartre, « l’enfer, c’est les autres ». Et les autres, comme pour ne pas le contredire, l’ont souvent mal interprété. Plus véritablement, l’enfer, c’est soi-même. Et depuis notre enfer il faut dealer avec l’enfer des autres. D’où la nécessité de bien s’entourer. Ritt est un peintre de la nature humaine mais la nature humaine ce n’est pas la Nature. Dans la nature il n’y a pas de bien ni de mal et les indiens ont toujours été plus proches de la nature que le blanc. Hombre est entre les deux, blanc de nature mais indien d’adoption, il est plus proche donc de la nature que de l’enfer. Du même coup, un peu plus loin des autres aussi. La distance, chez l’homme, a cela de bon qu’elle apaise autant qu’elle autorise le rapprochement sans pour autant l’y contraindre. Une espèce envahisCritiques | 10 |
Sortie en salles le 30 mars 2011 - Réalisé par Alain Tixier Avec Sandrine Bonnaire, Emmanuel Curtil, Claudine Andre...Durée : 1h30 Distributeur : SND
© SND
D
écouvert il y a presque deux ans avec Moon (une perle de science-fiction spatiale), Duncan Jones devait inévitablement se confronter au dangereux obstacle que constitue le second long-métrage dans la carrière d’un jeune réalisateur. Pour démontrer que son premier coup d’essai n’était pas un coup de bol, le fils de David Bowie repart au front avec un mélange de Code Quantum, Un Jour sans fin, La Jetée et Déjà vu : par l’entremise d’un projet expérimental de l’armée, un soldat se retrouve plongé dans le corps de la victime d’un attentat ferroviaire qu’il revit encore et encore par tranche de huit minutes. Sa mission : identifier au plus vite le responsable qui menace de réitérer son exploit sur la ville de Chicago. D’apparence plus grand public et artistiquement modeste,
Si les personnages sont archétypaux c’est que le cinéma de Ritt est aussi progressiste que primitif. Dans le western, Boetticher est le maître de l’épure. Ritt efface moins la richesse psychologique de ses personnages, au contraire, la cultivant précieusement il signe ce qui restera, aux côtés des très beaux L’Homme sans frontière et Seuls sont les indomptés, un des westerns les plus humains du genre. Superbe photo, interprétation magistrale, atmosphère hypnotique… le style de Ritt se conjugue à merveille avec la thématique fertile du récit. « C’était un homme dur, on l’appelait Hombre » et l’on ne saurait que vous conseiller, dans une salle obscure sinon jusque dans la lumière du jour, de croiser son chemin. Nico Paal
Après les expéditions en terrain gelé, Jean Pierre Bailly, producteur de Loup, nous fait voyager au cœur la jungle congolaise, misant sur une nouvelle bête à poil, Beni le bonobo. Capturé par des braconniers, Beni semble condamné. Mais Claudine André, membre active de la défense des grands singes, va sortir l’orphelin des griffes de l’enfer… Afin de sensibiliser le jeune public à la cause de cette espèce menacée, Alain Tixier, le réalisateur, multiplie les plans émouvants et tout est gentiment orchestré pour tirer la larme à l’œil. Il faut avouer, cela dit, que même un cœur de pierre ne pourrait résister au charme des bonobos… Plus humains que les humains, ils nous ravissent tant qu’on en oublierait presque de parler du reste, notamment d’une narration en voix off dramatiquement mièvre. Dommage, le sujet était en substance suffisamment riche pour ne pas avoir à rajouter de miel par dessus. Mais l’ambition grand public de Tixier et son producteur finit par grignoter les informations et cloitrer le récit entre les murs de la fiction. Ava Cahen
THE COMPANY MEN Sortie en salles le 30 mars 2011 - Réalisé par John Wells Avec Tommy Lee Jones, Ben Affleck, Chris Cooper...Durée : 1h52 Distributeur : Gaumont Distribution
Julien Munoz
sante comme la taxifolia est réputée pour sa nocivité sur la faune avoisinante ; le blanc, certainement plus siphonné que certains de ses «comfratriotes», est assez susceptible de développer, comme il l’a prouvé dans l’histoire, la même capacité toxique que ces ulvophycées de structure identique. Dès lors, à l’indien d’éviter le blanc. Mais parfois le destin s’acharne. Rester droit. Rester souple. En toutes circonstances… c’est la technique du bambou. Hombre est un hommebambou, un homme de paix qui, forcément, maîtrise l’art de la guerre ; et quoi de mieux pour le faire plier qu’une femme-cyclone.
Sortie en salles le 30 mars 2011 - Réalisé par John Whitesell Avec Martin Lawrence, Brandon T. Jackson, Jessica Lucas...Durée : 1h47 Distributeur : Twentieth Century Fox France Big Mamma troisième du nom, c’ est un peu un Sister Act 2 sans Whoopi Goldberg. Nous avons les adolescents talentueux mais perturbateurs, l’arrivée d’une personne étrangère à l’école qui va les remettre dans les rails et puis, et puis, c’est tout. John Whitesell, auteur de chefs-d’œuvre comme Voisin contre Voisin (2007) ou encore Le rappeur de Malibu (2002), délaisse l’aspect social pour des raccourcis plus gros que son héroïne principale. Du coup, le rappeur rêve de devenir Jay Z, la chanteuse se prend pour Alicia Keys et l’actrice ne jure que dans le talent de Sandra Bullock…Après vérifications, non, les scénaristes Don Rhymer et Matthew Fogel ne sont pas des adolescents prépubères avec une frange à la Justin Bieber, juste des adultes en panne d’inspiration. Du coup, Martin Lawrence passe pour un has-been tandis que Brandon T. Jackson, pourtant très bon dans Tonnerre sous les tropiques dans le rôle d’Alpa Chino, ne parvient pas à relever les tentatives de ressorts comiques du film. Au final, aller voir un film comme Big Mamma : de père en fils au cinéma, c’est un peu comme commander un deuxième hamburger dans un fast-food américain : On sait que l’on commande du lourd et du gras, mais l’on est quand même écœuré après la dernière bouchée… Victor Vogt
BONOBOS
© Gaumont Distribution
Un soldat fait un voyage dans le temps hors du commun. Il se retrouve passager d’un train inconnu à devoir revivre sans cesse, comme une journée sans fin, un attentat visant ce convoi.
Manipulation de la vérité et exploitation de l’Homme sont donc au centre d’un suspense métronomique basé sur la répétition détournée d’une même situation dramatique faisant avancer la progression de l’enquête… et ses véritables enjeux humains. Car sous les dictats de son récit policier progressant en ligne droite, Source Code révèle un cœur qui a ses raisons que la raison ignore. Malgré une romance impossible - artificiellement amenée - entre le héros et une morte n’étant plus que l’incarnation d’une mémoire résiduelle, Duncan Jones réussit à donner de la matière à ses personnages. Grâce à des comédiens impeccables (Jake Gyllenhaal plus convaincant que dans Prince of Persia), le metteur en scène émeut dans un final qui se refuse à la fatalité soumise de la réalité. En démontrant que l’argument fantastique du récit n’est pas qu’un simple gimmick vide de matière le film débouche finalement sur une réflexion inattendue de type « et si c’était possible », d’un optimisme bienvenu.
Sur le papier, The Company men avait tout pour plaire : un casting impressionnant, un cinéaste qui a fait ses armes en tant qu’auteur et producteur de la série médicale Urgences, un chef-opérateur habitué des plateaux des frères Coen, un sujet fort et terriblement actuel (le chômage face à la course au profit)… Hélas, difficile à admettre, mais la sauce ne prend pas. John Wells, nourri par les anecdotes de ses proches, pose beaucoup de questions, donne peu de réponses. Le registre du film choral lui permet d’entremêler les parcours de quatre hommes issus de générations et de milieux différents, mais animés par le même désir de réussite et l’idée qu’une profession définit un individu. Si les acteurs sont tous excellents, on regrette déjà que les personnages féminins soient relégués au second plan. Certes, le titre annonçait la couleur… Ajoutez à cela une musique pesante qui va dans le sens de ce mélo cynique au rythme distendu et vous vous retrouvez avec trente minutes de trop et un film convenu qui manque d’âme et de révolte. Ariane Picoche
CHEZ GINO
Sortie en salles le 30 mars 2011 - Réalisé par Samuel Benchetrit Avec José Garcia, Anna Mouglalis, Samuel Benchetrit...Durée : 1h42 Distributeur : Mars Distribution
© Mars Distribution
Sortie en salles le 20 avril 2011 Réalisé par Duncan Jones Avec Jake Gyllenhaal, Vera Farmiga, Michelle Monaghan... Durée : 1h35 Distributeur : SND
ce thriller techno-temporel n’en demeure pas moins un exercice de style rondement mené qui derrière les apparences d’un divertissement carré et sans personnalité, cache une ingénieuse prolongation des thématiques abordées dans Moon. Un auteur est né.
Ça commence comme une mauvaise publicité pour une pizzeria. Gino et Simone ont fait appel à Stern pour réaliser un film institutionnel. Une mise en abyme du cinéma donc, qui ne s’arrêtera pas là puisque pour prouver à son oncle italien qu’il règne en parfait parrain à Bruxelles, Gino commande à Stern un faux documentaire. Et c’est là que Benchetrit s’est fait plaisir! Avec une équipe de bras cassés pour le tournage et un personnage de réalisateur raté, il trouve ici l’occasion de revendiquer un cinéma bricolé. À l’image de Be Kind Rewind, Chez Gino a ce charme désuet du kitsch à la fois dans sa mise en abyme et jusque dans sa forme. Aidé d’un Garcia au top de sa forme en mafieux empoté, le film s’auto pastiche néanmoins très rapidement. La fidélité de Benchetrit pour ses acteurs lui joue ici des tours. À commencer par Anna Mouglalis dont le couple avec Garcia a bien du mal à trouver une assise plausible. Petite déception donc, même si l’on rit de bon cœur à plusieurs reprises, pour un réalisateur dont on attendait finalement un peu plus. Clémence Besset
NUMERO QUATRE
Sortie en salles le 6 avril 2011 - Réalisé par D.J. Caruso Avec Alex Pettyfer, Dianna Agron, Timothy Olyphant...Durée : 1h44 Distributeur : The Walt Disney Company France
©Walt Disney Company
SOURCE CODE
© Twentieth century fox
BIG MAMMA : de père en fils
Shyamalan, dans Le dernier maître de l’air, divisait les personnages par l’habit, nouant le tissu à l’humeur. Ici, Caruso va plus loin. C’est le physique qui détermine la caste et la portée du destin. Il est vrai qu’Alex Pettyfer, dans son genre, se défend; mais si le but est de se rassasier de jolis minois, on repassera. Autour d’un distinguo lamentable (les gentils sont beaux, les méchants sont laids), la mise en scène vomit son manichéisme poussif et sa candeur des grands jours dans un mélange de mauvais effets spéciaux et de vilaines cascades. Le fantastique, ici, est un grossier prétexte, un moyen de jouer des slow-motion et de sortir les gros flingues. De tous les genres et de tous les codes – surtout les plus ringards – le dernier long-métrage racoleur de D.J. Caruso remporte haut la main l’oscar de la fiction la plus vaine. Une histoire qui ne vaut rien, des acteurs pétrifiants à force de médiocrité, une photographie pas nette…Numéro Quatre ne fait décidément rien comme il faut. Ava Cahen Critiques | 11 |
DOSSIER
MEDEE MIRACLE
© Baba Yaga Films
Sortie en salles le 30 mars 2011 - Réalisé par Tonino de Bernardi Avec Isabelle Hupert, Tommaso Ragno, Maria de Medeiros...Durée : 1h23 Distributeur : Baba Yaga Films On connaît la fascination d’Isabelle Huppert pour le mythe grec de Médée qu’elle a déjà interprétée au théâtre, sous la direction de Jacques Lasalle. La version qu’en donne Tonino de Bernardi paraît d’abord assez surprenante, à défaut d’être très féconde. Le film consiste en fait en des saynètes quelque peu disjointes sur Isabelle Huppert en chanteuse de cabaret, le tout soigneusement découpé en chapitres et encadré par des intertitres blanc sur noir, très godardiens, mais n’est pas (mal)heureusement Godard qui veut. En effet, la narration volontairement distanciée et désincarnée ne nous permet pas d’adhérer au drame de cette femme, étrangère à la France et au monde, et nous laisse peu réceptifs à son souhait soudain de rédemption. Le rythme atone et l’absence de charme général du récit, à l’opposé du hiératisme singulier de la Médée de Pasolini, ne laissent pas la possibilité de croire à cette parabole. Autant l’on peut être favorable à un cinéma d’art et d’essai, autant parfois l’essai l’emporte de manière préjudiciable sur l’art. David Speranski
MR NICE
© UFO Distribution
Sortie en salles le 13 avril 2011 - Réalisé par Bernard Rose Avec Rhys Ifans, Chloë Sevigny, David Thewlis...Durée : 2h01 Distributeur : UFO Distribution Bernard Rose s’était surtout signalé par la réalisation de clips et d’un grand succès du film fantastique, Candyman, avant de se spécialiser dans les biopics et les adaptations littéraires. Dans son nouveau film, il réconcilie un peu les deux tendances de son travail, l’orientation moderne et déjantée et le biopic de personnalités marquantes de la culture, ou plutôt de la contre-culture dans le cas d’ Howard “Mr Nice” Marks qui nous occupe ici. Rhys Ifans campe avec charme et décontraction cet escroc désinvolte qui se laissera dépasser avec plaisir par les événements en se retrouvant rapidement à la tête du plus grand trafic de marijuana de l’époque en Europe. En dépit des qualités incontestables du film, on peut s’interroger sur l’absence (volontaire?) de point de vue sur ce contrebandier non violent, usant de l’humour comme instrument de persuasion et amené à donner des spectacles à la fin de sa vie, se trouvant en perpétuelle représentation, comme Bronson de Nicholas Winding Refn. David Speranski
LA PROIE
© Studio Canal
Sortie en salles le 13 avril 2011 - Réalisé par Eric Valette Avec Albert Dupontel, Alice Taglioni, Sergi Lopez...Durée : 1h42 Distributeur : Studio Canal Quand les français essaient de faire aussi bien que les américains dans le registre du thriller, ça donne souvent un résultat proche de la parodie. On rigole beaucoup, on angoisse très peu. C’est un peu ce qu’il se passe avec La Proie. Pourtant, on avait envie de croire en Valette qui nous avait bluffés avec Maléfique, tout comme on avait une entière confiance en Dupontel. Mais l’alchimie entre le réalisateur, l’acteur et les seconds rôles ne prend à aucun moment. La faute au scénario, grotesque et déjà vu (un braqueur s’échappe de prison pour sauver sa fille des griffes d’un pédophile qui a partagé sa cellule), bien que bourré de références au cinéma américain ; Le Fugitif en tête, puisque l’histoire de La Proie nous force à suivre un Dupontel monté sur ressort, mais aussi Le silence des agneaux pour ce qui reste peut-être la scène la plus (involontairement) hilarante du film, ou encore Terminator (oui, oui) voire Scarface. Verdict ? Eric Valette s’est fait plaisir, Dupontel a payé son loyer et nous on s’est ennuyé. Marie-Aurélie Graff
DETECTIVE DEE : LE MYSTERE DE LA FLAMME FANTOME
© Le Pacte
Sortie en salles le 20 avril 2011 - Réalisé par Tsui Hark Avec Andy Lau, Bingbing Li, Chao Deng... Durée : 2h02 Distributeur : Le Pacte On savait le maître un peu fatigué, on aurait espéré un réveil plus franc. Si l’aventure est assez palpitante, le mystère de la flamme fantôme néanmoins déçoit ; la faute à une ambition peut-être trop importante sinon à une magie placebo. Avec ses personnages attachants bien qu’un peu caricaturaux (Andy Lau en tête dans une composition aussi pétillante qu’un bon Wong Fei-hung) et une intrigue riche, malgré quelques défauts, le film retient efficacement l’attention jusqu’à une dernière demi-heure plombée par un déluge d’effets visuels qui font mal aux yeux. C’est le gros défaut du film, là où d’autres Wu Xia Pian plus mesurés opéraient à merveille, Detective Dee, par son embonpoint numérique mal fignolé et jusque dans son scénario, annihile toute potentialité magique et le charme, infailliblement, n’opère pas. Une déception, jusque dans les chorégraphies très artificielles d’un Sammo Hung qui nous avait habitués à mieux. Nico Paal
LE FLINGUEUR
© Metropolitan FilmExport
Sortie en salles le 6 avril 2011 - Réalisé par Simon West Avec Jason Statham, Ben Foster, Donald Sutherland...Durée : 1h32 - Distributeur : Metropolitan FilmExport
Remake du film homonyme de Michael Winner avec Charles Bronson, Le Flingueur est sans doute moins une efficace remise à niveau d’un petit actionner made in 70’, qu’un pur produit de consommation rapide au service de sa vedette Jason Statham. Au niveau du script presque rien ne change : il y est toujours question d’un tueur professionnel qui, las d’une vie solitaire, accepte d’engager un apprenti qui n’est autre que le fils de sa dernière victime. Mais l’ambiguïté des rapports entre les deux hommes et le pessimisme sous-jacent de l’original et de son époque ont tôt fait d’être policés pour mieux rentrer dans le moule aseptisé de la production moderne. Rigide, déjà-vu et dénué de la moindre prise de risques, le résultat final vient se caler gentiment entre deux autres opus de la filmographie du héros des Transporteur, sans se distinguer outre mesure. Au risque de tomber dans la prose passéiste de vieux grincheux, on affirmera sans sourciller que Le Flingueur, c’était mieux a vant. Julien Munoz Critiques | 12 |
SUCKER PUNCH Snyder se déchaine Dossier | 13 |
SUCKER PUNCH :
LE CINEMA APPARTIENT AUX FEMMES Le « revenge movie » est toujours plus sexy lorsqu’il s’écrit au féminin. En France, on se souviendra de La mariée était en noir sorti en 1968, de François Truffaut avec une séduisante et fatale Jeanne Moreau, précurseur d’une vague de films qui allait prospérer. par Nico Paal
‘‘ Pourquoi Snyder me fascine ? ’’
Talal Selhami est un jeune cinéaste français, à qui l’on doit le prometteur Mirages, sélectionné a Gerardmer cette année. En plus d’être auteur, il est également cinéphile et expert en films de genre dont il se fait le chantre du renouveau en France et au Maroc. Pour Clap!, il a accepté de nous faire part de ses convictions au sujet de Snyder, figure hautement polémique alors qu’il n’a mis en scène que quatre films !
« Plus que quinze jours (à l’heure où j’écris ces lignes) avant la sortie de Sucker Punch de Zack Snyder. D’ici là j’ai encore le temps de me repasser la fascinante bande annonce du film en boucle. Car si je piaffe d’impatience à l’idée de voir Sucker Punch, en dehors du fait qu’il s’agit là du nouveau film de Snyder, c’est aussi parce que c’est là le premier scénario original du réalisateur (fait rare aujourd’hui dans les grosses productions hollywoodiennes). Après le malheureux échec au Box-Office du magnifique Watchmen et le succès en demi-teinte du très sympathique Royaume de GaHoole, le moins que l’on puisse dire, c’est que Snyder mise gros avec Sucker Punch. Le réalisateur sait se mettre en danger et c’est ce qui me séduit chez ce type. Il ne cède jamais à la facilité, il choisit ses sujets avec passion, chacun des ses films sont de vrais challenges techniques et il est l’un des rares à imposer ses choix artistiques aux Majors (il a obtenu une quasi « carte blanche » coup sur coup pour Watchmen et Sucker Punch). Dans un système hollywoodien où le réalisateur est un technicien au service du film, Snyder, à la manière d’un Steven Spielberg ou d’un Peter Jackson sait définitivement tirer son épingle du jeu pour faire LE film de ses fantasmes.
LA CULTURE POPULAIRE Il est à mon sens un des rares réalisateurs modernes à avoir compris et digéré le meilleur de la culture populaire. Certains déplorent que ses
films ressemblent à des cinématiques propres aux jeux vidéo. C’est exactement le cas. Le jeu vidéo est aujourd’hui un art et Snyder s’en inspire, tout comme il pourrait s’inspirer d’une peinture du Caravage. On ne peut pas reprocher à un cinéaste de vivre dans son époque ! Ce sont certainement ce genre de parti pris forts, mais néanmoins assumés qui font que Snyder déchaine les passions. Ses films sont souvent politiquement incorrects, et véhiculent des idées bien arrêtées sur notre société (même s’il répète tout le temps qu’il fait de « l’entertainment » avant tout) et malgré tout son cinéma reste fascinant. Alors oui, le monsieur ne se cache pas d’être un bon Républicain, oui, il est va-t-en-guerre, non, il ne cache pas non plus son amour pour les armes (il est membre de la N.R.A., comme son ami et père spirituel John Milius...).
UN REALISATEUR DANGEREUX ? Est-il pour autant un réalisateur dangereux ? Personnellement, le cinéphile en moi préfère voir le film d’un cinéaste qui a des choses à défendre et qui a des convictions, même si je ne suis pas du tout d’accord avec lui, plutôt que le film d’un simple exécutant qui n’a aucun point de vue sur notre société même si celui-ci m’offre un beau et gros spectacle. Ce n’est pas pour autant que je vais adhérer à ses idéaux extrêmes les yeux fermés. Même s’il est indéniable que cela participe à la force de son cinéma, il n’est pas question que de politique dans le cinéma de Snyder. En plus de graver ses intentions sur la péloche, il sait donner une âme à ses oeuvres. Je retrouve Dossier | 14 |
par Talal Selhami chez Snyder quelque chose qui m’a toujours fasciné chez Sergio Leone : l’incarnation de l’aura de ses personnages. Une iconisation juste qui va transcender mon empathie (Snyder est fasciné par le mythe du surhomme et cela se voit). Les univers dans lesquels ils évoluent ne sont jamais réalistes, jamais facilement accessibles pour le grand public et pourtant ça marche eton y croit à tous les coups! 300 et Watchmen en sont de parfaits exemples. Le réalisateur ne se contente pas uniquement d’animer des cases de BD. Il sait choisir ses comédiens, il sait surtout les diriger. C’est aussi ça la force d’un bon réalisateur.
UN TRAVAIL EXPERIMENTAL J’ai toujours perçu son rapport à l’image comme un travail expérimental. Une recherche visuelle en constante gestation qui a pour but de servir l’intensité dramatique d’une séquence. Contrairement à ce que l’on entend souvent, je suis persuadé que sa technique est complètement au service de ses histoires. Ses fameux ralentis ne sont jamais gratuits. Ils s’intègrent parfaitement à l’histoire et s’inscrivent dans cette logique cathartique de mieux percevoir cette violence qui le fascine tant. Cela afin de mieux le rendre à ses spectateurs. Encore faut-il que le spectateur soit demandeur… En ce sens Snyder est également pour moi un réalisateur généreux, peut être même trop. C’est probablement cet excès de générosité, qui est pris pour de la surenchère, qui rebute ses détracteurs. En seulement cinq films, Snyder a démontré qu’il savait créer un univers, et un style propre : un auteur est né. Je suis bien sûr impatient de découvrir les premières images de son Superman (qui sera sans aucun doute l’antithèse du film de Brian Singer), mais je suis surtout curieux de voir comment son cinéma va se muer avec le temps.
Au Japon ce sera un peu plus tard la saga de La Femme scorpion notamment et peu à peu se dessine un nouveau visage de l’héroïne moderne, de la femme de demain. Suivent l’excellent Les Menottes Rouges pour ne citer que lui avec la délicieuse Miki Sugimoto au pays du soleil levant avant que Nikita ou Kill Bill ne marquent plus récemment les esprits cinéphiliques. Et si Kill Bill semblait en quelque sorte venir boucler la boucle en se réappropriant la fameuse liste des personnes à tuer déjà utilisée par Moreau dans le standard de Truffaut, c’était sans compter sur la contamination de ce nouveau modèle sur une figure féminine bien plus vaste ; sorte d’archétype vengeur dérivé de la femme fatale, cette héroïne aussi attractive que couillue – c’est un peu Bonnie sans Clyde – allait fatalement laisser des traces dans la psychologie de ses contemporaines. Voila que Lara Croft essaie de damer le pion à Indiana Jones, la toute mimi Kelly Reilly est obligée de donner de sa personne dans Eden Lake face à un petit ami un peu diminué et Hit Girl de débarquer en vitesse quand Kick-Ass se fait bien prosaïquement botter le
derrière… Babydoll, héroïne de Sucker Punch, leur ressemble un peu, à Hit Girl peut-être plus encore en cela qu’elle incarne cette transition entre l’enfance et l’âge adulte. Aidée dans sa quête de liberté par la timorée Sweet Pea, Rocket la grande gueule, Blondie la futée, et la loyale Amber, elles ont toutes ce trait de caractère si particulier qui, s’il permet de les définir plus particulièrement les unes par rapport aux autres, les rattache aussi en filigrane et de façon plus parcellaire à Julie Kohler, la mariée vêtue de noir. « La femme est l’avenir de l’homme » avait dit Aragon et on ne saurait lui donner entièrement tort. Le risque en revanche c’est qu’elle en devienne le substitut. Et si au cinéma comme ailleurs les femmes (se) conduisent désormais comme les hommes, on est en droit de s’étonner, à la manière de Marcel Achard, qu’elles en soient fières. Combien Abbie Cornish était craquante sous les traits de Fanny Brawne, fiancée de Keats chez Campion ! Le sera-t-elle autant sous ceux de Sweet Pea ? C’est que le mystère, mieux que le diamant ou la dentelle, sied si bien aux femmes.
Un nouveau visage de l’héroïne moderne
Snyder parviendra-t-il à incarner cet arcane vaporeux ou fera t-il de ses héroïnes des poupées de chair froides pareilles aux mâles bodybuildés, cyber-lisses, de 300 ? Il est drôle de voir que La Mariée était en noir était une adaptation d’un roman de William Irish, comme La Femme scorpion était inspiré du manga de Toru Shinohara, jusqu’au Kill Bill de Tarantino qui ne cache pas son caractère ultra-référentiel. Paradoxalement, Snyder, s’il s’inscrit dans cette lignée, signe avec Sucker Punch, son premier scénario original. Plus qu’un « revenge movie » il avoue plus volontiers avoir voulu proposer sa version personnelle du film d’évasion. Mais si l’histoire est de lui, épaulé par son ami Steve Shibuya au scénario, plusieurs éléments demeurent hétéroclites et vont piocher du côté jeu-vidéo, du manga… et son film par ce brassage rappelle presque la richesse du récent Avatar de Cameron. Au classicisme grandiose de ce dernier nul doute que Snyder cherchera à imposer ses talents de faiseur d’images dans un style plus pop, plus sombre et dopé à la testostérone, sinon plutôt aux œstrogènes. Peutêtre un moyen de réconcilier enfin un public féminin avec un cinéma prétendument plus masculin. Verdict le 30 mars et tant pis si l’on ne vous laisse pas le choix dans la date…
FILMOGRAPHIE ZACH SNYDER 2004 : L’armée des Morts 2007 : 300 2009 : Watchmen - Les gardiens 2010 : Le Royaume de Ga’Hoole - La légende des gardiens 2011 : Sucker Punch En projet : Superman : Man of Steel
Plus que quinze jours avant la sortie de Sucker Punch… Allez ! Je me repasse la bande-annonce.»
Dossier | 15 |
DOSSIER
L’HORREUR DU 21ème SIECLE ?
La raison d’une telle fluctuation dans le genre ? Encore et toujours, il semblerait qu’il faille aller chercher du côté du climat politique et des différents événements traumatisants que connaissent les populations. Si Blood Feast (considéré comme le premier film gore de l’histoire) est sorti juste avant le décès de J.F.K en 1963, on sait aujourd’hui à peu prés quelles allaient être les répercutions de cet assassinat dans le cinéma moderne et l’on peut se demander si le retour au gore dans les années 2000 ne serait pas une traduction du traumatisme engendré par les attentats du 11 septembre. Mais au vu du climat politique actuel et avec les images toujours plus horribles dont nous inonde la télévision, a-t-on encore besoin de pousser le cinéma d’horreur à son paroxysme pour être effrayés ou dégoutés ? Le malsain a-t-il pris le pas sur l’épouvante ? Face à ce constat, on se demande ce que peut bien attendre Wes Craven avec ce quatrième épisode de Scream. Le récent remake de Freddy : Les griffes de la nuit a engrangé près de 116 millions de dollars pour un budget de 35 millions. Un chiffre enthousiasmant qui a peut-être de quoi rassurer Craven et lui assurer un retour à l’époque glorieuse des 90’s. Le suspense reste entier : Scream 4, un second renouveau du slasher ou le chant du cygne d’un genre qui semble désormais appartenir au passé ?
Avec la sortie le 13 avril de Scream 4, Clap a décidé de se pencher sur ce genre tendance qu’est le cinéma d’horreur. Si le nouvel épisode de la saga de Wes Craven est (plus ou moins) attendu par la génération qui l’a découvert dans sa jeunesse, en sera-t-il de même pour celle biberonnée au Hostel et autres Saw ? Retour sur quinze ans de frissons, d’angoisse et surtout de litres d’hémoglobine… par Marie-Aurélie Graff
N
ous sommes en 1996 et toute une génération d’adolescents (et de grands enfants désireux de se faire un peu peur, bien qu’ils ne soient pas la première cible) s’apprête à découvrir le premier épisode de la saga « Scream ». La formule ? Un pitch simple - un tueur en série masqué décime une bande de jeunes après avoir joué avec leurs nerfs au téléphone - un casting qui deviendra emblématique des 90’s (Courtney Cox, Neve Campbell, David Arquette) et surtout très peu de sang, mais beaucoup de cris… tout est dans le titre. Pour notre génération, élevée aux slashers tels que Freddy, Chucky, Candy Man et autres Jason, l’horreur est alors encore synonyme de frissons, d’angoisse et d’épouvante. Mais dans l’ombre de certaines salles obscures, sommeille un sous-genre alors encore apprécié d’un public averti… très averti ! Le gore. A l’époque, il lui arrive même de se travestir en élément comique, la preuve avec Brain Dead (1992) de Peter Jackson, considéré encore aujourd’hui par beaucoup comme le film le plus gore de l’histoire, mais qui a finalement surtout déclenché les rires plutôt que le dégout. Le gore semble alors, en comparaison, moins brutal, moins gratuit et si certains films sortent déjà du lot, les « bloody movies » sont pour l’heure tout sauf mainstream. En 2011, Wes Craven, ses trois Scream et les slashers ont laissé place à de nouvelles sagastelles que Saw ou Hostel pour ne citer qu’elles, une vague de remakes toujours plus sanguinolente et avec eux, toute une génération de
nouveaux jeunes réalisateurs (Eli Roth, Alexandre Aja, Dean Marshall, etc.). Qu’a-t-il bien pu donc se passer en quinze ans, pour que le gore encore considéré comme un sous-genre du cinéma d’horreur prenne le pas sur l’épouvante ? Pourquoi la surenchère d’hémoglobine est-elle devenue impérative pour attirer les foules dans les salles obscures ? La faute à la génération 2.0, élevée à la télé réalité et aux séries toujours plus trash (on peut voir les succès récents de Dexter ou encore de Nip/Tuck et leur lot d’images éprouvantes…), qui semble avoir besoin sans cesse de relever le niveau de l’insoutenable pour attiser son excitation, pour se prouver qu’elle n’a peur de rien. La course à l’insoutenable est lancée.
« L a f a u te à l a gé né rati o n 2 . 0 » Choquer plus pour parvenir à toucher des jeunes esprits de plus en plus habitués à ce type de visions d’horreur… Chez les réalisateurs, cette explosion du gore dans les grandes salles - déclenchée par le remake de Massacre à la tronçonneuse en 2003 - est donc une poule aux œufs d’or et leur permet également de réaliser leurs fantasmes de cinéphiles déviants en établissant un retour à l’horreur des années 70 : faire un constat de la politique (comme les zombies de Romero), déguiser les parias de la société en véritables monstres, interroger l’huDossier | 16 |
main sur ses facettes les plus obscures… tout ce que seul le cinéma d’horreur permet de réaliser sans prendre de risques. On assiste donc depuis quelques années à une nouvelle ère du cinéma d’horreur, où tortures vicieuses et psychologiques jouent de concert pour mieux nous écœurer. Le cinéma d’horreur serait devenu synonyme de dégout sous toutes ses formes. Cette redéfinition du genre a laissé certains premiers fans de l’horreur « classique » sur le carreau, mais a réussi à embarquer avec elle quelques résistants voyeurs. Grâce à eux, la nouvelle vague de réalisateurs peut se défendre de ne pas faire que marcher les tiroirs caisse d’Hollywood en répondant à la demande d’un nouveau public toujours plus jeune, toujours plus fou et clame à qui voudra bien la croire qu’elle ne fait pas du gore pour du gore mais bien une critique de la société. Eli Roth ira même jusqu’à dire, à propos des 90’s, lors d’une interview pour le récent documentaire Le grand frisson diffusé sur Arte : « Les films d’horreur avant, c’était de la merde ! Aujourd’hui on sait vraiment foutre les jetons ». Ou plutôt la nausée… Sans aller complètement dans le sens d’Eli Roth, on lui concèdera que les slasher des 90’s n’avaient rien de très recherché d’un point du vue scénaristique. Ainsi, les différents Souviens-toi l’été dernier et autres Urban Legend ont calqué leurs histoires légères sur le modèle de Scream, profitant de la vague, avant de s’essouffler au début des années 2000 pour un retour au gore pur et dur.
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4 1 : Martyrs (Laugier (2008); 2 : Rec (Balaguero, Plaza 2007) 3 : La Colline a des yeux 2 (Martin Weisz, 2007) ; 4 Eden Lake (James Watkins, 2008)
SCREAM, Le Chant du Cygne Scream aura été révolutionnaire à sa façon. En repositionnant le «slasher movie» vers le «teen movie», la franchise s’est adressée directement à une catégorie d’âge qui voue un culte au cocktail sexe, gore et rock’n’roll. Retour sur une trilogie qui a marqué toute une génération. «Dis-moi, quel est ton film d’horreur préféré ?». Si une personne à la voix de Dark Vador vous pose cette question par téléphone, fermez vos fenêtres et barricadez vos portes, un tueur psychopathe en costume est sûrement à votre seuil. L’action de Scream tournera toujours autour de ce schéma simpliste, fidèle aux slasher movies, littéralement «les films qui tailladent». Vieux routard du film d’horreur (La colline a des yeux, Freddy), Wes Craven est devenu une référence en la matière. A l’instar d’Halloween ou encore de Vendredi 13, ses films reposent sur des schémas narratifs restrictifs (un tueur, généralement masqué, une arme blanche, des victimes jeunes…) et surtout sur des codes bien ancrés dans l’esprit des spectateurs. Règle numéro 1 : surtout pas de sexe puisque seuls les vierges seront épargnés. Règle numéro 2 : éviter les drogues ou toutes substances désinhibantes. Règle numéro 3, sûrement la plus importante : ne jamais, ô grand jamais, dire «Je reviens tout de suite», parce que ce n’est généralement pas le cas… Toute infraction à la règle est synonyme de bain de sang assuré. Scream part sur ces bases mais prend quelques libertés en s’imposant comme le «film hommage» à tout un pan du cinéma et s’écartant ainsi du banal slasher. C’est LE film qui fait l’aveu de fiction pour mieux s’appuyer sur ses nombreuses références. Ainsi certains personnages deviennent cinéphiles, histoire de bien marquer le coup et de susciter l’autocitation. Le réalisateur en profite aussi pour rajeunir son audience, s’inspirant des «teen movies». Le ton général est ainsi plus léger, exploitant parfaitement le second degré, et s’axe plus sur la violence psychologique que sur l’aspect véritablement gore (excepté l’épilogue où les deux se rejoignent). Craven s’intéresse Dossier | 17 |
également aux préoccupations des adolescents, entre puberté, hantise du lycée, soucis de popularité (très présent dans les films américains), et apprentissage de la sexualité. Les adultes, incarnés principalement par la journaliste Gale Weathers (Courteney Cox) et le policier Dewey (David Arquette), représentent un monde désabusé et risible. Scream parle autant du danger de la surconsommation d’images, que de la bêtise de ceux qui n’y comprennent pas grand-chose… Au spectateur de trancher…. Le premier Scream est ainsi une déclaration d’amour au cinéma de genre qui se déguste avec des popcorns au fond de la couette. Craven pousse l’hommage jusqu’à la mise en abîme avec Scream 2 (comme il l’avait déjà fait avec Freddy sort de la Nuit). Il crée maintenant un film dans le film puisqu’un long-métrage est tourné suite aux tragiques évènements du premier épisode. Le clin d’œil est sympathique et permet de remettre le couvert (ou plutôt le couteau) avec les mêmes acteurs (sauf les morts bien sûr) et de filer la réflexion sur le propre du film d’horreur : comment surpasser l’original dans le numéro 2 ? Wes Craven est donc un cinéaste majeur du cinéma d’horreur mais aussi celui qui en recherche constamment les limites, les dérives, et tente de nouvelles expérimentations vers d’autres genres plus hybrides (Le sous-sol de la Peur, Red Eye…). Scream 3 apparaîtra quant à lui comme le film de trop. Le scénario est bien plus mince et lorgne sur la télé réalité dont nous assistions aux débuts (le film date de 2000) et tire sur la corde de ses prédécesseurs jusqu’à s’en brûler les mains. Tout est plus éculé, plus pataud, et le twist final tant attendu frise le ridicule. Pire, ce dernier opus démontre s’il le fallait que la frontière est parfois bien mince entre le second degré et la parodie. Une manière peut-être de faciliter le travail des auteurs de Scary movie… Près de quinze ans après la sortie du premier volet, Scream 4 a une donc belle opportunité de relancer la saga en espérant qu’il parviendra à tirer la leçon de ses erreurs plutôt que de les renouveler. Réponse le 13 avril prochain. Victor Vogt
Sélection tv
EVENEMENT
KUBRICK :
le génie de l’obsession Stanley Kubrick demeure encore douze ans après sa mort l’un des cinéastes les plus influents du monde. A l’heure où va s’ouvrir le 23 mars à la Cinémathèque française l’exposition la plus importante jamais consacrée à un cinéaste (déjà présentée à Francfort, Rome, Berlin) voici l’occasion de revenir sur son influence et l’importance de son legs pour les cinéastes d’aujourd’hui.
Walsh) qui s’exerçait sur des genres totalement différents. Certains cinéastes ont démontré une diversité de palette relativement comparable comme les frères Coen, (du film noir à la comédie et au western), Steven Soderbergh (de Traffic à Solaris) ou encore Ridley Scott dont toute la carrière semble un décalque moins réussi de celle de Kubrick, de Duellistes, Blade Runner à Gladiator ou la Chute du Faucon noir. Kubrick demeure donc le seul à avoir expérimenté et maîtrisé autant de registres différents.
Le souci de la perfection technique
L’indépendance vis-à-vis des studios
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omme tout le monde le sait, Kubrick était un vrai « control freak ». Soucieux du moindre détail, il a poussé jusqu’à un rare degré la compétence technique pour la réalisation d’un film, allant jusqu’à vouloir maîtriser toutes les conditions d’exploitation. C’est sans doute pour cette raison qu’il a été le premier à donner ses lettres de noblesse à un genre délaissé dans les années soixante, la science-fiction. Ayant pour modeste ambition de raconter l’histoire de l’humanité et tenant parfaitement son pari, 2001 l’odyssée de l’espace sera la pierre de touche qui servira de ligne de démarcation dans son œuvre. Sans ce film, Spielberg, Lucas ou Cameron n’auraient pas osé tourner leurs superproductions de science-fiction. En 2011, le nouveau venu Joseph Kosinski a plus que rendu hommage à 2001 à travers Tron: Legacy. Ces grands techniciens de l’image ont tous une dette à l’égard de Kubrick, en particulier Steven Spielberg qui s’est auto-désigné héritier de Stanley Kubrick en reprenant l’un des derniers projets du Maître, l’intriguant A.I., film d’anticipation déchirant sur un enfant-robot. L’intérêt de Kubrick pour la science et la technique ne s’arrêtait pas à la science-fiction: il n’a cessé d’innover techniquement pour donner plus de crédibilité à son image ou de fluidité à son récit, en utilisant les objectifs Zeiss dans Barry Lyndon pour filmer les scènes éclairés aux bougies ou encore la Steadicam dans Shining pour suivre le minivélo de Danny. La technique lui permettait de progresser dans son art et non l’inverse.
Le désir de renouvellement des genres
3 1 : Full Metal Jacket (1987) ; 2 : Shining (1980) ; 3 : Eyes Wide Shut (1999)
Kubrick a toujours souhaité renouveler le genre dans lequel il s’exprimait: film noir (l’Ultime razzia), péplum (Spartacus), film de guerre (les Sentiers de la gloire, Full Metal Jacket), comédie (Docteur Folamour), science-fiction (2001), film d’époque (Barry Lyndon), film d’horreur (Shining), etc. Il ne faisait qu’imiter la diversité du talent de certains metteurs en scène hollywoodiens (Hawks, Curtiz, Evénement | 18 |
Si Kubrick a fasciné et continue à fasciner la plupart des cinéastes du monde entier, c’est qu’il représentait l’un des seuls cinéastes ayant su préserver intacte sa capacité d’expression, tout en bénéficiant des moyens financiers extrêmement puissants d’un studio, soit ceux de la Warner. Orson Welles a bénéficié du même type de contrat pour son premier film, Citizen Kane, mais n’a pas su maintenir cette situation privilégiée. Les autres réalisateurs se trouvaient quant à eux toujours à la merci d’un désaveu des studios. Dans les années soixante-dix, Francis Ford Coppola a essayé de bâtir un empire à côté d’Hollywood, Zoetrope, mais a échoué, faute de triomphes financiers. David Lynch, le plus artiste des cinéastes américains, dont Kubrick admirait Eraserhead, a élaboré un mini-système de production à côté d’Hollywood mais semble avoir renoncé à un succès commercial de grande ampleur. Aujourd’hui, la nouvelle génération de réalisateurs américains qui ont pris le pouvoir à Hollywood se réclament tous de Kubrick et de son goût de l’indépendance par rapport aux studios, en préservant farouchement leur droit au « final cut »: David Fincher partage l’obsession kubrickienne pour la perfection, en étant capable de refaire 99 fois la séquence d’ouverture de The Social Network; Christopher Nolan, son ambition narrative, son goût des masques et des structures scénaristiques labyrinthiques; enfin Darren Aronofksy, sa sensibilité européenne et pessimiste, ainsi que son esthétique flamboyante. C’est tout cela en un seul metteur en scène que la Cinémathèque française va nous proposer de retrouver sur deux niveaux et 1 000 mètres carrés. A travers des centaines d’archives, de documents de travail, de photos, de costumes et d’accessoires, Stanley Kubrick imprimera à nouveau sa marque, son exigence et sa folle ambition, celle d‘un rare démiurge que seule la mort a pu arrêter. David Speranski KUBRICK A LA CINEMATHEQUE FRANCAISE DU 23 MARS AU 31 JUILLET 2011
JUSTIFIED : WESTERN MODERNE Sous le soleil de Miami, chapeau de cowboy vissé sur le crâne et boots rutilantes aux pieds, Raylan Givens (Timothy Olyphant,) est un US marshall au sens le plus rustique du terme. En parfait émule du Marlboro Man, nostalgique des bonnes vieilles méthodes du XIXème siècle, notre marshall donne vingt-quatre heures pour quitter la ville à Tommy Bucks, un truand notoire. L’ultimatum ayant presque touché à sa fin, Givens vient à la rencontre du gangster. Ce dernier panique et sort son calibre mais Givens dégaine le premier et l’abat en plein milieu de la foule. C’était « justifié ».
B
ien qu’il ait tiré en état de légitime défense, le procureur ne l’entend pas de cette oreille et le fait transférer à Harlan, ville minière de son enfance au fin fond du Kentucky. Adieu bimbos gonflées de Floride, bonjour Hillbillies racistes, incultes, (plus ou moins ) consanguins et laborantins du dimanche versés dans la cuisine de méthamphétamines au fond des bois. Notre héros est confronté à une galerie de portraits du cru, à commencer par son père, Aldo, escroc à la petite semaine englué dans diverses magouilles foireuses, tandis que son cœur balancera entre une blonde beauté redneck un peu rustre, Ava, et son ex femme, Wynona. Cependant, à Harlan, c’est le clan Crowder, petite entreprise familiale du crime, qui tient le haut du pavé et le marché de la drogue. Raylan Givens aura tôt fait de se le faire rappeler par Boyd Crowder (Walton Goggins), suprémaciste blanc tatoué, aussi givré qu’il a la gâchette (de lance roquette) facile.
comme cela est devenu la quasi obligation pour la plupart des séries. Moins de suspense forcé donc, mais un suspense qui pour le coup fonctionne d’autant mieux. On notera l’intéressante manière de traiter les liens entre le fils et le père Givens. Le premier à choisi le côté de la loi et son père l’autre bord, cela amenant à d’improbables situations, où le père se fait réprimander comme un gamin de huit ans par son propre fils. Pour la relation Raylan/Ava/Wynona, Ava, la blonde, ne tient pas une seconde la route face à l’ex femme, Wynona, rayonnante malgré les tensions avec Raylan. La première a pour seuls intérêts d’être le joli petit lot du coin, d’avoir une propension maladive à se faire enlever et d’enchaîner bourdes sur bourdes à la moindre occasion. Aussi, sur le papier, ce triangle n’était pas une mauvaise idée, mais il se retrouve plombé par Ava, impératrice des boulets purs, et ne fonctionne pas comme il devrait. C’est là un moindre mal rattrapé haut la main par la performance de notre fameux transfuge du Shield, Walton Goggins/Boyd Crowder transcendant chacune de ses scènes à la manière d’un Omar Little du Wire. Tour à tour méchant ou touchant, son rôle de bad guy illuminé est d’une rare intensité et nous incite à croire qu’à aucun moment il ne joue. Il semble incarner corps et âme ce personnage aussi efficacement dans l’action que dans le pathos ou encore quand il se réapproprie la Genèse pour justifier ses méfaits. Son évolution est intéressante puisqu’il arrive en véritable pourriture avant d’insidieusement instaurer une relation « je t’aime moi non plus » avec notre héros. Il est clairement l’un des personnages les plus profonds et ambivalents de l’univers des séries.
« Un vent d’air frais sur la série policière »
Au vu du pitch de départ, on aurait pu s’attendre à une série badass dans le style de Sons Of Anarchy ou The Shield. Si le contexte de la petite ville de « ploucs » est original et change des séries policières classiques, avec sa bande-son très référencée, les accents locaux et autres dialogues cinglants, aucun doute possible, nous sommes bien dans un western moderne. Cependant, sur la forme, on assiste à des enquêtes assez classiques presque type « un méchant par épisode » qui lasseraient vite si elles n’étaient pas reliées d’une manière ou d’une autre à la trame principale, en l’occurrence les Crowder et les conséquences du meurtre de Tommy Bucks (les Cartels hélas n’oublient jamais). On remerciera aussi les scénaristes de nous épargner le cliffhanger à répétition à chaque fin d’épisode
Sérieuse et originale, Justified souffle ainsi un vent d’air frais parmi la multitude de séries policières trop lisses et politiquement correctes du moment. A défaut d’action pétaradante jusqu’à plus soif, elle s’impose par son ambiance, un cast convaincant (Walton Goggins en tête) et une bonne trame principale. Sans fioritures et avec un rythme assez lent sans être plan-plan, cette série se sirote comme un bon vieux bourbon... du Kentucky.
Ludovic Marthe-Rose
Sélection TV | 19 |
FORTUNES Tournée en 2009, Fortunes a trainé quelque temps dans les cartons d’Arte. La série a été développée à partir du téléfilm éponyme réalisé en 2008 et prolonge les aventures d’une bande d’amis bien décidés à faire fortune, quitte à jouer aux petits magouilleurs en costard. Brahim, Fathi, Driss, d’origine maghrébine, et leur pote Mike, gitan, vont défier la crise et tenter de faire pousser l’argent dans les champs grâce à des transactions immobilières plutôt foireuses. Après le succès des Invincibles, la chaîne franco-allemande propose ainsi une nouvelle comédie. Créée par Stéphane Meunier (Les yeux dans les bleus, Foudre), Fortunes est impertinente et aborde de manière décomplexée les interactions entre les communautés arabe, chinoise, gitane et portugaise.
A
u cinéma, on a eu la jolie comédie Mauvaise foi de Roschdy Zem ou plus récemment Il reste du jambon ? d’Anne Depétrini qui venaient s’attarder sur la question de la mixité. Qu’à cela ne tienne ! La série télé s’y met aussi. Enfin ! Fortunes parle de racines culturelles, de la famille, du couple, de religions, de discriminations et montre la diversité française à travers ces communautés qui vivent ensemble. Les huit épisodes offrent leur lot de vannes politiquement incorrectes. Pourtant, passer la fraîcheur des deux premiers épisodes, la série perd un peu de son aplomb et devient moins passionnante. Les combines et les ratages à répétition emmènent parfois les personnages dans des situations téléphonées et redondantes. Mais la caméra mouvante, ample et généreuse de Stéphane Meunier livre de belles séquences et quelques moments touchants de vérité. Certes, on peut détester le résultat de la série adolescente Foudre, mais comme à son habitude, le réalisateur - qui aime tourner avec des débutants - laisse ses comédiens s’exprimer. Et le quatuor formé par Salim Kechiouche, Farid Larbi, El Bachir Bouchalga et Arnaud Ducret, trouve ici une complicité attachante ; une liberté pour les comédiens, également palpable au regard de la prestation de Barbara Cabrita, bien meilleure que dans R.I.S. En définitive, Fortunes n’est autre qu’une comédie sociale qui nous parle un peu de la France avec humour et non sans, parfois, une certaine gravité (les difficultés du couple Brahim et Helena par exemple). Rien peut-être d’inoubliable c’est vrai mais déjà une raison suffisante, à notre sens, pour prendre le temps de la découvrir.
R.C. A partir du 22 mars sur Arte
dvd / Blu-ray
De Edgar Wright
Avec : Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Jason Schwartzman … Editeur : Universal Pictures Sortie Blu-ray : 5 avril 2011 Film : 4.5 / 5 Blu-ray : 3.5 / 5
en mille morceaux. Woody Allen filme alors l’onde de choc. Il montre à quel point les hésitations mettent à plat les certitudes et comment les illusions se dressent contre la réalité. En donnant à chaque personnage De Woody Allen (une douzaine) sa dramaturgie propre, le Avec : Naomi Watts, Antonio réalisateur fait le tableau juste et pétrifiant de Banderas, Josh Brolin … créatures qui se débattent contre la fatalité. Naomi Watts, pour la première fois sous Editeur : Warner Bros l’objectif du maître, n’a jamais paru si naturelle. Sortie Blu-ray : 30 mars Hopkins fait parfois revivre, par ses mimiques, 2011 le personnage de Woody Allen à l’écran, nous rappelant comme il était bon de le voir s’agiter Film : 3,5 / 5 Blu-ray : 3 / 5 comme un fou. Mais aujourd’hui, le cinéaste lfie, terrifié à l’idée de vieillir, quitte, après voit trop clair l’humanité souffrante. A New quarante ans de mariage, sa femme York, le cynisme est le remède. A Londres, ce Helena. Après une tentative de suicide, sont les illusions. Qu’en sera-t-il pour Paris ? Helena trouve un réconfort inattendu auprès d’une voyante. Celle-ci lui promet un destin Côté bonus : la bande annonce du film et plus heureux : « Vous allez rencontrer un grand celle de Vicky Cristina Barcelona, c’est tout. inconnu tout de noir vêtu »…Si Woody Allen Pour les fans, c’est extrêmement décevant. se répète (il faut malheureusement l’avouer), On aurait aimé un making-of ou quelques il le fait avec élégance. Car au delà des thèmes mots de Woody. Cela dit, le blu-ray rend familiers que le film aborde (le sexe, la peur, grâce à l’image. Le travail sublime de Vilmos la mort), la narration, tourbillon poétique, Zsigmond, qui collabore pour la troisième fois nous embrasse comme cet inconnu sur avec Allen (Melinda et Melinda et le Rêve de l’affiche. Conte choral, Vous allez rencontrer... Cassandre), est sublimé : les verts et les noirs fait le portrait croisé de quelques destinées sont vifs, les roses et les rouges aussi. Cela sentimentales. Londres, qui met Woody Allen donne à la ville de Londres un aspect presque d’humeur noire, est ici le théâtre d’une crise irréel. Deux versions : une française (mais quel multigénérationnelle. En effet, l’auteur a sacrilège de ne pas écouter du Woody Allen élargi son champ depuis Whatever Works et dans la langue originale) et une anglaise le troisième âge (moderne) n’est plus un cas sous-titrée. Comme dit Shakespeare, cité en exergue, « beaucoup de bruit et de fureur »… de second plan. Dans Vous allez rencontrer..., c’est le couple mais le tempo est mineur. d’Alfie et d’Helena qui, le premier, se brise Ava Cahen
Conquérir le cœur d’une jolie inconnue est déjà une épreuve en soi. Pour Scott Pilgrim la quête amoureuse va prendre des proportions peu communes. Non content d’avoir trouvé la fille de ses rêves, l’adolescent va devoir user de ses poings afin d’affronter les sept ex petits amis maléfiques de la jeune femme, tous décidés à lui barrer la route... « Qu’est-ce que c’est que ce truc ? » se demanderont certains à la lecture de cet improbable résumé de Scott Pilgrim, troisième long-métrage de l’anglais Edgar Wright (Shaun of the dead) émigré en terre nord américaine pour l’occasion. Ce « truc » c’est tout simplement le film qu’avait attendu toute une génération élevée au bon grain de la pop culture de ces trente dernières années. Une boule d’énergie rafraîchissante, un électron libre à la fois joyeusement bordélique et d’une stupéfiante cohérence qu’il faut savoir attraper au bond dès les toutes premières minutes, au risque de se retrouver complètement largué. Scott Pilgrim démarre au quart de tour et le mode pause est impossible. Les cartésiens feront grise mine tandis que les esprits rock n’ roll exulteront de bonheur devant l’imprévisibilité de chaque trait d’humour, d’émotion pure, d’action épique et de séquences irrésistibles. Ici, telle une impressionnante série de poupées russes, chaque heureuse surprise en cache fréquemment une nouvelle plus succulente encore. Irréductible fan boy, le réalisateur parvient à parfaitement assimiler et régurgiter
©Warner Home Video
A
CE N’EST QU’UN DEBUT Réalisé par : François Ozon Avec : Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Fabrice Luchini … Editeur : France Télévisions Distribution Sortie Blu-ray : 16 mars 2011
Réalisé par : Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier Avec : Isabelle Duflocq, Pascaline Dogliani … Editeur : France Télévisions Distribution
Film : 2 / 5 Blu-Ray : 3,5 / 5
Film : 3,5 / 5 DVD : 3 / 5
monsters Réalisé par : Gareth Edwards (II)
Avec : Whitney Able, Scoot McNairy … Editeur : M6 Vidéo Sortie Blu-ray : 6 avril 2011
A bas le despotisme masculin ! Suzanne en a marre d’être la potiche de service. Alors que son mari prend un congé maladie, elle reprend les rênes de l’empire du parapluie. Naissance d’une femme d’action…Comédie décalée ? Raté. Vaudeville tiède à la rigueur. Car François Ozon loupe le coche. A cheval sur plusieurs directions (satire bourgeoise, farce politique, portrait de famille), le réalisateur s’éparpille et offre un spectacle aussi décousu que maladroit. Résultat : un patchwork d’idées faussement révolutionnaires (déconstruction du système patriarcal au profit de l’approche maternelle). Au centre du dispositif, Suzanne, incarnée par Catherine Deneuve, met en marche la mutinerie. Mais son combat ressemble davantage à celui de la Revanche d’une blonde qu’à ceux que poursuivent Bernadette ou Ségolène. Ce qu’on aime chez Ozon, c’est sa théâtralité, son agilité face au comique de situation mais, dans Potiche, la magie n’opère pas. La faute à la caricature, au kitsch peu savoureux et à l’idéologie pseudo-féministe. France Télévision joue sur l’interactivité et ça marche. Car en dépit de ce que l’on pense du film, il est toujours attrayant de visiter les coulisses d’un tournage, de voir ce qu’il se passe hors-champ. Plus d’une heure de making-of, un bêtisier savoureux, un court-métrage de François Ozon (Un levé de rideau) ; le travail de complément est, ici, payant. La bonne humeur des comédiens et l’enthousiasme du cinéaste nous feraient presque passer l’éponge sur les faiblesses et la prolixité du long-métrage. Ava Cahen
Encadrés par Pascaline, leur maitresse, les enfants d’une école de maternelle de Seine et Marne vont faire l’expérience de la philosophie. Peut-on philosopher à quatre ans ? Question ardue que soulève Ce n’est qu’un début. Mais, clairement convaincus par la démarche de l’institutrice, les réalisateurs ne prennent en compte que l’enthousiasme que le projet suscite, négligeant les limites qu’il peut rencontrer (on se demande parfois en quoi l’enseignement de Pascaline diffère de l’enseignement classique). La vision unique que supporte le documentaire affecte, de ce fait, la pertinence de l’exercice. C’est un peu le même genre de problème que dans Bonobos de Tixier : le spectacle finit par rogner les contours du sujet. Si l’expérience que le documentaire relate nous laisse un peu dubitatif, les bons mots des enfants sur les thèmes de société ou sur les questions morales valent leur pesant d’or. Malheureusement, cela ne suffit pas à nous convaincre car le rythme lent et le découpage artificiel, cela malgré la beauté de la photo, aseptisent le résultat. Qu’on se rassure, les modules du DVD (« Autour du film ») viennent poursuivre la réflexion : parents et instituteurs s’expriment sur l’expérience, ses résultats et ses avantages. Tout est mis en scène pour démontrer la valeur du projet mais les idées sont davantage creusées. Côté version, pas de surprise majeure : le 2.0 et le Dolby 5.1 se valent sensiblement. Interactif et pédagogique certainement. Philosophique, on se demande encore. Ava Cahen. DVD | 20 |
Film : 5 / 5 Blu-Ray : 4,5 / 5 Attention : Monsters est TOUT sauf un film de monstres. Le cadre scénaristique importe peu, on aurait pu être dans n’importe quelle guerre, le véritable enjeu n’aurait pas varié d’un iota : le rapprochement amoureux de deux paumés en terre inconnue. Porté par l’érotisme saillant de ses héros, le film de Gareth Edwards a cela d’admirable qu’il devient peu à peu le réceptacle de toutes nos peurs d’ « hommes », peur de l’autre, peur du destin tracé, peur de l’éternelle amertume… L’une des grandes forces de Monsters, c’est sa capacité à immerger le spectateur dans un monde a priori fantastique. Tout dans la forme du film participe à un rendu réaliste, brutal, de matières d’images de « reportages » comme dérobées. Les créatures se posent comme une forme mouvante cristallisant toutes nos angoisses. Le dépaysement devient alors la sphère idéale pour la naissance des sentiments. Monsters est en cela assez unique car il résulte d’une expérience de laboratoire qui consiste à mêler plusieurs genres cinématographiques, pour en créer un nouveau, passionnant. Comment ne pas succomber au romantisme troublant de ces deux amants fuyant dans la nuit ? Comment ne pas être hypnotisé par cette énergie lyrique du désespoir à chercher une issue ? La qualité visuelle du Blu-Ray est stupéfiante (tournage en HD oblige), et niveau son , on en redemande ! On aurait forcément espéré plus de bonus mais on se contentera des interviews de Gareth Edwards et des acteurs Whitney Able et Scoot Mc Nairy ; plus de 37 minutes au final, c’est mieux que rien ! Romain Dubois
© Epicentre Films
Sortie DVD : 23 mars 2011
EASTERN PLAYS
Réalisé par De Kamen Kalev Avec : Christo Christov (II), Ovanes Torosian, Saadet Isil Aksoy … Editeur : Epicentre Films Sortie DVD : 5 avril 2011 Film : 3 / 5 DVD : 2,5 / 5
Itso a pris ses distances avec sa famille et semble totalement indifférent à sa petite amie, folle amoureuse de lui, jusqu’au jour où il secourt une famille turque en vacances à Sofia agressée par un groupe de néonazis...parmi lesquels son frère. Le film de Kamen Kalev commence lentement en mettant en parallèle les trajectoires des deux frères pour choisir de se concentrer sur le personnage d’Itso, beaucoup plus riche et complexe que celui de Georgi qui aurait pu donner lieu à une version bulgare de American history X. Le choc de la scène de ratonnade donne un tout autre sens au film qui se confronte alors à la violence envers l’étranger et surtout à la capacité
WaR AND DESTINY
Réalisé par Richard Attenborough Avec Shirley MacLaine, Christopher Plummer, Mischa Barton… Éditeur : Aventi Distribution 15 mars 2011
© Universal Pictures
VOUS ALLEZ RENCONTRER UN BEL ET SOMBRE INCONNU
POTICHE
dvd / Blu-ray
SCOTT PILGRIM
ses multiples références sans jamais surcharger la mule. D’un apparent simplisme structurel, le film implique pourtant une maîtrise peu commune des outils cinématographiques d’hier et d’aujourd’hui par un metteur en scène pourtant «artistiquement» jeune. C’est quoi ce truc ? Juste l’ouvrage geek le plus emballant de ces derniers temps ! Enfin, making of, Trivia Track, montages alternatifs, scènes coupées, commentaires audio, galerie de photos, storyboards, bêtisier, affiches du film… autant de petits plus qui font de cette belle galette un objet à posséder de toute urgence. Julien Munoz
de rédemption d’Itso qui tentera de sortir de son hébétude. Il sera aidé en cela par le lumineux sourire d’Isil (la très belle Saadet Isil Aksov). Elle lui apportera enfin la lumière dont il avait besoin. Kamen Kalev possède une qualité assez rare: on ne doute pas une seule seconde de la réalité de ce qu’on voit à l’écran. On y perçoit l’influence des Dardenne (les plans de dos caméra à l’épaule) et de Gus Van Sant (le rapprochement jeux vidéo violents/extrémisme), correspondant à un certain modèle stylistique cannois. Même si le film est le résultat d’une recréation presque documentaire de la vie de l’acteur principal, cela reste néanmoins une fiction: les scènes assez drôles où Itso repousse les efforts désespérés de sa petite amie pour perpétuer leur vie sentimentale prennent beaucoup de sel, lorsque l’on sait que, dans la vie, Christo était largué par la même petite amie. La fin du film est d’ailleurs assez bouleversante pour une raison extra-cinématographique, c’est-à-dire la dédicace qui apparaît au générique: le film est dédié à la mémoire de son acteur principal qui est mort à la fin du tournage. Techniquement, on peut reprocher un manque de luminosité dans les scènes nocturnes du film qui passent assez mal sur un petit écran. Les bonus sont classiques : galerie photos, filmographie du réalisateur (on y apprend qu’il s’agit de son premier long métrage) et enfin la bande-annonce du film. Le seul bonus passionnant demeure l’entretien exclusif de dix minutes avec Saadet Isil Aksoy, l’interprète d’Isil, aussi belle en interview qu’à l’écran et surtout Kamen Kalev qui s’exprime parfaitement en français et éclaire largement sur les aspects de conception et de réalisation de son film, créé en très grande collaboration avec le regretté Christo Christov. David Speranski DVD | 21 |
Fresque historique mêlant deux temporalités, War and Destiny n’hésite pas à faire des allers-retours entre les années 40 aux Etats-Unis et les années 90 en Irlande du Nord, alternant la seconde guerre mondiale et la situation bancale de Belfast. Surprenant rapprochement pour faire coïncider une même histoire, celle d’Ethel Ann. Ambitieux mais confus le film nous donne l’occasion de retrouver le grand Pete Postlethwaite récemment disparu.
A BOUT PORTANT Réalisé par Fred Cavayé Avec Gilles Lellouche, Roschdy Zem, Gérard Lanvin… Éditeur : Gaumont 5 avril 2011 Après le déjà remarqué Pour Elle, voilà enfin un réalisateur de polars made in France qui n’a rien à envier à nos amis américains. Cavayé nous revient donc avec A bout portant, une course poursuite rondement menée, sans fioritures et à l’efficacité remarquable. Des acteurs crédibles, un pitch simple, de l’action et du suspense à gogo… un spectacle garanti !
outrage
Réalisé par Takeshi Kitano Avec Takeshi Kitano, Jun Kunimura, Ryo Kase… Éditeur : HK Vidéo 1 avril 2011 Dix ans après Aniki, mon frère, Kitano retourne au film de yakusa. Plutôt que de replonger à la source, le réalisateur, qui semble définitivement en recherche d’un nouveau souffle, préfère chercher ailleurs. Exit poésie et contemplation, silence et lenteur. Kitano signe ici un film volontiers bavard et se laisse voler la vedette par un casting tout aussi neuf que remarquable. Reste la violence crue et soudaine que Kitano a toujours su filmer ; pas sa meilleure œuvre mais du vrai divertissement tout de même.
RUE DE LA MORT
Réalisé par Anthony Mann Avec Farley Granger, Cathy O’Donnell, James Craig… Éditeur : Wildside 6 Avril 2011 Coursier à New york, Joe Norson dérobe chez un avocat une enveloppe remplie de billets. Il ignore que cet argent est le prix d’un meurtre. Pris de remords, il veut le restituer alors que simultanément les gangsters se lancent à sa recherche. Un film noir âpre et violent, où corruption et inégalité prévalent. Un classique du genre!
MEAN STREETS
Réalisé par Martin Scorsese Avec Robert De Niro, Harvey Keitel, David Proval… Éditeur : Carlotta 6 avril 2011 Ressortie du premier chef-d’œuvre de Martin Scorsese : En 1973, à New York, dans la petite Italie, Johnny Boy et Charlie, des malfrats à l’affût de combines louches, côtoient les mafiosi qu’ils envient. Pour accéder au haut du pavé, une règle impérative : respecter la loi d’honneur du milieu. Une édition riche en suppléments pour un film jalon à (re)découvrir d’urgence !
JEUX VIDéo
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A quel film appartient cette image ?
Directeur général Romain Dubois-Dana Directeur de rédaction Romain Dubois-Dana
« La vraie nouveauté de cette 3DS réside dans les jeux en réalité augmentée » objectifs, un vers l’utilisateur et deux vers l’extérieur, une connectivité internet en WiFi… c’est dire si cette 3DS bénéficie d’un armada d’équipements sophistiqués. Au niveau des applications, indépendamment de l’appareil photo 3D, la nouvelle Nintendo bénéficie notamment d’un petit studio son, d’un journal d’activité, d’une boutique en ligne ou encore d’un éditeur de Mii (tu sais, le « vrai » toi), le tout avec la possibilité bienvenue d’un contrôle parental. On retiendra plus particulièrement le mode Street Pass, qui permet à deux consoles en mode veille d’échanger des informations lorsqu’elles se croisent, et surtout le nouveau système de jeux en Réalité Augmentée que nous garderons, comme toute bonne chose, pour la fin. En effet, grâce à un témoin de notification la console vous signale quand vous pouvez bénéficier de nouveaux contenus en ayant interagi avec d’autres joueurs ou bien par mises à jour. Ludique et proche de l’addiction, avec son nou-
ment de l’intérêt d’un tel jeu, force est constater que le transfert sur cette console, en terme graphique et tridimensionnel, est plutôt réussi. Niveau baston, la saga Dead or Alive exploite assez bien les possibilités de la console là où Super Street Fighter IV 3D par exemple semble plus diminué. En effet, malgré un graphisme léché, ce dernier déçoit jusque dans un mode d’affichage dynamique qui, s’il offre la possibilité de changer la prise de vue pour s’adapter à cette troisième dimension, n’apporte finalement pas grand-chose. De plus, la réalisation de combos par l’écran tactile simplifie beaucoup trop la maniabilité et atténue tout plaisir. Même constat pour The Legend of Zelda : Ocarina of Time 3D ; très bon jeu, 3D dispensable. Ainsi, vous l’aurez compris, la vraie nouveauté et le gros plus de cette 3DS réside dans les jeux en réalité augmentée. Apparue dans les cockpits des avions de chasse dès les années 80 afin de faciliter le pilotage en mission, cette technologie débarque fraîchement dans le petit monde
Jeux Vidéo | 22 |
des jeux-vidéo. Si ces derniers semblent encore assez primaires, comme le furent les premiers jeux de Wii, c’est qu’il faut y voir de brillants balbutiements et les bases de ce vers quoi le jeu vidéo risque de se diriger dans les années à venir. Fonctionnant grâce à des cartes d’apparence assez banales et semblant sorties de la dernière variante du Uno, cette technologie qui permet d’utiliser les images générées par ordinateur pour modifier les informations du monde réel s’avère vraiment fascinante. C’est simple, vous prenez votre carte, vous la posez sur n’importe quelle surface plane, votre table par exemple, vous filmez et vous voyez sotir de la table devant vos yeux éberlués des cibles qu’il faudra détruire en déplaçant votre console et jusqu’à votre corps. Déjà c’est assez fou, ensuite voilà qu’un dragon sort des abysses d’ébène (bon d’accord vous n’avez que de la fibre de bois et on ne peut pas augmenter toute la réalité…) et vous crache du feu au visage, deux solutions aller chercher une hache à la cave et découper la table ou plus héroïquement combattre le dragon. Chevaleresques, nous ne saurions que vous conseillez la deuxième solution d’autant que c’est véritablement le must de ce qu’offre cette nouvelle Nintendo. Proposée avec six cartes lors de sa mise en vente, nous n’avons pu en tester qu’une, rendez-vous donc le 25 Mars pour essayer le reste. Nico Paal
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Black Swan
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Les fables de Starewick
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Halal, police d'état
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Sex friends Last night
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Santiago 73
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True Grit
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127 heures
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Never let me go
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Winter's bone
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Fighter
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Le Rite Rango
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Tron
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Victor Vogt
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Christelle Viero
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David Speranski
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Ariane Picoche
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Julien Munoz
Le Discours d'un roi
Marie-Aurélie Graff
Ava Cahen
Arrêtons-là nos digressions socioculturelles qui d’ailleurs ne concernent pas directement Nintendo et revenons sur la 3DS, sur la 3D d’ailleurs plus précisément. Réglable jusqu’à la suppression par le biais d’un curseur, qu’en est-il véritablement de cette troisième dimension ? Si sur certains jeux elle tient encore du gadget, sur d’autres en revanche elle s’avère nettement plus efficace. Ainsi, il faudra traiter au cas par cas. De ce que nous avons pu tester, c’est Kid Icarus Uprising qui, sans conteste, remporte la palme, aussi intuitif que survolté, il utilise la 3D à bon escient et n’en est que plus immersif. Nintendogs+cats, si nous doutons personnelle-
Rédacteurs Clémence Besset Ava Cahen Marianne Dubois-Dana Marie-Aurélie Graff Julien Lathière Julien Munoz Nico Paal Ariane Picoche Ludovic Marthe Rose David Speranski Claire Varin Christelle Viero Victor Vogt
TABLEAU BILAN DES FILMS Clémence Besset
Deux écrans, un en 3D sans lunettes et un tactile, la fière croix multidirectionnelle désormais accompagnée de son valeureux pad sur 360 degrés, un détecteur de mouvements interne doublée d’un gyroscope pour gérer les déplacements et inclinaisons de la console, trois
veau bébé Nintendo mise ainsi à fond sur le communautarisme. Fini de jouer tout seul, le jeu vidéo de demain (d’aujourd’hui déjà en fait) se pratique en réseau. Exit donc Doodle Jump dans les transports en commun, place au jeu en commun. Cher nolife, toi qui n’a malheureusement pas le temps de nous lire, peut-être ne seras-tu bientôt plus obligé de forcer ta pauvre mère à te passer des pizzas sous la porte de ta chambre froide et pourras-tu enfin déplacer ton gros passe-temps jusqu’à la pizzeria la plus proche tout en poursuivant ta cruciale partie.
Nico Paal
Il y a les fanatiques de Sony, les nostalgiques de Sega, les convertis par Microsoft… mais au delà des clans de gamers il y a l’école Nintendo qui perdure et se renouvelle depuis la nuit des temps. Introduite depuis quelques années à l’insu de ses voisins dans le cercle familial avec la Wii, alors qu’on essaie seulement de la rattraper, Nintendo fauche une fois de plus l’herbe sous le pied des autres concepteurs. Avec la Nintendo 3DS, outre une expérience en trois dimensions, elle fait entrer véritablement la console portable dans l’ère du communautarisme. Préserver la cohésion du cercle hors du foyer ; nul doute que la concurrence va encore s’arracher les cheveux.
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Romain Dubois
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UNE (R)EVOLUTION ?
Rédacteur en chef Matthieu Conzales
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Moyenne Clap!
dessin Alexandre Donnadieu-Deray Maquette Jérémie Douchet Rédaction Web Victor Vogt Email contact@clapmag.com Courrier rédaction 72 rue du Commerce 75015 Paris photo couverture © Warner Bros remerciements Talal Selhami Yaël Smadja, Jérémie Douchet, Olivia Malka Axel Foy, Constance Fontaine, Emilie Gruyelle, Laurence Grance, Karine Ménard, Benjamin Gaessler
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Site internet
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prochain numéro …
Ne pas jeter sur la voie publique
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