"Agroforesterie et maraîchage" de Léon Schleep - Extrait

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Agroforesterie et maraîchage

Photographies de Fabian Weiss

Traduit de l'allemand par Sylvie Girard-Lagorce

Leon Schleep

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En quête d’alternatives durables pour l’agriculture : avant-propos

Savoir ancien et science nouvelle, et surtout : une plongée dans le monde varié du maraîchage

Le début du voyage

L’agriculture est en crise

Venez sur l’île aux légumes

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Le maraîchage : un nouveau départ

Le maraîchage et moi : en plein dans le mille ! Retour aux sources : un voyage à la découverte du mouvement du maraîchage

Tous identiques ? Quel lien unit les différents types de maraîchage ?

⬤ Le plan bio-intensif en 8 points pour plus de productivité

⬤ La philosophie agricole de Clay Bottom Farm, par Ben Hartman

To dig or not to dig, telle est la question !

Tout pour le… compost

⬤ La philosophie agricole de Rough Draft Farmstead, par Jesse Frost

Autres systèmes No till au profit du sol

Ne lésinons pas sur les chiffres : je gagne 100 000 $ sur un hectare !

La fertilité des sols : tout en dépend

Le maraîchage, c’est ce que chacun en fait

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Sommaire 77-115

À la découverte des systèmes agroforestiers

Une histoire ramifiée : l’avenir passe par les arbres

Un peu de vocabulaire pour commencer : les systèmes sylvopastoral, agrosylvicole et agrosylvopastoral

Avec un bon plan, c’est à moitié gagné

Viser haut : espacements et hauteur des arbres

⬤ Les 6 systèmes agroforestiers dans les régions tempérées

Union ou confrontation : la compétition sur le terrain

Pour les plantes ou contre les nuisibles : la protection des plantes

Un mélange éclectique : comment viser davantage de biodiversité

Même si c’est tendance : il y a aussi des inconvénients

Agriculture et changement climatique

L’agroforesterie, c’est ce que chacun en fait

Peut-on être un peu plus précis ? Systèmes agroforestiers et maraîchage

Quel arbre à quel endroit ?

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77 79 Que doit pouvoir faire un système agroforestier dans un jardin maraîcher ?

Délices fruités : les arbres fruitiers

Billes sucrées : les arbustes à baies

Une affaire de graines : les fruitiers à coques

Une croissance rapide : la biomasse

Quand tout s’éparpille : les brise-vent

Le bois d’œuvre

À faire soi-même : engrais maison avec des fixateurs d’azote

⬤ La philosophie agricole des jardins Petersilie

Et maintenant : tout bien relier ensemble

Gros plan sur les champignons

La bonne solution : paillis et bois raméal fragmenté (BRF)

Il peut tout faire : le biochar

Pour les abeilles : les vivaces auxiliaires

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Une solution régénérative… et bien plus encore : la communauté solidaire de Schloss Tempelhof (Allemagne)

Légumes croquants et floraison grandiose : la Frith Farm (États-Unis)

Régénération et permaculture : Henbant Permaculture (Grande-Bretagne)

Légumes en terrasses : Azienda Agricola Iside (Italie)

La permaculture à son meilleur niveau : la ferme du Bec-Hellouin (France)

Recherche et stockage de données : Martin Crawford et Agroforestry Research Trust (Grande-Bretagne)

Toujours face au soleil : Singing Frogs Farm (États-Unis)

Bonnes idées mises en pratique : Triebwerk et le collectif maraîcher de Niederkaufungen (Allemagne)

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Commencer petit : simple et tout en longueur

Un peu d’argent pour le porte-monnaie : des fruits à vendre au marché

Colorée et variée : la biodiversité

Chaque chose à sa place : le système agroforestier dynamique

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Pour tous ceux qui n’en ont jamais assez

Pour feuilleter et continuer à lire : informations, recommandations de lectures, à échanger, à prêter, à offrir ou à acheter

Pour échanger les mots justes dans les conversations : le glossaire

Pour ne pas se perdre dans les sous-bois : l’index

à la pratique ! Systèmes agroforestiers et maraîchage - comment ont-ils fait
Et maintenant, planifions ! Quatre exemples concrets 117 125 131 137 145 151 159 165
Passons
?
Tout est question de planification 79 81 85 88 94 98 101 106 107 107 108 109 113 115 175 176 177 178 182 186 188

L’humanité, et avec elle l’agriculture, font face à d’immenses défis : la crise climatique, les menaces sur la biodiversité, l’exode rural, les crises alimentaires, etc. L’agriculture est directement concernée, car elle dépend d’un environnement varié et préservé pour assurer les nombreuses fonctions qui rendent possible la (sur)vie de l’humanité. Le modèle agricole industriel actuel, qui règne depuis des décennies, contribue souvent à aggraver les crises que nous avons citées, dans la mesure où il s’efforce, par une rentabilité définie par la croissance et par le progrès technique, de contrôler ces crises. Bientôt, il ne restera plus aux agriculteurs que deux possibilités : grandir ou disparaître. Mais l’agriculture sait en réalité, mieux que n’importe quelle autre activité économique, qu’il n’existe pas de croissance sans limites. Lorsque les céréales reçoivent trop d’engrais et poussent trop vite, l’équilibre est rompu et la terre s’appauvrit. C’est pourquoi il faut trouver des alternatives.

Ce livre réunit de nombreuses approches innovantes qui peuvent contribuer à résoudre les crises actuelles. Elles sont souvent en phase d’expérimentation et offrent de nombreuses potentialités pour imaginer des solutions créatives. Sur la base de ses études en sciences de l’agriculture biologique, Leon Schleep a développé activement ses nombreux domaines d’intérêt. Il expose à travers ce livre des propositions majeures pour édifier des stratégies diversifiées, afin de donner naissance à une agriculture respectueuse du climat, riche en variétés et en rendement, mais aussi joyeuse et plus juste sur le plan social.

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En quête d’alternatives durables pour l’agriculture : avant-propos

Savoir ancien et science

nouvelle, et surtout : une plongée dans le monde varié du maraîchage

Les consommateurs sont de plus en plus avertis, ils veulent savoir d’où viennent leurs produits alimentaires, comment ils sont produits et dans quelles conditions. C’est pourquoi le maraîchage, ou agriculture maraîchère, n’est plus une simple « niche ». Semaine après semaine, des cageots de légumes multicolores parviennent aux consommateurs via les circuits courts notamment. Des concombres un peu tordus, des carottes pas toujours droites, mais une diversité illimitée, qui se reflète à différents niveaux dans une petite cagette : la quantité, l’aspect et la saveur. Rien ne surpasse le poivron orange vif en douceur et la roquette n’a jamais été aussi succulente.

Par ailleurs, le sujet de l’agroforesterie n’a également jamais été aussi présent. En particulier dans le contexte de l’agriculture régénérative. Pourtant les informations destinées à combiner l’agroforesterie et la culture maraîchère sont malheureusement encore très parcellaires. C’est ce que nous voulons changer. Car, sans les services rendus par les arbres, notre écosystème global ne survivra pas. Les arbres produisent de l’azote et, avec les océans et les sols, ils constituent la forme la plus importante de séquestration du carbone. Bref, ils sont bénéfiques pour la protection de l’environnement et ils ralentissent la crise climatique. Comment combiner efficacement la culture maraîchère et l’agroforesterie pour en tirer le meilleur parti ? C’est ce que vous allez découvrir dans ce livre. Êtes-vous prêts à vous plonger dans l’univers insoupçonné des légumes et des arbres ? Allons-y !

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Le début du voyage

Ce que vous tenez entre vos mains est le résultat d’un voyage, un voyage de recherche. Mais c’est aussi, en même temps, une étape de mon propre périple. Les thèmes de l’écologie et de la protection de l’environnement m’ont accompagné dès le début de mes études et ont toujours été importants pour moi. À l’époque de mon baccalauréat, j’étais convaincu que ce double intérêt me conduirait en politique ou dans une ONG. Mais comme souvent, rien ne se passe comme prévu. Après avoir réussi mes examens, j’ai passé mon temps libre à entreprendre de grands voyages. Avec un ami, nous sommes partis très loin. Nous avons parcouru l’Amérique du Nord et nous avons compris qu’il nous fallait gérer judicieusement notre budget. Nous avions entendu parler du concept du wwoofing et nous y avons vu l’occasion de passer notre temps de manière efficace dans un lieu donné, sans dépenser beaucoup d’argent. Wwoof signifie Worldwide Opportunities on Organic Farms. Il s’agit d’un réseau mondial dans lequel des contributeurs volontaires peuvent s’investir dans des fermes biologiques ou autosuffisantes : du travail manuel contre le gîte et le couvert. C’est ainsi que nous avons conçu notre voyage : entrer en contact avec les gens, découvrir comment ils vivent, se loger et manger gratuitement. Et c’est ainsi que nous avons fait rapidement connaissance avec les propriétaires d’une petite exploitation de légumes.

Nous n’avions aucune expérience ni l’un ni l’autre dans la culture des légumes et nous avons été enthousiasmés par tout ce que les semaines suivantes ont pu nous offrir. Nous mangions tous les jours des légumes plus croquants, plus frais et plus savoureux que ceux que nous avions pu déguster jusqu’alors. L’endroit accueillait plein de jeunes gens. Les propriétaires de la ferme avaient une petite trentaine d’années. Il régnait une ambiance géniale dans cette ferme et nous avions l’impression d’être parfaitement intégrés. Semer, planter, récolter : c’était une occupation simple et fantastique. Après plusieurs autres voyages, nous sommes revenus dans cette ferme et nous y avons passé encore deux mois. Au cours de cette période d’intense activité, l’idée m’est venue que ma vie, à l’avenir, pourrait se dérouler ainsi. Le contraste entre la représentation idéale d’une vie de maraîcher et la pure réalité, souvent dure, c’était cela qui m’enthousiasmait. Car même si je viens de la campagne, je ne m’imaginais pas du tout passer ma vie dans un environnement rural.

Après ce voyage, j’ai entrepris des études en sciences humaines à Hambourg. Une grande ville bruyante. Et même si j’aimais cette spécialité, je me plongeais avec délice dans mes souvenirs du temps passé dans la ferme canadienne. Jusqu’à ce que je prenne une décision. J’ai emballé mes affaires au bout d’un an et je suis passé de la seconde plus grande ville universitaire d’Allemagne à la plus petite : Witzenhausen. Une jolie petite ville dans le

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↑ La ferme Zocalo Organics, au Canada, est l'endroit où j’ai été pour la première fois en contact avec la culture maraîchère et qui a décidé de la voie que j’ai empruntée.

nord de la Hesse. Adieu les sciences humaines, bonjour l’agriculture biologique ! Le contraste était fort, mais c’était le bon choix au bon moment.

Au cours du deuxième semestre, je suis tombé sur le livre de Jean-Martin Fortier, Le Jardinier-maraîcher, et je l’ai lu d’une traite. J’ai compris aussitôt que la ferme maraîchère dans laquelle j’avais travaillé pendant mon voyage appliquait bon nombre de ces pratiques. Au cours des mois et années qui ont suivi, j’ai lu tout ce que je trouvais sur ce sujet. J’ai pris conscience que le thème du maraîchage rencontrait de plus en plus d’échos et qu’il s’inscrivait durablement dans les centres d’intérêt de l’opinion publique. J’étais de plus en plus fasciné.

À cette époque, quelques camarades d’études avaient fondé une communauté de travail et de discussion qui s’intéressait à l’agriculture régénérative. J’ai rejoint ce groupe et nous avons discuté de pratiques culturales en détail, mais surtout de l’avenir de l’agriculture en général. C’est là que j’ai été confronté pour la première fois à l’agroforesterie. Nous étions tous d’accord : ce mode d’agriculture devait correspondre à un changement radical de paradigme. Le maraîchage et l’agroforesterie me séduisaient autant l’un que l’autre. Cela m’a conduit à consacrer mon travail de fin d’études à une synthèse de ces deux thèmes. Mon chargé de cours à l’université m’a alors proposé d’écrire un livre. Comme j’étais déjà engagé dans la mise en œuvre de notre propre exploitation de légumes, l’île aux légumes (j’en dis plus à ce propos à partir de la page 12), j’ai d’abord décliné ce projet. Comment faire pour mettre une exploitation sur les rails et en même temps écrire un livre ? Et je me suis demandé : est-il légitime d’écrire un livre sur ce sujet alors que je suis moi-même en train de faire mes propres expériences ? Mais je me suis souvenu du livre d’Andrew Mefferd, The Organic No till Farming Revolution. L’auteur racontait son propre voyage de recherche qui l’avait conduit dans différentes fermes qui pratiquaient un système de culture sans charrue ni motoculteur. Il commençait par indiquer le schéma théorique, puis il laissait parler ceux et celles qui avaient déjà mis en pratique ce que lui-même découvrait. Ce concept m’a rappelé ma propre situation. Au cours des derniers mois, je m’étais plongé dans toutes sortes de livres, d’études et de rapports et j’avais mené des recherches scientifiques sur ce sujet. Par ailleurs, je me connaissais bien et je savais dans quelle direction chercher. Et grâce aux témoignages de ceux qui exerçaient en pratique sur le terrain, je pouvais réunir toute une gamme d’idées, de

savoirs et de concepts qui dépasseraient de loin ce que je pourrais réunir d’après mes propres expériences, quand bien même j’aurais derrière moi dix ans d’agroforesterie. C’était décidé : je pouvais écrire ce livre. Je me suis mis en quête d’exploitations progressistes et de maraîchers inspirés.

Je me suis rendu en Angleterre, au pays de Galles, en France et en Italie. Les jardiniers-maraîchers d’Amérique du Nord sont les seuls que je n’ai pas pu rencontrer personnellement et j’ai réalisé les interviews par vidéoconférence. Au cours de mes recherches et grâce à ces jardiniers incroyablement inspirants, j’ai tellement appris que je n’en reviens toujours pas. Je suis tombé sous le charme de chacune de ces fermes. Désormais, au terme de ce long voyage d’apprentissage, nous pouvions planifier et mettre en pratique nos propres systèmes d’agroforesterie dans notre île aux légumes.

Ce serait pour moi la plus belle récompense si quelquesunes des expériences ou des connaissances réunies dans ce livre pouvaient vous aider à planifier et à mettre en pratique un système d’agroforesterie pour votre propre jardin maraîcher.

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L’agriculture est en crise

Vous avez sans doute entendu dire que l’agriculture faisait face à de gros problèmes : crise climatique, perte de la biodiversité, exode rural… Toutefois, sans tomber dans un optimisme exagéré, j’ai actuellement le sentiment que quelque chose est en train de changer. L’agriculture solidaire se développe, les jardins maraîchers apparaissent un peu partout et les notions d’agroforesterie ou d’agriculture régénérative sont devenues des thèmes de discussion aussi publics que privés.

Le mouvement Fridays for Future et les activistes qui placent la crise climatique au cœur de leurs priorités rencontrent un succès massif. Malheureusement, cela ne se traduit pas toujours concrètement sur le plan législatif, mais bon nombre de nos concitoyens ont compris qu’il fallait agir pour léguer un avenir digne de ce nom à nos enfants et petits-enfants. C’est pourquoi je suis certain qu’il est temps d’investir dans un petit lopin de jardin ou de créer une ferme. Nous avons besoin de jeunes dans l’agriculture. Des individus motivés qui portent en eux l’innovation et qui possèdent le goût de l’action. Les idées sont là : réalisons-les dans la pratique !

Récolter ensemble et bien plus encore : l’agriculture solidaire

Le concept est né en Amérique du Nord sous le nom de CSA (Community supported agriculture) qui correspond en France au réseau des AMAP, Association pour le maintien d’une agriculture paysanne. Il s’agit de former une alliance entre consommateurs et cultivateurs. Les deux parties concluent un accord au terme duquel les consommateurs, le temps d’une saison ou d’une année, s’engagent à acheter une caisse de légumes auprès de l’exploitation maraîchère. Les jardiniers-maraîchers acquièrent ainsi une visibilité dans la planification de leurs travaux (ainsi qu’une assurance financière), car ils savent exactement quelles quantités de légumes ils doivent cultiver au cours de la saison. Ces réseaux existent sous différentes formes et manifestations. Certains ne livrent que des petites quantités, d’autres approvisionnent des grandes villes. La forme juridique peut également varier. Le plus souvent, ce sont des associations, des coopératives ou des sociétés anonymes.

← Arbre après arbre pour plus de biodiversité : ce fut la première, mais sûrement pas la dernière plantation d’arbres sur l’île aux légumes.

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