X NE SUR
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Illustration de couverture : Clémence Paldacci
Graphisme de couverture : Olivier Douzou
© Éditions du Rouergue, 2025 www.lerouergue.com
Anne Percin né sur X
À
ma mère.
1. ma planète
Le soleil se couche sur la planète Terre. Bientôt ce sera clair de lune. Quelque part, au loin, brille une planète inconnue. C’est ma planète. Hier on m’a dit la vérité. Ce n’était pas tellement une surprise, je m’en suis toujours douté. J’ai toujours vu dans les yeux des autres gens que j’étais différent. Les Gloums qui m’ont accueilli dans leur foyer m’ont presque tout révélé hier, mais depuis longtemps j’avais remarqué : mes yeux ne sont
pas leurs yeux, mes cheveux ne ressemblent pas aux leurs, je ne suis pas fait pareil.
Il paraît que je suis né sur X.
Je ne sais pas comment je suis arrivé sur Terre. Une erreur de pilotage, sans doute. Et puis ce fut le largage en urgence, dans une zone à faible densité de population. Là, une tribu de Gloums composée de deux membres, mâle et femelle, m’a recueilli. Pendant des années, ils se sont occupés de moi, mais ils m’ont toujours caché comment j’étais arrivé sur la Terre. Ils m’ont nettoyé le cerveau et tout reprogrammé, pour que je fonctionne comme eux. Et voilà le travail. C’est l’échec complet.
Alors hier, ils m’ont pris entre six yeux (les deux leurs et les deux miens), et ils m’ont balancé la nouvelle.
Au début je ne savais pas quoi faire de cette information. Né sur X, qu’est-ce que ça voulait dire ? C’est quoi, X, d’abord ? Tout ce que j’ai compris c’est que je ne suis pas
comme eux, comme mes Gloums. Ça sautait aux yeux, c’est vrai. Mais moi, alors, j’étais quoi ? Un étranger, venu d’une autre planète ? C’est évident : je suis un alien, comme dans les films ! Je n’ai pas la peau verdâtre ni trois doigts à chaque main, mais à part ça, E.T. et moi, on est pareils.
C’est bien beau, mais maintenant il va falloir que je pense à rentrer chez moi. Comme E.T., il faut que j’arrive à comprendre comment retrouver ma planète. Les Gloums ne m’ont rien dit à ce sujet. Peut-être qu’ils ne veulent pas que je puisse retourner d’où je viens ? Peut-être aussi qu’ils ne savent pas comment faire. Comment me renvoyer làbas. Je suis pourtant sûr qu’il y a un protocole de retour. On voit ça dans les films.
Peut-être que la solution, c’est leur fameuse école. Je me suis déjà demandé à quoi ça servait, l’école. Et si c’était pour ça ? Pour apprendre à rentrer chez soi ? En tout cas,
ça ne coûte rien d’essayer. Moi cette année j’ai changé d’école, je vais dans ce qu’ils appellent un collège.
Là-bas, par exemple, on apprend à dessiner des trajectoires, à faire des calculs. Ça peut dépanner. On y trouve un CDI où l’on consulte des atlas, des cartes, des livres de sciences. Et aussi de gros volumes épais avec des mots qui ne servent jamais. Il y a certains mots que j’ai découverts hier. Avant ça, je ne savais même pas qu’ils existaient.
Je les ai recopiés sur mon carnet spécial, dans un code que je viens d’inventer. Je ne sais pas d’où ça me vient ce code, c’est peut-être le langage de la planète X qui m’est revenu, comme ça, d’un coup ? Par exemple pour le premier mot ça donne :
J’ai donc recopié : Agrément, Anonyme, Assistance, Mineur, Pupille. C’est déjà pas mal, pour un début.
Ce sont des mots que je n’avais pas compris hier, dans le discours des Gloums. Il faut
dire aussi que parfois ils s’arrêtaient de parler pour se regarder en prenant un air mystérieux, tristes et contents d’eux en même temps. Et moi, plus ils parlaient, moins j’y comprenais quelque chose. Ça ne facilitait pas les choses, leurs têtes graves. On aurait dit que tout d’un coup on ne parlait plus la même langue, eux et moi. Et c’est ça, c’est exactement ça. Pas la même langue, pas le même sang, pas la même planète !
Désormais, dès que j’aurai un peu de temps je consulterai les ordinateurs du CDI.
Là-dedans, sûrement que je trouverai quelque chose pour pouvoir retourner d’où je viens.
La planète Terre est très complexe et elle est organisée avec des lois qui demandent des années d’étude si on veut les comprendre, et encore plus d’années d’expérience, si on veut les appliquer.
Je pense que sur la planète X, les lois sont beaucoup plus simples.
La preuve : on m’a expulsé et puis on m’a laissé dériver dans l’espace-temps, enfin j’imagine que c’est comme ça que ça s’est passé. Pas d’ordre de mission, pas de plan de route, pas de solution d’urgence. Démarre, décolle et débrouille-toi ! Voilà comment ça s’est passé, enfin j’imagine parce que je n’en ai aucun souvenir. Je me suis retrouvé sur Terre sans possibilité de revenir. On ne se pose pas tellement de questions, sur X. On largue la soucoupe volante et… Wizzzzz ! Dans l’espace !
N’empêche que maintenant, il va falloir être prudent. Justement parce que les Terriens sont des gens compliqués et qu’il faut toujours tout expliquer, avec eux. Il va falloir ruser pour qu’on me laisse mener mon enquête discrètement, découvrir les protocoles de retour, trouver un moyen de revenir sur X.
D’abord, il faut que je sois sûr que les Gloums ne vont pas tout faire foirer avec
leur manie de regarder dans mes affaires pour, soi-disant, vérifier mes devoirs. Tenter d’échapper à leur surveillance pour entrer en contact avec des forces spéciales, des agents interplanétaires qui seraient capables de me faire revenir sur X.
Il faut prendre des mesures.
Je vais rédiger ces notes dans le langage codé que je viens de retrouver. Bien entendu, ça va être pénible parce que je n’ai pas l’habitude d’écrire longtemps avec :