TITRES RARES OU INÉDITS
DOUCH
Nouvelles lectures cosmopolites Macrocoma GVK Le syndicat électronique 1-ka-thar-six Vox Le singe blanc Nature morte Déficit des années antérieures
EXPRESSION
ONORE
ROIDE
GRAPHIQUE
FESTIVAL ARTOOZ (Gira, P.Orridge, Coil…) LES S NOUVELLES LECTURES COSMOPOLITES ETANT DONNÉS NO SÉ KITSHETTE DEFICIT DES ANNEES ANTERIEURES POISSON SEC SAM
#1 parution aléatoire-automne 2002-7e-CD inclus
1KA-THAR-SIX FLORIAN LE MOINE PIERRE BASTIEN
Na-Da : “Dur d'oreille” (2002)
Mais " douche froide " représente aussi une dimension concrète des applications de Phosphen, toute nouvelle association qui a pour but de créer un lien entre graphistes, musiciens et bidouilleurs en tout genre. Phosphen, c’est aussi un label qui a sorti une compilation, " Tribalités Urbaines ", le 4 mai dernier, et qui organise des soirées-événements. Le lieu dans lequel Phosphen a vu le jour, Mix’Art, est lui aussi
Directeur de la publication : Piff Linger Rédacteur en chef : Max Lachaud Rédacteur : Marjory Salles Direction artistique : Hervé Duhem rvax@netcourrier.com Ouverts à toute collaboration, n'hésitez pas à nous contacter : " Douche Froide " 33, rue de Metz - Ancienne Préfecture 31000 Toulouse (France) douchefroide@altern.org
un lieu de rencontre artistique pluridisciplinaire, occupé illégalement et légitimement, offrant une culture accessible à tous afin de fournir des possibilités à des artistes en situation de précarité. Centralisé sur Toulouse, un des buts premiers de Mix’Art est de créer des connections. Ce premier numéro de " douche froide ", graphiquement parlant, propose des travaux (trop peu hélas) de quelques uns des artistes de ce lieu. Le but étant, à l’avenir, de s’élargir sur d’autres endroits, d’autres villes. " Douche froide " cherche à développer dans chaque numéro un fil conducteur au graphisme. Chaque artiste illustre ici ses propres angoisses. Corps grotesques, phobies abjectes, formes inquiétantes, chacun y va de sa propre vision et de sa propre subjectivité. Musicalement, nous avons aussi cherché à mettre au sommaire des artistes dont nous apprécions la démarche et qui se situent tout à fait dans l’optique de " douche froide " : les plasticiens sonores de Déficit des Années Antérieures, le mécanoïde mélancolieux de Pierre Bastien, le théâtre de la cruauté d’Etant Donnés ou les bidouillages mystiques des Nouvelles Lectures Cosmopolites. Il ne s’agissait pas non plus de s’arrêter là. Ainsi est venue l’envie d’un accompagnement sonore au fanzine qui se proposerait de faire, encore une fois, se rencontrer de nombreux artistes, certains plus connus que d’autres, sur un même support, et de donner ainsi une dimension supplémentaire à " douche froide ". Le résultat est là, entre vos mains et vos oreilles. Nous espérons que vous apprécierez et y trouverez votre propre chemin.
" Douche Froide " est édité par l’association Phosphen Merci à tous les artistes qui nous ont fait confiance pour cette aventure !
Max et Piff
Illustration couverture : Kitshette : “Amiel” (2002) - kitshette@hotmail.com
Cela faisait longtemps que nous l’attendions… Nous pestions en silence de voir le fanzinat dans sa lente agonie se borner à n’être que musique, que graphisme, que sectarisme. C’est ainsi qu’il y a maintenant plus d’un an a germé l’idée de " douche froide ", l’idée d’un " fanzine non limitatif " (nous utilisons le terme " fanzine " faute de trouver mieux) qui ferait se rencontrer musique, écriture, photographie, dessin, et toutes les formes d’expressions artistiques.
Dans le cadre des soirées thématiques musique et cinéma organisées par Scratch Projection (organisation diffusant des films expérimentaux), Pierre Bastien accompagné par le cinéaste Karel Doing, nous a régalé, ce mardi 28 mai, d’une performance intitulée " Four Eyes ".
interview
Mais comment rendre compte de l’univers de Pierre Bastien sur ce papier sans perdre l’émotion et la magie de l’instant ? Chose ardue, voire impossible... Racontons tout de même ce que nous, spectateurs transcendés, avons vu et écouté ce fameux soir.
Ambiance feutrée, un éclat de lumière : la machinerie colorée de mécano s’ébranle et crée le rythme. Les images de Karel Doing défilent, en noir et blanc, répondant à cette cadence entrecoupée. Sons répétitifs et incantatoires , rituel sonore et visuel, ces alchimistes nous font entrer sans plus de façon dans une dimension fascinante...
Sortis de cette transe, détaillons maintenant cette rencontre du lendemain, où Pierre Bastien a accepté avec pudeur de mettre en mots ses passions instrumentales et machinales.
bastie
w
Nous avons assisté hier soir à une
Karel est venu voir un concert et a beaucoup
prestation avec Karel Doing… cinéaste avec
aimé. A voir ces images, sans travelling, sans
lequel vous travaillez depuis déjà longtemps.
aucun effet de cinéma, uniquement des plans
Comment vous répartissez-vous les tâches :
fixes, donc cela bouge mais à l’intérieur d’un
Karel aux images, Pierre aux sons ?
plan fixe (et c’est un plan fixe d’une heure), il a eu envie de donner le mouvement de
P.B. En fait, Karel réalise une partie des
travelling, du cinéma… Il est venu ici même,
images : il projette ses films réalisés en super
pour filmer des vues de Paris car je lui parle
8 sur de petits écrans installés sur sa table,
souvent de Paris parce que je suis, comme
eux même filmés par des caméras de
tous les exilés, nostalgique de ma ville natale
surveillance qui retransmettent l’image sur
(Pierre Bastien vit à Rotterdam)... alors il est
grand écran. J’utilise le même système où ces
venu filmer Paris avec l’œil d’un étranger…
mêmes caméras filment mes machines en gros
mais cela ne se voit pas forcément…
plans, donc je diffuse aussi des images... Dans mes concerts solo, il y a uniquement des
Si, on reconnaît bien l’architecture, les
images filmées en direct.
stations de métro…
Toute image de passants, de voitures, d’immeubles... tout ce qui est imaginé et qui
Oui, mais c’est tout de même une vue un peu
sort de la salle de concert, tout cela est la
abstraite... J’aime travailler avec lui parce qu’il
pierr
n
je suis, comme tous les exilés, nostalgique de ma ville natale
partie de Karel. Moi je suis responsable des
crée d’une façon rythmique : il utilise des
images qui sont là, en train d’être travaillées
projecteurs super 8 qui peuvent aller jusqu’à
sur scène.
3 images par seconde. Il intervient sur la vitesse, normalement le cinéma fonctionne
Comment conciliez-vous vos deux univers ?
avec 18 ou 24 images par seconde, alors avec
Karel introduit des images extérieures…
3 images, cela crée un battement… et c’est
quel est votre point de départ ? Les images ?
très beau, cela ressemble beaucoup à ma
La musique ?
technique musicale. En fait, je joue exactement de la même
Pour un concert seul, j’ai trois projections :
manière, j’ai des petits moteurs qui travaillent
le tourne-disque, le petit clavier sur lequel
en bas voltage et avec des boutons, je peux
tourne le cylindre au milieu et sur le coté
alimenter en 3 volts, en 6 volts… je change de
une machine rectangulaire en mécano qui fait
vitesse de cette manière là.
des rythmiques.
Donc tous deux vous fragmentez le réel et
Donc quand Karel superpose les images
vous composez une cadence. Cela fonctionne
iconographiques et les machines, cela me
automatiquement ?
rappelle un peu tout ça. De moi même, j’irai plus vers des choses abstraites.
Je l’espère ! Effectivement, cela correspond à votre La présence d’êtres humains dans les films
présentation, vous êtes tous deux habillés
m’ont intriguée : …Nous voyons les machines,
en noir, vous disparaissez presque dans la
nous " voyons " donc les figures de la
pénombre et les images en noir et blanc. Un
répétition, et dans cette ambiance mécanique
seul jet de lumière sur la machine de mécano,
et implacablement cadencée, des passants,
seule touche de couleur vive d’ailleurs !
des marcheurs… un gros plan de jeune femme…
Pour la couleur je ne suis pas responsable, c’est la couleur du mécano ! Le premier
Ah, cela relève de la partie de Karel, c’est à lui
mécano, qui date de 1910, était noir et blanc.
qu’il faut poser la question… Pour ma part,
J’en ai collectionné des kilos et c’est rare à
je ne suis pas très sensible à tout ça, je préfère
trouver… J’en ai vu une seule fois… j’ai fait une
l’univers géométrique.
machine que j’ai donné à un collectionneur…
J’ai l’envie et la tentation lorsque j’entre en scène de me présenter un peu comme
Vous jouez avec ces machines que vous avez
Charlie Chaplin dans " les temps modernes ",
vous même programmées. Il y a-t-il de la
dans une machine, dans une mécanique qui le
place pour l’improvisation, pour une liberté
broie et qui le dépasse. C’est un petit peu
de notes ? Ou vous soumettez-vous au régime
cette image là qui me rentre en mémoire
qu’elles vous imposent ?
lorsque je présente une grande image de machinerie avec moi, petit, là dessus,
Oui, je me soumet à leur rythme mais en
assommé par cette machine…
même temps, j’ai beaucoup de liberté car je n’en utilise pas qu’une à la fois. Parfois, je me laisse emporter par le visuel, l’image du tourne disque me plaît. Logiquement, il y a trois sources sonores qui jouent à une certaine vitesse donc sur des plans différents
“Mécanoïd” 2001
avec leur propre tempo. Je ne me sens pas enfermé dans un carcan, j’ai mes boutons à porté de mains : si je me sens en prison, je m’en libérerai très facilement. Au contraire, je vois cela comme un tremplin pour ma mélodie. Souvent la mélodie est aussi un prétexte pour laisser travailler les machines longtemps.
je ne me sens pas enfermé
Alors tout est manigancé au départ, pas de place à l’aléatoire ?
dans un carcan, j’ai mes Exactement. Quand j’enregistre une première
boutons à porté de mains
prise avec une nouvelle orchestration, j’improvise.
Puis
je
reprends
cette
improvisation. Quand j’ai trouvé la bonne, je la rejoue sur scène. Ce n’est pas improvisé sur scène, elle date déjà de 6 mois !
tout ce que je fabrique c’est une blague avec
Le fait de répéter cette impro lui donne plus
la musique, avec les sons… je peux faire des
de caractère, plus de force. Souvent je
rythmiques que les autres font à grand renfort
réenregistre un morceau 6 mois plus tard car
de batterie et d’appareils électroniques
il est plus intensif, la première fois on n’est
sophistiqués. Moi je fais ça avec des mécanos,
pas tout à fait conscient de tout ce qu’on
des petits moteurs de radio cassettes,
pourrait y mettre. Quand je joue quelque
des élastiques. Cela a ce côté dérisoire mais
chose de triste, en le réecoutant plus tard,
je parviens presque au même résultat, enfin,
je m’aperçois que c’est plus poignant.
un résultat voisin…
Il demeure chez vous un côté
Le fait d’utiliser des objets du quotidien
mélancolique, mais aussi ludique…
apporte une touche de fantaisie : les gens ne réalisent pas toujours que leurs appareils
Raymond
Quéneau
disait
électroménagers peuvent faire un joli son !
" mélancolieux " … Je
suis
un
musicien
pratiquement
J’aime le triste plutôt dramatique et
autodidacte… je ne suis pas un spécialiste de
j’aime m’amuser dans la vie, donc
la musique. Quand je dois parler à un public,
spécialisé dans les musiques réalisées sur une thématique. Luis d’Antin Van Rooten a écrit ça pour s’amuser, dans un français très bizarre avec des notes très farfelues en anglais. On a je lui parle avec ce qu’il connaît, sur un même
invité des amis de diverses nationalités et on
plan. Je ne cherche pas des techniques ou des
leur a fait lire ce livre et c’est plus ou moins
technologies compliquées dans la musique.
bien selon l’accent, parfois on arrive à de l’anglais, parfois pas du tout ! Le résultat
Est-ce une façon de désacraliser la musique
a toute fois été très musical et très comique.
et ses virtuoses ? Votre musique est très visuelle, par le fait de Non, j’ignore ces choses là, je n’aime pas la
toute sa machinerie, lorsque vous produisez
musique quand elle est jouée de cette façon
un Cd, vous prenez en compte cette nouvelle
là. J’aime la musique quand elle est jouée
dimension ?
simplement avec des choses simples. Je ne veux pas de mystère, on voit mes trucs
Quand je suis sur scène, je ne peux utiliser
qui tournent avec mes caméras… on comprend
tous les instruments que j’ai à la maison, donc
mieux ce qui se passe. Tout est fait avec du
je m’amuse autant d’un coté que de l’autre !
carton, de l’alu, des punaises… pas de choses
(Pierre Bastien collectionne les instruments ethniques)
rares et compliquées.
J’ai mon propre studio chez moi et cela me
Il y a tout de même un instrument : la trompette.
Oui, c’est la chose la plus froide. Je me souviens, il y a toujours eu une trompette chez moi… quand j’étais enfant, je voyais cette petite usine et cela me faisait un petit peu peur. permet de travailler sans avoir à construire Vous détournez les objets en tant que
réellement une machine, je la recrée
musicien et vous avez réussi à trouver un
manuellement par différents procédés et
poète qui a
détourné le langage en la
je fais en sorte que cela joue comme une
personne de Luis d’Antin Van Rooten…
machine… des sons humains qui sonnent
Celui-ci a écrit des poèmes en français qui,
comme une machine.
lut à haute voix correspondent à de l’anglais. Quand vous jouez d’un instrument, est-ce que Oui, comment le savez-vous ?...
vous considérez que vous apportez une part
Cela fait l’objet de mon dernier Cd " Mots
d’humanité à votre symphonie machinale ?
d’Heures :
Gousses,
Rames "
que
j’ai
composé avec Lukas Simonis, guitariste.
A force de jouer avec ces machines, elles
Il a été édité chez In-Poly-Sons, label
s’humanisent… j’ai construit la première en 1977.
Ce sont mes enfants ! Il faut s’en occuper,
Pierre Bastien sera en concert au Printemps de
les remettre en état…
Septembre à Toulouse, les 27 et 28 Septembre
J’ai une relation amicale avec ces robots et
avec Pierrick Sorin et à Albi en février avec Jean
à certains moments j’ai l’impression d’être
François Laporte (dates à préciser).
devenu un robot, je peux jouer très
A ne rater sous aucun prétexte ! ! !
mécaniquement… Je ne suis pas aussi fort que certains à ce jeu là. Il y a en a de très bon, je pense notamment au batteur de Can qui, une fois, en studio, jouait aussi carré que la programmation de la boite à rythme.
DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE ■ Mécanium (ADN) LP 1988 ■ Musiques Machinales (In Poly Sons) CD 1993 ■ Mécanisme de l'Arcane 17 (G3G) single 1994 ■ Eggs Air Sister Steel (In Poly Sons) CD 1995 ■ Boîte n°3 (Ed. Cactus) mini CD 1996 ■ Musiques Paralloïdres (Lowlands) CD 1998 ■ Mécanoïd (Rephlex) CD 2001
Mes machines ne sont pas aussi implacables ! Propos Comme elles sont fabriquées avec des élastiques, il y a toujours des petits flottements, qui sont d’ailleurs très agréables et presque humains ! Elles m’ont donné un style très particulier…
je ne veux pas de mystère, on voit mes trucs qui tournent avec mes caméras
recueillis
par
Marjory
les S
michael gira
Pour tout amoureux de
chronique
musique électronique
festival
industrielle, ce week-
end de Pâques devait forcément se dérouler à Limoges, siège du
festival annuel Artooz.
Tout a commencé le jeudi 28 mars, dans les
concert au charme fusionnel et incantatoire.
caves de la galerie d'art Res Rei en centre ville.
Effeminé, perruqué, maquillé, cuir et T-shirt,
En
et
d'une voix vibrante, Genesis nous livre ses
performance électromagnétique de Kelektrik
textes. Ironie, sourire métallique et vibrations
Expérimental… dans un dédale de couloirs,
industrielles, nous reconnaissons là sans
la perception de l'espace se structurait selon
aucun doute l'héritage de Throbbing Gristle,
les larsens et la luminosité des néons en
dans une transe transie, un bonheur
résultant. Une mise en scène qui annonçait
magnifié...
guise
d'ouverture,
installation
les réjouissances à venir ! Puis, les frères Hurtado entrent en scène
ah cama-sotz
Après cet accueil sombre et bruiteux, nous
pour une performance concise et puissante.
partons pour la salle C.C.S.M. John Lennon, où
Un quart d'heure équivoque et cohérent où
nous attendaient Michael Gira et sa guitare
Etant Donnés exprime une vision de l'homme
sèche. Malgré quelques trouble-fêtes postés
et ses rapports au monde, entre lumières
au bar, cet ex-membre du mythique groupe
aveuglantes, cris, psalmodies, combats,
Swans instaura une ambiance intimiste et
baisers. Un spectacle corporel où la mise en
introvertie avec une énergie maîtrisée,
abîme par le biais de la lumière correspond à
laissant entrevoir une forte personnalité.
la philosophie du groupe : unité du corps et
Une voix grave et virile, une guitare maltraitée
de l'esprit avec l'amour comme seule source
pour une bonne cause, nous ne pouvons que
vitale, dans un rapport à l'art sacré et son
tomber sous le charme.
caractère divin.
Fait
son
entrée
Genesis
P.
Orridge,
Nous ressortons de cette première soirée
accompagné de deux acolytes, sous le nom de
dans un état second, dans une sorte d'ivresse
formation Thee Majesty, nous gratifiant d'un
euphorique pour aborder le programme du
coil
artooz xabec
vendredi, tout aussi riche en palpitations
bruitiste. Une chorégraphie pour deux
passionnelles.
danseuses, une blanche aux gestes coulés, un noire aux élans saccadés, inspirée du
C'est à Wild Shores de poser les premiers
Buto japonais. Toutefois, malgré un visuel
sons, avec un spectacle multimédia intitulé
agréable, les liens entre les images, le
"ZOOM X". Sur trois écrans défilent des
discours et les mouvements ne sont pas
images humaines, au rythme d'une musique
pertinents...
électronique hypnotique. Une très bonne programmation pour notre plus grande
La compagnie Le Chiendent, accompagnée
appréciation.
par Phil Von, présentent un spectacle pour trois corps suspendus nommé "Le Trou".
Suivent la compagnie Swan Ei, jfx et
Une chorégraphie enlevée sur une musique
le caca sectaire pour leur prestation
électronique enivrante. Pour avoir déjà
"Icônes". Projection de mots, de corps en
assistée à une présentation en un autre
croix, superposés à l'architecture d'église
lieu, je relève que, bien évidemment, la
catholique, sur une musique ambiante
programmation musicale et les étapes ont été
genesis p.orridge
adaptées au lieu, au détriment d'une montée
Enfin,
en puissance plus radicale. Et de quel trou
solennelle et intimiste, mélodique et belle,
s'agissait-il ? Nous avons vainement cherché.
accompagnée par l'odeur de la somptueuse
Coil
introduit
une
atmosphère
myrrhe. John Balance recueilli et concentré, "Bleu" et "Royaume" sont les deux films
ritualise un concert enjôleur et froid. Nous
d'Etant Donnés dont les images superposées,
sommes en transe muette et extatique,
superbement orchestrées sur des murmures,
profondément sous le charme. Enfin pas tous,
instaurent une ambiance de calme et de
car cette sublime prestation n'a pas été
volupté. Malheureusement, la longueur de ces
comprise par quelques uns, ne comprenant
projections a raison de la patience du public
pas ce parti pris, d'une douceur apparente.
qui en cette heure avancée est plus que sensible à la fatigue et aux rêves.
Pour finir, DJ Octor aux commandes des platines nous offrit un live ludique dans la
Samedi, dernière soirée dont le public a
mouvance années 80 très apprécié par les
considérablement grossi. L'ambiance change
derniers rescapés de ce festival.
et la programmation contribue à donner un autre climat à ce festival. Xabec amorce la première partie de soirée. Le son se veut plus synthétique que ce que nous avons écouté ces deux derniers jours.
Ah Cama-Sotz produit des sons plus puissants et plus agressifs, dans une tonalité techno-industrielle, mais nous nous lassons
caca sectaire
vite devant les projections stéréotypées et
ammo
faciles d'extraits de films expressionistes,
Après toutes ces émotions nous attendons
de chats et autres imageries morbides.
donc avec impatience l'édition 2003 du festival Artooz où les groupes Laibach et
Pan Sonic instaure une ambiance personnelle
Einstürzende Neubauten pourraient bien être
plus dépouillée, dont le visuel se limite à un
de la partie !
aplat de lumière mettant en scène une sorte
Chroniqué
par
Marjory
d'électrocardiogramme du son, qui plus est, totalement analogique. Efficacité de la programmation dans la vaine électronicabruitiste, nous entrons avec délectation dans Crédits photo :
ce monde attirant, un bijou du genre.
• Liliane meynard • N. Pingnelain www.obskure.com • Christel Arnoult www.kyronn.free.fr
Ammo amorce un show breakbeat techno. Malgré un succès dansant, nous nous interrogeons sur la pertinence de cette
• Mimetic http://membres.lycos.fr/mimetic
programmation à ce festival, pas du tout
• Maité Hemptinne
dans l'esprit de ces deux premiers jours !
• Max Lachaud
La transition avec Coil promet d'être dure...
compagnie le chiendent
“Créature”
judi KL
aurore
vin ent
chabaud
macrocoma
laetitia
florian le moine
interview
NLC J.Ash Mon père était professeur de piano, ainsi que mon grand-père. J'ai commencé à composer vers 8 ans, certains morceaux de NLC reprennent des thèmes de cette époque. J'étais, avant NLC, fasciné par la culture fantastique, gothique, horrifique, et la marginalité. Mes goûts musicaux s'étendaient de Schubert, Bach, Pachelbel à Nurse With NLC est un des rares " groupes " qui, depuis sa formation en Wound, Thomas Köner, Current 93, Coil, en 1989, a su nous surprendre à chaque nouveau disque. Intrépides,
passant par Thiéfaine, Pink Floyd, la musique
touche-à-tout, les explorations sonores de NLC vont du dark
traditionelle russe, andalouse et tibétaine…
ambient à du néo-classique, en passant par le minimalisme,
Sur le plan purement littéraire, je vouais une
la new age, le trip hop, l’électro, le noise industriel, le médiéval,
grande admiration à Kafka, Desproges et Dac.
l’ethnique, la pop et toutes sortes de collages où toutes formes
J'adorais également Dali, Magritte, l'école d'Ingres, le baroque et l'art nouveau. Mes
d’atmosphères s’heurtent et s’entrecroisent. goûts n'ont jamais changé, je n'ai jamais renié ce que j'ai admiré. Je suis quelqu'un de très constant… “Allegro vivace” 1993
A la base de la formation étaient Julien Ash et Augustère. En 1991 ce dernier, n’ayant
Au-delà de la dimension purement musicale
ni le temps ni l’énergie nécessaire pour
s’ajoute une dimension esthétique : des
continuer, quitte la formation. Julien Ash sort
objets en édition très limitée, comme le " Lost
alors un album solo, " Incandescent " aux
Sand Divinities " accompagné de cartes
ambiances
et
postales sublimes édité à 98 exemplaires
intimistes. Il retrouve ensuite son comparse,
ou le coffret " Le Lieu Noir ", cinq disques
sortent une cassette sous le nom de
numérotés jusqu’à 200 dont le dernier sur
Maelstrom, puis un autre enregistrement
vinyle blanc, la cassette " Dieu est gros "
crédité Triste Nuit Pour, pour reprendre en fin
dans un boîtier en bois, etc. Dans certains des
de compte le nom de Nouvelles Lectures
premiers enregistrements, on trouve même
Cosmopolites. Mais Augustère ne deviendra
des peintures réalisées par Ash lui-même.
sombres,
mélancoliques
plus que participant. NLC devient le projet d’un seul homme : Julien Ash.
Je faisais de la peinture, je fais encore pas mal
C’est surtout à ce moment-là que NLC
de photo, mais d'autres sont plus doués que
s’éloigne d’un heritage industriel, certes de
moi pour cela, je n'utilise donc ce que je fais
qualité, pour explorer des contrées plus
que lorsque cela en vaut la peine, et surtout
vastes.
lorsque je ne peux pas le faire faire par
quelqu'un de plus doué… Heureusement, cela
Je pense que NLC peut encore faire beaucoup
se produit de plus enplus rarement. Ceci dit,
de choses nouvelles avec des machines.
j'aime bien tout surveiller du début à la fin…
L'ouverture vers les sonorités acoustiques
Je suis néanmoins passionné par tout ce qui
s'est faite grâce aux possibilités des
est arts plastiques.
ordinateurs, et la démocratisation des techniques d'enregistrement, qui a permis de
Les œuvres de NLC sont donc toutes des
faire des prises de son correctes chez soi.
objets et des pièces rares dépassant
Je suis un artisan, un amateur, et revendique
rarement les 500 ou 1000 exemplaires,
ce statut, je n'ai donc fait plus d'acoustique
malgré
les
que quand cela a été possible simplement,
rangeant aux côtés de Coil ou Legendary Pink
spontanément. La variété de mon univers
Dots. La plupart de ces productions sont
vient de la variété des collaborateurs de NLC,
une
réputation
planétaire
sorties sur leur propre label EDT, ancienne Encyclopédie devenue
des
Ténèbres
Empreinte
(1996-2002),
du
aujourd’hui
(1990-96)
mes goûts n'ont jamais changé,
Tyranosaure Essence
de
je n'ai jamais renié
Térébenthine. Le design des pochettes, quant à lui, peut surprendre par ses décalages entre contenu et contenant, entre pochette et titre.
Je ne suis pas contre le décalage, bien au contraire, mais l'important à une certaine époque était le coté "exclusif" de la pochette : il fallait un visuel inédit, quelque chose de fort, pas forcément toujours en rapport avec la musique. Depuis que l'Agent MS réalise les pochettes de NLC, je pense qu'il y une adéquation bien plus grande entre le contenant et le contenu…
Au fur et à mesure des années, la musique est devenue plus acoustique, intégrant des violons, guitares, instruments à vent dans un univers auparavant dominé par les machines. Ash n’en délaisse pas pour autant l’électronique.
ce que j'ai admiré
et de la variété de mes goûts musicaux.
enregistrements, et vice-versa, depuis 10 ans.
En fait, je touche à tout parce que je ne suis
Un collaborative Cd est d'ailleurs prévu pour
qu'un amateur, donc pas capable d'être assez
2003 pour fêter cet anniversaire. EDT a
bon dans un domaine bien précis.
également signé ZAMA l'an dernier, un groupe ethno-expérimental très créatif. Il pourrait
Dès le milieu des années 90, Ash commence
y avoir d'autres signatures prochainement…
à s’intéresser au monde de l’enfance, “Le domaine” 1997
au spectre de Peau d’Ane (" Clean "), aux ambiances oniriques, à Lewis Carroll (" Allegro Vivace ") et intègre dans sa musique rappelant
des des
sons
plus
percussions
minimalistes
je garde toute liberté
enfantines
(" Le Sanctuaire d’Is ", " Le Sang de La licorne "). Les derniers enregistrements amorcent une dimension plus adoucie et
Le dernier CD de NLC " Les Grands Saules "
sereine avec des sonorités trip hop, pop,
est, quant à lui, un véritable film sonore avec
voire même rock (la guitare blues sur
ses personnages, son scénario, ses lieux, etc.
" Les Grands Saules ").
Mais ce goût pour les progressions narratives n’était-il
Domaine "
déjà ou
perceptible d’autres
dans
Je suis tout à fait conscient de ces
" Le
changements, mais je ne maîtrise pas tout à
conceptuels ? D’ailleurs il y a souvent une
fait… Simplement, je travaille sur des choses
idée de suite dans les titres des morceaux
qui me font plaisir, sans me soucier du regard
(partie 1, 2, 3, …)
disques
des autres. J'essaie toutefois de respecter mes auditeurs, mais je garde toute liberté…
Effectivement, il y a un concept global, et souvent des concept-albums, mais tout
Les invités, quant à eux, se font de plus en
cela est plus instinctif que prémédité…
plus nombreux. On compte, entre autres,
Par exemple, un album part souvent de
Christoph Heemann (HNAS), Frédéric Bailly
quelques sons, et le concept grandit en
(KOD), Olga Zimovets (diva russe), Un Amour
même temps que l'album. Et il est finalisé
de Gibax, Philippe Joncquel, etc. La liste est
tout à la fin, comme les titres des morceaux,
longue mais on peut noter la collaboration
qui sont d'abord provisoires, puis modelés
depuis dix ans maintenant avec Frédéric
et changés selon l'avancée des travaux.
Truong de Leitmotiv.
Tous les éléments qui composent un album sont assemblés par mes soins, selon leurs
Je suis très proche de Leitmotiv (aucun
possibilités de cohabitation, et le résultat
rapport avec le groupe cold des années 80)
global dicte le concept, en accord avec
puisque je participe régulièrement à ses
les matières premières. C'est proche de l'impressionnisme, du patchwork.
“Lost sand divinities” 1990
“Incandescent” 1991
pas
L’atmosphère de " Les Grands Saules " rappelle fortement Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier… Aurait-il été influencé ?
Oui, mais cela fait plus de 25 ans que
comme des témoignages d'expériences,
je l'ai lu, alors je m'en souviens à peine… Je
des récits d'ambiances, que comme des
me souviens, à la même époque, avoir été très
objets définitifs, figés et voulus comme tels.
impressionné par " la tuile à loups " de quelqu'un qui devait si ma mémoire est
Une étrangeté demeure. C’est le langage
bonne, s'appeler Jean-Marc Soyez.
de NLC, son vocabulaire, des termes
“The link cutters” 2001
étranges comme " Oïkema, " Korihor ", Si la musique de NLC est avant tout
" Gynogéodésie ", " Deuteronome ", etc.
instrumentale, la voix devient un élément de Ces mots signifient généralement quelque
plus en plus présent.
chose, mais j'aime énormément jouer avec les C'est une volonté, je trouve que la
mots. Korihor est l'antéchrist du livre de
voix
chose
Mormon, Oïkema est une maison de plaisir
à la musique, mais je m'en méfie aussi
imaginée par l'architecte francais Claude
beaucoup, et je ne peux malheureusement
Nicolas Ledoux, précurseur de l'architecture
pas souvent travailler avec des personnes qui
fonctionelle, le deutéronome est un manuscrit
ont des voix intéressantes, j'utilise donc ces
ancien, et la gynogéodésie est un barbarisme
voix dès que je le peux. Je compose tant de
sculptural que ne renierait pas Dali. Mais
musique que les accompagnements vocaux
contrairement aux surréalistes et à leurs
ne suivent pas !
cadavres exquis, les barbarismes que
apporte
souvent
quelque
“Spiritus rex” 1994
j'emploie sont éthymologiquement parlants A savoir que le futur CD de NLC " The Book of
et réfléchis.
Laments ", qui sortira en 2003, comprendra la voix troublante de la néerlandaise
Il est sûrement inutile à présent de dire que
Liesbeth Houdijk du groupe Hide and Seek.
NLC, c’est un univers fascinant. Triste certes,
Un disque tendre et mélancolique, d’une
mais beau. Définitivement beau.
densité émotionnelle qui en fera pâlir plus d’un. Parmi la trentaine de disques sortis par NLC, il est évident que le choix ne sera pas facile pour ceux qui ne connaissent pas encore. Les amateurs d’ambiances lugubres, torturées
et
industrielles
préfèreront
" Vestiges " ou " Fragments taôistes ", les amateurs de néo-classique auront un faible pour " Angels of Oikema " ou " Allegro Vivace ". J’ai donc demandé à Julien Ash quels étaient ses albums préférés :
The Book of Laments, Moon, Le Domaine, ASD 002 et The Link Cutters. Je ne renie rien pour autant, mais il y a beaucoup de choses que je referais autrement s'il fallait les refaire. Mais mes oeuvres sont plus à considérer
Propos
recueillis
par
Max “Seabirds” 2002
DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE ■ Lost sand divinities (ETCD01) CDsingle 1990 ■ Incandescent (J. Ash) (ETCD05) CD 1991 ■ Vestiges (ETCD09) CD 1992 ■ Allegro vivace (PER030) CD 1993 ■ Angel of oïkema (ETCD11) split CD 1993 ■ Spiritus rex (ETCD12) CD 1994 ■ Secret of oïkema (FF003) split CD 1994 ■ Clean (ETCD13) CD 1995 ■ Unclean (ETCD14) CD 1995 ■ Unis (KAR07) CD 1996 ■ Le sang de la licorne (ETCD20) CD 1997 ■ Le sanctuaire d’ïs (ETCD21) CD 1997 ■ Le domaine (ETCD22) CD 1998 ■ Le langage des autres (BR012) CD 1998 ■ ASD 002 - The cereal killer (ETCD23) CD 1999 ■ Unis (+3 bonus tracks) (ETCD24) CD 1999 ■ Oïkema (ETCD25) CD 2000 ■ Hiding in time (ETCD28) CD-R 2000 ■ Moon (ETCD29) CD 2000 ■ La carpe miroir (ETCD30/32) 3 CD-R 1994 ■ Revocation 1989-2001 / A world of illusions 2 CD 2001 ■ The link cutter CD 2001 ■ Les grands saules CD 2002 PRÉVISIONS ■ Seabirds CDsingle 2002 ■ L'armée de marbre CD 2002-2003 (La carpe miroir part 4) ■ The book of beliefs CD 2003 COLLABORATION 2003 : ASH/TRUONG (leitmotiv) pour fêter dix ans d'amitié et de collaboration musicale et NLC/Lecanora pour un superbe CD de musique rituelle et méditative.
pit
sam
laurence mas
rétrospective
23 ANS DE DEFICIT D
DDAA fait partie de ces groupes majeurs,
79
C’est dès 1979 que JLA, JPF et SMH, tous trois
plasticiens issus de l’Ecole des Beaux-Arts de incontournables, qui ont réussi à se créer un propre
Caen, commencent à peindre la musique du univers sonore et esthétique et qui s’y sont tenus
Déficit des Années Antérieures. Auparavant, JLA avait fait partie de groupes obscurs dont
depuis leurs débuts à la fin des années 70. un certain Arcane, mais le nom de D.D.A.A Composée de chaos et d’expérimentations en tout
lui trottait dans la tête depuis 1975. Le premier concert du groupe a lieu à
genre, leur musique demeure toujours aussi Mixage international (Caen). Deux autres fascinante, même si aujourd’hui ils se font très
performances ont lieu la même année à Cherbourg et le premier volet d’" action et
discrets et ne sont connus que par quelques vieux démonstration amateurs de musique industrielle. La sortie de
japonaise "
au
Théâtre
d’Ostrelande (Hérouville). Cette année voit aussi la création d’Illusion Production, leur
leur dernier double CD " 20 ans de vieille musique label. La cassette " Déficit des Années nouvelle " est l’occasion de remettre les pendules à l’heure et de faire le point sur ces peintres du son.
Antérieures " l’inaugure, un enregistrement de qualité moyenne au contenu sombrement inspiré. Les morceaux sont répétitifs, d’une agressivité punk et industrielle. Les guitares sont fiévreuses, le chant saccadé et le caractère lugubre de l’ensemble est peut-être dû au fait que les instruments sont tous peints en noir. Ce premier opus sort à 50 exemplaires et sera suivi du premier 45 tours " miss vandann ", peint selon la méthode du " dripping " qu’utilisait le peintre américain Jackson Pollock. En cette première année,
l’entreprise de déterioration dans le champ
Le principal événement de l’année 1982,
de la création sonore menée par D.D.A.A.
mise à part la reprise du " boule (viens ici !) "
est créée.
de Ptôse (repris aussi quelques années plus
82
tard par Renaldo and the Loaf ) pour une Illusion Production imprime vite son style :
compilation cassette, est la sortie tant
des objets luxueux, tirés à très peu
attendue du premier album, " action et démonstration japonaise ". Avec sa pochette
ES ANNEES ANTERIEURES
80
peinte à la main, le vinyle s’ouvre comme un livre et constitue le troisième volet d’une
d’exemplaires, ce qui fait d’eux de véritables
action commencée en 1979 avec le concert
œuvres d’art. En 1980 sort le double 45 tours
au Théâtre d’Ostrelande et la performance
culte " front de l’est " présenté sous quatre
sonore au cours de la soirée de la XIe Biennale
pochettes différentes. Cette même année,
de Paris. Définitivement conceptuel, ce
D.D.A.A. participe au 45 tours " épidémia " du
triptyque se lance dans l’exploration du
peintre-performer Joël Hubaut et c’est avec ce
champ historique fictionnel de la nébuleuse
e
japonaise par projections et déviations.
même artiste qu’ils participent à la XI
Biennale à Paris et à Nice. Dans la lignée,
C’est
ce
que
le
groupe
le groupe enregistre le 45 tours " aventures
l’" anfractuositisme ".
en Afrique " ainsi que trois titres initialement
détérioration en marche de la reconstitution
prévus pour une compilation de Bain Total,
sonore s’applique ici à la traduction d’un objet
label de Die Form, mais qui sortiront en
historique identifiable : la musique des films
fait sur la compilation allemande " Masse
japonais. Le disque se fait description sonore
Mensch " deux ans plus tard. L’année
de la réalité japonaise occidentale. La
suivante, le Déficit continue à faire des
musique y est somnambulique, léthargique,
apparitions scéniques au compte-goutte,
méditative, tellurique et les membres de
essentiellement dans la région de Caen,
D.D.A.A. s’imposent en artisans du son.
et enregistre une double cassette dans leur
Collages de bruits, mouvements lugubres,
studio Le Souterrain Scientifique au nom
voix douloureuses en contorsion perpétuelle,
étrange de " Live in Acapulco ".
ambiances tribales, basses hypnotiques,
Le
appelle
principe
de
le style est bel et bien affirmé et le Déficit fait
de Saltimbanques " sortie sur le label
de l’improvisation un dénuement sonore
italien ADN, qui constituent un ensemble
d’une rare inventivité. Cet album, avec le
submusical cohérent de traitement de la
suivant " Les Ambulants " (1984), font de
Paléo-information.
D.D.A.A. une des formations majeures de la scène cold-indus française de ces années-là,
En 1984 sort également le 45 tours
aux côtés d’artistes comme Clair Obscur,
" 5e anniversaire ", sur lequel on trouve les
Ptôse, Complot Bronswick, Karl Biscuit, Norma Loy ou Die Form. A signaler que des noms prestigieux comme Bernard C. et Phil Gaz/Marcel
Kanche
" Geisha Girl ", courtes œuvres lancinantes à souhait et d’une froideur angoissante.
Département
Parallèlement à cela, le label Illusion
apportent leur soutien au Déficit à cette
Production se propose de faire découvrir
époque-là.
d’autres talents, et dans les années 1982-84,
83 Le
groupe
d’Un
84
classiques " 25 pièces sont vides " et
continue
sort des enregistrements de Legendary Pink sa
recherche
Dots, Bene Gesserit, Un Département, Kevin
anthropologique avec la cassette " Prehistoric
Harrison et Steven Parker entre autres.
Reject " (1983), le vinyle " Les Ambulants "
En 1983, la revue " Sensationnel " est
(nom qu’on donnait à des peintres russes à la
inaugurée et les participations de D.D.A.A.
fin du XIXe siècle qui présentaient leurs toiles
à des compilations sont innombrables.
de village en village) et la cassette " Famille
On
les
trouve
sur
des
compilations
anglaises, françaises, allemandes, italiennes, belges, suisses, américaines, japonaises, hollandaises, etc. Pascal Comelade fait même appel au groupe pour le titre " Pluie Japonaise "
sur
son
album
" Détail
Monochrome " (1984).
En 1986, Phoque Editions sort la cassette " Mutants du Kwantung " sur laquelle la musique
et
les
bruits
de
la
région
86
préhistorique du bas Pâ-tat sont reconstitués, le label Cause and Effect publie la cassette " noise building nation/noise for the building nation/building for the noise nation/nation for the building noise " et le groupe réenregistre des versions très minimalistes de titres anciens dont le " Baltique " qui figurait sur " Les Ambulants " pour la cassette " Lernen 5 ". Cette même année, le Déficit fait une série de concerts à Rennes, Bordeaux, Caen, Nantes, Amsterdam entre autres pour présenter
notamment
deux
nouveaux
morceaux inspirés par les poèmes de
Ronsard : " Ronsard did celebrate me " et " The Plant of Helen ". Ceux-ci figurent sur la cassette " D.D.A.A. en concert " qui regroupe des morceaux enregistrés à Rennes en 1983
87
et d’autres à Amsterdam en 1986.
maxi qui contient là aussi des adaptations de poèmes de Ronsard. Ces œuvres réunies
L’année 1987 est placée sous le signe de la
constitueront le premier CD du groupe.
rétrospective. En effet, Illusion publie
Parallèlement,
" Objet ", un LP édité à 250 exemplaires
bouinages. Bouiner est un terme inventé par
présenté dans un sac poubelle, accompagné
le groupe qui signifie bricoler sans intention
d’un poster, d’un livre et de la première
de parvenir à un résultat. En ce sens, la
cassette du groupe. Sur le disque figurent
cassette " Nouvelles Constructions Sonores
divers
des
sur Fondations Visuelles " réalisée pour une
compilations. Le label anglais Dead Man’s
installation vidéo en est un parfait exemple.
Curve, quant à lui, édite un autre 33 tours au
A la même époque, JPF commence à composer
format 25 cm sur lequel on peut trouver divers
tout seul et, aidé par SMH, ils enregistrent une
titres de la période 82-86 dont deux morceaux
première cassette sur Illusion sous le nom de
d’ " action et démonstration japonaise " ainsi
Deux Pingouins : des sortes de pop songs
que le sublime " exploration " aux accents
aseptisées et complètement déjantées.
titres
enregistrés
pour
très Virgin Prunes ou le percussif " Kembou ".
88
Après de nombreux efforts et une longue attente, l’album " Ronsard " sort enfin en 1988
sur le label belge KK Records, et avec lui un
le
Déficit
continue
ses
le " King Harris " de John Cale repris majestueusement à la voix sur la compilation cassette " sensationnel n°5 ". Musicalement, D.D.A.A. reste toujours fidèle à lui-même. Les guitares sont toujours aussi triturées
93
et le Déficit s’affirme encore une fois comme le seul groupe ethnique des civilisations industrielles. Dans la même lignée, le CD Les Deux Pingouins sortiront aussi deux CD
" Nouveaux Bouinages Sonores " (1993),
en 1993 : " Karisma Ha ", des compositions
édité à un peu plus de 600 exemplaires,
acoustiques dans la lignée de la première
constitue un premier pas idéal si on veut
cassette mais en moins réussies, et " Le Bruit
pénétrer dans cet univers sonore.
du Fond ", musique aux ambiances glacées où des violons grinçants rencontrent des
Après ce disque, un tournant s’opère.
chants de baleine, des craquements, des
Le groupe se sent une nouvelle mission de
nappes synthétiques et des sonorités
déterritorialisation de l’activité musicale.
sourdes et aquatiques.
Cette mission se nomme " Maracayace ".
90
Cela sera à la base de plusieurs concerts
A la fin des années 80, la réputation de
et de divers enregistrements. En 1996,
D.D.A.A. n’est plus à faire et ils en viennent
" Baggersee " est le premier disque produit
à être considéré comme un des plus
par l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg,
grands groupes de musique nouvelle /
résultat d’un workshop animé en avril-mai
expérimentale / bizarre. Leur activité avec
1995 par D.D.A.A. avec des étudiants. Il s’agît
Illusion
de
à la fois d’un mini CD comprenant la musique
découvreurs (la STPO, Un Département,…)
de D.D.A.A. et d’objets créés par les étudiants
sont également remarquables. En 1990,
qui intègrent chacun un mini CD édité. On
le groupe sort un split single avec Hirsch 2
retrouve sur l’enregistrement un alternance de
toujours sur Electrip, sous-label de KK
passages mélancoliques et minimalistes sur
Records. Le titre " Le Corbusier’s Buildings "
fond de piano accompagnés par des chants
est assez surprenant car on y trouve quelque
ruraux de vaches et chèvres et des rengaines
chose qui ressemble à une mélodie.
absurdes telles " chanter sous la douche avec
Le morceau sonne même assez médiéval.
des cailloux dans la bouche ", la caillasse
Production
et
leur
talent
91
96
étant un élément récurrent chez D.D.A.A .
L’année suivante, " Bruit Son Petit Son ",
limité à 560 exemplaires, inaugure le label
Vient ensuite " La conférence Maracayace ",
Kill your Idol. Le CD est présenté entre deux
sortie en 2000, qui dans son packaging
plaques de bois que l’on peut relier par
rappelle beaucoup l’" action et démonstration
un écrou et un boulon, " écrou et boulon "
japonaise ". En effet, la pochette du CD
constituant en fait un des quatre titres. On
s’ouvre comme un livre dans lequel est intégré
peut découvrir sur ce disque une très bonne
un livret, et tout au long de l’enregistrement
reprise du " It’s a rainy day " du groupe
on entend le vinyle qui craque. Ce CD se
allemand Faust. A signaler que le Déficit a fait
développe comme la cassette " Lernen 5 ",
très peu de reprises : on peut cependant noter
publiée quinze ans plus tôt, avec son
20 00 ...
alternance de texte et de compostions
improvisations à la guitare et au chant de
originales. Publiée en collaboration avec les
Jean-françois Pauvros (Catalogue). Un délice
élégantes éditions cactus, " la conférence
qui prouve que D.D.A.A. demeure encore
Maracayace " constitue à la fois un bien bel
après plus de vingt ans un groupe aux mille
objet et un bien bel enregistrement.
ressources. Leurs disques méritent de figurer dans toutes discographies aux côtés de ceux
Le nouveau CD du groupe, " 20 ans de vieille
de groupes tels les Residents, Tuxedomoon,
musique nouvelle ", est, quant à lui, un simple
Nurse With Wound ou Legendary Pink Dots,
double ! Le premier CD propose des
dans le sens où ils ont créé un univers sonore
compositions originales, fascinantes et
absolument insolite et unique. Même si de
hypnotiques, et à ce disque est joint un bon de
nombreux groupes tels Palo Alto ou le Tiger
commande pour le second qui est en fait un
Comics Group avouent avoir beaucoup écouté
concert intitulé " De Gaulle à Bayeux : un
leur musique, personne n’oserait les imiter.
opéra maracayace ", enregistré en 1994
Le Déficit s’est bel et bien transformé en
à l’Université de Caen avec en prime les
monument.
Contact D.D.A.A.: Illusion Production 62, rue Morel de Than 14 780 Lion sur Mer Rétrospecté
par
Max
1 K A - T H A R - S I X E X P E R I M E N TAT I O N S O N O R E plaque métal différents archers zinc acier inox micros-capteurs machines eclectroniques
L E S
H AU T S
PA R L E U R S
nappes de basses dérangées par des machines industrielles décentrement de l’espace temps vers un espace mental
C
H
A
O
T
I
Q
U
I N T E R I E U p r o - g é n é r a t i o D I S C O U R M I T R A I L L L I T H I U E X T E R I E U
E
R n S E M R
DAS KRIEG L E S N E W S E X P H O T O C O N V E N T I O N E L C
E
R
V
E
A
U
X
maintenant abstrait ouvert comme un ordinateur ordonné
ELECTRIQUE
ANTIDOTE
C’est en revenant aux bases de la musique électronique que LSE a su en cinq années devenir
une
figure
incontournable
de
" Nous fabriquons le son "
l’esthétique et de la scène électro actuelle. Sombre et minimal, son univers sonore possède le glacial de la cold wave et la capacité dance floor de la New Beat, d’où l’invention du terme " Body Wave ". Après avoir réalisé de nombreux disques sur son label Invasion Planète dont les désormais classiques " Defending Man ", " Super Science ", " The Men who killed the Beat " et " Dissidence ", après avoir tourné aux Etats-Unis, en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Espagne ou en Finlande, et
après
avoir
participé
à
plusieurs
compilations internationales et figuré sur plusieurs
labels
étrangers
(Kobayashi,
Mass Transit), LSE nous fait l’honneur d’offrir à " Douche Froide " un morceau inédit. Robotique et aseptisé à l’extrême.
© & p INVASION PLANETE 2002
Site : http://www.invasionplanete.com
VOX
DOUCHE FROIDE
NOUVELLES LECTURES COSMOPOLITES 1
#1
3
No words
automne 2002 c &
P
les auteurs
Punishment for infundibulum initiation
4
LE SINGE BLANC
Bro誰d
DEFICIT DES ANNEES ANTERIEURES 2
1-KA-THAR-SIX
5
Electrique antidote
Un air moderne qui fait mal (live mai 2002)
GVK
6
LE SYNDICAT ELECTRONIQUE
7
Nous fabriquons le son
NATURE MORTE
8
Toussaint
NOUVELLES LECTURES COSMOPOLITES 9 The skin of night
VOX
11
Magnet
MACROCOMA
10
Overmind
Depuis le début des années 80, les frères Hurtado d'Etant Donnés livrent des spectacles mêlant théâtre, cinéma, poésie et expérimentations sonores. Parmi leurs albums les plus connus, on peut citer "Le sens positif", "L'autre Rive", "Bleu", "Re-Up" avec la collaboration de Lydia Lunch, Alan Vega et Genesis P. Orridge, et "Offenbarung und Untergang", dans lequel participent Michael Gira, Saba Komossa et Mark Cunningham. Le dernier festival Artooz de Limoges a été l'occasion de les rencontrer durant la projection des films "Bleu" et "Royaume", voyages au sein de la nature et du mysticisme. La veille, Etant Donnés nous avait livré une performance d'une rare violence : Des projecteurs dirigés vers le public envoient par saccades des lumières aveuglantes et ardentes. La musique est, elle aussi, très agressive. Des mots du langage courant sont hurlés, répétés, psalmodiés. Un des deux frères se sent possédé et plonge dans la foule pour la presser et la serrer. Il se jette à la pêche aux âmes. Les frères se déshabillent, luttent, s'embrassent, combattent, s'étreignent. Au-delà des contradictions de l'existence, un espace d'interprétation se crée. Ce quart d'heure fascinant en a irrité plus d'un mais personne
interview
n'est resté indifférent à ce spectacle corporel et magique.
Etant Donnés a été un des premiers groupes en France à faire de la musique dite " industrielle " au début des années 80. Les premiers disques sont particulièrement bruitistes. Quels rapports entretenez-vous avec cette scène ?
D’abord, le terme " industriel " est un terme générique qui veut tout dire et qui veut rien dire. " Industriel ", ça veut dire quoi ? Le groupe qui a inventé ce concept c’est Throbbing Gristle. Ils se servaient de
synthétiseurs, de machines, et il y avait un
de montrer notre âme. St Thomas d’Aquin
rapport à la société de consommation, ce qui
disait : " L’âme est la forme du corps ". Pour
fait que le terme " industriel " se justifie.
nous, le plus important, c’est montrer l’unique
Depuis le départ, le travail d’Étant Donnés
et indiquer le lieu de l’unique, aller au-delà de
est basé sur une relation avec la nature, une
cette dualité corps/esprit, basée sur une
intimité, une relation d’extase en fait,
dichotomie qui va bien au-delà de la dualité
c’est-à-dire de dilution de l’ego pour
cartésienne.
entretenir un rapport êtrique, de l’être avec la
manichéisme, et avant le manichéisme, on
nature, qui se confondrait dans un unique.
trouve déjà ses prémices chez Platon. Un
De dire que ce qu’on fait, c’est de la musique
philosophe moderne comme Heidegger
industrielle, je pense pas. Il est évident que le
pensait que la seule manière de dépasser ce
public d’une certaine époque qui aimait les
véritable effondrement de la pensée que l’on
musiques industrielles et les nouveaux sons
vit actuellement, c’était de faire un grand bon
qui circulaient dans cette mouvance était plus
en avant. Mais quand tu veux sauter un
à même d’apprécier ce qu’on faisait, parce
ruisseau, il faut que tu fasses quelques pas en
qu’ils avaient une oreille qui était plus neuve.
arrière. Et ces quelques pas en arrière vont te
Son
origine
remonte
au
mener jusqu’aux présocratiques, Héraclite ou J’aurais été tenté de parler personnellement
Parménide, qui étaient dans une optique
d’" avant-garde rurale ", par rapport à la façon insolite dont vous utilisez les sons de la nature. Quel est d’ailleurs votre rapport à la nature ?
Nous essayons de travailler sur des éléments qui seraient un peu plus éternels que fugitifs.
on essaie de montrer notre âme
Je pense que les créations humaines, surtout celles de la société industrielle et de
où la philosophie était une pensée unie à la
consommation, sont des produits fugitifs pour
poésie, la poésie était pensée. Il y avait cette
permettre le commerce, donc faire du profit.
unicité profonde entre l’esprit et la matière, et
Le fait est que, justement, la ruralité dont tu
le mouvement était de suivre la contradiction.
parles s’est transformée en agriculture.
Il n’y avait rien de fixé. C’était une découverte
L’agriculture, c’est l’exploitation. On dit un
de l’être permanente, et nous nous inscrivons
" exploitant agricole ". Donc, de filmer un
dans cette lignée, en tenant compte des
champ actuellement c’est aussi faire un
éléments qui nous entourent, des éléments de
constat. C’est plus un chou tous les vingt
la nature car nous y trouvons une force.
mètres, c’est un chou tous les quatre centimètres, alignés, pour permettre aux
Un élément comme le soleil par exemple…
machines de les récolter, pour nourrir des hordes de travailleurs et pour renouveler leur
Voilà. C’est un lieu d’ouverture. Si tu veux
énergie. Nous, quand on filme un chou, c’est
percevoir quelque chose, il faut toujours faire
l’être du chou qui nous intéresse, c’est-à-dire
un demi-tour, pour voir l’inverse de cette
sa forme, et en montrant sa forme, on essaie
chose. C’est la contradiction entre cette chose
créer
et son inverse qui donnera un troisième terme, comme un jeu de poupées russes éternel, de contradictoire qui se résout par une forme
une distance
englobant la contradiction, ce qui fait qu’il y a toujours quelque chose au-dessus qui va
avec le public
au-delà de la contradiction. C’est le pur mouvement dialectique. Je pense que le seul mouvement artistique contemporain qui a pris
ressemblance
mais
c’est
dans
le
en compte ça, c’est le surréalisme tel que
soubassement de cette forme, dans le lieu
Breton en a étiqueté les fondements.
d’énergie qu’un dialogue pouvait s’établir. Avec Alan Vega, nous nous sommes retrouvés
Pourquoi le choix de textes de Georg Trakl
à faire des festivals avec lui à l’étranger, donc
pour le dernier CD avec Michael Gira ?
nous nous sommes connus comme ça. A New York, on a aussi rencontré Martin Rev.
C’est simplement un poète qui nous touchait
P. Orridge pareil. Lydia Lunch également.
énormément. Les films que tu as vus ce soir
Mark Cunningham, trompettiste, fondateur du
ont été faits bien avant la découverte de Trakl,
groupe Mars, à l’origine de toute la No Wave
et en fait, le monde de Trakl tu le retrouves
new-yorkaise, qui figure dans le fameux
dans ces films. C’est une pérennité. Trakl était
disque enregistré par Eno, " No New York ".
classé souvent comme expressionniste mais
Et Saba Komossa, le chef des maîtres
en fait il ne l’était pas du tout. On retrouve
musiciens de Jajoka, le groupe qui a tellement
certaines images de mort qui font qu’on le
influencé Gysin, qui a compté beaucoup pour
classe parmi les expressionnistes mais ça n’a
Bowles à l’époque, énormément compté pour
rien à voir avec ce qui se faisait dans
Burroughs. Leur premier disque avait été
l’expressionnisme à l’époque. C’est un poète
enregistré par Brian Jones. Ils ont fait
bien plus fort et bien plus éternel, qui est
plusieurs collaborations après, notamment
de la taille de Rimbaud je pense. Rimbaud
avec les Rolling Stones et d’autres musiciens
lui-même, c’est quelqu’un qu’on classe
imminents comme Hornet Coleman.
comme symboliste. En fait, c’est une sublimation du symbolique comme Trakl est
Il y a vraiment quelque chose qui se passe
une sublimation de l’expressionnisme.
dans vos spectacles et dans vos films au niveau de l’interaction des sons et des corps.
Comment se sont faites les rencontres pour les derniers albums avec notamment Lydia
On est toujours tenté par ce troisième niveau
Lunch, Alan Vega, Genesis P. Orridge ou
de perceptions, le dévoilement intérieur,
Michael Gira ? Est-ce que ce sont des choix
l’image intérieure. Ce que tu vas voir va agir
personnels ?
comme une clé au niveau des sensations, de la perception visuelle et auditive, qui va faire
C’est toujours à la fois des rencontres et des
qu’à un certain moment, il va y avoir ce
choix personnels, des choix personnels bien
dévoilement intérieur, cette troisième image
déterminés car ce sont les artistes qui nous
qui va surgir et qui nous intéresse dans Étant
attiraient le plus. C’était pas forcément dans la
Donnés. Par exemple, l’abus de lumières
forme de leur musique qu’il y avait une
contre le public provoque un aveuglement,
c’est fait non pas pour repousser les gens,
un espace vide qui est le contraire de la
je ne pense pas que ça passe comme un
communication
éclairage agressif. C’est un éclairage violent
communiquer que sur un langage commun et
qui fait que le public est rendu aveugle par
on ne peut communiquer que son ego. Alors
moments mais ce qui m’intéresse, c’est le
que nous, ce qu’on veut à travers Étant
moment où la lumière baisse et la vision
Donnés, c’est l’inverse. On veut non pas
revient. Ce jeu avec la lumière permet de créer
exprimer mais imprimer. Créer un lieu
une distance avec le public, une sorte
d’ouverture qui permet à certaines forces de
d’élévation, de flottement, d’irréalité. Montrer
venir. D’établir cet espace, cette distance avec
en fait une apparence de quelque chose, pour
le public, c’est pour créer un lieu vide, pour
illustrer la parabole de St Jean de la Croix qui
laisser la place à un certain esprit qui pourrait
dit que si Dieu n’est pas perceptible dans la
venir s’installer là. Et s’il y en a un qui reste sur
réalité courante, il n’est pas " comme serait
scène et un autre qui va à la pêche, il va en fait
parce
qu’on
ne
peut
une étoile dans la nuit de la raison, de l’esprit et de la foi ", il est plutôt trop lumineux par sa présence, et ce trop de lumière nous rendrait aveugle à sa propre présence, puisque nous on serait dans la position du hibou qui est rendu aveugle en plein jour. C’est pour ça que cette lumière vient de derrière nous. C’est comme une lumière divine qui est derrière nous, qui est en fait une silhouette, et c’est un peu ça qu’on vit. Notre présence au monde n’est que l’" ombrabation " (comme disaient les anciens) divine sur une essence et cette essence se révélerait forme humaine. On n’est que l’ombre de la lumière divine. La puissance
à la pêche aux âmes. On signifie dans
de la musique qui va avec est là pour créer
l’horizontalité, par rapport à celui qui reste sur scène et celui qui va dans le public, une
il faut apprendre
verticalité qui est le mouvement mystique par
à savoir détourner
la montée vers le haut. La conjugaison de ces
le regard
excellence, c’est-à-dire la percée vers le bas et
deux mouvements forme une croix qui se développerait dans l’espace.
C’est vrai que ces lumières sont comme du feu que l’on nous envoie sur le visage.
Il faut apprendre à savoir détourner le regard. Ce qui donne la vie sur terre c’est le soleil, et on sait très bien qu’on ne peut pas regarder le soleil en face, ça nous aveugle. Pourtant on vit avec tous les jours et on connaît son
importance. Là, c’est pareil. C’est pas parce
dans la vacuité, l’effondrement et la
que c’est un spectacle qu’on doit donner une
liquéfaction de la pensée.
facilité d’appréhension. Le travail se fait beaucoup plus en rapport avec l’alchimie liée
Votre utilisation du regard du spectateur et de
à la recréation sur terre de l’œuvre divine.
l’artiste me fait forcément penser à l’œuvre de
On recréerait une situation de génération
Duchamp dont vous avez emprunté le nom.
d’énergie solaire, et le rapport à la scène pour le public doit être le même que celui d’un
C’est prendre à l’envers la manière dont
homme face au soleil. La lumière est prise en
Duchamp a été perçu et expliqué. Duchamp
compte par le détournement et non par la
est réduit à une espèce d’artiste dadaïste et
captation de cette lumière. Ce qui me gêne
néo-dadaïste, surtout en ready made,
dans l’art, c’est cet étalage de l’ego, ça me
l’utilisation d’objets industriels. C’est le
dégoûte profondément. Je pense que, dans
regardeur, le regard de l’artiste qui fait
l’art sacré, l’artiste savait s’effacer devant des
l’œuvre, ce qui était la source de tout l’art
forces qui le dépassaient, et toutes les
contemporain. Les gens se sont arrêtés à ça.
grandes œuvres ont été faites comme ça, des
Duchamp s’est servi de ça à une époque de sa
icônes jusqu’à Rimbaud, jusqu’à la poésie des
vie et de son œuvre pour montrer ce fait,
troubadours. Une sorte d’effacement de la
que c’est le regardeur qui fait l’œuvre.
personnalité au service d’une noble cause.
" Étant Donnés ", c’est une œuvre qui est
Seulement, on vit dans un monde qui a perdu
imminemment d’essence alchimique, qui est
tout critère de vérité, parce que la vérité était
le pendant de la " Joconde " de Léonard de
liée à une perception du sacré. Du moment
Vinci ou d’autres de la grande tradition. Une
que cette perception du sacré s’est effondrée,
continuité d’essence ésotérique qui n’a pas
son référent est en fait au-delà, tout peut se
pu être prise en compte car beaucoup trop
justifier et rien ne se justifie. On tombe
révolutionnaire pour notre société. Ce qui fait que Duchamp a été réduit au ready made, comme Dali a été réduit à être un clown alors que c’est un énorme penseur, un très grand écrivain et un très grand peintre, qui a justement lui-même fait un dépassement de la peinture à l’exemple de Duchamp, mais non pas en arrêtant la peinture comme l’a pu faire
au sein d’Étant Donnés, beaucoup plus proche de Debussy par sa démarche créative et perceptive que de la musique contemporaine que je trouve infiniment plus rationnelle. Ce qui compte c’est la magie, la poésie, c’est quelque chose qui s’inscrit dans une certaine éternité, parce que justement l’homme est un être mortel et la seule manière de persister, mais pas de persister comme une pierre tombale ou une gravure rupestre, c’est de persister en tant que vibrations magiques, c’est ce dépassement dans la sphère de l’art et de la poésie. C’est pour ça que quand tu ouvres un livre de Rimbaud, tu revis l’instant que lui-même a vécu. Ce sont quatre mots mais ça va bien au-delà de quatre mots. C’est pas lui qui écrit ces quatre mots, c’est quelque
ce qui compte c’est la magie, la poésie
Duchamp, mais en la dépassant par la non
chose d’autre. C’est lui qui est engrainé avec
esthétique, c’est-à-dire en rejoignant la
d’autres forces.
peinture classique, en s’inscrivant au-delà de l’évolution de l’art moderne, et ne plus placer
Est-ce qu’on peut parler de théâtre ?
l’intérêt de sa peinture que dans le sens, dans le concept pur, ce qu’a fait Duchamp. Le
Pour nous, c’est du théâtre, même si les gens
troisième grand artiste qui a bataillé comme
du théâtre ne nous reconnaissent pas du tout
ça pour en arriver au concept pur, c’est
comme ça. Je pense que c’est eux qui sont
Picasso, qui a utilisé la peinture dans son
dans une erreur totale. Ils en sont encore à du
évolution depuis Vélasquez en passant par
théâtre narratif. Il est évident qu’Artaud aurait
toutes les étapes, l’impressionnisme, etc.,
vu ça, ç’aurait été un peu ce qu’il aurait
pour en arriver à ses œuvres qui sont
ressenti.
un dépassement de la peinture par son auto-reniement, mais toujours en gardant la
Une sorte de théâtre de la cruauté…
matière picturale et cette lutte avec la matière. Dali s’est attelé à la même chose mais en
Quand on dit " cruauté ", c’est pas la cruauté
travaillant cette peinture comme un magicien,
sadique, c’est voir les choses d’une manière
en s’en servant comme un support non pas
cruelle, cru, c’est-à-dire une ouverture.
insignifiant mais a-signifiant.
Est-ce que vous composez votre musique comme un peintre peut faire un tableau ?
Nous ne nous sommes jamais sentis musiciens. Personnellement, je suis un grand amateur de Debussy. Nous nous sentons,
Propos
recueillis
par
Max
kitshette
Poisson Sec