Pour La Dignite De La Femme En Prison

Page 1

POUR LA DIGNITE DE LA FEMME EN PRISON Burundi: Note de plaidoyer sur la situation de la femme en milieu carcĂŠral novembre 2016


A Bujumbura: 16 Avenue Makamba, Rohero I A Gitega: Quartier Kirimiro, Commune Gitega - 71 303 064 /76 059 878 A Makamba: Quartier Kigwati - 71 523 013/77 740 525/72 02 84 89 A Ngozi: Bâtiment Star, Quartier Muremera, N°06-719 RN6 77 764 793/71 408 433/76 851 500

72 02 84 89 burundi@ohchr.org www.burundi.ohchr.org www.facebook.com/OHCDH-Burundi


TABLE DES MATIÈRES I. Préface II. Resumé III. Introduction 3.1. Contexte du projet 3.1.1. Contexte politico-social 3.1.2. Cadre juridique international et régional relatif à la protection des droits des femmes et des filles en détention 3.1.3. Contexte juridique interne 3.2. Méthodologie d’élaboration de la note de plaidoyer IV. Analyse des causes de détention des femmes V. Situation des femmes détenues: état des lieux 5.1. Profil des femmes détenues 5.2. Nombre élevé de cas de détention préventive 5.3. Vétusté et insuffisance des locaux réservés aux femmes 5.3.1. Non-respect de l’obligation de séparation 5.3.2. Absence d’espace destiné à la formation et aux activités sportives et récréatives 5.4. Insuffisance des équipements de base 5.4.1. Insuffisance de literie, moustiquaires et ventilateurs 5.4.2. Insuffisance des installations sanitaires adaptées à l’hygiène des femmes 5.5. Carences en qualité nutritive et en quantité de l’alimentation

OHCDH - BURUNDI


5.6. Système médical défaillant 5.7. Situation des femmes enceintes, allaitantes ou avec enfants 5.7.1. Absence d’espaces aménagés pour les femmes enceintes, allaitantes ou avec enfants en bas-âge 5.7.2. Absence de nourriture pour enfants 5.7.3. Vulnérabilité psychologique et détresse sociale des femmes en détention 5.8. Climat général de bonne entente entre les détenues et le personnel pénitentiaire VI.

Recommandations

6.1. Humaniser les lieux de privation de liberté 6.2. Prévoir des peines de substitution à l’incarcération des femmes 6.3. Revoir les condamnations ciblant exclusivement ou majoritairement les femmes 6.4. Fixer un délai à la durée de détention préventive Actions Entreprise

BURUNDI: NOTE DE PLAIDOYER SUR LA SITUATION DE LA FEMME EN MILIEU CARCÉRAL


PRÉFACE EN INITIANT CE PROJET « Femmes en prison », le Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Burundi a estimé que ses visites ponctuelles de suivi des pratiques de respect des droits de l’homme dans les lieux de détention sont certes importantes, mais pas suffisantes pour contribuer à une amélioration durable des conditions de vie des détenues et du respect de leurs droits humains. Il est apparu nécessaire d’établir un diagnostic approfondi des conditions carcérales à travers des visites et des entretiens aussi bien avec les détenues, qu’avec le personnel de l’administration pénitentiaire.

de leur dignité y compris en prison.

La présente note de plaidoyer met l’accent sur la vie de la femme et de la fille en milieu carcéral. Elle est basée sur le constat qu’au Burundi comme partout ailleurs les femmes et les filles constituent un groupe vulnérable dont l’incarcération a des répercussions généralement plus grandes et directes sur les enfants, les familles et la société toute entière.

Enfin, cette note de plaidoyer vise à informer les décideurs et les partenaires au développement sur la réalité des conditions dans lesquelles la femme et la fille vivent dans les prisons burundaises, dans la perspective de les amener à agir pour améliorer ces conditions et les rendre plus humaines, aussi bien pour les détenues que pour les enfants qui y naissent et grandissent.

Les données récoltées durant cette mission révèlent que les femmes et les filles burundaises représentent moins de 4% de la population carcérale. En revanche, un autre constat a relevé que les cas de violences basées sur le genre (VBG) occupent une place importante dans les dossiers devant les cours et les tribunaux. Ainsi, il est important d’en faire plusieurs interprétations entre ces deux faits qui sont suffisamment éloquents pour mériter notre attention.

Apres avoir dressé cet état des lieux sans complaisance, la note formule une série de recommandations nécessaires à l’humanisation du milieu carcéral pour la femme et la fille.

Premièrement, les femmes ne représentent que 4% de la population carcérale, elles sont porteuses de valeurs de règlement pacifique des conflits et constituent un agent clé dans la résolution des conflits quel que soit leur niveau de décision, familial, communautaire ou national. Au Burundi cela devrait être capitalisé à travers l’abandon des pratiques discriminatoires à l’encontre de la femme et de la jeune fille avec la mise en place de mesures spécifiques aux besoins de celles-ci et la protection

Deuxièmement, la femme et la fille demeurent plus vulnérables à l’exploitation et aux violences basées sur le genre. Elles méritent une attention particulière et une place meilleure dans une société fortement marquée par les tabous et les traditions dont certaines sont néfastes. C’est ainsi qu’ensemble nous allons inculquer aux générations présentes et futures, le respect de la dignité humaine. Force est de constater que les besoins des femmes et ces filles ne sont souvent pas pris en compte malgré leur faible présence dans les prisons.

Notre souhait est que la lecture de cette note aboutisse à des actions immédiates et concrètes ainsi qu’à la mise en œuvre d’un mécanisme de suivi et d’évaluation pour situer l’amélioration des conditions carcérales de la femme et de la fille dans la durée, et générer la pratique du respect des droits de l’homme dans toutes les prisons burundaises. Patrice VAHARD Représentant

OHCDH - BURUNDI


RÉSUMÉ La présente note de plaidoyer est le résultat du projet d’assistance aux femmes détenues initié par l’OHCDH-B en partenariat avec le Ministère de la justice, l’Association des Femmes Juristes du Burundi (AFJB) avec l’appui de l’UNFPA. Elle a pour objet de dresser un diagnostic de la situation des femmes détenues dans les établissements pénitentiaires du Burundi afin de leur apporter une assistance adéquate. La note de plaidoyer expose le résultat de visites conjointes effectuées de février à avril 2016 dans toutes les prisons qui accueillent des femmes : Bujumbura, Murmavya, Gitega, Ngozi, Bururi, Rumonge, Rutana, Ruyigi, Bubanza et Muyinga. Ces visites avaient un double objectif : (1) mener une enquête sur les conditions de vie des femmes dans les lieux de détention et (2) formuler des recommandations à l’endroit des différentes parties prenantes pour promouvoir la dignité et le respect des femmes en détention. Offrir une assistance judicaire aux femmes en milieu carcéral par une consultation juridique et un suivi judicaire de leurs dossiers en cours constitue un objectif déterminant dans ce processus. Cette étude a montré que la détention des femmes touche principalement les milieux défavorisés mais demeure marginale dans le système carcéral burundais avec environ 4,13% de femmes contre 95,87% d’hommes selon les chiffres ressortis des fiches d’enquêtes. Cette situation leur est défavorable sur plusieurs aspects : l’aménagement des locaux, le régime carcéral de gestion des visites et de contacts avec le monde extérieur, les offres de formation et d’emploi étant calquées sur les besoins de la majorité masculine. En outre, peu de mesures tiennent compte des besoins spécifiques des femmes, particulièrement pour les détenues enceintes, allaitantes et mères avec enfants en bas âge. Il ressort également de cette étude que les

infractions d’infanticide sont les principales causes d’incarcération des femmes au Burundi (43, 05%). Ces infractions sont en corrélation directe avec la pénalisation de l’interruption volontaire de grossesse1 dans un contexte où la plupart des femmes sont peu ou pas instruites2 et ne reçoivent pas d’information sur la santé sexuelle et reproductive. Elles concernent aussi les mères célibataires qui sont discriminées et stigmatisées. En outre, plus de 75% des femmes ne sont pas assistées d’avocats ce qui augmente la discrimination dont elles sont victimes alors que qu’elles encourent souvent de lourdes peines dans les cas d’infanticide notamment3. Par ailleurs, l’étude fait remarquer que les infractions relatives à la crise sociopolitique touchent à peu près 11% de la population carcérale féminine, constituant la 3ème cause d’incarcération des femmes après l’infanticide et les homicides. La situation de ces femmes mérite une grande attention particulière compte tenu des risques de répressions très sévères à leur endroit, et qui peuvent avoir un impact négatif sur leur engagement politique et leur participation à la vie et l’espace publics. De plus, les femmes en détention préventive constituent presque la moitié de la population carcérale féminine (45,31%), or le Code de procédure pénale prévoit uniquement de placer un individu en détention préventive lorsqu’il y a une crainte que le prévenu puisse faire disparaître ou altérer des preuves, ou encore lorsqu’il y a des risques que le prévenu puisse prendre la fuite et ainsi se soustraire à la justice. La note de plaidoyer conclut que les femmes sont particulièrement affectées par la détention, d’une part parce qu’elles sont dans une grande précarité ou sont des victimes de violences ou d’exploitation économiques et sexuelles. D’autre part, elles restent privées de l’éducation. La dépendance économique des femmes, le taux de chômage élevé et l’alcoolisme sont, entre autres, des facteurs

1

Article 510 du code pénal : La femme qui, volontairement, s’est fait avorter, est punie d’une servitude pénale d’un an à deux ans et d’une amende de vingt mille francs à cinquante mille francs burundais. 2 Selon cette étude, plus de 75% des femmes en détention sont peu ou pas instruites 3 L’infanticide est puni de la servitude pénale à perpétuité (Article 212 du code pénal).

BURUNDI: NOTE DE PLAIDOYER SUR LA SITUATION DE LA FEMME EN MILIEU CARCÉRAL


aggravant la violence qui affecte les femmes dans la société burundaise. Une étude a montré que les femmes les plus démunies constituent 65 % de celles ayant subi des violences domestiques4. L’existence de dispositions discriminatoires, en particulier en matière de santé sexuelle et reproductive pour ce qui est des infractions d’infanticide et d’avortement accroissent considérablement le risque de leur d’incarcération avec de lourdes peines pouvant aller jusqu’à la perpétuité. Enfin, l’impact néfaste de la détention, sur les liens sociaux et les relations familiales nécessite des mesures d’aménagement des peines d’enfermement tel que recommandé par les règles de Bangkok5 sur la détention des femmes.

INTRODUCTION

Après les entretiens avec l’administration pénitentiaire, et avant les entretiens individuels, un représentant de l’équipe décline les identités des membres de l’équipe et explique l’objet de la visite aux détenues. Lors des entretiens, le principe fondamental de confidentialité est respecté. Chaque entretien a permis de remplir une fiche de consultation divisée en deux partie la première partie portant sur l’identité de la personne, (âge, adresse, sexe, situation matrimoniale, niveau d’études) la cause de la détention (nature de l’infraction) ainsi que l’état de la procédure (condamnée, prévenue, date de dernière audience….). La seconde partie est relative aux conditions de la détention (la salubrité des locaux, la nourriture, santé, espaces, équipement….).

1.2.1 Méthodologie

1.1.1. Contexte

En vue de l’élaboration de la présente note de plaidoyer, le HCDH-B et l’AFJB, avec le concours du Ministère de la justice ont organisé entre février et avril 2016, des visites conjointes de tous les établissements pénitentiaires du Burundi abritant des femmes à savoir la prison de femmes de Ngozi, les quartiers des femmes des prisons de Gitega, Muramvia, Mpimba, Bururi, Rumonge, Rutana, Bubanza, Ruyigui et Muyinga. Des représentants de l’UNFPA ont rejoint l’équipe dans certaines prisons. Durant chaque visite, avant de procéder à l’administration des questionnaires aux détenues, l’équipe s’entretien avec le directeur de l’établissement et les membres de l’administration pénitentiaire notamment le chef du service juridique et l’assistant(e) social de la prison et ensuite fait le tour de la prison pour constater de visu les conditions matérielles de détention. Un questionnaire est ensuite soumis au personnel de l’administration pénitentiaire pour recueillir des informations notamment sur la population carcérale désagrégée par âge et sexe, la nature des infractions, le nombre d’équipement, le nombre de nourrissons etc.

Le Burundi compte onze (11) prisons dont 10 prisons ayant un quartier pour femmes et une consacrée essentiellement à la détention des femmes6. La détention des femmes est marginale au Burundi, mais la faible proportion de femmes en milieu carcéral n’est pas sans conséquence sur la conception du système carcéral. Compte tenu du faible effectif des femmes détenues, leurs besoins spécifiques ne sont pas toujours pris en compte, et leurs conditions de détention n’est pas toujours conforme aux normes et standards internationaux. En outre, la majorité des femmes et des filles détenues sont issues des milieux défavorisés et ont pour la plupart (plus de 75 %) un faible niveau d’instruction ou tout simplement sont analphabètes, ce qui accroit leur vulnérabilité et fait d’elles des proies faciles surtout concernant les violences et abus sexuels entrainant des grossesses non désirées dans une société où les grossesses hors mariage ne sont pas tolérées. Ce qui peut expliquer le taux important des infractions liées à l’infanticide et à l’avortement. L’enquête effectuée dans le cadre de cette note de plaidoyer a fait ressortir une population carcérale

4

Profil genre Burundi : www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/.../PGP%20Burundi%20édité Ref des règles de Bangkok 6 Prison pour femmes de Ngozi 5

OHCDH - BURUNDI


féminine d’environ 4% de la population carcérale générale (3727 détenues sur un total de 9304). De cette population carcérale féminine. 96,79% étaient des majeures contre 3,21% de mineures. Parmi ces détenues, cent soixante-dix (170) représentants 45,45% étaient en détention préventive et deux cent et quatre (204) étaient condamnées représentant 54,55% des détenues. Pour les filles mineures détenues, huit (08) étaient en détention préventive et cinq (05) condamnées8. En plus de ces détenues les établissements pénitentiaires comptaient 64 nourrissons, 34 filles et 30 garçons.

1.1.2.

Cadre juridique international et relatif à la protection des droits des femmes et des filles en détention

défini un ensemble de règles propres à garantir la protection des personnes y compris les femmes lorsqu’elles sont privées de liberté. Ces règles sont définies notamment dans les deux Pactes internationaux : le Pacte International relatif aux Droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte International relatif aux Droits Economiques Sociaux et Culturels, (PIDESC) la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT), et dans la Convention pour l’Elimination de toute forme de Discrimination à l’égard des Femmes (CEDEF). De plus, afin de mieux orienter l’action des Etats en matière de protection des droits humains des personnes détenues, un ensemble de règles minima internationales pour le traitement des détenus a été adopté9. Et, en vue de répondre à la situation spécifique des femmes détenues, des règles supplémentaires, dites « Règles de Bangkok », ont été adoptées10. L’etat du Burundi est tenu par conséquent de garantir aux personnes détenues le respect, la protection, la promotion et la réalisation de tous les droits consacrés par les différents pactes, conventions, chartes, et protocoles sur les droits fondamentaux de la personne humaine qu’il a signés, ratifiés et dont certains comme la CEDEF sont intégrés à la Constitution. En dépit des conventions internationales et régionales auxquelles il est partie, et de sa législation sur les droits de la femme détenue, l’Etat du Burundi n’a pas encore un cadre législatif et règlementaire assurant aux détenus de chaque sexe des conditions de détention conformes aux engagements souscrits. 1.1.1. Cadre légal et réglementaire au Burundi

Le droit international des droits de l’homme a 7 8

Total des femmes interrogées. Sauf indication contraire, toutes les statistiques de ce document se basent sur ce total. Chiffres de la DGAP du 25 février 2016.

BURUNDI: NOTE DE PLAIDOYER SUR LA SITUATION DE LA FEMME EN MILIEU CARCÉRAL


Le Burundi a souscrit à la plupart des instruments internationaux et régionaux relatifs à la protection des droits de l’homme en général. Dans sa législation nationale le Burundi a prévu des lois protectrices des droits de la femme de manière générale et des femmes en milieu carcéral en particulier notamment dans la loi nº1/016 du 22 septembre 2003 portant régime pénitencier, en ses articles 44 à 47. Cependant dans la pratique, ces règles ne sont pas toujours respectées, ce qui accroit la vulnérabilité des femmes et de leurs enfants vivant avec elles en prison et dont les besoins spécifiques ne sont pas effectivement pris en compte. Par ailleurs, il subsiste dans la législation burundaise, des textes discriminatoires à l’égard des femmes qui peuvent avoir un impact sur l’incarcération des femmes. Par exemple l’article du code pénal criminalisant l’avortement est discriminatoire et contraire aux instruments juridiques protégeant les droits des femmes, cette loi qui cible essentiellement la femme expose plus cette dernière à l’emprisonnement. Les principales sources légales permettant de comprendre la structure institutionnelle, législative et réglementaire dans laquelle s’intègre le système pénitentiaire burundais sont entre autre les textes législatifs ci-après: La Constitution de la République du Burundi qui garantit le principe de l’égalité des deux sexes: « Tous les Burundais sont égaux en mérite et en dignité. Tous les citoyens jouissent des mêmes droits et ont droit à la même protection de la loi. Aucun Burundais ne sera exclu de la vie sociale, économique ou politique de la nation du fait de sa race, de sa langue, de sa religion, de son sexe ou de son origine ethnique ». L’article 19 indique que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) fait

partie intégrante de la Constitution, à l’instar de toutes les conventions qui reconnaissent les droits fondamentaux. La loi portant régime pénitentiaire (Loi nº1/016 du 22 septembre 2003) dont l’article 1er stipule « la présente loi fixe les règles fondamentales qui régissent les personnes détenues régulièrement dans les établissements pénitentiaires du Burundi ainsi que celles qui déterminent leurs rapports avec les autorités chargées de l’administration pénitentiaire particulièrement sous le volet des droits et des devoirs des uns et des autres ». L’article 6 de cette loi précise que « les établissements pénitentiaires sont créés par ordonnance du Ministre de la Justice. Ils dépendent de la Direction Générale des Affaires Pénitentiaires. Il sera créé un établissement pénitentiaire au siège de chaque tribunal de grande instance. En cas de nécessité, l’autorité compétente peut en ériger d’autres ailleurs ». L’article 7 complète en précisant qu’« à défaut de pouvoir créer des établissements pénitentiaires spécialisés, l’administration pénitentiaire aménage des quartiers spécifiques pour les mineurs, les femmes et les condamnés à mort ». Toutefois, un traitement spécial est réservé à certaines catégories de détenues à travers l’article 44, qui dispose qu’« en raison de leur vulnérabilité ou de leur état dangereux, certains détenus font l’objet d’un traitement particulier. Il s’agit des femmes, des mineurs en situation de détention, des enfants en bas âge entre les mains de leurs mères détenues, des personnes âgées, les condamnés à mort et aliénés mentaux ».

9 Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, Adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977 http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/TreatmentOfPrisoners. aspx )Ensemble des Principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une quelconque forme de détention ou d’emprisonnement (1988) http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/DetentionOrImprisonment.aspx; Règles minima des Nations unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté, dites Règles de Tokyo (Adoptées par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/110 du 14 décembre 1990) http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/TokyoRules.aspx ; Déclaration sur les violences faites aux femmes (1993) ; Déclaration de Kampala sur les conditions de détention en Afrique (Tenu le 19-21 septembre 1996 à Kampala, Ouganda) 10 Règles des Nations Unies concernant le traitement des femmes détenues et les mesures non privatives de liberté pour les femmes délinquantes (Règles de Bangkok), Assemblée générale résolution 65/229 du 16 mars 2011

OHCDH - BURUNDI


Ce sont les articles 45 à 47 qui réglementent l’emprisonnement des femmes. L’article 45 dispose que « Les femmes détenues ne doivent souffrir d’aucune forme de discrimination et sont protégées de toutes les formes de violence et d’exploitation » Les articles 45 et 46 réglementent le sort des femmes enceintes et enfants de moins de trois ans qui vivent avec leurs mères dans les prisons Ce sont les articles 45 à 47 qui réglementent l’emprisonnement des femmes. L’article 45 dispose que « Les femmes détenues ne doivent souffrir d’aucune forme de discrimination et sont protégées de toutes les formes de violence et d’exploitation « Les articles 45 et 46 réglementent le sort des femmes enceintes et enfants de moins de trois ans qui vivent avec leurs mères dans les prisons Le Code pénal11 et le Code de procédure pénale12 portant révision du Code de Procédure pénale: le Code pénal précise les catégories d’infraction et les sanctions dont celles-ci sont passibles. Il peut s’agir aussi bien de sanctions non privatives de liberté que de peines de prison. Le Code de procédure pénale, quant à lui, énonce les règles régissant l’ensemble du processus: arrestation, incarcération, procès, détention provisoire, emprisonnement13.

à vue ou incarcérées. Cependant, elle n’est pas entièrement respectée et appliquée, car les textes de loi d’application ne sont pas révisés. La femme burundaise subit encore des discriminations aux niveaux juridique, politique et socio-économique et cela notamment au nom de la coutume et en toute illégalité. I- Etat des lieux et analyse des causes d’incarcération des femmes 2.1 Etat des lieux Cet état des lieux est basé sur l’observation de la situation des femmes détenues dans tous les établissements pénitentiaires du Burundi qui hébergent les femmes entre février et avril 2016. Les femmes interrogées représentent plus de 95% de la population carcérale féminine. Dans ces établissements, 372 sur 389 détenues ont bénéficié de consultations juridiques gratuites sur leurs dossiers judiciaires avant d’être interrogées sur leurs conditions de vie dans la prison. 2.1.1 La vétusté, l’insalubrité et l’insuffisance des locaux attribués aux femmes L’inspection des lieux par l’équipe des observateurs a permis de constater la vétusté des locaux, le

Par ailleurs le code pénal renforce la répression des violences sexuelles, des violences domestiques, du harcèlement sexuel (art. 560) et interdit la polygamie (art. 530). La plupart des femmes parlementaires se sont mobilisées pour imposer des modifications relatives aux violences faites aux femmes. Les insuffisances signalées à ce niveau sont en particulier le manque de dispositions relatives à la protection juridique des femmes en garde 11

Loi nº1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code pénal Loi nº1/10 du 03 avril 2013 13 Articles 110 et suivants 12

BURUNDI: NOTE DE PLAIDOYER SUR LA SITUATION DE LA FEMME EN MILIEU CARCÉRAL


manque d’aération et parfois l’insalubrité et la promiscuité des locaux. Dix des onze prisons du Burundi ont été construites avant 1960. Par exemple la prison de GITEGA date de 1926, tandis que celles de Rumonge et Mpimba datent de 1958. Agées de plus de 60 ans ou plus, ces prisons présentent des signes de vétusté avancées, murs fissurés, bâtiments délabrés, locaux étroits éclairage et ventilation insuffisants. Peu d’entre elles ont été rénovés et ne répondent toujours pas aux normes requises. Par exemple, malgré la rénovation du quartier des femmes à Mpimba, la prison demeure exiguë par rapport au nombre de pensionnaires. En général les dernières arrivées dorment dans les couloirs faute de place dans les cellules. A la prison de Ruyigi, la proximité de la cuisine et de l’unique cellule qui abritent toutes les détenues est telle que toute la fumée rentre dans la cellule. La plupart des enfants qui y vivent avec leurs mamans avaient visiblement des difficultés respiratoires et les femmes avaient presque toutes la conjonctivite à cause de cette fumée. A Muramviya, la seule cellule qui est réservée aux femmes est abritée dans un environnement insalubre sans aucune aération. A Ngozi et à Ruyigi, les détenues ont déploré non seulement le caractère exigu des locaux, mais aussi la présence de petits insectes nuisibles tels que les puces et les punaises, ainsi que le manque de couverture dans un environnement où le climat est souvent très froid. Cette situation n’est toutefois pas spécifique aux femmes et s’inscrit dans un contexte plus large de vétusté des infrastructures pénitentiaires au Burundi ce qui n’est pas sans conséquences sur le respect des droits fondamentaux et sur la dignité des personnes détenues. La capacité d’accueil des locaux est généralement réduite, alors que la population

continue de croitre surtout dans ce contexte de crise actuel. La situation est particulièrement difficile pour les femmes, marquée par l’insuffisance d’espaces aménagés en fonction de leurs besoins particuliers, par exemple, le manque d’aires de jeu pour la visite des enfants, ou pour les enfants vivant avec leurs mères incarcérées. 2.1.2 Le non-respect de l’obligation de séparation L’article 10, alinéa 2 du PIDCP garantit à toute personne en détention préventive le droit d’être séparée des personnes condamnées, et le droit d’être soumise à un régime distinct, approprié à sa condition de personne non condamnée.14 Nonobstant ces règles très précises, la séparation des personnes condamnées et prévenues n’est en pratique respectée dans aucun des lieux de détention visités. Dans tous les établissements visités, les prévenues, qui constituent presque la moitié de population carcérale15, sont confinées dans les mêmes cellules et soumises au même régime que les condamnées. Au Burundi il n’y a pas de distinction entre maison d’arrêt, maison de correction et camps pénaux comme dans certains pays. Par exemple au Sénégal les maisons d’arrêt, reçoivent les condamnés à l’emprisonnement de police16 et à la contrainte par corps.17, les maisons de correction, les autres condamnés à l’emprisonnement correctionnel18 pour lesquels il reste à subir une peine inférieure à un an, les maisons d’arrêt et de correction quant à elles reçoivent les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement auxquels il reste à subir une peine de quinze jours à une année et enfin les camps pénaux, pour les condamnés aux travaux forcés, à la détention criminelle et auxquels il reste à subir une peine d’une durée supérieure à un an, après le moment où leur condamnation où la dernière de leur condamnation est devenue définitive ». Pour

14

article 10, 2)a. PIDCP5 Ref des règles de Bangkok 57%, voir ci-dessous le graphique du tableau 1, p. 17 16 L’emprisonnement par contravention de police ne pourra être moins qu’un jour, ni excéder une durée d’un mois. 17 La contrainte par corps est un moyen de pression, par la détention privative de liberté, sur le débiteur pour l’amener à payer sa dette. 18 L’incarcération du condamné pendant un temps fixé par le juge dans les limites prévues par la loi. Elle ne peut être ordonnée que par une décision de justice; 19 article 10, 2 b. PIDCP , articles 37, c) CDE, 17 CADBE. 20 Règle 53 de l’Ensemble des règles minima de traitement des détenus. 15

OHCDH - BURUNDI


une meilleure organisation de l’administration pénitentiaire les autorités burundaises pourraient s’inspirer d’une telle expérience. Ici, la séparation des prévenus et des condamnés n’est possible que dans le cas de l’isolement à la demande du magistrat instructeur. L’article 37 du règlement d’ordre intérieur prévoit même que le prévenu soit « replacé dans le régime de l’emprisonnement en commun dès lors que les besoins de l’instruction ne justifient plus l’isolement » Or mettre ensemble des détenues d’expériences criminelles différentes peut créer des problèmes de sécurité compte tenu du caractère dangereux de certaines détenues. Concernant le principe de la séparation entre majeures et mineures garantie par le droit international19, elle n’est pas respectée. Dans toutes les prisons visitées, les mineures étaient détenues dans le même quartier que les majeures et dormaient dans les mêmes cellules sans distinction. Il en est de même pour les femmes qui ont des enfants ainsi que les femmes enceintes et/ ou allaitantes. Par exemple à Bururi, l’équipe a trouvé une mineure de moins de 15 qui dormait dans le même lit que la personne qui l’a impliquée dans une

histoire de meurtre. Durant l’entretien la petite fille se plaignait des menaces et sévices qu’elle subissait de la Dame. Toutefois, il convient de noter que conformément à la règle 8 de l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, l’exigence de séparation entre les femmes et les hommes est généralement respectée dans les établissements pénitentiaires, en particulier celui qui abrite exclusivement les femmes à savoir Ngozi. Néanmoins, dans certains établissements mixtes comme celui de Muyinga et de Muramviya, l’on est obligé de passer par le quartier des hommes pour entrer dans le quartier des femmes. Par ailleurs, il a été constaté que la majorité des gardes est constitué de personnel de sexe masculin qui ont un accès facile à l’intérieur de la prison , en contravention avec les mesures de protection des détenues visant à prévenir ou empêcher toute forme de sévices20. 2.1.3 Les causes d’incarcération des femmes La note de plaidoyer révèle qu’au Burundi, les principales causes d’incarcération des femmes sont l’infanticide et l’avortement (44% des infractions), avec pour conséquence une condamnation à de lourdes peines souvent de 20

* Non-assistance à personnes en danger, détournement de médicaments, adultère, destruction par incendie, pratique superstitieuse, pas d'infraction enregistrée

BURUNDI: NOTE DE PLAIDOYER SUR LA SITUATION DE LA FEMME EN MILIEU CARCÉRAL


ans à la perpétuité. L’analyse des causes de commissions de ces crimes montre que la plupart des femmes incriminées vivent déjà une grande détresse économique et parfois familiale et relationnelle, et sont victimes de discrimination, d’abus et d’exploitation. Par ailleurs un nombre important de femmes interrogées et accusées d’avortement ou infanticide affirment avoir été abusées sexuellement ou que leurs partenaires aurait refusé la paternité de l’enfant. En outre, suivant leur profil, plus de 70% sont sans instruction et à peu près 25% n’ont atteint que niveau primaire ce qui aggrave l’impact des carences observées dans le suivi de leurs procédures judiciaires et leur ignorance pour un possible recours en appel et en cassation

La plupart des femmes interrogées accusées de participation à bandes armées ou atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, affirme avoir été victimes de violences et parfois d’abus sexuels au moment de l’arrestation et de la garde à vue, soit par des agents de police , des Imbonerakure21 ou des militaires. Au Service National de Renseignements une seule cellule très exiguë est réservée aux femmes et les toilettes sont communes pour hommes et femmes ce qui peut favoriser des VSBG et des abus. La note de plaidoyer révèle que la plupart des femmes incarcérées ont laissé des enfants mineures derrière elles sans personne pour s’en occuper. Certaines ont été profondément préoccupées par le sort de leurs enfants qui ont été renvoyés de l’école et qui sont devenus des enfants de la rue.

Le pourcentage des femmes incarcérées pour des infractions relatives à la crise électorale n’est pas négligeable 10, 96% et constitue la troisième cause d’incarcération des femmes. Par exemple à Mpimba 27, 5% des femmes sont accusées d’infractions en relation avec la crise électorale et 21% à Bururi. Les infractions retenues contre elles sont : participation à des bandes armées, (PBA) et atteintes à la Sureté Intérieur de l’Etat (ASIE) ou de rébellion Ces crimes entraînent tout comme les précédentes de lourdes peines de prisons. Interrogées par les enquêteurs, la plupart de ces femmes révèlent qu’elles ont été appréhendées suite à la fuite de leurs maris ou enfants pour mettre la pression sur elles et leurs familles afin qu’elles les dénoncent ou qu’elles indiquent leurs cachettes. A Mpimba, plusieurs femmes ont été appréhendées lors d’une marche du 8 Mars 2015 contre le nouveau mandat. A Muramviya et à Gitega des femmes rencontrées ont affirmé avoir participé aux manifestations tout en faisant prévaloir leur droit et devoir de s’impliquer dans la vie publique de leur pays. 20 21

A Mpimba, une femme accusée de rébellion nous révèle que sa famille a été disloquée et que ses enfants sont devenus des enfants de la rue. Une autre femme nous indique qu’elle a été arrêtée alors qu’elle revenait du sport et elle est tombée sur les policiers qui dispersaient la marche des femmes contre le nouveau mandat. A cela s’ajoute le fait que les femmes n’ont pas toujours les moyens de se payer les services d’un

Règle 53 de l’Ensemble des règles minima de traitement des détenus. Des membres de la jeunesse du parti au pouvoir (CNDD-FDD), dont certains ont des comportements de miliciens.

OHCDH - BURUNDI


avocat. En outre la commission d’office d’un avocat est observée dans de très rares cas alors qu’en matière criminelle où la peine encourue est lourde (20 ans à perpétuité) la commission d’un avocat doit se faire d’office par l’Etat. Or la note de plaidoyer révèle que la durée médiane des peines pour les femmes en prison est entre 10 et 20 ans. 2.1.4 Surpopulation carcérale et défis structurels La note de plaidoyer fait remarquer que l’épineux problème qui constitue l’obstacle majeur à la bonne administration de la justice, avec comme impact la surpopulation des prisons, est la lenteur des procédures judiciaires. Près de la moitié des femmes en prison y sont en détention préventive.

Beaucoup de carences ont été relevées concernant le suivi des procédures au niveau des parquets comme illustré ci-dessous. Au Burundi, il n’y a pas de juge d’application des peines (JAP) pour faire le suivi au niveau de la prison, du respect des délais légaux pour la détention préventive. Le code de procédure pénale est clair quant à la durée d’instruction pré-juridictionnelle d’un dossier pénal. L’Officier du Ministère Public saisi du cas doit terminer son instruction pendant quinze jours et transmettre au juge le dossier pour statuer sur la détention préventive (al 2 et 4 de l’article 111, article 113 et 114 du Code de Procédure Pénale).

L’article 115 en ses alinéas 2, 3 et 4 du Code de Procédure Pénale donne encore plus de précisions sur la validité de l’ordonnance autorisant la mise en état de détention préventive. Cependant, la lacune réside dans la durée de vie d’un dossier pénal depuis la fixation du dossier devant la juridiction compétente. Nulle part dans le code de procédure pénale, un article ne mentionne un délai exigé pour un dossier pénal lors de l’instruction juridictionnelle. En effet, il a été constaté surtout concernant la mairie de Bujumbura qu’une fois les infractions retenues à charge, les prévenues sont acheminées en prison. A l’analyse des situations judicaires des prévenues interrogées, la classification des carences décelées peut se faire de la manière suivante: 1. Les prévenues n’ayant comparu qu’une fois devant le magistrat instructeur, et ce, le jour de leur transfert. 2. Les prévenues n’ayant jamais été auditionnées par le magistrat instructeur et qui viennent de passer un temps long en prison. 3 Les prévenues « élèves » mineures. Ainsi, le non–traitement des dossiers, la nonaudition des prévenues par les magistrats du parquet, les lourdes peines prononcées (20 ans à perpétuité) entrainent une surpopulation des prisons et maintiennent la femme dans des conditions de vulnérabilité qui se répercutent sur sa famille et la société toute entière. Surpopulation carcérale au Burundi, février 2016 (chiffres de la DGAP) Cette surpopulation ajoutée à la pauvreté qui sévit au Burundi et à la détérioration de la situation socio-économique, a comme impact des conditions carcérales défavorables à la femme et qui risquent de se dégrader davantage au vu du contexte actuel. Les principaux défis structurels touchant aux

BURUNDI: NOTE DE PLAIDOYER SUR LA SITUATION DE LA FEMME EN MILIEU CARCÉRAL


équipements de base incluent: 1) Quantité insuffisante de literie, moustiquaires et ventilateurs • Matelas trop vieux, pas de lits dans certaines prisons comme Rumonge et insuffisance de matelas par exemple à Gitega. A Mpimba, des détenues dorment dans les couloirs, faute de place dans les cellules. • Manque de moustiquaires ou moustiquaires défectueuses. • Absence de couvertures dans certaines régions ou les nuits sont froides (Ngozi et Gitega notamment). • Manque de ventilateurs. 2) Carence en qualité nutritive et en quantité de l’alimentation notamment pour les femmes enceintes et les enfants à bas âge • Nourriture de mauvaise qualité et insuffisante. • Toutes les détenues écoutées sont revenues sur le ratio alimentaire reçu à la prison qui est mauvais au niveau de la qualité et de la quantité. (Par jour 350 G de farine de manioc de très mauvaise qualité et 350 G de haricot crus à Mpimba). • Manque de nourriture adaptées aux nourrissons et enfants en bas âge qui accompagnent leurs mères ainsi que pour les femmes allaitantes et enceintes. 3) Insuffisance d’installations sanitaires adaptées à l’hygiène des détenues • Nombre de toilettes insuffisant. • Manque d’eau, de savon et de lessive nécessaires pour l’hygiène • Dans certaines prisons les chambres sont très exigües et comprennent un grand nombre de détenues, ce qui cause un problème de salubrité. Par exemple à Muramvya le quartier des femmes comprend une seule cellule sans aération avec une cour très exiguë et insalubre. A Ngozi et Gitega, elles ont fortement déploré

la présence de punaises (petits insectes qui s’incrustent dans les matelas) obligeant certaines prisonnières à dormir dans la cour de la prison sans couverture malgré le froid qui y règne. 4) Absence d’espaces aménagés pour les femmes enceintes, allaitantes ou avec enfants en basâge • Manque d’espaces aménagés pour les mères avec enfants et pour les mères qui reçoivent la visite de leurs enfants (dans toutes les prisons visitées c’est seulement à Mpimba qu’il y a une balançoire pour les enfants). • Manque d’espace dédié aux femmes allaitantes ou avec des nourrissons. 5) Défaillance du système médical dans les prisons Même si la plupart des prisons offrent un accès aux soins à l’interne, certains soins ne sont pas appropriés aux besoins ou sont offerts seulement certains jours ou uniquement pendant la journée, ce qui pose un problème en cas d’urgence médicale ou d’accouchement. De plus, dans la plupart des prisons, l’accès aux médicaments reste un défi pour les détenus car ceux-ci doivent être achetés par les détenus eux-mêmes. De plus, des services de soins adaptés aux nourrissons ou enfants en bas âge qui accompagnent leurs mères ne sont pas la plupart du temps disponibles. La proportion minoritaire des femmes et son corollaire en terme d’enclavement de leur quartier réduit également leur accès aux activités récréatives. La nécessité de mise à disposition d’activités physiques et récréatives indispensables au bien-être physique et mental des personnes en détention, ainsi que l’installation d’équipements adéquats sont prévus et contenus dans les règles de traitement des personnes privées de liberté . Les règles de Bangkok ajoutent que l’instruction doit

OHCDH - BURUNDI


être dispensée aux détenues et celle-ci doit être obligatoire pour les personnes analphabètes, afin qu’elles puissent poursuivre leur formation sans difficulté une fois libérées, or une seule prison sur 11 offrait ce service. Ces mesures sont importantes car le taux de femmes sans instruction au sein de la population carcérale est élevé plus 75% des femmes interrogées durant les visites effectuées par le HCDH-B et ses partenaires n’avaient aucune instruction. En raison de l’effectif théorique assez faible dans les quartiers de femmes au sein des établissements mixtes, l’installation d’équipements collectifs ne prend pas en compte leur accessibilité. Cette configuration ne permet que l’accès aux femmes à des activités collectives telles que les ateliers. Cela entraîne une discrimination dans l’accès aux loisirs et à l’offre de travail. Sur les 10 prisons visitées, seules trois offraient de manière limitée une formation pour les femmes. D’abord leurs besoins spécifiques ne sont pas toujours pris en compte dans un milieu a priori conçu pour les hommes. L’architecture des locaux, les offres de formation et d’emploi sont soumis aux exigences de la majorité et ne tiennent pas suffisamment compte de leurs besoins. Par exemple dans toutes les prisons visitées où il y a un quartier des femmes, les ateliers d’apprentissage, les équipements de détente se trouvent dans les quartiers des hommes et les femmes n’y ont pas accès. Par ailleurs, il n y a presque pas de mesures spécifiques pour les détenues enceintes, allaitantes et mères avec enfants ni pour les enfants qui vivent en prisons avec leurs mamans. Toutefois, il a été noté le professionnalisme et l’humanisme du personnel de l’administration pénitentiaire, ainsi que leurs préoccupations aux difficultés que vivent les détenues. En effet 90 % des détenues ont jugés leurs relations, avec le personnel administratif très bonnes. Aucune détenue ne s’est plainte d’agressions ou

de maltraitance. Toutefois des détenues ont fait état de violence par la police à Bururi notamment. A Ngozi, certaines d’entre elles ont déploré le fait que des policiers leur réclamaient de l’argent avant d’accepter de les accompagner pour se faire soigner hors de la prison. De plus, les violences entre détenues ont été rapportées dans presque toutes les prisons. Toutes les détenues mères ont reconnu que leurs enfants étaient bien traités par le personnel administratif. Toutes les femmes qui sont arrivées en prison en état de grossesse ont reconnu avoir bénéficié d’une bonne prise en charge même s’il n y a pas de mesures spécifiques pour elles. III- Conclusion La note conclut que les femmes sont particulièrement affectées par les mauvaises conditions de leur détention. Ceci d’une part parce qu’elles vivent dans une grande précarité et sont victimes de violences ou d’exploitation; et d’autre part en raison de leur faible niveau d’éducation. L’existence de dispositions discriminatoires, en particulier en matière de santé sexuelle et reproductive pour ce qui est des crimes d’infanticide et d’avortement et également aux infractions relatives relatifs à la crise sociopolitique accroissent le risque d’incarcération des femmes. En effet dans ce contexte de crise, les hommes ont de plus en plus tendance à fuir le pays laissant derrière eux femmes et enfants, ainsi les femmes deviennent cheffes de famille sans ressources. La crise a exacerbé la pauvreté et réduit les possibilités d’accès aux droits sociaux économiques et culturels. Par ailleurs, elles constituent des cibles sur lesquelles il faut exercer une pression pour retrouver les maris, fils ou frères en fuite. Ce qui les expose davantage La crise socio-politique a également un impact sur les femmes car 31 femmes sont incarcérées notamment à Mpimpa pour des infractions relatives

BURUNDI: NOTE DE PLAIDOYER SUR LA SITUATION DE LA FEMME EN MILIEU CARCÉRAL


à la crise politique telles que lala participation à des bandes armées, l’atteinte à la sécurité intérieur de l’Etat, la détention illégale d’armes. Or au début de la crise, la cellule d’analyse des violations des droits de l’homme mise en place par le bureau du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme avait constaté le niveau quasi inexistant de l’implication des femmes dans le conflit. Enfin, l’impact néfaste de la détention, sur les liens sociaux et les relations familiales plus ressenties par les enfants nécessite des mesures d’aménagement des peines d’enfermement.

IV- Recommandations • a). Au Ministère de la Justice et à la DGAP • • Libérer conditionnellement toutes les femmes qui ont effectué plus d’1/4 de leur peine et qui ne représentent pas un danger pour la société. • Retirer le délit d’infanticide des critères d’exclusion de la mesure de grâce et tenir compte des facteurs susmentionnés (abus sexuel, niveau d’instruction, discrimination…). • Harmoniser de la législation burundaise aux conventions internationales signées et ratifiées notamment en ce qui concerne les droits sur la santé sexuelle et reproductive Retirer les infractions politiques des mesures d’exclusion de grâce et s’assurer que les femmes détenues pour ces faits ne subissent pas un traitement discriminatoire. • Privilégier les peines alternatives à l’enfermement surtout pour les mineures et les femmes avec des enfants en bas âge. • Assurer un meilleur suivi des dossiers, en particulier ceux des détenues en longue détention préventive et des détenues pour infraction liées à la crise. • Ordonner systématiquement la commission d’office d’un avocat pour les infractions graves pouvant entrainer des peines lourdes. • Prévoir un juge d’application des peines. • Commettre des responsables pour le suivi

régulier des conditions de détention ainsi que le contrôle et l’évaluation des acteurs de la chaine pénale. Renforcer les mesures d’éducation et de prévention en santé sexuelle et reproductive dans la population, les hôpitaux et les écoles en partenariat avec le Ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre, Ministère de l’éducation, Ministère de la sante et autres partenaires. Mettre en place un système socio-éducatif de prise en charge ou de suivi des enfants mineurs dont les mères sont incarcérées en partenariat avec le Ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre. Envisager un programme de réfection des établissements pénitentiaires. S’assurer que les femmes détenues soient gardées par des femmes. Renforcer ou développer un mécanisme permettant aux détenues victimes de violences de pouvoir rapporter ces incidents sans risque de représailles et envisager à cet effet d’accroitre le nombre de travailleurs sociaux effectuant les visites de prisons. Renforcer l’accès aux soins, en particulier pour les femmes atteintes du VIH, les femmes enceintes ou allaitantes ainsi que les nourrissons Améliorer des conditions de détention à travers:

1. L’augmentation de la ration alimentaire en quantité et qualité suffisante. 2. La dotation des prisons en produits d’entretiens et insecticides en quantité suffisante. 3. La dotation des prisons en literie (lits et matelas) et en moustiquaires et couverture. 4. La dotation des prisons en équipements de détente, et l’aménagement d’espaces pour les enfants et les femmes avec des bébés. 5. La mise en place d’ateliers d’apprentissage de métiers accessibles pour les femmes en vue de leur réinsertion à leur sortie de prison. 6. La mise en place de programmes d’alphabétisation.

OHCDH - BURUNDI


7. La mise en place de lieu de récréation pour les femmes et la tenue d’activité de loisirs. 8. La mise en place d’arrangements spécifiques et adaptés pour les enfants vivant en détention avec leur mère, ainsi que pour ceux qui viennent les visiter. b). A la Communauté Internationale • Appuyer les campagnes de sensibilisation, principalement à l’intérieur du pays, sur les méthodes de contraception afin de prévenir l’avortement et l’infanticide. • Faire une campagne de sensibilisation destinée aux hommes et aux femmes y compris le personnel judiciaire afin de sensibiliser sur l’avortement et l’infanticide • Appuyer l’harmonisation de la législation burundaise aux standards internationaux sur les droits sexuels et de la santé reproductive. • Appuyer techniquement et financièrement des programmes de désengorgement et d’humanisation des lieux de détention V. Actions entreprises par les initiateurs du projet Avec l’appui de l’OHCDH-B et en partenariat avec les initiateurs du projet plusieurs actions ont été menées et qui ont des impacts positifs sur les détenus de manière générale y compris les femmes détenues 5.1

La tenue de procès itinérants

Dans l’intérêt de promouvoir une plus grande prise en compte des droits de l’homme dans l’administration de la justice et en vue de faciliter l’accès à la justice aux prévenus détenus en dehors de leur ressorts judiciaires, l’OHCDH-B a appuyé techniquement et financièrement la tenue de deux séries de procès itinérants dans les différentes maisons de détention du pays. Durant ces audiences itinérantes les juges, assistés des

magistrats du ministère public, les agents de l’ordre public se sont déplacés sur les lieux de détention pour statuer sur les dossiers en souffrance dans les différentes maisons carcérales du pays. Durant ces sessions les dossiers des femmes surtout allaitantes ou vivant avec leurs nourrissons en prison ont été privilégiés. Environs 500 détenu-e-s ont bénéficié de ces audiences itinérantes. 5.2 Le recensement de la population carcérale Cette activité a été menée par une commission mise en place par le Ministère de la justice et soutenue financièrement et techniquement par l’OHCDH-B Le travail d’identification avait pour but de mettre en évidence les données destinées à renseigner le plus exhaustivement possible la situation carcérale des personnes détenues, en l’occurrence leur identification complète, la nature et la date du document justifiant la détention, l’infraction retenue, le numéro et l’état actuel du dossier pénal, la durée de la peine prononcée et la date du prononcé, la juridiction qui a prononcé la peine et tout autre information utile afin de corriger les irrégularités notés et de faire un meilleur suivi des dossiers. Durant cet exercice 8900 détenus ont été identifiés et un taux d’occupation de plus de 500% a été enregistré dans certaines prisons. 5.3

L’assistance judiciaire

L’OHCDH- B à la suite des visites des prisons des femmes dans le cadre de ce présent rapport a initié en partenariat avec l’AFJB un projet d’assistance judiciaire aux femmes détenues. Cette assistance en cours couvre toutes les prisons du Burundi qui hébergent des femmes et privilégient les femmes enceinte et allaitantes, celles victimes de la crise et les femmes poursuivies pour infanticide et avortement et qui sont exclues des mesures de grâce et de libération conditionnelle

BURUNDI: NOTE DE PLAIDOYER SUR LA SITUATION DE LA FEMME EN MILIEU CARCÉRAL


OHCDH - BURUNDI


www.facebook.com/OHCDHBurundi

burundi@ohchr.org

www.burundi.ohchr.org


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.