Un Atelier d’Écriture proposé par Sandrine Mosca et Christian Nicolas
L’ECRIT-VIN 23 ET 24 AOUT 2014
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D’INCEPTITUDE EN VENT DES ANGES
ð Ivresse de l’écriture au milieu du vignoble de Christian La Roche de Glun, Drôme
Hélène J
Vent des Anges A l'origine du texte, blancheur d'une naissance, sans gloire ni destin autre que l'automne approchant. Ou peut-être plutôt, dans ce paysage, une sorte de mémoire : Les saisons, le rythme des heures comme les pages rédigées d'un journal et le temps qui, à l'orée, est resté sourd. De cette prison, seul un écart peut venir offrir à d'autres rives, le cœur frappant d'un morne calendrier. Allées bordées de signes dans le vert, répétés et identiques. Et pourtant, le vaste, le vent dans les feuilles, la nature couverte de mots et de chuchotements au détour de quelques secrets enfouis. Et le vent comme l'ouvert et le vin qui emporte les paroles tues sous l'immense du ciel. Je rencontre la douceur dans ces quelques pas. La nature vient et me dit un chemin sur lequel je m'égare, une parole claire qui s'élance. Je reconnais les murmures pris dans les feuilles de la vigne et un chant qui m'ensorcelle. La nature est un poème, un moment où se respire les quelques mots oubliés venant de la terre. Je lis dans les feuilles et les nervures une légende sans temps et cette première naissance dans l'émoi de la jeunesse. L'automne rougi des soleils enlace les cœurs nobles et la fougue amoureuse. Les Amants goûtent la pulpe juteuse et offerte des chairs, chaussent leurs jeunes ardeurs et éciment leurs corps émus soudain retranchés à leur nudité. Je songe. Et lorsque nous aurons mille ans d'âge, courbés comme ces vignes et assagis par l'ivresse goûtée, turbidité ôtée, soumise à l'effeuillage des saisons et des jours, viendra la paulée peu vertueuse, offerte et licencieuse des moissons sucrées et amères de nos folies et nous serons ces lianes fortes du temps passé, comme ce poème qu'un jour, quelqu'un viendra lire sur une page épinglée à la vigne.
Irène
Salma passa du rouge à l’âge Sans coup férir, Sans troubler son père le Roi Qui la vit grandir. Salma dans le plus grand bazar, Se mit à courir Vers le cépage des mots, Pour pouvoir dire, Dire l’orée de l’âge Le poids du château La bêtise des pages La bienveillance de Nanou L’absence de la Reine Mère Un père trop fou. Salma, princesse des Vignes, Fleurit d’un coup, Et trouva un chemin digne De la porter, A maturité.
Laisser les monstres au loin, Au-delà des vignes…. Je suis dans un cocon de ceps, Je touche la Terre, J’admire les couleurs, J’anticipe les saveurs à naître, Petite pause intérieure, Avant le retour à l’acide réalité…
Salma passa du rouge à l’âge Sans coup férir. Salma dans un grand bazar, Se mit à courir. Vers le cépage des mots, Pour pouvoir dire. Dire Les monstres à éloigner Les couleurs à deviner La terre à toucher Les nuages à compter Salma, Princesse des Vignes, Fleurit d’un coup, Et trouva un chemin digne De la guider Comme le vent des Anges Dont elle est née Puis de se laisser porter, Le temps De la maturité.
Jacqueline
Le vent des anges soufflait, le jour de sa naissance. Ce jour-là, dans un vieil agenda, il en a retrouvé le nom : c’était un mardi du mois d’août. Tout juste sorti des limbes, il avait poussé un cri. Les pleurs du petit faon bramant au clair de lune n’auraient pas déchiré l’espace plus cruellement. Le nœud est là, dans ce cri de combat. Stress de début du monde, stress du départ qui bouscule, crainte de l’inconnu qui dérange, du vide sidéral qui s’ouvre devant lui, de cette solitude nouvelle, aveuglante de lumière. L’énorme fatigue de sa venue au monde, il la ressent encore, là, devant l’agenda retrouvé. Nettoyé, lavé du sang de la boucherie natale, il éprouve de nouveau ce drôle de sentiment d’évasion insolite, de cette liberté toute neuve. Cette émotion, jamais encore il ne l’a rencontrée, avant, là-bas, dans les turbidités du ventre géniteur. Libre, oui, mais abandonné par la violente éjection, après ces neuf mois d’attente dans le noir, dans la douce tiédeur de la matrice. Peu à peu, sa terreur se mue en vigueur dans l’enthousiasme rassurant des échanges conviviaux, dans la bienveillance des mots et des rires autour de lui. Ici, l’atmosphère est chaleureuse et tonifiante.Il se sent accueilli comme pour des retrouvailles enchantées après des années d’errance, attendu comme le fils sacré du soleil ! La porte lui est ouverte, le comptage du temps a commencé. Alors, l’écrivain ouvre le vieil agenda aux pages toujours vierges. Tout à l’heure, demain, indéfiniment, c’est tout ça qu’il couchera sur le papier délavé du vieux calepin pour raconter la valse de sa vie …..Ce sera comme, un peu, rentrer chez soi .
Sandrine
Plip Ploc Accroché à la barre de sa barge, l’écrivain avançait entre deux âges, loin des limbes abyssaux, grimaçant à la vie étale, affrontant le temps dans une bataille sans début ni ordre. Flip-Flap À la naissance des phrases, des mots polis par l’usage qui se croisent, s’inventent et s’échangent : écimage, carassonage, salmanazar, millerandage… De bric et de broc Leurs sonorités résonnent comme autant de promesses d’un partage. Le temps passe, à petit pas, et l’ami se dévoile dans un soupir aoûté Tic et toc
Acidité du jour Image d’une nature idyllique, envie de poser les chaussures, mais la douceur de l’herbe n’est pas au rendez-vous. On s’installe, et voici que le vent nous bouscule. Être ensemble, paisibles, et pourtant les contraintes viennent mettre en péril la placidité des lieux En équilibre sur mes mots, j’avance dans la douceur estivale et amicale d’un temps suspendu. Ici la terre se révèle dans toute son âpreté et ses promesses.
Au gré du vent des Anges, l’écrivain avance entre deux âges, accroché à la barre de sa barge, loin des limbes étales, affrontant le temps dans un combat sans début ni ordre. Au cœur du vent des Anges naissent les phrases polies par l’usage. Les mots s’amusent ou s’arment, s’inventent et s’échangent : Carassonage, salmanazar, millerandage… En équilibre sur ces mots divins, portés par le vent des Anges, l’écrit-vin avance à l‘abri d’âmes amicales et d’ombrages. Et les mots disent leur âpreté ou se dévoilent dans un soupir aoûté. Et les temps passe, à petit pas, suspendu à cette acidité du jour que sème le vent des Anges, fraîcheur sur la langue qui nous bousculent et qui nous lient. Au vent des Anges, s’arrête le temps.
Nicole
Nabucho leva les bras au ciel et Salmanazar, reconnaissant lui donna l’accolade. Ensemble ils passèrent de cépages en cépages, saluant la foule des paysans curieux massés sur le bord du chemin. Ils se penchaient épaule contre épaule pour admirer les grappes mauves prêtes à être vendangées. Par on ne sait quel miracle la grêle et les pluies diluviennes de juillet n’avaient causé aucun dégât à leurs vignes. Sûrement que Bacchus qu’ils honoraient de généreuses libations les avait protégés ! Pourtant toutes les régions de l’empire avaient souffert de cet été colérique. Grêle, inondations, maladies des troupeaux laissaient présager un triste hiver. Pour apaiser la mauvaise humeur de la déesse Cérès, César venait de lui faire construire un nouveau temple à Rome et les plus hauts fonctionnaires avaient été envoyés en Egypte, en Assyrie pour acheter du blé et éviter la famine. Il n’y avait donc que dans la province de la Roche sur Glun que la vigne, le blé et le tabac avaient produit comme dans les meilleurs années et Nabucho et Salmanazar, hier rivaux et presque ennemis paradaient maintenant côte à côte en rêvant aux récompense que Rome allait sûrement leur prodiguer. Ils dessineraient ensemble les plans d’une nouvelle villa qu’ils construiraient sur la colline de Tain dès leur retour de Rome.
Émilie
L’involuté du vin révolutionne son palais. Il goûte à une volupté hors cas que seule la nature sait faire éclore. Oubliées les cases de l’agenda, les collègues aux dents armées ! En cet instant tanné, la vie reprend sa course, le temps retrouve source. De la naissance jusqu’à l’essence, notre personnage se libère enfin de son carassonage !
Vent des anges dans les cheveux, nous goûtons à une volupté hors case, que seule la nature sait faire éclore. Dans l’infini des rangées de vigne, oubliées les pages de l’agenda, la vie et sa course ! Un verre de vin révolutionne le palais, un rayon de soleil illumine les visages, l’ambiance est à la curiosité, à la lenteur. Pourtant ici, la terre ne s’alanguit pas ! Le dur labeur n’est jamais loin et nous voilà bientôt taillant les mots, carassonant les phrases, dans l’espoir d’une belle vendange. Nous rentrerons bientôt, lourds de cette journée en plein air, riches de mots gouleyants, en un mot : IVRES !
Christian
Le vent des anges, c’est ce printemps, la nuit bourgeonne le calendrier. Écoute ça : la jeune mouture lie les cœurs entre eux ; vignes peuplées de mots et murmure en détour de l’intime. Je veux boire tout mon août, sans aller jusqu’à être OUT, tout mon soûl, jusqu’à remplir ma hotte. Mon jour aura bien le temps d’être acide. Sous le ciel gris est-ce déjà l’automne ? L’armée d’arôme est aux portes. Regarde les entrecordées, chausse, écime le superflu. Mes jeunes saveurs éclatent, elles ont Mille rangs d’âge. La pruine est en prime. Si on pouvait mettre août en bouteille et en faire sortir le génie en hiver. Il serait alors imbibé de tous les degrés, de toutes nos émotions d’août, toutes nos sensations, tu ne pars pas tu pars en prière. Le cœur effeuille, écarte nos vies, c’est le premier de cordée le bouillant écimage car le sentiment pur suffit. La ruine va à l’âme mais pas au cœur. Le premier de cordée libère les arômes et son amour et entre le soleil et les cœurs deviennent entrecordés et l’action peut commencer. La promesse se fait rage comme elle se fait jour. Être acide, ce n’est pas regarder pleuvoir à sceau les débordements de l’âme de chaque nuage. C’est autre chose. C’est inconnu encore. Le vent des anges, la promesse qu’il y aura au moins un génie insufflé, la possibilité de gagner un souhait, de la bouteille un cri soudain : sa propre naissance renouvelée encore.
Hélène C
J'aime le goût de la première mouture. C'est l’œuvre de la lenteur du temps. S'y exalte une jeunesse épaulée par des saveurs aux milles rangs d'âge. On y délecte cet effeuillage des jours au parfum de vertu. Comme si le temps s'était faufilé entre les cases bien alignées du calendrier. Goûter la première mouture est un instant tanné, comme un défi lancé au fiel des armées de tic-tac. Comme si on avait laissé courir les lianes entre les cœurs. Goûter la première mouture, c'est là où le mois d’août voit naître l'inconnu comme la naissance d'un soi-même. Vent des anges Assis au milieu des vignes. Encadrés de chaque côté par ces rangées vertes rassurantes, offrant abondance et fragilité. Encadrés par le toit du ciel, ouvert et mouvementé, et la terre, commune au circulaire du temps. Souffle doux d'un bon moment que j'ai déjà rencontré. Un moment juste à vivre. Un calme titillé par le vent, tiraillé entre enracinement et évasion. Assis au milieu du temps, à la lisière du chaud et du froid, du hier et du maintenant. Un air de « pas encore » en inlassable devise de patience. Laisser le temps se faufiler à travers les cases d'un calendrier. Laisser le temps tisser les lianes entre les cœurs. Un calme titillé, tiraillé entre l'écoulement des minutes et la force du présent. Assis au milieu du goût du vin, au milieu de la vie. Tout un paysage en promesse de la première mouture à venir. La première mouture est une jeunesse aux milles années. S'y délectent le parfum des jours passés. Un calme titillé, tiraillé entre la mort de l'été et la naissance d'un futur inconnu. Un instant tanné de transmission fruitée, à partager
Florent
Le vent des Anges Le tonnement de l'orage est passé, tout ouïe, l'écrivain s’approche prudemment des pédicelles craquante de la filope amaigrie : les grappes ont été récoltés, cependant quelques raisins demeurent par endroits et ces derniers sont salutaires pour pouvoir passer l'hiver. Je regarde ; une mer de nuages s 'étend au loin. Sur la vigne, une armée d'écrivains s'affaire à finir de ravagé les quelques raisins restants. Bien que ce parasite se soit immiscé dans la vigne, l'été a été chaud et la récolte a été bonne. Je suis heureux d'avoir changé de vie pour m'installer à la campagne, ici pas d'échéances sur le calendrier fixé par l'homme. Ici, l'échéance c'est la matière qui l'amène et le temps qui la presse, tel le vin qui encore dans sa turbidité devra maturer. A l'aube d'un nouveau cycle, rien n'est certain. Il faut tout d'abord se débarrasser des serments, ces lianes serpentants liées à la terre. Les tiges repousseront ensuite pour produire des fleurs qui mueront elles-même peut être, en une nuée de grappes. Oui, rien n'est certain ici, on s'en remet aux vents et aux anges.
A U F IL DE L A J OU RN E E …
L E L E N D E MA I N…