Livret Mots de France tissés d'ailleurs

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Mots de France tissés d’ailleurs Par Jacqueline et Sylviane

Le 25 janvier 2016 Chez Anne-­‐Marie et Maurice Rubin

Avec Andrée Anne-­‐Marie Anne-­‐Marie Françoise Maurice Nicole Odile Robert Sandrine


Dépanneur n. m. Employé au Québec. Petit commerce, aux heures d'ouverture étendues, où l'on vend des aliments et une gamme d'articles de consommation courante. -­‐ Au Québec, le terme dépanneur s'est bien implanté. Il est même repris en anglais comme synonyme de convenience store. Source : Grand dictionnaire terminologique, 2015

Edward Hopper

Autoportrait (1906).

Edward Hopper, né le 22 juillet 1882 à Nyack dans l’État de New York et mort le 15 mai 1967 à

New York, est un peintre et graveur américain. Exerçant essentiellement son art à New York, où il avait son atelier, il est considéré comme l’un des représentants du naturalisme ou de la scène américaine, parce qu’il peignait la vie quotidienne des classes moyennes. Au début de sa carrière, il a représenté des scènes parisiennes avant de se consacrer aux paysages américains et de devenir un témoin attentif des mutations sociales aux États-­‐Unis. Il produisit beaucoup d’huiles sur toile, mais travailla également l'affiche, la gravure (eau-­‐forte) et l'aquarelle. Une grande partie de l’œuvre de Hopper exprime la nostalgie d’une Amérique passée, ainsi que le conflit entre nature et monde moderne. Ses personnages sont le plus souvent esseulés et mélancoliques.


Un soir d’été, la nuit est torride, l’air irrespirable. Peggy essaie de se rafraîchir un peu sur le perron de la maison de bois, banale et impersonnelle qu’elle vient de louer pour une quinzaine de jours. Vêtue d’un simple balconnet et d’un short flottant roses, elle s’appuie contre la balustrade, le dos à la nuit noire ponctuée de quelques lueurs incertaines. John, qu’elle a rencontré dans l’après-­‐midi sur la plage voisine, est venu la rejoindre. Ils poursuivent la conversation engagée quelques heures plus tôt, allongés sur le sable. Andrée

Elles pénètrent dans le bar un léger sourire aux lèvres. Elles s’installent à une table près de la fenêtre, sans ôter leurs manteaux, ni leurs chapeaux de feutre. Par peur du froid peut-­‐être, De la rue monte le bruit sourd de la circulation. Le garçon du café s’avance, le plateau à la main. -­‐ Vous désirez ? – Un thé citron. Dit l’une. – Un thé au lait. Dit l’autre. C’est la rencontre de la réconciliation. En effet, il y a quelques semaines, elles s’étaient cherché des noises, pour une bêtise. Vraiment ridicule ! La conversation était tombée sur le dépanneur du coin. L’une affirmait que comme il était typé, c’était un arabe, alors que l’autre ne démordait pas, qu’il était certes méditerranéen, mais plutôt Italien ou espagnol. Enfin, elles étaient là. L’une en face de l’autre. Il n’y avait plus de raison de chicaner. Anne Marie


"20 h 15" avait-­‐il dit en claquant sa portière. La voiture a démarré dans une forte odeur de benzine, souvenir de la P105 de son père, pétaradante sous le soleil de Californie, aux flancs noirs vernis sous le chiffon du serveur pakistanais qui était à son service.

20 h 35 Elle avait couru se préparer.. Elle voulait être belle, unique, tentante. Elle avait choisi sa robe de mousseline blanche, transparente, moulante, mais à la coupe sage voire enfantine, manches ajustées, décolleté strictement carré sans bijou pour que le corps exulte sans entrave. Le liseré noir du chapeau de paille faisait écho mutin au cuir noir de ses ballerines. 20 h 55 Un coup de vent rageur souleva les rideaux du salon, une porte claqua, un homme en kippa passa devant elle pressé comme jamais, un air de crooner sortit de la fenêtre du premier, un fourgon de police s’enfila dans sa rue sirène stridente. 21 h 15 Les lumières des réverbères s’éteignirent, le noir fondit sur la ville, la pluie crépita sur le pavé, la mousseline détrempée laissa tomber ses gouttes de tristesse sur le parvis hostile…. Sylviane

Le dépanneur surgit à l’improviste dans une luminosité bienveillante. La femme se tenait coite sur le seuil de la bâtisse. Elle veillait dans une posture de madone. Une odeur boisée suggéra une présence qu’aucune parlure ne décrira. Un jeu d’acteurs s’instaura entre la Québécoise et l’inconnu qui se cachait. Le blanc rigoureux du dépanneur éblouissait les sourires. Pas un geste, pas un son. Le ciel étal servait de témoin : l’amour s’en est allé, Madame ! Monsieur, veuillez revenir dans le champ de l’image. Les autres, passez votre chemin. Robert R.


L’homme raccroche la pompe à essence. La voiture vient de s’en aller, réservoir plein. Quelques minutes plus tôt, il avait ôté sa casquette pour saluer la jeune femme un peu replète qui venait de garer sa Bentley rouge le long des trois pompes rouges, Pégase ornant leur sommet. En la voyant, il avait pensé qu’il passerait bien un moment avec elle sous la lampe blafarde du salon qui éclairait la fenêtre de la maison devant lui. « Je n’ai pas assez d’argent pour payer » Elle le lui avait dit au moment où il reposait le pistolet sur son support. Surpris, il n’avait pas su comment réagir. « Je suis pressée de rentrer ; mes deux enfants sont seuls à la maison » avait-­‐elle tranquillement annoncé. Puis elle avait expliqué qu’ils habitaient tous les trois dans un mobil-­‐home qu’on leur avait prêté et installé à quelques kilomètres de là, du côté d’Albuquerque. « Les loyers sont si chers dans le coin !!!» avait-­‐elle soupiré. Il lui avait adressé un sourire bienveillant, lui laissant entendre qu’il lui faisait l’avance de ces quelques dollars. Elle lui avait lancé un regard reconnaissant en remontant la vitre de la Bentley. Maintenant, il raccroche le pistolet qu’il avait gardé dans la main, comme subjugué par cette femme sibylline dans ses regards et le son feutré de sa voix. La reverrait-­‐il ? Jacqueline Je passe devant un café. La porte est ouverte. Le lieu, la lumière m’attire. Sur le bar une revue est posée et montre une image percutante, un véritable drame : un enfant seul, triste si triste. Quelques instants plus tard tu entres, fermes la porte. Je ne te connais pas. Je couvre l’image de ma main tant celle-­‐ci me semble insupportable. Je me sens si seule. Ton regard se pose sur moi et je lève les yeux vers toi. Nous allons bientôt nous parler et vivre un moment magique et inoubliable. Odile


En panne au milieu de ce morne paysage brûlé par le soleil, je me retrouve dans cette chambre nue où l’absence nappe les murs d’une solitude glacée. Le temps semble s’être arrêté en même temps que ma voiture. Je reste là, indécise, tendue dans ma frustration. Je n’ai pas ouvert mes valises mais j’ai déposé sur le fauteuil ta veste comme pour souligner le manque. Tu avais posé cette veste sur mes épaules lors de notre dernière et unique rencontre. Depuis je la garde avec moi, partout, souvenirs ou prétexte… Une épine dans le cœur, les poings serres, je guette un pas, une voix, comme si tu pouvais contre toute attente, surgir à l’improviste : des retrouvailles inopinées au milieu de nulle part. Sandrine


Lumerotte [lymRᴐt] n.f. Employé en Belgique. 1. Source de lumière de faible intensité. Mettre une lumerotte dans la chambre à coucher de la petite. Je n'arrive pas à lire avec cette lumerotte. 2. Légume (betterave, potiron, citrouille, etc.) évidé et percé de petites ouvertures, dans lequel on place une source lumineuse. Atelier de création de lumerottes. Faire des lumerottes pour la fête d'Halloween. -­‐ Vitalité peu élevée en Wallonie et très faible à Bruxelles. On notera toutefois que ce mot connaît un récent regain grâce aux activités organisées à l'occasion d'Halloween (tradition importée, mais qui se diffuse en Belgique), durant lesquelles les enfants se promènent avec des lumignons. -­‐ Équivalents en fr. de référence : 1. lumignon, connu en Belgique francophone ; 2. citrouille (le plus souvent, ou un autre légume), également employé en Belgique francophone. -­‐ Emprunt au wallon/picard lumrote, loumrote, leumrote (mêmes sens). Source : Michel Francard, Geneviève Geron, Régine Wilmet, Aude Wirth, Dictionnaire des belgicismes, De Boeck-­‐Duculot, 2010

Victor Hugo

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne…


Aube d’été, aube d’hiver tu veilles toujours sur mon repos. Au petit matin blafard, l’heure bleue se pose sur les draps blancs. Seule la petite loupiote du réveil tremblote sur la table de chevet. Les notes matutinales du merle annoncent le point du jour. La fraîcheur renouvelée apaise la torpeur de la nuit. Le ronronnement du tram ouvre la voie aux premiers bruissements de la ville. Andrée

Le crépuscule déploie ses voiles gris sur la ville engourdie de chaleur. Des voiles gris, mais aussi des brumes bleutées roses et violettes. On ne peut s’empêcher de penser à Baudelaire : " un soir fait de rose et de bleu mystique " Douceur de ce moment entre chien et loup. Mystérieux. Magique. Encore plus que le couchant qui flambe les sommets. Bientôt tout va se fondre dans l’ombre des ténèbres, la ville, les champs, les monts. Viendra la nuit silencieuse avec les lumerottes clignotantes des premières étoiles. Anne Marie "L’aube est une salissure dégoulinante" Disait Pleurotte ma voisine de paillote. Pour quelqu’un qui se lève quand le soleil est au zénith…… Elle éteint la loupiote, marche tel un coyote, et me prend la menotte !!!! -­‐ Je n’aime ni l’aube ni les ténèbres, Le couchant m’oppresse, le point du jour m’étreint. Je suis née à la pause méridienne, m’a dit ma mère, Comme les lamas. Donnée vérifiée, les lamas ne naissent pas au matin blême, ni à potron-­‐minet, Et point besoin de lumerotte pour calmer la maman. Ils voient le jour à l’heure où le soleil est au zénith, Dans le grand éclat du jour, et c’est ainsi, depuis toujours ! Sylviane

"Au crépuscule dès que le disque rouge se cache derrière les collines les oiseaux s’envolent. Un coyote, pas entre chien et loup, hurle pour les vêpres. La veillée se prépare, on grignotera des griottes à la lueur d’une loupiote. Les ténèbres accourent déjà et minuit galope sur nos pas. Enfant, confie-­‐moi ta menotte tremblante. Et toi, lune vieillotte, baigne-­‐nous de ton halo mystérieux." Robert R.


Ô crépuscule, heure où le jour et la nuit s’épousent en d’éphémères noces Ô ma Lolotte, entre chiens et loups, nous aimerons-­‐nous ? Au bout des ténèbres, laisserons-­‐nous venir l’heure bleue Où ta menotte jolie se posera sur mon cœur ? À l’heure de l’apéritif, nous allongerons-­‐nous sous la paillote Qu’éclaire le rayon vert ? N’attendons point les ténèbres pour connaître enfin l’heure exquise ! Charlotte, ma mie, je vous supplie, sans loupiote aimons-­‐nous À l’heure du quatre-­‐heures, divin goûter ! Jacqueline

Minuit, aucune lumière Sur la plage une paillote Fait écho aux vagues qui portent Minuit, pas de bruit Perçant les ténèbres une loupiote Invite à franchir la porte Minuit, tout dort Dans cette chambre un peu vieillotte Un berceau d’où s’échappe une menotte Minuit, attend le point du jour Sandrine

Pour moi, l’heure du thé, c’était le goût de la confiture de griotte que faisait ma grand-­‐mère. L’apéritif se prenait dans la paillote. La soirée c’était pour discuter avec ma Lolotte. Minuit seule la loupiote me tenait compagnie. L’aube le coyote hurlait. Au petit matin je buvais du café dans ma tasse bien vieillotte. La matinée, ma marotte c’était de changer dix fois de robe et de me regarder dans le miroir, ô miroir mon beau miroir, dis-­‐moi qui est la plus belle ». La sieste, période postprandiale, je tenais la main potelée de la petite Charlotte, toute douce, toute jolie et nous nous endormions ensemble blotties l’une contre l’autre. Odile


Ristrette Employé en Suisse. n. m. Petit café très fort, fait à la vapeur au percolateur. Boire un ristrette au bar à café. (Exc., au pluriel) Des ristretti. Rem. Correspond à ce que l’on appellerait en France un express serré. Emprunt à l’italien (caffè) ristretto « (café) bien tassé, serré », avec francisation de la finale pour la variante ristrette, qui est la seule vraiment courante à l’oral. adj. Au sens métaphorique (souvent en lien avec le temps), serré, limité. Rem. Le terme, essentiellement utilisé dans l’expression « c’est ristrette », s’emploie fréquemment à l’oral, mais se rencontre rarement à l’écrit. L’utilisation de ristrette comme adjectif n’a d’ailleurs pas encore d’entrée dans le Dictionnaire suisse romand. Source : André Thibault, Pierre Knecht, Dictionnaire suisse romand, Zoé, 2012

Fulgurance…

Au Flore, Juliette devient Gréco Au Fouquet’s Nicolas devient Sarko Jacqueline


Temps volé Dans la course du matin Un café comme un bonjour Sandrine

Cliquetis de verres, Photo de Doisneau au mur, La mousse déborde Tu ne viendras plus. Sylviane

Un soir de départ en vacances, à la Brasserie Georges de Lyon. La voiture est déposée à la gare proche, en autocouchette. Avant le départ pour la Bretagne, fixé à 22 h 47, nous dînons d’une petite choucroute de la mer. Andrée

Amertume d’une séparation autour d’un petit guéridon, l’arôme de l’Arabica s’évapore dans le brouhaha des badauds qui vident les lieux.

Fumée bleue qui danse Bruit des percolateurs Il rêve. Marbre de la table ronde Une tasse de café brûlant Il va être en retard. Anne Marie

Robert R. Une lumière douce, Corps blessés, Tête de veau, Cœur à cœur, Une bonne lampée veloutée. Odile


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