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Jour de vérité

Petits mensonges utiles Toute la vérité sur le mensonge: entretien avec Andrea Haefely sanitas.com/mentir

On apprend dès l’enfance qu’il ne faut pas mentir. Mais ce n’est pas si simple que cela. Les petits mensonges rendent la vie en commun plus harmonieuse. Que se passe-t-il quand on dit toujours la vérité, toute la journée? Une journaliste a tenté l’expérience.

Texte Julie Freudiger Photo Unsplash

Je suis une personne foncièrement honnête. Du moins, c’est ce que je pensais jusqu’à il y a peu. Mais des études attestent que nous mentons jusqu’à 25 fois par jour. Certaines études parlent même de 200 fois par jour. Est-ce possible? Je veux en avoir le cœur net. J’accepte l’idée de la rédaction, même si je crains secrètement que n’aurai rien à raconter puisque je suis une femme honnête. C’est ainsi que l’expérience commence déjà par un mensonge. Si j’avais été sincère, j’aurais dû dire que je ne trouve pas que ce soit une bonne idée. Je mets ce premier échec sur le compte de la diplomatie.

Le mensonge comme compétence sociale

Le jour de l’expérience, je suis anxieuse. Aurai-je encore un travail et des amis ce soir? Le premier défi ne se fait pas attendre très longtemps: au petit-déjeuner, mon compagnon me raconte qu’il part pour le week-end. Il me demande pour la forme si je suis d’accord. Je commence à me défiler intérieurement. La vérité ne me plaît pas à moi-même. Ce weekend là, justement, je travaille, et j’avais au moins espéré passer une bonne soirée à deux. Pur égoïsme. Pour ne pas mentir, je ne dis rien dans un premier temps. Mais il insiste – la matinée est un peu tendue.

Je fuis au bureau. «Bonjour! Comment ça va?» J’aurais presque répondu par automatisme à la formule de politesse de mon collègue. Mais aujourd’hui, je dois être sincère. Je lui avoue mes états d’âme. La gêne dans son regard le confirme: il ne voulait pas tout savoir, en fait. Le mensonge a-t-il quelque chose à voir avec la distance sociale? Peut-on être d’autant plus sincère que l’on est proche de la personne à laquelle on parle? La matinée me revient à l’esprit et j’abandonne l’idée.

La frontière subtile entre les bons et les mauvais mensonges

Entre-temps, une autre collègue entre dans le bureau. Je trouve sa nouvelle coiffure af

CONSEIL D’EXPERTE Andrea Haefely, journaliste, spécialiste des mensonges et auteur du livre «Schweigen, schummeln, lügen», paru en 2014 aux éditions Beobachter

«Quand on essaie de toujours exprimer sa vérité subjective, on se heurte fatalement à un dilemme: être sincère ou froisser ses congénères? De telles expériences, si elles sont mal dosées et qu’elles durent trop longtemps, peuvent détruire des amitiés et des liens familiaux, coûter un emploi, voire parfois provoquer une gifle. Mais quand peut-on mentir? Et quand ne faut-il pas mentir? Le critère le plus simple serait: si la vérité est plus grave que le mensonge pour la personne en face de vous et qu’aucun «dommage indirect» n’est à craindre, un mensonge peut se justifier, et même être la meilleure solution: l’expression mensonge de politesse trouve ici tout son sens.» freuse. Alors que les autres lui font des compliments, je me contente de sourire. Dois-je inscrire cela dans mon bilan de mensonges? C’est ce que l’on appelle un mensonge par omission... Au tribunal, c’est un délit. Mais que faire quand une amie me demande de ne pas parler de son nouveau compagnon à son ancien mari, qui est aussi mon ami? Est-ce que je lui mens en ne lui disant rien, même s’il ne me demande rien? La frontière entre des petits mensonges bien intentionnés et un mensonge offensant me semble parfois bien ténue.

Mais mon expérience n’est pas terminée. Au cours d’une réunion, une collègue critique un projet dans lequel je me suis investie à fond. J’aurais préféré qu’elle ne soit pas aussi directe et franche. Pour calmer ma frustration, j’entre dans une boutique de vêtements. Le pantalon me va très bien mais il est trop cher. «Cela vous convient?», demande la vendeuse. En temps normal, je dirais non. Qui avoue sans hésiter être un peu juste financièrement? Mais aujourd’hui, c’est différent. «Oui, il me va très bien. Mais je ne peux pas me le permettre.» Un regard compatissant, et me voilà repartie.

Quelle vérité est vraie?

L’après-midi est déjà bien avancé. À vrai dire, j’avais prévu de faire du sport pendant ma pause déjeuner. Mais j’avais trop de choses à faire, c’est du moins ce que je veux me faire croire. Je sais très bien que c’est une fausse excuse. Est-ce que nous nous mentons à nousmêmes régulièrement? Pour couronner le tout, ma mère m’appelle. Quand elle me demande si elle me dérange, je lui dis la vérité: «Non, mais je n’ai pas envie de téléphoner maintenant.» Résultat: une longue discussion assez tendue. J’aurais pu me faciliter les choses...

Bilan de la journée: je n’ai pas réussi à ne pas mentir. Non parce que mes congénères ne m’intéressent pas ou que je suis mal intentionnée – bien au contraire. Mais une question me préoccupe: combien de fois ai-je menti sans le savoir?

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