Numéro Zéro - Emmanuelle Schillinger

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Novembre 2014 - Quai d’Ivry ©Emmanuelle Schillinger


REPORTAGE

ÉDITO Fluctuat nec mergitur, il flotte mais ne sombre pas. Depuis des siècles Paris se prend pour un bâtiment et la Seine a légitimé cette vision. Comme une arche ventripotente et grouillante de vies, Paris cherchait une île pour s’étendre et l’a trouvée en l’Ile-de-France. Déjà, dans les années 1900, elle s’est défaite de ses remparts au moment même où les coquettes quittaient leur corset. Alors, petit à petit, tandis que les uns allaient s’encanailler en banlieue, du côté de Nogent, ou s’installer dans les contrées éloignées et verdoyantes d’Aulnay-Sous-Bois, les autres sont montés à l’abordage de la capitale, appâtés par le Capital Emploi. Et Paris, comme une grenouille monstrueuse, s’est mise à enfler chaque jour de tous ces banlieusards du matin qu’elle recrache le soir par le truchement d’un réseau ferroviaire et routier en continuelle expansion. De toutes, la banlieue Est fut la plus industrieuse, reste la plus ouvrière et la plus bannie. On a même peur de la nommer... mais la pieuvre métropolitaine a étendu ses tentacules jusqu’à Pantin, puis Bobigny.


Décembre 2014 - RN3 - Livry-Gargan ©Emmanuelle Schillinger


DECRYPTAGE

Les Trente Glorieuses ont accouché d’un parc automobile conséquent. Chaque famille possède un véhicule, si ce n’est deux ou trois. L’accessoire indispensable de nos vies est devenu parti intégrantes du décor urbain. Comme une broche sur un vêtement, l’automobile se post-it sur les trottoirs, le long des façades, attestant la proximité humaine. Depuis des années, Paris tente de se débarrasser de ces insectes métalliques et nauséabonds. A coups de papillons, de réductions de places de stationnement, de parkings payants, réussira t-on à endiguer leur prolifération? Dans Paris, peut-être : une mesure à l’étude va bientôt proscrire les véhicules diesel. Tout comme une population moins aisée, les automobiles vont donc s’épanouir dans la vaste banlieue mal irriguée par les moyens de transport. Comment sortir le soir, comment honorer les gigantesques centres commerciaux, comment transporter sa progéniture du domicile aux lieux de service épars, comment se rendre dans la ville voisine ? Les jeunes banlieusards le savent bien qui passent leur permis de conduire avec autant de détermination que leur baccalauréat. Le véhicule particulier a encore de beaux jours devant lui!


Octobre 2014 - Hosni M’Hanna au Centre National de la Danse de Pantin ŠEmmanuelle Schillinger


CULTUREL

Alors, Paris a ouvert ses portes! Et quel accueil pour les dionysiens : la Cité de la Musique, celle des Sciences, les hôpitaux Debré et Bichat, le réaménagement des quais de Seine... La banlieue prend sa revanche: un foncier moins cher et plus vaste, une réhabilitation de quartiers devenue indispensable par des décennies de désintérêt. C’est ainsi que le Stade de France a vu le jour, attirant des milliers de parisiens. Les lieux culturels qui s’y implantent brillent par leur dynamisme, leurs innovations et la jeunesse de son public que fidélisent des tarifs attractifs. A Pantin, le Centre National de la Danse en est un bel exemple : Jacques Kalisz, l’architecte et Hosni M’Hanna, le danseur créent dans un même élan de verre et de chair. La banlieue dense, danse sur toutes les musiques. Elle a le rythme. Le Grand Pari(s) se veut le témoin de ces mutations aussi spectaculaires que celles générées par le Baron Haussmann.



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