5 minute read
AVANT PROPOS
esprits alliant tradition et innovation et des petites mains, des mains rugueuses, des mains agiles et toujours … des mains de passionnées.
Le choix de traiter ce sujet au sein du Séminaire Art Architecture et Cinéma vient de l’idée d’aborder ce matériau sous d’autres angles que l’architecture pure et dure. Je peux aujourd’hui formuler le fait que j’ai été attiré par cette pierre calcaire très jeune grâce à des choses pas forcément explicables avec des mots. Ces choses que seuls mes sens comprennent. C’est selon quelque chose de plus fort qu’un champ intellectuel ou qu’une conviction idéologique que pourraient représenter la pierre massive. Ces pierres ont une âme, une histoire émouvante qui nous parlent, et dont on est plus ou moins sensible. C’est pour cette aspect métaphysique de la pierre qu’il m’a paru justifié de l’explorer avec notamment le prisme de l’Art, du Cinéma et de rencontres, du sensible donc. Vous comprendrez donc je l’espère pourquoi ce mémoire s’affranchie quelque part du format formel et scientifique qu’on souvent les mémoires universitaires. Mon but est d’être autant technique que sensible, et c’est à cette jonction que l’Architecture se trouve. Du moins je pense avoir compris cela de mes lectures et de ma petite expérience d’étudiant.
Advertisement
Je vous souhaite une bonne lecture, en espérant que cela vous intéresse.
Construire un bâtiment en pierre massive a longtemps été une pratique classique. Ce matériau était d’ailleurs réservé aux bâtiments publics ou royaux autant du fait de son coût que de sa durabilité dans le temps. Aujourd’hui, ce « matériau naturel » se redéveloppe en architecture contemporaine, comme le bois. Le regain d’intérêt pour ces matériaux dits « naturels » vient d’une prise de conscience environnementale grandissante. Aussi est-il intéressant, avant d’utiliser ce matériau, de se demander quelle est sa place dans l’architecture contemporaine. Au travers d’une approche aussi objective que sensiblement possible comme annoncé dans l’avant-propos, j’aborderai les avantages et contraintes que ce matériau constructif propose pour son développement.
Matériau millénaire, l’usage de la pierre massive est pourtant devenu aujourd’hui anecdotique et symbolique, souvent réservée au secteur des monuments historiques. Je m’attacherai à comprendre pourquoi tel est le cas et quelles dispositions ont été prises par ce secteur pour se redévelopper.
Alternant successivement mon approche sensible et technique du sujet, je procéderai en 3 étapes distinctes et interdépendantes. La première tente de parler simplement de la pierre en tant que matière, matière plus que millénaire et aux multiples origines. Il s’agira de se sortir un instant de cette vision anthropocentrée du matériau avant de nous y plonger dans la relation qu’à la pierre avec l’Homme et ses constructions, ses habitats et finalement ses architectures.
Il m’a ensuite paru essentiel d’aborder l’abandon qu’a connu la pierre massive pendant le XIX et XXème siècle, afin de faire un état des lieux de ce secteur. J’ai considéré l’analyse historique du matériau en architecture primordiale à la bonne compréhension de sa posture aujourd’hui. Elle n’entend pas être exhaustive mais permet de comprendre partiellement pourquoi nous revenons aujourd’hui à cette pierre, et généralement à ces matériaux naturels, en architecture.
Enfin, nous aborderons ce qui m’a initialement intéressé le plus. Ce qu’il se fait aujourd’hui. Car s’il faut savoir être rétrospectif afin d’apprendre du passé et des ancêtres, il s’agit de ne pas ruminer sur ce qui est fait, et d’avancer activement vers une architecture plus durable. J’ai choisi de prendre 3 agences en étude afin de les comparer sur leur relation à l’architecture en pierre massive. Leurs postures vis-à-vis de ce matériau sont autant différentes que
bonnes à prendre. L’idée n’est pas de juger ou établir une préférence sur le travail de ces structures mais d’en parler, le plus objectivement possible. Je me permettrai de remettre en question leurs démarche ayant pu voir de l’intérieur certains fonctionnements, afin de tendre vers une meilleure architecture, dans l’idéal.
Si cette méthode de recherche est purement chronologique, cela n’est pas l’intention originelle, loin de vouloir être linéaire et formel, cette vision s’est formée au cours de nombreux remaniements, relectures et discussion avec mes correcteurs.
Avant de nous aventurer dans ce mémoire, je définirai certains termes afin d’avoir des bases communes.
Il est convenu qu’un matériau naturel est un matériau issu de la nature et qui n’a reçu aucune ou très peu de modifications de l’Homme. Nous retrouvons trois types de matériaux naturels :
• Les minéraux (pierre, terre, chaux, argile…) • Les organiques d’origine végétale (bois, foin, bambou…) • Les organiques d’origine animale (cuir, feutre de laine de mouton…)
Ils ne sont pas forcément employés seuls et peuvent être assemblés pour renforcer leurs qualités constructives et
1 Un bassin sédimentaire est une unité géomorphologique en forme de cuvette plus ou moins régulière, caractérisée par une combinaison thermiques (paille/terre pour le torchis, terre/chaux pour le pisé, pierre/bois pour les voûtains).
Les intérêts de ces matériaux sont donc pluriels : un faible coût énergétique pour leur mise en forme, un faible coût économique car ils sont très souvent locaux ainsi qu’une grande durabilité dans le temps.
Au vu du choix de nous concentrer sur la « pierre massive », nous définirons ce matériau : il s’agit de blocs de pierre extraits en carrière et mesurant généralement à minima 30 cm d’épaisseur. Le type de pierre varie selon les régions : grès, calcaire, craie… La longueur de la pièce dépend de sa position dans la construction. Sa hauteur aborde généralement 50cm. La pierre massive se différencie de la pierre sèche par exemple, notamment de par sa dimension, son processus d’extraction en carrière et le travail de sa découpe jusqu’à l’acheminement sur le site de construction. On l’appelle aussi fréquemment « pierre de taille », « pierre de construction massive » ou encore « pierre structurelle ». Elle est composée essentiellement de calcaire, pierre que nous étudierons plus précisément.
Sur le plan géographique, nous nous concentrerons sur la France avec quelques centralités plus importantes dans ce secteur que sont les bassins géologiques1 français. « Il y a des pierres tendres dans tous les bassins
de formes structurales spécifiques (cuestas, boutonnières), de témoins de surfaces d'aplanissement et de formes d'accumulation
sédimentaires »2. En effet, en France il y a trois principaux bassins géologiques : le bassin aquitain, le bassin parisien et le bassin du Sud-Est dans la Vallée du Rhône.
Nous qualifierons de « contemporaine », l’architecture des trente dernières années. Nous nous permettrons cependant d’aborder d’autres époques de l’architecture à titre d’exemple et de prise de recul.
Le présent travail abordera donc le retour de la pierre de construction massive dans le paysage de l’architecture contemporaine avec comme angle d’approche les bassins géologiques français et notamment celui du Luberon. Il sera renseigné par mes recherches lectures et informations obtenues au contact des artisans et professionnels que j’ai pu rencontrer.
Figure 2 : Photo : Simon Reynaud
2 Propos recueillis par mes soins lors d’un entretien avec Mr Pierre MARIOTA, exploitant carrier dans le Luberon, voir documents annexes