Les exclus de l'énergie

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Date: 14.04.2010 OJD: (137831) Page: 21 Edition: PRINCIPALE (FR) Suppl.: Rubrique: Rebonds

Les exclus de l'énergie MICHEL DERDEVET Maître de conférences l'Institut d'études politiques de Paris

Par à

thermique des logements. Notre pays a décidé d'aider à la rénovation thermique des logements des plus pauvres et de créer un observatoire natio

«pauvreté énergétique» est devenue un des fléaux majeurs de notre planète. Comme le rappelait l'ONU, en novembre 2009, 1,5 milliard de personnes vivent sans électricité, dont 807o dans les pays les moins avancés d'Asie du Sud et d'Afrique subsaharienne. En Europe, le même état d'insalubrité énergétique se retrouve, en particulier dans les nouveaux Etats membres où les parcs immobiliers publics ont été privatisés sans régler l'isolation des logements in dividuels ni améliorer leur efficacité énergétique. Partout, dans les vingt-sept pays de l'Union, les plus défavorisés occupent les logements les plus consommateurs d'énergie, donc les plus onéreux en termes de facture énergétique. La France elle-même n'est pas une «île énergé tique» à l'abri de cette question essentielle de l'ac cès à l'énergie. Cet hiver, 300 000 ménages fran a

çais se sont peu (ou ne se sont plus) chauffés (dont 877o vivent dans des logements privés), et 70 7o

des 3,4 millions de Français concernés font partie de la population qui perçoit les plus faibles reve nus. Il y a donc une vraie «fracture énergétique» dans notre pays, les ménages les plus pauvres con sacrant aujourd'hui, aux dires de l'Agence de l'en vironnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), 15 7o de leur revenu net aux dépenses énergétiques (gaz, électricité, combustibles liqui des et solides), contre 67o pour les ménages les

plus riches. Il y a urgence à s'interroger sur la vulnérabilité des Français, leur difficulté croissante à régler leurs factures d'électricité et de gaz, la mauvaise qualité

nal de la précarité énergétique. C'est positif, mais il faut aller au-delà et, à la faveur de la prochaine loi organisant le marché de l'électricité, revisiter les dispositifs existant en matière de pauvreté. Les Anglais, souvent caricaturés pour leur «libéra lisme» ont paradoxalement été les premiers à ré fléchir sur cette «Rie! Poverty», définie chez eux comme la situation d'un foyer qui doit dépenser plus de 107o de ses revenus pour chauffer son loge ment. En fixant ce seuil, on limite certes l'analyse de la pauvreté au seul chauffage, excluant ainsi d'autres besoins essentiels tels que la cuisson ou l'eau chaude, mais au moins, il y a un début d'ap proche générale, dont la France pourrait s'inspirer avec profit. A court terme, nous avons la chance d'avoir un instrument pour cela, la Contribution au service public de l'électricité (CSPE), créée il y a dix ans notamment pour compenser les disparités sociales et territoriales, mais qui, dans la pratique, ne mo bilise aujourd'hui que 47o de son montant pour les dispositions sociales, via le «tarif de première nécessité». Face à l'exclusion énergétique crois sante dans notre pays, il serait donc juste et équi table, dans un premier temps, de renforcer le contenu social de cette fiscalité énergétique. Et pourquoi pas envisager, au niveau européen, «bouclier social énergétique» comprenant acces sibilité, tarifs et prix abordables, régularité, fiabi lité, partie intégrante des efforts vers une plus forte harmonisation sociale, qui est progressive ment souhaitable pour renforcer et redonner du sens au projet européen. ,

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