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Les avantages de la neurodiversité sur le lieu de travail
Grâce à des séries documentaires telles que Tabous, diffusée sur National Geographic, la neurodiversité gagne en visibilité. Avant, l’accent était mis sur les problèmes des personnes neurodivergentes. Aujourd’hui, certaines entreprises mettent en avant les talents particuliers de ces personnes trop souvent discriminées au travail.
TDAH, autisme, haut potentiel, dyslexie ou encore hypersensibilité, la neurodiversité est de plus en plus reconnue dans la société. Le livre d’Adrien Devyver, animateur de la RTBF, On m’appelle la tornade sur le TDAH, a rencontré un franc succès. L’épisode de Tabous consacré aux personnes autistes a attiré pas moins d’un million et demi de téléspectateurs. Cela n’a rien d’étonnant. On estime en effet qu’une personne sur cinq est neurodivergente. Ce terme, inventé par la sociologue Judy Singer, qualifie les personnes dont le cerveau traite les informations et les stimuli différemment de la majorité. C’est invisible mais cela impacte le comportement et la façon de penser.
Au cours des dernières années, la sensibilisation à la neurodiversité n’a fait que croître. De plus en plus d’enfants reçoivent un diagnostic, tandis que les parents et les enseignants disposent de plus d’outils pour les aider à répondre à leurs besoins. Pourtant, en entreprise, on part du principe que tous les employés doivent entrer dans le même moule. « C’est étrange », estime Elise Cordaro, auteure d’un livre relatant sa propre expérience avec l’autisme et le TDAH. « Lorsque l’on achète une plante, on en prend grand soin », dit-elle. « On la place dans un endroit choisi avec soin, on l’arrose en fonction de ses besoins. Avec les gens, c’est différent. Vous avez du mal à vous concentrer ? Tant pis : vous travaillerez dans un bureau ouvert, de préférence sans écouteurs au risque de passer pour un antisocial aux yeux des autres. »
Des ajustements en entreprise
À en juger par leurs offres d’emploi, les entreprises recherchent des hommes et des femmes sociables, perfectionnistes, flexibles et disponibles. Les bureaux ouverts, les séances de brainstorming, les déjeuners entre collègues et les afterworks sont la norme. C’est une bonne chose si vous êtes à l’aise avec ces conditions de travail. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. C’est pourquoi il est important que les offres d’emploi soient aussi inclusives que possible. « Les personnes autistes souffrent de la surstimulation », explique Magali De Reu, entrepreneuse devenue experte sur le sujet de par son expérience personnelle « Elles ont du mal à se réunir en grand groupe et sont plus facilement distraites. » Heureusement, depuis la crise du corona, il y a un peu plus de flexibilité : le télétravail est davantage autorisé et les réunions en ligne se multiplient. Pourtant, ce n’est pas
Contenu • 6 Cessez de penser en termes de cases et pensez en termes d’échanges 10 Comment inclure sans exclure ? 14 Interview • David Jeanmotte 20 Smartlist • Et si on prenait exemple sur Bruxelles ? 24 Comment les jeunes influencent les marques 28 « L’ouverture d’esprit est la chose la plus importante, même après le coming out » toujours un atout pour les personnes neurodivergentes. « Travailler à domicile est positif », assure Mme De Reu, qui publiera bientôt son livre All autcasts. « Mais cela crée aussi beaucoup de malentendus. Les personnes autistes ont du mal à interpréter les expressions faciales et le langage corporel. Sur un écran, c’est donc plus difficile. »
Il n’existe pas de règles standard pour les personnes neurodivergentes. Il est donc préférable que les employeurs demandent à leurs employés ce dont ils ont besoin. Il existe néanmoins des aménagements qui peuvent s’appliquer à une majorité de personnes et faciliter le travail et la cohésion du groupe. Un horaire de travail plus court, moins de réunions et une limitation du nombre de personnes participant aux réunions, par exemple.
Cela peut sembler contraignant, mais de tels ajustements font toute la différence. Attention toutefois à ne pas susciter la jalousie chez les collègues. « C’est pourquoi il est important que l’employeur lui-même soit à l’origine de cette initiative et qu’il en informe personnellement ses employés », conseille Mme De Reu, qui organise des formations pour sensibiliser à la neurodiversité.
« Je suis très heureuse que mon employeur réponde à mes besoins », déclare Mme Cordaro, qui travaille comme spécialiste du marketing en ligne. « Je peux travailler avec des écouteurs. Il faut que je sois dans ma bulle, sinon je me déconcentre trop vite. Les bureaux flexibles, ce n’est pas mon truc. Je suis la seule à travailler sur un ordinateur fixe. Et sur mon bureau, il y a une note qui demande amicalement de remettre mes affaires à leur place (rires). Il est important que les réunions soient annoncées à l’avance et qu’elles commencent à l’heure. Je me rends toujours dans la salle de réunion un peu en avance, afin de pouvoir m’asseoir sur ma chaise habituelle. »
Structurer un environnement chaotique
Lorsque leurs besoins spécifiques sont pris en compte, les talents des personnes neurodivergentes s’expriment. « J’ai le souci du détail et je sors très facilement des sentiers battus », affirme Mme Cordaro. « Par conséquent, j’ai des idées différentes de celles de mes collègues. » Elle est également très douée pour l’automatisation. « Je peux prédire le déroulement de certains processus car je mémorise facilement toutes les tâches que nous avons effectuées dans le passé. À partir de là, je crée des tableaux Excel. J’aime les systèmes qui rationalisent le travail, afin de ne pas repartir de zéro à chaque fois. Mon ancien directeur m’a dit que j’étais douée pour structurer un environnement chaotique. »
Les adaptations destinées aux personnes neurodivergentes profitent également à leurs collègues neurotypiques.
« Dans une certaine mesure, tout le monde a besoin de moins de stimuli et de plus de calme », explique Mme Cordaro.
« Mais la plupart des gens ne s’en rendent pas compte. C’est pourquoi les personnes neurodivergentes sont les canaris dans la mine de charbon. Ce qui fonctionne bien pour nous fonctionne aussi pour nos collègues. »
Lorsqu’on évoque le secteur de la construction, on pense généralement à un travail physique et éprouvant. Bref, un bastion masculin où l’inclusion est pour le moins exclue. Mais est-ce justifié ? Deux femmes du secteur de la construction, Morgane Dufrasne et Melisa Uzunbacak, qui travaillent toutes deux pour le groupe de construction BESIX, expliquent que les choses peuvent être différentes.
Plus une ville est grande, plus il y a de chantiers. Pour une personne extérieure, ces chantiers sont l’incarnation du secteur de la construction, mais en fait, rien n’est moins vrai. Le secteur de la construction comprend en effet autant d’emplois de bureau que d’emplois physiques. « Je suis entrée dans le secteur de la construction par le biais de mes études d’architecture », explique Melisa Uzunbacak, Technical Office Engineer chez BESIX. « Je ne me sentais pas tout à fait à ma place dans ces études et j’ai décidé de me réorienter vers l’ingénierie industrielle. Le premier jour de mon nouveau cursus, j’ai dû regarder à deux fois pour bien me rendre compte que l’auditoire était composé à 99 % d’hommes. » Morgane Dufrasne, ingénieur méthodes à BESIX, a également vécu une expérience similaire. « Au début, les professeurs regardaient d’un œil très méfiant les effectifs féminins qui se comptaient sur les doigts d’une main. Nous avons dû faire davantage nos preuves, mais nos efforts ont fini par payer. »
L’inclusion sur le lieu de travail
« Les trois premières années chez BESIX, j’ai travaillé sur un projet de grande envergure au Maroc. J’étais alors la seule femme sur place, ce qui représentait un défi supplémentaire. Finalement, la collaboration s’est très bien déroulée. Cette période a été très instructive pour moi. L’opportunité de travailler sur différents sites internationaux chez BESIX rend le travail très varié et stimulant », confie Morgane Dufrasne. Bien entendu, l’inclusion ne se limite pas à une proportion égale d’hommes et de femmes. Elle implique également un mélange de nationalités, de cultures et de langues. Autant de critères sur lesquels BESIX, de par son caractère international, obtient toujours de bons résultats. « Contrairement à ce que j’ai vécu pendant mes études, je pense qu’il est absolument injustifié d’étiqueter le secteur de la construction comme un monde d’hommes aujourd’hui. C’est tout à l’honneur de mon employeur, qui fait de l’inclusion une priorité. En fait, le bureau d’Anvers compte plus de femmes que d’hommes. L’accent mis sur l’inclusion est précisément ce qui fait de BESIX BESIX », affirme Melisa Uzunbacak.
Malgré les nombreux efforts de l’industrie de la construction, beaucoup de gens ont encore une fausse image du secteur. En l’absence d’informations correctes, les préjugés, injustifiés, peuvent rapidement faire surface. « Les élèves de l’enseignement secondaire doivent être bien informés sur la polyvalence des différents secteurs, dont celui de la construction », affirme Morgane Dufrasne. « Il faut sortir des clichés », ajoute Melisa Uzunbacak. La construction est bien plus qu’un simple travail physique. Au moins la moitié des emplois font davantage appel à la créativité. Nous possédons tous un cerveau. Un cerveau capable d’aborder les problèmes quotidiens de manière créative et, comme le souligne clairement BESIX, cette capacité de réflexion créative peut provenir autant d’une femme que d’un homme. Melisa et Morgane concluent : « Ce qui rend le secteur de la construction et BESIX si fascinant, c’est précisément que nous construisons ensemble la société de demain, et c’est en cela que l’inclusion est l’une des pierres majeures de l’édifice ».