La diplomatie du qatar en afrique subsaharienne by Sophie-Alexandra Aiachi

La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne Sophie Alexandra Aiachi

I n s t i t u t d e R e l a t i o n s I n t e r n a t i o n a l e s e t S t r a t é g i q u e s La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne Sophie Alexandra Aiachi

TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION

II. UNE GRANDE DIPLOMATIE

2.1 LES AIDES DEMESUREES D’UNE MICRO-MONARCHIE

2.2 DE LA THEORIE A LA REALITE

2.3 DOUTES ET REVELATIONS

III. LE PARADOXE DIPLOMATIQUE DU QATAR

3.1 SOUDAN PORTE D’ENTREE SUR L’AFRIQUE

3.2 LA POLITIQUE AFRICAINE DU QATAR

3.3 LES IMPAIRS

IV. UNE PERCEEE ECONOMIQUE EN FILIGRANE

4.1 LE LEOPARD NE SE DEPLACE PAS SANS SES TACHES 4.2 L’AGRI BUSINESS 4.3 UNE DIPLOMATIE AUX INTERETS BIEN GARDES

10 11 12

V. CONCLUSION

ANNEXES

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INTRODUCTION

Qatar : ce petit pays du Golf Persique qui cherche à se rendre visible à travers sa puissance financière, ses ambitions politiques, économiques et religieuses, pour être enfin respecté et compter dans ce monde. Le Qatar œuvre ardemment depuis deux décennies à donner a son pays une identité et une visibilité internationale. Afin d’atteindre ce but, mettre le pays au centre de la carte et des préoccupations, une diplomatie dynamique, audacieuse mais également ambiguë et floue est mise en place. La diplomatie du Qatar est montée en influence depuis les années 2000. Depuis peu la donne a changé, le Qatar se veut puissance. Cette envie d’influence et de puissance, est claire, depuis les 1995 où toutes les mesures prises par l’Emir montre une direction claire et droite, celle d’établir le Qatar comme un pays qui compte sur la scène régionale et internationale, qui se fait respecter et entendre. L’émir voulait moderniser son pays, tout en le protégeant et en garantissant sa sécurité et son économie pour les générations a venir. Néanmoins cette volonté de puissance rencontre un obstacle celui de la vulnérabilité du territoire, qui comprend entre autre l’absence d’indépendance alimentaire. Dans la continuité de la stratégie de l’après pétrole, le Qatar doit donc diversifier ses investissements économiques pour assurer son avenir. L’acharnement diplomatique cacherait-‐il une incertitude maladive quant à sa sécurité ? A ce titre, l’Afrique serait-‐elle devenue le continent à conquérir ? Rien n’est moins sur. Le Qatar y déploie des moyens considérables à la fois diplomatiques et financiers et ambitionne de constituer un intermédiaire incontournable, intervenant dans des processus de médiations complexes. La présence du Qatar sur le continent noir remonte aux années 1990. Sachant que le Qatar est un petit pays aux ressources limitées, les dirigeants qataris ont voulu protéger leurs rentes. Pour ce faire, ils ont mis en place des politiques diplomatiques fructueuses à travers le monde et plus précisément l’Afrique subsaharienne. Le Qatar a joué un rôle de médiateur entre plusieurs pays africains dont le Soudan, Djibouti, l’Erythrée, la Somalie, le Sahara occidental et l’Ethiopie. Elle ne se limite pas uniquement à des médiations mais également a des fins plus économiques. Les investissements sont nombreux surtout dans les pays de l’Afrique de l’Est. La politique étrangère du Qatar est pragmatique et multidimensionnelles. La structure de décision est très rapide, ce qui permet des audaces et donc des opportunités. De plus, le Qatar dispose d’un vecteur très puissant : l’Islam. Ainsi la diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne se caractérise par des actions internationalement visibles : humanitaires par La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne Sophie Alexandra Aiachi

exemple, ou encore politique mais également économique. Ces actions ont pour but de promouvoir le Qatar, de le rendre indispensable, de lui assurer son influence, afin de lui garantir sa sécurité et son avenir.

II.

UNE GRANDE DIPLOMATIE

L’entière stratégie diplomatique du Qatar se base sur le besoin de donner à ce micro-‐Etat une respectabilité internationale inébranlable. Une diplomatie publique d’aide à son prochain à travers tous les moyens possibles. Que ce soit à travers l’aide humanitaire ou d’une politique de médiation en cas de conflit, la politique étrangère qatarie veut se constituer en un acteur incontournable. Le Qatar a très vite compris qu’associer son nom, tel une marque à des actions positives lui serait bénéfique, ce processus se nomme : « nation branding ».1 2.1 Les aides démesurées d’une micro-‐monarchie Plus petit pays arabe et plus riche pays du monde, le Qatar s’engage dans diplomatie tous azimuts. En matière d’aide humanitaire, le Qatar à travers ses participations financières semble démontrer un vif intérêt pour cette question. Le Qatar est très actif dans le sens où il a créé des structures gouvernementales pour l’aide d’urgence, a engagé de nombreux partenariats avec d’autres

organisations internationales comme Norwegian Refugee Council en partenariat avec Qatar Charity.

Les fondations, ONG et sociétés du Croissant Rouge sont des acteurs incontournables car ils sont autant financeurs que opérateurs. Leurs budgets annuels sont considérables. On estime entre 2005 et 2009, les investissements du Qatar dans l’aide au développement des pays pauvres à 2 milliards2 de dollars répartis sur environ 106 pays, soit la moitié de l’humanité. Sébastien Boussois, hiérarchise les priorités du Qatar en matière d’aide humanitaire comme suit : « aides aux gouvernements (catastrophes naturelles, conflits, catastrophes

2 Le Qatar et sa politique de développement au

regard de la QNV 2030 par Sébastien Boussois en date du 3 mai 2013, publié par le Grotius Beaumont – Doha en Erythrée – NORIA Network Of Researchers In International Affairs International Géopolitiques de l’humanitaire La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne 1 Rapport de recherche mars 2012 par Robin

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naturelles), assistance aux projets (santé, urbanisme, éducation), assistance aux institutions, aux établissements et aux personnes (organismes de charité, mosquées, systèmes éducatifs), assistance spéciales auprès des forces de maintien de la paix. »3 Dans le domaine de l’action humanitaire, le Qatar met au service des autres le Croissant-‐Rouge qatarien (QRC) qui a été fondé en 1978. Le QRC aide les pays en difficultés à travers des aides et une assistance personnalisée (nourriture, médicaments etc...). Ses interventions se dirigent vers des pays tels que le Yémen, îles des Comores ou encore le Mali en ce qui concerne l’Afrique subsaharienne. Mais le QRC a une vocation internationale qui lui permet également d’intervenir en Syrie, à Gaza ou encore en Birmanie. 2.2 De la théorie à la réalité Grâce à sa propre organisation, le Croissant-‐Rouge qatarien, le Qatar n’a pas besoin de biais et opère directement avec les populations sur place. C’est ainsi que début Juillet 2012, le QRC a pu s’installer à l’hôpital de Gao au Mali où la ville est tombée aux mains du MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest, lié à Al-‐Qaida). Le QRC a fourni des aides alimentaires variées (semoule, lait, huile etc.) et a mis en place des équipes de 3 Le Qatar et sa politique de développement au

regard de la QNV 2030 par Sébastien Boussois en date du 3 mai 2013, publié par le Grotius International Géopolitiques de l’humanitaire

médecins. Cette aide médicale a été précieuse pour cette ville tombée en lambeaux après le passage du MNLA et ravagée par les violences et la sécheresse. Le QRC a permit à 732 enfants d’être soignés à l’hôpital de Gao, a commis 38 opérations chirurgicales et a engagé la réhabilitation des centres de santé de la région. De plus, 21 tonnes4 de denrées auraient été distribuées soit "1 200 paniers d’aliments délivrés à des familles, contenant chacun 75 kilos de riz, huile, farine, dattes et sucre. Des dizaines de milliers de personnes ont besoin d’aide dans le nord du Mali", explique Rajaa Saleh, responsable du Croissant-‐Rouge du Qatar. 2.3 Doutes et révélations Conscient des soupçons qui pèsent sur lui, le Qatar à travers le QRC a signé un accord de coopération avec le gouvernement malien le 2 août 2012. Dans une allocution visant à justifier l’action du QRC au Nord du Mali, le premier ministre qatari Hamad ben Jassem al-‐Thani a dénoncé ces "fausses allégations", en assurant que la mission de son pays dans la région n’a été "qu’humanitaire". En ce qui concerne ces doutes qui agitent les populations occidentales, quant aux intentions « réelles » du Qatar au Nord du Mali, même s’ils s’avéraient être fondés, il n’en reste pas moins que des aides vitales sont parvenues à cette population à bout. En allant même plus loin, Olivier Da 4 Article de presse, RFI la présence du Qatar au nord du Mali : les doutes persistent – Par Christine Muratet

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Lage, auteur de Qatar les nouveaux maitres du jeu, s’exprime a ce sujet : « Il y a eu, en effet, beaucoup de questionnements, notamment en France, sur les liens du Qatar avec les djihadistes au Mali. Le Qatar ne reconnaît, pour sa part, qu’une aide caritative, via le Croissant-‐Rouge qatari, mais il ne serait pas surprenant qu’une partie de cette aide soit parvenue à des militants radicaux. Cela dit, je ne crois pas un instant à un double jeu du Qatar qui soutiendrait en sous-‐main des terroristes islamistes pour déstabiliser des pays occidentaux, dont la France. Toute la stratégie mise en œuvre depuis 1995 repose sur un partenariat aussi étendu que possible et à long terme avec les pays occidentaux. On a du mal à imaginer que cheikh Hamad mettrait en péril cette stratégie au bénéfice d’Aqmi ou du Mujao ! » Néanmoins, ces doutes seraient également d’ordre religieux, on accuserait le Qatar de favoriser les populations musulmanes : « avec les Qatariens, les principes humanitaires universels d’apotisme et de neutralité religieuse en prennent un coup, regrette-‐t-‐on au siège de Médecins sans frontières ».5 Doutes sur sincérité de la démarche ? Sincérité par rapport a quoi ? La politique du Qatar est clairement fondée sur un islam conservateur. En réalité, la religion est source et justification des dons car ils sont considérés comme obligatoires par l’Islam. Ce facteur permet de lever quantité de fonds auprès des entreprises

et des particuliers pour ensuite les donner aux œuvres de charité et au secours islamique. Ainsi l’aide apportée au Moyen Orient ou en Afrique Subsaharienne, au Yémen par exemple, relève de la solidarité islamique. Il s’agit en effet d’une fraternité envers ceux en terre d’Islam et envers les populations musulmanes. Lors du débat sur l’aide humanitaire lors des travaux préparatoires de l’Organisation de la Conférence Islamique qui se tenaient à Dakar en 2007, certains ont essayé de définir l’aide humanitaire islamique sentant le besoin de distinguer l’aide apportée des activités religieuses. Le résultat ne fut pas fructueux en raison de l’opposition que créent les pratiques d’évangélisation de certaines organisations chrétiennes qui ne respectent donc pas les principes du Code de conduite pour le Mouvement Internationale de la Croix Rouge et du Croissant Rouge et les ONG6. Ceci étant dit, une réglementation stricte a été mise en place par les autorités qui exigent désormais un contrôle et une approbation de tout financement vers l’étranger comme la Qatar Authority for Charitable Activities (QACA) crée en 2008.

III. LE PARADOXE DIPLOMATIQUE DU QATAR

On connaît généralement le Qatar pour ses investissements massifs tous azimuts : banlieues françaises, 6 Rapport sur les bailleurs émergents de l’aide

humanitaire, le cas des pays du Golf. Pour Groupe U.R.D urgence réhabilitation 5 Qatar, les secrets du coffre-‐fort par Christian développement – Par Alain Robyns et Véronique Chesnot et Georges Malbrunot p.315 de Geoffroy. La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne

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football (PSG) ou encore l’art (Christie’s). Aujourd’hui le Qatar ajoute une nouvelle corde à son arc, celle de la « diplomatie de niche ». La diplomatie de niche désigne la propension des pays de petites tailles à se spécialiser dans un domaine d’intervention qui leur permet d’acquérir : « un poids bien plus grand sur la scène diplomatique en s’impliquant dans des dossiers en lien avec la société civile globale »7. A ce titre, la diplomatie de niche désigne bel et bien la tendance à négocier des processus de paix du Qatar dans les pays en conflits. Il utilise cette dernière sur le sol africain, où il entend joué le rôle de médiateur. Pendant les périodes de crises, le Qatar est là. La diplomatie qatarienne se veut conciliatrice, elle ne veut pas prendre parti, mais au contraire garder son indépendance afin de pouvoir aider les pays en difficultés. 3.1 Soudan une porte d’entrée sur l’Afrique Le Qatar compte développer son influence politique dans le continent africain sur lequel il œuvre déjà en Erythrée, en Somalie, en Ethiopie ou encore au Soudan. L’exemple du Soudan est très marquant dans la mesure où il représente l’une des plus grande prouesse diplomatique du Qatar qui a joué pendant des années le rôle de médiateur dans la crise soudanaise. Ainsi, un accord de paix sur le Darfour a été signé le 14 Juillet 2011, à Doha entre le Soudan et les rebelles. Le Darfour était plongé depuis une dizaine d’années dans

une crise politique, diplomatique, économique et humanitaire. Lorsque le Qatar a parrainé la signature de l’accord de paix entre certains groupes armés du Darfour et les autorités soudanaises, il s’est engagé a accompagné le Soudan dans sa reconstruction. Ainsi, le Qatar a organisé le 7 Avril dernier, une conférence des donateurs destinée à promouvoir le développement et la reconstruction du Darfour.

Cette dernière a récoltée 3,6 milliards de dollars. Lors de l’ouverture des travaux, le Premier ministre Qatari a déclaré : « l’heure de la paix a sonné au Darfour, une paix qui a besoin d’être renforcée par des développement8 ». Grâce à son action au Soudan, le Qatar espère asseoir sa stratégie diplomatique à travers ses investissements, entre autres économiques, en Afrique. Le petit Etat de la péninsule Arabique entend utiliser son soft power afin de promouvoir la paix, l’aide au développement et contribuer à une certaine stabilité politique. 8 Propos recueillis par un Journaliste de RFI.

Article version électronique, sur rfi.fr en date du 8 Avril 2013. La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne

7 Rockower ,2008

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3.2 La politique africaine du Qatar L’action menée par le Qatar au Soudan n’est pas la seule représentation médiatique effectuée par le petit pays de la péninsule arabique dont la réputation en matière de médiation devient de plus en plus puissante. En effet, les efforts déployés par le Qatar lors du conflit frontalier entre érythréo-‐djiboutien (par ailleurs très pauvrement documenté) ont été internationalement salués. Les deux pays avaient un différent frontalier qui avait émergé en mars 2008 dans la zone de Ras Doumeira qui a donné lieu a un conflit armé qui dura deux ans. Ce différent été due au déploiement par l’Erythrée de troupes et d’équipements militaires) Ras Doumeira et sur l’île de Doumeira, deux localités administrées par Djibouti. La frontière étant de facto, elle n’a jamais été clairement démarquée.

Néanmoins l’entrée en jeu du Qatar a permit d’engager une médiation

entre les deux pays. Les membres du Conseil de sécurité9 avaient ainsi exprimé leur soutien aux efforts déployés par le Qatar pour parvenir à un règlement pacifique du différend. Suite à quoi les deux pays s’étaient mis d’accord pour tenté de régler leurs différends a travers la proposition de médiation du Qatar : « Etant toujours orienté vers les résolutions pacifiques, le gouvernement de la République de Djibouti, par la voix du chef de l’Etat a donné son accord pour que cette médiation puisse être enclenché » avait déclaré Mahmoud Ali Youssouf, le ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale en Juin 2010. L’accord conclu le 6 Juin entre l’Erythrée et Djibouti10 sous la médiation du Qatar, confie à ce dernier le soin de mettre en place un mécanisme destiné à faciliter la démarcation de la frontière. Le Secrétaire général adjoint du Conseil de sécurité a également confié au Qatar le soin de contrôler la frontière et de résoudre la question des prisonniers de guerre et des personnes disparues. Après la mise en œuvre par le Qatar de nombreuses actions diplomatiques, le ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, M. Mahmoud Ali Youssouf a pu confirmé officiellement le retrait des troupes érythréennes de Doumeira et de l’île de Doumeira. Il ajoute que cela est due à une « médiation menée par l’état du Qatar en vue de trouver une solution définitive au différend 9 Déclaration à la presse, 11 juin 2010

10 Conseil de sécurité 6362e séance – matin

Exposé sur l’évolution positive du conflit frontalier entre l’Erythrée et Djibouti

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frontalier opposant notre pays à l’Erythrée » a-‐t-‐il indiqué. Il s’est en effet réjoui des actions diplomatiques menées depuis deux ans par le Qatar. Dés l’annonce de cet accord de paix, les réactions internationales ne se sont pas faites attendre. Dans un communiqué rendu public, M. Nicolas Sarkozy a félicité « chaleureusement l’Emir du Qatar et les autorités qataries pour leurs efforts en faveur de la restauration des relations apaisées entre la République de Djibouti et l’Erythrée », tout en leur souhaitant « pleins succès dans leur action de médiation à laquelle la France est prête à apporter tout son soutien » 11. Ainsi, les actions diplomatiques menées par le Qatar à travers l’Afrique permettent de lui assurer un rayonnement international. 3.3 Les impairs Même si le Qatar semble engranger les victoires diplomatiques lors de conflits sur le sol africain, certaines médiations semblent être plus difficiles que d’autres. C’est le cas du Yémen par exemple, où le royaume a participé à la médiation initiée par le Conseil de coopération du Golfe, l’échec relatif de la médiation a permis au Qatar de se remettre en question. En 2008, la médiation du conflit entre gouvernement central yéménite et rebelle houthistes, le Qatar avait déployé beaucoup de moyens pour parvenir à un accord de paix. Le Vice-‐Ministre des Affaires étrangères, Seif Moqqadam Al Bouainain du négocier toutes les

actions diplomatiques du Qatar au Yémen. Celui ci est parvenu à négocier en juin 2007 un cessez-‐le-‐ feu entre les rebelles chiites houthistes du nord et le régime d’Ali Abdullah Saleh. Néanmoins les combats ont repris, et ils ont du en signer un autre en juillet 2008. En 2010 le Qatar a nouveau sorti son carnet de chèques pour parvenir à un accord de paix qui s’est a nouveau soldé par un échec : « en donnant de l’argent aux Houthis, les Qatariens pensaient calmer les insurgés. Mauvais calcul ! Les rebelles ont pris l’argent et ont acheté des armes, qui se sont ensuite retournées contre Saleh »12, expliquent Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Néanmoins même si l’accord de paix semble être difficile à atteindre, le Qatar peut se féliciter d’avoir contribuer à la libération après un an de captivité d’une suissesse, Sylvia Eberhardt. Cette jeune femme, qui a été enlevée le 14 mars 2012 au Yémen a été libérée, grâce aux médiations du Qatar, et transférée à Doha pour ensuite être rapatriée en Suisse13. Selon Ali Al-‐Hajeri, haut responsable du ministère des Affaires étrangères du Qatar, le travail s’est fait « dans la discrétion et avec beaucoup de sagesse et de patience » jusqu’à arrivé à un résultats positif14. Ainsi Sylvia Eberhardt illustre s’il le fallait, la nécessité de l’acteur Qatari dans le monde politique et diplomatique. 12 Qatar, les secrets du coffre-‐fort par Christian Chesnot et Georges Malbrunot p.175 13 Agence officielle qatarie QNA 14 La depeche.fr paru le 28 février 2013 – Yémen

une suissesse libérée après un an de captivité transférée au Qatar. La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne

11 Agence djiboutienne d’information en date du

08/06/2010

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Le Qatar comme tout autre pays ne peut pas réussir à apaiser tous les conflits. Ses moyens financiers colossaux lui permettent d’agir vite et son modèle politique lui permet de pouvoir prendre des décisions dans un laps de temps très limité, ce qui confère au Qatar une position de médiateur indiscutable. Ceci étant dit, la politique du carnet de chèques a aussi ses revers, comme le montre le cas du Yémen, où la politique du chéquier est passée a coté de l’essentiel. Une approche plus globale de la crise aurait peut être permit un dénouement différent.

travers sa politique étrangère s’assure deux objectifs : être visible et respecté et assurer ses prochaines générations et son avenir. Les deux objectifs sont liés et ne peuvent se détacher. Si la politique étrangère du Qatar est si pragmatique et dénuée de toute attache ‘’culturelle’’ disons, cela est due à la volonté du Qatar de sécuriser son peuple et son pays.

IV. UNE PERCEE ECONOMIQUE EN FILIGRANE

Dans ses interventions diplomatiques, le Qatar apporte assurément une façon de faire différente de celle pratiquée par les pays occidentaux. De par sa culture et sa géographie, le Qatar peut se prévaloir d’une meilleure compréhension des conflits africains et arabes. Néanmoins cette dimension culturelle et géographique n’explique pas tout. Ainsi, l’aisance financière du Qatar serait en bonne partie responsable des miracles diplomatiques que ce dernier a accompli. Et pour cause, le Qatar en investissant massivement dans les pays dans les lesquels il œuvre diplomatiquement, s’assure de la parfaite coopération de ces derniers. Si le Qatar est visiblement porté par son désir de devenir un acteur incontournable sur la scène internationale, ce désir provient quant à lui d’une volonté de sécularisation. En effet, le Qatar à

4.1 « Le léopard ne se déplace pas sans ses taches. » Proverbe nigritien Les actions humanitaires, médiatrices et bienfaitrices du Qatar dans les catastrophes naturelles, les conflits épineux, et autres événements, se conjuguent ‘’étonnement’’ parfaitement avec les ambitions économiques qatariennes ainsi favorisées par ce rôle diplomatique tout nouveau pour le petit Etat. Etonnant ? Pas tant que cela, lorsque l’on sait que le Qatar a toujours pratiqué une politique pragmatique et réaliste qui avance selon ses intérêts. Ainsi, l’expansion économique du Qatar passera par les pays Africains riches en pétrole, terres arables, ou tout autres ressources utiles au petit Etat de la péninsule arabique. Ce dernier, grâce à des fonds

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d’investissements souverains -‐QIA (Investment Authority Fund) -‐ investit dans les domaines publics et privés des pays africains, spécialement dans les pays de l’Est de l’Afrique depuis plusieurs années. Les investissements visent plusieurs domaines : agriculture, bétail, immobilier, finances, tourisme. Le Qatar conscient de la fluctuation des cours mondiaux, de ses ressources énergétiques et du fait qu’elles vont tarir à terme, entend investir dans d’autres secteurs d’activités et dans différents pays, surtout ceux de la Corne de l’Afrique, afin de faire fructifier ses acquis. 4.2 L’agri business Le Qatar tend a développer de plus en plus son influence sur le contient africain tant sur le plan politique que économique. Cependant afin de devenir une puissance réelle, le Qatar a besoin d’assurer sa sécurité alimentaire. Fayad Bin Mohamed Al Attiya, Président du programme de sécurité alimentaire au Qatar (QNFSP Qatar National Food Security Programm) revient sur la vulnérabilité de son pays : «Un pays comme le Qatar qui importe 90% de sa nourriture est dans une situation si vulnérable qu’il doit sécuriser ses importations de manière durable. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé le programme de sécurité alimentaire ». 15

Dans dix ans le Qatar devra dépenser plus de 3 milliards de dollars16 pour nourrir sa population au vue de sa croissance démographique considérable. Afin de parer au mieux à la crise alimentaire qui pourrait toucher le pays en cas d’événements régionaux ou internationaux, le Qatar a développé des cultures sous serre. Néanmoins, cette solution ne permettrait de produire que 20 à 30% de l’alimentation nécessaire. Ainsi, afin de protéger ses prochaines générations, la sécurité alimentaire passera par l’investissement du Qatar dans les pays africains où les terres arables sont nombreuses. L’agence Qatarie HASSAD Food a pour mission d’investir dans l’achat de productions agricoles, de cheptels bovins et ovins et de terres arables à travers l’Afrique. Le Soudan, par exemple, dispose d’environ 84 millions d’hectares de terres arables17 et selon différentes études seulement 20% d’entre elles seraient exploitées. Le gouvernement Soudanais espère d’ailleurs l’entrée de 45 milliards de dollars grâce aux terres arables du pays. Le ministre de l’agriculture Soudanais a précisé à l’agence Reuters, qu’il espérait « que l’investissement agricole constituerait 50 % du total des investissements en 2010, année où, par exemple, le transfert de droits foncier relatifs à plus de 2 millions d’hectares devrait, selon lui, permettre l’investissement de 7,5 16 Qatar, les secrets du coffre-‐fort par Christian

15 Février 2012, lors d’une table ronde a paris,

Chesnot et Georges Malbrunot p.148 17 Source : association aGter – Association pour contribuer à Améliorer la Gouvernance de la Terre, de l’Eau et des Ressources Naturelles.

organisée par Institut Français des Relations Internationales. La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne Sophie Alexandra Aiachi

milliards de dollars de la part des investisseurs des pays arabes ». Même si les intérêts qataris semblent tirer profit de ses actions diplomatiques, il est tout aussi vrai de montrer que le Soudan profite d’une part non négligeable des accords économiques passés avec le Qatar. Le Soudan sous embargo arrive tout de même a exporté ses produits vers le Qatar, notamment son bétail, mais également ses produits maraîchers. Le Soudan importe quant à lui des produits pétrochimiques et des moyens de transport. Sur la période couvrant 2000 à 2010, les échanges ont rapporté environ 10,2 millions de dollars. Sachant que le Soudan est un pays sous embargo, c’est un montant très intéressant.

4.3 Une diplomatie aux intérêts bien gardés La politique diplomatique du Qatar n’est pas soumise à la réalisation d’objectif politico-religieux, mais bel et bien à assurer son rayonnement et sa sécurité. Preuve utilitaire donc, de la diplomatie qatarie s’il en fallait, l’intervention diplomatique du Qatar en Erythrée, ce petit pays de la Corne de l’Afrique à première vue inintéressant, a pourtant beaucoup d’atouts. L’action du Qatar dans la mer Rouge semble suivre un plan tout particulier de sécularisation de la région. Tout d’abord, la position géographique et géostratégique de l’Erythrée en fait un ami de valeur, sachant qu’il se trouve sur le détroit de Bab el Mandeb, c’est à dire entre le passage

de la mer Rouge à l’Océan Indien. De plus, dans l’hypothèse ou l’Erythrée subirait une libéralisation économique du pays (les autorités sont en train d’envisager la mise en place d’une zone franche dans le port de Massawa18) le Qatar aura déjà tisser des liens étroits avec les politiques en place et la population qui n’est pas un facteur négligeable. Il sera donc aux premières loges pour profiter des qualités économiques de ce petit pays. Les accords de paix qatariens sont toujours suivis par une série d’investissements et de financements en masse dans les pays qui viennent assurer au Qatar la dépendance de ces dits pays. Le Qatar veut, en quelque sorte, se rendre indispensable. Il le fait pour assurer son influence et, par là même, garantir sa sécurité et son avenir.

18 Rapport de recherche mars 2012 par Robin

Beaumont – Doha en Erythrée – NORIA Network Of Researchers In International Affairs La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne Sophie Alexandra Aiachi

V. CONCLUSION L’ascension spectaculaire du petit émirat, qui a su s’imposer comme un acteur incontournable de la scène politique régionale, africaine et internationale est due à son activité diplomatique énergétique et audacieuse comme médiateur de conflits africains et internationaux. Une politique réaliste qui avance selon ses intérêts. Depuis l’arrivée de l’émir en 1995, la politique générale du Qatar est bien plus axée sur un pragmatisme nationaliste que sur un idéal panarabe ou islamique. Le Qatar à travers sa diplomatie dynamique en Afrique subsaharienne entend tisser de nombreuses alliances économiques, politiques et donc diplomatiques, se rendre indispensable, afin de se mettre à l’abri, de ne pas être dépendant d’un pays. Cette grande diplomatie est mise en place grâce aux armes du soft power Qatari, sa chaîne d’informations Al Jazeera, les investissements sportifs mais également l’art ou l’éducation. Ces ‘’armes’’ Qataries ont fait du petit pays de la péninsule arabique une grande monarchie à l’image internationalement reconnue comme pacifique, ouverte au monde et moderne. Il faut le dire le terrain de jeu favori du Qatar était bel et bien les pays riverains de la mer Rouge. Il tisse avec eux des relations stratégiques d’amitiés et de business. Néanmoins la donne a changé aujourd’hui et les armes du soft power Qatari se tournent vers les pays du Printemps Arabe. Ces derniers accaparent son attention, même s’il garde ses positions en Afrique subsaharienne, le Qatar entend étendre son influence en Tunisie, en Egypte, en Libye et en Syrie. Cette politique étrangère menée par la monarchie en place est entièrement dirigée par ce souci de survie nationale. La vulnérabilité du Qatar l’oblige a mettre en place une politique étrangère remarquée afin d’investir tous azimuts. Le Qatar cherche à exister et à prospérer en créant un réseau d’interdépendance grandeur Afrique. Le petit pays du Golf de la péninsule arabique cherche à sécuriser son environnement immédiat en y investissant massivement dans tous les domaines, car il lui faut assurer sa sécurité alimentaire, hydraulique et territoriale. La sécurité extérieure du pays est également une des préoccupations de l’Emir d’où la sécularisation de son environnement géographique. On peut affirmer que l’acharnement diplomatique du Qatar en Afrique subsaharienne trahi un sentiment de vulnérabilité que l’Emir cherche désespérément à combler afin d’assurer les générations avenir, le futur de son pays et le rayonnement de ce dernier.

Essayant de conjuguer le hard power et le soft power pour exister et se faire respecter, le Qatar a réussi son pari. Aujourd’hui le monde entier le voit, le scrute même, et guette son prochain mouvement. VI. ANNEXES Presse : Cet article sur le Soudan fait partie d’une sélection de cas retenus par AGTER pour illustrer les phénomènes actuels d’appropriation massive de terre dans le monde. Association aGter Décembre 2009 par Mathieu Perdriault http://www.agter.asso.fr/article384_fr.html Sylvia Eberhardt, enlevée au Yémen et libérée grâce à une médiation du Qatar, La Dépêche 28/02/13 AFP http://www.ladepeche.fr/article/2013/02/28/1571755-yemen-une-suissesse-liberee-apres-un-an-de-captivite-ettransferee-au-qatar.html ‘’le Qatar et sa politique de développement au regard de la QNV 2030’’, Grotius 3/05/13 par Sébastien boussois http://www.grotius.fr/le-qatar-et-sa-politique-de-developpement-au-regard-de-la-qnv-2030/ ‘’Qatar, quelle stratégie régionale ? De l’influence à la puissance’’ Diploweb 14/10/12 par Mehdi Lazar http://www.diploweb.com/Qatar-quelle-strategie-regionale.html ‘’Qatar, une politique d’influence’’ Diploweb 27/05/12 par Mehdi Lazar http://www.diploweb.com/Qatar-une-politique-d-influence.html ‘’La diplomatie du Qatar, improvisation ou stratégie à long terme ?’’ Ileri 29/09/12 par Ileri Defense http://ileridefense.over-blog.fr/article-diplomatie-du-qatar-improvisation-ou-strategie-a-long-terme110687858.html Looks Qatar agro business investment, Arabian Business Article en Anglais, étudiant la stratégie d’agri business du Qatar http://www.arabianbusiness.com/idb-looks-qatar-for-agribusiness-investment-40543.html High Level Conference on Development of Agribusiness and Agro-Industries in Africa. http://www.hlcd-3a.org ‘’Qatar : après le Liban, le Darfour’’, Jeune Afrique 24/02/10 par Dah Ould Abdi http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20100224192109/-Soudan-Darfour-Mauritanie-rébellionqatar-apres-le-liban-le-darfour.html Le Qatar veut développer son influence en Afrique, IRIB 17/03/13 http://french.irib.ir/analyses/item/247626-le-qatar-veut-développer-son-influence-en-afrique Analyse datant du dimanche 17 mars sur les objectifs et les motivations du Qatar en Afrique Subsaharienne ‘’Conflit frontalier djibouti erythrée’’ Intervalle-dz http://www.intervalle-dz.com/t3207-conflit-frontalier-djibouti-erythree ‘’Affaire Doumeira’’, La Nation La diplomatie du Qatar en Afrique subsaharienne Sophie Alexandra Aiachi

09/06/10 http://www.lanation.dj/news/2010/ln101/national5.htm Le ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale a dans une déclaration dressé un état des lieux de la situation du litige frontalier Djibouto-érythréen. Rapports : http://www.noria-research.com/wp-content/uploads/2012/07/Beaumont-PDF-Final.pdf Rapport de recherche datant de Mars 2012 sur l’activité de Doha en Erythrée http://notes-geopolitiques.com/wp-content/uploads/2012/03/CLES60 Geopolitique du Qatar – « Diplomatie du tapis volant » ou réel appétit de puissance ? Par Jean Francois Fiorina http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/CS9987.doc.htm Conseil de sécurité 6362e séance – matin Le conseil de sécurité entend un exposé de M.B.Lynn Pascoe sur l’évolution positive du conflit frontalier entre l’Erythrée et Djibouti Bibliographie : « Qatar, les secrets du coffre-fort » par Christian Chesnot et Georges Malbrunot, Michel Lafon, 2013 « Qatar : jusqu’où ? » Coordonné par Agnès Levallois Confluences Méditerranée, 2013 Vidéos : http://www.france5.fr/c-dans-l-air/international/mais-que-veut-le-qatar-37433 http://www.alqarra.tv/le-qatar-quelle-diplomatie-pour-quel-role/

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