Rapport : rôle et pouvoir des médias en Tunisie

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Institut de Relations Internationales et Stratégiques

Rapport ROLE ET POUVOIR DES MEDIAS EN TUNISIE Partie I

Sophie Alexandra Aiachi

[Nom de la société]

Septembre 2013


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Sophie Alexandra Aiachi

Rôle et pouvoir des médias dans révolution tunisienne

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Sigles et acronymes ANC : Assemblée nationale constituante ATI : Agence Tunisienne de l’internet AWG-MM : Arab Working Group for Media Monitoring CPR : Congrès pour la République FDTL : Forum démocratique pour le travail et les libertés – Ettakatol HAICA : Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle HIROR : Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme Politique et de la transition démocratique IDM : Indicateurs de développement des médias de l’UNESCO IFEX-TMG : Groupe d’observation de la Tunisie de l’IFEX INRIC : Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication IPSI : Institut de presse et des sciences de l’information ISIE : Instance supérieure indépendante pour les élections LTDH : Ligue tunisienne des droits de l’homme ONU : Organisation des Nations Unies PDP : Parti Démocrate Progressiste RCD : Rassemblement constitutionnel démocratique RFI : Radio France Internationale RTCI : Radio Tunis Chaine Internationale SNJT : Syndicat national des journalistes tunisiens TAP : Agence Tunis Afrique Presse TIC : Technologies de l’information et de la communication UGTT : Union générale tunisienne du travail UPL : Union patriotique libre

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Avant-­‐propos, Préface, Avertissement12 Lorsque l’on traite la question des médias en période de transition démocratique, cela implique également une dimension politique. Est-­‐il juste de parler de « révolution » tunisienne menée par une jeunesse connectée, une « révolution 2.0 », sans leader aucun, qui n’aurait comme ancrage qu’une jeunesse désespérée et combative ? L’histoire est loin d’être écrite, même si la tradition du story telling a déjà commencé et a d’ors et déjà bien imprégné les imaginaires. Ce mythe moderne de la révolution « facebook » qui a permis de dégager la dictature est une utopie bien entretenue encore aujourd’hui par les médias. La dite « révolution tunisienne » a été une véritable surprise, pour le peuple tunisien comme pour la scène internationale. Le mot médiatique qui a été choisi est celui de « révolution ». Néanmoins, cela reste tout a fait contestable dans la mesure où on est loin d’un changement radical. De plus, dire que ce sont les événements de décembre et janvier 2011 qui ont fait fuir le Président Zine El Abidine Ben Ali, serait une erreur et un manque de connaissance évident de la personne de Ben Ali et des manipulations menées en hautes sphères. Est ce qu’il s’agit pour autant de diminuer la mobilisation ou d’oublier l’importance des médias dans ce jeu « révolutionnaire » ? Non, bien au contraire. Il est encore trop périlleux d’avancer des hypothèses sur ce qui s’est passé politiquement. A l’inverse, le paysage médiatique, présente quant à lui un intérêt certain. Même si ce ne sont pas les médias ni la jeunesse tunisienne, ni les tunisiens d’ailleurs, qui ont amené le Président à fuir le pays, il est bien évident qu’ils ont joué un rôle décisif dans l’appréciation des politiques et dans les stratégies a adopter. Les médias sociaux et traditionnels n’ont pas eu un pouvoir illimité, de même que les jeunes n’ont pas renversé l’ancien régime, mais le rapport de causalité entre les réseaux sociaux et les mobilisations est incontestable. Ainsi les médias, de manière générale, ont certes joué un rôle dans ce soulèvement populaire que l’on appelle la « révolution tunisienne » puis dans sa transition démocratique.

1 Sociologie des crises politiques, Michel Dobry, Paris, Presses de Science po, 2009

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Résumé Exécutif : La Tunisie a subi pendant deux décennies une mainmise de l’appareil Etatique sur tout le paysage médiatique. Le régime tenait d’une main de fer les médias traditionnels et les nouveaux médias (médias sociaux, alternatifs etc.). Le monopole de l’Etat sur le secteur de l’audiovisuel a été institué en 19573. Sous Ben Ali, la presse écrite était dominée par les publications gouvernementales, notamment à travers les journaux appartenant à l’Etat. La Radio et la télévision publiques étaient la voix du régime. Ce contrôle a également touché Internet, certains sites internet étaient censurés et des blogs ont été impossible d’accès. Les réseaux sociaux aussi n’ont pas été épargnés, on se souvient de la suspension d’accès à Youtube et Daily Motion. Ironie du sort, c’est bien à travers ces réseaux sociaux et la plateforme Facebook, en particulier, utilisé pour contourner la censure, que la « Révolution » tunisienne a eu lieu. Le verrouillage des médias, et la propagande d’Etat, étaient tel que les jeunes tunisiens se sont réfugiés sur Internet et les réseaux sociaux pour chercher l’information et renverser le pouvoir. L’usage militant d’internet mais également le rôle joué par les médias étrangers ont permis la mobilisation de la population ce qui a provoqué la chute du régime de Ben Ali. Le diagnostic du paysage médiatique devra tenir compte de la présence des médias sociaux au cœur de la « révolution » et de la transition démocratique en Tunisie. A ce titre, l’ampleur de l’usage de ces réseaux sociaux, et le rôle des médias de manière générale durant la « révolution » puis la transition démocratique, semble relevé d’un intérêt certain tant médiatique qu’académique. Est ce que la « révolution » tunisienne est une « révolution 2.0 » comme les médias aiment l’appeler ? Ce rapport est une étude de l’évolution du paysage médiatique en Tunisie depuis le 17 décembre 2010 à nos jours. La liberté des médias et de la presse est un indicateur de la démocratie et du fonctionnement de la société civile. Ces derniers constituent l’exigence première des démocraties. Les expériences de transition démocratique attestent toutes de l’importance des moyens d’information et du rôle des médias. 3 Décret No 105 du 25 avril 1957 portant institution d'un monopole de la radiodiffusion sonore et visuelle en Tunisie et la création d'un budget annexe de la Radiodiffusion et Télévision Tunisienne

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METHODOLOGIE Il s’agit ici de présenter les méthodes utilisées durant cette période si sensible de l’histoire de la Tunisie afin d’étudier les rôles et les pouvoirs des médias. La méthodologie suivie pour cette étude se caractérise par de nombreuses rencontres individuelles d’une durée moyenne d’une heure, avec des dirigeants des médias du service public et privé, des présidents d’instances en charge de réformer le paysage médiatique, de responsables des différents syndicats, des membres de la société civile, des journalistes et des représentants politiques ayant subi la répression du Président Ben Ali. Ces rencontres ont été complétées par la participation aux événements publics et consultations organisés à Tunis sur cette question. Nous nous référerons également à l’analyse d’échanges postés pendant les événements du 17 décembre 2010 jusqu’au 14 janvier 2011 à nos jours, résultat d’une veille régulière sur le réseau social Facebook, à une analyse de contenu de quatre médias écrits tunisiens arabophones et francophones4. Parmi les différentes techniques d’analyse de contenu, il a été choisi l’analyse thématique, pour un regard quantitatif et qualitatif. L’échantillon des médias classiques observés est composé de 10 médias soit 2 titres de presse : Assabah et Le Temps, 4 chaines de télévision : Nessma TV, Al Jazeera, France 24, et Hannibal TV, 3 radios : RTCI, Mosaique, et RFI. Il a également été effectué une veille d’une dizaine de médias sociaux dont les réseaux sociaux Facebook et Twitter et des médias alternatifs tel que Nawaat, Businessnews, Kapitalis, Tunisienumérique, Leaders, Investir en Tunisie, webmanagercenter et le Mawkef. Les critères de sélection de ces médias tiennent compte de leurs audiences et de la langue. S’agissant de la presse écrite, les statistiques données ont été établies par les entreprises elles-­‐mêmes et les enquêtes mensuelles des instituts de sondage. L’approche méthodologique devait répondre à ces trois exigences : d’abord de récolter des informations sûres; puis de favoriser l’engagement et la confiance lors des entretiens; et enfin de respecter les contraintes de coût, de temps et de ressources.

4 Le Temps, Assabah, Businessnews et Nawaat.

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Sommaire INTRODUCTION

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I. ROLE ET POUVOIR DES MEDIAS DANS LA REVOLUTION TUNISIENNE

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A. ETAT DES LIEUX DES MEDIAS D’OPPOSITION SOUS BEN ALI B. ETUDE DES MEDIAS TRADITIONNELS DE LA REVOLUTION A LA TRANSITION DEMOCRATIQUE C. LE NUMERIQUE, UNE LIBERATION ?

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II. ENJEU DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE

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A. L’ENJEU MEDIATIQUE COMME VECTEUR D’INFORMATION B. PERFORMANCE DES MEDIAS EN TANT QUE PLATEFORME DANS LE DEBAT DEMOCRATIQUE III. LES DEFIS DU PAYSAGE MEDIATIQUE EN TUNISIE

A. OBSTACLES ET DEFIS B. LIBERTE ET INDEPEPENDANCE DES MEDIAS CONCLUSION ANNEXE

36 44 44 47

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N.B : Pour plus de détails, se référer à la Table des Matières en page 58

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Introduction

L

a « révolution » tunisienne si elle est symbolisée par la date du 14 Janvier 2011, il

n’en reste pas moins que le mouvement révolutionnaire a débuté, quant à lui, le 17 décembre 2010 lorsque, Mohamed Bouazizi s’est immolé. L’acte désespéré du jeune homme a déclenché une vague de mobilisation à travers toute la Tunisie pendant plusieurs jours, ce qui a engendré la chute du gouvernement et le départ du Président Ben Ali. Si aujourd’hui on peut parler de cette grande mobilisation, il n’était pourtant pas possible de le faire durant la dite période. En effet, pendant cette période de troubles, aucun média étatique tunisien n’a relayé les revendications et les critiques faites au régime en place. Les revendications légitimes du peuple tunisien comme la dénonciation du chômage, de la hausse des prix et les inégalités régionales, n’ont pas été reprises par les médias. Seuls les médias sociaux ont pu propagé ces informations. Les réseaux sociaux ont donc joué le rôle de médias d’information. Néanmoins, certains médias internationaux comme Al Jazeera ont réussi à transmettre des images des manifestations et des affrontements ce qui a permis un relai certain de l’information. Zine El Abidine Ben Ali tenait d’une main de fer tous les moyens de communication, publics et privés. Les sites web critiques étaient fermés dès leur ouverture, les livres étaient censurés et les journaux d’oppositions quand ils arrivaient à être imprimés étaient automatiquement détruits par la police. Les mouvements de foule étaient également réprimés. Lorsque le mouvement révolutionnaire a atteint Tunis, et que les protestations sont devenues plus étouffantes pour le régime en place, lorsque la rue a commencé a brandir le fameux : « Dégage », lorsque les tunisiens ont vaincu la peur du régime et ont exigé le respect de leurs libertés, à ce moment là, le Président Zine El Abidine Ben Ali et sa famille ont du quitter le pays. Ce départ, qualifié de « révolution », a permis toute une série de révolutions dans le monde arabe, que l’on qualifie à présent de « Printemps Arabe ». La Tunisie est aujourd’hui engagée dans un processus de transition démocratique. Elle a d’abord élu une Assemblée Nationale Constituante à travers les premières élections libres en

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Tunisie qui ont eu lieu le 23 Octobre 2011. L’issue de ces élections a donné la majorité au Parti islamiste Ennahda, ce qui lui a ensuite permis de constituer un gouvernement de transition, appelé Troika, composé d’une coalition avec Ennahda, et de deux partis considérés comme démocrates, le Congrès pour la République (CPR) et le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL). Ces élections ont également permis d’élire une Assemblée Nationale Constituante qui s’emploie à rédiger une nouvelle constitution, et à contrôler l’action gouvernementale. Dans ce contexte, le rôle des médias dans la participation à l’édification d’une démocratie en Tunisie semble crucial. Si aujourd’hui l’indépendance des médias en Tunisie semble être acquise, il n’en a pas toujours été ainsi. C’est sous le Président Bourguiba d’abord, en 1956, que l’Etat tunisien a commencé à contrôler les médias. Les médias étaient conçus pour être les relais de la voix officielle de l’Etat. Depuis 1956 donc, l’Etat a gardé une mainmise sur les médias. Néanmoins, après la fuite du Président Ben Ali, le 14 Janvier 2011, le paysage médiatique en Tunisie a subitement changé. Ce changement a été rendu possible par le premier gouvernement de transition celui de Ghannouchi, qui a décidé de l’arrêt de la censure et du gel des activités de contrôle et de répression, en dissolvant le ministère de la Communication. Lorsque l’on souhaite établir un état des lieux du paysage médiatique en Tunisie depuis la « révolution », il convient déjà de fournir un bilan de l’état des médias avant la « révolution ». Sous Ben Ali, les radios et les chaines de télévision publique (TV7 et Tunisie 21) étaient les voix du régime. En ce qui concerne la presse écrite, elle était dominée par les publications progouvernementales. Les journaux appartenant à l’Etat comme La Presse par exemple n’avait pas d’autres choix que de relayer la voix officielle. D’autres journaux, comme les journaux d’oppositions : Al Mawkef par exemple, étaient occultés et souffraient d’un manque évident de visibilité. Seules deux chaines de télévisions privées étaient autorisées (Hannibal et Nessma) et seulement cinq radios privés pouvaient émettre. Celles ci étaient : Radio Mosaique, Radio Jawhara, Shems, Express et Radio Zitouna. Tous ces médias étaient muselés par le régime en place et souffraient d’un réel contrôle de l’information. Ainsi afin de pouvoir s’informer « dignement », les tunisiens étaient obligés de suivre les chaines satellitaires telle que Al Jazeera ou d’aller chercher l’information sur des blogs et des sites internet censurés auxquels ils accédaient à travers des Proxy.

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En 2011, le quotidien britannique Times, consacre comme homme de l’année Mohamed Bouazizi, le jeune tunisien qui s’est immolé le 17 Décembre 2010, c’est dire la corrélation qu’il y a entre la « révolution 2.0 », les médias et le politique. Ecrire sans beaucoup de recul sur l’apport des médias durant la « révolution » tunisienne est sans doute un risque. Mais c’est un risque à prendre dans la mesure où la « révolution » tunisienne a été une surprise pour tous, et amène les analystes a tirer dès aujourd’hui les premières leçons de ce qui deviendra le Printemps Arabe. Dans ce rapport qui appellera sans doute une suite, il a été choisi de ne pas analyser les conséquences politiques de l’influence des médias mais d’en étudier l’évolution, le rôle et les pouvoirs. En somme, ce rapport servira d’introduction au vaste sujet qui est celui des médias en Tunisie et tentera d’apporter des éléments de réponse à la question suivante : Sachant qu’ils étaient soumis à la propagande politique, il y a encore deux ans, quel est le bilan de la transition démocratique en Tunisie à travers le prisme médiatique ? Néanmoins, on constate aisément que cette problématique sous entend une multitude de sous questions. En effet, arène essentielle du jeu démocratique, le but étant pour les médias aujourd’hui de contribuer à la construction d’un espace démocratique. Quel rôle les médias nationaux, internationaux, sociaux et alternatifs ont-ils joué pendant la « révolution » ? Quel pouvoir ces médias ont-ils eu pendant le processus électoral ? Quel bilan est-il possible d’établir aujourd’hui ? Est-il possible de qualifier les Médias tunisiens de quatrième pouvoir ? Toujours plus engagé sur la toile que dans les médias traditionnels, la dynamique indépendante des médias sociaux, soulèvent plusieurs interrogations. Etait-il juste de dire que la « révolution » tunisienne a été une « révolution 2.0 » ? La liberté des médias et de la presse est un indicateur de la démocratie et du fonctionnement de la société civile. Ces derniers constituent l’exigence première des démocraties. Les expériences de transition démocratique attestent toutes de l’importance des moyens d’information et du rôle des médias.

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I.

ROLE ET POUVOIR DES MEDIAS DANS LA « REVOLUTION » TUNISIENNE

« Les médias sont des instruments dont se sert le péché pour imposer à l'opinion publique des modèles de comportements aberrants. » De Jean-Paul II Extrait d'un Sermon à Rome - 19 Septembre 1990

Avant la « révolution », les médias classiques étant aux mains de l’Etat avaient perdu toute crédibilité au sein de la population. Dans un souci de recherche de l’information, les tunisiens ont alors noués des liens avec les nouvelles technologies de l’Information et de la Communication. Ces nouveaux espaces d’expression permettaient l’échange sans craindre une répression féroce. Les réseaux sociaux sont donc apparus comme des moyens de se libérer du joug dictatorial, mais était-ce pour autant une « révolution 2.0 » ? Lors des événements qui ont secoués la Tunisie pendant les mois de décembre et de janvier 2011, l’alliance entre les médias sociaux et les médias étrangers ont permis une déstabilisation certaine du régime du Président Zine El Abidine Ben Ali. Comme l’explique Rachid Khechana, un des membres fondateur du RSP (Rassemblent Socialiste Progressiste), et Rédacteur en chef du journal Al Mawkef : « La soif de connaissance et d’information des Tunisiens est réelle, mais l’offre médiatique nationale est loin de satisfaire à ce besoin. C’est ce qui pousse les habitants de ce pays à se tourner vers des médias répondant de leur point de vue à une plus grande crédibilité et à l’exposition d’une plus grande diversité dans les opinions, à commencer par la chaîne satellitaire al-Jazeera ».5 En ce sens, quel rôle les médias nationaux, internationaux, sociaux et alternatifs ont-ils joué pendant la « révolution » ? Depuis la chute du Président, les médias classiques ont subit de lourdes transformations et les médias sociaux forts de leurs acquis lors de la « révolution », se sont élevés au rang de « source d’information ». Ainsi, en Avril 2011, 58% des jeunes entre 18 et 25 ans utilisaient Internet pour s’informer.

5 Rachid Khechana « Les médias tunisiens face à la prépondérance de l'Etat partisan », Confluences

Méditerranée 2/2009 (N°69), p. 99-­‐105. URL : www.cairn.info/revue-­‐confluences-­‐mediterranee-­‐2009-­‐2-­‐ page-­‐99.htm. DOI : 10.3917/come.069.0099.

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A. Etat des lieux des médias d’opposition sous Ben Ali Avant la chute de Ben Ali, seulement 43,5% des tunisiens déclaraient lire régulièrement la presse tunisienne et 83,2%6 d’entre eux jugeaient non crédibles les journaux tunisiens. Ce manque de confiance d’une partie des tunisiens les a amenés à se tourner vers d’autres formes de « journalisme », vers d’autres sources d’information. Il y avait plusieurs façons de militer sous Ben Ali. Il y avait une forme plus traditionnelle qui est celle défendue par les militants politiques qui essayaient vainement d’introduire un pluralisme politique en Tunisie comme le Parti Démocrate Progressiste d’Ahmed Néjib Chebbi qui à travers le journal du Parti : El Mawkef, tentaient d’informer la population sur des sujets plutôt « marginalisés » par le pouvoir. Une autre façon de procéder, sans visée politique directe cette fois, était internet et la liberté qu’il offrait aux cyberdissidents pour s’impliquer, s’informer et dénoncer ce qu’ils considéraient comme des injustices. v L’exemple parlant du journal Al-Mawkef Le journal Al Mawkef signifiant « Position » a été créé en 1984. Ce journal clairement dans l’opposition, était un hebdomadaire, organe de presse du PDP (Parti Démocrate Progressiste), il a été une tribune de libre parole pour les tunisiens quelles que soient leurs appartenances politiques. Divers sujets étaient abordés dans ce journal en langue arabe, ils étaient regroupés sous différentes rubriques : politique, économique, culture, par exemple. Il y avait également de nombreuses « enquêtes sociales7 », comme le confie Safia Mestiri, contributrice pour le Mawkef et « peu de sport » avoue-t-elle : « on a essayé mais cela n’a pas fonctionné ». Elle ajoute également qu’il y avait une « page pour les jeunes, et une relayant l’actualité à l’étranger ». En revenant aux origines du Mawkef, Safia Mestiri explique : « au début c’était une revue ». Le Mawkef ne vivait que de sa vente militante qui devenait de plus en plus difficile car « les policiers ramassaient les journaux dans les kiosques ». Il faut également savoir que la publicité d’Etat était refusée et qu’il n’y avait pas de subvention possible. 6 Sondage d’opinion sur la situation et l’impact de la révolution sur les médias-­‐presse, Tunis Avril 2011 :

Disponible sur http://www.istis-­‐tunisie.com/medias/rapport-­‐situation-­‐politique-­‐media-­‐presse.pdf. 7 Safia Mestiri, historienne et journaliste. Entretien en annexe.

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B. Etude des médias traditionnels, de la « révolution » à la transition démocratique 1) Focus sur les médias nationaux 1.1 Les médias classiques aux mains de l’ancien régime Les médias classiques (presse écrite, télévision et radio) nationaux ont joué un rôle mineur dans la « révolution » tunisienne de 2011. En effet, étant donné la dictature, la censure, l’autocensure et le verrouillage explicite des médias de masse en Tunisie, les médias ne pouvaient jouer aucun rôle. La Tunisie a subi pendant deux décennies une mainmise de l’appareil Etatique sur tout le paysage médiatique. Le régime tenait d’une main de fer les médias traditionnels et les nouveaux médias. Au sein de ces ensembles, on retrouvera des médias à vocation unilatérale et multilatérale. Habitués a ce que la ligne éditoriale soit progouvernementale et sans appel, les journalistes tunisiens n’ont pas pu se rebeller contre le système autoritaire de l’ancien régime et ont subi la désinformation et encouragé l’autocensure. Jusqu’en Janvier 2011, le pays ne comptait que deux chaines de télévision publiques TV7 et Tunisie 21, quatre radios nationales (Radio Nationale, Radio Tunis Chaine Internationale, Radio Jeunes et Radio Culture) et cinq radios régionales (Monastir, Sfax, Le Kef, Tataouine et Gafsa). Seulement deux chaines (Hannibal TV et Nessma TV8) cinq radios (Radio Mosaique, Radio Jawhara, Shems FM, Express FM, Radio Zitouna) privées étaient autorisées. Tous ces médias n’avaient aucune liberté et devaient respecter scrupuleusement les directives de l’ancien régime. 1.2 De la censure à l’auto censure, en passant par la répression Le manque d’indépendance de la presse a entrainé une méfiance certaine et compréhensible 8 Les chaines Hannibal Tv et Nessma TV ont été créées respectivement en 2005 et en 2007

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du peuple tunisien envers les médias classiques. De plus le traitement de l’information fait par les médias tunisiens durant la période « révolutionnaire » n’a fait que confirmer les doutes et les soupçons entretenus par les tunisiens. Preuve de la défaillance de la presse tunisienne, le traitement de l’information par les deux journaux étudiés Assabah et Le Temps n’a pas été à la hauteur. Les journaux classiques n’ont pas relayé les événements comme ils auraient du l’être. Les médias ont tu pendant plusieurs jours les événements qui se passaient dans les villes. Ainsi le quotidien Le Temps a durant les premiers jours des événements titré en Une : « Nous perdons notre arabe ! »9, un article traitant de la perte des repères linguistiques de jeunesse tunisienne. Ce journal en date du 21 décembre n’a fait qu’une toute petite référence aux événements de Sidi Bouzid à travers les propos suivants : « Un incident isolé à Sidi Bouzid exploité à des desseins politiques malsains », reprenant donc la version officielle du gouvernement. Comble de l’ironie, le journal du Temps parut le 1 Janvier 2011 vante les prouesses de la Tunisie : « La Tunisie Euromed Valley à l’horizon 2016 », ou encore toujours en Une : « Technique en vogue : l’implantologie dentaire 50% moins chère qu’en Europe ». Néanmoins deux jours avant la chute du Président Ben Ali, les journalistes de Assabah avaient observé un temps d’arrêt de travail revendiquant une plus large latitude dans le traitement de l’information quant aux événements douloureux que vivait le pays. 1.3 Dans la nuit du 13 au 14 Janvier La position pro-gouvernementale du quotidien se poursuit jusqu’au matin du 14 Janvier où, Le Temps consacre légitiment sa Une au Président Ben Ali et il revient sur son discours de la veille. Raouf Khalsi, ayant rédigé ce jour la l’édito, a eu la gentillesse de répondre à notre entretien a la question suivante : Quelle a été la marge de liberté des médias ce jour là ? Ce a quoi il répond : « Nous étions bien conscient que l’heure de la liberté d’expression était arrivée ! » « Nous reconnaissons nos distractions au moment où le feu était mis aux poudrières, ce qui explique la désaffection des tunisiens vis a vis de la presse nationale » mais « il y avait un système de verrouillage occulte ». Cependant « les journaux Le Temps et Assabah avaient été les premiers à Sidi Bouzid, bien avant la télévision nationale par exemple ». Il finit l’édito du 14 Janvier par : « VIVE LA LIBERTE D’EXPRESSION ». 1.3 Dans la nuit du 13 au 14 Janvier Il faut voir que tous les journaux ont traité de la même façon, aveuglante, l’évolution des

9 Le Temps, 21 décembre 2010 soit quatre jours après le début des affrontements

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événements qu’ils n’ont pas soutenu, et qu’ils ont tu. Ainsi, certains journalistes dont le regret évident les ronge, comme Righa Najjar, expert en médias confesse : « Aujourd’hui, pour nous autres journalistes et autres patrons de médias, il est de notre devoir de demander pardon à notre peuple pour notre participation au complot du silence, pour notre autocensure et notre servilité.10 » Néanmoins, au lendemain de la « révolution », à partir du 15 janvier, un véritable tremblement de terre a secoué les médias classiques tunisiens, des démissions en chaine ont alors lieu, Assabah par exemple sera dirigée par un comité de rédaction composé de quatre journalistes. Très rapidement des journalistes deviennent titulaires et les stagiaires des journalistes à part entière. Il convient également d’ajouter que des augmentations salariales ont été observées. De plus, un nombre considérable de nouveaux journaux ont fait leur apparition. En date du 1 er juin, le ministère de l’intérieur contrôlé par Ali Laaryadh avait annoncé l’émergence de 88 publications nouvelles. Néanmoins, les publications appartenant à l’Etat : Lorsque le Président Zine El Abidine Ben Ali a « prit la fuite », les médias traditionnels, qu’ils soient publics ou privés ont vite cherché à s’aligner sur l’opinion publique et à relayer les avis des tunisiens. C’est le cas des médias écrits mais également audiovisuels. L’émergence des nouveaux médias n’a pas épargné le secteur de l’audiovisuel. De nouvelles chaine tv on eu un avis favorable de l’INRIC. En effet se sont 12 nouvelles chaines : Al Hiwar, Golden Tv, Khamsa Tv, Ulysse tv et TWT. Ainsi, les deux chaines de télévision publiques ont étaient rebaptisées : Wataniya 1 et Wataniya 2 Il en va de même au niveau des radios, INRIC avait annoncé en juin 2011 l’évaluation des attributions de 12 stations de radios privées. 4 devaient être accordées au Grand Tunis (Kalima, Radio 6, Kif fm, Ibtissema FM) et 8 sur les autres régions du pays. En effet, le paysage médiatique devait changer ! Il a été intéressant de voir au fil des programmes et des lignes éditoriales que les journalistes et autres personnalités publiques ont très vite réussi à retourner leurs vestes devenant des ultra-défenseurs de la « Révolution ».

10 Ridha Najjar, Tribune « Nostra Culpa », parue le 17 janvier 2011 sur le site Businessnews disponible sur : http://www.businessnews.com.tn/M%C3%A9dias-­‐-­‐Nostra-­‐culpa,526,23066,3

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16 2) Rôle et pouvoir des médias internationaux « La puissance des médias enjambe allègrement toutes les frontières. » De Roger Molinier Extrait du L'Écologie à la croisée des chemins

La question des médias internationaux est forcément à soulever, lorsque le sujet du rôle des médias dans la « révolution » tunisienne, est abordé. Quel rôle les médias ont-ils joué en Tunisie lors de la « révolution » ? Quels pouvoirs ont-ils eu ? Quels étaient les enjeux ? Voici les principales questions qu’il est nécessaire de se poser lorsque l’on aborde ce type de sujet. Même si, les réponses restent, certes, encore incomplètes. 2.1 Le rôle des médias étrangers dans la « révolution » tunisienne Si les médias étrangers (Al Jazeera, BBC world, France 24, Al Arabiya, CNN) n’avaient pas été présents, il aurait été plus difficile pour les tunisiens de s’informer et de savoir ce qui se passe dans le pays. Si il tout a fait vrai de dire que internet et les réseaux sociaux ont joué un grand rôle dans la diffusion de l’information et surtout dans la mobilisation des personnes. Il n’en reste pas moins, que internet et les réseaux sociaux prenaient leur source des chaines étrangères et vice versa d’ailleurs. Ces deux entités, à savoir les médias étrangers et les réseaux sociaux, étaient en réalité des vases communicants. A ce titre d’ailleurs, il convient de rappeler que la plupart des chaines étrangères recevaient directement leurs informations des manifestants qui envoyaient leurs vidéos et restaient constamment en alerte afin de donner le maximum d’information. Ainsi, les personnes vivant dans des régions plus reculées du pays, n’ayant pas forcément accès à internet s’informaient par le biais de ces chaines étrangères. Larbi Chouikha explique d’ailleurs ce phénomène assez souvent lors de ces cours, il reprend l’exemple suivant : « lors des événements de Sidi Bouzid, il y a eu un blocus médiatique de la part du gouvernement de Ben Ali, et au même moment les jeunes de Sidi Bouzid ont prit des photos avec leur téléphones portables et ont diffusé les photos sur les réseaux sociaux, sur les médias alternatifs, ces cyber militants, étaient d’ailleurs très souvent repris par les médias étrangers »11.

11 Larbi Chouikha, professeur a l’IPSI, membre de l’INRIC – entretien du 14/08/2013

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2.2 Les médias étrangers en Tunisie bien avant le 14 Janvier Bien avant le début du soulèvement en Tunisie, la plupart des médias étrangers s’étaient imposés en Tunisie entre autre parce qu’ils permettaient aux opposants du régime de Ben Ali de pouvoir s’exprimer. C’est le cas de Al Jazeera par exemple, qui n’a pas hésité à donner des tribunes a des opposants comme Ahmed Néjib Chebbi ou Moncef Marzouki. Le programme de la chaine Al Jazeera Maghreb relayait les principaux événements qui étaient tu dans les médias nationaux. Ce programme en particulier avait beaucoup de succès, comme l’explique Rachid Kechana : « Le fait de réserver une émission quotidienne d’une heure aux cinq pays de l’Union du Maghreb Arabe (An-Nachra Al-Magharibya ou Le journal télévisé maghrébin), dont la Tunisie, à partir de juin 2007, a assuré à la chaîne une avancée incontestable sur ses rivales »12. Lorsque le soulèvement tunisien a eu lieu, Al Jazeera n’a pas hésité à embrasser pleinement les revendications populaires, en donnant à cette « révolution », une ampleur et un lyrisme qui l’a poussé vers des aspirations panarabiques. v Focus sur Al Jazeera Lorsque l’on traite des médias étrangers on pense directement à l’apport d’Al-Jazeera13 et des médias occidentaux. Ce sont les médias internationaux qui ont permis aux tunisiens d’accéder à l’information et de pouvoir suivre l’évolution des événements. Paradaxolament, la « révolution » tunisienne sera un triomphe pour Al Jazeera et le début de son déclin en Tunisie. Al Jazeera, qui signifie « l’île », est une chaine d’information en langue arabe. Elle a été créée par l’émir du Qatar en 1996. Cette chaine a particulièrement été remarquée dans le traitement de l’information lors de la guerre d’Irak en 2003. Arnaud Castaignet, spécialiste monde arabe, revient sur ses connaissances de la chaine « en 2003 la chaine Al Jazeera était une chaine subversive, anti américaine, très dissidente. Néanmoins, cela a changé lorsque les intérêts du Qatar ont été les mêmes que ceux d’Al Jazeera ». Cependant, cette chaine continuera a jouir d’une entière indépendance jusqu’au début de l’année 2011.

12 Rachid Khechana « Les médias tunisiens face à la prépondérance de l'Etat partisan », Confluences Méditerranée 2/2009 (N°69), p. 99-­‐105. 13 Al Jazeera est une chaine d’information internationale basée au Qatar lancée en novembre 1996. Al Jazeera est diffusée dans le monde entier sur deux canaux : le premier en arabe, le second en anglais (depuis 2006).

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Nombreux sont les médias et les personnalités politiques qui ont fait l’éloge de la couverture du soulèvement tunisien par Al Jazeera. The Guardian a parlé d’une « Destination incontournable », Télérama qualifie la chaine d’ « impressionnante » et Hilary Clinton n’hésite pas en mars 2011 a complimenter haut et fort la chaine qatarie. Le succès de la couverture audiovisuelle de la chaine Qatarie est du a plusieurs facteurs dont sa stratégie interne innovante et surtout a un manque flagrant de concurrence des médias nationaux. Ensuite sur le plan régional, Al Jazeera a su profiter de son statut de chaine la plus populaire, déjà plus populaire que Al Arabiya (saoudienne), ou TRT el Turkiye (Turque) pour ne prendre que ces deux exemples. Mais avant et surtout, Al Jazeera a su profiter du désert médiatique tunisien pour informer les tunisiens sur ce qui se passe près d’eux, l’actualité de proximité comme l’explique Rachid Khechana : « là ou al-Jazeera se révèle la plus forte, c’est quand elle informe les gens sur ce qui se passe chez eux, parfois dans leur ville ou leur quartier. C’est ainsi que le vaste mouvement de protestation dans le bassin minier de Redeyef et Moulares (janvier-juin 2008) eut droit à une couverture quotidienne. Idem pour les procès des syndicalistes animateurs de la protestation qui s’ensuivirent (fin 2008-début 2009) et les innombrables démêlés des défenseurs des droits de l’Homme avec la police et la justice. De ce fait, al-Jazeera a pu se forger un rôle remarquable pour ce qui relève de l’éclosion d’une opinion publique homogénéisée. »14 Al Jazeera a eu une influence évidente sur les milliers de téléspectateurs tunisiens mais elle a également gagné sa place dans le paysage médiatique mondial. Elle est entrée grâce à la « révolution » tunisienne dans le classement des principales chaines d’informations internationales. En réalité Al Jazeera s’est distinguée dans la couverture participative de la « révolution » tunisienne par sa volonté d’accompagner les manifestants et de soutenir leurs revendications. Concrètement, la chaine a choisi de couvrir en continu les événements avec la diffusion de vidéos et images obtenues à travers les manifestants. En ce sens, la chaine a joué un rôle dans la « révolution » tunisienne, car elle a réellement permis aux tunisiens de suivre les événements.

14 Rachid Khechana « Les médias tunisiens face à la prépondérance de l'Etat partisan », Confluences Méditerranée 2/2009 (N°69), p. 99-­‐105. URL : www.cairn.info/revue-­‐confluences-­‐mediterranee-­‐2009-­‐2-­‐ page-­‐99.htm. DOI : 10.3917/come.069.0099.

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A partir de 2011, une « reprise en main » a été effectuée comme l’explique Arnaud Castaignet. Ce changement se caractérise par le « remplacement de l’ancien directeur par le cousin de l’émir du Qatar »15. Ce changement aura des conséquences « sur la ligne éditoriale ». En effet, la chaine « sert à présent explicitement les intérêts du Qatar. Elle promeut l’islam politique et sert la politique étrangère de l’émirat ». Ceci n’étant absolument pas surprenant « à partir du moment où l’Islam politique à sa place sur l’échiquier politique au même titre que le nationalisme, le progressisme ou même le communisme, il n’y a rien de choquant » explique-t-il. Néanmoins cette reprise en main s’est accompagnée d’une certaine érosion des parts de marchés d’Al Jazeera en Tunisie. Arnaud Castaignet l’explique du fait « de la conjoncture. Aujourd’hui il y a une énorme érosion car la chaine était en situation de monopole sous Ben Ali, elle doit à présent lutter contre Al Arabiya, chaine de la famille saoudienne, et étant donné la nouvelle conjoncture la chaine Al Jazeera a du se positionner. Elle a donc perdu en indépendance ». De la a dire que Al Jazeera n’est plus un média crédible, cela serait une grosse erreur pour Arnaud Castaignet qui s’indigne « Il y a certes de la presse d’opinions, mais ce n’est pas moins valable qu’un autre média, sinon en France il ne faudrait suivre que les dépêches AFP ! ». En ce qui concerne l’audience d’Al Jazeera, il paraît ainsi évident que la chaine n’a pas été très encline afin de s’exprimer sur l’ampleur de l’érosion. Néanmoins, quelques chiffres ont été relevés, entre début et fin 2012 il y avait 1 millions de personnes qui suivaient Al Jazeera, mais fin 2012 ce chiffre s’est réduit jusqu’à arriver à 200 000 personnes. Selon le sondage de Sigma conseil, portant sur une population tunisienne estimée à 10.8 millions, en juillet 2012, la réception médiatique de la chaine d’information Al Jazeera a reculé de 4.8% en 2012 en comparaison avec 2011, s’étant accaparée de 10,7 %. Aujourd’hui, Northwest University, basée en Illinois, explique qu’Al Jazeera ne détient que 9% des parts d’audience en Tunisie à l’heure actuelles. Ces chiffres doivent cependant être relativisé dans le sens où, le dernier sondage IPSOS constate que plus de 25 millions de personnes suive Al Jazeera dans le monde arabe. Al Jazeera reste donc leader. Une érosion certes conséquente en Tunisie, bien que cela relève d’un rééquilibrage, mais la chaine garde une très forte audience dans le monde arabe. 15 Wadah Khanfar, le directeur général, a été remercié en septembre 2011 et remplacé par Cheikh Ahmad

al-­‐Thani

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2.3 Les médias étrangers ont-ils contribué au déclenchement du soulèvement populaire ? Cette question est légitime dans le sens où les médias étrangers en Tunisie on eu un rôle très important : celui d’informer. Ils ont rempli ce rôle à la perfection, ils ont pris part aux événements, informer la population, relayer les revendications populaires. En somme les médias étrangers étaient tellement à cheval sur ce soulèvement populaire qu’ils ont pu contribuer a l’amplifier. Les revendications populaires étaient légitimes, le peuple tunisien a cherché à plusieurs reprises, en 2008 déjà à travers le soulèvement du bassin miniers de Gafsa, de montrer les inégalités régionales, le manque de travail et de dignité. Ces revendications, si elles étaient bien ancrées dans les esprits, sont évidemment à l’origine des événements. Néanmoins, sans la participation active des médias étrangers au relais de ces revendications, la « révolution » tunisienne aurait, certainement eu lieu, mais en beaucoup plus de temps. S’il est vrai que les médias étrangers ont contribué à propager rapidement ce qui était alors un soulèvement populaire, c’est le cas également des médias sociaux qui ont eu un grand rôle. L’agence Média Scan a réalisé un sondage sur 775 personnes entre décembre 2010 et janvier 2011 dont les résultats sont parlants. Il est démontré l’importance des médias étrangers avec un pic pour Al Jazeera et France 24. Cependant, le média social qui a eu un véritable engouement est Facebook à hauteur de 61%.

C. Le numérique, une libération ? « S'il ne fallait retenir qu'une vertu des Technologies de l'Information et de la Communication ce serait celle-ci : la possibilité d'offrir à chacun une tribune, un espace de liberté, d'expression. » De André Santini La Tunisie a fait son entrée sur le web en 1991, ce qui constitue un repère important dans le sens où ce pays sera un des pionniers en terme d’activisme en ligne. « La Tunisie est le premier pays arabe à avoir rejoint le réseau »16. Internet a été pour le Président Ben Ali un enjeu économique évident, si le taux de pénétration était de 34%17, cela s’expliquait par sa volonté de promouvoir les NTIC et Internet. Néanmoins, cette volonté s’arrêter là où le risque commençait. En effet, comme l’explique Romain Lecomte, le Président Zine El Abidine Ben 16 Yves Gonzalez-­‐Quijanno Arabités numériques, Le Printemps du Web arabe, Sindbad p.61 17 http://www.internetworldstats.com/africa.htm#tn

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Ali redoutait une « démocratisation d’internet ». Pour garder le contrôle sur ce puissant outil, il imposa une censure sévère sur plusieurs sites internet (RSF, Youtube, et même Facebook a un moment donné). C’est à ce titre, qu’il faut souligner l’importance qu’a revêtu le web bien avant la « révolution ». En effet, nombreux sont les militants et les citoyens engagés qui ont bravé les sanctions et les limites de ce qu’offrait l’ancien régime en terme de possibilité informatique. Certains ont du faire appel à des professionnels, d’autres ont appris à « hacker », pour ouvrir des sites internet ou encore administrer des blogs. Ces militants ont voulu informer la population sur les failles du système et leur faire connaître d’autres tendances politiques, comme celles des opposants au pouvoir. 1) La Tunisie, Internet et le développement des NTIC 1.1 La cyberdissidence bien avant le 14 Janvier Il y avait donc un activisme numérique bien avant le 14 Janvier 2011. Comme nous l’explique Yves Gonzalez-Quijano dans un entretien : « pour la plupart des militants, les nouvelles techniques ne sont qu’un instrument, utile pour surmonter les difficultés de communication dues en particulier à la censure ». Les cyber-militants sont donc bel et bien né bien avant la « révolution » du jasmin. Zouhair Yahyaoui a été le premier activiste tunisien, sa mort a été due a une détention particulièrement difficile entre juin 2002 et novembre 2003. Sous le nom d’Ettounsi, Zouhair Yahyaoui, partageait depuis son site Tunizine.com des informations compromettantes pour le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Ce décès témoigne par ailleurs, du risque majeur et du danger qu’encours ces militants qui tiennent à informer au péril de leurs vies. La presse internationale a très vite publié toute sorte d’articles visant à expliquer le surprenant Printemps Arabe. Ces révolutions ont donc été expliquées par l’utilisation de Facebook, Twitter, réseaux sociaux et les autres médias alternatifs. A n’en pas douter, les nouvelles technologies numériques, ont joué un rôle certain dans le déroulement du Printemps Arabe.

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LE WEB AVANT LA REVOLUTION TUNISIENNE 1991 : Premier pays arabe connecté sur internet 1998 : liste de diffusion de Takriz* 2000 : (juin 4) : arrestation de Zouhair Yahyaoui (18 novembre) : Zouhair Yahyaoui, remis en liberté 2003 : (19 juin) : 1er prix Cyberliberté Zouhair Yahyaoui 2005 : (13 mars) : mort de Zouhair Yahyaoui (3 octobre) : campagne yezzi fock (ca suffit) ! (16-18 novembre) : Sommet mondial de la société d’information 2007 : (6 juillet) : attaque gouvernementale contre le yezi fock (Septembre) : blocage Dailymotion (Novembre) : blocage Youtube 2008 : (aout) : fermeture puis réouverture début septembre de Facebook 2009 : (juillet) : journée de la page blanche pour les blogs tunisiens 2010 : (21-22 mai) : arrestation de Yassine Ayari et Slim Amamou (17 décembre) : immolation de Mohamed Bouazizi

*Takriz : est un groupe de passionnés du web (hackers) pionniers en ce qui concerne l’activisme en ligne arabe soit dès 1998) 1.2 Les médias sociaux ont-ils fait la « Révolution » ? Les soulèvements dont ont été témoin les rues arabes en 2011 ont permis des changements profonds dans cette région du monde. Est il pour autant possible de parler de « révolution » ? L’histoire est loin d’être écrite mais l’apport qu’ont constitué internet, les blogs et les réseaux sociaux a certainement été décisif.

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Selon l’étude publiée en septembre 2011, intitulée : « Ouvrir des régimes fermés : quel a été le rôle des médias sociaux durant le Printemps Arabe18 » dirigée par Philip Howard, professeurs à l’université de Washington, les médias sociaux ont constitués une des principales causes des révolutions parce qu’ils ont été utilisés par la jeunesse. Cette étude porte sur des millions de vidéos Youtube, de tweets, de blogs et sites internet. Facebook a été ouvert a partir de l’année 2006, à partir de cette date là, les membres de cette communauté n’ont pas cessé de croitre. Facebook réunit plus de 100 millions de membres et fait partie des « 10 sites les plus fréquentés par les internautes arabes19 » moins de deux ans après son ouverture. Facebook a été le réseau social le plus utilisé en Tunisie, il a permit la mobilisation des internautes, de la jeunesse, la coordination des actions et surtout la diffusion de vidéos et photos relayant fort bien les revendications et les actions coup de poing. Dès le début des événements, Facebook a vu l’arrivée de plusieurs centaines de milliers de nouveaux utilisateurs cherchant l’information. En effet, face au silence des médias nationaux, la toile, Facebook en particulier est devenu le principal vecteur d’information. C’est Facebook qui permettra aux tunisiens de communiquer, d’échanger des informations, et surtout de se cacher de la répression du régime. Il y a un très grand nombre de comptes Facebook. Le site a par ailleurs été classé premier, dans la liste des visites. Durant les 6 derniers mois, avant le 21 janvier 2013, Facebook a atteint 3 401 480 utilisateurs, soit une augmentation de +22% de janvier 2012 à janvier 2013. La communauté tunisienne sur Facebook estime que 39% de ses utilisateurs ont entre 18 et 24 ans. Néanmoins, ceux qui ont plus que 55 ans occupent seulement 2% du champ. Il convient également d’ajouter que Facebook était le seul support possible sachant que Youtube était interdit d’accès, ainsi que Dailymotion et Skype. Néanmoins, Facebook connaît également un revers de médaille. En effet Larbi Chouikha explique qu’il voit « beaucoup de personnes qui préfèrent chercher l’information sur Facebook et qui ne veulent plus lire les journaux » cependant cette pratique amènent souvent 18 Opening Closed regimes : What was the Role of Social Media During the Arab Spring ?

http://pitpi.org/index.php/2011/09/11/opening-­‐closed-­‐regimes-­‐what-­‐was-­‐the-­‐role-­‐of-­‐social-­‐medias-­‐ during-­‐the-­‐arab-­‐spring/. 19 Yves Gonzalez-­‐Quijanno Arabités numériques, Le Printemps du Web arabe, Sindbad p.79

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ces personnes a se tromper, en réalité « même si Facebook a eu un rôle certain lors de la « révolution », ce rôle n’est plus forcément positif aujourd’hui. Facebook n’étant pas un média, il n’est pas habilité à vérifier les informations », ce qui entrainent souvent des intox, de fausses informations circulant ainsi sur la toile, sans contrôle aucun. Pour Larbi Chouikha toujours « Facebook n’est pas source d’information, il n’est donc pas crédible. Il ne fait que reprendre des articles de journaux, mais ne produit rien ». Larbi Chouikha compare d’ailleurs volontiers Facebook à un « Dazibao », ces journaux muraux des années 1970. Il prévient donc « il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qui est publié sur Facebook ». Ainsi si Facebook a été un élément central, voire vital de la « révolution » tunisienne, et s’il reste encore aujourd’hui, le « média d’information » préféré d’une bonne partie des tunisiens, il n’en reste pas moins qu’il est aussi sujet a de nombreuses dérives où chacun se sent libre de partager de fausses informations. v Facebook, le média de la « révolution » tunisienne Romain Lecomte20 démontre en plusieurs points le rôle joué par Facebook durant la « révolution » tunisienne. Selon lui, cette plateforme « permet aux informations et opinions politiques de se diffuser encore davantage que sur la blogosphère »21. Il explique ce phénomène d’abord par la popularité du réseau social et surtout par la « sérendipité »22 que permet Facebook. En effet, Facebook permet de diffuser des informations à ces amis, aux autres, sans que ces derniers ne cherchent à connaître ces informations. Ils sont donc de facto informer par les événements sans avoir fait le geste d’aller chercher ces informations. Dans le cas de la « révolution » tunisienne, les photos et vidéos des événements étaient relayées par certains et atterrissaient sur le fil d’actualité d’autres sans qu’ils n’aient formulé l’envie de connaître ces actualités. Autre point important, que permet Facebook, c’est la discrétion. En Tunisie, la répression pouvait être féroce, néanmoins l’usage de Facebook permettait a la « majorité silencieuse » de suivre les événements, parfois même de les relayer, sans avoir a craindre une quelconque atteinte physique. Une des formes de « participation » à la « résistance » était le changement de sa photo de profil par le drapeau tunisien. Romain Lecomte explique que « pour beaucoup, 20 Romain Lecomte, Docteur en sciences politiques et sociales, université de Liège 21 Romain Lecomte, « Révolution tunisienne et Internet : le rôle des médias sociaux », L’Année du Maghreb,

VII | 2011, 389-­‐418. 22 Dominique Cardon, « une découverte effectuée par hasard » 2010.

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la « participation » et l’expression du mécontentement ont ainsi commencé sur Facebook, par quelques partages de vidéos, par quelques clics sur le bouton J’aime et par des messages exprimant la stupeur et la tristesse (face aux événements sanglants), plutôt que de la colère face aux coupables »23. Ainsi Facebook aurait permis de faire passer ce sentiment de résistance, d’unité et de solidarité tunisienne, de la plateforme à la rue. Ainsi tout comme les médias étrangers, Al Jazeera entre autre, Facebook a permis d’accélérer le mouvement de contestation. Au delà du simple relai d’information, il a également permis la mobilisation en masse et de faire glisser ce mouvement « virtuel » à la réalité de la rue. Ci dessous un graphique24 réalisé grâce à Google, montre l’évolution des mots que les internautes tunisiens ont recherché entre la période du 1 décembre 2010 et du 31 janvier 2011.

Ce graphique montre un pic extraordinaire en date du 11 janvier sur la recherche du mot Facebook dans la barre de recherche Google, par les internautes tunisiens. Le 11 janvier la recherche atteint le volume de 100 qui correspond au volume maximal de recherche. 1.3 Des médias alternatifs Face au silence des médias nationaux, la toile est devenue le principal vecteur d’information. Les tunisiens de la diaspora ont activement participé à informer et dénoncer les méfaits du régime dictatorial de Ben Ali sur des espaces communautaires considérés comme nouveaux à l’époque. Toutes les mesures prises à l’ encontre des cyber-opposants tunisiens n’ont fait que les renforcer, ils ont trouvé toutes sortes de déviations afin de pouvoir continuer à poster leurs articles sur des sites internet. Pour Larbi Chouikha le cyber militantisme « utilisé par les 23 Romain Lecomte, « Révolution tunisienne et Internet : le rôle des médias sociaux », L’Année du Maghreb,

VII | 2011, 389-­‐418. 24 Généré avec Google Insights : http://www.google.com/insights

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jeunes a permis de cassé le blocus imposé ». La « cyberdissidence » est bel et bien, selon lui, le seul « moyen de faire tomber le pouvoir ». v Nawaat, ce média citoyen alternatif C’est le cas par exemple du collectif Nawaat qui avait choisi de publier depuis l‘étranger. Lancé en 2004, Nawaat.org (dont le nom signifie « noyau » en arabe) est un « blog collectif indépendant animé par des Tunisiens ». Il donne la parole à tous ceux qui, par « leur engagement citoyen, la prennent, la portent et la diffusent ». Nawaat, en tout cas sous l’ancien régime, était indépendant de toute association, organisation ou gouvernement, ne recevait aucune subvention publique et n’était financé par aucun parti politique. Avant la « révolution » toujours, Nawaat a eu un grand rôle en ce qui concerne les questions de fond, les enquêtes et les révélations faites sur les méfaits de l’ancien régime. Comme l’explique assez bien, Frida Dahmani, dans un article publié sur Jeune Afrique25 au sujet du blog citoyen, Nawaat « n’hésitait pas à publier des documents sensibles sous le régime de Ben Ali ». A titre d’exemple, Nawaat diffusait des télégrammes diplomatiques de Wikileaks. Il aura d’ailleurs été le premier site internet tunisien à dévoiler ces télégrammes concernant le régime. Nawaat, comme beaucoup d’autres blogs basés à l’étranger, a joué un rôle dans la mobilisation des internautes. Durant la période qui a secoué la Tunisie à partir de fin 2010 jusqu’au départ de Ben Ali, Nawaat a publié des centaines d’articles, de photos et de vidéos servant ainsi de relai pour diffuser les revendications sociales des manifestants. En diffusant à l’internationale ces messages, vidéos et autres photos des événements et en dénonçant la répression, Nawaat a réussi a attirer l’attention de collectif plus puissant comme le groupe Anonymous. Ainsi, le 2 janvier, le fameux groupe Anonymous lance des attaques informatiques contre les serveurs gouvernementaux, une façon pour eux d’aider les hackers tunisiens a diffuser l’information. Pour le blog ReadWriteWeb, dédié aux technologies de l'information, "Nawaat est sans doute l'acteur qui a le mieux compris l'usage des réseaux sociaux durant la révolution tunisienne". Nawaat a d’ailleurs reçu le prix du Net-Citoyen en 2011. Ce prix a été organisé par Reporters 25 Article de Frida Dahmani, publié le 28/11/12 sur Jeune Afrique http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2706p095.xml0/

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Sans Frontières (RSF) avec le soutien de Google. Ce prix a été décroché par Nawaat au regard de sa contribution à promouvoir la liberté d’expression sur Internet. Néanmoins, après le départ de Ben Ali, loin de se noyer dans l’océan des nouveaux médias qui ont fait leur apparition sur la toile, Nawaat a su se reconvertir. Le média a structuré une équipe de journalistes, a fait de sa ligne éditoriale la défense des libertés fondamentales et de la démocratie en Tunisie et surtout le média s’est créé un model économique. En effet, le média est maintenant financé a 20% par l’association des amis de Nawaat et a 80% par la fondation du financier américain George Soros, l’Open Society26 Institute. En ayant développé une politique de proximité dans ses enquêtes et en dévoilant des opinions très diverses, Nawaat a su se positionner dans un univers nouveau où les médias alternatifs sont très en concurrence. En réalité, même si aujourd’hui la ligne éditoriale de Nawaat est encore a confirmer étant donné ses financements27, il convient de souligner l’important travail d’investigation qui est fait au sein de ce média. Nawaat a imposé en Tunisie un journalisme que le pays ne connaissait pas, le journalisme d’investigation et en cela il contribue fortement à la transparence et au débat en cette période de transition démocratique. Fort aujourd’hui de plus de 50 à 100 000 visiteurs par jour, le site internet nawaat.org, a su s’adapter a son environnement et a devenir un web-acteur principal de la scène médiatique en Tunisie. En juin 2012, la Tunisie a célébré officiellement la première « journée de Cyberliberté ». Le jour choisi étant le jour anniversaire de la disparition de Zouhair Yahyaoui qualifié de « premier martyr de l’internet arabe ». 2) L’action salvatrice d’internet en Tunisie On peut à présent considérer l’action libératrice des nouvelles technologies de communication comme une réalité. Elle a d’abord permit la mobilisation des citoyens en leur permettant de tous se retrouver sur un support sans craindre directement pour sa vie. Cette mobilisation a ensuite était organisée, dans le sens ou il a été facile de créer des événements afin de pouvoir se retrouver dans la « vie réelle », sur le terrain. Cette mobilisation puis la coordination a permit de faciliter une action collective dans les rues. Enfin le Web a offert à la jeunesse 26 Article d’Agnes Rousseaux, entretien avec Malek Khadraoui rédacteur en Chef de Nawaat http://www.bastamag.net/article3006.html 27 Nawaat est financé par Open Society Institute, et est doté du logiciel édité par Google

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tunisienne la possibilité d’informer le peuple tunisien et la communauté internationale. C’est à travers cette « cascade d’information », de vidéos et de messages partagés sur la toile que les médias traditionnels ont pu relayés les événements, créer un récit, faire connaître les revendications et ouvrir la porte a des soutiens. Il paraît assez évident maintenant de dire que Facebook a joué un rôle certain de déstabilisateur du régime en place. Si l’on ajoute le rôle de Facebook, à celui des médias étrangers, du développement des NTIC en Tunisie et du rôle de la diaspora, on comprend aisément la mobilisation et la visibilité exemplaire dont a jouit la « révolution » tunisienne.

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II.

ENJEUX DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets. » De Alfred Sauvy

Une transition démocratique aboutie est indissociable des médias et du rôle qu’ils ont à jouer dans ce processus. Il s’agit de construire un espace de citoyenneté véritable, en ce sens, l’information est primordiale. Elle permet de donner à une personne un accès à la condition de citoyen. En ce sens, non seulement les médias ont un rôle à jouer mais ils détiennent surtout un grand pouvoir, celui d’informer et donc d’orienter l’opinion publique. Ainsi, quel pouvoir les médias ont-ils eu pendant le processus électoral ? L’enjeu médiatique est de taille car les médias sont les vecteurs de l’information nécessaire afin de façonner les esprits. Ceci étant dit, la qualité des médias en tant que plateforme du débat démocratique est essentiel en période électorale, il convient alors d’étudier l’impact des médias durant la période des élections.

A. L’enjeu médiatique comme vecteur d’information 1) La liberté d’information Pour la grande majorité des tunisiens, la liberté d’expression est une des principales victoires de la « révolution ». Néanmoins, la liberté d’information est également pour eux, devenue une nécessité. Ainsi, la Constitution actuellement en cours de rédaction, doit garantir la protection de ces libertés fondamentales. Le projet de Constitution prévoit dans son article 30 que « les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication sont garanties ». Néanmoins, pour Reporters Sans Frontières (RSF) cette « liberté n’est pas suffisamment définie ». En effet, il n’est pas précisé si cette liberté s’adresse à tous ou un à une catégorie de personne. Comme l’indique RSF donc son rapport du projet de constitution « Il n’est pas fait non plus mention des communications sur Internet, des garanties sur le secret des sources ou de l’indépendance des médias 28». De plus, l’article 64 prévoit que seules les lois organiques peuvent réglementer « l’organisation de l’information, de la presse et de l’édition ». Ceci étant dit, RSF est

28 Analyse du projet de Constitution tunisienne, Note rédigée par le Comité juridique de Reporters sans

frontières

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catégorique à ce sujet, la liberté d’information n’est pas garantie dans la constitution. A ce titre, l’organisation a soumis une lettre au Président de la République Française, François Hollande afin de lui faire part de son inquiétude et de l’inciter à en parler avec son homologue tunisien. En effet, RSF estime que « le projet – de constitution – ne garantit pas suffisamment les droits énumérés, notamment les articles 30 et 31 relatifs à la liberté d’expression et à l’accès à l’information ». De plus, RSF trouve « dangereux » qu’une « instance constitutionnelle » régule « le secteur de l’information dans son ensemble ». Signée Christophe Deloire, Secrétaire général de Reporter Sans frontières, cette lettre adressée au Président François Hollande en date du 1 er juillet 2013 revient à juste titre sur l’importance de la liberté d’information surtout en période de transition. La Tunisie est en période de transition démocratique et l’importance de la liberté d’information est incontestable. Néanmoins, cette dernière va de pair avec le pluralisme des médias. 2) Pluralisme et diversité Avant la « chute » du Président Ben Ali, les médias étaient sous le contrôle très strict de l’Etat. Comme il a été indiqué à plusieurs reprises plus haut, le nombre de radios, de journaux et de chaines de télévision était très limité. Par ailleurs, l’agence de presse appartenant à l’Etat, la TAP, créée en 1961 a « évolué en instrument politique du régime et seule source d’information officielle »29. Néanmoins le pluralisme des médias garantit la liberté d’expression des différentes opinions y compris celles contraires au gouvernement en place. Ainsi, dans toute société démocratique, les médias se doivent d’être indépendants et pluralistes. La pluralité se traduit par l’existence de médias publics, privés, commerciaux, alternatifs, nationaux et communautaires. Leur contenu se doit d’être diversifié. Depuis le 14 Janvier, de nouveaux journaux et médias électroniques a été lancés et de nouveaux services de radio et télévision ont été autorisés. Les médias ont également adoptés une couverture plus critique et plus diversifiée de l’action gouvernementale. Ainsi, au lendemain de la « chute » du Président Ben Ali, le paysage de la presse écrite, pour ne citer que lui, a beaucoup évolué. Il a notamment été constaté la parution de journaux comme le

29 Développement des médias en Tunisie, étude basée sur les indicateurs de développement des médias de

l’UNESCO, rapport préliminaire version du 9 juillet 2012

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quotidien indépendant Al-Maghreb ou l’hebdomadaire Al-Fajr appartenant au parti Ennahda. La première réédition de ce dernier en date du 9 avril 2011 avait dépassé les 100.000 exemplaires. Par ailleurs le ministre de l’intérieur a déclaré le 20 septembre 2011 que 187 périodiques entre quotidiens, hebdomadaires, bimensuels, mensuels et revues ont obtenu leur récépissé légal. Les nouveaux quotidiens sont les suivants : El Mouharrer et Al Maghreb. En ce qui concerne les hebdomadaires ce sont : Al Hakika, Arrissala, Al Yaoum, Al Massa, Al Qattous, Al Fajr, Al Waka’a, 14 janvier, Al Akhbar, Al Irada, Asrar, Al Hassad El Ousboui, L’audace et sa version arabophone El Jor’aa (bimensuel), Arabia, Arraya, Sawt Echaab et Al Karama. En juin 2011, l’INRIC a recommandé au premier ministre du gouvernement provisoire l’attribution de 12 licences de diffusion à de nouvelles stations de radios (8 radios en région, 7 radios commerciales généralistes, 2 commerciales et thématiques et 3 radios associatives) et 5 licences à des chaines de télévision. Il s’agit des médias suivants : Chaines Télévisions

Radio FM

El Hiwar Ettounsi

Cap FM (Cap Bon, Nabeul)

Golden TV

Chaambi FM (Kasserine)

Khamsa TV

Ibtissama FM (Grand Tunis)

Ulysse TV

Kalima FM (Grand Tunis)

TWT

Karama FM (Sidi Bouzid) Kif FM (Grand Tunis) Oasis (Gabes) Oxygène (Bizerte)

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32 Sabra (Kairouan) Sawt Al Manejem (Gafsa) Radio Ulysse (Médenine) Radio 6 (Grand Tunis)

Ceci étant dit, beaucoup ont contesté les compétences de l’INRIC en matière de gestion des attributions de licences, en raison d’un manque de transparence dans l’élaboration des critères de sélection. 2.1 Les difficultés rencontrées par les nouveaux médias Beaucoup des médias nés après la « révolution » ont eu du mal à survivre aux premières élections. En effet, Même si l’INRIC a demandé à ce que l’on réduise les coûts de diffusion pour les nouvelles radios, l’ONT, qui détient le monopole de gestion du réseau de diffusion, n’a pas diminué ses couts outre mesure. De ce fait, peu de médias ayant obtenu la licence ont pu s’offrir les services de l’ONT et démarrer leurs activités. Cependant, Oasis FM (Gabès) a démarré officiellement ses émissions30 contrairement aux autres. En effet, seules, Kalima FM a réussi à émettre sur le Grand Tunis, Radio Six a acheté son propre émetteur et les autres médias ont décidé quant à eux de diffuser sur internet. 3) L’adoption d’un cadre juridique relatif aux médias 3.1 Création de nouvelles instances a) INRIC Suite au 14 Janvier des instances ont été mises en place afin de garantir le pluralisme et la diversité des médias. Une de ces instances est l’INRIC. L’INRIC est l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication, elle a été crée en mars 201131. Cette instance est crée dans le but de superviser et réguler les médias. Elle est également

30 Début des émissions en date du 29 décembre 2011 31 Décret-­‐loi n°2011-­‐10 du 2 mars 2011

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chargée d’attribuer des licences à des stations de radio sur la bande FM ou à une chaine de télévision. Cette instance a développé des critères de sélection pour garantir le pluralisme comme l’interdiction de lancer plusieurs médias à la fois. Les missions de l’INRIC32 : Ø Evaluer les différentes activités du secteur de l’information et de la communication ; Ø Identifier les préoccupations et les attentes des professionnels des médias et des composantes de la société civile ; Ø Préparer les législations qui s’imposent pour répondre à aux préoccupations du secteur, s’agissant en particulier de la création de structures indépendantes de régulation dans les secteurs de la presse écrite, radiophonique et presse électronique ; Ø Donner un avis au sujet des demandes présentées pour la création de stations radiophoniques et de chaînes de télévision, en attendant la promulgation d’une loi et d’un cahier des charges y afférents, conformément aux standards internationaux. Depuis la « révolution » les textes des nouvelles législations ont tenu à garantir le pluralisme et la diversité du paysage médiatique et audiovisuel. Ainsi, le Décret-loi 2011-11533 admet en son sein de nombreuses mesures afin de garantir le pluralisme des médias. L'Article 33 du Décret-loi 2011-115 prévoit qu’une seule personne, qu’elle soit physique ou morale, peut au maximum posséder ou contrôler deux périodiques concurrents, d’information politique et généraliste, et différents du point de vue des langues de rédaction. Il précise en outre que nul ne peut contrôler plus de 30 pour cent du tirage total de ce type de périodiques34. Enfin, l’INRIC en association avec la sous-commission pour les médias œuvre à mettre en place un nouveau code de la presse et la création d’une instance de régulation du secteur audiovisuel. Néanmoins, un des éléments négatifs de l’INRIC a été son manque de moyen évident, l’instance est constituée de 8 membres, dont aucun n’est rémunéré sauf le Président

32 Selon l’Etat des lieux des médias tunisiens après la révolution du 14 janvier 2011 et les élections du 23

Octobre 2011 – Groupe des partenaires techniques et financiers en appui au secteur des médias tunisiens. http://www.appui-­‐media-­‐tunisie.com/?page_id=16 33 Décret-­‐loi 2011-­‐115, op. Cit. Articles 33-­‐38 34 Développement des médias en Tunisie, étude basée sur les indicateurs de développement des médias de l’UNESCO, rapport préliminaire version du 9 juillet 2012

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de l’INRIC, Kamel Laabidi. Ne disposant pas de moyen financier propre, les missions de l’INRIC n’ont eu un impact que très partiel. b) HAICA L’instance de régulation du secteur audiovisuel sur laquelle INRIC et la sous-commission médias travaillaient est devenue l’HAICA35. Cette instance a été chargée de contrôler la transparence et le pluralisme des médias audiovisuels. Cette instance de régulation indépendante est la Haute Autorité Indépendante de l’Audiovisuel (HAICA) dépend du Décret-loi 2011-116, relatif à la liberté de communication audiovisuelle. Ce Décret-loi garantie, entre autres, le « pluralisme d’expression des idées et opinions » ainsi que « l’objectivité et la transparence ». Les missions de l’HAICA36 : Ø Faire respecter les règles applicables au secteur de la communication audiovisuelle par l’ensemble des acteurs, y compris les pouvoirs publics ; Ø Statuer sur les demandes d’octroi des licences relatives à la création et l’exploitation des médias audiovisuels, fixer leurs cahiers des charges et contrôler le respect de son contenu ; Ø Coordonner avec l’Agence nationale des fréquences (ANF) l’attribution des fréquences audiovisuelles (le décret-loi donne la priorité aux entreprises du service public) ; Ø Veiller à garantir la liberté d’expression et le pluralisme des idées et des pensées, en particulier en ce qui concerne l’information politique, tant pour le secteur audiovisuel privé que public; Ø Veiller au respect des textes législatifs qui fixent les règles de programmation et de diffusion des séquences relatives aux campagnes électorales ; Ø Adopter et contrôler l’application des règles relatives à la publicité ; Ø Mettre en place les règles d’audimétrie et les contrôler ; Ø Statuer sur les litiges relatifs aux chaines audiovisuelles ; Ø Fixer le montant de la redevance d’exploitation des médias audiovisuels ; 35 Décret-­‐loi n° 2011-­‐116 du 2 novembre 2011

36 36 Selon l’Etat des lieux des médias tunisiens après la révolution du 14 janvier 2011 et les élections du

23 Octobre 2011 – Groupe des partenaires techniques et financiers en appui au secteur des médias tunisiens. http://www.appui-­‐media-­‐tunisie.com/?page_id=16

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35 Ø Sanctionner les infractions commises par les entreprises audiovisuelles. L’HAICA est également la seule autorité indépendante en charge d’assurer le respect des

mesures afin d’éviter la concentration des propriétés de services privés. Les nouvelles législations ont voulu prévenir la concentration des médias, toujours conformément au Décret-loi 2011-115. Un Conseil de la concurrence a été chargé de l’observation et de l’investigation sur la concentration de la presse. Il convient également d’ajouter que au sein de l’article 15 du Décret loi 2011-116, est stipulé la nécessité d’éviter la « concentration de la propriété des moyens de communication audiovisuelle et d’asseoir une saine concurrence dans le secteur »37. Enfin, L'Article 36 du Décret-loi prévoit une amende de 5000 à 10 000 DT38 dans le cas d'infraction aux règles de propriété. 3.2 Un flou juridique et un manque de transparence Ceci étant dit, il s’agit également de voir que le nouveau gouvernement issu des élections du 23 octobre 2011 n’a « « pris aucune initiative relative à l’instauration de la transparence et du pluralisme dans le secteur de l’information et de la communication » comme l’a indiqué Larbi Chouikha39, lors d’un entretien. Il affirme en effet qu’un « flou juridique » s’est installé « depuis plusieurs mois » qui ne favorise en rien la « transparence ». En effet, les trois partis politiques aujourd’hui rassemblés au sein de la Troika et qui dirigent le gouvernement, n’ont pas encore tenu leurs engagements électoraux : il n’existe toujours pas de système indépendant et transparent pour la régulation de la radiodiffusion. Même si l’INRIC a rempli sa fonction en évaluant les attributions de nouveaux services de radio et de télévision, cette évaluation n’a abouti à aucune procédure en vue de créer ces services. Ainsi, force est de constater que le pluralisme des médias en Tunisie est en perte de vitesse. De plus, comme le souligne le rapport de l’Unesco sur les médias tunisiens : « ce vide juridique a incité plusieurs chaines de télévision à commencer à émettre sur le satellite sans autorisation et il ne serait pas surprenant que la même chose se produise au niveau de la radio FM »40. Cette inquiétude formulée par l’Unesco est de toute évidence justifiée sachant que aujourd’hui plusieurs radios émettent sur la bande FM sans autorisation. 37 Développement des médias en Tunisie, étude basée sur les indicateurs de développement des médias de l’UNESCO, rapport préliminaire version du 9 juillet 2012 38 Selon les taux actuels (Aout 2013) cela équivaut à 2500€ à 5000€ d’amende. 39 Larbi Chouikha, professeur a l’IPSI et membre de l’INRIC 40 Etude sur le développement des médias en Tunisie, basée sur les indicateurs de développement des médias de l’UNESCO

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Loin d’être un simple retard, ce flou juridique entraine également l’illégalité de la Tunisie qui n’est plus conforme aux normes internationales. Or en tant que signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques41, la Tunisie aurait du d’ors et déjà créer une instance capable d’octroyer des licences d’exploitation aux stations de radio et de télédiffusion. Ce flou juridique a également été dénoncé par Reporters sans frontières (RSF) qui à de nombreuses reprises a appelé le gouvernement tunisien à réagir. Selon eux « ce flou juridique représente un grave danger pour la liberté de la presse et la liberté d’expression ». Enfin, il paraît évident de dire que l’indépendance des médias ne pourra être garantir que par la mise en place d’un cadre juridique solide.

B. Performance des médias en tant que plate-forme dans le débat démocratique « La civilisation démocratique est entièrement fondée sur l'exactitude de l'information. Si le citoyen n'est pas correctement informé, le vote ne veut rien dire. » De Jean-François Revel Extrait d'un Entretien avec Pierre Assouline - Novembre 1988 L’accès à l’information permet la construction d’une citoyenneté véritable. Si l’information souffre d’une propagande politique ou est soumise à une déontologie bancale, le droit à l’information n’est pas respecté. Seul l’accès à l’information et à des faits vérifiés permet l’épanouissement du débat démocratique et la consolidation du processus de transition. 1) Etat des lieux des médias en période de transition 1.1 Les acquis des médias en cette période de transition Sachant que les médias tunisiens étaient contrôlé par l’ancien régime sous Ben Ali, et qu’ils n’ont a ce titre pu jouer un rôle durant la « révolution » tunisienne, l’abolition de la censure a été un véritable cataclysme dans le paysage médiatique. S’il est vrai que la résistance s’était effectuée sur les réseaux sociaux, les médias alternatifs, les NTIC et les médias étrangers, les médias classiques n’ont pourtant pas rater le coche au lendemain du 14 Janvier. Les médias nationaux ont su s’adapter et ont ouvert leurs tribunes et leurs lignes éditoriales à toutes les tendances politiques alors présentes sur l’échiquier.

41 Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies dans son Observation générale n°34

sur l’Article 19 du PIDCP

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Les grandes réussites des médias au lendemain de la « révolution » sont nombreuses. Tout d’abord, il convient de voir que le gouvernement Ghannouchi I a garanti la liberté d’expression et a tenu à réformer le cadre législatif des médias. A ce titre, le ministère de l’information a été aboli, les activités de l’ATCE42 et de l’ATI43 ont été gelées. En février 2011, la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution, de la Réforme Politique et de la Transition Démocratique a mis en place une sous-commission en charge des médias. Le gouvernement de Béji Caid Essebsi a quant à lui, dès le mois de mars, chargé une instance consultative l’INRIC de proposer des réformes du secteur médiatique. La liberté d’expression a progressé dans la mesure ou les journalistes écrivent, parlent, osent, investiguent, essayent de vérifier leurs informations. Cette refonte du métier de journaliste a été possible également grâce à une active participation de la société civile, qui n’hésitent pas à s’exprimer librement sur les sujets qui les préoccupent. De plus, il convient d’ajouter que l’indépendance nouvellement acquise des médias à l’égard du gouvernement, a grandement permis cette nouvelle liberté d’expression. En somme, les médias ont connu pendant cette période de transition démocratique, plusieurs grands changements, soit la création de l’INRIC et ses trois décrets lois (relatifs à la création de l’HAICA, à la réforme du code de la presse, ainsi qu’à l’accès à l’information). Le dernier grand changement s’illustre à travers l’attribution d’autorisation par l’INRIC à une douzaine de chaines de radios et à cinq chaines de télévision. 1.2 Des difficultés encore très présentes Le manque de professionnalisation de certains journalistes et bloggeurs entrainent forcément certaines dérives. Ainsi, la sensibilisation liée aux questions de déontologie sur le Web paraît essentielle. Nombreuses sont les diffamations, injures et atteintes à la vie privée que subissent les personnalités publiques sur les réseaux sociaux tels que Facebook et sur les médias alternatifs. Le manque de responsabilités lorsque des informations sont publiées nuit à la crédibilité des informations lues sur la Toile. En soulignant le manque de vérification de l’information dans les journaux alternatifs, Kamel Sammari explique que le vase communicant qui existe entre « Facebook » et ces dits journaux est « très néfaste », il résulte du manque de professionnalisme des journalistes et du manque de contrôle des autorités. Ces dérives, constitue « un véritable préjudice dans le monde médiatique en Tunisie ». 42 ATCE : Agence Tunisienne de Communication Extérieure 43 ATI : Agence Tunisienne d’Internet

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38 2) Pouvoir des médias durant le processus électoral

Est-il nécessaire de souligner l’importance des médias pendant une élection ? Le rôle primordial joué par les médias durant un processus électoral est évident. Les médias conditionnent les votes. En effet, ils déterminent le choix des électeurs et le regard qu’ils porteront sur les candidats. Ainsi l’activité médiatique a été dominée au courant du mois par la campagne électorale et ses résultats. Le rôle des médias durant cette période électorale a été déterminant. Le pouvoir de la presse écrite et des médias audiovisuels n’était contesté par aucun membre de la société ni par la scène politique, bien au contraire. A ce titre, l’ISIE ayant élaboré le cadre juridique réglementant les activités des médias en lien avec celle des politiques, soit le temps de parole des candidats, et les conditions d’utilisation de la publicité, affirme que les premières élections ont été relativement bien traitées du point de vue médiatique. Les médias auraient en effet respectés les « règles émises en matière de couverture des élections »44 affirme Larbi Chouikha. Néanmoins, plusieurs dérives médiatiques ont été constatées. Parmi elles, on remarque que l’instrumentalisation des médias est un moyen avéré dans les plus grandes démocraties afin d’orienter l’opinion publique. Cette technique bien que largement décriée, a été présente durant les premières élections libres en Tunisie. Kamel Sammari : « Ils ont eu un rôle néfaste parce que pendant la campagne il fallait sortir des informations, il y avait beaucoup de candidats, et j’aidais a l’époque Ettajdid (parti politique tunisien) dans leur communication, et je voyais les journalistes, c’est malheureux a dire, mais c’était pas du haut niveau. J’ai malheureusement constaté que c’était un secteur construit avec des milliers de personnes qui y travaillent, mais qui n’y font pas grand chose ». 2.1 Instrumentalisation directe des médias La transformation du système d’information dans un processus de transition démocratique suppose la fin des monopoles, qu’ils soient publics ou privés. Le système doit permettre une ouverture sur la diversité des opinions. Néanmoins, durant la campagne électorale, une instrumentalisation certaine des médias a été permise. Le pouvoir des médias a été si considérable qu’il a permit a un homme alors inconnu, Hechmi Hamdi, et a sa liste indépendante Al Aridha Achabiya, de percer et d’arriver en troisième position dans le résultats des élections du 23 Octobre 2011. Sa chaine de télévision, Al Mustaqillah, lui a 44 Larbi Chouikha, au cours de notre entretien, membre de l’INRIC

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permis de toucher la population tunisienne sans avoir a quitter son lieu de résidence : Londres ! Ce promoteur de télévision, Hechmi Hamdi a compris l’importance du petit écran et s’est mis en avant en devenant lui-même présentateur. 2.2 Résultats de l’observation des médias durant cette période Il est question ici, d’une étude des médias et de leur comportement face à la campagne électorale sur la période allant du 1 au 23 Octobre 2011. Afin de se baser sur des chiffres vérifiés, l’étude s’effectuera sur seulement quelques supports bien particulier à l’aide du monitoring des médias. Cette étude s’est effectuée sur les supports suivants : Ø Presse écrite : Le Temps et Assabah Ø Médias électroniques : Businessnews et Nawaat Ø Radios : RTCI et Mosaique FM Ø Chaines de télévision : Nessma Tv et Hannibal Tv a) Ainsi les principaux résultats de la presse écrite sont les suivants : Dans ce contexte de campagne électorale, la question des procédures électorales a occupé 68,03%45 des sujets. Les partis ont quant à eux beaucoup œuvré afin d’être couvert par la presse écrite, c’est le cas d’Ennahda qui arrive en tête avec 9,8% de taux de couverture, suivi par le PDP avec 6,07%. b) Ainsi les principaux résultats des stations de radios sont les suivants : Les questions relatives aux procédures électorales ont occupé 83,17% du temps de diffusion. Les émissions gratuites consacrées à la campagne ont quant à elle occupé près de 47,90% du temps de diffusion, suivies par les talk shows avec 21,64%. c) Principaux résultats dans les chaines de télévision : Les questions relatives aux procédures électorales ont été les plus importantes avec un taux de 82,58% du temps de diffusion sur les chaines observées. Les émissions gratuites concernant la campagne ont quant à elle occupé 67,33% du temps observé. En ce qui concerne le taux de couverture des partis à présent, il faut voir que le PDP se démarque de ses adversaires avec un taux d’activité estimé a 4,02%. Les autres partis comme Ettakatol ont eu 3, 16%, Ennahda

45 Monitoring des médias période du 1er au 23 octobre 2011

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2,65% et le CPR 2,48% du taux de couverture des discours et des candidats dans les médias télévisuels. d) Monitoring des réseaux sociaux : Les résultats du monitoring de la campagne électorale sur les réseaux sociaux par la MOE UE sur la période du 12 septembre au 22 octobre, n’a pas montré un engouement extraordinaire. En effet, le nombre de fans Facebook et Twitter des partis politiques n’a pas « connu d’augmentation significative durant cette période ». Selon la MOE UE toujours, « le flux des messages politiques ayant circulé sur l’Internet a été de faible intensité, sans commune mesure avec le rôle joué par les réseaux sociaux dans la diffusion de l’information durant la révolution ». 2.3 Neutralité des médias L’étude faite sur le monitoring des médias durant la période électorale révèle que 55,28% des stations observée n’étaient pas neutre dans leur traitement des activités et des déclarations des acteurs politiques. Ce taux est alarmant ! Voici le tableau relatif aux différents taux de neutralité des journaux. Ces tableaux sont issus de l’étude sur le monitoring des médias :

Toujours selon cette étude, « les stations publiques sont encore moins neutres que leurs concurrentes privées » néanmoins il faut voir que la station de radio Mosaique FM a été la moins partisane avec seulement 33,69% de taux de diffusion marqué par un parti-pris.

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L’analyse de l’orientation des chaines révèle que 56,53% ne sont pas neutres. Néanmoins, même constat que celui des stations radios, si les chaines publiques sont les moins neutres, les chaines privées telle que Nessma Tv ont été davantage respectueuse du principe de neutralité. En ce sens, Nessma tv n’a pas été neutre a 37,29% et Hannibal Tv a quant a elle un taux de manque de neutralité élevé a 23,28%.

2.4 La question de la publicité La publicité politique est apparue lors des élections de l’Assemblée Nationale Constituante du 23 octobre 2011 en Tunisie de façon considérable.

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La publicité partisane durant la période électorale a occupé 23,24%46 de la surface de la presse écrite, ce qui est tout a fait scandaleux lorsque l’on sait que l’ISIE avait ordonné l’abandon des publicités partisanes à partir du 12 Septembre. A y regarder de plus près, c’est l’UPL, le parti de Slim Riahi qui a largement contourné la loi en occupant 25,17% de couverture de la presse écrite. Le PDP, de Ahmed Néjib Chebbi a quant à lui, occupé, 7,33% de cette même surface quant au parti Ennahda, il n’aura occupé que 5,68% de couverture47. L’UPL (Union Patriotique Libre) est arrivé à la dixième place en terme d’investissements publicitaires, avec un peu plus de 2 millions de dinars. Le PDP (Parti Démocrate Progressiste) quant à lui, n’arrive qu’au treizième rang, avec 1,4 million de dinars48. Il y a eu absence de publicité partisane durant la période électorale, soit a peine 1,32% dans la presse écrite et 1,74% sur les stations radiophoniques. En effet, le travail de contrôle effectué par l’ISIE a semblé porté ses fruits. 3) Rôle et pouvoir des médias durant la période électorale Parlant de l’importance des médias, autrefois on disait « Donnez-nous un journal, nous vous donnerons un parti ». Pendant longtemps les médias ont joué un rôle essentiel dans la vie des partis, souvent porte-paroles de leurs directions, parfois, détracteurs de leurs actions. Durant cette période électorale, l’observation du traitement médiatique de la campagne a été sujet a discussion. En effet, les médias ont échoué dans leur capacité à rendre de manière juste l’ensemble des programmes électoraux. Alors que la Tunisie a subit une « révolution » pour des raisons que chacun connaît (chômage, inégalités régionales, difficultés économiques, liberté, dignité et autres revendications) cela n’a pas empêché les médias de dériver des sujets « importants » pour s’engager vers des sujets moins « difficiles » telle que la question identitaire. L ‘exemple le plus flagrant pour souligner ce propos est la diffusion par la chaine Nessma TV du film iranien « Persépolis ». Ce film qui représente « Dieu » (chose interdite dans l’islam) a évidemment choqué une très grande partie du peuple tunisien ce qui a directement donner un nombre de voix incalculable au Parti Ennahda. En effet, suite à la diffusion de ce film, un débat presque national a été lancé en faveur ou contre la diffusion de ce genre d’art, pour la Culture ou contre le blasphème. Ce débat qui a tout de même duré une très longue période, surtout à la veille des premières élections dont le thème principale de la 46 Monitoring de la première période du 1er aout au 25 septembre 2011 47 Monitoring des médias période du 1 aout au 25 septembre 2011

48 Ces chiffres sont issu de l’étude faite par l’Unesco sur les médias,

http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002192/219222f.pdf

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campagne a clairement été l’identité a joué un rôle certain dans la « victoire » de voix supplémentaires pour le Parti Ennahda. Ainsi l’importance des médias surtout en période de transition comme le vit la Tunisie, n’est donc pas à remettre en question. Il s’agit surtout aujourd’hui de garantir le droit a l’information, de fournir une formation « pointue » aux journalistes afin qu’ils ne soient plus influencés par les tentatives de diversion de certains partis politiques a qui le genre de polémique de Persépolis convient parfaitement, et soient plus a cheval sur les vrais problèmes des tunisiens, le genre de problèmes qui les a conduit à « faire » une « révolution ».

***

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III Les défis du paysage médiatique en Tunisie « Une démocratie est d'autant plus solide qu'elle peut supporter un plus grand volume d'informations de qualité. » De Louis Armand Extrait du Plaidoyer pour l'avenir Les médias tunisiens, sont confrontés à des difficultés structurelles qui compromettent leur mission de quatrième pouvoir en cette période délicate de transition démocratique. La contribution des médias tunisiens à la consolidation du processus démocratique en Tunisie, est entravée par une série de contraintes qui relèvent à la fois du contexte interne et externe de l’organisation des médias.

A. Obstacles et défis 1) Alphabétisation, urbanisation et circulation de l’information « Une société se définit par la langue qui la structure et qui donne une signification aux informations qu'on y échange. » De Jacques Attali Extrait du Les Trois mondes (pour une théorie de l'après-crise) Malgré un fort taux de pénétration des NTIC de l’ordre de 34% (Internet Word Stats juin 2010) les tunisiens résidant hors des grands centres urbains n’ont que très rarement accès à internet au sein de leurs domiciles. Ainsi, la question de la pauvreté et des inégalités de revenus entre en lien direct avec celle de l’accès aux différents médias qu’offre le paysage tunisien. Ainsi, même si la Tunisie a connu une réduction considérable de la pauvreté et une amélioration des indicateurs sociaux sous le Président Ben Ali, d’importantes inégalités socioéconomiques régionales subsistaient. Ce grand chantier qu’étaient ces inégalités a d’ailleurs été la raison du soulèvement qu’a connu la ville de Sidi Bouzid, mais également Thala et Kasserine. D’une manière générale ce sont les villes bordant le littoral qui étaient mieux traitées que les régions de l’intérieur pourtant productrices de richesses. Les disparités régionales ont montré une différence de traitement dans les prestations de service publique, dans les infrastructures, et évidemment dans l’accès au TIC. Pour des raisons évidentes d’organisation et d’un manque de données sur le sujet, il est encore

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impossible aujourd’hui de vérifier cette hypothèse, néanmoins, il s’agit ici de montrer que les médias ont chacun un pouvoir relatif sur la population tunisienne. Dans le sens où, en fonction de l’alphabétisation - ou non d’ailleurs - de la personne, de la langue qu’il parle – que ce soit l’arabe littéraire, le dialecte tunisien ou le français -, de son accès à l’information que ce soit par la télévision, les médias sociaux, les journaux, les radios ou bien encore le bouche à oreille, le type d’information et l’analyse de celles ci diffèrent. Rare sont les études portées sur le sujet, néanmoins, une analyse profonde du sujet permettrait de mieux comprendre le pouvoir joué par les médias durant les élections du 23 Octobre 2011 en Tunisie et pour les prochaines élections. En effet, Madwatch.net se définit comme le portail de référence en matière de veille et d'information marketing, communication et médias en Tunisie. Madwatch a publié un bilan des médias pour le début de l’année 2012 en terme de pénétration et de taux d’audience. Ce rapport Mediascan49, met en exergue deux points importants, le premier étant le taux de pénétration des médias qui permet un début d’étude, le deuxième s’illustre par son absence. Il n’y a que trois grandes villes qui sont étudiées, et non l’ensemble des villes du pays, ce qui constitue un manque considérable. Néanmoins, les deux tableaux ci dessous, issus du rapport Mediascan permettront de voir les différences de pénétration, de « pouvoir » des chaines de télévision et des stations de radios sur les tunisiens. Premier tableau montrant le taux de pénétration des chaines de télévision :

49 http://www.madwatch.net/dossier/Lettre%20Mensuelle%20Janvier%202012.pdf

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Deuxième tableau montrant le taux de pénétration des différentes stations de radio :

A titre d’exemple uniquement, même si il reste assez délicat d’évaluer avec précision le rôle joué par les réseaux sociaux, une chose est sure, la participation d’Al Jazeera a largement contribué a diffuser l’information et le vent de la révolte dans les régions les plus reculées, et dans les milieux populaires n’ayant pas forcément accès aux réseaux sociaux. Et ce surtout lorsque l’on sait que le réseau analogique des services de télévision publique atteint 99,8% des foyers selon l’ONT. L’impact de la « révolution » sur les médias tunisiens ne se limite pas à l’apparition de certains médias ou à réformer les lois qui légifèrent ce domaine. Il pose des questions de fond et pourrait amener ce secteur à entreprendre des transformations de taille. 2) La formation des journalistes La presse tunisienne a du et doit encore aujourd’hui s’adapter aux mutations sociales et aux changements politiques de sa société. Le lien qui unit la société aux médias est complexe est interdépendant, il doit donc être soigneusement entretenu. La presse tunisienne a plusieurs objectifs devant elle qu’elle cherche tant bien que mal à atteindre. Les questions de professionnalisation, par exemple, ou de spécialisation, de formation, de déontologie ou encore de respect des libertés, pour ne citer que quelques défis. Plusieurs personnalités telle que Larbi Chouikha, professeur universitaire à l’Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI) pointe le manque de formation des journalistes. Membre également de l’INRIC, il indique que : « L’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et la

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Communication (INRIC) a précisé dans son rapport qu’il y a 1063 journalistes professionnels en activité dont 53% sont diplômés du supérieur avec des parcours divers ». Ce qui revient à dire que le niveau d’étude est synonyme de professionnalisation et qu’il n’y a aucune spécialisation, les journalistes ne sont pas formé à un domaine mais peuvent circuler d’un département à l’autre au sein de la rédaction. Il y a donc un manque de formation flagrant des journalistes. Journalistes d’ailleurs, que Larbi Chouikha qualifie de « formatés pour lire des communiqués ». Ce manque de formation est un des défis majeurs que la Tunisie aura à mener afin de faire des médias, des plateformes véritables dans le débat démocratique.

B. Liberté et indépendance des médias 1) L’indépendance du contre pouvoir Ainsi, le gouvernement tunisien issu des élections du 23 Octobre 2011, bien conscient qu’il n’y a pas de démocratie sans liberté d’information a décidé d’organiser un séminaire. Le Président de la République, Moncef Marzouki, a ouvert le 18 juin dernier, le séminaire Les défis du paysage médiatique en Tunisie, en période de transition. Ce séminaire organisé par la Présidence de la République avec Konrad Adenauer Stifung a été boycotté par le SNJT. Lors de la première session de discussion du séminaire, qui s’est tenu à la Présidence, il a été question de la place faite à la liberté de la presse dans la Constitution, de la mise en place d’un nouveau système d’information et du principe d’autorégulation pour la presse écrite. Pour le Président de la République, qui a ouvert la discussion, la liberté de la presse et la démocratie sont liées. Une liberté qui, pourtant, n’est pas complètement protégée dans la Constitution d’après lui. Ainsi un autre grand défi pour les médias en Tunisie, serait la liberté de la presse. En effet, connaissant plusieurs affaires en Tunisie où la liberté des journalistes est remise en cause, le défi que constitue la liberté de la presse est entier. Les procédures intentées contre plusieurs journalistes témoignent de la fragilité du quatrième pouvoir en Tunisie. Nombreuses sont les procédures judicaires entamées contre des journalistes depuis ces deux dernières années comme la condamnation par contumace du directeur du journal électronique Businessnews, Nizar Bahloul50 et la traduction en justice de la bloggeuse Olfa Riahi suite à ses révélations sur le ministre des affaires étrangères, Rafik Abdessalem. Mais surtout, c’est 50 Nizar Bahloul a été condamné par contumace a quatre mois de détention pour un article publié en juillet

2011 intitulé : « Que cherche à cacher le ministère des affaires étrangères ? ». L’article avait déjà valu à son auteur des poursuites judiciaires.

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l’affaire de Sami Fehri51, qui fait le plus de bruit, sachant qu’il est maintenu illégalement en détention depuis plusieurs mois maintenant. Pour Néjiba Hamrouni, Présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens, il y a un : « acharnement des autorités contre les journalistes tunisiens » et elle affirmera même au cours de cette émission que : « la situation est pire que sous l’ère Ben Ali »52 1.1 Un long et douloureux apprentissage Néanmoins même si il est légitime de la part des journalistes de craindre à nouveau le musèlement de la profession dont la liberté a été récemment acquise, il n’en reste pas moins que certains dérapages leur font beaucoup de tort. Pierre Puchot, invité de l’émission le Grand bain sur France Inter, au sujet des médias en Tunisie, explique que le manque de « conscience » des journalistes entrainent souvent des diffamations. C’est le cas du « journal L’audace qui calomnie carrément, sans avoir d’éléments concrets sur les gens ». Ce journal n’étant qu’un parmi tant d’autres, caractérise tout de même le manque de la culture de vérification de l’information. Les réseaux sociaux, les blogs et internet, sont sujets aux rumeurs, et à toutes les dérives. Des dérives, il y en a également au sommet des médias soit à travers les patrons de médias. Le cas de Tahar Ben Hassine est l’un des plus évident. Ancien opposant de gauche, Tahar Ben Hassine a fait de sa chaîne, Al Hiwar, une tribune contre le gouvernement aujourd’hui au pouvoir. Ce patron d’une chaine de télévision va comparaitre devant un juge d’instruction pour répondre de l’accusation de « complot contre la sûreté de l’Etat ». En effet, Tahar Ben Hassine a appelé à la désobéissance civile, il a « incité à prendre les armes »53, à ne plus payer les impôts et à d’autres dérives du même acabit. Selon ses propres propos, Tahar Ben Hassine a soutenu que « les traitres sont ceux qui n’appellent pas au renversement de ce gouvernement »54. Une plainte a donc été déposée par le Président de la République Moncef Marzouki « contre tous ceux qui appellent à renverser l’Etat par l’armée », en vertu de l’article 70 du Code pénal tunisien qui stipule : « Est puni de deux ans d’emprisonnement, l’auteur de la proposition faite de former un complot, dans le but de commettre l’un des 51 Affaire Cactus Prod

52 Lundi 28 janvier 2013, sur les ondes de la radio Mosaique fm

53 Tahar ben Hassine comparaitra devant le juge d’instruction pour « complot contre la sûreté de l’Etat »,

10/09/13, AFP. http://www.huffpostmaghreb.com/2013/09/09/tahar-­‐ben-­‐hassine-­‐ proces_n_3895835.html 54 Tahar Ben Hassine : »les traitres sont ceux qui n’appellent pas au renversement de ce gouvernment », 18/07/13 http://www.huffpostmaghreb.com/2013/07/18/tahar-­‐ben-­‐hassine_n_3616019.html

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attentats contre la sûreté intérieure de l’Etat prévus aux articles 63,64 et 72 du présent code ». En ce sens, l’article 72 stipule qu’il est "punit de mort l’auteur de l'attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement, d'inciter les gens à s'armer les uns contre les autres ou à provoquer le désordre, le meurtre ou le pillage sur le territoire tunisien". Ainsi, l’instrumentalisation des médias en faveur des idéaux et valeurs de certains patrons de médias accessoirement dirigeants de parti politique, c’est le cas de Tahar Ben Hassine qui est un des dirigeants du parti Nida Tounes, estimant être au dessus des lois, font de leur chaine de télévision une tribune pour exposer leurs convictions politiques. L’incompétence, l’inconscience et l’irresponsabilité de certains journalistes et patrons de médias illustrent certaines dérives du paysage médiatique en Tunisie. 1.2 Un vide juridique qui pose problème Cela fait à présent plusieurs mois que l’INRIC a terminé son travail sur la réforme des médias et a fait promulguer deux textes encadrant la liberté de la presse. Ces décrets lois (115 et 116)55, le gouvernement les a jugé insuffisants. Le Premier Ministère a donc lancé une consultation des médias. Cependant durant ces tractations, c’est la situation de la liberté de la presse qui empire : il y a une augmentation des agressions faites aux journalistes et un vide juridique certain. Sana Sbouai, journaliste chez Nawaat, a conduit des interviews au sujet des décrets 115 et 116 auprès de Olvia Gré et Prisca Orsonneau de RSF. Interrogées sur la situation donc, c’est : « l’espoir de voir appliquer les décrets 115 et 116 s’amenuise de plus en plus, nous doutons de plus en plus de l’avenir de ces lois », explique Olivia Gré, présidente du bureau RSF de Tunis. « Ce qui est inquiétant pour nous c’est qu’aucune chance n’a été donnée aux textes 115 et 116. Si bien qu’aujourd’hui on a le sentiment qu’ils ont été disqualifiés d’entrée de jeu », explique Prisca Orsonneau, responsable du comité juridique de RSF. Pour Prisca Orsonneau toujours, l’ensemble des décrets 115 et 116 permet de garantir une réelle liberté de la presse.

55 Le décret-­‐loi N°115 de l’année 2011, daté du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de presse, d’édition et de publication. Le décret-­‐loi N°116 de l’année 2011, daté du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de communication audiovisuelle et à la création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA)

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50 2) La violence

2.1 Une escalade de violences depuis deux ans Bien avant la « révolution » comme l’explique Ahmed Néjib Chebbi, Président du Parti Al Joumhouri et ancien opposant à Ben Ali : « la police politique agressaient les journalistes indépendants, les militants déclarés et les activistes, aujourd’hui, n’importe quel journaliste peut se faire agresser et ce par n’importe qui », par n’importe qui il faut comprendre les forces de l’ordre, ou des partisans de partis politiques ou encore des groupes extrémistes. Les journalistes n’ont pas encore une situation favorable afin de pouvoir exercer leur métier en toute sécurité. Même si il est vrai que la liberté d’expression est acquise et que leurs conditions sont meilleures que sous l’ancien régime, certaines violences existent encore et il faut les condamner. LE SNJT a publié son rapport annuel sur la liberté de la presse en Tunisie le 3 mai 2012. En son sein on retrouve un recensement des violences faites à l’encontre des journalistes. Ce sont près d’une trentaine d’agressions commises contre des journalistes qui ont eu lieu sur la seule période du 3 mai 2011 au 3 mai 2012 : « Les agressions contre les journalistes, leurs structures professionnelles et certains médias ont atteint la moyenne d’une agression par semaine ». Sans vouloir faire un bilan exhaustif des agressions commises à l’encontre des journalistes il est bon néanmoins d’en rappeler quelque unes : -

Plusieurs journalistes ont été victimes de violences policières lors de manifestations des 5 et 6 mai 2011 réprimées par les forces de l’ordre (ils ont également investis les locaux du journal La Presse). RSF et le SNJT56 ont condamné ces dérives. « La violence déployée par les policiers au cours des derniers jours contre les journalistes rappelle de mauvais souvenirs, comme si les anciennes méthodes étaient de retour, près de quatre mois seulement après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali »57, a affirmait Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters Sans frontières.

56 Selon le communiqué de presse du SNJT (09/05/2011), 14 journalistes ont subis les violences

commises par les forces de police durant les manifestations des 5 et 6 mai 2011 57 Communiqué de presse de Reporter Sans Frontière du 06/05/2011.

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51 -

Il y a eu les 9 et 11 octobre 2011, l’attaque contre la chaine de télévision Nessma par près de 300 manifestants qui étaient venues protester conte la diffusion du film Persepolis.

-

Puis l’agression commise contre les journalistes et intellectuels Zyed Krichen et Hamadi Redissi qui ont été agressé par des « salafistes » devant le palais de Justice en Janvier 2012. Ils avaient été victime de coup de pied et de poings. Mais également l’agression de Sofiène Ben Hmida agressé lors du sit-in des forces de l’ordre. C’était le 11 Janvier 2012, le sit in qui avait lieu en face des locaux du ministère de l’intérieur, était en signe de protestation contre le limogeage de Moncef Laajimi, alors directeur général des brigades d’intervention. Sofiène Ben Hamadi avait été agressé par la foule.

-

Enfin on se souvient des violences qui ont éclaté les 23 et 24 Avril 2012 devant le siège de la Télévision tunisienne entre les journalistes de cet établissement et un groupe de manifestants présents devant le siège de la chaine venus réclamer l’épuration des médias publics.

Il convient de voir que cette question des violences contre les journalistes inquiète. Le Groupe d’observation de la Tunisie de l’IFEX s’est inquiété des attaques commises à l’encontre des journalistes. Et RSF a publié une lettre ouverte de Reporters sans frontières aux autorités tunisiennes le 12 Janvier 2012 appelant à respecter la liberté d’expression en Tunisie. Dans cet ordre d’idées, l’Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a procédé, depuis le mois d’octobre 2012, à la publication de communiqués et de rapports périodiques qui recensent les différentes violations et leurs natures, avec à chaque fois, les recommandations nécessaires pour y mettre fin et s’y opposer d’une manière efficiente. A ce titre, le rapport sur les violations commises sur la presse tunisienne au cours du mois d’août 2013 permet de comprendre avec précision les différentes problématiques attenantes au sujet des violences commises à l’encontre des journalistes. En effet, pour le seul mois d’août, ce sont 31 agressions recensées contre des employés du secteur des médias. Selon le rapport de l’OCTP sur le sujet, ces violences : « ont touché 14 femmes journalistes et 37 hommes exerçant dans 8 télévisions (La Télévision tunisienne, El Hiwar Ettounissi, Hannibal, El Moutawasset, Zeitouna, TNN, El Jazeera, El Âhd irakienne), 11 radios (Radios

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Gafsa, Tataouine, culturelle, Jeunes, Sabra FM, Shems FM, Oxygène FM, Mosaïque FM, Mahdia FM et Jawhara FM), 5 journaux (Essahafa, Ettounissia, 30 minutes, Ettariq Al Jadid et Akher Khabar), 4 sites électroniques (Astrolabe TV, Tunisie numérique, Nawaat et Tanit Presse) et une agence de presse (L’Agence Tunis Afrique Presse) ainsi que deux bloggeurs.»58 Les deux tableaux ci dessous indiquent le genre et les secteurs :

Le rapport étant assez complet, il indique également le « profil » des agresseurs. En effet, selon le rapport les partisans du pouvoir arriveraient en tête de la liste des agresseurs avec 58 Rapport sur les violations commises sur la presse tunisienne au cours du mois d’août 2013, rapport publié par le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, http://www.ctlj.org/index.php/fr/rapports

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« 10 agressions, suivis par les agents de sécurité à hauteur de 6 cas de violence » et enfin des « partisans de l’opposition avec 4 cas d’agression ». 2.2 Une recrudescence de violence envers les femmes La sphère journalistique a connu une recrudescence des agressions envers les journalistes depuis plusieurs mois. Cette escalade des violences amène de nombreuses inquiétudes quant au retour des anciennes pratiques. De ce fait, l’Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a procédé depuis le mois d’octobre 2012 à un bilan des violations commises sur les femmes journalistes. Ainsi durant la période allant d’octobre 2012 à Avril 2013, l’OCTP a recensé « 38 agressions commises sur des femmes, qui exercent dans le secteur de la Presse »59. Sur le graphique ci dessous, issu du rapport du OCTP, on peut suivre le rythme des agressions au cours des différents mois. C’est donc au mois de Janvier que le nombre des agressions est le plus élevé. Il atteint en effet les 15 agressions sur des femmes journalistes. Il faut cependant indiqué le contexte, durant le mois de janvier, ce sont plusieurs manifestations et grand rassemblement qui ont impliqué un grand déploiement des forces de l’ordre.

59 Rapport sur les violations commises sur les femmes journalistes, période allant d’octobre 2012 à Avril 2013 par le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, http://www.ctlj.org/index.php/fr/rapports/121-­‐ 2013-­‐05-­‐06-­‐10-­‐47-­‐56

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2.3 Des formations pour lutter contre les violences Comme il a été constaté plus haut, les violences faites à l’encontre des journalistes sont devenues monnaie courante en Tunisie. Néanmoins, cette situation doit être résolue dans les prochaines années, les rapports entre les journalistes, les citoyens ainsi que les forces de l’ordre, doivent changer. Afin d’arriver à ce changement, le DCAF60 (Democratic Control of Armes Forces) a mis en place des ateliers de discussions et de formations pour les forces de l’ordre. De manière générale, le DCAF mène des recherches sur les bonnes pratiques et encourage la mise en place de normes appropriées aux niveaux national et international. Il émet en outre des recommandations de politique générale, fournit un soutien consultatif aux acteurs sur le terrain ainsi que des programmes d’assistance pratique. Les partenaires de DCAF sont des gouvernements, des parlements, des sociétés civiles, des organisations internationales ainsi que les forces de sécurité telles que les forces de police, les autorités judiciaires, les services de renseignements, les services des douanes et les armées. En Tunisie, le DCAF est un programme d’assistance à la réforme du secteur de la sécurité, ensembles avec ses partenaires locaux. Ces formations qui ont débuté en Janvier 2013 sont menées par le DCAF en lien avec l’UNESCO sont à l’intention du ministère de l’intérieur et se construisent en deux parties61 : -

former les forces de sécurité à la liberté de la presse et à la sécurité des journalistes

-

établir un Code de conduite pour les forces de sécurité dans leurs relations avec les journalistes

De nombreux ateliers de discussions ont été mis en place afin de faciliter le dialogue entre forces de l’ordre et journalistes. Un « Forum de la sécurité » organise également un dialogue sur les relations entre les médias et les forces de sécurité. C’est sur les ondes de la radio nationale, RTCI, que le DCAF a mené le deuxième épisode du « Forum pour la sécurité » sous le titre « Quel rôle des médias pour renforcer la bonne gouvernance du secteur de la 60 Le Centre pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées – Genève (DCAF) un centre d’expertise créée en 2000 à l’initiative de la Confédération suisse. Le Centre promeut la bonne gouvernance et la réforme du secteur de la sécurité. Le DCAF comprend actuellement 60 États membres dont, depuis juillet 2011, la Tunisie. Dans ses activités, le DCAF est guidé par les principes de neutralité, d’impartialité, de participation inclusive et d’appropriation locale. 61 Entretien avec un des officiers du centre de formation de Salammbô désirant garder l’anonymat.

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sécurité en Tunisie ? ». Ce débat avait porté sur la nature et l’évolution des relations entre les médias et le secteur de la sécurité dont la question des agressions des journalistes62. Ces évolutions de comportement apporte un espoir quant à la difficile situation des journalistes et montre une volonté partagée de surmonter les obstacles et d’atteindre des relations de coopération, de partenariat et de respect mutuel pour le bon déroulement de la transition démocratique. 3) Egalité des genres dans les médias en Tunisie La femme tunisienne a depuis des millénaires, représenté, une certaine unicité dans le monde arabe. La Tunisie a toujours été un pays ouvert et où la femme a eu une place privilégiée. La femme tunisienne a pu avoir le droit de vote en 1957 ! De plus, le CSP, le code du statut personnel, qui consacre depuis le 13 aout 1956 – date de sa promulgation par le Président Habib Bourguiba – l’égalité de l’homme et de la femme. Ainsi la question de l’égalité des genres est une question récurrente lorsque l’on souhaite établir une démocratie. La « révolution » tunisienne est un tremplin parfait qui permet aux personnalités politiques, membres de la société civile et l’ensemble des femmes en général à cristalliser les droits des femmes dans l’univers médiatique. Le deuxième numéro de la revue trimestrielle « Femmes et médias au Maghreb » éditée par le bureau de l’Unesco à Rabat, a souhaité renforcer le débat sur « la culture et l’égalité ». L’une des nombreuses contributrice a été Irane Belkredim63 a insisté sur la « reproduction systématique de clichés dans les images et les messages médiatiques » ce qui traduit selon elle « une culture machiste fortement ancrée dans les esprits et qui continue de sévir »64. Ce bilan qu’elle dresse alors vaut pour l’ensemble des pays arabe y compris la Tunisie où les médias résument les femmes à des présentatrices d’émissions consacrées aux femmes, à la famille, aux journaux télévisés. Ces représentations même si elles sont nombreuses, ce qui permet aux femmes d’occuper les devantures, sont néanmoins « sexistes ». Dans un souci de justification,

62 RTCI et DCAF ont organisé le deuxième épisode du « Forum de la Sécurité » le 20 juin 2012, avec la participation du Lieutenant-­‐colonel Tarek Amraoui, responsable de la communication à la Garde nationale, Mme. Olivia Gré, responsable du bureau de Tunis de Reporters sans Frontières (RSF), M. Zied el Héni, membre du bureau exécutif du Syndicat National des Journalistes Tunisiens et de la Fédération Africaine des Journalistes et M. Jonas Loetscher, du Centre de Genève pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées (DCAF). 63 Ikrane Belkredim, journaliste indépendante, Algérie 64 « Femmes et médias au Maghreb », Revue d’analyse n2 p.4

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il est possible de se référer au rapport « Femmes arabes et médias » publié en 2005 par le Center of Arab Woman for Training and Research (CAWTAR) qui soulignait alors que « 78% des images des femmes véhiculées par les médias sont négatives et ne sont pas en accord avec la réalité ».

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Conclusion « Internet n'est pas seulement une révolution industrielle. C'est aussi une révolution politique : elle touche au pouvoir ; elle bouleverse les rapports de force. Par là, elle est profondément déstabilisatrice. » De Jean-Marie Messier Non la « révolution » tunisienne, n’a pas été une « révolution 2.0 », le rôle des médias sociaux, soit des réseaux sociaux et des médias alternatifs, a certes permis la mobilisation mais il n’a pas déclenché le soulèvement populaire qui a eu lieu du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011. Les médias étrangers ont largement contribué à diffuser l’information, comme Al Jazeera dont l’impact a été considérable et ce à travers toute la Tunisie, car ces médias se devait de remplir le vide laissé par les médias nationaux traditionnels. Mais les médias étrangers non pas non plus « fait » la « révolution » tunisienne, ils y ont toutefois lourdement contribué. En réalité, la « révolution tunisienne » a été un assemblage de ces médias et de leur pouvoir et de nombreuses manipulations qui ont engendré le départ du Président Ben Ali. C’est le départ, seul et unique qui a fait la « révolution ». Loin de vouloir minimiser le rôle des médias, leur pouvoir a été évident et repose sur une conscience populaire certaine. Comme le suggérait Jean Jaurès, « Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience », les tunisiens étaient conscients des dérives de l’ancien régime et en cela, le peuple était prêt au changement. Tout comme aujourd’hui, il est prêt à une transition démocratique dont les médias seront les artisans. Leur importance a été vitale au lendemain du 14 janvier où la transition démocratique a été de mise. On a coutume de mesurer la santé d’une démocratie a l’indépendance de ses contre pouvoirs. Depuis le départ du Président Zine El-Abidine Ben Ali, la Tunisie fait face à la liberté et doit apprendre à la maitriser. La « révolution » tunisienne a triomphé de l’un des plus importants slogans: La liberté. Il aura été question ici d’étudier le rôle et les pouvoirs dont ont disposé les médias durant cette période sensible du passage entre un pouvoir autocratique à la construction d’institutions démocratiques. A la question : est ce que les médias tunisiens constituent un quatrième pouvoir en Tunisie ? La réponse est oui. Les médias remplissent leur rôle, le débat démocratique est là, ce qui n’est pas forcément évident compte tenu de l’instabilité du paysage politique. Les médias tunisiens tentent aujourd’hui de répondre aux exigences du peuple tunisien qui a besoin d’informations vérifiées et de débat politique favorisant une

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transition démocratique à la hauteur des espérances. La diversité et le pluralisme étant assuré, l’indépendance et la liberté d’expression aussi, le paysage médiatique tunisien semble avoir pris le pli de la révolution et malgré des difficultés et des défis certains a relever, les médias tunisiens, semble avoir acquis leur rôle de contre pouvoir. Malgré les difficultés qui se présentent, le manque de professionnalisation des journalistes, les violences subies par la sphère journalistique, la parité, et autres défis, c’est aujourd’hui la question de la pénétration des médias et des TIC qui attire le plus l’attention. L’accès à l’information est un enjeu de taille en Tunisie. Même si la Tunisie dispose de l’une des infrastructures de télécommunication les plus avancées d’Afrique, il n’en reste pas moins que nombreuses sont les régions où l’accès à l’information reste très relatif. La segmentation de la population en terme d’accès a l’information de par sa langue d’abord, puis à travers les supports : écrits, radiophonique, audiovisuel, internet, TIC et d’autres et quelle information ensuite, ceci est un enjeu majeur. Cette piste de réflexion doit faire l’objet d’études sérieuses car ces questions conditionnent l’efficacité du débat démocratique, du pouvoir des médias, de leur capacités à être un contre pouvoir et en somme à permettre aux tunisiens de devenir des citoyens alertes et alertés.

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TABLE DES MATIERES Liste des sigles Avant propos, avertissement Résumé Méthodologie

INTRODUCTION

I. ROLE ET POUVOIR DES MEDIAS DANS LA REVOLUTION TUNISIENNE A. ETAT DES LIEUX DES MEDIAS D’OPPOSITION SOUS BEN ALI •

L’EXEMPLE PARLANT DU MAWKEF

8 11 12 12

B. ETUDE DES MEDIAS TRADITIONNELS DE LA REVOLUTION A LA TRANSITION DEMOCRATIQUE

13

1) FOCUS SUR LES MEDIAS NATIONAUX 1.1 LES MEDIAS CLASSIQUES AUX MAINS DE L’ANCIEN REGIME 1.2 DE LA CENSURE À L’AUTO CENSURE EN PASSANT PAR LA REPRESSION 1.3 DANS LA NUIT DU 13 AU 14 JANVIER

13 13 13 14

2) ROLE ET POUVOIR DES MEDIAS INTERNATIONAUX 2.1 LE ROLE DES MEDIAS ETRANGERS DANS LA « REVOLUTION TUNISIENNE » 2.2 LES MEDIAS ETRANGERS EN TUNISIE BIEN AVANT LE 14 JANVIER • FOCUS SUR AL JAZEERA 2.3 LES MEDIAS ETRANGERS ONT-ILS CONTRIBUE AU DECLENCHEMENT DU SOULEVEMENT POPULAIRE ?

16 16 17 17

C. LE NUMERIQUE, UNE LIBERATION ?

20 20

1) LA TUNISIE, INTERNET ET LE DEVELOPPEMENT DES NTIC 1.1 LA CYBERDISSIDENCE BIEN AVANT LE 14 JANVIER 1.2 LES MEDIAS SOCIAUX ONT-ILS FAIT LA « REVOLUTION » • FACEBOOK, LE MEDIA DE LA « REVOLUTION » TUNISIENNE 1.3 DES MEDIAS ALTERNATIFS • NAWAAT, CE MEDIA CITOYEN ALTERNATIF

21 21 22 24 25 26

2) L’ACTION SALVATRICE D’INTERNET EN TUNISIE

27

II. ENJEU DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE A. L’ENJEU MEDIATIQUE COMME VECTEUR D’INFORMATION

29 29

1) LA LIBERTE D’INFORMATION

29

2) PLURALISME ET DIVERSITE

30

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60 2.1 LES DIFFICULTES RENCONTREES PAR LES NOUVEAUX MEDIAS 3) L’ADOPTION D’UN CADRE JURIDIQUE RELATIF AUX MEDIAS 3.1 CREATION DE NOUVELLES INSTANCES 3.2 UN FLOU JURIDIQUE ET UN MANQUE DE TRANSPARENCE

32 32 32 35

B. PERFORMANCE DES MEDIAS EN TANT QUE PLATEFORME DANS LE DEBAT DEMOCRATIQUE 36

1) ETAT DES LIEUX DES MEDIAS EN PERIODE DE TRANSITION 1.1 LES ACQUIS DES MEDIAS EN CETTE PERIODE DE TRANSITION 1.2 DES DIFFICULTES ENCORE TRES PRESENTES

36 36 37

2) POUVOIR DES MEDIAS DURANT LE PROCESSUS ELECTORAL 2.1 INSTRUMENTALISATION DIRECTE DES MEDIAS 2.2 RESULTATS DE L’OBSERVATION DES MEDIAS DURANT CETTE PERIODE 2.3 NEUTRALITE DES MEDIAS 2.4 LA QUESTION DE LA PUBLICITE

38 38 39 39 41

3) ROLE ET POUVOIR DES MEDIAS DURANT LA PERIODE ELECTORALE

42

III. LES DEFIS DU PAYSAGE MEDIATIQUE EN TUNISIE A. OBSTACLES ET DEFIS

44

1) ALPHABETISATION, URBANISATION ET CIRCULATION DE L’INFORMATION

44

2) FORMATION DES JOURNALISTES

46

B. LIBERTE ET INDEPEPENDANCE DES MEDIAS

47

1) L’INDPENDANCE DU CONTRE POUVOIR 1.1 UN LONG ET DOULOUREUX APPRENTISSAGE 1.2 UN VIDE JURIDIQUE QUI POSE PROBLEME

47 48 49

2) LA HAUSSE DES VIOLENCES 2.1 UNE ESCALADE DE VIOLENCES DEPUIS DEUX ANS 2.2 UNE RECRUDESCENCE DE VIOLENCE ENVERS LES FEMMES 2.3 DES FORMATIONS POUR LUTTER CONTRE LES VIOLENCES

49 49 53 53

3) EGALITE DES GENRES DANS LES MEDIAS EN TUNISIE

55

CONCLUSION ANNEXE

44

56 60

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61

Annexe Références : IPSI : L’Institut de presse et des sciences de l’information de l’Université de la Manouba (IPSI), fondé en 1967, forme les étudiants tunisiens aux métiers du journalisme et de la communication. L’Institution dépend du Ministère de l’Enseignement supérieur. SNJT : Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), fort de 1.200 membres environ, a tenu le deuxième congrès de son histoire les 4 et 5 juin 2011. Un nouveau bureau exécutif, unanimement reconnu, a été élu, avec à sa tête une Présidente, la journaliste Nejiba Hamrouni.

Bibliographie : Yves Gonzalez-Quijano, Arabités numériques, Le Printemps du Web arabe, Paris, 2012, Sindbad Cardon Dominique, La démocratie Internet : promesses et limites, Paris, 2010, Seuil. Chouikha Larbi, « Un cyberspace autonome dans un espace autoritaire: l’expérience de Tunisnews », in Mohsen-Finan Khadija (dir.), Les Médias en Méditerranée : nouveaux médias, monde arabe et relations internationales, Arles, 2009, Actes Sud et MMSH, p. 217235. Philippe Berton, La parole manipulée, Editions La Découverte & Syros, 2000, Paris. Chouikha Larbi et Gobe Éric, « La force de la désobéissance : retour sur la chute du régime de Ben Ali », Revue Tiers-Monde, 2011, Hors série, p. 219-226. Naoufel Brahmi El Mili, Le Printemps Arabe, une manipulation ?, 2012, Paris, Max Milo. Dobry Michel, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, Presses de Sciences Po. 1986,

Entretiens : -

Jean Yves Quijano, enregistrement audio, retranscription disponible sur demande. Arnaud Castaignet, enregistrement audio, retranscription disponible sur demande, Kamel Sammari, enregistrement audio, retranscription disponible sur demande, Larbi Chouikha, enregistrement audio, retranscription disponible sur demande, Lotfi Hajji, entretien téléphonique, Safia Mestiri et Mehdi Jlassi, entretien téléphonique, Raouf Khalsi, discussion informelle.

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62

Evénements : -

Conférence « révolutions arabes : révolutions 2.0 ? » tenue le 16 mai 2013 à Paris Conférence-débat « Printemps arabe : les médias sociaux, un outil pour la liberté ? » tenue le 24 juin 2013 au Manoir de Martigny Conférence du Machrek et du Maghreb : « Médias communautaires et le printemps arabe », tenue à l’hôtel Majestic, Tunis les 9 et 10 mars 2012 Conférence sur le thème « Quel rôle pour l’agence TAP dans le nouveau paysage médiatique » tenue à Tunis le 03 mai 2013,

Notes : 1- Sociologie des crises politiques, Michel Dobry, Paris, Presses de Science po, 2009 3 - Décret No 105 du 25 avril 1957 portant institution d'un monopole de la radiodiffusion sonore et visuelle en Tunisie et la création d'un budget annexe de la Radiodiffusion et Télévision Tunisienne 4 - Le Temps, Assabah, Businessnews et Nawaat. 5 - Rachid Khechana « Les médias tunisiens face à la prépondérance de l'Etat partisan », Confluences Méditerranée 2/2009 (N°69), p. 99-105. URL : www.cairn.info/revueconfluences-mediterranee-2009-2-page-99.htm. DOI : 10.3917/come.069.0099. 6 - Sondage d’opinion sur la situation et l’impact de la révolution sur les médias-presse, Tunis Avril 2011 : Disponible sur http://www.istis-tunisie.com/medias/rapport-situation-politiquemedia-presse.pdf. 7 - Safia Mestiri, historienne et journaliste. Entretien en annexe. 8 - Les chaines Hannibal Tv et Nessma TV ont été créées respectivement en 2005 et en 2007 9 - Le Temps, 21 décembre 2010 soit quatre jours après le début des affrontements 10 - Ridha Najjar, Tribune « Nostra Culpa », parue le 17 janvier 2011 sur le site Businessnews disponible sur : http://www.businessnews.com.tn/M%C3%A9dias--Nostra-culpa,526,23066,3 11 - Larbi Chouikha, professeur a l’IPSI, membre de l’INRIC – entretien du 14/08/2013 12 - Rachid Khechana « Les médias tunisiens face à la prépondérance de l'Etat partisan », Confluences Méditerranée 2/2009 (N°69), p. 99-105. 13 - Al Jazeera est une chaine d’information internationale basée au Qatar lancée en novembre 1996. Al Jazeera est diffusée dans le monde entier sur deux canaux : le premier en arabe, le second en anglais (depuis 2006).

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14 - Rachid Khechana « Les médias tunisiens face à la prépondérance de l'Etat partisan », Confluences Méditerranée 2/2009 (N°69), p. 99-105. URL : www.cairn.info/revueconfluences-mediterranee-2009-2-page-99.htm. DOI : 10.3917/come.069.0099. 15 - Wadah Khanfar, le directeur général, a été remercié en septembre 2011 et remplacé par Cheikh Ahmad al-Thani 16 - Yves Gonzalez-Quijanno Arabités numériques, Le Printemps du Web arabe, Sindbad p.61 17 - http://www.internetworldstats.com/africa.htm#tn 18 - Opening Closed regimes : What was the Role of Social Media During the Arab Spring ? http://pitpi.org/index.php/2011/09/11/opening-closed-regimes-what-was-the-role-of-socialmedias-during-the-arab-spring/. 19 - Yves Gonzalez-Quijanno Arabités numériques, Le Printemps du Web arabe, Sindbad p.79 20 - Romain Lecomte, Docteur en sciences politiques et sociales, université de Liège 21 - Romain Lecomte, « Révolution tunisienne et Internet : le rôle des médias sociaux », L’Année du Maghreb, VII | 2011, 389-418. 22 - Dominique Cardon, « une découverte effectuée par hasard » 2010. 23 - Romain Lecomte, « Révolution tunisienne et Internet : le rôle des médias sociaux », L’Année du Maghreb, VII | 2011, 389-418. 24 - Généré avec Google Insights : http://www.google.com/insights 25 - Article de Frida Dahmani, publié le 28/11/12 sur Jeune Afrique http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2706p095.xml0/ 26 - Article d’Agnes Rousseaux, entretien avec Malek Khadraoui rédacteur en Chef de Nawaat http://www.bastamag.net/article3006.html 27 - Nawaat est financé par Open Society Institute, et est doté du logiciel édité par Google 28 - Analyse du projet de Constitution tunisienne, Note rédigée par le Comité juridique de Reporters sans frontières 29 - Développement des médias en Tunisie, étude basée sur les indicateurs de développement des médias de l’UNESCO, rapport préliminaire version du 9 juillet 2012 30 - Début des émissions en date du 29 décembre 2011 31 - Décret-loi n°2011-10 du 2 mars 2011

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32 - Selon l’Etat des lieux des médias tunisiens après la révolution du 14 janvier 2011 et les élections du 23 Octobre 2011 – Groupe des partenaires techniques et financiers en appui au secteur des médias tunisiens. http://www.appui-media-tunisie.com/?page_id=16 33 - Décret-loi 2011-115, op. cit., Articles 33-38 34 - Développement des médias en Tunisie, étude basée sur les indicateurs de développement des médias de l’UNESCO, rapport préliminaire version du 9 juillet 2012 35 - Décret-loi n° 2011-116 du 2 novembre 2011 36 - Selon l’Etat des lieux des médias tunisiens après la révolution du 14 janvier 2011 et les élections du 23 Octobre 2011 – Groupe des partenaires techniques et financiers en appui au secteur des médias tunisiens. http://www.appui-media-tunisie.com/?page_id=16 37 - Développement des médias en Tunisie, étude basée sur les indicateurs de développement des médias de l’UNESCO, rapport préliminaire version du 9 juillet 2012 38 - Selon les taux actuels (Aout 2013) cela équivaut à 2500€ à 5000€ d’amende. 39 - Larbi Chouikha, professeur a l’IPSI et membre de l’INRIC 40 - Etude sur le développement des médias en Tunisie, basée sur les indicateurs de développement des médias de l’UNESCO 41 - Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies dans son Observation générale n°34 sur l’Article 19 du PIDCP 42 - ATCE : Agence Tunisienne de Communication Extérieure 43 - ATI : Agence Tunisienne d’Internet 44 - Larbi Chouikha, au cours de notre entretien, membre de l’INRIC 45 - Monitoring des médias période du 1er au 23 octobre 2011 – effectué par l’ATFD l’Association des femmes démocrates – PDF 46 - Monitoring de la première période du 1er aout au 25 septembre 2011 - effectué par l’ATFD l’Association des femmes démocrates – PDF 47 - Monitoring des médias période du 1 aout au 25 septembre 2011- effectué par l’ATFD l’Association des femmes démocrates – PDF 48 - Ces chiffres sont issu de l’étude faite par l’Unesco sur les médias, http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002192/219222f.pdf 49 - http://www.madwatch.net/dossier/Lettre%20Mensuelle%20Janvier%202012.pdf

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50 - Nizar Bahloul a été condamné par contumace a quatre mois de détention pour un article publié en juillet 2011 intitulé : « Que cherche à cacher le ministère des affaires étrangères ? ». L’article avait déjà valu a son auteur des poursuites judiciaires. 51 - Affaire Cactus Prod - Pour plus de détails voir : http://www.mosaiquefm.net/fr/index/a/ActuDetail/Element/23544-sami-fehri-libere-dans-laffaire-de-cactus-prod-mais-reste-en-prison# 52 - Lundi 28 janvier 2013, sur les ondes de la radio Mosaique fm 53 - Tahar ben Hassine comparaitra devant le juge d’instruction pour « complot contre la sûreté de l’Etat », 10/09/13, AFP. http://www.huffpostmaghreb.com/2013/09/09/tahar-benhassine-proces_n_3895835.html 54 - Tahar Ben Hassine : »les traitres sont ceux qui n’appellent pas au renversement de ce gouvernment », 18/07/13 http://www.huffpostmaghreb.com/2013/07/18/tahar-benhassine_n_3616019.html 55 - Le décret-loi N°115 de l’année 2011, daté du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de presse, d’édition et de publication. Le décret-loi N°116 de l’année 2011, daté du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de communication audiovisuelle et à la création d’une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) 56 - Selon le communiqué de presse du SNJT (09/05/2011), 14 journalistes ont subis les violences commises par les forces de police durant les manifestations des 5 et 6 mai 2011 57 - Communiqué de presse de Reporter Sans Frontière du 06/05/2011. 58 - Rapport sur les violations commises sur la presse tunisienne au cours du mois d’août 2013, rapport publié par le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, http://www.ctlj.org/index.php/fr/rapports 59 – Rapport sur les violations commises sur les femmes journalistes, période allant d’octobre 2012 à Avril 2013 par le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, http://www.ctlj.org/index.php/fr/rapports/121-2013-05-06-10-47-56

60 - Le Centre pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées – Genève (DCAF) un centre d’expertise créée en 2000 à l’initiative de la Confédération suisse. Le Centre promeut la bonne gouvernance et la réforme du secteur de la sécurité. Le DCAF comprend actuellement 60 États membres dont, depuis juillet 2011, la Tunisie. Dans ses activités, le DCAF est guidé par les principes de neutralité, d’impartialité, de participation inclusive et d’appropriation locale. 61 - Entretien avec un des officiers du centre de formation de Salammbô désirant garder l’anonymat. 62 - RTCI et DCAF ont organisé le deuxième épisode du « Forum de la Sécurité » le 20 juin 2012, avec la participation du Lieutenant-colonel Tarek Amraoui, responsable de la communication à la Garde nationale, Mme. Olivia Gré, responsable du bureau de Tunis de Reporters sans Frontières (RSF), M. Zied el Héni, membre du bureau exécutif du Syndicat

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National des Journalistes Tunisiens et de la Fédération Africaine des Journalistes et M. Jonas Loetscher, du Centre de Genève pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées (DCAF). 63 - Ikrane Belkredim, journaliste indépendante, Algérie 64 - « Femmes et médias au Maghreb », Revue d’analyse n2 p.4

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