AUTOUR DU FEU

FOND Ainsi fond,fond

"Venez jeudi, c’est Tic-tac, tic-tac, voilà 225 ans part toquer chez l’évêque pour jour de coulée que la première cloche Paccard réclamer un prêtre. L’évêque et c’est toujours un moment ma- tintinnabule, dans le petit village accepte, mais lui demande, en gage de bonne foi, d’équiper gique ! Dans la foulée, je donne de Quintal. Depuis 7 générations son clocher d’une cloche, sinon un petit concert « cloches voix et de père en fils, une ribambelle rien ! Conquête des diables à l’Ars Sonora ». Je suis la seule faire ça…”. Anne Paccard - de ding-ding-dong résonnent pour trouver un fondeur itinérant. C’est le Carougien Jeanl’épouse de Philippe Paccard, 7e dans les clochers : la fonderie, Baptiste Pitton qui répond à génération - est tellement pleine aujourd’hui installée à Sévrier, l’appel, malgré les interdictions. d’entrain, qu’entre curiosité et sourire contagieux, l’invitation nous sonne les cloches en beauté. Il a lui aussi une exigence : avoir un apprenti pour l’aider à façonest sitôt acceptée. Elle m’exPAR MAGALI BUY - PHOTOS : YANNICK PERRIN ner, lettré de préférence, autant plique d’emblée que la musique éviter d’écrire des fautes sur a toujours été au centre des préoccupa- Derrière la montagne du Semnoz, à la cloche ! Le maire a le profil, il lui file tions de la famille, qu’il fallait faire des Quintal comme ailleurs, on déchante : le un coup de main et se découvre une cloches, oui, mais surtout des cloches clocher est vide et le prêtre a déserté de vraie passion. Antoine Paccard est dans qui sonnent juste et joli. Et quel travail peur de « se faire raccourcir », explique la place. d’orfèvre ! Depuis 1796, année des pre- avec humour Caroline, guide à la fondemières pièces en fusion, tout roule, ça rie. “A cette époque, on interdit égale- COULÉE DOUCE coule, et c’est bien joué. ment la fabrication des cloches puisqu’il Il crée son petit atelier qu’il préfère à l’itiy a des discordes entre les religieux. Les nérance. Il est attaché à son village et ne BELL HISTOIRE appels à la messe sont impossibles, on souhaite pas en partir, ce qui lui permet Tout démarre de là. Un coup du hasard ne peut fêter ni les évènements heureux aussi de peaufiner son apprentissage et ou du bon dieu, allez savoir ! La révo- ni les malheureux, et comme il n’y avait d’en découvrir les moindres secrets. Il lution a laissé des traces et la terreur pas de montre à cette époque, difficile mène son bout de chemin et passe le vidé tous les clochers de France et de rythmer les journées !”. Le maire flambeau à la deuxième génération, qui de Navarre pour en faire des canons. prend alors le taureau par les cornes et met le turbo. La gare d’Annecy est

Coulée de cloches à la Fonderie Paccard

en construction, et la fonderie devenue trop juste déménage à Annecy-le-Vieux entre 1854 et 1857. Plutôt malin ! Les cloches profitent du wagon, voyagent de plus en plus et s’exportent à gogo. En France, puis dans le monde entier, la Maison Paccard se fait un nom et depuis, rien ne l’arrête. “On a étudié notre sujet en profondeur : la taille, le profil, vont donner des notes particulières. Ce sont des instruments de musique au final. L’Orchestre National de Paris était d’ailleurs ici la semaine dernière. C’est la musicalité qui fait beaucoup la différence de nos cloches”, précise Anne. Car c’est l’épaisseur qui joue. Plus c’est fin plus c’est grave, plus c’est épais et étroit à l’intérieur, plus les vibrations sont rapides et le son aigu. Tout un art !

SORTIR DE SES DONG !

Et quand l’heure de la coulée sonne, le monde s’arrête. Dans l’immense atelier aujourd’hui à Sevrier, fondeurs et maîtres fondeurs ont des allures de cosmonautes et de soudeurs de l’espace, protégés de la chaleur, des projections et de la lumière dégagées par les métaux. Et quel spectacle ! Il faut dire que le bronze en fusion, ça rougeoie sévère ! Composé de 78% de cuivre et 22% d’étain, le métal à cloche est très particulier, mais parfait pour la musicalité. A 1200 degrés, il est coulé avec une précision qui donne chaud. Autour se trouve un autre moule, en argile, appelé carapace, où sont gravés à l’envers et à l’intérieur, tous les reliefs qui apparaîtront à l’endroit sur la cloche. “Un test est toujours fait au préalable avant la coulée finale pour voir si le bronze est parfait. Comme un bon pain, la mie serrée !”, plaisante Anne. Fastoche !

C’EST DING !

Et de là sont fabriquées toutes les cloches. D’église, d’orchestre, de maison, carillons et même Ars Sonora® - concept sculptural inventé par la fonderie, avec plusieurs cloches accordées -, des emblématiques et exceptionnelles, de la plus petite à la plus imposante. Pour le passage à l’an 2000, les Américains ont passé commande d’une cloche de 33 tonnes, 4 mètres de haut et 4 mètres de diamètre pour sonner les 12 coups de minuit. “En 1950, on a fait la Liberty Bell, réplique de celle qui a sonné l’indépendance aux Etats-Unis, une pour chaque état américain soit 54 pièces. Mais on a aussi coulé la Savoyarde, la plus grosse cloche de France placée dans la Basilique du Sacré Cœur de Montmartre, et celle du Pourquoi Pas, navire du commandant Charcot. Vous imaginez, on a des lettres de lui dans nos archives !!! En 225 ans d’histoire, on en a des choses à raconter...”

+ d’infos : www.musee-paccard.com

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