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« IL N’EST PAS ÉCRIT QUAND JE VAIS M’ARRÊTER… »
Le 9 février 2023, à Accra, au Ghana, la cycliste Aurélie Halbwachs-Lincoln se rappelait aux bons souvenirs du peloton africain en devenant, à 36 ans, championne d’Afrique du contre-la-montre individuel, cinq ans après son dernier sacre sur le plan continental. En effet, depuis la pandémie de Covid-19 et l’incertitude qui régnait à travers le monde, la championne mauricienne s’était quelque peu éloignée des pelotons, et est devenue maman pour la deuxième fois.
Mais sa passion pour le cyclisme est restée la même et elle a retrouvé les sommets grâce, dit-elle, à une discipline et une bonne organisation. Pour Sport Together, elle retrace son parcours, parle de ses ambitions, dresse un bilan de l’évolution du cyclisme féminin en Afrique et parle de sa vie de sportive de haut niveau et de maman.
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AURÉLIE HALBWACHS-LINCOLN, CHAMPIONNE D’AFRIQUE DU CLM CYCLISTE
Aurélie Halbwachs-Lincoln, vous êtes redevenue championne d’Afrique six ans après votre dernier sacre. Quand vous avez passé la ligne d’arrivée du contre-lamontre individuel, à Accra, qu’avez-vous ressenti ?
A ce moment-là, il y a eu un énorme sentiment de satisfaction, celui d’avoir réussi à retrouver le plus haut niveau africain après six ans. La concurrence progresse. De mon côté, j’arrive à être plus forte qu’avant. C’est là tout le plaisir et toute la satisfaction à tirer de cette participation.
Vous vous êtes fait bien discrète ces dernières années, au point que beaucoup pensaient que vous aviez rangé le vélo. Peut-on savoir ce qui s’est passé ?
Je n’ai jamais décidé d’arrêter. En fait, c’est la Covid-19 qui est venue s’imposer. Alors, j’ai pris un peu de recul. Et puis, avec mon époux Yannick, nous avions décidé d’avoir un deuxième enfant. Mais à la condition expresse que je puisse pratiquer mon sport. Et voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Maman de deux enfants, working girl, athlète de haut niveau… Et vous arrivez toujours à être au top. Quel est donc votre secret ?
Je pense que j’ai toujours le potentiel ! Honnêtement, je ne m’attendais pas à revenir en forme aussi vite. Il n’y a pas de secret à proprement dit. Je regarde les objectifs que je peux me fixer et je travaille dessus.
Comment arrivez-vous à concilier vos deux vies ?
C’est difficile, à vrai dire. C’est avant tout une question de discipline. Depuis un an, j’ai démissionné de mon job dans une salle de sport et me suis installée à mon compte. C’était donc toute une organisation à revoir. Mais j’arrive à gérer mon temps et à m’en sortir.
Vous attendiez-vous à revenir aussi vite au plus haut niveau ?
Pour être honnête, je ne m’y attendais pas. Par exemple, j’avais visé les Jeux du Commonwealth 2022 (à Birmingham, en Angleterre, ndlr) et donc fait une croix sur les championnats d’Afrique, avec une préparation spécifique pour Birmingham. Grand bien m’en a pris vu que je termine dans le peloton de tête, celui qui joue la première place. C’est une question de planification, de se fixer des objectifs et de tout faire pour les atteindre.
Vous avez été, pendant longtemps, le seul élément féminin du peloton. Mais aujourd’hui, le nombre de filles a augmenté…
C’est génial, à vrai dire ! Plus il y a de filles, mieux c’est. Je veux dire par là que ça encourage une compétition saine. Et puis, ça permet de vivre des expériences en équipe. Pendant très longtemps, j’ai été la seule cycliste lors des déplacements. Aujourd’hui, je peux partager les voyages des filles qui sont devenues des amies. C’est magique de vivre de tels moments ensemble. Et j’espère que ça va durer.
Ces filles sont vos amies, dites-vous. Laquelle vous a le plus impressionnée ?
Chacune de ces filles a des qualités. Et elles m’impressionnent toutes à leur façon. Par exemple, Kimberley (Lecourt de Billot) fait de super résultats en Afrique du Sud. Raphaëlle (Lamusse) continue de progresser. Lucie (Lagesse), elle, est la dernière arrivée, mais elle a fait d’incroyables progrès.
En quoi sont-elles impressionnantes ?
De par leur engagement à progresser. Elles s’investissent beaucoup, et les résultats s’en ressentent. Ce qu’on a fait ensemble sur le contre-la-montre par équipe à Accra, c’est vraiment impressionnant. Et c’est pour moi une vraie fierté d’avoir couru avec elles, comme une vraie équipe.
De vos débuts en 2006 à aujourd’hui, comment jugezvous l’évolution du cyclisme féminin en Afrique ?
Cette année, nous étions 30 filles sur le contre-la-montre individuel et une soixantaine sur la course en ligne. Comparativement, en 2006, nous n’étions que huit pour le chrono. Il y a donc un changement positif. L’évolution est bien présente. A Maurice aussi, on sent que les choses bougent. Mais il faut que nous puissions garder le cap.
Le monde du sport laisse très peu de place aux femmes. Pourtant, les femmes demandent à se retrouver dans des positions de dirigeantes. Quel est votre avis sur la question ?
Il y a de la place pour tout le monde. Mais c’est aussi la responsabilité des hommes de laisser la place. Il y a, par ailleurs, des femmes compétentes qui peuvent être dirigeantes. Nous avons des compétences égales. Il faut seulement un changement de mentalité.
Comment faire pour que ce changement opère, selon vous ?
Il faut encourager la pratique du sport auprès des femmes. C’est le seul moyen d’y arriver.
Après votre carrière de sportive, vous voyez-vous endosser le rôle de dirigeante à l’avenir ?
Pour être franche, je ne pense pas. Peut-être au niveau d’un club. Mais pas dirigeante de fédération.
Pourquoi ?
Je ne pense pas que ce soit ma vocation. Comme je l’ai mentionné, je suis déjà dirigeante du Moka Rangers SC. Et c’est énormément de travail.
Songez-vous à la retraite sportive ?
C’est une question qui revient souvent. Mais non, je n’y pense pas, du moins, pas pour le moment.
Pourquoi donc ?
Tant que j’arrive à faire des résultats, je ne vois pas pourquoi je devrais arrêter. Et ce n’est pas comme s’il y avait une limite à mes ambitions.
Qu’est-ce qui pourrait donc vous faire ranger définitivement le vélo ?
Tant qu’il y a un équilibre, je ne vois pas pourquoi je devrais le faire. Ce qui pourrait me contraindre, c’est dans le cas où je ne prends plus de plaisir, ou que je n’aurai plus d’objectifs. Mais pour le moment, il n’en est pas question. Il s’agit seulement de trouver des buts à atteindre. Mais dans le fond, il n’est pas écrit quand je vais m’arrêter. Tout simplement parce qu’il n’y a pas de date d’expiration à la passion…