Stantari 22

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Corse

| août-octobre 2010 | Chauves-souris | Fabuleux hippocampe | Le feu follet de Bocognano | Lucien Bonaparte collectionneur

Août-octobre 2010/#22

n° 22 Histoire naturelle & culturelle de la

Corse

Fabuleux hippocampe Le feu follet de Bocognano Sports et société Lucien Bonaparte collectionneur

Quiz Que savez-vous de la nature corse ?

Chauves-souris Stantari #22 10

à la loupe

L 11927 - 22 - F: 6,80  - RD

Revue publiée avec le concours de la Collectivité Territoriale de Corse


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3 / Les bolets

4 / Le mouflon

5 / Spécial archéologie 6 / La langouste rouge 7 / Le tourisme

8 / Huiles essentielles

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9 / Les méduses

10 / Paoli

11 / Le cursinu

12 / Spécial patrimoine 13 / Le milan

14 / Les voiles

latines

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15 / Le cerf de Corse 16 / Les mégalithes 17 / Le gypaète barbu 18 / Spécial botanique 19 / Le trésor de Rommel 20 / Faune disparue

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21 / Maison Bonaparte

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Trimestriel édité par Kyrnos Publications - 7, le Vieux Chêne, 20225 Avapessa Pour tout renseignement sur la revue : 06 14 72 25 94 / info@stantari.net / www.stantari.net association loi de 1901 - SIRET 449 685 569 00013 - APE 925E Gestion du Patrimoine


Éditorial par Cécile Breton

L NOS REMERCIEMENTS À la Collectivité Territoriale de Corse,

À l’office de l’Environnement de la Corse,

Au Centre régional de documentation pédagogique de Corse,

À la bibliothèque patrimoniale Tommaso Prelà de Bastia.

orsqu’en 1798, le gouverneur de la colonie pénitentiaire de la NouvelleGalles-du-Sud, expédie à la Literary and Philosophical Society of Newcastleon-Tyne, en Angleterre, dans un tonneau rempli de saumure, la dépouille d’un animal qui semblait l’assemblage improbable d’une loutre et d’un canard, on crut tout d’abord à une supercherie d’empailleur. Les cabinets de curiosité du xviie siècle sont remplis de ces chimères fabriquées de toutes pièces : le corps d’un singe et la queue d’un poisson donnent une sirène, une corne de Narval qu’on imagine sur le front d’un cheval, une licorne, etc. Quoi de plus naturel qu’à une époque où l’on explore les confins du monde l’on finisse par découvrir ces animaux fantastiques dont parlent la Bible et tous nos Anciens : les Amazones donnent leur nom à l’Amazonie, les géants habitent la Patagonie. Lorsqu’on découvre l’ornithorynque, il faut une bonne dose d’ouverture d’esprit ne serait-ce que pour admettre son existence : l’association poils + œufs perturbe beaucoup le monde scientifique. Le premier réflexe de George Kearsley Shaw, qui l’étudia, fut de chercher les coutures. L’ornithorynque cumule, outre une orthographe impossible, trop de caractéristiques étranges : venimeux,

articulations reptiliennes, capacité de repérer le champ électrique émis par ses proies… Et pourtant, si l’on regarde autour de nous (et notamment dans ce numéro de Stantari), il est des animaux qui osent d’autres associations improbables comme poils + ailes et dont nous trouvons l’existence parfaitement naturelle. Beaucoup d’animaux ont des noms hybrides : chauve-souris (“chauve” vient d’un ancien “choue” qui signifie “oiseaux de nuit, chouette”), vache marine, cheval de mer… car on ne fait référence qu’aux choses rassurantes qui nous sont familières, en attendant que la science leur trouve ou leur invente une “case”. Certaines espèces, comme l’ornithorynque, remettent en cause les classifications elles-mêmes et bouleversent notre vision du monde. Elles nous rappellent que la taxonomie n’est qu’un outil qui permet à nos esprits limités d’appréhender la trop grande complexité du monde. Les mammifères qui allaitent leurs petits peuvent pondre des œufs et voler et, dans le cas de l’hippocampe, les mâles peuvent “accoucher”. L’avènement des sciences objectives a sonné les belles heures de la cryptozoologie. Pourtant centaures, sphinx et griffons ont donné naissance à d’autres mythes contemporains. Bigfoot ou Batman sont des créations imaginaires qui se nourrissent des sciences et c’est aujourd’hui à partir de la génétique que l’on imagine nos monstres modernes, réceptacles, depuis l’Antiquité, de nos peurs les plus profondes. aout-octobre 2010

Stantari #22

En couverture : Murin de Capaccini (cliché Tanguy Stoeckle).

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Stantari est édité par Kyrnos Publications Association loi 1901 - SIRET : 449 685 569 00013 7, le vieux chêne - 20 225 Avapessa Directrice de publication et rédactrice en chef : Cécile Breton redaction@stantari.net / Tél. : 06 14 72 25 94 Secrétariat de rédaction : Jean-Michel Jager - jean-michel.jager@orange.fr Alain Quilici - birdy@stantari.net Conseil éditorial : Raphaël Lahlou - raphael-lahlou@hotmail.fr Abonnements et vente au numéro Stantari - Service clients - 12 220 LES ALBRES Tél. : 05 65 80 47 73 / Fax : 05 65 63 26 79 contact@bopress.fr Site internet : www.stantari.net Comité de parrainage : Présidence : Prince Charles Napoléon Georges Charpak, prix Nobel de physique et physicien au CERN ; Élisabeth Dubois-Violette ancienne directrice de l’Institut scientifique de Cargèse ; Alain Gerolami, préfet de région honoraire ; Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur honoraire au Collège de France et membre de l’Institut ; Paul Nebbia, conservateur en chef du musée de Préhistoire de la Corse ; André Santini, ancien ministre et député-maire d’Issy-les-Moulineaux. Conseil scientifique : Présidence : Yves Coppens, professeur honoraire au Collège de France Jean Alesandri, président de la société mycologique d’Ajaccio ; Joseph Cesari, conservateur régional de l’Archéologie ; Marc Cheylan, maître de conférences à l’EPHE ; Laurent-Jacques Costa, docteur en préhistoire ; Michel Delaugerre, chargé de mission au conservatoire du Littoral, Gilles Faggio, délégué régional du centre de recherche par le baguage des populations d’oiseaux (CRBPO/Museum national d’histoire naturelle de Paris) ; Jacques Gamisans, président du conseil scientifique du conservatoire botanique national de Corse ; Alain Gauthier, professeur agrégé des sciences de la Terre ; Jean-Paul Giorgetti, chargé de communication pour Météo-France ; Hervé Guyot, Office pour les insectes et leur environnement ; Roger Miniconi, docteur en océanographie et expert en biologie marine ; Jean-Claude Ottaviani, conservateur du musée d’Aléria ; Marie-Madeleine Ottaviani-Spella, maître de conférences à l’université de Corse ; Guilhan Paradis, maître de conférences honoraire à l’université de Corse ; Gérard Richez, professeur des universités émérite en géographie-aménagement ; Michel Vergé-Franceschi, professeur à l’université de Tours ; Jean-Denis Vigne, directeur de recherche au CNRS ; Michel Claude Weiss, professeur émérite à l’université de Corse.

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Création graphique/maquette : Les éditions du Grand Chien (Porto-Vecchio) www.grand-chien.fr / 06 14 72 25 94 Diffusion MLP Imprimé par l’IPPAC/Imprimerie de Champagne Zone industrielle - Les Franchises - 52 200 Langres Stantari est imprimé sur papier FSC.

aout-octobre 2010

Cliché C. Breton

Stantari #22

Trimestriel n° 22 - aout-octobre 2010 Dépôt légal à parution / © Kyrnos publications Commission paritaire 1110 K 87311. ISSN 1774-8615


Sommaire

En bref | À l’accorta 6

Confréries, une société idéale........................................................ par C. Breton

Nature & Culture | Natura è Cultura 8 17 27 32

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Chauves-souris à la loupe . ........................................................................ par D. Rist, G. Beuneux & J.-Y. Courtois Fabuleux cheval de mer . ............................................................................................................... par A. Reguieg Le feu mystérieux de Bocognano

. ................................................................................................................... par P. Silvani Sports et société

..................................................................................................... par L. Martel et D. Rey

Lucien Bonaparte (1775-1840), un homme libre

.......................................................................................................... par M. T. Caracciolo

Rubriques 46.

Verticale | Vista virticale Concours Terra è Natura .................................. par les lauréats du concours

56.

Action | Azzione Jeunes hommes et jeunes langoustes

. ........................................................................ par A. Pere, B. Vincent & P. Lejeune

64.

Chroniques du sous-sol | Cronaca di u sottuterra Les fonderies et usines d’enrichissement du minerai (xixe - xxe siècles) (1re partie : enrichissement par fusion et/ou lixiviation) . ...................................................................................................... par A. Gauthier QUIZ nature Testez vos connaissances !

Abonnez-vous ! page 74

Stantari #22

59.

aout-octobre 2010

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À lire… à voir | Da leghje… da vede 69

Sur l’étagère du libraire. ..................................... par C. Breton & R. Lahlou


Actualité

À

ceux qui assistent à une procession de pénitents, à Sartène ou à Bonifacio, il peut sembler qu’il s’agit là de traditions d’un autre âge maintenues par la seule force de l’habitude. Mais les processions ne sont pas qu’un rituel spectaculaire dont le contenu se serait perdu : au-delà de la piété, elles célèbrent une tradition de solidarité et d’entraide dans les villages et villes de Corse. En effet, les confréries de pénitents (qui n’ont pas la même vocation que les confréries de dévotion) ont un rôle profondément social : elles gèrent des hôpitaux, font office de conciliateur en cas de conflit, protègent la veuve et l’orphelin, créent des “monts de piété” sans usure, assurent les obsèques et le salut de l’âme des frères… Mauricette Mattioli, commissaire de l’exposition, insiste sur le fait que ces communautés sont d’abord le reflet de la société insulaire mais constituent aussi une sorte de “société idéale” qui fait fonction de modèle. Apparues en Corse aux alentours du xve siècle, elles se développeront tout au long des xviie et xviiie siècles. Ce phénomène, commun à l’Italie et l’Espagne, prendra un aspect particulier en Corse où les confrères s’investissent plus directement dans tous les aspects de la vie quotidienne : on trouve en effet ailleurs des confréries aux tâches plus spécialisées qui, comme par exemple à Naples, vont prendre en charge le rachat des captifs. On pourrait croire aussi – en faisant un trop rapide parallèle avec le corporatisme ou même la franc-maçonnerie

Confréries, une société idéale

Détail d’une bannière de procession de la Vierge de l’Espérance sur hampe d’argent brodée de fil d’or et ornée du médaillon sculpté du buste de la Vierge (Séville, basilica de Santa Maria de la Esperenza Macarena).

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aout-octobre 2010

– que ces sociétés sont fermées, hiérarchisées et accessibles qu’à quelques élus. Là encore, il n’en est rien : elles sont ouvertes à tous ceux qui en acceptent les règles et les devoirs et qui s’acquittent de leur cotisation. Elles sont dirigées par un prieur qui est renouvelé tous les six mois. Marie-Eugénie Poli-Mordiconi, commissaire de l’exposition, analyse le renouveau des confréries en Corse au cours du xxe siècle et constate qu’adaptées à notre monde, elles répondent encore à un besoin profond de médiation et de fraternité, bien au-delà du “folklore” ou de la nostalgie d’un temps révolu. Ce sont tous les aspects complexes de ce sujet passionnant que vous propose de découvrir le Musée de la Corse. Les confréries ont aussi bâti et décoré des églises et ont été les commanditaires d’artistes prestigieux dont les merveilles rivalisent de richesse et de beauté : châsses, costumes, bannières de processions, tableaux, etc. rappellent que les confréries, outre leur rôle social, ont aussi joué un important rôle économique et artistique ✚ [Cécile Breton]

Procession des confréries à Bonifacio pendant la Semaine sainte.

Confréries de Corse Une société idéale en Méditerranée Exposition temporaire au musée régional d’Anthropologie du 26 juin au 30 décembre 2010. Ouverture du 22/06 au 20/09 : 10 h 00 - 20 h 00, tous les jours et du 21/09 au 31/10 : 10 h 00 - 18 h 00, tous les jours sauf le lundi. La Citadelle, 20 250 Corte, Tél. : 04 95 45 25 45 www.musee-corse.com


ClichĂŠ C. Breton

Stantari #22

Nature & Culture Natura è Cultura aout-octobre 2010

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Natura

Chauves-souris

Stantari #22

La rareté du murin de Capaccini – classé vulnérable sur la liste rouge mondiale de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) – nécessite une attention particulière. Une étude conséquente a été réalisée pour connaître les particularités de l’espèce en Corse afin de mieux la protéger.

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aout-octobre 2010

Cliché L.Arthur

à la loupe


Nature

par Delphine Rist, Grégory Beuneux & Jean-Yves Courtois

Ces demoiselles nocturnes, pourtant familières, gardent encore bien des secrets… C’est pourquoi le Groupe Chiroptères Corse les traque sans relâche, parcourant avec elles des dizaines kilomètres sur leur territoire de chasse et guettant leurs discrets refuges. Voici ce qu’il a découvert sur deux espèces aux mœurs bien différentes : le murin de Capaccini et le petit rhinolophe.

Delphine Rist, Grégory Beuneux et Jean-Yves Courtois appartiennent au Groupe Chiroptères Corse.

L

Lorsqu’on parle de 22 espèces de chauves-souris pour la Corse, ce n’est pas uniquement pour tenter de gonfler le nombre – restreint – de mammifères sauvages présents sur l’île. Audelà de leurs caractéristiques communes, les chauves-souris rencontrées en Corse arborent une diversité remarquable. La variabilité des chiroptères ne s’observe pas uniquement au niveau de leur morphologie, mais bien souvent par leurs modes de vie totalement dissemblables. Et, de la même façon qu’il ne vous viendrait pas à l’idée d’assimiler un rouge-gorge à un aigle royal, il ne faut pas confondre la pipistrelle avec la grande noctule. Habitats, milieux de chasse, types de proies consommées, etc. sont autant de paramètres qui peuvent différer d’une espèce à l’autre, définissant ainsi l’écologie propre à chacune et induisant les mesures de conservation les mieux adaptées à leur conservation. Nous pouvons prendre, pour éclairer notre propos, les cas de deux espèces sur lesquelles les connaissances se sont considérablement (et récemment) enrichies pour la Corse : le petit rhinolophe (Rhinolophus hipposideros, Rhinolophidés) et le murin de Capaccini (Myotis capaccinii, Vespertilionidés).

Si vous avez déjà vu une chauve-souris en Corse, il y a fort à parier qu’il s’agit du petit rhinolophe. En effet, c’est l’espèce la plus visible de notre île et la plus remarquée par les habitants.

Cliché GCC

Rencontres Attitude typique d’un petit rhinolophe en hibernation, enveloppé dans ses ailes. aout-octobre 2010

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Cliché T. Stoeckle

Murins et rhinolophes

Le petit rhinolophe a un vol adapté aux milieux encombrés.

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Au repos, il se suspend toujours dans le vide et, quand il est en léthargie, il s’enveloppe complètement dans ses ailes, ressemblant ainsi à un petit sac noir “pendu” de la taille d’un pouce. Quand il est éveillé, ce sont ses oreilles très animées que l’on remarque. Son vol est extrêmement manœuvrant et la végétation dense ne lui pose pas de problème de circulation. Il est surprenant d’observer des individus dans des grottes dont l’entrée est pourtant obstruée par des ronciers inextricables.

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L’espèce est également capable de remonter des cheminées en vol ascensionnel sur plusieurs mètres. Avec près de 800 localisations connues, le petit rhinolophe est l’espèce la plus commune de Corse. Environ 250 colonies de reproduction sont répertoriées et la population de l’île est estimée à plusieurs dizaines de milliers d’individus, ce qui fait de la région un des bastions pour la conservation de l’espèce en France.

Disparition d’un gîte de reproduction de petit rhinolophe par suite d’un incendie. aout-octobre 2010

Cliché GCC

Natura


Murins et rhinolophes

Les occasions d’observer le murin de Capaccini sont bien plus rares. Si vous êtes pêcheur, il y a tout de même des chances que vous l’ayez déjà remarqué, évoluant au ras de l’eau pour capturer les insectes à l’aide de ses grands pieds. À moins que vous ne le confondiez avec le murin de Daubenton, autre chauve-souris “chalut” rencontrée sur l’île et bien plus fréquente. Le statut de l’espèce est tellement précaire que les 500 femelles recensées sur l’île représentent 15 % des effectifs nationaux. L’espèce est d’ailleurs inscrite en catégorie “vulnérable” sur la liste rouge nationale, rang que lui confère sa peu prometteuse situation d’espèce menacée de disparition au même titre que 13 autres mammifères comme le cachalot ou le mouflon. Cette vulnérabilité est liée aux contraintes écologiques pesant sur l’espèce qui se reproduit dans des cavités souterraines chaudes, rares sur l’île, et qui chasse sur des portions calmes des cours d’eau de basse altitude.

Nature

Grotte de la Lonca, gîte potentiel pour le murin de Capaccini.

Les gîtes

Cliché GCC

La température élevée de la grotte marine de Coggia permet l’élevage des nouveau-nés de murin de Capaccini. aout-octobre 2010

Stantari #22

Une maisonnette avec plusieurs pièces sur plusieurs niveaux et des poutres pour se suspendre constitue un gîte de choix pour le petit rhinolophe.

changent de place selon la température, l’optimum se situant entre 25 et 35 °C. L’espèce semble faire preuve d’une certaine souplesse adaptative, les caves et vides sanitaires pouvant exceptionnellement tenir lieu de milieu souterrain en hiver, alors que les piles de pont, cuves viticoles abandonnées, hangars agricoles, vides sanitaires sont parfois utilisés en été. Les nurseries sont a priori essentiellement composées de femelles (généralement quelques dizaines), avec un maximum

Cliché GCC

Cliché T. Stoeckle

Pendant l’hiver, de novembre à mars, voire de septembre à juin, le petit rhinolophe est présent dans la plupart des milieux souterrains, à condition qu’ils soient frais (4 à 12 °C). En été, les colonies occupent quasi exclusivement des constructions humaines – c’est pourquoi l’espèce est présente dans certaines régions européennes où les conditions naturelles ne sont pas favorables. En Corse, elle fréquente essentiellement les anciens bâtis des vallées et, dans une moindre mesure, les maisons et églises des villages, mais elle est absente des zones urbaines : le petit rhinolophe est une espèce rurale. Sa distribution est influencée par le type d’habitat développé par chaque microrégion (pagliaghji, palmentu, abris, maisonnettes…) plus ou moins favorables et plus ou moins pérennes. Le gîte de reproduction idéal est une maisonnette avec toiture de tuiles (étanche à l’air et chauffant vite) et plancher intermédiaire où les animaux

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Natura

Murins et rhinolophes

Stantari #22

Cliché Y. Peyrard

Les nouveau-nés de petit rhinolophe attendent le retour de leur mère pour la tétée.

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de 80 jusqu’ici observé en Corse. La découverte récente d’une colonie de 200 adultes sur Meria a remis ce chiffre en question. Il est tout à fait exceptionnel que ces animaux se groupent en essaim compact. Les mises bas s’étalent de fin juin à fin juillet, soit apparemment plus tardivement que pour les populations plus nordiques. Les jeunes commencent à voler à 3 semaines et sont à peu près tous émancipés fin août. Il est très rare de rencontrer le murin de Capaccini en dehors du milieu souterrain ; dans ce cas, ce sera un individu solitaire. Il est d’ailleurs le plus souvent associé aux autres espèces cavernicoles, souvent invisible au sein des importantes colonies de minioptères de Schreibers, murins du Maghreb et rhinolophes euryales. Cette promiscuité au cœur d’essaims plurispécifiques répond sans doute à des besoins de chaleur que la faiblesse de ses effectifs (maximum 200 en été) ne lui permet pas d’assurer seul. La mise bas du murin de Capaccini est très précoce et débute dès la deuxième décade de mai, soit avec au moins deux semaines d’avance sur ses colocataires. Dès la mi-juillet, les murins de Capaccini disparaissent (c’est-à-dire qu’ils n’ont jamais été observés en Corse à cette période) et ce n’est qu’à partir d’octobre qu’on les rencontre à nouveau dans les gîtes souterrains de transit qu’ils occupent jusqu’en décembre, aout-octobre 2010

voire jusqu’au cœur de l’hiver. Jusqu’à 300 individus sont ainsi parfois comptés dans la mine d’Olmeta di Tuda et c’est pendant cette saison que l’on a pu observer des copulations. Ils restent ensuite invisibles pendant tout l’hiver, les quelques individus observés (exceptionnellement une dizaine) s’étant faufilés dans des fissures de grottes, de mines (Argentella, Biguglia, et une demi-douzaine d’autres observations ponctuelles) ou même des joints de voûte. En cette saison, en France, les murins de Capaccini se tiennent le plus souvent isolés ou en essaims d’une vingtaine d’individus dans des cavités, fissures, tunnels, mines… mais, dans des régions à hiver rigoureux de l’est de l’Europe, ils peuvent former de grands essaims monospécifiques allant jusqu’à 17 000 individus, comme en Bulgarie. En léthargie, le murin de Capaccini supporterait des températures ambiantes de l’ordre de 2 à 8 °C. Dans les régions aux hivers peu rigoureux, il n’est pas rare de voir des individus actifs la nuit : des sorties de gîte ont été observées à Furiani et Galeria (températures nocturnes extérieures de l’ordre de 5 °C). On le rencontre à nouveau dès la mi-mars, et les sites de transit printanier rassemblent jusqu’à 300 individus (galerie de Furiani, principalement) avant d’être désertés au profit des gîtes de reproduction, au mois de mai.


Murins et rhinolophes

Le couvert Le petit rhinolophe est donné comme sédentaire, se déplaçant peu entre ses gîtes d’hiver et d’été. Il était aussi réputé ne guère s’éloigner de son gîte pour chasser, ce que les études menées en Corse ont nuancé. La distance moyenne pour rejoindre ses territoires de chasse est de l’ordre de 1 à 3 km, mais il n’est pas exceptionnel que certains animaux dépassent les 5 km, le record observé sur Vivario étant de 8 km. Quant au dénivelé ce n’est pas un problème : un animal suivi dans la pieve de Rogna passait de 200 à 1 000 m d’altitude deux fois dans la nuit. Ces observations ont été faites au cours de trois années d’études par radiopistage sur Altiani, Castifau et Vivario, qui ont également renseigné sur la stratégie de chasse, les rythmes et les milieux exploités. Les animaux quittent le gîte pour toute la nuit, ils se rendent d’un vol assez rapide sur de petites zones (moins d’un hectare) qu’ils exploitent alors en suivant un circuit répétitif pendant plusieurs dizaines de minutes, parfois durant deux heures. Cette phase semble individuelle, alors qu’ensuite ils rejoignent des reposoirs (pagliaghju en ruine, branche d’un vieux châtaignier, surplomb d’un affleurement rocheux…) avec d’autres congénères, avant de repartir chasser sur un autre secteur. Ces repos sont pris

Nature

une à deux fois et durent environ 40 % de la nuit. La routine semble de mise, les mêmes itinéraires et les mêmes territoires de chasse étant exploités chaque soir. De 2 à 5 sites sont ainsi régulièrement inspectés par un même individu en une nuit. Les milieux préférés pour la chasse seraient, selon des critères humains, qualifiés de “chaos végétal”, c’est-à-dire arborés, embroussaillés (par exemple les terrasses recolonisées par la végétation ou les châtaigneraies dégradées). Néanmoins, la vigne ne lui déplaît pas, alors que les milieux de structure homogène sont franchement évités (grandes pâtures, maquis et forêts denses…). Sur le continent, contrairement à la Corse, le petit rhinolophe affectionne plus généralement les milieux boisés, voire forestiers. Dans tous les cas, le vol s’effectue au plus près de la végétation et du sol, justifiant l’intérêt à porter au maintien, sur tout le territoire de chasse de l’espèce, d’un réseau de “corridors” (lisières de forêt, haies, murets…). Le régime alimentaire a été étudié à partir de l’observation à la loupe binoculaire des restes d’insectes constituant les déjections. En Corse, il ne diffère pas des résultats connus pour le continent, à savoir que le petit rhinolophe est opportuniste et mange tout ce qui vole et qui est de petite taille (d’envergure inférieure à 15 mm), notamment de la famille des mouches, des papillons et même des araignées. Dans le

Cliché T. Stoeckle

Stantari #22

Que ce soit en vol ou à l’affût, les chauves-souris sont de grandes chasseuses d’insectes.

aout-octobre 2010

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Murins et rhinolophes

Cliché Y. Peyrard

Doc. GCC / Infographie Grand Chien éds.

Natura

Murin de Capaccini en vol.

Cliché GCC

Cliché C. Breton

Déplacements et territoires de chasse du murin de Capaccini de l’ancienne galerie de mine de Castifau.

Territoires de chasse typique du murin de Capaccini.

Stantari #22

Venacais, la récolte des déjections d’une petite colonie d’une trentaine d’individus représente environ un pot de yaourt de guano par individu pour une saison.

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Les territoires de chasse du murin de Capaccini ont été largement étudiés par un suivi télémétrique pendant trois années. L’étude des déplacements de 25 femelles des trois colonies de reproduction principales (Saint-Florent, Castifau et Coggia) a permis de mettre en évidence certaines grandes tendances. D’une manière générale, les individus suivis sortaient dès la nuit tombée et ne rentraient qu’au petit matin, après toute une nuit d’activité, sans pause (même lors des sessions de juin, lorsque les jeunes attendaient leur tétée au gîte). Elles exploitent de 1 à 4 sites de chasse chaque nuit, qu’elles rejoignent rapidement ou en glanant les insectes lors de leur parcours le long des cours d’eau. Toutefois, elles peuvent se rendre sur un site de chasse éloigné en “coupant” les méandres d’une rivière sur des distances plus ou moins aout-octobre 2010

Les fonds de vallons épargnés par les incendies sont fréquentés par le petit rhinolophe.

importantes, voire des bras de mer, et en passant des cols jusqu’à 660 m d’altitude (pour des dénivellations de près de 600 m). Une partie de ces femelles dédaigne ainsi un tronçon de 26 km de rivière pourtant consciencieusement prospecté par d’autres. Le murin de Capaccini fréquente souvent les mêmes territoires, et chasse même en “escadrilles” de quelques individus : une des femelles suivies a été observée rasant l’eau d’un canal du fortin de l’étang de Biguglia avec une vingtaine de comparses, alors que les autres canaux de drainage alentour étaient déserts. Les 28 sites de chasse déterminés lors de ces trois années d’étude permettent de classer les milieux favorables au murin de Capaccini. Malgré un réseau hydrographique important à proximité des gîtes, les femelles étudiées ont souvent parcouru des distances exceptionnelles pour rejoindre des sites de chasse éloignés (jusqu’à 54 km pour l’une d’entre elles, et 17 km en moyenne en suivant les linéaires de rivière).


Murins et rhinolophes

Cliché T. Stoeckle

Des recherches en Croatie, en Espagne et dans le sud de la France indiquent un régime alimentaire essentiellement constitué d’insectes à vie larvaire aquatique (trichoptères et diptères, principalement) ainsi que de lépidoptères sans doute capturés au-dessus de la végétation, plus particulièrement en automne. On note également la présence, plus anecdotique mais régulière, d’écailles de petits poissons que l’animal pêcherait par chalutage, comme le ferait un rapace.

Menaces et conservation En Corse, le statut de conservation exceptionnellement favorable du petit rhinolophe est probablement intimement lié à l’abandon récent par l’homme de l’intérieur de l’île : nombre de bâtis délaissés sont encore debout. L’évolution vers la ruine totale ou la réhabilitation laisse présager une forte limitation des possibilités de gîtes estivaux. Pour exemple, la moyenne vallée du Tavignano, connue pour ses fortes densités en petit rhinolophes, a perdu ces dernières années 8 des 15 gîtes de mises bas importants fréquentés par l’espèce ! Cette situation a été l’occasion d’une opération test qui a consisté à réhabiliter une maisonnette menaçant de devenir une ruine à Giuncaggio et abritant le reliquat d’une colonie de reproduction de 30 femelles, alors que dix ans auparavant elles étaient 80. La disparition d’autres gîtes alentour l’avait par ailleurs isolée et l’on pouvait craindre une déconnexion entre les populations. Menée en 2009 par les volontés conjointes du GCC, de la DREAL, de l’association des Amis du Parc et des propriétaires, cette action semble avoir enrayé un déclin inéluctable puisque, dès le premier été, 40 femelles ont occupé la maisonnette. Les colonies de petit rhinolophes, compte tenu de leurs effectifs limités, ne génèrent guère de nuisance (ni bruit, ni odeur). Il est donc souhaitable de leur laisser l’accès à un maximum de combles (églises, bâtiments publics, chez vous ?).

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Même si elles exploitent des portions de rivière plus ou moins importantes, elles paraissent leur préférer de vastes surfaces d’eau libre. En effet, tous les secteurs les plus distants, qui nécessitent parfois jusqu’à deux heures de trajet à l’aller et autant au retour, sont de grands plans d’eau (étangs littoraux, marais d’arrière-plage et embouchures de rivières, lacs de barrage). Sur les cours d’eau, ce sont encore les zones étales et les vasques plus ou moins profondes, bordées ou non de végétation riveraine, qui ont leur préférence, mais les grands fleuves (Golo, Tavignano) semblent dédaignés. Ces suivis télémétriques ont également permis de mettre en évidence les échanges possibles entre gîtes, montrant ainsi la parfaite connaissance par ces chauves-souris du réseau de cavités dont elles disposent : les individus de Coggia pouvaient se rendre à Cargèse, voire au barrage de Tolla (à 43 km et 500 m d’altitude), tandis que ceux des anciennes mines de Castifau ont été suivis jusqu’à la grotte de Saint-Florent ou aux anciennes mines de Lozari.

Nature

Quelques campagnes de baguage sont autorisées en France, comme ce suivi d’une colonie de Petit rhinolophe en Provence. aout-octobre 2010

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Cliché T. Stoeckle

Natura

Murins et rhinolophes

Les petit rhinolophes se sont particulièrement adaptés aux constructions humaines, pourvu que la tranquillité soit assurée.

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Le Groupe Chiroptères Corse, en collaboration avec les services de l’État et de la Région, a élaboré un programme de conservation du petit rhinolophe qui prévoit notamment la mise en place de conventions de gestion entre l’association et les communes (ex : Giuncaggio, Nonza, Bastelica, Cuttoli) ou avec les particuliers possédant des sites où l’espèce est présente.

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Avec une quarantaine de localisations et seulement 5 colonies de reproduction, le murin de Capaccini est totalement tributaire d’un milieu quasi non renouvelable : le monde souterrain. Ses possibilités de gîte ont même tendance à se raréfier, la politique de mise en sécurité des mines par bétonnage portant atteinte à ce capital et parfois même à des gîtes avérés (anciennes mines de Cardo, par exemple). Sous la pression de l’Europe, à la demande des naturalistes, la législation vient d’être revue pour enfin tenir compte des chauves-souris dans les cas de fermeture de mines. Il est parfois même permis d’être optimiste : deux galeries techniques d’ouvrages hydrauliques, accueillant notamment le murin de Capaccini, viennent d’être reconnues par EDF comme patrimonialement importantes et font l’objet d’une convention. Les grottes naturelles échappent, pour le moment, aout-octobre 2010

à tout enjeu. La plupart des gîtes importants bénéficient d’une protection réglementaire (arrêtés de protection de biotope) voire physique et sont inscrits en ZNIEFF et en zone Natura 2000. Pour les territoires de chasse exclusivement aquatiques, on est en droit d’espérer que les politiques de qualité de l’eau vont dans un sens favorable, ce qui serait heureux, compte tenu du domaine vital de l’espèce. 4 Remerciements L’amélioration des connaissances sur les chauves-souris est l’un des volets du programme de conservation des chiroptères mis en place en partenariat avec l’office de l’Environnement de la Corse et la direction régionale de l’Environnement.

SOS Chauves-souris Le petit rhinolophe, ainsi que d’autres espèces de chauves-souris, s’installe volontiers dans les maisons. Pour toute interrogation, appelez le 04 95 47 45 94 ou consultez le site internet : http://www.chauvesouriscorse.fr


Nature

Fabuleux cheval de mer

Stantari #22

Cliché É. Volto

L’hippocampe moucheté (Hippocampus guttulatus, Cuvier, 1829) se sert de sa queue préhensile pour s’ancrer aux posidonies.

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par Aedwina Reguieg

Mi-poisson, mi-cheval, l’hippocampe fait partie de ces curiosités auxquelles Boris Vian devait penser lorsqu’il nomma l’un de ses tiroirs “choses inclassables ailleurs”. Mais, comme toutes les choses qui plaisent aux hommes, il souffrit grandement de l’admiration et des mythes qu’il inspira. Voici, en quelques pages, ce que l’on sait de ce bel animal qui n’est pas étrange que par son allure…

Aedwina Reguieg est biologiste océanologue

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Présent dans les différentes mers et océans de la planète, les hippocampes présentent une très large aire de répartition marine, la plupart des espèces étant réparties au sein d’une ceinture du globe comprise entre les deux 40es parallèles. Ces poissons osseux fréquenteraient de préférence les prairies sous-marines littorales des mers tempérées et tropicales, et leurs populations seraient plus abondantes sur les côtes est des continents que sur leurs côtes ouest, c’est-à-dire dans les zones de courants marins plutôt chauds. En effet, si certaines espèces d’hippocampes supportent bien les assez grandes variations thermiques de la zone de balancement des marées des mers tempérées, la plupart d’entre eux évoluent cependant dans les eaux chaudes des mers tropicales. aout-octobre 2010

L’origine de ces animaux reste encore aujourd’hui un mystère. Leur importante spécialisation rend difficile la recherche d’un ancêtre commun avec un autre groupe. Les investigations paléontologiques nous apprennent cependant que les premiers fossiles d’hippocampes sont présents au sein de gisements fossilifères datant de l’Éocène*, il y a 70 millions d’années. Une telle découverte n’apporte cependant aucune explication sur la formation et l’évolution de ce groupe. D’un point de vue zoologique, ces poissons sont associés aux syngnathes*, au sein la famille des syngnathidés*. Les hippocampes y forment ainsi un groupe homogène d’une trentaine d’espèces réunies en un seul genre : Hippocampus, Rafinesque, 1810. Les syngnathidés sont classés dans le

Cliché S. Jamme

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Ces créatures fantastiques, coursiers de Poséidon qui, dans la mythologie grecque, jaillissent de la mer Méditerranée en tirant avec véhémence son char, les hippocampes sont des animaux discrets, au vu de la rareté de leurs rencontres. Pourtant, ces “chevaux des mers” peuplent depuis des millénaires les eaux peu profondes des côtes corses. Chaque rencontre avec cet animal est unique pour qui sait observer ce nageur gracieux bien que lent et véritable champion du camouflage. Au vu de sa raréfaction – car, pièce décorative de choix, il a beaucoup souffert de la pêche –, voici un état des lieux de ce que l’on sait de sa majesté l’hippocampe, et notamment de l’hippocampe moucheté (Hippocampus guttulatus, Cuvier, 1829) observé dans nos eaux. État des lieux qui nous donnera aussi l’occasion d’exposer quelques raisons supplémentaires de continuer à le protéger le long de notre littoral.

Rencontre nocturne avec un hippocampe moucheté.


L’hippocampe

Nature

Cliché P. Louisy / Peau-Bleue

Hippocampe moucheté femelle (lagune de Thau).

aux abords du littoral méditerranéen est l’hippocampe à museau court (Hippocampus hippocampus, Linnaeus, 1758). Ce poisson se discerne de son homologue moucheté par une absence de moucheture blanche sur le corps, un tube buccal plus court et une nageoire dorsale munie d’une vingtaine de rayons. Couvrant la même aire de répartition que Phylogénie de l’ordre des Syngnathiformes (adaptation A. Reguieg issue de Foster, 2004. Extrait de Orr, 1995 – dessins de Nelson, 1994, reproduit avec la permission de John Wiley & Sons).

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groupe des syngnathiformes*, qui comprend bien d’autres poissons aux formes non moins étranges tels que les poissons trompettes (aulostomatidés), les bécasses de mer (macrohamphosidés), les poissons rasoirs (centriscidés). Les eaux européennes abritent quelques espèces, parmi lesquelles l’hippocampe moucheté (Hippocampus guttulatus Cuvier, 1829). Cet animal est présent dans les eaux de la Manche, en Atlantique et en Méditerranée. Des études complémentaires menées au sein des eaux méridionales pourraient révéler des espèces jusqu’alors passées inaperçues. On compte parmi celles-ci l’hippocampe à ramules (Hippocampus ramulosus, Leach, 1814), qui serait présentée comme une espèce à réhabiliter dans la seconde édition du livre de Rudie H. Kuiter paru en 2003, Seahorses, pipefishes and their relatives. Cependant, d’un point de vue scientifique, il reste impossible de statuer à l’heure actuelle sur une réelle distinction spécifique entre H. guttulatus et H. ramulosus. Ces dénominations latines sont ainsi, encore aujourd’hui, considérées comme synonymes d’une même espèce, amenant parfois des discussions au sein de la communauté scientifique. L’hippocampe terne (Hippocampus fuscus, Ruppel, 1838) serait quant à lui un poisson directement immigré de mer Rouge et qui viendrait progressivement peupler la Méditerranée orientale. Enfin, une autre espèce traditionnellement observée

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Natura

L’hippocampe

H. guttulatus et évoluant au sein du même type d’habitats, il affectionne cependant préférentiellement les fonds sablovaseux, les habitats rocheux avec sédiments meubles, les bassins lagunaires ou de faible profondeur protégés des courants violents ou du ressac. De nos jours, les populations d’hippocampes mouchetés sont, comme beaucoup d’espèces, en voie de disparition le long des côtes. En Corse, l’abondance des fonds rocheux et coralligènes*, la qualité des herbiers de posidonies (Posidonia oceanica L., Delile, 1813) et de cymodocées (Cymodocea nodosa Ucria, Ascherson, 1869) répartis sur mille kilomètres de côtes, sont autant de facteurs rendant possible, bien que rarissime, sa rencontre. Malgré sa rareté, u cavallucciu reste une espèce emblématique pour les plongeurs sous-marins et il ne peut manquer d’étonner quiconque l’observe. Cependant, nous ne disposons que de bien peu de données sur cet hôte, des plus curieux, de la nature. En effet – et bien que les scientifiques soient émerveillés par son comportement remarquable et ses particularités anatomiques –, les recherches portant sur la biologie, le comportement, les mœurs, l’écologie et la

Museau court, fiche d’identité Nom Latin : Hippocampus hippocampus, Linnaeus, 1758. Taille : longueur maximale de 12 à 15 cm. Sa taille est strictement proportionnelle à son âge. Longévité : 4 à 5 ans. Fécondité : une centaine d’individus par portée. Habitats : Bassins lagunaires ou de faibles profondeurs, protégés des courants violents ou du ressac. Fonds sablo-vaseux, ou habitats rocheux avec sédiments meubles. Exclusivement marin. Nourriture : crustacés zooplanctoniques, larves ou œufs d’autres poissons.

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Un déplacement atypique pour une allure majestueuse L’hippocampe se tient toujours à la verticale. Ce poisson à l’anatomie atypique, voire excentrique, évoque le profil du cheval auquel il fut, comme ses analogues, maintes fois comparé et à qui il doit son nom. De fait, si l’on s’intéresse à l’étymologie du nom de genre, on apprend qu’Hippocampus est un mot issu de la contraction des mots grecs hippos, cheval, et de kampé, courbure, d’où : cheval courbé. De plus, l’hippocampe moucheté voit alors son nom d’espèce issu de gutta, pour tâche, moucheture. L’épithète guttulatus signifie donc moucheté. Hormis leur posture, ces poissons nagent très lentement en agitant leurs nageoires dorsales. Ils se déplacent essentiellement par reptation. La nage n’est utilisée que par nécessité, et en absence de support, car elle les épuise très rapidement. Quelque soit son espèce, cet animal est pourvu d’une queue préhensile qu’il peut dérouler ou enrouler à souhait et qui lui permet de s’ancrer sur le substrat, affichant ainsi un port altier. Au cours de la reptation, c’est l’ensemble du corps qui se meut. Le “menton” est alors utilisé tel un point d’appui alors que la queue cherche un point d’ancrage. Animaux sociaux, il arrive parfois que plusieurs hippocampes s’entraident en utilisant les corps de leurs analogues comme support : têtes et queues se mêlent alors, formant parfois de véritables “entrelacs” d’hippocampes. Cliché P. Louisy / Peau-Bleue

Hippocampe museau court femelle (le Grau du Roi).

répartition de l’hippocampe moucheté ou de ses congénères restent trop peu nombreuses. Cette méconnaissance actuelle du nombre de populations composant son stock, la rareté des observations signant sa présence dans nos eaux font de Hippocampus guttulatus un animal qui reste, en bien des points, un mythe et un mystère.

L’hippocampe moucheté adulte peut atteindre une taille de 12 à 16 centimètres. Sa coloration varie du brun foncé au jaune, et son corps, comme son nom l’indique est souvent moucheté de petits points blancs. La tête fait un angle de 90 ° avec le corps, lequel comporte une cinquantaine d’anneaux et est terminé par la queue. Sa crête dorsale et sa tête peuvent présenter de nombreux filaments cutanés, simples ou bifides, souvent observés chez cette espèce. On les nomme digitations cutanées. À l’instar de l’ensemble des vertébrés du règne animal, le corps est soutenu par la colonne vertébrale. Une autre caractéristique de ce poisson est la présence de plaques osseuses sous la peau, à la place des traditionnelles écailles des autres poissons. Ces plaques dermiques forment une véritable armure ; disposées en séries sur le tronc et la queue, elles leur donnent l’aspect annelé. Les hippocampes sont dépourvus de côtes, rendues inutiles en raison de ce squelette externe.


L’hippocampe

Nature

Cliché É. Volto

Les yeux de l’hippocampe sont indépendants, comme ceux du caméléon.

H. guttulatus, comme d’autres espèces du genre Hippocampus, est capable d’émettre des sons lui permettant de communiquer avec ses congénères. Ces bruits, semblables à des claquements de doigts souvent inaudibles pour l’oreille humaine, résulteraient du frottement d’une partie du crâne sur la partie du squelette externe formant la crête au-dessus de la tête. L’émission de tels sons apparaît comme étant un moyen d’appeler un ou une partenaire ou d’alerter ses semblables en cas de danger. La vue est sans conteste le sens le plus performant. Chez l’hippocampe moucheté, comme chez d’autres hippocampes, les yeux sont relativement grands par rapport à la taille du corps. Chacun possède une fovéa (il s’agit d’une zone de la rétine où la vision des détails est très précise). La vision est binoculaire et en relief. Les hippocampes ont ainsi une acuité visuelle nettement supérieure à celles des autres poissons. Cette caractéristique structurelle se rapproche même de celles des yeux des vertébrés dits supérieurs. Les hippocampes ont par ailleurs des yeux complètement indépendants l’un de

l’autre dans leurs mouvements. De la sorte, à la manière des caméléons, un œil peut scruter l’environnement à la recherche d’une proie alors que le second surveille les alentours à l’affût d’un éventuel danger. H. guttulatus vit aux abords et au sein des prairies de cymo­ docées ou des herbiers de posidonies qui lui servent d’abri et recèlent de nombreuses sources de nourriture, fournissant ainsi à la fois le gîte et le couvert. Il peut aussi, plus rarement, peupler les habitats rocheux entourés de sédiments meubles et les chaînes de corps-morts portuaires. On le croise surtout entre 0 et 20 m mais, en Méditerranée, il reste possible de le rencontrer dans la zone coralligène*, entre 30 et 40 m. Un prédateur vorace Carnivore, son régime alimentaire reste très spécifique et se compose de crustacés zooplanctoniques* et de larves ou d’œufs d’autres poissons. Ce régime alimentaire est lié à son museau tubulaire et fin, en forme de pipette, qui prolonge la tête et se termine par une bouche dépourvue de dents : une telle anatomie ne lui permet d’aspirer que des proies de petite taille. L’hippocampe s’avère particulièrement méticuleux au aout-octobre 2010

Stantari #22

Une communication sonore et une vision supérieure

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Natura

L’hippocampe

Cliché P. Louisy / Peau-Bleue

Mâle peu avant l’“accouchement” (lagune de Thau).

cours de l’opération de “pipetage” nécessaire à son alimentation. Pour mener à bien cette chasse à vue, chaque animal doit faire preuve d’une grande attention et de précision. C’est en raison de la simplicité du tube digestif (et notamment de la quasi-absence d’estomac) et de la petitesse des proies chassées et absorbées que ces poissons sont contraints de s’alimenter fréquemment. Cette recherche de nourriture occupe donc une place importante dans la vie de ces animaux, d’autant plus que l’absence de dentition fait que les proies sont ingérées tout entières, ce qui rend la digestion plus difficile. L’analyse d’un tel comportement nutritif laisse perplexe la communauté scientifique qui ne peut statuer et conclure si cela relève d’une adaptation à un mode de vie très spécialisé ou d’une condition primitive. Deux interrogations qui viennent se rajouter à la liste de celles que peut susciter ce mystérieux poisson.

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Un champion du camouflage

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Dépourvu de dents, d’épines, de griffes, de glandes à venin, de cellules urticantes ou d’autres caractères défensifs, Hippocampus guttulatus incarne bien la fragilité et l’impuis­ sance qu’ont les hippocampes face à leurs prédateurs. L’hippocampe déjoue la menace par un sensationnel moyen de défense : le camouflage. En effet, incapable d’affronter ou de fuir l’ennemi, ce petit animal se fond dans son milieu de aout-octobre 2010

vie. Le mimétisme reste le subterfuge le plus communément adopté : face au danger, l’hippocampe moucheté reproduit la couleur du paysage sous-marin et du fond (homochromie) ou l’aspect du support sur lequel il se trouve (homotypie). Sa livrée, prenant en quelques secondes la teinte environnante à laquelle viennent se rajouter taches, bandes, marbrures ou points permet la disparition de l’individu aux yeux de son prédateur ; des lambeaux cutanés viennent renforcer son “invisibilité” en estompant les contours caractéristiques de l’animal. Une telle stratégie étant d’autant plus efficace que le milieu dans lequel il se trouve est mouvant, cela expliquerait pourquoi, en Méditerranée et le long des côtes corses, cet hippocampe s’observe notamment au sein des herbiers qui ondulent sous l’action des courants. Cet art de la dissimilation n’exclut pas pour autant l’adoption de couleurs chatoyantes et vives comme peut en témoigner, entre autres, la coloration jaune de certains individus. Ce mimétisme est aussi utile à l’attaque : un tel procédé, s’ajoutant à la lenteur de déplacement au cours de l’approche des proies, en facilite la capture. Des “pères porteurs” L’hippocampe moucheté atteint sa maturité sexuelle entre 6 et 8 mois. Il ne vit que 2 à 4 ans et reste un grand maître de la parade et de l’accouplement. À cela s’ajoute une particularité


L’hippocampe

Tous aux abris ! Aussitôt libres, les juvéniles partent de tous côtés, nageant et s’accrochant, bon gré, mal gré, à tout ce qu’ils peuvent croiser et qui peut faire office de support, frère et sœur inclus ! Hormis pour fuir un danger (comme la proximité d’un potentiel prédateur), l’animal consacre ses déplacements à la longue recherche de la nourriture nécessaire à sa survie. Cette besogne n’est pas gagnée d’avance car, incapables de nager efficacement et dotés d’une bouche pas plus grande qu’un point sur un i, les nouveau-nés sont contraints de saisir tous les éléments de bonne taille passant à leur portée. Ce n’est que quelques jours après la naissance que les hippocampes apprennent à se tenir à la verticale. Si le corps est alors encore totalement diaphane, coloration et points pigmentés, identiques à ceux de l’adulte, sont rapidement acquis. La croissance est très rapide puisqu’ils atteignent quelques centimètres dès le troisième mois de vie et parviennent à maturité sexuelle entre six et huit mois. La boucle est bouclée, le cycle biologique peut alors recommencer.

Clichés S. Jamme

L’incubation des œufs dure quatre à cinq semaines. Au cours de cette période, la poche incubatrice du mâle va développer des villosités riches en capillaires sanguins qui viennent entourer chaque œuf fécondé et qui auront les mêmes fonctions que le placenta chez les mammifères, c’est-à-dire à la nutrition des embryons. Le nombre d’œufs porté par un mâle est très variable et dépend de la taille de la poche incubatrice. On en dénombre plus d’une centaine chez H. guttulatus.

Chez l’hippocampe moucheté, l’éclosion de chaque œuf a lieu dans la poche incubatrice et l’embryon y poursuivra son développement jusqu’à la naissance. À la suite de l’incubation, des jeunes d’environ 16 millimètres sont expulsés de la poche par de fortes contractions. Le mâle les fait sortir en petits groupes ou, très rarement, de manière isolée. Les contractions dureront de la mise bas des juvéniles jusqu’à la résorption de la poche incubatrice. Il faudra alors attendre quelque temps pour que le mâle retrouve toute sa vivacité.

Différence morphologique entre la femelle (à gauche) et le mâle (à droite) : la distinction se fait essentiellement sur la présence d’une poche incubatrice chez le mâle, alors que la femelle est munie d’un ovipositeur qu’elle dévagine au moment de l’accouplement. aout-octobre 2010

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extraordinaire dans son mode de reproduction, très rare dans le règne animal : le transfert des responsabilités de la femelle vers le mâle pour la gestation des œufs fécondés. En Méditerranée, Hippocampus guttulatus convole au cours d’une parade nuptiale qui peut s’observer entre avril et octobre, avec une période culminante de frai de fin mai à fin juillet. La période d’accouplement est fonction de la température de l’eau. L’accouplement lui-même est précédé d’une parade complexe et spécifique qui se déroule toujours selon le même protocole, au rythme d’une chorégraphie très distinguée. Cette danse, réalisée par un couple d’hippocampes, est un réel ballet aquatique aux mouvements très gracieux et exécuté avec une extrême lenteur. Au cours de cette élégante et très lente valse, chacun est acteur et a une tâche spécifique à accomplir. Phases de stimulation et de repos peuvent se succéder plusieurs fois afin que la totalité des œufs soient déposés dans la poche incubatrice du mâle par l’intermédiaire du tube de ponte ou ovipositeur. La femelle s’éclipse alors pour se reposer et se voit libérée de ses devoirs familiaux jusqu’à la prochaine période de reproduction. Débute alors la lourde tâche du mâle qui est chargé d’assurer la survie de sa progéniture.

Nature

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Natura

L’hippocampe

Cliché P. Louisy / Peau-Bleue

Hippocampe moucheté nouveau-né (lagune de Thau).

Décoration, aphrodisiaque et emblème

ou le visiteur d’aquarium en quête de divertissement. De vastes réseaux internationaux se sont créés, échappant très rapidement à quasiment tout type de contrôle et l’on estime que pour un animal livré vivant chez un client, au moins dix ont fait l’objet d’une capture !

Si ces poissons sont fascinants pour quiconque à la chance de pouvoir les observer, la plupart des espèces d’hippocampes tendent à disparaître du fait d’une pression anthropique croissante et polymorphe. Originalité, fragilité, rareté, sont autant de qualités qui font de ces poissons de fascinants animaux pour l’aquariophile

Cliché S. Mauron

L’anse de l’Occeluccia, où ont été observés des hippocampes mouchetés, reste dépourvue d’ancrage écologique permanent.

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C’est souvent sous forme desséchée – et parfois même ratatinée – et d’une coloration douteuse et passée que l’on vend ces animaux aux touristes de passage (et en grande quantité dans certaines contrées de la planète). Ils deviennent alors, pour un temps, un objet contemplatif de décoration qui, comme tout autre produit marin du même genre, sera à un moment ou à un autre voué à l’oubli. Un tel achat sur l’étal d’un marché ou le comptoir d’une boutique ne fera finalement que participer à l’appauvrissement des milieux pour, à long terme, provoquer celui des habitants de nos côtes ou d’ailleurs. Des quantités non moins importantes viennent approvisionner les marchés asiatiques très friands de produits aphrodisiaques où, parmi d’autres animaux, les hippocampes sont vendus sous forme de “poudre de perlimpinpin”, véritable placebo promettant virilité à celui qui en consommera. Les hippocampes sont principalement recherchés pour leurs yeux, censés renfermer une substance excitante ; c’est ainsi


L’hippocampe

que les intermédiaires n’hésitent pas, pour motiver leurs pêcheurs, à payer près de 150 euros par kilogramme d’hippocampes secs (soit environ une centaine de spécimens) les individus aux yeux intacts. Les conséquences sur les populations, comme dans le cas du commerce d’objets décoratifs, sont dramatiques.

la conférence de Rio en 1992, leur protection est assurée en France par l’arrêté du 19 juillet 1988 de protection de la posidonie. Si conserver les habitats de cet hippocampe est essentiel pour protéger l’espèce, de nombreuses difficultés persistent. Les causes de leur régression sont nombreuses et, pour leur grande majorité, engendrées par l’homme. On relève parmi les nuisances dégradant le milieu le maniement d’ancres et autres formes de mouillage traînants. En effet, ces dernières années, de nombreux auteurs ont attiré l’attention des administrations et de la recherche scientifique sur le problème de l’impact des mouillages forains sur les herbiers en général et ceux de posidonies en particulier. C’est en raison de leur réputation de milieu qui “agrippe” que les herbiers sont souvent victimes des ancrages de bateaux de plaisance en Méditerranée. Devant l’ampleur de la dégradation que provoquent les ancrages sur le milieu, un recours à d’autres méthodes que les ancres, comme les mouillages organisés et, dans le cas de l’herbier de posidonies, un ancrage adapté s’impose dès que cela est faisable. On ne le dira jamais assez, pour conserver une espèce, il est nécessaire de préserver son habitat.

L’utilisation d’hippocampes comme palliatif n’est ni nouvelle ni réservée au marché asiatique. Le romain Pline l’Ancien recommandait dans son Histoire naturelle, en 77 apr. J.-C., de mélanger les cendres de ce poisson à de la graisse et du vinaigre pour prévenir la calvitie. En raison de ces soi-disant vertus curatives, c’est ainsi, siècle après siècle, que sont apparues toutes sortes de potions, décoctions, baumes tous aussi magiques les uns que les autres. En Corse, on suspendait un hippocampe entre les seins des femmes ayant accouché pour favoriser la montée du lait (communication orale de R. Miniconi) ! L’hippocampe est très tôt devenu un symbole dans le monde entier. Ses légendes se sont perpétuées tout autour de la planète. Les Grecs ont même fait frapper des monnaies à son effigie. De nos jours, sa silhouette orne de nombreux timbresposte ; les arts se sont approprié son image qui vient enrichir les poteries moyenâgeuses, les gravures étrusques, aussi bien que les logotypes d’entreprises du xxe siècle.

Mieux connaître pour mieux gérer Au niveau européen, l’hippocampe moucheté et son cousin l’hippocampe à museau court sont cités en annexe II de la convention de Berne qui précise la liste des espèces protégées en voie de disparition, avec une interdiction de pêche et de commercialisation. Ce texte a été transposé en droit français par le décret 99-615 du 7 juillet 1999 et ne concerne que les espèces peuplant la Méditerranée. Le non-respect de ces interdictions est passible d’une amende de 1 500 euros et d’une confiscation des biens associés au délit.

Pollution et mouillages inadaptés

Herbier de cymodocées dans la baie de Calvi.

Cliché N. Luy / Laboratoire d’Océanologie, Université de Liège.

Ces dernières années, la communauté scientifique a mis en évidence l’impact de l’activité humaine sur la qualité des eaux océaniques et sur l’environnement des communautés d’hippocampes, notamment au niveau des zones d’herbiers qui peuvent les abriter. Véritables forêts sous-marines, les herbiers sont probablement les milieux ayant le plus souffert des impacts anthropiques. Un exemple type en Méditerranée et le long des côtes corses : celui de l’herbier de posidonies. Ce dernier, même s’il n’occupe qu’un à deux pour cent des fonds méditerranéens, est considéré comme un des écosystèmes les plus importants. Son bon fonctionnement est la condition sine qua non à l’équilibre de bon nombre de fonds littoraux en Méditerranée. L’herbier de posidonies est un véritable pôle de biodiversité puisqu’il abrite entre 20 et 25 % des espèces végétales et animales connues et observées en Méditerranée et se trouve à la base de nombreuses chaînes alimentaires. Il constitue un abri, une frayère et une nurserie pour les nombreuses espèces animales qui y évoluent, dont Hippocampus guttulatus. Cette importance écologique et économique indéniable a motivé de nombreuses initiatives visant à préserver les herbiers marins. Pris en considération par l’Unesco depuis

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Natura

L’hippocampe

Remerciements Monsieur P. Louisy, docteur en océanologie, responsable scientifique de l’association Peau-bleue, S. Mauron, N. Luys et S. Jamme pour leurs images ; mesdames E. Rivas & C. Koch (Sivom du littoral des Maures, service observatoire marin), R. Miniconi et L. Michel pour l’autorisation de publication d’images et leurs précieux conseils et renseignements. Lexique >  Coralligène : le coralligène est une association d’algues calcaires (corallinacées) qui forment des blocs. On a longtemps pensé que cette formation donnait naissance au corail rouge (Corallium rubrum, Linnaeus, 1758) d’où son appellation. >  Éocène : deuxième époque du Paléogène, mais aussi deuxième de l’ère Cénozoïque. Il suit le Paléocène et précède l’Oligocène. Il s’étend de 56 à 34 millions d’années avant notre ère. Le début de l’Éocène est marqué par l’émergence des premiers mammifères modernes, sa fin par une extinction massive peut-être liée à l’impact d’une météorite (en Sibérie ? en baie de Chesapeake, aux États-Unis ?).

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Cliché E. Rivas / Observatoire marin

>  Syngnathe : poisson à corps long et grêle, au long museau, de la famille des syngnathidés (aiguilles ou vipères des mers).

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>  Syngnathidés : poissons possédant des mâchoires soudées en un tube allongé.

Posidonies arrachées par une ancre.

Que ce soit le long des côtes corses ou méditerranéennes, voire européennes, on ne sait que bien peu de choses sur H. guttulatus et ses congénères. En voie de raréfaction en raison de leur surexploitation au niveau mondial et des multiples dégradations de leurs habitats, il reste aujourd’hui plus que jamais nécessaire d’accroître nos connaissances de la biologie de ces espèces, mais aussi de sensibiliser le public à leur fragilité. Ainsi, la chercheuse anglaise Lucy Woodall mène-t-elle une étude génétique sur les espèces européennes d’hippocampes avec le soutien du programme “En quête d’hippocampes” de l’association Peau-Bleue. Cette dernière privilégie de plus l’information et la participation du public via la photographie sous-marine qui apparaît ici comme un bon outil pour collecter des informations sur ces animaux, dans le plus pur respect de leur vie et de leurs habitats. Les photographies de rencontre peuvent être signalées à l’hippoatlas. N’hésitez pas, promeneurs aquatiques et amoureux de la nature, lecteurs de Stantari, à participer en envoyant vos clichés. Les hippocampes sont de majestueux animaux qui, espéronsle, peupleront longtemps encore les fonds marins de notre planète bleue. Ils font partie de notre patrimoine naturel et nous nous devons de les conserver, ne serait-ce que pour l’émerveillement des générations futures. 4 aout-octobre 2010

>  Zooplanctonique : appartenant au zooplancton, partie du plancton composé d’un ensemble d’organismes animaux vivant en suspension dans l’eau de mer et incapables de contrer les mouvements de la masse d’eau dans laquelle ils sont inclus. Le zooplancton est composé d’animaux adultes (crustacés et autres invertébrés) ainsi que de larves ou d’œufs de pratiquement tous les embranchements. Pour en savoir plus •C urtis J. M. R & Vincent A. C. J., 2005, “Distribution of sympatric seahorse species along a gradient of habitat complexity in a seagrassdominated community”, Marine Ecology Progress Series : Vol. 291. •C urtis J. M. R, Ribiero J., Erzini K. & Vincent A. C. J, 2007, “A conservation trade-off ? Interspecific differences in seahorse responses to experimental changes in fishing effort”, Aquatic Conservation : Marine and Freshwater Ecosystems 17. • Foster S. J., Vincent A. C. J., 2004, “Life history and ecology of seahorses : implications for conservation and management”, Journal of Fish Biology - 65. • Francour P., Magréau J.-F., Mannoni P.-A., Cottalorda J.-M. & Gratiot J., 2006. Ancrages écologiques permanents. Guide d’aide à la gestion des aires marines protégées. Université de Nice-Sophia Antipolis & Parc National de Port-Cros, Nice, 68 p. • Hippo-atlas : www.subaquapixel.net/peaubleue.php?page_id=149 •M iniconi R., 1994, Les poissons de Corse, éditions Piazzola. •N eptune Environnement & Parc national de Port-Cros. www.portcrosparcnational.fr/documentation/pdf/technique_ Ancrage%20Harmony.pdf •V andendriessche S., Messiaen M., Vincx M., Degraer S., 2005, “Juvenile Hippocampus guttulatus from a neuston tow at the French-Belgian border”, Belgian Journal of Zoology, 135 (1).


Culture

Cliché D.R.

Stantari #22

Le feu mystérieux de Bocognano

aout-octobre 2010

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par Paul Silvani

Combien de légendes sont nées de phénomènes naturels incompris ? Et, s’il est vrai que bon nombre d’entre elles n’ont pas résisté à l’examen des sciences objectives, il reste quelques zones d’ombre où vagabonde encore à loisir l’imagination des hommes. Souhaitons alors que l’histoire du feu follet de Bocognano anime encore longtemps les veillées…

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U Bussu est un hameau de Bocognano situé à environ deux kilomètres du centre du village. Il surplombe le lit de la Gravona. En 1922, un mensuel depuis longtemps disparu, La Corse touristique, en faisait, sous la signature de J. de la Tour, une description idyllique : “Sur les pentes s’étendent de belles prairies, où les eaux vives courent, lestes et babillardes. Les liserons laissent pendre sur le bord des haies leurs clochettes azurées. Des jardins poétisés de ruines, des potagers entretenus avec un soin minutieux, des vergers de pommiers ouvrant leurs longs bras, font de ce coin un séjour aussi reposant qu’agréable.” C’est en ces lieux qu’a pris naissance, sans doute vers la fin du xixe siècle car on n’en trouve antérieurement nulle trace écrite, la légende du “feu de Busso” autour de laquelle nombre de récits sont venus se greffer. En effet, ni Jaussin en 1739, ni Robert Benson en 1825, ni Edward Lear en 1868, qui furent pourtant des voyageurs attentifs et passèrent plusieurs jours (et nuits) à Bocognano, n’en font état. Non plus que Grégorovius (1852), Gracieux Faure (1856) ou le prince Roland Bonaparte (1891), fins observateurs eux aussi. À part une allusion dans les Guides Joanne, l’ancêtre des Guides bleus, dans les années 1890, c’est peut-être Gaston Vuillier qui en a parlé le premier dans ses Îles oubliées. Il rapporte qu’à son retour de chasse où il s’était attardé, le seigneur du lieu passa son épée au travers du corps de son chapelain qui avait

aout-octobre 2010

Entrée du hameau du Bussu.

Cliché C. Breton

Stantari #22

U

Paul Silvani est journaliste et historien


Le feu de Bocognano

dit la messe sans l’attendre. La chapelle fut rasée et, depuis, le moine revient toutes les nuits errer dans le village, un cierge allumé à la main, cherchant l’emplacement de la chapelle. Pour d’autres, c’est l’âme du seigneur qui erre en peine du pardon. Mystère il y avait en tout cas autour du “feu”, au point que la légende devait être enjolivée, ses versions diversifiées, des détails ajoutés.

Culture

Le hameau du Bussu, vu de Bocognano, de l’endroit précis où les habitants se réunissaient pour observer le phénomène.

Les savants à la poursuite du mystère L’explication scientifique ? Deux conducteurs des Ponts et Chaussées (on dit aujourd’hui l’Équipement) qui s’appelaient Giorgi et Livrelli font, au lendemain de la guerre de 14-18, un relevé à l’aide de leur théodolite, instrument utilisé dans leur administration pour mesurer les distances entre deux points donnés. Ils visent le “feu”, obtiennent les lignes de visées à deux reprises – la nuit et le jour – et, à partir de la position de leur mire, localisent le phénomène dans la partie supérieure d’un carré de terre entouré d’un mur. Un

éminent professeur de la faculté de médecine de Bordeaux, le Dr Lautier, cherche lui aussi l’explication en 1924. Dans La Corse touristique, M. Baud, professeur de sciences au collège Fesch, à Ajaccio, relève, en se fondant sur ces travaux auxquels il a participé, que “quand on regarde le feu, ce n’est pas lui que l’on voit, mais sa perspective sur la colline, c’est-à-dire le point de rencontre du terrain avec le rayon visuel qui passe par le feu.” Les curieux qui regardaient, intrigués et émerveillés à la fois, le spectacle à partir des Camedi, au hameau des Corsacci, à deux kilomètres à vol d’oiseau, auraient-ils pu s’en douter ? Comment le professeur Lautier a-t-il mené son expérience et fait sa démonstration ? Écoutons le professeur Baud : “Quoique moins précise que la précédente, la méthode employée, fondée sur l’emploi des signaux de feu (feux de Bengale colorés et fusées) a néanmoins donné des résultats intéressants. Une première équipe d’observateurs s’est installée dans un endroit découvert de la route nationale ; la deuxième équipe s’est rendue au Busso à 10 heures du soir. Peu après son arrivée sur les lieux indiqués à la première équipe par une convention spéciale, celle-ci signalait le feu qui restait constamment invisible aux observateurs de la deuxième aout-octobre 2010

Stantari #22

À Bocognano, la tradition orale veut que le seigneur en question se soit appelé le comte Lazaraghju et, d’ailleurs, le groupe de maisons qui domine l’endroit porte nom A Lazaraghja. Au début du xxe siècle, on y montrait encore, paraît-il, la sépulture du comte et certains affirmaient que le feu follet, qui inspira tant de conteurs et de journalistes pendant près d’un demi-siècle, naissait de la présence d’ossements enfouis dans l’arca (la fosse commune) de la chapelle détruite après le meurtre de l’officiant. Reste à savoir – mais saura-t-on jamais ? – s’il a existé au Bussu un oratoire ou une chapelle. Le seul édifice de cette zone inventorié en 1587-1590 par Mgr Mascardi, le visiteur apostolique envoyé en Corse par le pape Sixte-Quint, n’est pas situé au Bussu, mais sur la colline de San Ghjustu, qui lui fait face. Au-delà de la légende, certains ont bien entendu cherché à savoir ce qu’était ce “feu” et à comprendre le phénomène. Dès 1915, pour son important ouvrage consacré au problème corse, Albert Quantin avait fait halte au village. Les fameux bandits étaient morts et il donna un autre conseil : “Plutôt qu’une marche pénible de six heures pour aller visiter le ravin de la Pentica, ancien repaire des Bellacoscia, il est préférable, si l’on se trouve à Bocognano par une nuit sans lune, d’observer la mystérieuse lumière, en forme d’ampoule électrique, qui se balance lentement à 1 500 mètres de la route nationale, au hameau de Busso. Des témoignages certains et récents mettent son existence hors de doute. Sa place a été exactement repérée. Mais elle disparaît quand on l’approche. Aucune explication scientifique n’en a été donnée.” Il avance l’hypothèse de “quelque nouvelle richesse thermale”, mais fait cependant écho à la légende.

Cliché C. Breton

Un comte sanguinaire

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Cultura

Le feu de Bocognano

Stantari #22

Cliché C. Breton

Emplacement de la Ciostra où apparaissait le feu de Bocognano, où aujourd’hui s’élève une construction.

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équipe (ces derniers avaient pris soin de s’assurer préalablement qu’aucune lumière ne brillait aux fenêtres des maisons). Quatre feux de Bengale au coin du petit jardin ont permis à la première équipe de localiser le feu mystérieux en haut du carré et non à l’intérieur, comme l’avaient indiqué MM. Giorgi et Livrelli.” Voilà donc le “feu” localisé avec une précision certaine. Mais qu’en est-il ? M. Baud s’est attaché à l’observer, mais sans parvenir à découvrir le moindre commencement d’explication. Du moins nous a-t-il laissé une description du phénomène. “Chaque nuit, écrit-il, mais plus particulièrement pendant les nuits sombres de l’hiver, le feu mystérieux est là, nous inquiétant de sa troublante énigme. Il s’évanouit au clair de lune, réapparaît aux heures obscures et présente une suite étrange d’éclats, de scintillations et de disparitions. Je l’ai observé récemment avec une bonne jumelle à prismes donnant aux planètes un diamètre apparent très sensible ; je n’ai pas obtenu un grossissement appréciable du feu qui se présenta, comme à l’œil nu, avec la forme et les dimensions d’une grosse lanterne à lumière jaune. Cette observation mérite d’être confirmée avec un instrument plus parfait. Mais la plus extraordinaire, la plus fantastique, la plus déconcertante des manifestations du feu du Busso (manifestation négative), c’est qu’il n’est pas visible de près.” aout-octobre 2010

“D’ailleurs on ne peut admettre aucune hypothèse de supercherie. Il y a une dizaine d’années, un vieillard de 94 ans m’a dit à moi-même qu’il croyait à l’existence du feu, et que ses ancêtres en avaient toujours entendu parler comme d’une chose extraordinaire. Aujourd’hui, les Bocognanais y croient encore, mais n’accordent aucune créance à la légende. Peut-être l’expiation du comte du Busso arrive-t-elle à son terme, puisque les anciens du village affirment que le feu n’a plus le même éclat qu’autrefois.” Autres questions : le “feu” apparaissant par intermittences, est-il possible de “découvrir une loi de périodicité” ? les interruptions étant absolument inattendues, est-il absurde de supposer que le “feu” peut se déplacer ? Pour en avoir le cœur net Ces questions, et toutes les autres, n’avaient pas reçu de réponse jusqu’à ce jour de 1928 ou 1930. Santu Miniconi, qui fut secrétaire de mairie à Bocognano pendant un quart de siècle, ne se souvenait pas précisément de l’année, lorsqu’il me rapporta le fait, où des paysans du Bussu décidèrent de percer le mystère d’une manière ou d’une autre : “Ils allèrent voir de près la chiostra (enclos où l’on parquait le bétail pour la nuit),


Le feu de Bocognano

Culture

Feu follet ? Ces lueurs ont plusieurs caractéristiques récurrentes ; dans la forme, il s’agit d’une flammèche suspendue dans l’air à faible hauteur et dont la couleur varie : jaunâtre, rougeâtre, mais c’est le bleuté qui domine. Le phénomène lumineux est diffus, vacillant et bref (on parle parfois de quelques minutes), il ne dégage généralement ni chaleur ni fumée.

Cliché C. Breton

On trouve les premiers témoignages de “flammes flottant audessus des marais” dès le Moyen Âge. La première référence connue est associée à William Fluke (1563) dans A. Goodly Gallerye : William Fluke’s book of meteors. En 1704, Isaac Newton mentionne les feux follets dans son traité Opticks : il les décrit comme des “vapeurs s’élevant des eaux putréfiées, habituellement appelées ignes fatui”. Les désignations du phénomène varient naturellement selon les pays, mais également – et de façon très importante – suivant les régions : Will o’the wisp, Jack’o lantern ou foolish fire dans les pays anglophones ; tan annwn (“feu de l’autre monde”) au pays de Galles ; feu follet, lumerelle et parfois farfadet pour les pays francophones ; roudge bounète (“bonnet rouge”) ou roudge gate (“chèvre rouge”) dans les Ardennes ; Padrig he shod tan (“Patrick qui porte le feu”), sklaerderignoz (“petite clarté de nuit”) en Bretagne ; brandede schaper (“berger flamboyant”) en Champagne, etc.

Françoise Sinapi et Paul Silvani, tous deux natifs de Bocognano, se souviennent du feu mystérieux.

piochèrent sans relâche et retournèrent la terre du carré exploré par les scientifiques. Ils ne trouvèrent naturellement rien. Mais le soir, des milliers de vers luisants montèrent dans l’azur, visibles de loin tant il y en avait. Les enfants tâchaient de les saisir et leurs mains devenaient ensuite phosphorescentes. Le lendemain soir, tout était fini. Le feu de Bussu avait disparu, sans doute définitivement depuis que la chiostra fut recouverte de tôles et ses abords complantés en arbres qui, de loin, la dissimulent au regard.” Lumière émise par le ver luisant due au phénomène de bioluminescence ? Émissions lumineuses provoquées par la décharge électrique dans les gaz raréfiés ? Phosphore provenant de la décomposition d’excréments d’origine animale, d’urine ou d’ossements ? Feu follet dû à un dégagement de gaz (hydrogène phosphoré particulièrement) produit par la décomposition de matières organiques ? Nul n’a jamais su, ne saura probablement jamais. Il reste la légende, toujours plus belle que la réalité, et l’insaisissable histoire du seigneur du Bussu qu’à défaut de conter à veillée – è passatu u tempu – on trouve dans les livres. 4

D’une manière générale, on estimait qu’il s’agissait d’esprits malins dont les flammeroles étaient destinées à égarer le voyageur en pleine forêt ou le mener vers le bord d’un précipice. Selon la région, il s’agit soit d’un esprit lumineux, soit d’un revenant muni d’une lanterne. L’explication scientifique la plus fréquente est qu’il s’agit d’une émanation conjointe de méthane (CH4) à partir de plantes en décomposition et de formes chimiques du phosphore (diphosphine (P2H4) et/ou d’hydrogène phosphoré (phosphine) (PH3 ; pyrophorique) émis par la décomposition d’un cadavre. La phosphine a la particularité de s’enflammer au contact de l’air tandis que le méthane est un combustible. Lorsque la phosphine et le méthane rassemblés remontent en surface, la phosphine s’enflamme et provoque la combustion du méthane. Cependant, le phénomène n’a pu être reproduit en laboratoire. Avec le drainage, la régression des zones humides et des forêts inondées et l’enterrement des morts dans des cercueils, les feux follets sont devenus plus rares. Source : www.paranormal-encyclopedie.com

Cliché Tuohirulla

•D ’Angelis G. & Don Giorgi, 1968, Guide de la Corse mystérieuse, Tchou, Paris. •H umbert-Gley R., 1933, Asphodèles, Édition des Roses, Bordeaux. •Q uantin A., 1914, La Corse, Perrin, Paris. •S alvadori J.-M., 1926, L’âme corse, Aubanel, Avignon. • Surier A., 1934, Notre Corse, Chiron, Paris. •T iévani C. & Desideri L., 1986, Almanach de la mémoire et des coutumes corses, Albin Michel, Paris. •V uillier G., 1893, Les îles oubliées, Hachette, Paris. aout-octobre 2010

Stantari #22

Bibliographie

Reconstitution d’un feu follet.

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Georges Allard, “Vacances en Corse – deux semaines à Calvi – 16.000 frs”, Paris, Club olympique (Corte, musée de la Corse).

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Musée de la Corse, Corte / Cliché C. Andreani

Stantari #22

Cultura


Culture

par Ludovic Martel & Didier Rey

Sports et société Attirés par la nature sauvage de l’île les premiers sportsmen partent à l’assaut de la Corse : les étrangers introduisent alpinisme et football mais, peu à peu, la Corse intégrera les activités physiques et sportives comme pratiques culturelles. Quelles transformations ce phénomène a-t-il opéré dans son histoire ?

Le sport, les sports… mais peut-être serait-il plus pertinent d’évoquer, ici, les activités physiques et sportives, tant leur expression quotidienne revêt des dimensions multiples et dont les logiques s’inscrivent bien au-delà de la seule compétition, laissant la place, selon les envies et les instants, aux souhaits de bien-être, de convivialité, de maintien de la forme, de ressourcement, de construction identitaire, etc. Touchant toutes les catégories sociales, toutes les classes d’âge, sans distinction de sexe, il convient pourtant ici de rappeler, sans détour, que l’on observe encore en ce début de xxie siècle, en Corse comme ailleurs, un certain nombre d’inégalités face à l’accès aux pratiques sportives. Fort d’un ratio de licenciés important par rapport à la population locale, passant de 17 000 licenciés en 1974 à 66 000 en 2005 – lesquels sont répartis dans près de 1 000 clubs dans l’île – et d’un nombre croissant de sportifs auto-organisés, les pratiques sportives comptent assurément comme un des éléments constitutifs du patrimoine culturel insulaire. Cet

article suggère de revenir sur une lecture rapide d’un siècle et demi d’histoire des sports en Corse, en considérant les principaux facteurs culturels et sociaux qui la sous-tendent. À la suite, sont évoquées quelques pistes de réflexion relatives aux façons dont les différents acteurs (sportifs, organisations de loisirs sportifs, institutions) exploitent alors le patrimoine naturel. En effet, dans les évolutions récentes des pratiques sportives, on observe un engouement pour les loisirs et sports de nature. Pratiques locales avérées, elles apparaissent également comme une construction marketing destinée à vendre aux touristes amateurs de sensations fortes et de frissons une Île Aventure, formidable terrain de jeux. L’apparition des sports en Corse L’apparition des sports en Corse, à compter du milieu du xixe siècle, obéit à un triple mouvement, connu presque partout ailleurs en Europe : introduction par des étrangers, aout-octobre 2010

Stantari #22

L

Ludovic Martel est maître de conférences à l’UFR droit, sciences sociales, économiques et de gestion. Il est membre de l’UMR 6240 lieux, identités, espaces et activités et Didier Rey est maître de conférences à l’UFR lettres, langues, arts, sciences humaines et sociales. Il est membre de l’UMR 6240 lieux, identités, espaces et activités.

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Cultura

Sports et société

développement par des nationaux, amplification et succès définitif sous l’impulsion des locaux. Ce schéma subit quelques variantes cependant, notamment dans le cas de l’hippisme et des régates. Le premier mouvement est initié par des sportsmen originaires de l’Europe du Nord. Le second par des protagonistes adeptes des sports, continentaux installés ou de passage dans l’île. Le dernier, enfin a pour acteurs des insulaires. La place des Corses, très marginale, voire inexistante au début – à quelques exceptions près –, devient bientôt prépondérante sinon totale et marque fortement, en termes culturels, certaines pratiques. Après avoir été simples spectateurs, les insulaires deviennent peu à peu acteurs du mouvement sportif. À la veille de la Grande Guerre, le football, le cyclisme, l’athlétisme, l’alpinisme, les courses hippiques, le tennis et les régates sont régulièrement pratiqués en Corse. Dans le même temps, le rugby, le patinage ou le ski font de timides apparitions. La victoire de 1918, attribuée en partie aux vertus sportives des combattants, suscite la multiplication des clubs sportifs en général et de football en particulier. En 1939, il n’est probablement pas une région de l’île qui ne compte, sous une forme ou sous une autre, au moins un club de football ou une société sportive.

De plus, la Corse est déjà le cadre de compétitions internationales, à l’image du Tour de Corse cycliste (dès 1920) et de l’organisation sans lendemain du Tour de Corse automobile (1921). L’après seconde guerre mondiale marque le temps du repli avant que les années soixante ne soient celles d’un fantastique développement sportif. 1960-1990 : la première “explosion sportive” Un peu à l’image de ce qui s’était produit au début du xxe siècle, les promoteurs des nouvelles activités sont certes des insulaires, mais également des Corses rentrés des colonies ou du continent, ainsi que des continentaux installés à demeure et adeptes de pratiques alors peu ou pas connues en Corse, nonobstant l’action de certains Pieds-Noirs, notamment pour ce qui a trait au développement des loisirs balnéaires, du tennis ou du ball-trap. On n’oubliera pas non plus le rôle diffus des touristes, en particulier pour ce qui concerne certaines activités nautiques. Dans les pratiques nées de cette première “explosion sportive”, entre le début des années soixante et le milieu des années quatre-vingt-dix, certains sports font figure de grande nouveauté,

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Le Tour de Corse automobile en 1963. aout-octobre 2010

Cliché D. R.

Stantari #22

L’équipage Nadège Ferrier et Gilberte Thirion, vainqueur du Tour de Corse automobile en 1956, le premier à être couru depuis 1921.


Sports et société

Cliché Corse-Matin / D. R.

Parmi les nouveaux venus, on comptait également les arts martiaux (en particulier judo et karaté) et le ball-trap, avec les magnifiques résultats obtenus, entre autres, par Michel Carrega, champion du monde en 1970, 1971, 1974 et 1979. D’autres sports se développent peu à peu en Corse et donnent lieu, parfois, à l’organisation de compétitions d’une certaine importance. Quelques-uns sont d’essence populaire comme, en 1989, lorsque naît le marathon d’Ajaccio ; d’autres d’inspiration plus élitiste avec la création du Golf Club de Bastia en 1987, le premier du genre dans l’île ; d’aucuns, enfin, intimement liés aux pratiques dites californiennes tel le surf, arrivé en Corse dans le courant des années quatrevingt, mais pas encore vraiment implanté malgré la création, en 1990 par des locaux, de l’Ajaccio Surf Club. On peut noter des réalisations parfois surprenantes, et dépendantes d’événements en apparence bien éloignés des préoccupations sportives : en 1983, la municipalité de Santa Maria Poghju

Les difficultés de l’intégration, l’exemple du handball (Corse-Matin du 6 juin 1972).

Stantari #22

Carrega au JO 1972 (Corse-Matin du 6 juin 1972).

Cliché Corse-Matin / D. R.

ce qui n’est pourtant pas, à proprement parler, vraiment le cas : ainsi en est-il du rugby. Les sports nautiques profitent également de ce nouveau climat sportif pour entamer un développement sans commune mesure avec ce qu’ils avaient pu connaître jusque-là, notamment sous l’influence du tourisme, nonobstant certaines courses de “prestige”, à l’image des régates organisées par la SOMIVAC en mai 1972 à Bastia. Plus tard viennent, entre autres, les championnats de France minimes sur “optimist” (1979), les championnats internationaux de Méditerranée Haute Mer (1980, 1981) et surtout, peut-être, la création en 1986, du Mediterranean Trophy. Ce dernier devient rapidement une course de prestige entre la Corse et la Sardaigne où s’illustrent des grands noms de la voile internationale, tels que Bruno Peyron ou Florence Arthaud, sans oublier la dimension économique clairement affichée par ses promoteurs. Cet aspect prestigieux et de renommée internationale se retrouve dans l’organisation, à compter de 1956, du Tour de Corse automobile lequel passionne les foules insulaires. Les Ajacciens Pierre Orsini et Jean Canonici s’imposent en 1959, 1962 et 1965. Le basket, si dynamique dans les années soixante, vivote tout au long des années soixante-dix, avant d’entamer un lent redémarrage à la fin des années quatre-vingt. Quant au ski, il connaît dans un premier temps un vrai développement avec la création des stations de Verghju, Ascu, Ghisoni, etc. Des activités sportives apparaissent pour la première fois sur le sol insulaire : c’est notamment le cas du handball qui connaît la consécration avec l’accession du GFC Ajaccio en Nationale III en 1974 ou du volley, introduit en Corse par des enseignants d’EPS, et qui, une fois encore avec le GFC Ajaccio, rejoint l’élite de la Pro A en 1996. C’est le premier club insulaire de sport de salle à réaliser cette performance.

Culture

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Cultura

Sports et société

Cliché Corse-Matin / D. R.

décide de construire un fronton de pelote basque, la commune étant désormais jumelée avec son homologue de Sare/Sarra, dans les Pyrénées-Atlantiques. Les insulaires se prennent au jeu, forment un club et intègrent bientôt les compétitions officielles de la Fédération française de pelote basque, au sein de la ligue régionale Côte d’Azur-Corse. Le club de Santa Maria Poghju remporte la compétition interligues en 1996. Mais le sport-roi demeure le football, avec les exploits du GFC Ajaccio, quatre fois champion de France amateurs (1963, 1965, 1966 et 1968), l’accession en première division professionnelle de l’AC Ajaccio (1967) et le fantastique parcours européen du SEC Bastia qui arrive en finale de la Coupe de l’UEFA (1978), puis remporte la Coupe de France (1981). La difficile intégration sportive L’intégration sportive se produit à un moment où de grandes mutations affectent la société corse dans son ensemble et la déstabilisent sans lui offrir, dans l’immédiat, de nouveaux repères. Parallèlement, à l’échelon national, la construction médiatique de l’image de l’île et de ses habitants puise trop souvent dans le fond des lieux communs et autres stéréotypes les plus éculés hérités en droite ligne du xixe siècle, provoquant sur place des réactions d’incompréhension d’abord, de rejet ensuite, de violence parfois. Dès lors, les succès des sportifs insulaires, au premier rang desquels figurent les footballeurs, se voient aussitôt investis d’une

La catastrophe de Furiani, le 5 mai 1992, causa la mort de 17 personnes et en blessa plus ou moins grièvement plus de 2 500 autres (Corse-Matin du 7 mai 1992).

forte charge symbolique, tout en ayant une fonction évidente de compensation. Ceci n’empêche pas, quelquefois, la presse locale de s’interroger sur certaines pratiques partisanes sans arriver à se positionner clairement, oscillant entre attirances pour la “vigueur de la race” et répulsion pour des “pratiques archaïques”. Ceci dit, il s’agit alors bien, à travers les exploits des athlètes, de trouver des réponses internes, notamment en termes de cohésion identitaire face aux transformations

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Cliché C. Breton

Stantari #22

Le retour triomphal des Bastiais après leur victoire en Coupe de France le 13 juin 1981.

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Culture

La montagne comme territoire de nombreuses pratiques sportives. Lors de son record de la traversée du GR 20 en course à pied (2005), Piero Santucci croise randonneurs pédestres et équestres.

culturelles, mais aussi politico-sociales, en démontrant le dépassement possible des vieux clivages clanistes et/ou celui de l’opposition pluriséculaire entre Pumonti et Cismonte pour déboucher sur un nouveau pacte social et un projet politique commun. Ces réponses peuvent être également à usage externe. Il faut démontrer, face aux “agressions médiatiques” en tout genre, que la société et la culture corses peuvent aussi produire le meilleur et que, pour peu que la France veuille en tenir compte, le pays tout entier pourrait alors en tirer un profit sportif. Car force est de constater que si l’intégration aux compétitions nationales a permis d’affirmer haut et fort les qualités et la valeur des sportifs de l’île, l’essentiel, probablement, n’est pas là. Le football devait être le révélateur d’un véritable choc culturel auquel les insulaires ne sont nullement préparés. À la place de l’image de l’égalité et de la ressemblance tant souhaitée, les Corses reçoivent celle – pour eux longtemps inconcevable – de l’altérité pouvant aller jusqu’au déni de francité. Les clubs de football, mais aussi de rugby et de handball, font l’objet, dans les années soixante et soixante-dix de mesures vexatoires et discriminantes. Ainsi, alors que le Bastia Université Club vient de terminer en troisième position de sa poule de championnat amateur de rugby du Littoral, ce

dernier comité décide d’exclure le club corse au seul motif du coût financier des déplacements à un moment où ceuxci sont en diminution permanente du fait de l’amélioration sensible des relations entre la Corse et le continent… et la FFR entérine la décision sans aucun état d’âme lors de son congrès du mois de juin 1972. Dès lors, rien d’étonnant à ce que, vers le milieu des années quatre-vingt, apparaisse une incontestable volonté des dirigeants sportifs insulaires de s’inscrire dans un processus d’autonomisation des structures régionales, la mise sous tutelle par un comité départemental extérieur étant ressentie comme un frein au développement des pratiques en Corse. La nature : entre pratiques locales et mise en tourisme Le tourisme sportif de nature n’est pas un phénomène récent dans l’île de Beauté comme en témoignent les fréquentations nombreuses et régulières des massifs corses par des montagnards venus de toute l’Europe à compter du milieu du xixe siècle. Le littoral, est lui aussi concerné à partir des années trente, période à laquelle, dans la continuité du développement de aout-octobre 2010

Stantari #22

Cliché X. Grimaldi

Sports et société

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Cultura

Sports et société

Cliché É. Volto

Les régates impérales d’Ajaccio.

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CG2B

Stantari #22

CTC

la Côte d‘Azur, on observe une incursion de touristes venus profiter des bienfaits thérapeutiques des bains de mer. Symbole de distinction sociale, ces activités de plein air s’inscrivent dans ce que Marc Boyer qualifie d’“invention du tourisme”. La nature est à la fois idéal philosophique et support à une hygiène de vie. Les campagnes promotionnelles de l’époque ne manquent d’ailleurs pas d’y faire référence. On repère ensuite l’émergence des premiers opérateurs de loisirs sportifs de nature à l’orée des années cinquante, comme c’est le cas à Calvi, avec le Nord Sud Subaqua Club qui propose de “découvrir le monde du silence”. Pourtant, c’est la création du GR 20, imaginé par Michel Fabrikant, tracé par de jeunes Corses en 1970 et dynamisé par la création du parc naturel régional de Corse (1972), qui semble marquer une rupture. En effet, ce qui est nouveau ici c’est la prise de conscience collective de l’intérêt économique que représente ce secteur d’activités, aujourd’hui érigé en filière des activités physiques de pleine nature par l’agence du tourisme de la Corse (plusieurs

études font état de cet impact positif : activités nautiques, randonnées pédestres, plongée subaquatique…). Cette prise de conscience se manifeste d’abord dans le champ politique au sein duquel l’idée semble consensuelle, quelles que soient les tendances – bien que, sur la question du nautisme, des divergences soient observables jusque dans les années quatre-vingt-dix. L’intérêt économique se décline alors comme le gage d’une attractivité du territoire mais également d’un vivier d’emplois potentiels pour que les jeunes restent vivre au pays. Au-delà du seul intérêt économique, l’idée partagée est également celle de l’amélioration ou de l’enrichissement de la qualité de vie des résidents comme cela est explicite, entre autres, dans le projet de plan de randonnée pédestre et équestre proposé en 1980 par François Giacobbi, alors président du conseil général de Haute-Corse ou encore dans le plan nautique Quand le nautisme est mis en agenda… dans les politiques publiques


Sports et société

A Mezu Mare, en 1996, lequel propose d’“intégrer la donnée voile dans la vie des habitants du département”. Une autre conception forte prodiguée concerne l’animation des zones rurales, la lutte contre la désertification de l’intérieur ou la recherche d’un rééquilibrage entre littoral et intérieur. Pourtant, force est de constater l’insolente domination de la valorisation de l’espace littoral dans le cadre de l’action publique. Il existe sur ce sujet une réelle disjonction entre le discours et la mise en œuvre des politiques publiques locales. Mais l’intérêt économique a également été perçu par les acteurs de la sphère privée, au sein de laquelle on observe une partition assez “équilibrée” entre organisations associatives et structures commerciales, ce qui n’est pas sans conduire à un certain nombre de situations conflictuelles, notamment dans les activités les plus rentables économiquement. La plongée est tout à fait révélatrice de ces tensions. Ces conflits sont aussi sous-jacents dans le seul milieu associatif quand la “moralité” sportive est contestée par des pratiques marchandes. D’autres activités, au contraire, semblent complètement échapper au processus de marchandisation, comme c’est le cas pour l’escalade ou le surf de mer.

Culture

Une telle évolution de l’importance de ces produits touristiques sportifs ne peut se comprendre qu’en miroir des pratiques sportives locales. L’émergence de ligues sportives liées au secteur des sports de nature date du milieu des années soixante-dix, lorsqu’un processus dynamique est enclenché. On observe ici un renouvellement des pratiques – par exemple, l’activité cycliste traditionnelle se décline sous d’autres formes : VTT, cyclo-tourisme –, là l’apparition de nouvelles pratiques. Côté montagne, on note l’engouement des insulaires pour les courses de montagne, lesquelles réunissent environ 250 participants sur chaque épreuve et conduisent, par une action collective, à la création du challenge régional Montagne corse. Parfois la confrontation à l’espace montagnard se joue en “solitaire”, comme en témoigne la liste des prétendants au record de la traversée du GR 20. La montagne, c’est aussi les parois sur lesquelles les grimpeurs se retrouvent ou encore la randonnée conviviale plus ou moins difficile, en famille, entre amis… Côté mer, les amateurs de sports de glisse sont nombreux. Répartis en tribus aux modes d’expressions culturelles singuliers (surfeurs, véliplanchistes, kite surfeurs…), ils n’hésitent pas à mettre au défi leur spectaculaire gestualité en d’autres lieux (bol de skate board, pistes de ski en snow kite), sur d’autres engins (stand up paddle…) Nombre d’entre eux sont des pratiquants auto-organisés, soucieux d’organiser un temps à soi en dehors des contraintes imposées par l’institution fédérale, ce qui, pour autant, ne les empêche pas d’être licenciés en club pour d’autres activités sportives. 4

Bibliographie •A ttali M. & Saint-Martin M. (dir.), 2010, Dictionnaire culturel du sport, Armand Colin. •B essy O. (dir.), 2008, Sport, loisir, tourisme et développement durable des territoires, PUS. •B oyer M., 2005, Histoire générale du tourisme. Du xvie au xxie siècle, Paris, L’Harmattan. •C lement J.-P., Defrance J. & Pociello C., 1994, Sport et pouvoirs au xxe siècle, PUG, Coll. Sport en questions.

•R ey D., 2003, La Corse et son football, Ajaccio, Albiana.

Cliché É. Volto

•R ey D., 2006, Sports et société en Corse des années 1860 à 1945. Anthologie, Albiana. La plongée, une activité essentiellement touristique.

•R ey D. & Martel L., 2009, Sport et société en Corse depuis 1945, Anthologie, tome II, Albiana. aout-octobre 2010

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•L oret A., 1995, Génération Glisse : dans l’eau, l’air, la neige. La révolution du sport dans les années fun, Autrement.

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Cultura

Etude peinte, inachevée, du portrait en buste de Lucien Bonaparte par François-Xavier Fabre (Montpellier, 1766-1837). Huile sur toile, vers 1808, Montpellier, musée Fabre.

(1775-1840)

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un homme libre

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Cliché Montpellier, musée Fabre.

Lucien Bonaparte,


Culture

par Maria Teresa Caracciolo

Lucien n’est pas un Bonaparte comme les autres. Célèbre pour sa personnalité affirmée qui a parfois changé le destin de l’illustre famille, il est moins connu pour son amour des arts et son érudition. À l’occasion de sa réouverture, le palais Fesch rend hommage à l’une des passions du frère frondeur : la peinture.

Le musée Fesch est le lieu idéal pour présenter la première exposition consacrée à Lucien Bonaparte. Situé au cœur d’Ajaccio, à proximité de la maison natale des Bonaparte, le palais de l’oncle cardinal – devenu aujourd’hui un riche et beau musée des beaux-arts, largement ouvert sur l’Italie – recrée autour de l’homme un cadre qui lui aurait plu. De plus, ce cadre admirable permet à nouveau de réunir temporairement des œuvres qui se côtoyèrent jadis à Rome, dans le palais Lancellotti de la via dei Coronari : les célèbres tableaux du cardinal Fesch et ceux, tout aussi prestigieux, de la galerie de son neveu Lucien, que celui-ci avait dû décrocher des parois de l’hôtel de Brienne, à Paris, pour les emmener avec lui en exil en Italie. Lucien Bonaparte et le cardinal Fesch furent tous deux des collectionneurs passionnés. Il est donc possible qu’il y ait eu entre eux des tiraillements, voire des jalousies et des conflits, au sujet de quelques-unes de leurs acquisitions. Mais leur passion commune ne put qu’être stimulante pour la “chasse aux tableaux” qu’ils menèrent en même temps sur le territoire italien, et dut aiguiser leur flair et exercer leur œil.

Cliché Milan, Galleria Orsi.

L’“île heureuse” Ce retour en Corse – l’île de l’enfance et des débuts en politique – que l’exposition du musée Fesch permet aujourd’hui d’effectuer, Lucien Bonaparte le fit en rêve, de son vivant : ce fut après la chute de l’Empire et à la suite de sa réinstallation définitive en Italie. Les dernières illusions étaient alors perdues, mais la réconciliation avec Napoléon avait été scellée par les Cent-Jours. Devenu à la fois prince français et prince de Canino, Lucien se fixa dans les États du Pape ; il était désormais libéré de l’angoisse que généraient chez lui les harcèlements de l’Empereur, des harcèlements dus sans doute à une intransigeance rigide, mais aussi à une tendresse fraternelle un peu trop insistante, voire abusive. L’esprit plus serein, Lucien se remit à l’écriture. Son second poème épique, qu’il termina en 1819 et intitula la Cirnéide, fut cette fois consacré à la Corse. L’île brune et verte, Buste de Lucien Bonaparte par Raimondo Trentanove (Faenza, 1792 - Rome, 1832). Marbre, galerie Carlo Orsi, Milan. aout-octobre 2010

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L

Maria Teresa Caracciolo, commissaire de l’exposition, est chargée de recherche au CNRS et spécialiste de l’art de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle

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Cultura

Lucien Bonaparte

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Cliché Talabardon et Gautier

Herminie parmi les bergers (Torquato Tasso, Jérusalem délivrée, chant VII) par Guillaume-Guillon Lethière, illustre Le Tasse, l’un des auteurs préférés de Lucien Bonaparte. Huile sur toile, galerie Talabardon et Gautier, Paris. Les Baigneuses de Lethière faisait partie de la collection Lucien Bonaparte.

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trouée de lacs et encerclée par le bleu de la mer, et la fierté de ses habitants lui inspirèrent des strophes où vibrent parfois les notes de la nostalgie. Un passage émouvant du poème est contenu dans le dixième chant où Lucien rend hommage au prisonnier de Sainte-Hélène qu’il ne reverra plus. Quand la nouvelle de la mort de Napoléon lui parviendra en Italie, au début de l’été 1821, Lucien sera accablé par la douleur. Pourtant, cette “île heureuse” de son enfance et de sa première jeunesse, Lucien n’hésita pas à la quitter quand le signal donné par la Révolution de 1789 lui fit savoir qu’un monde nouveau se préparait à naître, un monde où sa famille avait un rôle à jouer. Avec la rapidité fulgurante des Bonaparte, il se retrouva à Paris, “représentant du peuple [corse] en fonction”. Il avait aussi pris le temps de se marier et était déjà le père d’une petite fille qui, avec sa mère, le suivit à Paris. De 1797 à 1803, les six années que Lucien Bonaparte vécut dans la capitale, dans le climat effervescent du Directoire et du Consulat, furent si intenses, si débordantes d’activité que seuls leurs jalons essentiels ont pu être évoqués dans la première partie de l’exposition. La chance souriait alors à Lucien, auréolé de la gloire de Brumaire. Son intelligence aout-octobre 2010

prompte et pragmatique, son talent d’orateur, sa sympathie humaine, jusqu’à son regard myope derrière ses lunettes, tout en lui séduisait. Les beautés du Directoire et du Consulat furent nombreuses à succomber, et même la plus inatteignable d’entre elles, Juliette Récamier, dut se sentir en danger un certain soir, sur ce fameux “banc circulaire” (le mystère de sa forme n’est pas encore élucidé) où Lucien lui fit sa cour, s’enhardissant jusqu’à toucher ses boucles et effleurer sa main, brûlant d’un amour fou dont il ne reste aujourd’hui que les mots ardents et maladroits qu’il martela dans une série interminable de lettres que le sort a pu conduire jusqu’à nous. Six ans vécus à perdre haleine, six ans de “chasse au bonheur”, de quête inépuisable de richesses, de pouvoir, d’amour et de célébrité. Six ans, et un point d’arrêt soudain et définitif. L’ombre du frère Le Premier consul, en réalité, ne voyait plus d’un bon œil ce frère intelligent, trop imaginatif et peut-être un peu trop sûr de lui, qui l’avait pourtant bien secondé dans sa conquête du pouvoir. Lucien, en effet, avait commencé par lui sauver


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ClichĂŠ museo napoleonico/DR.

Portrait de Charlotte Bonaparte, fille de Lucien et de Christine Boyer, en costume de paysanne de Canino. Huile sur toile, Museo Napoleonico, Rome.

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Cultura

Lucien Bonaparte

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Cliché Agnew’s, DR.

Tableau ayant appartenu à Lucien Bonaparte : La sainte Famille, par Nicolas Poussin. Huile sur toile, Agnew’s, Londres.

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la mise, lors du coup d’État du 18 et du 19 brumaire de l’An VIII : par son sang-froid, son talent d’orateur et sa maîtrise de la matière juridique, il avait su mener à bien leur entreprise commune, sans épanchement de sang et dans le respect de la légalité. Il avait été ensuite un ministre de l’Intérieur dynamique et estimé des milieux intellectuels ; enfin, en tant qu’ambassadeur du Consulat à Madrid, il avait su conquérir l’amitié des souverains espagnols tout en accomplissant sa mission et en sauvegardant dans les limites du possible les intérêts de son pays. À Paris, sa sphère d’influence demeurait forte et son opposition à l’ambition du Premier consul de s’emparer du pouvoir absolu devenait de plus en plus patente. Une brouille familiale fournit à ce dernier un prétexte pour mettre fin à la carrière politique de son frère cadet et l’éloigner de Paris. Veuf de sa première épouse (prématurément disparue au mois de mai 1800), Lucien avait en effet noué, à son retour d’Espagne, une relation amoureuse avec Alexandrine de Bleschamp Jouberthon, une fort jolie femme qui, cependant, ne pouvait lui offrir la nouvelle alliance prestigieuse que le Premier consul envisageait pour lui. En 1803, un enfant, aout-octobre 2010

Charles-Lucien, naquit de l’union, non encore officielle, de Lucien et d’Alexandrine. Napoléon exigea immédiatement et inexorablement le divorce. Lucien ne se plia pas à une telle demande, qu’il considérait comme une intrusion intolérable dans sa vie privée : avec une cohérence parfaite, il choisit de renoncer à la vie politique et décida de quitter Paris. L’exil En s’installant en Italie, entre 1803 et 1804, l’exilé ignorait que son éloignement de France devrait durer jusqu’à sa mort. Décidé à ne pas céder sur le fond, il tenta pourtant d’infléchir la volonté de son frère et de reconquérir sa place dans l’univers parisien qui lui était cher, celui du pouvoir politique, des milieux littéraires et érudits et, enfin, du cercle de famille. Il n’en fut rien et le destin de Lucien put ainsi s’accomplir. Dans une Rome toujours belle mais déclinante et située désormais “à la périphérie de la modernité”, Lucien Bonaparte fit en sourdine son choix de l’honneur et de la liberté. Sa vie prit ainsi une dimension romanesque, en syntonie avec son temps. Le personnage représenté par Ingres assis dans un paysage


Lucien Bonaparte

romain, un livre et ses lunettes à la main, souriant à l’artiste qui fait son portrait, n’avait pas seulement l’apparence d’un dandy. Il frappa l’imagination de ses contemporains. La duchesse d’Abrantès, une amie d’enfance de Lucien, qui aimait rêver, écrivit : “Partout et toujours libre de pensées et de volonté, Lucien offre à ceux qui voudront admirer son beau caractère sans une ridicule partialité contraire, un des plus beaux types que l’époque si fertile de la Révolution présente à l’œil de l’homme observateur. Il y a du héros dans cet homme. Il y a du grandiose dans la coupe de son être”. Dans les pages qui précèdent, elle avait retracé l’histoire des deux frères et de leur long conflit. Après avoir restitué des dialogues et cité des lettres, elle rapporte enfin qu’à l’Empereur qui lui proposait pour la énième fois le trône de Toscane, Lucien aurait répondu, en persistant dans son refus : “Laissez-moi mon obscurité. Je la préfère à vos couronnes, car je suis libre”.

Culture

le fief pontifical de Canino – pour en retirer des trésors archéologiques qui essaimèrent par la suite dans les musées du monde entier. Avec Alexandrine, à laquelle il demeura fidèle jusqu’à la fin de sa vie, il fonda une nombreuse famille que ses descendants, alliés pour la plupart à des familles romaines, perpétuent de nos jours. Il revint une seule fois à Paris : ce fut au printemps 1815, lors des Cent-Jours. En vain mit-il, à cette occasion, sa ferveur et son talent au service de l’Empereur et de son ultime tentative de sauvegarder le trône. Il ne parvint pas à renouveler l’exploit de Brumaire, et l’épopée des Cent-Jours se solda par un échec. Mais les deux frères se quittèrent réconciliés et Lucien put regagner l’Italie l’esprit plus serein : il savait qu’aux deux moments cruciaux de son existence, lors de sa prise de pouvoir et à la fin de son épopée, Napoléon l’avait eu à ses côtés. 4

En Italie, Lucien Bonaparte profita de sa liberté pour écrire, collectionner des tableaux et effectuer des fouilles sur les territoires de l’ancienne Étrurie – où il avait acquis

Lucien Bonaparte assis devant un paysage romain par JeanAuguste-Dominique Ingres (Montauban, 1780 - Paris, 1867). Mine de plomb, vers 1807, New-York, collection particulière.

Réouveture du palais Fesch Après de longs travaux de rénovation et de restauration de ses collections, le musée des beaux-arts d’Ajaccio a rouvert les portes de ses collections permanentes le 26 juin 2010. Grand collectionneur d’art, l’oncle de Napoléon (et de Lucien Bonaparte) avait réuni au cours de sa vie près de 16 000 tableaux dont un millier constitue le fond du musée. Ce sont les artistes italiens qui retiennent majoritairement son attention, mais sa collection compte aussi de nombreux chefs-d’œuvre des écoles hollandaises, flamandes et françaises. Abritées dans ce palais dont Joseph Fesch voulait faire un “Institut des Arts et Sciences” les importantes collections italiennes des xive au xviiie siècles sont aujourd’hui présentées sur deux niveaux. Les visiteurs pourront découvrir, de plus, au rez-de-cour, la galerie napoléonienne de portraits et sculptures de la famille impériale et, au rez-de-marine, la collection de peintures corses.

“Lucien Bonaparte, un homme libre” Exposition temporaire présentée au palais Fesch, musée des beaux-arts d’Ajaccio, du 26 juin au 27 septembre 2010. 50-52, rue Fesch, 20 000 Ajaccio Tél. : 04 95 21 48 17 www.musee-fesch.com

Cliché New-York, coll. Part., DR.

À l’occasion de la réouverture du musée et jusqu’en septembre se tiennent trois expositions temporaires : “Lucien Bonaparte (1775-1840), un homme libre”, “Titien, l’homme au gant” et “Le dessin à Florence au temps de Michel-Ange”.

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Vista virticale

S

tantari s’est associé au festival de l’écocitoyenneté, Terra è natura, qui s’est déroulé à Bastia du 28 au 30 mai 2010. Nous vous proposons ici les photos lauréates du concours “zoom sur l’eau et la biodiversité” qui s’est tenu à cette occasion dans les trois catégories en lice (18 ans et plus, 11-17 ans et 5-10 ans). Voici donc ce qui nous a semblé le mieux rendre hommage à ces deux thèmes écologiques primordiaux.

Concours Terra è natura

Eau & biodiversité

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L’heure des fées par Marie Taddei Battesti

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Catégorie : 18 ans et plus ; thème : biodiversité 1er prix


Salamandra Corsica par Caroline Giocanti Seta

Catégorie : 18 ans et plus ; thème : biodiversité 2e prix

Moulin des Calanques sur la rivière du Dardu par Olivier Hespel

Catégorie : 18 ans et plus ; thème : biodiversité 3e prix aout-octobre 2010

Stantari #22

Verticale

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Vista virticale

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L’embouchure du Prunelli par Thierry Raynaud http://corse-photo.fr

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aout-octobre 2010

Catégorie : 18 ans et plus ; thème : eau 1er prix


Verticale

Rouge et bleu : Amas de tôles en périphérie de l’étang de Diana par Loïc Colonna

Catégorie : 18 ans et plus ; thème : eau 2e prix

Catégorie : 18 ans et plus ; thème : eau 3e prix aout-octobre 2010

Stantari #22

Au berceau du Tavignanu par Alexandre Cadel

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Stantari #22

Vista virticale

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Sans titre par Laurent Leandri Luna Ateliers relais de la FALEP de Porto-Vecchio

Catégorie : 11-17 ans ; thème : biodiversité 1er prix

Sans titre par Laurent Leandri Luna Ateliers relais de la FALEP de Porto-Vecchio Catégorie : 11-17 ans ; thème : biodiversité 2e prix

Sans titre par Mathilde Bonnet Catégorie : 11-17 ans ; thème : biodiversité 3e prix

aout-octobre 2010


Verticale

Catégorie : 11-17 ans ; thème : eau 1er prix

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Sans titre par Valentin Moisy Ateliers relais de la FALEP de Porto-Vecchio

aout-octobre 2010

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Stantari #22

Vista virticale

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Sans titre par Alexandre Peverelly, Mélanie Allouch, Catherine Camilli & Florina Michel, lycée agricole de Borgo.

Catégorie : 11-17 ans ; thème : eau 2e prix

Sans titre par Alexandre Peverelly, Mélanie Allouch, Catherine Camilli & Florina Michel, lycée agricole de Borgo.

Catégorie : 11-17 ans ; thème : eau 3e prix

aout-octobre 2010


Verticale

Arum par Mathieu Baldo

Catégorie : 5-10 ans ; thème : biodiversité 1er prix

Catégorie : 5-10 ans ; thème : biodiversité 2e prix aout-octobre 2010

Stantari #22

Sans titre par Carla Suzzarini

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Vista virticale

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Sans titre par Enzo Marciano

Catégorie : 5-10 ans ; thème : biodiversité 3e prix

Après la pluie… par Mathieu Baldo

Catégorie : 5-10 ans ; thème : eau 1er prix

aout-octobre 2010


Verticale

Sans titre par Carla Suzzarini

Catégorie : 5-10 ans ; thème : eau 2e prix

Catégorie : 5-10 ans ; thème : eau 3e prix aout-octobre 2010

Stantari #22

Sans titre par Romain Simoni

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Azzione

La rubrique de ceux qui agissent

Anthony Pere est biologiste à la Stareso et doctorant à l’université de Corse, Benjamin Vincent est étudiant-stagiaire et Pierre Lejeune est directeur de la Stareso

Jeunes hommes et jeunes langoustes par Anthony Pere, Benjamin Vincent & Pierre Lejeune

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C

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hercher une aiguille dans une botte de foin ! Cet adage prend toute sa valeur quand il s’agit de capturer des larves “phyllosomes” de langouste dispersées dans la colonne d’eau*. Mais pas n’importe lesquelles : il ne s’agit pas des phyllosomes qui sortent de l’œuf – première phase larvaire de la langouste – et qui peuvent aisément être observés après capture et hivernage d’une femelle œuvée dans un aquarium. Non, nous parlons bien des derniers stades, les plus grands, ceux qui ont réussi à échapper aux nombreux prédateurs côtiers (ainsi qu’aux scientifiques !), se laissant porter vers le large par les vents et les courants. Pour donner de nouvelles chances de réussite à cette recherche particulièrement importante pour la compréhension de la biologie de l’espèce, une prospection à bord d’un bateau à voile a été enga-

aout-octobre 2010

Une collaboration sans précédent et à bénéfice commun pour faire progresser la recherche et faire connaître la biologie marine à des jeunes en quête d’une nouvelle vie.

Phyllosome. Extrait d’une planche d’Ernst Haeckel, célèbre scientifique de la fin du xixe siècle.

gée en collaboration avec l’association Zone bleue, qui a pourtant une tout autre vocation : la réinsertion sociale.

La durée excessivement longue de la phase “phyllosome” de la langouste européenne (5 mois de vie planctonique) laisse penser que les larves se dispersent sur une très large étendue. Ajoutons à ceci une répartition verticale espérée dans les 150 premiers mètres – une supposition d’ailleurs mise à mal par des captures effectuées à plus de 2 500 m chez les espèces voisines dans l’océan Indien – et cela explique qu’à ce jour, aucun “grand phyllosome” n’ai été pêché. Capturer les stades finaux des phyllosomes de langouste, c’est la mission qui a été confiée aux scientifiques de la Stareso. L’étude de la phase larvaire


Action

Doc. A. Pere / Infographie Grand Chien éds.

planctonique des langoustes permet surtout de mieux comprendre les mécanismes de dispersion et le devenir des larves dont l’éclosion a lieu sur les côtes de la Corse. C’est aussi une manière de mieux quantifier le recrutement, c’està-dire d’évaluer le nombre de juvéniles de langoustes qui, devenus adultes, viendront se faire prendre dans les filets des pêcheurs insulaires quelques années plus tard. Ainsi, l’étude des phyllosomes, déjà fondamentale en elle-même, trouve-t-elle aussi une application très concrète dans la gestion de la pêche insulaire et, plus largement, à l’échelle de la Méditerranée. À la condition de les trouver, et donc, de les chercher ! Cycle de vie de Palinurus Elephas.

Manœuvre à bord du Patriac’h. aout-octobre 2010

Stantari #22

De nos jours, le Patriac’h est voué à une tout autre vocation. En effet, l’association Zone bleue a mis le pied à bord dans l’objectif de faire découvrir l’environnement marin à de jeunes adolescents en réinsertion sociale, par l’intermédiaire d’un incroyable outil : le voilier. L’association a également pour objectif de réaliser des programmes pédagogiques, éducatifs et scientifiques. Le projet suivi par les adolescents est établi sur un an et vise à faire découvrir

Cliché A. Pere

Pour accomplir leur mission, les biologistes ont embarqué sur le Patriac’h, une goélette de 23 m qui, avant de se reconvertir pour l’occasion en chasseur de phyllosomes, était connue pour d’autres faits d’armes. Construit à Issyles-Moulineaux par quatre amateurs passionnés qui se sont inspiré des plans de Pen Duick III, le deux-mâts a, lors de sa mise à l’eau, attiré les caméras du premier numéro de la très célèbre émission Thalassa, diffusée le 27 septembre 1975. En 1977, à Saint-Barthélemy, le Patriac’h a été visité par Éric Tabarly. En permettant d’assurer les communications, la goélette a eu ensuite un rôle fondamental durant la Route du rhum en 1978, une édition rendue tristement célèbre par la disparition d’Alain Colas et de son Manureva.

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Azzione sont souvent l’occasion de côtoyer cachalots, rorquals communs et un grand nombre d’espèces de dauphins. La période entre les mois d’avril et septembre constitue le pic d’activité de ces animaux, un moment idéal pour croiser ces mammifères marins. La méthode utilisée a été la détection visuelle en surface. Ainsi, au large de l’île de Beauté, les mousses ont pu observer, à l’étrave de la goélette, plusieurs groupes de dauphins composés de 3 à 9 individus (dauphins blancs et bleus, dauphins communs et grands dauphins). Une bonne occasion pour présenter le sanctuaire Pelagos en Méditerranée et le code de bonne conduite pour l’approche des cétacés en bateau, ainsi que pour introduire des notions de biologie.

Stantari #22

Cliché A. Pere

De retour à terre, dans les locaux de la Stareso, les adolescents ont pu observer au microscope le contenu de quelques échantillons récoltés et prendre ainsi conscience de la grande diversité des organismes présents dans le plancton. Dans un futur proche, l’analyse de la totalité des échantillons devrait révéler si les pêches ont été fructueuses, et apporter ainsi quelques éléments nouveaux sur la vie très secrète des bébés langoustes.

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Analyse des prélèvements à la loupe binoculaire.

divers horizons et cultures. Ils devront notamment faire preuve d’esprit de cohésion afin d’assister les populations visitées dans différents types de travaux. Mais l’école de la mer est aussi un moyen particulièrement performant pour enseigner des valeurs telles que l’autonomie, la solidarité, l’initiative et la responsabilité. C’est dans cette optique que Yacine, Florian, Alain, Alexandre et Yoann, cinq jeunes déscolarisés âgés de 15 à 18 ans, ont hissé la grand-voile avec la ferme intention de franchir un cap dans leur vie. Pour cela, ils sont encadrés par deux éducateurs, Christophe aout-octobre 2010

Meunier et Stéphane Penot, et un skipper, Charles Desclerc. Toute cette petite troupe a accueilli les biologistes pendant une semaine en mai 2010, les aidant durant la mise à l’eau et la remontée du filet à plancton… une expédition qui devait passer par les Baléares mais qu’Éole a retenu plus près des côtes insulaires. Au cours de ce périple, une seconde mission a été menée avec les jeunes. En effet, la Méditerranée est un cadre privilégié pour l’observation des cétacés : odontocètes* et mysticètes* y sont bien représentés, et les traversées

Dès lors, une première étape est franchie entre la Stareso et Zone bleue et, à terme, les collaborations initiées devraient perdurer. Mais au-delà de l’objectif scientifique, cette expédition restera une aventure humaine inoubliable… à renouveler. ✚

Lexique > Mysticète : cétacés à fanons. > Odontocète : cétacés à dents. >C olonne d’eau : excluant le fond lui-même, c’est la zone qui s’étend du fond de la mer jusqu’à la surface. Les organismes qui occupent la colonne d’eau forment le pélagos alors que ceux qui vivent en relation avec le fond forment le benthos.


Chroniques du sous-sol

Les mines de Corse

Les fonderies et usines d’enrichissement de minerai (xixe-xxe siècles) par Alain Gauthier

(1re partie : Enrichissement par fusion et/ou lixiviation*) Alain Gauthier est agrégé des sciences de la vie et de la terre. Il est docteur en géologie.

Peinture de cuivre sur les murs de l’usine de Campita. aout-octobre 2010

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Dans une lettre au préfet datée du 28 septembre 1879 l’avocat J.-B. Tomei, représentant en Corse des sociétés minières anglaises, écrit : “Les mines en Corse par leurs belles apparences ont attiré déjà beaucoup de capitaux qui ont été dépensés, il faut le dire, sans résultat jusqu’à ce jour si l’on excepte les mines d’antimoine du Cap Corse qui elles-mêmes n’ont pas encore fait fortune. Il a été reconnu que les mines de cuivre qui donnent le plus d’espérances sont celles de Cardo et d’Olmeto, mais leur minerai donne un si faible rendement que

Cliché A. Gauthier

L’enrichissement des minerais : une nécessité économique

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Cronaca di u sottuterra les compagnies anglaises qui les exploitent ne voient d’issues possibles que dans la création en Corse même d’une usine bien située pour traiter, à la faveur surtout du prochain chemin de fer, les produits de toutes les mines de la Corse. Certes, on n’établira pas une usine dans ce pays comme celle que j’ai vue sur la Tyne près de Newcastle qui traite 250 tonnes de minerai par jour en utilisant avec profit même celui qui a le faible rendement de 2 à 3 pour cent…” C’est à la suite de ce constat que va être édifiée au niveau du village de Cardo (Bastia) une usine de traitement du minerai. L’usine de Cardo.

Ce n’est toutefois pas la première tentative d’enrichissement réalisée en Corse, puisqu’une fonderie a fonctionné pendant quelques années en bordure de la Tartagine pour traiter le minerai extrait de la concession de SaintAugustin (Moltifao). Une troisième usine sera réalisée quelques années plus tard en bordure du Golo, au lieu-dit Campita. Si ces trois usines possédaient des fours pour griller, fondre et enrichir le minerai de cuivre, il en fut tout autrement pour les usines traitant le minerai de plomb. En effet, à l’Argentella (Galeria et Calenzana) où à La Finosa (Ghisoni),

les installations, parfois gigantesques, étaient destinées à enrichir par concassage et criblage le minerai, mais sans fusion. Citons également le cas de l’antimoine où l’on a essayé les deux procédés : fusion et enrichissement par criblage, et celui de l’arsenic de Matra où un dispositif de laverie était destiné à enrichir le minerai. Enfin, plusieurs essais de fusion ont été réalisés à Toga : cuivre de Linguizetta, antimoine du Cap. Il n’est pas étonnant que, dans une île montagneuse où les communications étaient difficiles, l’on ait cherché à transporter aux ports d’embarquement un minerai à la plus forte teneur possible, et donc à l’enrichir dès la sortie de la mine. Il est plus curieux, nous allons le constater ci-dessous, que l’on ait, à plusieurs reprises, construit des installations coûteuses sans s’assurer que leur approvisionnement en minerai serait à la hauteur des investissements consentis. Les usines d’enrichissements par fusion et/ou lixiviation*

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L’usine de Cardo En 1882, les deux compagnies anglaises exploitant les gisements de Cardo et de Lancone, (cf. Stantari n° 20), à savoir The Cardo Mines et The Olmeta Mines Company Limited, s’associent pour construire à frais commun une usine à cuivre pour le traitement des minerais similaires des deux mines. Elles suivaient ainsi les conseils de M. Cunningham, auquel, bien que les deux compagnies fusent distinctes, était confiée la direction des deux mines. “En février 1884 l’usine de Cardo était construite et les essais de grillage des

Cliché A. Gauthier

Stantari #22

Les deux usines que nous allons présenter étaient destinées à traiter des sulfures de cuivre et de fer, souvent très pauvres en cuivre.

aout-octobre 2010


Chroniques du sous-sol

Vestige de la cheminée de l’usine de Cardo.

Cliché A. Gauthier

Fonctionnement L’usine n’ayant pas dépassé le stade des essais, nous en décrirons le principe général, sans entrer dans le détail des différents essais. On place dans chaque four trois charges constituées chacune de 200 kg de minerai de Frangone et de 100 kg de minerai de Cardo. On place une charge toutes les quinze heures. aout-octobre 2010

Stantari #22

Description de l’usine à cuivre de Cardo L’essentiel de la description de cette usine mort-née est tiré d’un document manuscrit de L’Olivier, non daté mais postérieur à 1884. “Cette usine dont la construction est très soignée comprend : - 1er 24 fours de grillage en deux batteries de 12 disposés sous une même halle. - 2e 4 cuves de lixiviation* en bois pour le lessivage des minerais grillés. - 3e 6 cuves de cémentation* pour la précipitation du cuivre par la ferraille. - 4e deux puisards en maçonnerie de ciment pour réservoir d’eaux à traiter. - 5e une cuve double en plomb pour la concentration des eaux-mères. - 6e plusieurs bacs cristallisoirs pour les sulfates. - 7e un séchoir pour le cément de cuivre et les sulfates…”

Plan de l’usine de Campita.

Cliché A. Gauthier

minerais mélangés de Cardo et de Frangone étaient terminés. Ces essais avaient donné des résultats concluants et établi la nécessité de compléter l’usine par une annexe pour l’utilisation des gaz dégagés pour la fabrication d’acide sulfurique… lorsque des embarras financiers obligèrent le directeur à partir sur le champ pour Londres. L’exploitation fut immédiatement suspendue dans les deux mines ; à l’usine, on travailla encore quelques jours pour achever quelques ouvrages de détail qu’il eût été préjudiciable de laisser inachevés. Le 29 février 1884, tout était en chômage, et depuis le travail n’a jamais repris…” (L’Olivier, contrôleur des Mines). De fait, ils ne reprirent jamais et cet essai de métallurgie du cuivre s’arrêta avant d’avoir véritablement commencé.

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Cliché A. Gauthier

Cronaca di u sottuterra

Les installations de stockage du minerai, le long de la voie ferrée à Campita.

“On remarquera qu’on n’y mélange aucun combustible ; c’est qu’en effet les fours étant allumés, la quantité de soufre contenue dans les minerais suffit pour entretenir la combustion, les mélanges étant bien faits et le tirage convenablement réglé… Le minerai grillé est ensuite porté dans les cuves de lixiviation* dans des wagonnets en tôle. Les fumées sulfureuses reçues dans le rampant se rendent d’abord dans une tour à coke où elles condensent un peu d’acide sulfurique à l’aide de petits filets d’eau. À la sortie de la tour, d’abord réchauffées par un petit fourneau, elles sont évacuées par une conduite grimpant sur la montagne, longue de 250 m et aboutissant à une cheminée dont l’orifice est à 100 m au-dessus du niveau de l’usine, au milieu du makis, et à 350 m au-dessus du niveau de la mer.” L’Olivier. Le choix de Cardo et le rendement attendu de l’usine Le contrôleur des Mines signale qu’il n’était pas possible d’établir l’usine au port de Bastia (à cause du rejet d’acide sulfurique ?) et que le choix du site du Lancone serait revenu deux fois plus cher en transport qu’à Cardo. L’usine ne sera jamais remise en route, l’extension pour l’acide sulfurique restera à l’état de projet. Les deux concessions seront bien réunies comme le souhaitait L’Olivier, mais elles resteront inactives. Il ne reste aujourd’hui de ce rêve industriel que de modestes témoignages miniers qui viennent d’être mis en sécurité, ainsi que, perdu dans le maquis, un morceau de la cheminée destinée à rejeter jadis les fumées toxiques de l’usine.

Stantari #22 62

Cliché A. Gauthier

L’usine de Campita

Ruines de l’usine de Campita. aout-octobre 2010

En mars 1906, apparaît la Société des Mines et Fonderies de Francardo. Cette société, outre l’exploitation de diverses mines de cuivre (Lancone, Saint-Augustin, Orzella, Pietralba, San Quilico, Focicchia et Argentella), va édifier une usine pour traiter le minerai de cuivre.


Chroniques du sous-sol décevants furent rapidement abandonnés, non sans avoir englouti les ressources de la société. Un siècle plus tard, les locaux vides viennent d’être réhabilités en maison d’habitation.

[ à suivre… ] Dans le prochain numéro : les usines d’enrichissement par concassage et criblage.

Culot de laitier* à Campita.

Lexique >  Cémentation : les eaux sulfatées passent dans un bassin où l’on a déposé du fer. Il y a remplacement du fer par le cuivre qui précipite alors que le fer se dissout sous forme de sulfate. >  Cubilot : four vertical, dans lequel les matériaux à fondre sont en contact direct avec le combustible. >  Four à manche : variété de four à réverbère dans lequel la chaleur est réfléchie

et Frangone et d’utiliser l’oxyde de fer comme fondant pour les autres minerais très siliceux (Orzella en particulier). En 1908, on a obtenu cent tonnes de matte tirant 22,22 % de cuivre. En 1909, l’usine n’a fonctionné que 40 jours. Il a été obtenu 141 tonnes de matte. L’usine n’a pas fonctionné en 1910 et la Société de Francardo a été mise en liquidation en 1911, le matériel vendu et l’usine démontée en 1920. L’usine devait être alimentée, dans l’esprit de ces concepteurs par diverses mines qui ne donnèrent pas les tonnages espérés. La société fut donc amenée, en 1906 en particulier, à faire des recherches un peu partout en Corse et particulièrement dans la région de Corte. Les travaux (réverbérée) par la voûte du four et donc dans lequel le combustible et le minerai ne sont pas en contact. >  Laitier : sous-produit de la fusion (scorie) essentiellement formé de silicates et sans intérêt métallurgique. >  Lixiviation : technique consistant à faire passer un liquide à travers un produit dont on veut extraire une substance. Le lixiviat (le “jus”) peut ensuite être traité pour en récupérer la substance utile. Le café obtenu

Note On ne traite pas dans cet article des “usines à fer” de Toga et de Solenzara qui utilisaient pour l’essentiel du minerai provenant de l’île d’Elbe. Ces usines ont fait l’objet de remarquables travaux universitaires (P.-J. Campocasso, entre autres) et elles méritent à elles seules un article.

Cliché A. Gauthier

Cette usine sera construite au bord du Golo, à proximité immédiate de la ligne de chemin de fer, au lieu-dit Campita, entre 1906 et 1908. L’usine est constituée d’un four à cubilot* type Water-Jacket* circulaire d’une capacité de 50 tonnes par jour, d’une soufflerie de vingt chevaux et d’une pompe à circulation. La vapeur est fournie par deux chaudières Babcok. En avril 1908, les premiers essais sont effectués sur des minerais des mines appartenant à la société. Les résultats ne sont pas très encourageants : il a d’abord fallu trouver un mélange convenable des divers minerais pour obtenir une matte assez concentrée et une scorie fusible ; à plusieurs reprises, le four s’est bloqué et son déblocage doit se faire à la main, une fois le four complètement démonté… On a donc décidé de griller à l’air les minerais sulfureux de Foccichia

en faisant écouler de l’eau chaude sur du café moulu est un exemple simple de lixiviat. >  Water-Jacket : le four est entouré d’une chemise dans laquelle circule de l’eau destinée à refroidir ses parois. Pour en savoir plus • Gauthier A., 1991. L’eau, les roches et les hommes. CRDP de Corse. • Rapports des ingénieurs et des contrôleurs des Mines, aux archives départementales de la Corse-du-Sud. Fonds S. aout-octobre 2010

Stantari #22

Cliché A. Gauthier

La fonderie de la Tartagine En 1864, un four à manche* produit huit tonnes de cuivre à partir du minerai de la concession de Saint-Augustin. Il avait été installé en bordure de la Tartagine au niveau d’un ancien moulin. ✚

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Quiz

Quiz nature

Testez vos connaissances ! C’est l’été ! Stantari vous propose tous les trimestres une somme de connaissances sur les sciences de la vie et de la terre… à vous maintenant de jouer, l’équipe scientifique de la revue vous a préparé quelques questions pour vous faire découvrir, si vous ne les connaissez pas, quelques-unes des curiosités qui font de la Corse une île pas comme les autres.

Attention, plusieurs réponses peuvent être exactes ou aucune d’entre elles…

Illustrations Patricia Couprie. c c• d ’un néologisme formé à partir du

mot russe “podzol” et du français “alpin”.

Généralités 1• Une espèce dite endémique en Corse est : c a• forcément rare. c b• uniquement présente en Corse. c c• originaire de Corse.

4• La buglosse crépue est : c a• une plante. c b• un oiseau. c c• un invertébré.

Géologie

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3• “Pozzine” désigne les zones humides d’altitude formées dans d’anciens lacs glaciaires. L’étymologie de ce mot vient : c a• du corse. c b• d ’un néologisme formé à partir d’un mot corse “pozzu” et du mot français “alpin”. aout-octobre 2010

1• L’image ci-dessous est la photographie d’une lame mince de : c a• granite. c b• serpentinite. c c• diorite orbiculaire.

Cliché M.-M. Ottaviani-Spella

Stantari #22

2• Lequel ou lesquels de ces grands naturalistes n’est jamais venu en Corse : c a• Jean-Henri Fabre. c b• Buffon. c c• Lavoisier.

2• À Florence, on trouve sur les parois de la chapelle Médicis une roche corse utilisée pour la décoration. S’agit-il : c a• de la diorite orbiculaire ? c b• du vert d’Orezza ? c c• du granite d’Algajola ? 3• “Tafoni” désigne les formes étranges que l’érosion donne aux boules granitiques de l’île. C’est c a• un mot corse qui signifie “trou”. c b• un mot d’origine italienne. c c• u n mot d’origine grecque qui signifie “enfouissement” et qui a donné “taphonomie”. 4• Lequel de ces minerais n’a jamais été exploité en Corse : c a • l’arsenic. c b • le fer. c c • l’or. 5• Les fonds marins entre la Corse et le continent atteignent : c a• 1 000 m. c b• 1 800 m. c c• 2 500 m.


Quiz

Météorologie 1• L’effet de serre est un phénomène : c a• r écent, si bien que certains scientifiques auraient proposé le nom d’“âge à effet de serre” pour notre époque. c b• ancien et nocif à la vie sur terre. c c• a ncien et indispensable à la vie sur terre. 2• Le libecciu est un vent : c a• d’ouest. c b• de sud-ouest. c c• de sud. 3• Certains phénomènes météorologiques sont nommés, comme les êtres vivants, par genre, variété et particularités. S’agit-il : c a• des nuages c b• des tremblements de terre. c c• des trombes, tornades, etc.

2• Qu’est ce qui distingue les chauves-souris corses de celle du continent ? c a• l es dimensions de leur territoire de chasse. c b• l eur capacité à s’orienter dans un milieu embroussaillé. c c• leur accent. 3• Les chauves-souris peuvent représenter un danger pour l’homme : c a• p arce qu’elles s’accrochent dans les cheveux. c b• p arce qu’elles transmettent des maladies. c c• parce qu’elles sucent le sang. 4• Le gypaète barbu (Gypaetus barbatus) est : c a• un aigle. c b• un vautour. c c• un rapace nocturne. 5• Le cincle plongeur est un pêcheur exemplaire : c a• grâce à son attaque en piqué. c b• parce qu’il vole sous l’eau. c c• parce qu’il marche sous l’eau. 6• Le bernard-l’hermite est c a• un gastéropode. c b• un crustacé. 7• Il existe un animal terrestre dangereux pour l’homme en Corse s’agit-il : c a• d’un serpent. c b• d’un scorpion. c c• d’une araignée.

Zoologie 1• Parmi toutes ces espèces, la ou lesquelles existaient en Corse avant la colonisation par l’homme au Néolithique ? c a• le mouflon c b• la loutre c c• le chien

8• Le bombyx disparate, dont la chenille dévaste les forêts corses périodiquement a proliféré suite à : c a• u ne tentative de croisement avec le ver à soie. c b• au réchauffement climatique. c c• l ’importation de sa chenille dans des plantes d’appartement.

9• Qu’est-ce qui différencie principalement la sauterelle du criquet ? c a• son mode de reproduction. c b• ses oreilles. c c• la taille de ses pattes. 10• La Corse abrite le plus grand orthoptère d'Europe occidentale, la magicienne dentelée. Sa longueur peut atteindre : c a• 7,5 cm. c b• 11 cm. c c• 15 cm. 11• Qui a dit : “Et ce qui m’a convaincu que la grandeur et la taille des cerfs en général dépendaient absolument de la quantité et de la qualité de la nourriture, c’est qu’en ayant fait élever un cerf de Corse chez moi, et l’ayant nourri largement pendant quatre ans, il était à cet âge beaucoup plus haut, plus gros, plus étoffé que les plus vieux cerfs de mes bois, qui cependant sont de belle taille.” c a• Buffon. c b• Cuvier. c c• Darwin. 12• La tortue d’Hermann est encore bien préservée en Corse en raison de : c a• l a présence de milieux cultivés ouverts. c b• la chaleur. c c• l ’habitude qui consiste à en faire l’élevage chez soi.

13• Combien d’espèces d’amphibiens y a-t-il en Corse : aout-octobre 2010

Stantari #22

6• Quelle roche les hommes du Néolithique utilisaient pour fabriquer leur outils en Corse : c a• le basalte. c b• le silex. c c• l’obsidienne.

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Quiz 17• Ce que l’on vend dans les bijouteries sous le nom d’“œil de sainte” Lucie est : c a• un coquillage. c b• u ne otolithe, concrétion qui sert aux poissons à s’équilibrer. c c• l ’opercule qui ferme un coquillage. c a• 20. c b• 11. c c• 7

14• La plage du Ricantu, au sud-est d’Ajaccio abrite une espèce endémique dont la répartition se limite à seulement 6 ha. S’agit-il : c a• d’un escargot. c b• d’un coléoptère. c c• d’une plante. 15• Qui a dit : “Les chiens corses n’ont rien de remarquable, généralement rouges, laids et peu caressants, moins intelligents, il me semble, que nos chiens de berger”. c a• Prosper Mérimée. c b• Gustave Flaubert. c c• Dorothy Carrington. 16• Certains nudibranches, commu­nément appelés “limaces de mer” ont des moyens de défense bien à eux. Ils sont capables : c a• d e voler leurs moyens de défense à d’autres espèces. c b• d e prendre la couleur de leur environnement immédiat. c c• d’émettre une odeur désagréable.

18• Le poulpe et la pieuvre sont : c a• deux animaux différents. c b• le même animal. c c• l e poulpe est une variété de pieuvre. 19• La langouste rouge atteint sa maturité sexuelle à l’âge de : c a• 6 mois. c b• 1 an. c c• 5 ans.

Botanique 1• Parmi ces espèces, lesquelles ne sont pas considérées comme des espèces envahissantes : c a• l’ailanthe. c b• le chèvrefeuille du Japon. c c• la salsepareille.

3• Le fruit du gattilier est nommé “poivre des moines” parce que : c a• o n le donnait aux moines pour ses propriétés anaphrodisiaques. c b• il était cultivé par les moines. c c• on le trouve sur l’îlot des Moines 4• On fabrique l’amadou à partir : c a• d’une mousse. c b• d'un champignon. c c• d’une plante grasse. 5• Qu’est-ce que l’on appelait autrefois le “pain de bois” (Pane di legnu) : c a• l e “pain des morts” que l’on fabriquait à la Toussaint. c b• le pain noir. c c• la polenta à la farine de châtaigne. 6• Une suberaie est : c a• un étage de végétation. c b• un bois de chênes-lièges. c c• un bois de chênes verts.

2• Le figuier de Barbarie est une plante : c a• i mportée du Mexique à l’époque moderne pour ses fruits. c b• i mportée d’Afrique du Nord dans l’Antiquité pour la décoration. c c• o riginaire du bassin Méditerranéen.

Réponses Stantari #22

Généralités

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1• b : une espèce endémique est une espèce dont l’aire ne comporte que la Corse et les régions plus ou moins proches (on parle parfois de “subendémiques”). Elles ne sont pas forcément “originaires” de Corse, car à long terme, la spéciation peut aout-octobre 2010

tout aussi bien se faire sentir sur des espèces importées. Les endémiques sont inféodées à un milieu et limitées à lui mais pas toujours rares. 2• b et c : Jean-Henri Fabre a enseigné la physique et la chimie au collège d’Ajaccio en 1848. Buffon et Lavoisier se sont tous deux intéressés

à la Corse, le second a rédigé un Rapport sur l’histoire naturelle de la Corse en 1783 grâce aux échantillons et remarques d’un observateur sur place. 3• b : pozzine” est un néologisme formé partir d’un mot corse “pozzu” et du mot français “alpin”.


Quiz

Géologie 1• b : il s’agit d’une photographie prise au microscope polarisant à transmission en lumière polarisée analysée (LPA). La serpentinite est abondante dans le tiers nord-est de la Corse, les minéraux qui la composent définissent les amiantes. 2• b : il s’agit du vert d’Orezza qui a été exploité à l’époque de la Renaissance, et non comme on l’écrit trop souvent de la diorite orbiculaire dont le gisement n’a été exploité qu’à la fin du xviiie siècle. L’exploitation du vert d’Orezza avait lieu à Carchetto. Le granite d’Algajola a été utilisé pour le socle de la colonne Vendôme à Paris. 3• a : tafoni est le pluriel de tafonu, qui est un mot corse passé dans le vocabulaire international de la géologie. 4• c : L’or. L’arsenic a été exploité à Matra et Lozari, le fer et l’antimoine dans plusieurs localités du Cap Corse. 5• c : 2 500 m. Le golfe d’Ajaccio dépasse déjà les 1 000 m de profondeur. 6• c : Le silex n’est connu que dans un seul lieu en Corse et n’a jamais été exploité. Pour fabriquer leurs outils, les hommes du Néolithique importaient l’obsidienne de Sardaigne.

Météorologie 1• b et c : l’effet de serre est nocif à un certain niveau d’intensité mais absolument nécessaire à la vie sur terre, en effet, en l’absence de gaz à effet de serre (vapeur d’eau, dioxyde de carbone, méthane, ozone, etc.) la température sur Terre serait de l’ordre de -18 °C contre environ 15 °C à l’heure actuelle, ce qui rendrait la vie impossible. On a proposé le nom d’“âge à effet de serre” pour le Dévonien, une période qui s’étend de 415 à 360 millions d’années. 2• a et b : le libecciu est un vent majoritairement orienté sud-ouest, mais le relief de la Corse modifie grandement ses propriétés et il devient un vent d’ouest en Balagne. 3• a : les nuages sont classés en dix genres (forme), quatorze espèces (structure), neuf variétés (éléments constitutifs et transparence) et six particularités.

Zoologie 1• b et c : Pour la plupart des scientifiques le mouflon comme le sanglier sont issus d’animaux domestiques (chèvre et cochons) retournés à l’état sauvage et importés par les premiers colons néolithiques. Une loutre fossile et un chien (le cuon sarde) faisaient partie de la faune pleistocène disparue avant l’arrivée de l’homme. 2• c : les chauves-souris repèrent leurs proies et les obstacles grâce à un sonar très sophistiqué. Elles émettent des cris en fréquence constante ou modulée et analysent l’écho. Chaque espèce utilise sa propre gamme de fréquences, mais celles-ci peuvent se chevaucher et avoir les mêmes

caractéristiques en fonction du milieu dans lequel évolue l’individu. La détermination des chauves-souris par analyse acoustique est en plein essor, mais il apparaît déjà que certaines espèces de Corse émettent des sons sur des fréquences plus graves que leurs homologues continentales. 3• Aucune de ces réponses : les chauves-souris dites “vampires” existent bien, mais seulement en Amérique du Sud et Amérique Centrale. La rage peut effectivement être transmise par les chauves-souris… à une fréquence mille fois moindre que par les vaches. Quant à leur attirance suspecte pour les cheveux, c’est leur fâcheuse tendance à voler à 2 mètres du sol et leur vol semblant désordonné qui rendent cette légende si durable. Comme tous les animaux nocturnes, elles suscitent des inquiétudes plus ou moins rationnelles. 4• b : le gypaète barbu est le plus grand vautour d’Europe. Il peut atteindre 2,80 m d’envergure et occupe un territoire de 200 à 300 km2. Il se nourrit principalement d’ossements. Une dizaine de couples de gypaètes a été recensée en 2008 en Corse. 5• b et c : le cincle plongeur est l’unique passereau véritablement aquatique. Il vole au ras de l’eau puis plonge pour se promener au fond de l’eau ou même “voler” avec les ailes entrouvertes afin de repérer les petits invertébrés dont il se nourrit. En Corse, c’est un sédentaire relativement rare qui vit dans les cours d’eau de montagne. 6• b : le bernard-l’hermite est un crustacé qui possède une carapace limitée à la partie antérieure de son corps. aout-octobre 2010

Stantari #22

4 • a : la buglosse crépue est une plante endémique à la Corse et à la Sardaigne. Inféodée au littoral, elle est très rare et en grand danger d’extinction (7 stations en Corse et 10 en Sardaigne). Elle bénéficie d’un plan national d’action.

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Quiz 7• c : la veuve noire (malmignatte, Latrodectus mactans tredecimguttatus) est le seul animal terrestre à présenter un véritable danger pour l’homme (en dehors de l’homme lui même !). Même si les cas de morsure mortelle sont exceptionnels, ils nécessitent absolument des soins médicaux. Le latrodectisme se manifeste par des contractions musculaires, troubles psychiques, éruptions cutanées et grande fatigue pendant plusieurs semaines. La piqûre du seul scorpion présent en Corse Euscorpius flavicaudis n’est pas dangereuse. 8• a : on doit la prolifération du bombyx disparate à un Français qui, au milieu du xixe siècle, tenta de se lancer dans l’élevage du ver à soie aux États-Unis en croisant celui-ci avec cette espèce japonaise. Il a ensuite conquis une grande partie de la planète. 9• b : les Ensifères (sauterelles, grillons et courtilières) ont les tympans situés dans les tibias, tandis que ces orifices sont placés sur le côté de l’abdomen chez les Caelifères (criquets). La taille des antennes (très longues chez les premiers et courtes chez les seconds) reste la façon la plus rapide de les différencier !

Stantari #22

10 • b : 11 cm, la magicienne dentelée (Saga pedo), espèce rare et hautement protégée présente la caractéristique de se reproduire en pondant des œufs qui ne donnent naissance qu’à des femelles. Il n’existe donc pas de “magicien dentelé”

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traditionnelle (ainsi que les incendies) l’ont mise en grand danger d’extinction sur le continent. Rappelons que la collecte des tortues est interdite car grandement dommageable à l’espèce. 13• c : il y a assez peu d’espèces d’amphibiens en Corse, mais leur taux d’endémisme est exceptionnel. 14• a : un escargot (Tyrrhenaria ceratina) seul représentant, non pas de l’espèce mais du genre Tyrrhenaria. Il est considéré comme en danger critique d’extinction et est inscrit sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature. 15• b : Gustave Flaubert, dans ses Notes de voyage en Corse datées de 1840. 16 a et c : parmi les nudibranches, les aéolidiens sont capables d’ingérer les “cnidocytes” des hydraires où sont stockées les cellules urticantes et de les rendre fonctionnelles à leur avantage. Certains doridiens sont capables d’abandonner une partie de leur manteau entouré d’un mucus à l’odeur âcre. 17• c : l’“œil de sainte Lucie” est l’opercule du turbo rugueux (Bolma rugosa), un escargot de mer. La face blanche, qui porte la spirale, est dirigée vers l’intérieur de l’animal. 18• b : le poulpe et la pieuvre désignent le même animal. “Pieuvre” est, à l’origine, le nom normand du poulpe.

11• a : Buffon a été le premier à étudier le cerf de Corse et à remarquer ses différences morphologiques avec le cerf continental.

19• c : la langouste rouge atteint sa maturité à l’âge de 5 ans en moyenne.

12• a : Le cloisonnement des espaces, la disparition de l’agriculture

1 c • Le chèvrefeuille du Japon et l’ailanthe sont deux espèces

aout-octobre 2010

Botanique

envahissantes. L’ailanthe, originaire d’Asie, est très commun en Corse depuis le littoral jusqu’à près de 800 m d’altitude. Le chèvrefeuille du Japon, lui aussi originaire d’Asie, a été importé comme plante ornementale, ce chèvrefeuille s’est naturalisé dans de nombreux pays (Amérique du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande, Europe centrale et du Sud-Ouest) où il devient envahissant. 2• a : le figuier de Barbarie présent en Corse (Opuntia ficus indica), originaire d’Amérique centrale, aurait été introduit en Espagne vers 1500. Il a ensuite été propagé tout autour de la Méditerranée par les marins qui en mangeaient les fruits pour se protéger du scorbut. Ultérieurement, il a été cultivé dans le bassin méditerranéen pour ses fruits et aussi pour constituer des haies piquantes. En Corse, il constitue une très forte menace pour la végétation des dalles rocheuses. 3• a : le gattilier (Vitex agnus-castus) avait la réputation de calmer les ardeurs des moines. C’est une espèce protégée qu’il est strictement interdit de couper ou de ramasser. 4• b : l’amadouvier (Fomes fomentarius) est un champignon parasite du bois à partir duquel, après une longue préparation, on obtient l’amadou, une matière cotonneuse particulièrement inflammable qui servait dans la fabrication des briquets. 5• c : la polenta à la farine de châtaigne est restée la base des repas quotidiens dans les familles corses, en particulier dans les régions castanéicoles. 6• b : la suberaie désigne la forêt de chênes-lièges. Elle était autrefois intensivement exploitée, notamment dans la région de Porto-Vecchio, pour l’écorce de l’arbre.


À lire

Sur l’étagère du libraire

par Cécile Breton & Raphaël Lahlou

Des oursins et des hommes Où l’on découvre des liens insoupçonnés entre la mer et nous Martin Wells - Le Pommier - 2009 Il faudra finir par l’admettre : les chercheurs britanniques n’ont pas leur pareil lorsqu’il s’agit de faire partager leur passion pour leur discipline. Martin Wells est de ceux-là ! Professeur de biologie à Cambridge, il nous offre un petit bijou d’humour et de curiosité. Émaillant ses histoires d’anecdotes personnelles, il s’observe observer la nature avec grande érudition et ce regard amusé sur soi-même dont on a fait, outre-Manche, une philosophie de vie ! “[…] car un dauphin qui recherche la compagnie des hommes doit être sans nul doute un scientifique ou quelque autre asocial incapable de bien s’entendre avec ses semblables ; j’utilise le masculin car ces individus solitaires sont presque toujours des mâles, ce qui doit bien signifier quelque chose.” Vous vous surprendrez à vous passionner pour la vie trépidante de la bernique et, comme il le développe à la fin de l’ouvrage, vous comprendrez que si la science doit servir à quelque chose, c’est d’abord à ne pas s’ennuyer. Ces petites chroniques naturalistes sont bien loin des habituelles compilations ou trop infantiles ou trop érudites qui font actuellement florès. 288 pages – 8,5 € À noter : Le Pommier sort cet été un petit fascicule dans sa collection “les petites pommes du savoir” intitulé D’où viennent les accents régionaux et qui détruit bien des idées reçues sur le sujet ! [C. B.] 64 pages – 4,6 €

Corse antique Après la préhistoire de la Corse, voici un nouveau guide archéologique de la France cette fois consacré à l’Antiquité de l’île. Les éditions du Patrimoine ont fait appel aux meilleurs spécialistes pour vous proposer un état des lieux, grand public et largement illustré, des connaissances dans le domaine. L’ouvrage débute avec l’Âge du Fer et déroule le temps jusqu’aux prémisses de la christianisation. Mais ce guide en est véritablement un puisque, à la suite de cet historique, vous trouverez des fiches présentant dans le détail les principaux sites archéologiques et musées à visiter. Un indispensable. [C. B.] 120 pages – 18 € aout-octobre 2010

Stantari #22

Guide archéologique de la France- Éditions du Patrimoine - 2010

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Da leghje

Jacques-Pierre-Charles Abbatucci de Zicavo aux arcanes du pouvoir sous le Second Empire René Santoni - Auto-édition - 2009 René Santoni, en Taravais fervent, fait du Garde des Sceaux Abbatucci (17911857) – cf. Stantari n° 2 –, un portrait éclairant. L’homme le méritait. Son œuvre davantage. La vie publique de J.-P.-Ch. Abbatucci est étudiée clairement. On suit donc l’homme de Zicavo jusqu’à Sartène, de Bastia à Paris, via Orléans. En rappelant avec soin l’ensemble de sa carrière, R. Santoni souligne les actes du magistrat et de l’ardent député sous la monarchie de Juillet. Il n’oublie pas – ce qu’il n’est pas inutile de rappeler ici – le rôle actif d’Abbatucci, en tant que Corse (et bonapartiste très affirmé), dans les projets de législation anti-esclavagiste au début des années 1840, près de cinq ans donc avant l’abolition de 1848. Acteur capital des succès bonapartistes insulaires et nationaux de 1848, jouant un rôle occulte (et plus modérateur qu’on ne l’a souvent dit) dans les suites du coup d’État de 1851, Abbatucci est l’ami et très puissant conseiller de Napoléon III sous l’Empire. Devenu ministre, il resta le serviteur dévoué de l’Empereur et mourut en fonction. Son action ministérielle – dans les domaines les plus variés, au très grand bénéfice de la Corse – est bien cernée par cet ouvrage, qui en dit long en peu de pages. Une bonne préface de Paul Silvani l’ouvre et le sert. Un livre rendu estimable aussi par son iconographie fort bien choisie. [R. L.] 220 pages – 18 €

Histoire des musiques de Corse Dominique Salini - Éditions Dumane - 2009

Stantari #22

Dans le patrimoine, la musique a sa place naturelle ; elle devrait être plus forte. Verlaine l’écrivait déjà : “De la musique avant toute chose !” Le cri poétique a été entendu, et d’une manière attachante. Une partie vivace de notre héritage musical vient d’être classée au sein du patrimoine mondial. Dans une collection de création récente (“Hommes et territoires”), laquelle a déjà plusieurs titres (dont une intéressante Écologie générale de la Corse due à Jean-Luc Savelli), l’universitaire Dominique Salini propose une histoire musicale de l’île. On y trouvera une analyse de la situation contemporaine de cette forme précieuse de notre patrimoine comme de ses périls et des diverses tentatives de conservation, de reconstitution et de sauvegarde ; ce livre court, c’est aussi une étude des genres significatifs de nos musiques et instruments, de leurs apports, de leurs singularités, de leurs attaches traditionnelles et de leur poids ferme et sonore dans la société corse. Dans une île qui a compté un nombre non négligeable de compositeurs, sacrés ou profanes, classiques ou contemporains, le chant a toujours vibré et vécu… Cela méritait un tel hommage imprimé. L’ouvrage de D. Salini donne le la, avec un souci pragmatique. À lire donc, sur une gamme montante et un tempo allegro ; un livre dont on peut profiter en plein air et à l’intérieur, selon la recommandation chantante de Jean Giono ! [R. L.] 127 pages – 9,95 €

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aout-octobre 2010


À lire

Écrits de jeunesse de Napoléon présentés par Antoine Casanova - Albiana - 2009 L’année 2009, par d’importantes expositions à Corte et Ajaccio, fut un moment napoléonien fastueux et subtil. Napoléon, on le sait avec un peu de légèreté peut-être, a eu dans sa jeunesse et bien au-delà, une passion active (ensuite plus sévère mais viscérale) pour son île natale. Il s’en est un temps, avec un juvénile et bel enthousiasme, voulu l’historien. Cet ouvrage, s’il ne permet pas, par sa nature même, la connaissance pleine de cet aspect crucial de la vie de Napoléon, a le beau mérite d’ouvrir un aperçu, bien choisi et utile, de l’œuvre de l’historien napoléonien Frédéric Masson (1847-1923). Il a eu des successeurs depuis, tout en restant le modèle de l’infatigable dénicheur d’archives et de l’analyste de l’intimité napoléonienne et de son temps. Par cette anthologie revisitée, nuancée, A. Casanova grave sa conception du personnage. En quatre-vingts pages de présentation générale, il va à la source du mythe, du “cas” napoléonien. Ensuite viennent les textes, choisis par Masson et qui étaient alors, pour la plupart, inédits… et sont devenus introuvables. Les liens de Napoléon et de la Corse sont sensibles dans ce petit ouvrage qui donne envie de connaître davantage le vaste matériau manuscrit et archivistique qui, pour l’essentiel, est conservé en Italie (à Florence, depuis 1884), et que Napoléon avait confié avec souci en 1815 au cardinal Fesch, lequel fut un peu négligent. [R. L.] 235 pages – 12 €

La Corse et l’environnement sur Frequenza Mora Cet été, A Frequenza Mora vous propose des émissions sur la nature, la culture, l’environnement :

www.bleurcfm.com

Le samedi de 10 h à 11 h : • avec Valérie Franceschetti avec Serge le jardinier et Da u mare à l’erba santa.

Du mardi au vendredi entre 12 h à 13 h : • toute l’actualité culturelle dans Dernier cri avec Marie Bronzini et Patrice Antona. aout-octobre 2010

Stantari #22

Tous les jours de 11 h à 12 h : • La revue de la langouste de Marie Bronzini et son rendez-vous environnement.

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Da leghje

Corse secrète et insolite Robert Colonna d’Istria & Stanislas Faure Glénat - 2010 Un élégant petit format carré pour ce beau livre d’images qui explore tous les visages de la Corse : été comme hiver, villages perdus et restaurants à la mode, portraits et plages. Loin des paysages trop vus, parce que toujours avec le même regard, le photographe Stanislas Fautré attire l’attention sur des détails inattendus, comme le font les textes, ponctués de citations, de Robert Colonna d’Istria. Si vous n’avez pas la chance de vivre en Corse, je vous conseille de garder cet ouvrage à portée de main et de l’ouvrir de temps en temps pour y respirer un peu de l’odeur du maquis. [C. B.] 432 pages – 30 €

Une enfance corse Textes recueillis par Jean-Pierre Castellani & Leïla Sebbar Bleu autour/Colonna édition - 2009 Nous pénétrons avec Une enfance corse dans l’intimité de vingt-trois auteurs qui racontent les souvenirs liés à leur enfance, proche ou éloignée de l’île mais toujours étroitement liée à elle. Pour ces journalistes, écrivains, historiens, le territoire rêvé de l’enfance prend des tournures tragiques ou merveilleusement heureuses : de générations parfois éloignées, la Corse dont ils se souviennent est celle de la guerre ou des années cinquante ; mais, du nord ou du sud, des grandes villes ou des villages perchés, c’est celle qui les a façonnés. Un très bel hommage à l’île enrichi par des personnalités, des ressentis et des modes d’expression bien différents. Avec les contributions d’Anne-Xavier Albertini, Francis Beretti, Marco Biancarelli, Jérôme Camilly, Michèle Castelli, Jean-Jacques Colonna d’Istria, Jérôme Ferrari, Jacque Fusina, Olivier Jehasse, Anette Luciani, Catalina Maroselli-Mattéoli, Dominique Memmi, Petru Santu Menozzi, Gaston Piétri, Jean-Baptiste Predali, Jean-Pierre Santini, Constant Sbraggia, Jean-Paul Sermonte, Minna Sif, Paul Silvani, Jeanne-Marie Siméoni, Jacques Thiers et Marie-Jean Vinciguerra.

256 pages – 20 €

[C. B.]

Couteliers d’art corses Didier Bianchi Crépin Leblond - 2010

Stantari #22

Ce sont l’histoire, les méthodes de travail, les réflexions et anecdotes recueillies auprès de dixneuf artisans couteliers, que Didier Bianchi a réunis dans cette “somme” de près de 200 pages. L’ouvrage est largement illustré par leurs réalisations. Des couteaux traditionnels ou contemporains, le livre donne un aperçu de l’importante production corse où se mêlent créativité et savoir-faire ancestraux. [C. B.]

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aout-octobre 2010

204 pages – 35 €


À lire

La lettre corse de Jean-Louis Andreani La lettre corse n’est pas un livre, ni une revue, ni un magazine, ce sont six à huit pages abordant des sujets aussi vastes que la culture, l’actualité, l’économie, le social diffusées par internet au format PDF chaque quinzaine. À l’origine de cette initiative originale, le journaliste, écrivain et essayiste Jean-Louis Andréani qui officia au quotidien Le Monde pendant près de trente ans. La création, en janvier 2010, a été motivée par le “constat qu’en dehors des attentats, de quelques faits divers et d’une partie de l’actualité politique, l’information sur la vie de l’île a du mal à traverser la Méditerranée…” Jean-Louis Andréani a réuni autour de ce projet une équipe de journalistes professionnels mais sollicite aussi des rédacteurs d’horizons divers. Des textes courts, un mise en page sobre pour une actualité soigneusement analysée. [C. B.] 6-8 pages – 3,18 € no – 70 €/abonnement d’un an : 22 numéros / www.lalettrecorse.com

Il était une fois un galet… Atelier de peinture Sandrine Mondary Stantari #22

Lieu-dit Monticello 20145 Sari-Solenzara sarienne@hotmail.fr www.il-etait-une-fois-un-galet.com

aout-octobre 2010

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Demandez le dernier hors-série ! À l’occasion des dix ans de la réserve des Bouches de Bonifacio, Stantari vous propose un magnifique portfolio du photographe Éric Volto qui rend hommage aux paysages, au monde sous-marin et aux hommes du grand sud (112 p., 12,50 €). Commandez les anciens numéros, disponibles sur simple demande, par le bon de commande ci-dessous, sur papier libre ou sur www.stantari.net.

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