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RÉSUMÉ DE LA CONFÉRENCE-DÉBAT CENTRE ET PÉRIPHÉRIE : COMMENT CONSTRUIRE ENSEMBLE L’AGGLOMÉRATION DE DEMAIN ? MARTIN VANIER Strasbourg, amphithéâtre de l’INSA le 4 novembre 2011
Dans le cadre de l’élaboration du Plan local d’urbanisme communautaire de la Communauté urbaine de Strasbourg, le service Prospective et plani fication territoriale de la Communauté urbaine de Strasbourg a organisé un cycle de conférences-débat à partir de novembre 2011. Ces rencontres ont eu pour double objectif de sensibiliser les habitants aux nouvelles dynamiques en matière d’aménagement du territoire et d’alimenter la réflexion des élus et des techniciens pour l’élaboration de ce document cadre de la planification urbaine. Animées par des spécialistes de renom, ces conférences-débat ont rencontré un incontestable succès public et font l’objet des présentes retranscriptions.
AVANT PROPOS
Martin Vanier est géographe, professeur à l’Institut de géographie alpine de l’Université Joseph-Fourier de Grenoble et directeur d’études au sein de la coopérative conseil ACADIE basée à Paris. Depuis une quinzaine d’années, il a notamment développé ses recherches sur le processus de métropolisation et ses mutations territoriales associées. Étudiant en particulier les marges du cœur des grandes métropoles, il tente de dresser le portrait d’un futur réaliste mais optimiste des territoires périurbains français. Ancien élu, il s’interroge également sur la recomposition des cadres et des modes de l’action aménagiste en France et en Europe. Martin Vanier est chercheur au laboratoire PACTE (Politiques publiques, action politique, territoires) du CNRS qu’il a dirigé lors de sa création. Il est également membre du conseil scientifique de l’Institut des hautes études de l’aménagement des territoires en Europe (IHEDATE) et responsable scientifique de la démarche de prospective « Territoire 2040 » de la DATAR.
CENTRE ET PÉRIPHÉRIE : COMMENT CONSTRUIRE ENSEMBLE L’AGGLOMÉRATION DE DEMAIN ?
La notion d’agglomération est devenue courante en France après la seconde guerre mondiale, dans ces années 1950 qui ont vu les villes historiques englober leurs faubourgs et s’entourer de banlieues modernes. Elle fait à ce point partie du paysage urbain, qu’elle a pris partout une forme politique, la communauté d’agglomération, ou communauté urbaine (après la tentative trop précoce des districts urbains en 1956). La France est structurée aujourd’hui par ses 200 agglomérations, bien identifiées et partout intercommunales. La France des années 2010 est désormais passée à une nouvelle étape : elle voit s’affirmer des régions urbaines, des grappes métropolitaines, qui associent à une agglomération centrale (ou plusieurs), un ensemble de territoires complémentaires de nature moins dense, mais bien intégrés au fonctionnement d’ensemble. Cette nouvelle étape urbaine élargie trouve sa reconnaissance dans les Schémas de cohérence territoriale (SCOT), les pôles métropolitains, ou d’autres formes de fédération par les villes. Pourquoi, dès lors, poser encore la vieille question de l’agglomération, à Strasbourg, communauté urbaine depuis 1967 ? Une étape auraitelle été loupée ?
CENTRE ET PÉRIPHÉRIE : COMMENT CONSTRUIRE ENSEMBLE L’AGGLOMÉRATION DE DEMAIN ?
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Si j’étais facétieux, j’oserais détourner ce récit gaulois bien connu : « Partout la France est en quête de construction métropolitaine… partout sauf dans une petite agglomération qui résiste encore et toujours à la métropolisation, et se pose décidément la question de son identité politique d’agglomération ». Mais ce serait injuste pour Strasbourg, métropole européenne s’il en est, qui vient de constituer avec l’agglomération de Mulhouse le premier pôle métropolitain en France. Alors ? Que signifie la question posée ici à l’occasion de l’élaboration communautaire du Plan local d’urbanisme (PLUC) ? Elle signifie, quels que soient les paradoxes strasbourgeois, trois rendezvous que même les agglomérations dûment intégrées comme Lyon, Lille, Rennes ou Nantes n’ont pas fini d’honorer. Premier rendez-vous, celui que la ville centre, cœur d’agglomération, propose aux communes urbaines qui l’entourent, lesquelles ne sont pas toujours des périphéries pour autant. La ville centre est un précipité d’histoire, Strasbourg en est un prestigieux exemple. Elle cristallise depuis des siècles « l’avantage urbain », c’est-à-dire toutes ces ressources économiques (le marché, la banque, la bourse…), politiques (le siège des pouvoirs, quels qu’ils soient, ceux de la justice…), symboliques et culturels (des églises aux universités) qui font la richesse des sociétés. Comment propose-t-elle aux communes qu’elle a agglomérées de partager la construction de cet avantage urbain, de sorte qu’il gagne en performance et devienne grâce à toutes, un « avantage métropolitain », pour reprendre l’excellente formule du géographe Ludovic Halbert ? Deuxième rendez-vous, celui de ces fameuses communes agglomérées, avec le fait urbain. Ces communes n’ont pas été le moteur du processus d’agglomération, elles l’ont subi, et en ont généralement une conscience dont la douleur est proportionnelle à la jeunesse du phénomène. Schiltigheim n’a sans doute plus aucun problème avec son identité urbaine (notons au passage que la densité y est légèrement plus forte qu’à Strasbourg même). Mais à l’extrémité de la communauté urbaine, le village de Blaesheim, dont la densité est 31 fois plus faible, n’en a sans doute pas fini avec la mutation qui lui arrive. Cette fois la question est : comment sortir de la condition dominée de « périphérie », et s’inventer un autre rôle, qui dise bien qu’on est dans l’agglomération, mais autrement que comme espace de report urbain en position de première, deuxième ou troisième couronne ? Ces deux premiers rendez-vous sont en réalité le même, vu et formulé différemment selon le côté de l’assemblage. D’où cette troisième façon de le décrire, qui le complète encore : qu’est-ce que la commune, celle du centre comme les autres, peut et doit représenter en tant que collectivité publique et politique, dans cette autre collectivité publique et politique qu’est l’agglomération ? Si on répond « tout », il n’y a pas d’agglomération, en tout cas pas au sens politique. Si on répond « rien », il n’y a plus de rendez-vous. Il faut donc trouver une réponse « communale-communautaire », sans aucun doute en rapport avec les réponses aux deux premières questions.
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RÉSUMÉ DE CONFÉRENCE, MARTIN VANIER
le rendez-vous du cœur d’agglomération avec les communes qui l’entourent
le rendez-vous des communes agglomérées avec le fait urbain
comment sortir de la condition dominée de « périphérie » et s’inventer un autre rôle ?
l’agglomération doit faire face à trois défis : l’acceptabilité environnementale ; la fluidité des accès urbains ; la diversité générationnelle, sociale, culturelle et entrepreneuriale
pour être l’urbain du XXIe siècle la ville a besoin de son territoire dans toute sa profondeur
La réponse au premier rendez-vous est dans le développement durable. Tant qu’il ne s’agissait que de fonctions de commandement, la ville centre pouvait garder le monopole de l’avantage urbain. Mais l’agglomération, en grandissant, doit faire face à trois défis, qui risquent de saper cet avantage : le défi de l’acceptabilité environnementale de l’agglomération, c’est-à-dire en clair de la qualité globale de l’espace de vie qu’elle représente (air, climat, eau, ressources…) ; le défi de la fluidité des accès urbains, en tous points et à toutes les vitesses, faute de quoi l’agglomération ne fonctionne plus et n’est qu’un agglomérat qui se fige plusieurs fois par jour ; et le défi de la diversité générationnelle, sociale, culturelle et entrepreneuriale au sens général du terme, sans laquelle l’agglomération risque la sclérose et le déclin. Or, on constate immédiatement que la ville centre ne peut plus relever ces trois défis toute seule : les mécanismes environnementaux sont systémiques, les faisceaux d’accès traversent les couronnes, la diversité est celle du territoire, etc. Pour être l’urbain du XXIe siècle la ville a besoin de son territoire dans toute sa profondeur. Le sociologue Yves Chalas dit avec raison que la ville est « co-extensive de son territoire ». En allant au bout de cette explication, on ajoutera que demain une cité sans ses périphéries sera de l’urbain mort, car ce n’est qu’avec ses périphéries que se construiront les nouvelles dimensions, environnementales, fonctionnelles et sociales, de l’avantage métropolitain. De quoi nourrir le rendez-vous de la commune centrale avec celles qu’elle a agglomérées, et parfois plus loin encore. D’où la réponse au deuxième rendez-vous : la ville centre elle-même exige de ses périphéries qu’elles soient autre chose que des espaces centrifugés, de la banlieue de relégation au périurbain dortoir, en passant par toutes les expressions de l’expulsion et de l’étalement urbain. Que peuvent-elles être d’autres ? Les réponses sont aussi variées et riches que les positions dans l’agglomération élargie le sont. C’est aux territoires eux-mêmes de les formuler, dès lors qu’ils acceptent de se penser comme une composante de l’agglomération, et non comme le réduit qui pourrait s’y soustraire.
chaque commune, qualifiée antérieurement de « périphérique », doit trouver un rôle central dans le projet métropolitain
Trois idéaux peuvent les guider ici. Celui de la centralité ou polarité périphérique, car plus l’agglomération grandit, moins le centre historique parvient à concentrer toutes les fonctions métropolitaines. Cet idéal porte sans doute déjà le projet de villes comme Schiltigheim ou Illkirch. A l’opposé de ces ex-banlieues historiques, c’est l’idéal du village urbain qui peut structurer le projet contributeur à l’agglomération de certaines anciennes communes rurales, avec des idéaux complémentaires à ceux de la zone dense : voisinage, lenteur, matérialité des modes de vie. Enfin, un peu partout et en fonction de la nature des espaces ouverts, un idéal explicitement non urbain peut très bien venir contribuer à la performance globale de l’agglomération, en préservant les espaces agricoles et naturels indispensables à son avenir. D’autres idéaux sont certainement à revendiquer : l’essentiel est que chaque commune, qualifiée antérieurement de « périphérique », trouve ainsi un rôle central dans le projet métropolitain, en assumant une des fonctions dont on a dit l’importance à propos du premier rendez-vous.
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La réponse au troisième rendez-vous doit intégrer le sens des précédentes : dans l’agglomération multicommunale, les solutions aux problèmes des unes sont chez les autres (premier rendez-vous) ; la centralité n’est pas monopolisable et la périphérie n’est pas un statut politique pertinent (deuxième rendez-vous). A quoi on peut ajouter que l’urbain distribue et redistribue les rôles (en les réinventant), mais (mal)heureusement pas celui de metteur en scène. Alors, quid du bloc communal-communautaire ? On connaît les mauvaises réponses : l’autonomisme communal et son inverse la fusion autoritaire ; la subsidiarité hypocrite qui prétend désolidariser les deux parties du bloc, et la solution technocratique qui prétend les sublimer. Les bonnes réponses sont à imaginer, à Strasbourg comme ailleurs, pourquoi pas sur la base de ces quatre convictions : 1 La commune, c’est sérieux, la communauté ça le devient, et il n’y a rien d’incompatible à ce double constat. 2 On peut vivre démocratiquement avec deux niveaux de légitimité politique urbaine : c’est une complexité raisonnable qui est à la portée de nos sociétés avancées. 3 Le vrai courage politique, ce n’est pas tant d’assumer le pouvoir (premier devoir) que de le partager : devoir contemporain dont la scène internationale nous dit toute la difficulté mais aussi la nécessité. 4 L’urbanisme communal-communautaire est un champ idéal de responsabilités partagées, où les missions d’anticipation, de délibération, de conception, puis de conduite des projets, peuvent trouver des réponses négociées mettant, alternativement et selon les choix, la commune ou la communauté en position d’animer le duo. Construire ensemble l’agglomération de demain ? La société urbaine a commencé à le faire dès les années 1950, par ses pratiques citadines, habitantes et mobiles. La société politique en a entrepris la traduction institutionnelle à partir de la toute fin des années 1960, sous l’impulsion de l’État. Il reste sans doute à réunir les deux sociétés et à concrétiser ainsi définitivement cette construction collective, en donnant toute sa fonction à l’opinion publique métropolitaine, dès lors qu’elle sera, ou est déjà, en mesure de porter la culture des complémentarités au cœur de l’élaboration de documents politiques aussi indispensables qu’un Plan local d’urbanisme communautaire. ■ Résumé de sa conférence par Martin VANIER
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RÉSUMÉ DE CONFÉRENCE, MARTIN VANIER
on peut vivre démocratiquement avec deux niveaux de légitimité politique urbaine
l’urbanisme communalcommunautaire est un champ idéal de responsabilités partagées
porter la culture des complémentarités
Document réalisé par la Ville de Strasbourg et la Communauté urbaine de Strasbourg Direction de l’urbanisme, de l’aménagement et de l’habitat, service Prospective et planification territoriale ; crédits photo : MRW Zeppeline Alsace ; CUS Contact : Arnaud.DURAND@strasbourg.eu © Ville de Strasbourg et CUS, février 2012. www.strasbourg.eu
photo MRW ZEPPELINE ALSACE
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