Inarteurbana - exploraçao sensitive do barrio do Passo da Patria

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Notre installation propose une bande-sonore de tous les entretiens et rencontres que nous avons réalisés au Passo. Assemblés, ils créent une mélodie du quartier alternant histoires de vie et ambiance musicale. De cette bande-son, nous tirons une cartographie mentale de nos rencontres, de ce que nous ressentons en nous promenant, des liens entre les habitants et les espaces et de ce que nous avons compris du quartier. Si bien qu’au fil des sons et du papier, nous donnons à voir une partition sensible visuelle et sonore du Passo da Pátria.


PAULINE Je suis arrivée au Passo da Patria avec des idées plein la tête et une grande envie de découverte. On m’avait parlé de violence, de vigilance à avoir.J’imaginais un quartier vide, des habitants enfermés chez eux, une difficulté incroyable pour accéder aux gens, des ruelles sombres et étroites. Une partie de ce que j´ai vu a confirmé cette impression : des déchets accumulés sur des places, un canal qui déverse les égouts dans le fleuve, des lieux interdits de photographies parce que les factions y sont présentes, un estuaire sous leur contrôle exclusif. L´autre partie m´a beaucoup surprise, tant par ce que j´ai vu que par la manière dont les habitants perçoivent et racontent le quartier.

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J’ai vu des gens occuper l’espace public entre amis ou en famille. J’ai vu des pêcheurs partir ou amarrer leurs barques, j’ai vu des enfants se faire peigner pour aller à l’école, des vu hommes jouer aux dominos, occupant l’espace du dehors et des femmes majoritairement en intérieur dans les espaces privés. Mais j’ai aussi vu des femmes à moto seules facs la rue, et des hommes passionnés par leur jardin et l’éducation sportives des enfants. J’ai rencontré des commerçants, des artisans, des recycleurs, des fonctionnaires, des militaires, des emplois précaires, des photographes, des adeptes du crack, des lecteurs assidus, des dealers, des gens respectés, des gens bannis, des croyants, des gens qui investissent et embellissent l’espace urbain devant chez eux à la hauteur de leurs moyens. En fait, j’ai vu un fourmillement de vie quotidienne et professionnelle. Alors oui, j’ai senti une violence latente et j’ai entendu les parents craindre les balles perdues ou l’attrait des factions pour leurs enfants. Oui, j’ai entendu les sifflets annoncer l’arrivée de la police, et j’ai senti la tension dans certains endroits, j’ai vu les gens fermer soigneusement les grilles devant leur porte. L’image que je garde du quartier est un tableau aux couleurs contrastées : les rires des enfants, les graffitis sur les murs, les bars, les cantines, les garages, les fleurs, les boutiques, les maillots de l’équipe de foot qui sèchent sur le terrain, les chevaux qui tirent les charrettes, la radio, et la vue imprenable sur le fleuve, source de revenus, de loisirs, de dangers.


STéPHANIE Mes premières conversations avec Agathae sur le Brésil me paraissent si loin. Pour INrteurbana, elle me présente sa ville de naissance, Natal, le quartier du Passo da Pátria et les actions réalisées dans un contexte social très dur. Je l’accompagne dans l’écriture d’un projet pour encourager les enfants à investir l’espace public avec leurs parents en créant de nouveaux aménagements. Quand je vais au Passo la première fois, je n’ose pas me promener seule, je croise quelques personnes qui travaillent à l’aménagement de la place, vendent des fruits, ou jouent à la sortie de l’école. Je rencontre une vieille dame dans la rue avec qui j’essaie de parler mais elle parle portugais et en plus sans dent, je ne comprends rien mais je lui souris. Je fais quelques rencontres de coeur avec mon portugais bredouillé et mes sourires. Au début de notre enquête, je prends note des règles à respecter et m’ouvre au quartier. Mes sens sont aux aguets. Je sens les odeurs. Les bonnes et les autres. Je vois des maisons de toutes les couleurs, du linge qui pend et des guirlandes à fanions un peu partout. J’entends de la musique et des enfants jouer. Je me sens bien loin de la violence que nos guides nous décrivent. Comme si on pouvait avoir plusieurs lectures du quartier. Nos entretiens filent. Les gens nous accueillent chez eux avec coeur et acceptent qu’on les enregistre et les prenne en photo. Je vois des hommes et des femmes heureux de rencontrer de nouvelles personnes, de parler de leurs histoires et de nous accueillir chez eux. J’oublie la violence. Je me sens dans un quartier normal. Quelques mots échangés avec eux se glissent pour me rappeler les conflits au sein de ce quartier, l’importance d’être chez soi car l’extérieur est dangereux, les changements survenus les dernières années qui ont modifié leur rapport avec ce quartier et ces espaces publics... C’est très paradoxal comme je sens et comprends ce quartier. Les projets d’aménagement redonnent le sens de communauté et de bien commun dans un espace où il est devenu très dur de sortir. Je ne crois pas que le projet pourrait à terme enrayer le trafic de drogues qui bat son plein mais je suis persuadée qu’il participe à retrouver des sourires. Et cela me semble déjà beaucoup.

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JULIANA Ce que j’aime le plus, c’est le ballet classique. J’en ai fait pendant 8 ans. Je me souviens encore des pas.

J’aime beaucoup le projet. Il aide les enfants pour qu’ils ne soient pas dans la drogue.


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ANTONIO Je n’ai jamais mal parlé à un enfant parce qu’il avait cassé quelque chose. J’essaie de leur faire comprendre que c’est important de prendre soin. Depuis, je n’ai plus de problème.

Je trouve très bien d’investir des espaces comme ça. J’aurais aimé participer mais avec ma santé je ne peux pas. Mais vous êtes bienvenus pour revenir sur la place, ça ne peut qu’améliorer l’endroit.


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PEDRO J’aime beaucoup être ici, surtout en début d’année avec l’arbre à cajou. Il donne beaucoup de fruits et de l’ombre. Je reste dessous, c’est mon petit morceau de paradis.

Je connais Sayonara parce qu’elle m’a acheté beaucoup de bouteilles pour le toit de l’amphithéâtre. J’aime beaucoup ce qu’elle fait.


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MARCELLO J’aime beaucoup aller sur le fleuve pour nager, pêcher ou faire des barbecues et des feijoadas de l’autre côté. Le projet apprend aux enfants à faire du travail artistique. Si on arrive à faire des progrès avec un enfant ou deux, cela leur évite de faire des mauvaises choses et c’est très gratifiant.




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Je ne laisse pas mes enfants sortir, j’ai peur des balles perdues et je ne veux pas qu’ils se mélangent avec des enfants de mauvaise influence. Je les emmène seulement à l’école et aux ateliers.

Vous faites de la photographie, vous savez où je peux trouver un appareil ? On est en train d’apprendre avec une amie.


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ROBERTO C’est le foot qui aide la communauté, les jeunes à ne pas faire de mauvaises choses.

Les gens s’intéressent surtout au dessin, moi aussi je dessinais quand j’étais plus jeune. Les ateliers de dessin ne sont que pour les enfants, les enfants ne peuvent pas participer.


NINO

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C’est beaucoup mieux depuis l’aménagement. Mais au début les enfants jetaient tous les pneus. C’est moi qui les ai rachetés. Ils les jetaient dans l’eau. Je suis allé parler avec les parents, mais pas pour les punir ou les taper, ça ne sert à rien avec les enfants. Si taper pour punir servait à quelque chose, il n’y aurait plus de voleurs dans le monde.

J’ai rêvé d’une table qui courait vers un lac et je courrais après mais elle m’échappait et avançait vers le fleuve. Le lendemain j’ai essayé de comprendre, j’ai raconté ce rêve à un ami qui m’a dit j’ai une table de billard qui ne sert pas. Je lui ai dit je te l’achète au même prix que tu l’as payée. Je l’ai mise sur le trottoir devant chez moi et je suis devenu célèbre avec. Jour et nuit c’était plein. On m’a dit tu es fou, tu vas arrêter de pêcher, tu es le meilleur pêcheur du quartier. J’ai dit non je ne suis pas fou, ça va devenir quelque chose. Aujourd’hui, j’ai ce bar, finalement, je n’étais pas fou.


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ANNA-LYDIA Avant le quartier, c’était des constructions en bois, temporaires, il n’y avait pas de rues, c’était de l’eau, on traversait sur une planche au dessus des crabes et des poissons. Aujourd’hui c’est mieux aménagé mais c’est devenu dangereux.

J’aime beaucoup être chez moi, m’occuper de la maison, cuisiner, laver le linge, je sors très peu...


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LINDOMAR Je travaillais comme garde pour le gouvernement, c’était plus facile pour obtenir des choses dans le quartier comme l’électricité, l’eau courante, le téléphone ou les rues pavées...

Je soutiens beaucoup le projet, si vous avez besoin de tables, chaises, projecteur, etc. Je peux vous prêter. Je suis fière du projet parce que ça plaît aux enfants et ça les occupe. Ils sont entourés de personnes qui viennent d’ailleurs. Les graff donnent de la beauté au quartier.


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MARLENE Mon mari était musicien, chaque fois que son équipe de foot gagnait, il jouait et tout le quartier partait en procession. C’était une très belle fête mais aujourd’hui il ne reste que la saudade.


En 2018, l'association Pixo et la Casa Vermelha nous invitent à participer au projet Inarteurbana. Nous sommes Pauline David et Stéphanie Braka, jeunes professionnelles de 28 ans, respectueusement doctorante en sociologie de l'éducation à l'université de Nantes et architecte coordinatrice de projets liant art et aménagement. L'idée est simple, ensemble nous décidons d'explorer le quartier du Passo da Pátria à Natal dans l'intention d'en tirer un portrait sensible via le regard de ses habitants. A travers des entretiens sonores, des portraits photos et une cartographie sensible du quartier, nous donnons à voir le quartier sous un regard neuf, complètement extérieur aux problématiques qui l'habitent mais nous proposons aussi de montrer les impacts majeurs du projet Inarteurbana sur ce quartier en terme de politique sociale et urbaine. Si nos premiers pas dans le quartier sont guidés par quelques consignes à suivre pour se fondre dans le paysage, nos pérégrinations se font naturellement et en toute sécurité suivant le fil de nos rencontres. Le quartier jouit de quelques espaces publics mais très peu sont aujourd'hui occupés par l'ensemble de la population. Au fur et à mesure des rencontres, nous comprenons l'inquiétude des habitants vis-a-vis de l'extérieur. Nous voyons très vite l'importance pour l'ensemble des personnes interrogées quant à l'intervention de personnes extérieures dans le quartier qui s'inscrivent dans des actions durables et transforment progressivement l'image et la vie au sein du Passo. Ainsi, à partir d'un festival annuel d'art urbain et de divers artistes en résidence dans l'année, les murs de la cité se parent de couleurs et de nouvelles histoires entre artiste, territoire et population se créent et laissent des marques importantes dans les esprits et dans l'espace urbain qui petit à petit gagne en soin et en qualité. De plus, les interventions plus pérennes sur les espaces publics, principalement deux places à l'entrée du quartier et au bord du Rio Potengi encouragent enfants et adultes à interagir sur un espace public dédié et cultivent le bon vivre dans des espaces où ils peuvent venir jouer ou participer à des actions pour le plus grand plaisir de leurs parents et de l'ensemble des habitants ravis de donner à voir une communauté unie et heureuse d'habiter l'espace. Dans un quartier bien souvent ignoré des politiques publiques en terme d'aménagement, nos rencontres nous poussent à croire que l'urbanisation et l'amélioration de ce territoire peut se faire à partir des ressources humaines et matérielles présentes au Passo rendant cette partie de la ville capable de se régénérer elle - même par l'action de la communauté aidée par Pixo et la Casa Vermelha.


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