Pl(utô)t Rêver
Le Café en Bullant
Pl(utô)t Rêver nait de la rencontre de professionnels de l’aménagement partageant le constat que l’espace public est trop souvent réduit à des espaces de circulation et de stationnement, ne remplissant plus son rôle d’interface entre les habitants, de lieu d’interaction et d’intégration sociale.
Début 2014, le collectif met en place son premier projet : le Café en Bullant. Il investit des espaces publics non appropriés et engage un dialogue avec ses habitants. Structure roulante construite en matériaux de récupération, le Café en Bullant diagnostique et analyse la modénature et le quotidien de ces espaces. Passants ponctuels ou habitants s’installent autour de la structure et nous content la vie de quartier autour d’une tasse de café. Le café mobile redonne de la convivialité le temps d’un après-midi sur des espaces bien trop souvent délaissées. De fil en aiguille, il endosse un rôle actif et influe son environnement. Il met en évidence les caractéristiques d’un lieu encore inexploité mais propice au questionnement de ses usages. Il est apparu progressivement comme une première étape, celle de la découverte, vers nos désirs d’action. Il nous a donné envie de poursuivre l’aventure sur des lieux choisis, à travers un second projet : Des Places et vous.
Pl(utô)t Rêver s’est construit autour de l’idée que cette désappropriation de l’espace public par les habitants n’est pas un marqueur de l’évolution de notre société mais plutôt une conséquence de la façon dont on produit ces espaces. Pl(utô)t Rêver s’est forgé par la conviction que les places, squares ou jardins publics sont des hauts lieux de socialisation, de rencontres avec l’altérité et de construction du vivre-ensemble. Pl(utô)t Rêver n’a pas peur de l’utopie. Il s’inquiète même qu’elle ne soit plus un point d’horizon pour guider le projet quand celui-ci est souvent réduit aux contingences purement fonctionnelles. Pl(utô)t Rêver milite pour que les habitants ne soient plus un facteur à prendre en compte dans la construction d’un espace public mais que leur place soit au centre du projet. Pl(utô)t Rêver se pose beaucoup de questions mais n’a pas réponse à tout. Il est conscient de la complexité des phénomènes à l’œuvre et de la limite de ses d’actions. Il n’existe pas sans les experts des territoires sur lesquels il intervient. Pl(utô)t Rêver se veut un collectif agile et inventif. Il ne propose pas de solutions prêtes à l’emploi mais des séries de recherches-actions faites d’expérimentations et de prototypages.
Des places et vous Dans la continuité du café ambulant, Des places et vous se sédentarise sur un espace, questionne son appropriation et la manière d’encourager, à terme, les habitants d’un quartier à investir leurs espaces de proximité en les modifiant eux-mêmes. Ce projet encourage les structures d’un quartier à profiter de ces prétextes d’aménagement pour se rencontrer et créer de la convivialité. Pl(utô)t Rêver imagine travailler sur ces espaces de manière itérative. La rencontre avec les structures locales amène au processus de concertation, puis aux premières expérimentations qui, une fois testées, sont évaluées pour être réitérées à nouveau. Progressivement, les expérimentations
ont assez de corps pour s’intégrer à un potentiel futur aménagement par les services de la Ville, sans négation de l’histoire quotidienne de la place. Pl(utô)t Rêver apporte une méthode de travail ; une mise à disposition ponctuelle d’idées et de compétences. La ville s’organise avec le temps. Le meilleur moyen de s’adapter à sa démographie et à ses changements sociétaux est d’inciter ses habitants à y prendre part.
Des places et vous à Buscaillet, La place Adolphe Buscaillet, au cœur du quartier des Bassins à flot, illustre cette difficulté pour les espaces publics déjà constitués de s’intégrer aux transformations de la ville. Cette place Arts Déco étonne par sa modénature. Au premier abord, elle se présente comme un jardin urbain. Ses dimensions importantes empêchent de la visualiser dans son entier et de saisir son volume. Bordée par la route sur trois côtés, la place laisse transparaître les anciens bains-douches sur son quatrième côté. Sa partie Ouest se vit comme un jardin composé de haies, d’un square pour enfants, et de grands arbres créant de l’ombre. Au Sud, sur les traces de l’ancienne école primaire, des pergolas en béton structurent l’espace et complètent l’identité de cette étrange place. Le Kfé des Familles y prend ses quartiers et y développe ses activités. A ses débuts, cette association avait vocation à réunir des familles autour d’un moment convivial lié aux enfants. Les bornes de son action s’étendent maintenant au café associatif de quartier. Mais qu’en est-il de la place ? Différents ateliers de concertation ont été menés par l’association début 2015, qu’en est-il ressorti ? Dans quelle mesure cette initiative émanant des adhérents du Kfé des Familles a-t-elle la possibilité de se multiplier pour étendre son propos à l’ensemble des usagers du quartier ? Dans quelle mesure la Ville peut-elle prendre en compte cette initiative avant de faire projet sur la place ? Comment ne pas en faire table rase tout en considérant l’ensemble des habitants du quartier et la complexité des enjeux de cet espace ?
Ateliers d’architecture... Trois ateliers d’architecture sont menés, dont une séance dédiée à la restitution. Le premier atelier « Une place, un K-fé, des familles » dresse un état des lieux de la place. Le deuxième atelier « La vie rêvée de la place Buscaillet » vise à élaborer un programme pour la place à l’aide de différentes références sélectionnées par l’animatrice de l’atelier, elle-même architecte et habitante. Le troisième atelier, « La place Buscaillet, c’est moi ! » synthétise les souhaits exprimés lors d’une présentation publique. L’atelier de programmation pointe une quantité d’éléments à traiter sur la place. A l’issue des ateliers, nous synthétisons différents points à traiter en premier lieu : créer un lieu convivial pour le Kfé des familles, couvrir la pergola, agrandir l’aire de jeux pour enfants, limiter la dangerosité de la fontaine, occuper l’espace entre le bâtiment des bains-douches, et restructurer les passages et la circulation sur la place.
... et propositions Le collectif proposait d’investir la place tous les week-ends du mois de septembre 2015. Par la multiplication des prototypages d’usages et d’actions, ces temps de chantier testaient différents espaces de la place en réponse aux ateliers du Kfé des familles. Chaque week-end donnait l’occasion de révéler les potentiels spatiaux de certains espaces mais aussi les potentiels de vivre ensemble de la place en donnant la possibilité aux habitants du quartier de s’y réunir. Ces weekends étaient dédiés, d’une part, à la construction d’un sol en bois dans la fontaine. Partant du postulat que s’installer dans la fontaine limite de fait sa dangerosité, l’équipe imaginait un temps festif dans cette fontaine, devenue lieu convivial et central de la place. D’autre part, la présence des pergolas en béton à l’Ouest de la place était l’occasion de créer
une terrasse ombragée au Kfé des familles. Pl(utô)t Rêver imaginait construire ces espaces, les laisser vivre quelques mois, et tester à nouveaux d’autres usages au printemps 2016 dans l’intention d’accompagner progressivement les habitants du quartier à s’investir eux-mêmes dans ces transformations.
Chronique d’une mort annoncée Rotule entre Bacalan et les Bassins à flot, la place Adolphe Buscaillet répond à la nécessité d’affirmer l’identité de la ville constituée face à l’abondance de nouvelles constructions, de nouveaux espaces publics non sédimentés et d’une population nouvellement arrivante. Bien au-delà de l’installation d’un café mobile sur la place à la belle saison, ou de l’installation d’un banquet éphémère dans sa fontaine, cet espace urbain mérite un travail de couture entre les différents tissus urbains, entre les divers temps de construction de la ville et entre les usagers du quartier pour être en mesure d’accueillir et de supporter au mieux les transformations métropolitaines. Au coeur d’un quartier déjà bien investi, notre proposition n’a jamais vu le jour. La concertation officielle a commencé en décembre 2015. Dans quelle mesure la concertation du Kfé des familles peut-elle alimenter la concertation institutionnelle ? La concertation institutionnelle est-elle une vague campagne de communication dans l’intention de satisfaire des demandes populaires trop prégnantes ? Le projet est-il déjà acté ou a-t-il la possibilité de se décider progressivement avec le terrain ? L’espace public est-il seulement un espace marchand et stérile où s’annihilent les usages au profit d’un intérêt général qui ne correspond à personne ? Cette restitution questionne notre position en tant qu’association à intervenir sur ces espaces de manière auto-commandée rien que pour le plaisir de la recherche et de la découverte. Texte et dessin : Pl(utô)t Rêver / Mise en page : Julie Belot