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QUATRE LEVIERS D’ACTION POUR DES SYSTÈMES DE TRANSPORT PLUS DURABLES, ACCESSIBLES ET INCLUSIFS

AU GHANA

Si l’urbanisation rapide que connaît l’ensemble de l’Afrique ouvre des possibilités, elle met également à rude épreuve les systèmes de transport. La hausse des émissions, de la pollution et de la congestion ne sont que quelques-uns des défis auxquels les responsables de la planification des transports doivent faire face. Dans les villes d’Accra et de Kumasi, au Ghana, les services de base tels que les marchés, les structures de santé et les écoles primaires sont inaccessibles à de nombreuses personnes qui se déplacent à pied ou en transport collectif – des minibus appelés trotros. Ceux qui ont les moyens de s’offrir une voiture choisissent cette option, qui permet d’accéder plus facilement aux services ; c’est toutefois le mode de transport le moins durable.

Les choix opérés par les pouvoirs publics sont donc déterminants pour façonner la mobilité future de manière à rendre les villes du Ghana plus agréables à vivre. Les décideurs publics à Accra et à Kumasi ainsi que les partenaires au développement ont entrepris de repenser le système de transport. Afin d’étayer ces travaux, de nouveaux éléments factuels et de nouvelles données mettent en évidence quatre leviers d’action pour aider les systèmes de transport à faire face à la hausse des émissions, de la pollution et de la congestion, tout en améliorant la qualité de vie, les perspectives économiques et l’inclusion sociale, au bénéfice des citadins.

RECENSER LES LACUNES EN MATIÈRE D’ACCESSIBILITÉ

Tout transport vise en substance à permettre aux individus d’avoir accès aux possibilités qui existent. Les marchés, par exemple, représentent une possibilité vitale pour les communautés. On peut y trouver de la nourriture, y travailler et y nouer des liens sociaux. Or, 61 % de la population d’Accra vit dans des quartiers où il est impossible de se rendre dans un marché en moins de 30 minutes à pied. Seuls 20 % des habitants ont accès à un marché unique et 18 % à plusieurs marchés dans un rayon de 30 minutes à pied. Les personnes qui vivent en périphérie sont confrontées à d’avantage de problèmes d’accessibilité ; aucun marché, même unique, n’est accessible, même à 90 minutes de marche.

Nombre de marchés accessibles en 30 minutes à pied dans le Grand Accra

Note : Accra est divisée en cellules de 500 mètres, dans lesquelles les points rouges représentent les emplacements des marchés (y compris informels). Une cellule bleue foncé indique qu’il est impossible de se rendre dans un marché à partir de cette cellule en moins de 30 minutes à pied, compte tenu de l’état et de la connectivité du réseau routier. À l’inverse, les couleurs bleu clair et rose indiquent les zones où l’on peut se rendre dans un ou plusieurs marchés en 30 minutes à pied ou moins. Les limites des districts qui composent le centre d’Accra sont surlignées en jaune.

Source : Calculs des auteurs, à partir des données spatiales de (Open Street Map, 2022) ; Commission européenne ; et al., 2021 ; MapIT, 2023 ; DigitalTransport4Africa, 2015).

L’accès aux marchés s’améliore lorsqu’on se déplace en trotro dans le centre d’Accra, mais il se réduit en périphérie. Les mêmes difficultés se posent lorsqu’il s’agit de se rendre à pied ou en trotro à l’école primaire ou dans une structure de santé. Les voitures représentent le meilleur moyen d’accès aux services, mais à une forte contrepartie : émissions, pollution atmosphérique, congestion. Dans l’ensemble, environ 28 % de la population du Grand Accra vit dans des quartiers où il est difficile d’avoir accès à l’un de ces services essentiels, et ce d’autant plus en périphérie de la ville. Il est capital de combler ces lacunes en matière d’accessibilité pour permettre aux habitants de profiter des diverses possibilités, services et réseaux d’interaction sociale que leur ville est capable d’offrir.

Nombre de marchés accessibles en 30 minutes en voiture, en trotro ou à pied dans le centre d’Accra

En voiture En trotro À pied

Nombre de marchés accessibles

SO

Note : Accra est divisée en cellules de 500 mètres, dans lesquelles les points rouges représentent les emplacements des marchés (y compris informels). Une cellule bleue foncé indique qu’il est impossible de se rendre dans un marché à partir de cette cellule en moins de 30 minutes. À l’inverse, les cellules de couleur bleue clair à rose indiquent les zones où l’on peut se rendre dans un ou plusieurs marchés en 30 minutes ou moins. Source : Calculs des auteurs à partir de (Open Street Map, 2022; European Commission; et al., 2021 ; MapIT, 2023 ; DigitalTransport4Africa, 2015).

Nombre de marchés accessibles

RAPPROCHER LES SERVICES DES LIEUX DE VIE, PAR L’AMÉLIORATION DE LA PLANIFICATION DES TRANSPORTS ET DE L’AMÉNAGEMENT URBAIN

Si les lacunes en matière d’accessibilité observées à Accra et à Kumasi s’expliquent en grande partie par des « transports publics » qui ne répondent pas à la demande, le manque de proximité entre les lieux de vie et les services essentiels constitue un autre facteur clé. Au cours des 35 dernières années, le Grand Accra a connu une croissance remarquable et sa superficie bâtie a augmenté de 400 %. Cette croissance s’est principalement traduite par l’apparition d’ensembles résidentiels dans les quartiers périphériques, sans toutefois s’accompagner de l’implantation concomitante de services essentiels dans ces mêmes-zones. En conséquence, des ensembles résidentiels périurbains denses et éloignés des services ont vu le jour, parfois à plus de neuf kilomètres. Les points jaunes sur la carte indiquent les zones à forte densité de population qui sont situées loin d’une école primaire, d’une structure de santé ou d’un marché. La création d’une proximité entre le lieu de vie et les services peut améliorer l’accessibilité, mais nécessite une coordination efficace entre la planification de l’aménagement urbain et celle des transports, afin d’assurer une utilisation plus efficace de l’espace urbain et des ressources urbaines.

Zones potentielles de prestation de services à Accra Quelques zones à forte densité de population situées loin des services, en jaune.

Note : Distance par rapport aux services essentiels (points noirs), combinée à la densité de population. Les points jaunes représentent quelques emplacements où des services locaux pourraient être assurés. Source : Estimations démographiques (Sirko et al., 2021) et points d’intérêt (MapIT, 2023).

Zones

AMÉLIORER LES INFRASTRUCTURES AU SERVICE

DES TRANSPORTS COLLECTIFS ET DES MODES ACTIFS DE DÉLACEMENT

Dans un environnement bâti en pleine expansion, la voirie en périphérie de la ville est essentiellement composée de routes non revêtues et secondaires, ce qui empêche de les relier aux réseaux de trotro et de transports en commun. Marcher le long de routes non-revêtues est difficile, d’autant plus lorsque les possibilités de correspondance sont faibles. À Accra, 45 % du paysage urbain se situe en deçà du seuil de marchabilité de 45 intersections par km2. En outre, les phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les fortes précipitations et la chaleur intense, peuvent avoir des répercussions importantes sur les routes non revêtues, où il peut devenir difficile de circuler, quel que soit le mode de transport choisi. D’autres infrastructures, comme les trottoirs et l’éclairage, font également défaut.

Il est indispensable d’investir dans les infrastructures de transport collectif et de déplacement pédestre, étant donné que 95 % de la population d’Accra effectue leurs déplacements quotidiens principalement à pied et en trotro. Les voitures, en revanche, sont utilisées par moins de 1 % de la population de la ville, mais occupent 60 % de l’espace de voirie, en plus des taxis (15 %). Par conséquent, cet espace est occupé à 75 % par des automobilistes en minorité, tandis que dans certains quartiers, les piétons, les trotros, les cyclistes occasionnels, les motocycles et les trois-roues se partagent les 25 % restants. La réaffectation de l’espace de voirie et l’amélioration des infrastructures au service de modes de déplacement plus durables, tels que les transports publics et les modes de déplacement actifs, peuvent favoriser la mobilité d’un plus grand nombre de personnes, tout en occupant beaucoup moins d’espace de voirie que la voiture.

Le vélo recèle un immense potentiel en termes d’amélioration de l’accessibilité, à condition que les infrastructures soient améliorées. 35% de la population pourrait avoir accès à une école primaire en 30 minutes s’ils se déplaçaient à vélo et non à pied. De même, 24 % de personnes supplémentaires auraient accès au minimum à une structure de santé et 36 % de personnes supplémentaires pourraient facilement se rendre dans un marché en une demiheure.

Intersections par km2 à Accra

Source : Calculs des auteurs à partir de (Open Street Map, 2022) et (MapIT, 2023).

Part des déplacements par mode de transport selon le revenu à Accra et Kumasi

6 001 GHS & plus

3 001−6 000 GHS

1 501−3 000 GHS

< 1 500 GHS

Pourcentage R

INTÉGRER UNE PERSPECTIVE DE GENRE DANS LA PLANIFICATION DES TRANSPORTS

Certains segments de la société sont plus fortement touchés que d’autres par les disparités en matière d’accessibilité des services. Le genre, le revenu, l’âge, la situation au regard de l’emploi, le degré de capacité ou d’incapacité, la classe sociale et le croisement entre ces variables constituent autant de facteurs qui influent sur l’expérience de la mobilité. À Accra et à Kumasi, les femmes, en particulier celles qui appartiennent à des groupes à faible revenu, recourent à des modes de déplacement – la marche et le trotro – qui permettent le moins d’accéder aux services. Elles sont donc moins aptes à remplir les multiples rôles qu’elles assument au sein de la société en tant que participantes actives au marché du travail et aidantes principales. En tant qu’aidantes, leurs déplacements consistent par exemple à accompagner les enfants sur les trajets école-domicile, à effectuer les courses ménagères et à s’occuper de proches malades ou âgés – autant de tâches qui relèvent de la « mobilité des soins ». Cette mobilité représente le deuxième type le plus fréquent de déplacements quotidiens dans les deux villes, mais est plus souvent le fait des femmes que des hommes.

Malgré l’importance qu’il revêt dans les déplacements quotidiens, le système de transport n’est pas adapté à la mobilité des soins (par exemple, les déplacements avec des enfants). Les opérateurs de trotro refusent souvent les personnes accompagnées d’enfants, car ils souhaitent éviter la perte de recettes découlant du transport de passagers de moins de 12 ans (qui voyagent généralement gratuitement) ainsi que tout retard dans la montée ou la descente du véhicule. Les femmes qui accompagnent des enfants sur les trajets domicile-école ou ailleurs se retrouvent par conséquent à parcourir de longues distances à pied, à payer un supplément pour le taxi ou à utiliser des véhicules privés pour leurs transports quotidiens – une solution qui n’est ni durable, ni équitable.

Accra Kumasi
Voiture, moto, taxi, hélé
Taxi collectif Trotro Taxi-moto, 3-rues Vélo, marche

À Accra, les déplacements quotidiens des femmes sont plus souvent consacrés à la mobilité des soins, toutes catégories de revenu confondues

À l’inverse, les femmes qui perçoivent des revenus élevés à Accra optent pour la voiture pour leurs déplacements quotidiens, quelle que soit la durée ou l’objet du trajet, d’où un risque considérable de pérennisation de ce mode de transport à mesure que les revenus augmentent. Des investissements et des interventions ciblés sont donc nécessaires pour améliorer l’accessibilité des modes de transport autres que la voiture et intégrer des caractéristiques qui tiennent compte du genre dans la conception des modes de déplacement, comme l’implantation d’arrêts de bus à proximité d’installations essentielles (écoles, etc.) et la mise en œuvre de systèmes de tarification qui prennent en compte les personnes à charge et les trajets à arrêts multiples.

Pour planifier et concevoir des systèmes de transport qui répondent aux besoins spécifiques des femmes et des hommes en matière de mobilité, il convient de recueillir des données, d’effectuer des analyses et d’engager un dialogue qui tiennent compte de la dimension du genre. Il importera particulièrement de s’assurer de la participation des femmes et de leur donner la possibilité de faire entendre leur voix dans les processus de planification, compte tenu de leur sous-représentation dans le secteur des transports. Appliquer un prisme de genre à la planification des transports peut non seulement permettre de créer un système de transport plus durable et plus inclusif, mais aussi favoriser la participation des femmes à la vie économique et sociale.

Cedi Ghanéen (GHS)
< 1 500 GHS 1 501-3 000 GHS 3 001-6 000 GHS 6 000 GHS & plus
Hommes
Femmes

Ces travaux ont été financés par la Direction du développement et de la coopération de la Suisse, en étroite collaboration avec l’autorité des transports publics du Grand Accra (Alex Johnson), l’Université du Ghana (Ernest Agyemang et Professeur Kwadwo Owusu) et des chercheurs ghanéens de l’Université de Manchester (Professeur Ransford Antwi Acheampong et Augustine Yaw Asuah). Le Forum international des transports de l’OCDE (Yaroslav Kholodov et Nick Carros) ainsi que l’Ambassade de Suisse au Ghana (Andrew Boamah Asare) ont également apporté leur concours. Un atelier réunissant les parties prenantes, animé par l’autorité des transports publics du Grand Accra et le ministère des Collectivités locales, sera organisé à Accra. Au cours de cet événement, les conclusions des présents travaux seront diffusées et les parties prenantes s’emploieront à forger une vision d’avenir pour le système de transport d’Accra.

VOUS SOUHAITEZ REPRODUIRE CETTE ÉTUDE DANS

UNE AUTRE VILLE ?

Si vous êtes intéressé par l’instauration de systèmes de transport durables, accessibles et inclusifs et souhaitez appliquer cette analyse à une autre ville africaine, nous vous invitons à nous contacter au Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Les précieux enseignements tirés de l’expérience ghanéenne peuvent éclairer les politiques de transport d’autres centres urbains du continent africain.

Adresse électronique : brile.anderson@oecd.org

Le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) est une plateforme internationale dont le secrétariat est hébergé au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le CSAO produit et cartographie des données, fournit des analyses éclairées et facilite le dialogue stratégique, dans le but de contribuer à une meilleure anticipation des transformations à l’œuvre dans la région et de leurs répercussions au niveau territorial. Il s’emploie à promouvoir des politiques adaptées à chaque contexte comme leviers d’intégration régionale, de développement durable et de stabilité.

RÉFÉRENCES :

Club https://www.oecd.org/fr/csao/

https://mapping-africa-transformations.org/

https://twitter.com/SWAC_OECD

www.facebook.com/OECDSWAC

www.linkedin.com/company/ sahel-and-west-africa-club

Formes urbaines et changement climatique en Afrique

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Ce rapport analyse les conséquences d’une moindre compacité urbaine en termes de durabilité et de qualité de vie. Il ouvre des perspectives pour déterminer les domaines potentiels dans lesquels une action pourrait être menée dans les années à venir à l’appui de la résilience et du suivi et de l’évaluation des progrès.

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