Source : « Châtellerault sous l'Occupation », Marie-Claude Albert, Geste Editions, 2005 A Châtellerault, parmi les 13 membres du comité cantonal des œuvres du maréchal Pétain : le président de la chambre de commerce ; le principal du collège de garçon de Châtellerault (ancien membre des Croix-de-Feu et président du PSF). Ces membres ont été nommés par le secrétaire d’Etat à l’information et à la propagande ; ce sont surtout des notables. Le préfet exige que les maires de la zone occupée achètent pour tous les établissements publics de leurs villes des portraits du Maréchal diffusés par les services de la propagande ; alors que le maire de Châtellerault n’en commande que 3, celui de Vouneuil-surVienne en commande 12. le successeur de Louis Ripault à la mairie de Châtellerault en commande en août 1941 au contraire 161… Sur un total de 2000 portrait diffusés dans la Vienne par l’intermédiaire du secours national et à son bénéfice. Après l’étatisation de la police municipale, de décembre 1942, la circonscription de Châtellerault compte le quart de l’effectif départemental de la police. Le maire de Châtellerault en 1943 outrepasse les limites de l’étatisation de la police et exerce pleinement les pouvoirs de police. Le RNP : A Châtellerault, le RNP de Déat relaie la propagande officielle ; le 10 octobre 1941, il diffuse auprès des maires dont celui de Châtellerault une lettre et un questionnaire relatifs à la révolution nationale et la collaboration. Le RNP a 8 adhérents à Châtellerault, et est présidé au niveau départemental par un homme très influent, qui est par ailleurs depuis 1941correspondant local d’un organisme de propagande de Poitiers, « la Gerbe » ; il organise des conférences dans la région, comme celles d’Abel Bonnard en novembre 1941 au théâtre de Châtellerault, ou celle de Georges Claude le 15 décembre 1942. Le comité local du RNP est dirigé par un publiciste châtelleraudais, ce qui facilite la propagande vichyste. Le Francisme : ce mouvement qui est un mouvement nazi français avant la lettre (créé en 1933), et qui s’inscrit dans la filiation mussolinienne. A son apogée, ce mouvement ne regroupe pas plus de 800 personnes en france ; pourtant, il dispose à Châtellerault de quelques personnes qui se chargent de diffuser sa propagande, notamment auprès des jeunes du collège de garçon de la ville, où l’un des responsables de ce mouvement parvient à recruter une 10aine de sympathisants… L’Action Française : si elle dispose de membres à Châtellerault, ceux-ci s’en tiennent vis-à-vis de l’Occupant à un « loyalisme » et non à un quelconque zèle collaborationniste. Ils sont représentés localement par le président du secours national et d’anciens membres du parti démocrate populaire. PSF et ex-Croix-de-Feu : un des membres châtelleraudais des ex-Croix-de-feu quitte la zone occupée et se rend en zone nono pour cause de « dissentiment avec l’occupant » : il était propriétaire d’un hôtel du centre-ville, réquisitionné par l’Occupant. Le Collabo de la Manufacture : le directeur de la manufacture d’armes de Châtellerault, Lucien Vergnaud, répond avec zèle aux demande « d’effort » de l’Occupant. Il va au devant des demandes allemandes. Il n’a pas attendu l’entrevue de Montoire pour rouvrir la manufacture d’armes. Dans les premiers jours de la défaite, avant même l’occupation, il produit plusieurs notes nettement tournées contre la 3° République et pro-vichyste et collaborationnistes. Il fait également l’apologie de la LVF, à laquelle il verse 50 000 FF. Le 7 juin 1944, il va jusqu’à « inviter » le personnel de la manufacture à assister à la « messe anniversaire » du directeur d’arrondissement des « Amis de la Légion », tué dans un attentat. Il verse également au PPF une somme mensuelle de 500 FF prélevée sur la comptabilité des jardins ouvriers… et finance le déplacement de délégués de l’usine à Paris pour un congrès du PPF. Né le 6 septembre 1893 en Haute-Vienne, ingénieur en chef d’Etat, 1° classe de l’industrie mécanique, directeur adjoint de l’atelier de construction de Bourges puis directeur de la manufacture de Châtellerault en 1939. tout employé circulant dans la manufacture à moins de 5 kilomètres / heure est menacé de punition, le rythme hebdomadaire est de 55 heures par semaine, 6 jours sur 7, 10 heures par jour. La productivité horaire doit constamment augmenter, le rythme de travail devient délirant et purement sadique. Quelque soit le rythme de travail atteint, les accusations de paresse et de lenteur n’en continue évidemment pas moins. Toute personne ne se soumettant pas intégralement à cette folie est qualifiée de « délinquant ». L’accès aux toilettes nécessite une autorisation écrite. Quand deux ouvriers causent dans un atelier, il brise un carreau avec sa canne ; les conditions d’obtention d’un arrêt maladie se raidissent. 3 retards, même minimes en moins de 6 mois : exclusion définitive. Il appelle à la délation des saboteurs, sachant que pour ceux-ci, cette délation peut se traduire par l’exécution ou les travaux forcés. Châtellerault affiche le tragique record des résistants fusillés et déportés. Les polices collaborationnistes françaises sont à Poitiers la SAP (section des affaires politiques, branche de la sûreté française) et à Châtellerault la Milice. Elles agissent en totale entente avec la SD et la Gestapo. La SAP a été créée par le régime de Vichy pour enquêter sur les affaires « terroristes, communistes ou gaullistes ». La SAP est instaurée à Poitiers en novembre 1942, dirigée par Bernard Rousselet ; composée de 19 inspecteurs, dont « 8 durs », elle travaille avec la Gestapo mais reste très largement autonome. La SAP arrête des résistants dans toute la région ; Rousselet, Bletel et Savin se forgent une sinistre réputation en démantelant par la torture à la prison de la Pierre-Levée et par la délation la plupart des réseaux du département de la Vienne. Les interrogatoires ont lieu à l’infirmerie de la prison de la Pierre-Levée, à coups de gifles, puis de coups de poing, à coup de nerf de bœuf en étant allongé sur la table d’opération, puis dans la cave, où le détenu était suspendu par des menottes, la pointe des pieds touchant à peine le sol, à coup de cravache ; éventuellement, les tortionnaires leur éclatent des chaises sur le visage. S’ils « travaillent » de manière autonome, il n’en reste pas moins vrai que les membres de la SAP agissent également sur commission rogatoire délivrées par des juges d’instruction… Il est très probable que la Milice se soit infiltrée à la sous-préfecture de Châtellerault, où le secrétaire général était un ami du conseiller à la préfecture de Poitiers de Poitiers, milicien connu. La Milice est effectivement présente à Poitiers et Châtellerault, où elle possède deux représentants importants. Poitiers a d’ailleurs été choisi comme centre d’instruction et de formation des miliciens de la zone nord (à la caserne des Dunes). La LVF : A Châtellerault, la LVF appuie également le régime à Châtellerault ; plusieurs correspondances municipales insistent ainsi sur le rôle des représentants locaux de la LVF dans le recrutement dans l’armée d’armistice pour le front de l’est ; les délégués LVF de Châtellerault s’immiscent dans l’activité municipale, ce que dénonce le préfet de région à l’inspecteur de la légion le 19 mai 1943. La LVF est relativement puissante à Châtellerault puisque l’un de ses délégués devient secrétaire départemental, alors que le directeur de la section locale devient délégué départemental en juin 1944 ; elle a aussi rencontré un écho favorable parmi les employés municipaux. Aucun des 6444 anciens combattants de Châtellerault n’est inscrit à la LVF ni à la Phalange africaine. La LVF est donc bien implantée à Châtellerault et représentée ici par des éléments très déterminés, qui, placés à des postes départementaux, n’hésitent pas à mettre en cause des personnalités locales, comme le responsable de la maison du prisonnier qualifié de « anti-
allemand » le 15 mars 1943, ou bien l’auxiliaire de l’archiprêtre de Châtellerault accusé de « faire prier pour les requis déportés »… Censée d’après ses propres objectifs avoués, recruter pour soutenir les nazis sur le front de l’est, la LVF mène en fait des enquêtes sur les dirigeants locaux, fonctionnaires de police et autorités administratives, y compris le sous-préfet, en vue de transmettre ces informations aux nazis. Le maire de Châtellerault Robert Duthuzo qui ne répond pas aux invites de la LVF est lui-même épié étroitement. La LVF et la Milice, après le tournant de mai 1943 où les nazis renforcent leur emprise sur Vichy, exercent une pression de plus en plus forte sur les pouvoirs publics, et après les préfectures, s’attaquent aux municipalités. Le bureau de la LVf à Châtellerault est visé par un attentat de la résistance le 30 décembre 1943. Le PPF : A Châtellerault, le PPF de Doriot a également servi de relais de propagande au niveau municipal ; il regroupe 70 adhérents à Châtellerault en décembre 1942, et participe au comité d’union des mouvements nationaux révolutionnaires, présidés jusqu’en mai 1943 par le docteur Guérin (dit Pierre Chavigny) ; les réunion publiques du PPF dans la ville sont très fréquentes pendant l’Occupation et la Collaboration, puisqu’elles ont lieu tous les 15 jours. Le 25 juin 1942, l’orateur du PPF réclame la formation d’une police spéciale pour « combattre le communisme qui travaille encore en sourdine ». Le directeur de la manufacture de Châtellerault et un ingénieur qui participent au congrès du PPF des 6-7 novembre 1942, font partie des organisateurs, ainsi que quelques jeunes gens, 2 journalistes (dont celui de « l’Echo de Châtellerault »), des commerçants et un agent d’affaires. Le 27 juin 1942, 60 personnes participent à une nouvelle réunion publique du PPF, avec la participation du délégué national, du maire et de plusieurs membres du personnel municipal. Le docteur Guérin, président départemental du PPF en liaison avec la Milice. A la fin de l’été 1943, le PPF compte une 20aine d’adhérents à Châtellerault ; après le décès de son chef départemental, il reconstitue sa tête et se fixe pour objectif de pratiquer un « nettoyage important dans l’administration ». lors d’une réunion secrète du 5 septembre 1943, il aurait décidé de se payer la tête du préfet Holveck et du maire de Poitiers, jugés « très gênants et anti-collaborateurs » ; le sous-préfet de Châtellerault, Bonnaud Delamare, est également surveillé de près, ainsi que le commissaire de police Jean Danveau. Le PPF menace d’attaquer la mairie de Châtellerault pour y détruire le buste de Marianne, fait peser des menaces sur la statue de la liberté à Poitiers et détruit effectivement le buste de la république à Civray. Epuration : lors de l’épuration, qui connaît un phase sauvage à Châtellerault (femmes tondues, miliciens et prisonniers nazis exécutés), 550 cas sont examinés. Un camp d’internement pour faits de collaboration est également mis en place dans la ville. La commission locale d’épuration décide de 80 condamnations importantes, dont : 1 condamnation à mort pour intelligence avec l’ennemi, 43 condamnation à l’indignité nationale (directeur et personnel hiérarchique de la manufacture et membres de la police). Les dossiers les plus lourds sont en fait transférés à Poitiers. La commission d’épuration fait preuve d’une indulgence croissante au fil de ces décisions, à l’égard de collabos notoires. Ainsi le 19 février 1945, 39% des dossiers examinés sont classés sans suite, 33% transférés à la chambre civique, 2% transmis au tribunal militaire, 11% retenus pour enquête, etc. Au total, comme partout en France, l’épuration administrative a été faible et expéditive. Le chef régional de la Milice, un ami du conseiller de la préfecture de Poitiers, arrêté le 12 sept 1944, est rapidement mis en liberté provisoire par la commission. La plupart des dossiers ont été classés sans suite. Lors des élections municipales de 1935 à Châtellerault, la liste de droite de l’Action Républicaine et Démocratique est dirigée par Aimé Tranchand, député et conseiller général de la Vienne. Lu 113-fin
Bibliographie : Cf. « Les collaborateurs », Pascal Ory, Editions DU Seuil, Paris, 1976 « Idéal et pratique du régionalisme dans le régime de Vichy », revue française de sciences politiques, octobre 1974, vol. 24, n°5 « Le provincialisme pétainiste », berges, annales, collection Repères, 1982 « Le projet culturel de Vichy : folklore et révolution nationale, 1940-1944 », Christian Faure, Presses Universitaires de Lyon, CNRS, 1989 « Histoire de la milice », Pierre Giolitto, Perrin, 1997 « La collaboration, les noms, les thèmes, les lieux », Henry Rousso, MA Editions, 1987 « Le syndrome de vichy de 1944 à nos jours », Henry Rousso, Le Seuil, 1990 « La répression dans la Vienne 1940-1944 », ADIRP, 2004 « La vie religieuse en Poitou pendant la seconde guerre mondiale », Vincent Audru, Mémoire de maîtrise, université de Poitiers, 1999 « La vienne pendant la seconde guerre mondiale », Roger Picard et G. Racaud, CRDP, Poitiers, 1979
Sur la collaboration dans la Vienne, Cf. mi amigo de marie curie Loïc Rondeau