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Culture de l’innovation : comment la promouvoir?

S’appuyer sur des pôles de compétitivité ou les écoles

Dans un premier temps, on effectue une approche de marché avec différentes écoles. Dès lors que l’on avait un feeling avec des idées réalisables, on les sélectionnait et surtout on essayait de rester dans un cadre. Ensuite, on a sollicité des pôles de compétitivité ou des écoles pour nous aider concrètement dans le marketing et dans les études de marché.

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Thomas Cazor, Consultant Senior - Innovation et Intrapreneuriat chez Deloitte

Cartographier l’écosystème de partenaires potentiels

Connaître l’écosystème innovant pour capitaliser sur les solutions existantes, en interne comme en externe, semble essentiel pour assurer une dynamique d’innovation et apporter une réponse rapide lorsqu’un besoin émerge. Par nature l’écosystème évolue à toute vitesse et il est donc nécessaire de rester connecté aux acteurs pour avoir une vue actualisée de ce qui se fait. Cela permet de gagner un temps vital lorsqu’on parle d’innovation. Chez FrenchIoT, cette cartographie consiste à connaître les solutions proposées par chaque entité et leur état d’avancement à chaque instant. Une telle organisation permet d’identifier la capacité de chaque startup à intervenir à un moment T sur une problématique spécifique du groupe. Cela revient en quelque sorte à trouver des « champions internes », soit les plus qualifiés et ouverts à l’innovation pour répondre à un besoin précis à un moment précis.

Vanessa Chocteau, Directrice de l’accélérateur French IoT, Groupe La Poste

Pour parvenir à cette cartographie opérationnelle, le groupe APICIL s’est fixé l’objectif de réaliser “un certain nombre de rencontres dans l’année avec de nouvelles start-ups”. Cette logique est également valable en interne : des réunions régulières peuvent être fixées entre collaborateurs afin de favoriser l’émulsion de nouvelles idées et trouver des collaborateurs en vue de répondre à un besoin spécifique.

Des hackers pour protéger l’innovation

Une idée nous vient à l’esprit, sous forme d’indice, de sentiment d’une possibilité, une piste qui mérite d’être explorée. S’ensuivent les recherches, essais, échecs et confrontations avec des tiers. Ce modèle est appelé l’« intuition lente » par Steven Johnson(1). Qui d’autres que les équipes d’innovation utilisent ce processus ? Nos pairs? Nos clients? Il est deux populations souvent oubliées : les hackers éthiques et les criminels. Leur état d’esprit est similaire - comprendre, contourner, détourner, leurs objectifs divergent. Éthique, le hacker partagera ses découvertes de manière responsable, en laissant le temps nécessaire à la correction des failles. A contrario, le criminel tentera d’exploiter les brèches pour en tirer un profit maximum, retardant au maximum leur découverte pour en jouir le plus longtemps possible.

Dans l’enquête annuelle du cabinet PwC, le risque cyber est la première préoccupation des dirigeants d’entreprise, avant même la crise sanitaire, passagère. Il est de la responsabilité de ceux qui fabriquent, créent ou innovent de prendre soin des données, qu’elles soient d’ordre technique, analytique ou personnel. Pour ces dernières, il existe des réglementations. Le Règlement Européen sur la Protection des Données (RGPD) en est une, il encadre de nombreux paramètres, de la création à la conservation des données, invitant à suivre les principes de Security by design et Privacy by design. Hors cadre réglementaire, trois impératifs doivent guider la création : disponibilité, intégrité, confidentialité. Passées sous cet angle, les innovations et leurs données gagneront en robustesse dès leur conception. D’ailleurs, dans un contexte mondialisé, il serait illusoire de ne pas considérer les risques d’espionnage industriel et l’opportunisme malveillant. L’innovation doit être protégée. Il convient d’assurer la sécurité du système d’information de l’entreprise, des échanges de données par le chiffrement, de l’accès aux données face aux tentatives d’intrusion et de piratage. Mais comment aller plus loin? L’une des solutions est le recours aux hackers par des programmes de bug bounty. Cette discipline encadrée permet, contre rémunération et sous couvert de confidentialité, de mettre à l’épreuve les applications ou matériels avant et pendant leur commercialisation. Car d’autres pratiquent ce même travail, mais pour leur profit et celui de leurs associés. Cette communauté est organisée en cartel. Regroupant les compétences pour atteindre un objectif commun, les criminels abusent des failles disponibles pour subtiliser, monnayer ou rançonner les précieuses données. Les entreprises victimes le sont à plus d’un titre, impactant leur capacité de production, leur réputation et en définitive leur pérennité. La saisie des autorités compétentes peut infliger de lourdes amendes en cas de manquement aux principes évoqués précédemment, ou de négligences dans la protection des données personnelles. Les clients ou utilisateurs sont autant impactés, les données récoltées peuvent être détruites, modifiées, revendues ou exploité pour des attaques futures.

Depuis plus de 30 ans nous accompagnons le progrès et la technologie sous l’angle de la cybersécurité, nous savons à quel point le processus menant à l’innovation est long et coûteux. Associer sécurité et innovation, conjointement sur le plan des processus que de sa propre protection, garantit un avantage compétitif indéniable, augmente la résilience globale de l’entreprise et de ses produits face aux (cyber)attaques et construit la confiance envers les clients comme les fournisseurs.

Benoit Grunemwald, Expert en Cybersécurité, Eset

Thématique 03

GRANDS GROUPES / STARTUPS : les clés d’une bonne relation

Startup et grands groupes formeraient deux groupes, d’un côté les idéalistes qui voudraient créer de la rupture et de l’autre les réalistes dont les processus seraient issus d’un héritage difficile à faire évoluer. L’image est encore courante mais elle est simpliste. Beaucoup de travail reste à faire de part et d’autre pour comprendre les enjeux réciproques. Mais au fond, quels qu’ils soient, tous les acteurs économiques veulent engager de nouvelles transitions. Les leçons apprises de ces collaborations entre grands groupes et startups, qu’il s’agisse d’échecs ou de succès, créent incontestablement de la valeur pour l’un comme pour l’autre. Chacun peut apprendre de l’autre et surtout de ses erreurs pour s’améliorer et surtout mieux recommencer ! Aujourd’hui la quasi-totalité des grands groupes et même des plus petites entreprises (ETI, PME), sont convaincus qu’il est devenu vital de collaborer avec des entreprises plus jeunes et dynamiques, qu’on appelle startups, pour suivre le rythme d’une évolution toujours plus rapide de la technologie comme de la demande des consommateurs.

Vision stratégique : Partager les fondamentaux

Aller au-delà du « make or buy » en combinant innovation interne et externe

Développer en interne, acheter une solution ou collaborer avec des partenaires externes pour la développer est la première question qui vient lorsqu’on est face à un besoin d’innovation. Évaluer les coûts et le temps de chaque scénario permettra alors d’apporter une réponse. De plus en plus d’entreprises ont vite compris que collaborer avec des startups ou même tout simplement utiliser leurs solutions est souvent compétitif en termes de coût et un réel gain de temps par rapport au processus long et incertain de recherche et développement interne. Un vrai changement de paradigme s’observe en termes d’externalisation des moyens de production. Pour une entreprise, s’adapter aux nouvelles manières de faire relève d’une évolution qui

Tendre vers ces nouvelles normes de production de biens et de savoirs c’est maintenant selon Paul Foucault, Open Innovation Manager chez 50 partners :

est très liée au passage d’une stratégie de “make or buy” à une stratégie de coopération et de savoir-faire collectif.

Aller au maximum chercher des personnes tant en externe, qu’en interne. Une équipe mixte est d’autant plus efficace et permet un mélange de compétences.

Laurent Herbillon, Directeur Open Innovation, BNP Paribas

Cadrer et définir les enjeux et les objectifs de la collaboration

Avant de débuter un partenariat, l’ensemble des parties prenantes doit s’assurer que la stratégie mise en place concourt aux mêmes objectifs et tend à résoudre un problème qui est commun.

Pour travailler ensemble je dirais qu’il faut déjà répondre à leurs besoins, c’est la base, si on ne réussit pas à identifier un besoin précis et vital, ils ne travailleront pas avec nous.

Avec certaines startups il faut vite parler de ROI et vérifier qu’elles peuvent s’engager tandis que dans d’autres cas de collaborations, il est difficile d’identifier un ROI mais on peut tester une technologie pour identifier un cas d’usage par la suite.

On vante régulièrement les mérites de l’organisation agile. Il est aujourd’hui acquis qu’un cahier des charges à rallonge et des projets sur deux ans n’apportent pas la satisfaction client, contrairement à l’agilité dans la gestion des priorités, des outils, des retours utilisateurs.

Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE

Pierre George, Directeur de l’Innovation et des systèmes d’information du groupe Demathieu Bard

Paul Pérétié, CEO et fondateur d’ADOK, le hub tactile

Investir dans les startups : Des opportunités à saisir mais de façon réfléchie avec une vision long terme

Faut-il investir dans les startups ? Un réflexe que beaucoup d’entreprises ont eu, appliquant une logique de croissance externe en réponse à l’apparition d’un potentiel concurrent ou d’une technologie majeure dans leur secteur. Certains, face à la vitesse de développement de la startup ou la peur de la voir rachetée par un concurrent se sont parfois précipités. Il semblerait qu’il soit nécessaire de ne pas confondre vitesse, qui elle est nécessaire avec une startup, et précipitation.

Une sélection des opportunités qui se présentent est nécessaire. Il convient selon Marianne Vergnes, Responsable du Marché des entreprises de croissance Banque Populaire du groupe BPCE, de débusquer les entreprises à fort potentiel de croissance, même celles de petites tailles et de s’assurer que les visions sur le long terme des deux entités s’accordent. Offrir à ces entreprises l’accès au marché corporate, aux outils et aux méthodes de grandes entreprises leur assure une croissance certaine, croissance qui in fine bénéficie également au grand groupe dans le cadre du partenariat.

Suez a mis en place un comité d’investissement spécifique avec un processus dédié, adapté à la prise de décision rapides pour les investissements réalisés chez les startups. Cela permet de gagner en réactivité et de conclure des deals rapidement selon Jean-Luc Ventura, CEO de Suez Venture. Si ce gain de réactivité est essentiel pour collaborer au mieux avec les startups il est toutefois primordial de ne pas céder à une précipitation qui nuit à l’augmentation du taux de conversion. Il faut en général avoir avec son partenaire un horizon à 5 ans et 2 ou 3 tours pour arriver au break even. C’est grâce à de telles mesures et procédés que Suez sommes aujourd’hui à presque 50% d’entreprises intégrées en 10 ans (20 entreprises environ).

Jean-Luc Ventura, CEO de Suez Venture

Comprendre ses fragilités et celles de son partenaire pour avancer, ensemble

En France, il y a un manque de communication et de compréhension entre les “grands acteurs” et les plus petits, pourtant source d’idées et d’innovations. Les startups ont tendance à reprocher aux grandes entreprises trop de lenteur et de lourdeur dans leurs processus quand les grands comptes ont du mal à comprendre que la startup n’est pas toujours en capacité de composer avec leur existant et leurs exigences. L’écosystème des startups peine encore à gagner la confiance du marché selon Gilles Rabin, Directeur de l’Innovation, CNES.

Réciproquement, les startups très agiles ont des difficultés à prendre en considération les problématiques des grands groupes (transmissions, résolution de problèmes...) et ont du mal à se remettre en question.

Le constat est évident, seule une meilleure communication au quotidien et plus de transparence permettra de résoudre ces problématiques. Les grandes entreprises doivent se rendre plus accessibles et lisibles. Cela commence par la capacité du grand

groupe à ouvrir une porte d’entrée claire et dédiée pour les startups, par exemple via des plateformes de mise en relation où la grande entreprise pourra présenter ses besoins et les contacts clés. Cela évitera la sur-sollicitation via mail et autres réseaux sociaux dont se plaignent tant les collaborateurs des grandes entreprises.

D’autre part, garder un canal privilégié pour échanger directement avec les startups, via notamment une plateforme collaborative d’open innovation, est une nécessité pour mener à bien une relation qui implique de nombreux échanges et l’intervention de plusieurs parties prenantes. Une collaboration par emails interchangés ne saurait apporter satisfaction ni à la startup ni aux collaborateurs au sein de la grande entreprise qui peinent déjà à traiter l’engorgement de leur boîte de réception. Se comprendre c’est aussi et avant tout réussir à s’ouvrir à l’autre pour communiquer de manière fluide et transparente.

Exprimer clairement ses besoins auprès des startups

De l’avis de Leonard, il tient de la responsabilité d’un leader comme VINCI d’éclairer le marché et d’engager les transitions.

Nous facilitons l’émergence et le développement de startups susceptibles d’apporter des solutions aux besoins de nos métiers.

Chez Total nous avons ouvert l’année dernière un site internet d’open innovation – Open@Total. Cela permet de s’ouvrir aux startups et de répondre à des problématiques métiers.

Matthieu Lerondeau, Directeur de la communication et des communautés de Leonard

Jean-Charles Guillet, Directeur de l’Open Innovation, TOTAL Communiquer auprès des startups sur les besoins, les axes de sourcing et les méthodes propres au groupe est important pour faciliter les bonnes rencontres.

Il faut créer du lien et communiquer sur nos besoins, nos axes de recherches pour attirer les startups mais surtout attirer les bonnes !

Aurore Sitbon, IT Innovation Project Manager et Romain Champetier, Chef de produit senior chez AXA NEXT

Lorsque les ressources locales ne suffisent pas pour diffuser les besoins et trouver les solutions, il faut engager les partenaires ayant des mandats pour communiquer à notre place, explique BNP Paribas.

Du côté des startups, savoir miser sur la différenciation dans la proposition de valeur et dans la relation

Comment se positionner en tant que startup face à des grands groupes concurrents à l’activité historique ? Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE est d’avis qu’il faut miser sur une proposition de valeur différente mais aussi sur le capital sympathie et le dynamisme propre à une startup.

Notre proposition de valeur est plus intéressante, notre politique commerciale est moins agressive. Je pense que de facto quand on parle d’innovation et quand on travaille sur l’expérimentation avec des équipes de grands groupes ils vont préférer travailler avec des équipes sympas et qui savent y aller étapes par étapes, sans vouloir tout révolutionner tout de suite

Penser les relations sur un temps long, de la prise de contact au suivi de la collaboration

Les grandes entreprises ont leur propre calendrier et priorités qui ne sont finalement que rarement alignées avec la découverte de solutions innovantes et inattendues, aussi pertinentes soient-elles. De nombreuses entreprises s’accordent pour dire que si ça ne les “intéresse pas aujourd’hui” cela ne veut pas dire que ce ne sera pas étudié plus tard. Une première réponse négative n’est donc pas toujours définitive. C’est pourquoi il est important pour les startups de rester visibles auprès des grandes entreprises, d’être en capacité de les tenir informées de leur actualités sans pour autant opérer du matraquage commercial.

De même, la grande entreprise se doit d’opérer une veille, de “garder un oeil” sur les startups et leurs évolutions. Les plateformes d’open innovation, qui connectent startups et grandes entreprises, permettent de garder le lien entre ces deux écosystèmes et d’être informés des besoins des grandes entreprises aussi bien que de l’actualité des startups. Certains incubateurs ou accélérateurs partagent également les actualités de leurs pépites auprès de leur réseau d’entreprises partenaires.

Aussi, un enjeu pour la startup qui signe ses premiers contrats et de ne pas anticiper la relation sur la durée. Ravie de signer à l’instant, elles en oublient souvent que la satisfaction du client est la clé pour pérenniser un contrat. - Toujours bien vérifier la faisabilité technique de son accord avec un grand groupe - Éviter à tout prix le « Fake it until you make it » : Signer sans savoir faire en espérant que cela sera le cas dans 6 mois, c’est d’expérience le meilleur moyen d’échouer et de perdre un compte. - Avoir une posture d’humilité : Se dire qu’on ne va pas révolutionner un grand groupe en un projet pilote et rester dans une logique de partenaires.

Penser et agir comme une startup pour mieux comprendre le fonctionnement de cet écosystème

Pour ce faire, Cyrille Magnetto a implanté des techniques très inspirées du design thinking et d’autres “outils startups” : le “learn and decide”. Cette pratique aura permis, une fois adoptée par tous, de mieux comprendre l’approche de cet écosystème à part entière.

C’est un mois de “learn” et 15 jours d’atelier de “decide”. On va sur le terrain, on fait des interviews, on fait du shadowing, du client mystère, de l’inspiration, du data crunch et on en tire plein d’enseignements.

Cyrille Magnetto, Product Strategist & Innovation Manager chez AXA 71

En complément des méthodologies de Learn and decide et de Design Sprint, ils ont créé une méthode appelée Execute qui vise à tester rapidement la faisabilité d’une idée et déterminer la méthode la plus adaptée pour atteindre les objectifs.

L’idée de cette méthode est d’avoir un proof of concept rapidement pour voir quelle est la stack technique, la bonne technologie, pour voir si on peut vraiment développer quelque chose.

Cyrille Magnetto, Product Strategist & Innovation Manager chez AXA

Faire preuve de souplesse en adaptant ses procédés à ceux du partenaire

Du point de vue des grands groupes, les startups et PME, expertes dans leur domaine, sont souvent source d’inspiration, elles ouvrent le champ des possibles. Cependant, mettre en place une collaboration avec ce type d’acteurs n’est pas sans difficultés comme le montre Marie Christine Eudes, Directrice de l’innovation et des services chez APICIL :

Je pense que l’innovation c’est apprendre à être agile. C’est de trouver comment des grands groupes peuvent interagir avec des petites structures sans remettre en cause leur propre système de gestion donc en intégrant leur legacy. C’est pourquoi ils essaient d’accompagner de la meilleure des manières les startups grâce à Atomic Labs, leur incubateur :

il faut être capable de prendre des risques et de se mouiller avec elle.

Le but principal d’Atomic Labs chez ContentSquare est la concrétisation d’explorations et d’innovations. Nous accompagnons et apportons un mentoring complet aux startups qui se confrontent au terrain et nous mouillons avec elles dans les prises de risques. Le but est de créer un écosystème puissant avec un maillage solide d’entreprises qui créent de la valeur additionnelle

Margaux Pignard, Startup Program Manager chez Contentsquare

Gilles Rabin, Directeur de l’innovation, des applications et de la science au CNES

S’ouvrir à d’autres cultures, entreprises et méthodes pour améliorer sa façon d’innover

L’innovation c’est toujours du viral, pour changer une organisation, il faut trouver deux ou trois virus qui vont pénétrer l’ADN de l’entreprise.

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