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Répartir les moyens entre différents projets et adapter sa stratégie

Sur un certain nombre de projets, on aurait tout intérêt à travailler en mode start-up, en mode agile, en petite équipe dédiée à des projets où on se reconcentre sur le besoin du client, la manière d’adresser, l’agilité d’expérience clients etc, sans se préoccuper des contraintes internes.

Erwann Bertheleme, Directeur innovation chez Aéma Groupe

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Innover c’est donc oser bouger les lignes, expérimenter de nouvelles choses et même prendre des risques. Les entreprises qui réussissent sont souvent celles qui n’hésitent pas à remettre en question leurs choix du passé face à la découverte de nouvelles façons de faire et solutions.

L’innovation : une véritable méthode d’apprentissage et de partage à intégrer dans la culture de l’entreprise.

Henri-François Martin, ancien directeur innovation chez VEEPEE et maintenant chez Payfit, exprime l’importance du changement de l’état d’esprit dans l’entreprise. Selon lui, les principaux objectifs/challenges du directeur innovation en interne sont :

- Expliquer clairement aux collaborateurs la nécessaire évolution de leurs métiers et l’impact des nouveaux processus innovants sur leur quotidien - Former ses collaborateurs et les faire monter en compétences plutôt que de les remplacer lorsque certaines fonctions se voient “menacées” par des innovations technologiques. Cela permet d’éviter la crainte de l’innovation et d’entretenir sa marque employeur. L’innovation c’est essentiellement une question de culture, de process, de méthodologies. Or on est parfois vu comme des compétiteurs au sein de l’organisation par notre approche et par nos façons de faire et là, ça ne marche pas.

Il faut communiquer davantage sur l’apprentissage partagé : le fait de travailler avec les startups génère déjà un apprentissage en termes d’agilité, d’ouverture d’esprit et de nouvelles méthodes de travail.

Christophe Ho-Van, Ancien directeur innovation produits chez Amadeus

Paul Foucault, Open Innovation Manager chez 50 partners

Appréhender la collaboration avec une startup comme un apprentissage partagé peut être avantageux pour certains :

Acculturer en interne aux différences de fonctionnement d’une startup

Appréhender les collaborations comme un partage au delà du projet en lui même

Il s’agit d’avoir un niveau d’exigence différent avec les startups, d’accepter le risque dans ce type de collaboration. Enfin, informer les équipes de l’aspect multiforme que revêt souvent ce type de collaboration est un dernier point crucial.

La collaboration entre une startup et un grand groupe va bien au-delà du projet en lui-même, c’est est une histoire d’hommes et de femmes.

Aujourd’hui le meilleur moyen pour réconcilier la lenteur des processus des grands groupes et la nécessaire agilité d’une petite structure serait de faire prendre conscience de la fragilité d’une startup à la personne chargée du projet en interne. Elle pourra ainsi mobiliser ses équipes en ce sens, et faire avancer les choses. C’est avant tout l’humain qui fait la différence

Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE Il ne faut pas hésiter à échanger des bonnes pratiques, à créer des moments d’échange et de rencontre pour que chacun bénéficie du savoir de l’autre et consolide la relation.

La confiance mutuelle est au cœur de cette relation qui se construit à travers des étapes très concrètes : le parrainage opérationnel ; un projet commun avec des objectifs fixés.

Jean Charles Guillet, Head of Open Innovation,TOTAL

Vincent Maret, Corporate of Open Innovation, BOUYGUES SA

Question de méthode : savoir appréhender l’innovation

Définir des critères pour sélectionner ses prochains partenaires et évaluer la réussite du projet.

Pour augmenter au dessus de 50% le taux de réussite d’une collaboration entre startups et grands groupes, il faut créer les conditions favorables et établir des critères de sélection exigeants. Le premier critère sélectionné et choisi par Suez est le niveau de maturité technologique. Le TRL (Technology Readiness Level) est une échelle, un système de mesure qui s’échelonne de 1 à 9. Le niveau 1 correspond à un niveau de maturité très faible, la technologie n’en est qu’à ses balbutiements, il n’y a pas encore de prototype, il n’y a que des recherches scientifiques. Au niveau 9, la technologie a été testée et approuvée en condition réelle, il s’agit du niveau de maturité le plus élevé :

Depuis 5 ans, nous avons sélectionné des startups dont la technologie était prête à être industrialisée. Soit des startups qui se situent à un niveau de TRL 7 ou qui sont sur le point de l’atteindre.

Jean-Luc Ventura, CEO de Suez Ventures Marianne Vergnes, Responsable du Marché des entreprises de croissance Banque Populaire du groupe BPCE, propose de croiser plusieurs leviers de sélection afin d’obtenir un niveau qualification optimale :

- Le premier levier, ce sont les équipes en interne : ils connaissent très bien le secteur, côtoient régulièrement des entreprises innovantes et connaissent le moment optimal pour les aborder - Le second est basé sur la donnée : il s’agit d’un outil de scoring basé sur des critères tangibles comme les levées de fonds, le fait d’être accompagné par un acteur de l’écosystème, par BPI France, le fait de déposer des brevets.... Ces critères sont pondérés et agrégés afin d’obtenir un score de potentiel de croissance des entreprises. - Le troisième levier est l’écosystème, ce sont l’ensemble des relations partenariales que nous allons pouvoir entretenir avec la concurrence, des incubateurs, des accélérateurs, des pôles de compétitivité... Cela nous permet de récolter des avis, d’échanger sur des bonnes pratiques…

Pour une startup, a contrario, savoir se positionner sur l’échelle TRL permet de définir sa capacité à collaborer avec un grand groupe et sa proposition de valeur. Pour opérer leur sélection, Leonard évalue le niveau de maturité de la startup et sa capacité à déployer son offre. Leonard accompagne une dizaine de projets par an dans chacun de ses quatre programmes d’innovation et d’accélération.

Il est nécessaire de trouver un bon équilibre entre startups matures et moins matures qui, par définition, se positionnent sur des sujets plus avant-gardistes. Il est néanmoins crucial pour l’entreprise de pouvoir évaluer ces différences de maturité pour adapter ses exigences que ce soit en terme de ROI, de temps de développement et d’implication sur le projet

Sélectionner les projets en fonction des valeurs et de la vision sur le long terme du groupe

Le processus de sélection des projets doit également être propre au groupe et en accord avec les valeurs fondamentales du groupe et sa stratégie d’innovation :

La sélection des projets peut être opérée par un jury diversifié et composé de collaborateurs ayant des visions et spécialités différentes afin d’avoir une analyse croisée des projets avant leur sélection.

Quelle est la roadmap de la startup et sa vision de long terme ? Quelle est la capacité du projet à se transformer, à aligner ses valeurs avec celles de l’entreprise ? Ces questions sont essentielles à la sélection d’une startup partenaire

Paul Foucault, Open Innovation Manager chez 50 partners Le jury est extrêmement diversifié au sein de l’AFD, on avait quelqu’un de reconnu dans les négociations Internationales, le multilatéralisme, quelqu’un pour représenter toute la recherche économique de l’AFD. On a aussi une personne qui représente la conduite du changement du groupe dans le jury...

réaliser dans un premier temps un contrat POC de 6 mois par exemple pour ensuite passer sur un contrat plus large et plus engageant. La startup doit être concentrée sur la vente de sa solution. Le groupe doit dire rapidement s’il est intéressé ; et surtout s’il ne l’est pas.

Kamal Dadi, Directeur de l’innovation à l’AFD

Mettre en place un POC pour décider ou non de s’engager dans la collaboration

Le concept de POC, Proof Of Concept, est assez réputé car il a permis à de nombreuses entreprises de tester la solution lors d’une première expérimentation sur un périmètre restreint avant d’envisager un déploiement plus large. Il permet aux grandes entreprises de s’alléger de certaines démarches complexes d’une contractualisation plus long terme et de construire les fondations d’une collaboration plus long terme.

Agathe Chocat d’EDENRED pense qu’il est intéressant de :

D’après de nombreuses startups, il est important de demander une rémunération lors d’un premier POC ou, à défaut, un échange de bons procédés (visibilité, communication…). Incontestablement un POC sera coûteux pour la startup (en temps ou en argent) et elle doit pouvoir s’y retrouver, surtout si le POC n’aboutit pas à un contrat long terme. Mais, comme le soulignent certains, on est sorti de cette époque où dans les états-majors, il était de bon ton d’avoir lancé ses trois POC dans l’année avec des startups pour envoyer le message à la direction générale qu’on était en train d’innover…

BPI France a développé un outil bien utile pour engager la première étape de formalisation des engagements réciproques entre l’acteur innovant et son client.

https://lehub.bpifrance.fr/wp-content/uploads/2018/03/Deal-memo-LeHub-Bpifrance.pdf

Mesurer l’impact du POC et ajuster en conséquence pour maximiser les chances de réussite du projet

Les facteurs clés de succès restent les outils de mesure privilégiés pour évaluer la réussite d’une collaboration. Parmi ceux-ci, Benjamin Athuil, Co-Fondateur et Président de la startup CareGame, cite le taux de conversion d’un POC à un contrat, le nombre de ventes de POC dans une durée de temps limitée et enfin le délai de réalisation d‘un contrat. Autant de KPIs qui donnent une idée sur la capacité des startups à innover avec un grand groupe.

Les KPIs sont par nature, spécifiques à chaque use case, il est difficile de les extrapoler. On les range en général dans deux grandes catégories : la génération de nouveaux business ou la génération de biens d’efficacité opérationnelle.

Guillaume Cabrere, Directeur Open Innovation chez Société Générale

Mesurer les performances du partenariat avant, pendant et après sa mise en place

Même s’il n’y a pas systématiquement de KPIs (indicateurs clés de performance) très poussés, il est important de suivre le nombre de nouvelles startups sourcées et rencontrées, la remontée des besoins métiers, le nombre d’expérimentations, le nombre d’industrialisations finales... Des plateformes d’open innovation permettent notamment d’automatiser et de simplifier le suivi de ces indicateurs clés.

On effectue un suivi continu sur la création de la valeur apportée par la technologie implémentée pour pouvoir la piloter.

Henri-François Martin, précédemment Directeur Innovation de VEEPEE

Eléments communs aux grands groupes pour évaluer une startup : la qualité de la solution, le couple produit et marché, la taille du marché adressé, la scalability du business model, les revenus récurrents, les premières KPIs de traction, la complémentarité de l’équipe, la vision de l’équipe et sa connaissance du marché, la capacité à porter le projet loin (parcours et humilité).

Utiliser des outils de mesures adaptés à chaque niveau d’avancement

Diversifier ses programmes d’accompagnement pour générer un écosystème foisonnant

Chaque entreprise peut définir son propre modèle pour mesurer l’efficacité de ses démarches et il existe de nombreuses méthodes reconnues.

Pour obtenir une dynamique d’open innovation, il faut avoir accès à un référentiel riche et actualisé des acteurs de l’écosystème. De plus, il est nécessaire d’ouvrir sa veille d’innovation à différents secteurs. C’est pourquoi Leonard, animateur de démarches d’innovation entrepreneuriale du groupe VINCI, mise sur la diversité de ses programmes d’accompagnement.

Pour ce qui est des outils, je recommande vivement Le Business Model Canvas qui est très efficace pour se lancer. Et à un stade plus développé je recommande les OKRs (Objective & Key Results), une méthodologie très intéressante qui permet de se fixer des objectifs à long terme.

Benjamin ATHUIL Co-Fondateur et Président de CARGAME Nous avons développé 4 programmes d’accompagnement pour les entrepreneurs et innovateurs. La recherche constante de partenariats avec l’ensemble des acteurs de notre secteur (investisseurs, incubateurs, accélérateurs compris) permet à VINCI d’occuper une place centrale dans cet écosystème d’innovation.

Il ne faut pas épuiser la startup par de multiples réunions mais discipliner l’organisation en incitant les métiers à s’engager à répondre rapidement pour ne faire perdre de temps à personne

Matthieu Lerondeau, Directeur de la communication et des communautés de Leonard

Matthieu Lerondeau, Directeur de la communication et des communautés de Leonard

Aujourd’hui l’innovation collaborative n’est plus marginale et nombre de startups passent par les programmes d’accélération ou cherchent à entrer directement en contact avec les collaborateurs, d’où l’intérêt que chaque métier soit bien conscient de ces enjeux.

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