Cahier n° 5
Administrateur et Chef d’Entreprise, une alchimie gagnante
EUROSEARCH CONSULTANTS
Postface de Jean- Luc Deback, Président de APIA
Cahier APIA n°5 : décembre 2006
Table des matières Préambule : Quelques rappels
Introduction 1.
S’engager sur un mandat 1.1 Comprendre les raisons de l’appel à un administrateur indépendant 1.2 Vérifier les conditions de la prise de fonction 1.3 Formaliser le mandat
2.
Professionnaliser les travaux du Conseil 2.1 Les rôles génériques de vigile et d’éclaireur et le respect du mandat 2.2 L’intelligence du contexte 2.3 Les missions déléguées Exemples des deux rôles de vigile et d’éclaireur
3.
Interagir avec le management 3.1 Le dilemme de l’administrateur face au management 3.2 Les rôles génériques de médiateur et de catalyseur 3.3 L’intelligence des relations 3.4 Le style d’interaction selon la personnalité Exemples des deux rôles de médiateur et de catalyseur
4.
Ajuster l’interaction 4.1 Revenir aux objectifs 4.2 Evaluer la contribution 4.3 Questionner la durée du mandat 4.4 Renouveler le mandat 4.5 Interrompre le mandat
Conclusion
Postface : L’apport de APIA en tant que centre d’expertise par Jean-Luc Deback, Président de APIA
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Préambule : Quelques rappels Tout administrateur est membre d’un collège dont les missions et responsabilités sont fixées par la loi. Le rôle du Conseil d’administration consiste à : • déterminer la stratégie de l’entreprise et à s’assurer de sa mise en œuvre, • régler par ses débats les affaires la concernant et à se saisir de toute question s’y rapportant, • s’assurer de la fiabilité et de la bonne communication des informations fournies aux actionnaires, • nommer et révoquer les dirigeants et à en fixer la rémunération.
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Au sein de ce collège, l’administrateur indépendant est un professionnel à qui l’expérience confère une compétence particulière et qui, par son autorité personnelle, exprime des opinions avec liberté et pertinence sans qu’aucune circonstance ni conflit d’intérêts ne viennent en altérer l’objectivité. Il dispose en outre du temps nécessaire à l’exercice efficace de son mandat. L’administrateur indépendant ne jouit, de par la loi, d’aucun statut spécifique : il possède les mêmes droits et devoirs que ses pairs. En revanche, son indépendance et son professionnalisme lui créent un devoir d’exemplarité qualité et quantité de travail et d’initiative pour que le Conseil fonctionne de façon professionnelle et efficace. L’administrateur indépendant peut, en fonction de ses compétences et de sa disponibilité, se voir confier, le cas échéant, des missions spécifiques et ponctuelles déléguées par le Conseil.
Introduction La coopération efficace entre administrateurs et management n’est pas spontanée. Les bonnes volontés de chacun suffisent rarement à la faire émerger. Elle requiert un savoir-faire professionnel que peut apporter un administrateur indépendant. Pour lui permettre de remplir pleinement son rôle, actionnaires, administrateurs et direction ont besoin de répondre à plusieurs questions : • Dans quel but nommer un administrateur indépendant ? Compte tenu des intérêts des uns et des autres, quels sont les objectifs qui justifient sa nomination ? • Comment créer les conditions favorables au fonctionnement du Conseil d’Administration ?
Comment gérer de manière constructive les tensions entre les parties prenantes ? • Comment interagir avec le management ? Comment créer les conditions de confrontation d’idées et de vision sans perturber la prise de décision et les équilibres managériaux ? Quelles sont les frontières à respecter ? Tels sont les thèmes principaux des développements qui vont suivre dans quatre grandes parties : • S’engager sur un mandat. • Professionnaliser les travaux du Conseil. • Interagir efficacement avec le management. • Ajuster l’interaction.
1. S’engager sur un mandat 1.1 Comprendre les raisons de l’appel à un administrateur indépendant L’appel à un administrateur indépendant dans les sociétés cotées correspond, en général, à la volonté d’améliorer la transparence vis-à-vis d’actionnaires privés ou publics et d’appliquer des bonnes pratiques de gouvernance. Dans les sociétés non cotées, l’appel à un administrateur peut répondre aux mêmes motivations mais également découler de circonstances particulières affectant l’entreprise : situations de crise, nécessité de changements stratégiques, opérations délicates (cession, acquisition, délocalisation,…), faiblesse du management,… Dans la plupart des cas, le premier réflexe de celui qui est à l’origine de l’appel à un administrateur indépendant est de chercher dans son propre réseau quelqu’un en qui il a confiance, car il dispose à ses yeux d’une légitimité personnelle, technique ou managériale. Ainsi la recherche d’un administrateur est-elle rarement confiée à un professionnel, surtout pour les entreprises moyennes ou petites. Un administrateur indépendant a donc toutes les chances de se retrouver dans un contexte amical ou bienveillant dans lequel il devra très rapidement marquer son indépendance et son refus de la complaisance. Pour qu’aucune partie ne demeure sur des non-dits, un de ses premiers actes consistera pour lui à bien comprendre les raisons de l’appel, en rencontrant idéalement chaque membre du Conseil (conseil d’administration, conseil de surveillance ou comité stratégique d’une S.A.S.) et de la direction générale.
1.2 Vérifier les conditions de la prise de fonction L’administrateur indépendant doit : • prendre le temps d’apprendre l’entreprise et de rencontrer les dirigeants pour mieux les connaître et comprendre leurs activités,
• disposer de l’autorité et des moyens pour obtenir une information pertinente et régulière de la direction générale, • s’assurer du niveau correct du contrôle interne et du management des risques, • fixer un jalon qui permettra de valider ou de revoir son mandat et en tout état de cause de s’assurer de son bon déroulement.
1.3 Formaliser le mandat Si l’administrateur indépendant accepte les raisons de l’appel, il est souhaitable de les formuler et de les faire reconnaître comme telles par le chef d’entreprise et le Conseil. Il établit alors une lettre de mandat pour formaliser les principaux objectifs. Elle peut être une composante du règlement interne du conseil d’administration. A titre d’exemple, cette lettre de mandat pourrait contenir : • le contexte, • les raisons de l’appel à un administrateur indépendant, • les objectifs du mandat, • les moyens alloués, • les relations éventuelles avec le management et le commissaire aux comptes, • la rémunération, • les critères et modalités d’évaluation. Ainsi l’administrateur pourra-t-il : • clarifier ses rapports et ses engagements vis-àvis de l’initiateur, • éclairer son rôle vis-à-vis des autres administrateurs, des dirigeants et des parties prenantes (commissaires aux comptes, salariés éventuellement intervenants), • identifier les éventuels risques de conflits d’intérêt qui pourraient entraver la neutralité et la sérénité des débats, • contribuer à améliorer le processus de prise de décision du Conseil, ne serait-ce qu’en étant souvent le premier à formaliser ses objectifs.
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2. Professionnaliser les travaux du Conseil 2.1 Les rôles génériques de vigile et d’éclaireur et le respect du mandat
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Conformément à la loi, l’administrateur indépendant est conduit à exercer alternativement une fonction de contrôle (vigile) et une fonction de stratège (éclaireur). Vigile ou éclaireur, la mission dominante peut et doit d’ailleurs être spécifiée dans le cadre du mandat. Dans tous les cas, il s’agit de challenger le management par un questionnement pointu et sans complaisance. Le rôle du vigile consiste à prévenir les risques et à fiabiliser l’existant : • prévenir l’immobilisme qui fait perdre de la valeur pour les actionnaires, • soutenir un management provisoirement affaibli et alerter de façon étayée les actionnaires, • pallier l’éventuel manque de clairvoyance du management sur les enjeux clefs.
Le rôle d’éclaireur consiste à prévenir l’autosatisfaction et à enrichir la réflexion prospective : • étudier d’éventuelles alternatives au développement envisagé, • favoriser la mise en œuvre de la stratégie décidée, • mobiliser les actionnaires et simultanément conforter le management dans le sens choisi.
2.2 L’intelligence du contexte Son adaptabilité permet à l’administrateur indépendant de moduler les rôles génériques de vigile et d’éclaireur. L’intelligence du contexte tient, notamment, aux perspectives de changement (contexte plutôt stable ou instable) et à l’horizon privilégié (priorités au court ou au long terme fixées notamment par les actionnaires). Quatre tendances se dégagent ainsi :
Priorité au long terme DEVELOPPEMENT Contexte
REDEPLOIEMENT
Continuité
Rupture RENTABILITE
SAUVETAGE
Priorité au court terme
Dans un contexte de continuité, des actionnaires ou dirigeants qui privilégient le long terme, attendent de l’administrateur indépendant des recommandations pour un développement pérenne. S’ils privilégient la performance à court terme sur un marché porteur, ils attendent qu’il contribue à optimiser la rentabilité.
Dans un contexte de rupture, les actionnaires ou dirigeants privilégiant le long terme, attendent de l’administrateur indépendant qu’il s’attache à identifier des axes de redéploiement des actifs. Si la gravité impose de privilégier le court terme, son intervention portera sur des mesures de sauvetage des actifs.
2.3 Les missions déléguées Pourquoi déléguer des missions spécifiques à un administrateur indépendant ? Un intervenant responsable En tant que mandataire social, il engage sa responsabilité dans les travaux ou recommandations qu’il effectue. Une pratique légitime Le statut d’administrateur est reconnu à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise. La loi limite la durée des missions spécifiques d’administrateur et en impose la transparence. Un enrichissement mutuel Une mission complémentaire menée par un administrateur est un facteur de professionnalisation du Conseil.
Un administrateur peut intervenir en particulier sur : • l’organisation de la gouvernance, • le contrôle interne et la maîtrise des risques, • l’intelligence économique, • des projets d’investissement délicats, • des projets de restructuration, de délocalisation, • des projets de croissance externe, de diversification, d’internationalisation, • des recherches de financement, de partenaires, • des projets d’ouverture du capital, d’introduction en Bourse, • la préparation d’une transmission.
La mission de l’administrateur indépendant doit être menée dans le double respect de son rôle non opérationnel et des prérogatives du dirigeant. Elle doit être documentée et disponible pour tout le Conseil ; elle ne doit pas le mettre dans une situation d’administrateur privilégié. Ses conclusions doivent être préparées et argumentées de façon à faciliter une adhésion collégiale. L’humilité est le maître mot du bon comportement : l’administrateur offre au Conseil et au dirigeant son expérience et son travail mais n’en tire aucun bénéfice pour son propre ego.
Rôle de vigile Le contexte d’entreprise Une PME de gestion de portefeuille de valeurs mobilières décide dans le cadre de sa politique de développement, de mettre en place un réseau d’implantations régionales. L’intervention de l’administrateur indépendant Ses deux objectifs principaux étaient les suivants : • alerter et éclairer le management sur les risques de mise en place d’un système décentralisé dans un métier de manipulation d’actifs : capacité à contrôler l’alignement des décisions avec les objectifs clients, respect des règles d’éthiques et des procédures, risques de détournements et de camouflage des erreurs… • introduire une culture du contrôle et du reporting permettant une décentralisation efficace et sécurisée, et fixer pour chacun des patrons locaux à la fois un cadre précis de fonctionnement et une obligation de transparence qui assurent une information sans faille à la direction générale. La clé de l’interaction L’administrateur indépendant a su convaincre le dirigeant que le réseau soit conçu et organisé autour de la sécurité plutôt qu’autour des ambitions professionnelles de ses managers. L’administrateur a remis l’intérêt de la PME au centre de l’organisation.
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Rôle d’éclaireur Le contexte d’entreprise Un important groupe industriel, familial, leader sur ses marchés, dégage un cash flow très conséquent, disponible pour l’actionnaire ou pour de nouveaux projets. L’intervention de l’administrateur indépendant Au sein du Conseil d’administration, son intervention a consisté :
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• éclairer les alternatives stratégiques pour trouver un second métier, • positionner l’entreprise dans ce nouveau métier et en faire un pilier de son activité. La conduite de cette mission de recherche et d’élaboration d’une nouvelle filière industrielle a été confiée à l’administrateur indépendant, responsable d’un groupe de travail de cinq personnes à temps partiel. Ce type de recherche est en règle générale sous-traité à des sociétés de conseils en stratégie et le poids des critères financiers y est déterminant. La clé de l’interaction L’administrateur indépendant a apporté une réflexion industrielle plutôt que financière compatible avec la culture et l’éthique de l’entreprise.
3. Interagir avec le management 3.1 Les dilemmes de l’administrateur face au management
davantage en demandant un contrôle strict sur les plans d’actions conduisant aux résultats souhaités.
Des sources de tension peuvent exister entre l’administrateur, mandataire social, qui engage sa responsabilité et une direction générale dont il peut apparaître comme l’obligé, au moins dans un premier temps, s’il est nommé par elle.
Quelle que soit la solution, l’administrateur engage sa responsabilité. La césure entre les responsabilités peut s’estomper puisque administrateur et direction générale prennent les mêmes risques et peuvent, en cas extrême, se retrouver à la même barre d’accusation lors d’un redressement judiciaire.
Dans cette relation interviennent des facteurs tels que l’image, l’ego des uns et des autres, et enfin le temps et l’énergie investis par chacun. En outre, la relation entre un administrateur et la direction générale est structurellement déséquilibrée par un écart de statuts et de moyens qui doit être pris en compte par les deux parties.
Entre la complaisance et l’épreuve de force, l’administrateur indépendant doit trouver un équilibre. Ce juste milieu est celui du questionnement pertinent, constructif, seule source pour la direction d’une sensibilisation aux risques et aux opportunités.
En cas de désaccord, l’administrateur se trouve placé devant les dilemmes suivants : • aller à l’épreuve de force, ce qui provoque une situation nuisible à l’entreprise, ou accepter d’y renoncer mais en prenant le risque d’engager sa responsabilité personnelle sur des décisions qu’il n’approuve pas, • être exigeant sur les résultats et tolérant à l’égard des processus de mise en œuvre, ou s’impliquer
La voie adéquate consiste, pour l’administrateur, à challenger le management comme l’écrit Bertrand Collomb : « L’indépendance, c’est questionner sans complaisance tout en soutenant le management mais sans se substituer à l’équipe de direction. C’est poser les bonnes questions, exiger les réponses et ne pas se satisfaire de mauvaises réponses ou de réponses insuffisantes. Dans un conseil indépendant… les administrateurs savent tester la cohérence de la réponse, car ils peuvent la mettre en perspective avec d’autres expériences, d’autres références ».
3.2 Les rôles génériques de médiateur et de catalyseur Un administrateur indépendant peut adopter alternativement deux attitudes : • celle de médiateur pour concilier positions et intérêts divergents entre actionnaires et dirigeants ou entre actionnaires eux-mêmes, • celle de catalyseur pour additionner les énergies et les compétences nécessaires au développement de l’entreprise, en organisant des pôles de compétences actionnaires-dirigeants.
• combiner les compétences et les savoir-faire, les forces et les qualités de chaque administrateur. • rassembler et additionner les capacités de la direction générale à celles de son Conseil, • faire travailler collectivement le Conseil sur des travaux spécifiques en dialoguant avec certains salariés, en accord avec la direction générale.
3.3 L’intelligence des relations
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Typiquement son rôle de médiateur le conduit à : • identifier de manière claire les points de vue des principaux actionnaires, • montrer les points d’opposition, de divergence et de convergence, • faire le lien entre le Conseil et la direction générale, que celle-ci soit individuelle ou collégiale, • générer une solution acceptable par tous.
Les interactions de l’administrateur indépendant avec le management dépendent de l’origine de son mandat (cf. § 1.1) et de la situation de l’entreprise. Elles dépendent aussi de la situation personnelle du dirigeant, de son poids dans l’entreprise, de sa position par rapport aux actionnaires, de son rôle dans l’appel de l’administrateur.
Son rôle de catalyseur est tout aussi essentiel, pour :
Quatre cas de figure résument les différents types de situations :
Mandat initié par les actionnaires TUTORER Légitimité du dirigeant
CHALLENGER
Faible
Forte SOUTENIR
RELIER
Mandat initié par le management
A chacun de ces cas correspondent des comportements très différents de l’administrateur : • Si le dirigeant n’est pas à l’origine de la nomination de l’administrateur indépendant mais dispose d’une forte légitimité, l’administrateur devra être patient. L’administrateur devra alors gagner la confiance du dirigeant en apprenant l’entreprise et son métier, en pratiquant un questionnement pertinent, en devenant progressivement force de proposition et finalement en étant capable de le challenger. • Si le dirigeant n’est pas à l’origine de la nomination de l’administrateur indépendant et dispose d’une légitimité plutôt faible par ses relations ou ses résultats, l’administrateur devra immédiatement apparaître comme celui capable de le renforcer.
Face à l’inquiétude du dirigeant qui peut le voir comme celui qui le menace, l’administrateur doit le plus vite possible dire à chacun et de la même façon, comment il voit sa mission, comment il peut tutorer le dirigeant sans affaiblir sa position dans l’entreprise. • Si le dirigeant est à l’origine de la nomination de l’administrateur indépendant et dispose d’une légitimité forte, l’administrateur devra rapidement affirmer son indépendance. Dans ce cas de figure, le dirigeant peut attendre une sorte de reconnaissance, si ce n’est de complicité de la part de celui qu’il a fait nommer, et espérer un allié, un contre-pouvoir ou un pare-feu à l’égard d’autres administrateurs ou d’actionnaires ou même de membres de la direction.
L’administrateur, loin d’être instrumentalisé, facilitera et enrichira les échanges du dirigeant principalement au sein du Conseil. Il est très efficace de s’y présenter tous les deux d’accord, ce qui suppose un travail préalable autour des points de vue respectifs. Les conditions pour relier positivement le dirigeant aux parties prenantes concernées seront alors créées.
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• Si enfin le dirigeant est à l’origine de la nomination de l’administrateur indépendant mais dispose d’une légitimité plutôt faible, l’administrateur devra rapidement jouer un rôle constructif de soutien sans servir de bouée de sauvetage. Avant d’accepter le mandat, l’administrateur indépendant doit faire parler chaque partie prenante (PDG, administrateurs, actionnaires) pour appréhender la position du dirigeant et le contexte et déterminer sa propre position. Il pourra alors avoir un échange avec le dirigeant sur la portée et les expressions concrètes de son soutien.
3.4 Le style d’interaction selon la personnalité Un administrateur ne peut pas ignorer la personnalité du dirigeant car il doit savoir s’adapter pour compenser et challenger la personnalité de son interlocuteur. Comprendre le style du dirigeant est déterminant pour déceler ses signaux faibles et l’aider à s’approprier les idées du Conseil. L’interaction entre un administrateur et un dirigeant sera différente selon que la personnalité du dirigeant
est plutôt rationnelle ou affective, extravertie ou introvertie. Les deux exemples suivants illustrent la complémentarité des profils et la pertinence d’un équilibre : 1) Un chef d’entreprise, vivant dans le présent, donnant priorité à l’action et au court terme, sera souvent un remarquable commercial, extraverti et charismatique. A contrario, il aura probablement plus de difficulté à imaginer le futur ce qui peut le conduire aussi bien à sous évaluer les conséquences de ses décisions présentes qu’à redouter des changements qu’il devine sans les identifier. Un administrateur plutôt centré sur l’imagination et l’anticipation, capable de le canaliser et de lui apporter des mises en perspective éclairantes pourra être source d’interactions fructueuses avec lui. 2) Un dirigeant conceptuel très porté sur la stratégie et rationnel peut se trouver démuni face à la réalisation de plans d’actions et à la direction des hommes. Un administrateur pragmatique et doté d’une bonne empathie complètera un tel dirigeant en mettant en évidence les étapes nécessaires au service de la stratégie et en préconisant des valeurs fortes, mobilisatrices pour les hommes. Comme toute relation humaine, l’interaction entre un dirigeant et un administrateur vit, s’affine, évolue, a besoin de s’ajuster en permanence.
Rôle de médiateur Le contexte d’entreprise Une société de services aux entreprises, bien positionnée sur une niche, dirigée par son fondateur, ayant ouvert son capital à des investisseurs (capital développement), est aux prises avec des difficultés de trésorerie aiguës dues à des croissances externes malencontreuses. Le dirigeant est fortement mis en cause par les actionnaires financiers alors qu’il sait avoir prochainement besoin d’eux pour un nouvel apport en fonds propres… Il fait appel à un administrateur indépendant. L’intervention de l’administrateur indépendant L’administrateur a d’abord hiérarchisé l’urgent et l’important en provoquant de très fréquentes réunions au sein du Conseil. Contrairement à la réaction courante, il a obtenu des actionnaires financiers de maintenir à son poste le dirigeant fondateur toujours légitime pour assurer la cohésion des forces vives de l’entreprise. Puis il a élaboré avec le dirigeant un plan de redressement composé de mesures ponctuelles. Il a appuyé leur mise en œuvre, les unes après les autres, sans avoir besoin de recourir à aucune annonce spectaculaire. Les premiers effets ont été rapidement constatés, la confiance entre les actionnaires financiers et l’entreprise est revenue. Une augmentation de capital a ainsi été décidée et réussie. La clé de l’interaction L’expérience personnelle de l’administrateur a été déterminante dans la relation avec le dirigeant. Dans le passé, l’administrateur avait assumé et géré des défaillances d’entreprises pour lesquelles il avait été appelé trop tard. De telles situations lui ont apporté beaucoup de sang-froid et des techniques en situation de crise qui ont été mis à profit dans la situation présente.
Rôle de catalyseur Le contexte d’entreprise Une société presque centenaire de fabrication et de distribution de matériels de laboratoires pour l’enseignement et la recherche, filiale d’un grand groupe, a régulièrement une rentabilité nette voisine de 10%. A la fin des années 90, son dirigeant s’accroche à la conviction que la nouvelle économie ne sera qu’un feu de paille et ne touchera pas son secteur, très conservateur. L’actionnaire est très contrarié par cette attitude qu’il juge dangereuse mais ne veut pas rompre avec un dirigeant qui depuis des années lui assure les profits parmi les meilleurs du groupe. Il décide de recomposer le Conseil et y fait rentrer deux professionnels du secteur et un administrateur indépendant. L’intervention de l’administrateur indépendant L’administrateur indépendant a instruit le différend entre l’actionnaire et le dirigeant pendant plusieurs mois afin de se faire sa propre opinion. Sans aucun compromis de sa part, il a donné raison aux deux parties : le dirigeant avait raison de ne pas croire dans le e-learning ; l’actionnaire avait raison d’être préoccupé par les remises en cause inéluctables du marché liées à Internet. L’administrateur indépendant a pu alors convaincre le Conseil de créer une start-up interne, chargée de tester les réactions du marché à des approches nouvelles. Cette décision a été encadrée en calendrier, en ressources, en budget. Pendant 18 mois, cette expérience a pris la dimension d’un véritable projet d’entreprise. Au terme de l’expérience, alors que la bulle Internet venait d’exploser, l’entreprise a pu faire d’elle-même le bilan et le tri, sans dégât, enrichissant ses produits d’un côté, oubliant les fausses pistes de l’autre. La clé de l’interaction De manière paradoxale, le manque de connaissance du marché par l’administrateur a été déterminant. Obligé de se faire sa propre opinion puis d’argumenter et de convaincre, il a dû beaucoup observer, écouter et travailler. Cet investissement personnel a construit sa légitimité auprès du dirigeant et créé une relation de confiance.
4. Ajuster l’interaction 4.1 Revenir aux objectifs Des points d’étape doivent être prévus en Conseil ; ils reprennent les raisons de l’appel à un administrateur indépendant et la lettre de mandat ayant fixé les objectifs initiaux. Ces points doivent permettre de déceler toute évolution plus ou moins apparente (contexte concurrentiel, changements au sein des cadres, des actionnaires, succès ou échecs commerciaux,…) susceptible de modifier les besoins de l’entreprise ou les attentes de ses principaux acteurs.
L’administrateur indépendant ne peut être évalué par sa seule assiduité aux réunions du Conseil. Les points à l’ordre du jour, les questions diverses qu’il a initiées ou instruites, ses missions déléguées en dehors du Conseil constituent des indicateurs plus pertinents. Par nature collégiale, cette évaluation peut être effectuée une fois par an par les membres du Conseil. C’est une pratique délicate, encore peu fréquente, qui peut être animée par un membre du conseil ou un prestataire extérieur pour bénéficier de sa neutralité et de quelques outils. La contribution de l’administrateur peut être appréciée sur deux registres :
4.2 Evaluer la contribution L’évaluation annuelle de la contribution de l’administrateur indépendant est essentielle au même titre que celle du dirigeant opérationnel. Elle permet d’améliorer la qualité de ses interactions avec le management et le Conseil, et de créer ainsi plus de valeur.
1 - La professionnalisation des travaux du Conseil (cf. § 2) : En quoi la présence de l’administrateur a-t-elle amélioré le niveau d’information du Conseil, la pertinence des sujets traités, la qualité de la préparation des réunions, leur tenue, le compte rendu des débats, le suivi des décisions ?
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En quoi la présence de l’administrateur a-t-elle facilité la compréhension du contexte et des enjeux propres à l’entreprise par chaque membre du Conseil ? En quoi la présence de l’administrateur et ses éventuelles missions déléguées ont-elles permis d’associer les autres membres du Conseil à des travaux ou réflexions considérés auparavant comme domaines réservés du dirigeant ?
2 - La création d’une interaction productive avec le dirigeant (cf. § 3) : L’administrateur peut avoir quatre rôles génériques : éclaireur, vigile, médiateur, catalyseur. Ces rôles ne sont pas tous nécessaires en même temps et au même moment. Les raisons de l’appel et la lettre de mandat préconisés (cf. § 1.1 et 1.3) aident à les hiérarchiser. Une représentation graphique comme celle qui suit, peut alors les positionner.
10 Intelligence des relations Catalyseur
Intelligence du contexte
Éclaireur
Vigile
Attendu Médiateur
Cette évaluation débouche sur un dialogue entre l’administrateur indépendant et le Conseil pour en tirer des enseignements pratiques pour l’exercice à venir et renouveler les objectifs de son mandat. Il s’agit aussi d’une démarche exemplaire, propre à améliorer le fonctionnement du Conseil et en faire une équipe performante.
4.3 Questionner la durée du mandat Un mandat dure au maximum six ans et la majorité des statuts adopte une telle durée très longue. La meilleure pratique est celle du mandat court (trois ou quatre ans) où chaque administrateur se fait confirmer sa légitimité et son utilité, en particulier en cas de changement majeur d’activité ou de périmètre. Au cas où la durée de six ans est maintenue, l’administrateur devrait de lui-même à mi-mandat, demander une confirmation explicite de la poursuite
de son mandat. Cette prolongation sera d’autant plus facile et naturelle à confirmer ou à infirmer que les points réguliers évoqués précédemment auront été respectés.
4.4 Renouveler le mandat Après un mandat long de six ans ou deux mandats de trois à quatre ans, un administrateur indépendant connaît bien la société, son personnel, ses produits et ses clients. Il dispose par conséquent de nouveaux atouts pour créer encore de la valeur. Mais il ne peut y avoir aucun automatisme : • l’administrateur indépendant doit avoir gardé intactes son objectivité, sa liberté de jugement, sa capacité d’impertinence constructive, • l’alchimie créée avec le dirigeant doit être encore vivace, sans habitude ni essoufflement, • les besoins de l’entreprise doivent être toujours à la portée des qualités et des compétences de l’administrateur.
Le renouvellement devrait résulter d’un questionnement analogue à celui d’origine. Il s’agit donc d’un mandat nouveau avec une personne connue et non d’une reconduction plus ou moins tacite.
4.4 Interrompre le mandat L’interruption d’un mandat qu’elle soit volontaire ou provoquée n’a de sens que motivée de manière explicite au sein du Conseil. A l’issue des premiers conseils ou des premières investigations de l’administrateur, des non-dits peuvent apparaître et convaincre que plusieurs
objectifs du mandat ne seront pas réalisables. Un point d’étape tel que décrit précédemment, peut révéler des écarts trop importants entre l’attendu et le constaté. Le point de vue de l’administrateur indépendant peut régulièrement être en opposition avec celui des autres membres du Conseil et sans effet. Enfin sa relation avec le dirigeant peut ne pas se développer de manière efficace. L’administrateur indépendant prendra alors l’initiative d’un point formel et contradictoire. S’il doit cesser ses fonctions, il choisira sa méthode de rupture en ayant en tête l’intérêt de la société mais aussi les causes de l’interruption de son mandat.
Conclusion Le conseil d’administration, le conseil de surveillance ou le comité stratégique d’une S.A.S. sont des organes dont la mission et le fonctionnement sont régis par la loi ou les statuts. Leur formalisme juridique et leur processus administratif sont de mieux en mieux respectés par un nombre croissant d’entreprises. Mais leur contribution varie de manière significative selon la qualité des interactions entre administrateurs et dirigeants opérationnels. Une interaction efficace entre le Conseil et le management constitue un avantage compétitif pour l’entreprise. Elle professionnalise les travaux du Conseil et en élève le niveau d’implication. Elle met les dirigeants opérationnels dans une situation de confiance propre à libérer leurs talents et leurs énergies. Elle assure une plus grande sécurité du patrimoine des actionnaires et une meilleure valorisation de leurs actifs. Elle assure aux salariés une plus grande pérennité de leurs métiers.
L’administrateur indépendant est souvent le premier maillon de ce cercle vertueux. Qu’il soit appelé par les actionnaires ou le dirigeant, il apparaît vite comme une personnalité neutre et légitime. Il n’a pas d’obligation vis-à-vis d’une partie prenante de l’entreprise ; il n’est pas en attente d’une contrepartie ; il n’a rien à prouver. Sa connaissance des affaires et sa compréhension des styles de management lui permettent d’adopter une posture à la fois vigilante et bienveillante. Parce qu’il est un professionnel, l’administrateur indépendant suit un modus operandi décrit dans ce cahier. La réussite de son mandat est aussi celle des autres administrateurs et du management. Sa neutralité, sa légitimité et son professionnalisme lui permettent de faire émerger cette alchimie gagnante entre le Conseil et le management au service de la performance et de la pérennité de l’entreprise.
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Postface : L’apport de APIA en tant que centre d’expertise Etre administrateur indépendant exige un professionnalisme élevé, comme diriger une entreprise. Chaque membre de APIA le sait bien : c’est à cause de cela qu’il a rejoint APIA, pour enrichir son expérience par celle des autres et élever son niveau de professionnalisme. APIA est ainsi devenue un réseau de compétences à la disposition des entreprises.
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Quand un actionnaire, un administrateur ou un chef d’entreprise contactent APIA pour renforcer son conseil d’administration ou de surveillance ou doter sa s.a.s. d’une structure de gouvernance, avant toute évocation de noms, APIA procède à un questionnement sur : • le contexte (entreprise, secteur, situation économique, projets spécifiques...), • la typologie de l’actionnariat et le statut du dirigeant, • la raison de l’appel à un administrateur indépendant, • les critères de sélection envisagés. A partir de ces éléments, APIA propose une ou plusieurs candidatures pertinentes. Le ou les administrateurs proposés entrent en contact avec l’initiateur de la demande et chacun poursuit librement et sans engagement les échanges nécessaires. Aucune rémunération n’est perçue par APIA pour ces mises en relation, ni auprès de l’entreprise, ni auprès de l’administrateur prescrit. En contrepartie, APIA ne peut voir sa responsabilité juridique engagée. Proposer un administrateur est pour APIA un acte qui engage son image. C’est pour cela que le recrutement des membres chez APIA est si sélectif. A défaut de candidatures adaptées, elle conseillera d’autres voies de recherche en s’appuyant sur ses partenaires.
Jean-Luc Deback Président de APIA
Présentation des auteurs à l’élaboration de ce Cahier APIA APIA 20 rue de la banque - 75002 Paris - Tel. 06 31 29 83 88 Site : www.apia.asso.fr Contact : contact@apia.asso.fr Créée fin 2003, APIA est une association dont l’objectif est de promouvoir et de professionnaliser la fonction d’administrateur d’entreprises et de lui donner un label. Initiée par un groupe de dirigeants d’entreprises moyennes, APIA s’est élargie depuis à d’autres dirigeants et à de nombreux partenaires, experts reconnus des métiers proches des entreprises. Les membres et les partenaires travaillent ensemble sur des thèmes liés aux fonctions et responsabilités des administrateurs pour enrichir leur pratique professionnelle, mieux aider les chefs d’entreprises et contribuer à la pérennité et au développement de celles-ci.
EUROSEARCH CONSULTANTS 152, avenue de Malakoff - 75116 Paris – Tél. 01 47 03 15 75 Site : www.eurosearch-consultants.com Contact : Géraud Fontanié - fontanie@eurosearch-consultants.com Cabinet d’executive search et d’évaluation du leadership, EUROSEARCH CONSULTANTS a pour vocation d’aider les actionnaires et les présidents à renforcer leur équipe de direction pour mettre en œuvre leur business plan et atteindre leurs objectifs stratégiques. EUROSEARCH CONSULTANTS intervient régulièrement auprès d’entreprises de taille moyenne, (small et mid caps), avec un actionnariat familial ou financier, dans les secteurs de l’industrie (traditionnelle et high tech), de la santé, des produits de grande consommation, de la distribution, des médias, des services aux entreprises et des services financiers. Entreprise d’origine française créée en 1967, EUROSEARCH CONSULTANTS s’appuie sur un réseau international présent dans les principaux pays d’Europe, aux Etats-Unis et en Chine.
Ont également apporté leur contribution... BL CONSULTANTS 74 rue de Bonnel - 69428 LYON Cedex 03 - Tél. 04 72 84 45 84 Site : www.blconsultants.fr Contact : Pierre-Jean Augereau - pjaugereau@blconsultants.fr Cabinet de conseil en management, depuis 20 ans BL CONSULTANTS aide les dirigeants à réussir des projets de développement et d’amélioration des performances par des approches qui optimisent les compétences. BL CONSULTANTS intervient auprès d’entreprises de taille moyenne avec un actionnariat familial ou financier et de grands groupes, dans les secteurs de l’industrie, de l’énergie, de la distribution, des services aux entreprises et services financiers.
REMI HUPPERT-CONSEIL 11 avenue Constant Coquelin - 75007 Paris - Tél. 01 45 66 43 40 - 06 80 37 82 67 Site : www.rhconseil.fr Contact : Rémi Huppert - remi.huppert@rhconseil.fr Depuis 1989, REMI HUPPERT-CONSEIL développe son activité dans les domaines de la recherche, de l’évaluation et de l’accompagnement des dirigeants. Auteur de plusieurs ouvrages, Remi Huppert, dirigeant du Cabinet, est en outre consultant pour la Banque Mondiale dans les pays émergents.
Groupe VALORI 94 rue Saint-Lazare - 75009 Paris - Tél : 01.40.16.45.70 Contact : valori@valori.fr Contact : Jean-François Guillet - jfguillet@valori.fr Fort de son réseau d’experts le Groupe animé par Gérald de Bourmont, son Président, est spécialisé dans l’accompagnement de chefs d’entreprise, de dirigeants et de cadres supérieurs. Jean-François Guillet, intervient au nom de VALORI auprès des entreprises et également au sein du Groupe H.E.C., entre autres au titre du «family business».
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LES CAHIERS APIA Déjà parus : Cahier APIA n°1 : “Quelques conseils en matière d’assurance de la responsabilité des dirigeants et des mandataires sociaux”. En collaboration avec Assurance & Capital Partners Cahier APIA n°2 : “Rôle des administrateurs en matière de contrôle interne et de gestion des risques”. En collaboration avec Ernst & Young Lyon et Lamy Lexel Avocats Associés. Cahier APIA n°3 : “Un Administrateur Indépendant dans les Sociétés par Actions Simplifiées (S.A.S.) ?”. En collaboration avec le Cabinet Guérin, Société d’Avocats. Cahier APIA n°4 : “L’administrateur d’entreprises : un facteur de succès d’une transmission d’entreprise”. En collaboration avec CIC, Banque de Vizille, Lamy Lexel Avocats Associés, MCG Managers, Societex Corporate Finance.
Sur simple demande à : contact@apia.asso.fr