PROJET URBAIN
Comment maîtriser l’écart entre ambition et réalité?
Rapport d’Etude de Théo FAUCHEUX Encadré par Lauréna Cazeaux ENSAL • L3 • Avril 2015
Introduction I/ Contexte et Ambition P7
1 / Contexte politique
2/ Contexte historique et chronologie
3/ Contexte Géographique et Urbain
4/ De l’ambition à la conception
5 / Le programme
II/ La Réalisation P 19
III/ De l’ambition à la réalité P 35 1/ Réussite et exemplarité 2/ L’acceptation du public grenoblois
3/ Des résultats à nuancer
Conclusion Sigles
1/ La mixité sociale et fonctionnelle
2/ Qualité architecturale et urbaine
3/ La démarche techniciste
4/ Évaluation des consommations et sensibilisation
6/ Consultation et évaluation
5/ Biodiversité
P 41
Bibliographie
Introduction
Aujourd’hui les notions de plans et planifications disparaissent peu à peu pour laisser place à celles du développement urbain durable et du projet urbain. La démarche commence par une concertation qui permettra de définir et mettre en oeuvre des mesures d’aménagement sur un territoire urbain donné, en partenariat avec tous les partenaires civils et institutionnels, intégrant les différentes échelles territoriales et le long terme, en vue d’un développement urbain durable. Le 6 Novembre 2014, au Palais des Congrès à Paris , se tenait le Forum des Projets Urbains. Ce grand rassemblement d’élus et de techniciens de collectivités mais aussi de concepteurs, investisseurs, promoteurs et bureau d’études, s’est vu présenté une cinquantaine de projets, mêlant réhabilitation, construction de logement, aménagement public et équipement. Encore au stade de l’étude, ces projets territoriaux souhaitent offrir un nouveau cadre de vie, que ce soit dans l’habitat, dans le travail ou le loisir, souvent plus respectueux de l’environnement, tout en pensant à demain, au bon fonctionnement des aménagements et à leur futur reconversion. Si la phase de concertation est si importante dans un projet urbain, elle est, de fait, particulièrement longue. On compte entre 3 et 5 ans entre l’émergence de l’idée, venant des élus, et le début des travaux sur le site pour enfin patienter encore 8 à 10 ans avant que le projet ne soit totalement réalisé. Mais cette concertation est essentielle. Elle permet à la fois de bien cerner les attentes des futurs habitants mais aussi d’informer et de sensibiliser les résidents actuels des mutations de le quartier. Des réunions, des rencontres avec les élus, des visites de chantier, des plaquettes d’informations, des notices d’utilisation, sont autant d’outils pour le bon déroulement de l’opération. Mais souvent, malgré toutes ces précautions, les réalisations ne sont pas toujours en adéquation avec les attentes et on constate un décalage entre les ambitions affichées et la réalité vécue. Sans parler de projet raté ou de catastrophe programmatique, on a pu voir des projets plein de sens et d’ambition, péricliter et finalement se voir remanier voire même partiellement démoli à l’image de La Villeneuve à Grenoble, pourtant emblème de la cité idéale des années 70 . D’autres sont en attente d’investissement de la part des habitants comme La Confluence à Lyon où le quartier pensé comme une vitrine chic de Lyon a du mal à séduire un autre public que les touristes et les riches investisseurs internationaux. Ce décalage entre le projet et la réalité, le discours et la réalisation, tend à devenir systématique. « On ne peut pas plaire à tout le monde » dit l’adage , mais peut-on maîtriser ce décalage, faire coïncider la satisfaction du créateur et celle de l’usager ? Nous verrons par l’étude d’un projet urbain récent: la ZAC de Bonne à Grenoble, quels sont les moyens que se sont donnés les acteurs du projet pour passer de l’ambition à la réalité et quels ont été les résultats obtenus.
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I/ Contexte et Ambition
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1 / Contexte politique
1-1 Une politique urbaine caractérisée par l’innovation et l’expérimentation depuis la fin des années soixante Grenoble est une ville aux portes des Alpes, cernée par les montagnes, elle attire depuis des décennies les amoureux de la nature mais aussi des scientifiques, du fait de la présence de pôles scientifiques particulièrement développés. Pour maîtriser une croissance soutenue, le choix a été fait dans les années 60 d’étendre le centre de la ville vers de nouveaux quartiers ( Teisseire , Mistral puis Villeneuve -Village Olympique) en s’efforçant d’organiser une mixité sociale et fonctionnelle. Les résultats furent inégaux, mais les opérations de la Villeneuve, du Village Olympique, du quartier Hoche, et plus récemment de Vigny-Musset, ont constitué des créations expérimentales où de nombreuses innovations ont été mises en œuvre dans un contexte de vigilance critique, de remise en cause et d’amélioration. Ces transformations ont été promues et soutenues par une majorité municipale socialiste dont la cohésion politique difficile s’est largement fondée sur le développement urbain pour réunir un consensus. La dimension urbaine occupe ainsi à Grenoble une place particulière et constitue le champ privilégié dans la recherche d’un nécessaire compromis politique. La plupart des réflexions et prises de décisions municipales sont le reflet des enjeux souvent contradictoires qui animent les élus ; elles se caractérisent par deux types de postures politiques présentant des enjeux de développement urbain, difficiles à concilier: • les uns, à vocation plus économique, visent à dynamiser la ville afin de garantir et de renforcer son développement, dans le cadre du jeu du marché, autour des initiatives individuelles et collectives • les autres, à vocation plus sociale, privilégient un développement qualifié par la collectivité territoriale de « durable », dont l’objet est de limiter les effets sociaux de la première posture, en préservant « au mieux les milieux de vie et en assurant des rapports sociaux qui se veulent apaisés»… Cette volonté de consensus s’est exprimée notamment lors du changement d’alliance politique du second mandat du maire socialiste Michel Destot en 2008, passant d’une alliance PS-Vert à PS-Modem. L’élu à l’urbanisme Pierre Kermen (Vert) laisse place à Philippe De Longevialle (MoDem). Malgré les divergences d’opinion les projets se poursuivent dans l’objet de « changement politique dans la continuité ». On voit ainsi le projets de renouvellement urbain de la ZAC Flaubert, la création de la ZAC Beauvert, créés respectivement en 2007 et 2005, suivre leur cours.
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De même les opérations de restructuration lourdes sur les quartiers Mistral, Teisseire et Villeneuve sont poursuivies. La Zac de Bonne qui livre alors ses premiers résultats est considérée par la nouvelle municipalité comme un modèle de développement Grenoblois et est présentée à ce titre au grand concours national des Eco-Quartiers qu’elle remporte en 2009.
1-2 Des gouvernances à des échelles différentes du territoire
En plus d’une volonté de consensus politique, les projets urbains grenoblois sont portés par une gouvernance territoriale à multiple échelle. Dès les années 2000 l’adjoint au maire à l’urbanisme et à l’environnement citait l’échelle de la Région urbaine comme l’échelle la plus pertinente pour « mettre les cohérences territoriales à l’œuvre ». En effet,Grenoble est confrontée à de multiples contraintes en particulier géographiques (foncier rare, fond de vallée enserré entre des massifs montagneux, fortes amplitudes thermiques, trafic automobile dense, taux de pollution élevé, qualité du sol médiocre, risques naturels importants - séismes, inondations) qui ont toujours conduit les élus grenoblois à mener une politique de développement urbain dépassant largement le cadre de la Ville. Ainsi région, département, agglomération participent largement aux projets municipaux et à leur financement. S’articule donc la Region Urbaine Grenobloise (RUG), La Métro (la communauté d’agglomération) et la municipalité de Grenoble, dans le but de concevoir, financer et réaliser les projets.
1-3 L’élaboration des documents d’urbanisme, support de réflexions et de débats autour du développement durable L’élaboration de plan d’urbanisme à différentes échelles de territoire ainsi que les débats qui les accompagnent permettent aux élus d’organiser une mobilisation citoyenne. Les instances de représentation des différentes échelles territoriales et particulièrement celle de La Metro ainsi que la Mairie présente une activité intense dans ce domaine. A travers ces documents elles arbitrent et définissent leur exigences afin d’obtenir une cohérence territoriale:
• A l’échelle de l’agglomération avec le Plan de Déplacement Urbain (PDU), le Plan Local d’Habitat (PLH) et le Plan de Climat Local (PCL) • A l’échelle communale avec principalement le PLU, le Schéma énergétique local, le Plan local d’action en santé environnementale et le guide de la qualité environnementale, architecturale et urbaine. Mais aussi: • Le Schéma Directeur, d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU), qui cherche à structurer les territoires autour du cadre de vie des habitants en précisant les politiques publiques d’habitat et de transport. •Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), outil d’expression des grandes orientations en matière d’habitat, d’emploi d’équipements et de déplacement, avant que la loi d’urbanisme et d’habitat ne permettre d’introduire des prescriptions environnementale dans le PLU qui en devient alors la traduction réglementaire. • Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) qui a pour mission la mise en cohérence de la politique de développement durable, à une échelle de grand bassin de vie, dans la perspective d’un équilibre des territoires. • Le Guide « ABC de la qualité environnementale, architecturale et urbaine ». Cet outil, spécifiquement adapté au contexte grenoblois, se veut plus méthodologique et pédagogique que réglementaire. Conçu comme un outil local d’aide au projet d’une ville durable, il cherche à combler le vide législatif concernant en particulier le logement collectif en secteur diffus. Il est intéressant de noter que, par chance, les partenaires de la construction ont adhéré à ces plans et donc au nouveau mode de gestion des projets urbains. Dans un premier bilan effectué sur 145 permis de construire délivrés entre 2006 et 2007 sur des opérations de plus de 10 logements : •40% de logements locatifs sociaux sur les 2 400 logements familiaux autorisés furent construits (imposés par la mairie entre 20% et 30% selon les secteurs) • augmentation de 50%, au regard des années précédentes, des autorisations de construire des logements. •généralisation de l’isolation extérieure des constructions (soit 86% d’entre elles) •végétalisation des toitures (soit 74% représentant 5,2 ha) • installation de capteurs solaires (soit 57% soit 8 000 m2 de capteurs).
1-4 La ZAC comme outil principal de l’aménagement grenoblois La société d’économie mixte SAGES est particulièrement active dans l’aménagement des ZAC à Grenoble. A majorité municipale, son système de décision est renforcé par le double statut de l’adjoint au maire chargé de l’urbanisme qui assure systématiquement la présidence de la société d’économie mixte. L’urbanisation en Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) a toujours été privilégiée dans l’agglomération grenobloise pour répondre concrètement aux objectifs municipaux, les expérimenter, en évaluer les résultats avant de les diffuser plus largement. D’octobre 2005 à fin 2007, plus de la moitié des permis autorisés l’ont été dans une ZAC (De Bonne, Beauvert, Flaubert, Châtelet). Le directeur de l’urbanisme apprécie l’évolution de l’outil ZAC, apte à gérer les cessions foncières aussi bien privées que municipales. Pour compléter sa culture technique dans des domaines nouveaux, la SEM-SAGES s’est entourée d’expertises, en particulier de conseils AMO environnementaux. Ceux-ci ont élaboré des cahiers des charges adaptés aux divers sites afin de satisfaire les enjeux de la Ville, de mettre en œuvre les préconisations correspondantes, renforçant ainsi « les bases d’une coproduction de la ville avec les acteurs privés et publics». Une mission d’assistance technique élargie a été confiée à un bureau d’études, ENERTECH, afin d’intégrer aux marchés publics les cibles environnementales « en accompagnant la conception lors des concours, en analysant les offres, en vérifiant les pièces et en contrôlant les performances à partir de simulations thermiques dynamiques » Ainsi, de ZAC en ZAC, en faisant évoluer les documents d’urbanisme, en créant de nouveaux outils et méthodes organisationnelles, en forgeant des associations d’acteurs professionnels et en s’appuyant sur les habitants, une politique urbaine et environnementale s’élabore autour d’une définition des exigences et de leur généralisation. La ZAC de Vigny-Musset constitua un terrain d’expérimentation très fécond pour l’aménagement de la future ZAC de Bonne. De même que les nouvelles ZAC programmées sur l’agglomération intègrent les méthodes expérimentées à Bonne.
Ainsi la volonté et la détermination de la municipalité pour étendre, au delà des ZAC, ses exigences au secteur diffus ne sont plus à démontrer et les partenaires, aménageurs et promoteurs, répondent généralement à ses demandes. Projet de la ZAC Flaubert à Grenoble
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La ZAC de Bonne, qui devait promouvoir à Grenoble une nouvelle façon d’aborder la dimension urbaine et construire avec des enjeux environnementaux forts, n’aurait pu se réaliser hors du contexte de la politique urbaine et environnementale développée par la collectivité locale depuis plusieurs décennies. On ne peut appréhender les conditions de réalisation de cette opération sans se référer au dynamisme du développement urbain et à la réflexion qui s’est menée, entre autres, autour de l’élaboration des documents d’urbanisme, mais également de l’implication de la SEM SAGES en matière de développement urbain durable.
Pour aller plus loin:
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• SEM SAGES:
• Villeuneuve, Grenoble
A travers les opérations dont elle a eu -ou a encore- la charge, la Société Publique Locale d’Aménagement SAGES contribue à enrichir l’utilisation quotidienne de l’espace urbain pour les usagers, qu’il s’agisse de travailler, d’étudier ou de circuler dans la ville. Concertation | Qualité de vie | Intérêt général Le pilotage politique des opérations s’exerce de manière directe, la SAGES étant l’outil de la Ville pour : • créer des conditions favorables pour la concertation avec les citoyens dans la partie amont des projets • contribuer à la qualité de vie des habitants et des usagers en rendant la Ville vivante et accessible.
La Villeneuve est un grand ensemble d’urbanisation situé au sud de la ville de Grenoble. Cet ensemble est composé de plusieurs quartiers, dont l’emblématique quartier de l’Arlequin. Si La Villeneuve est la plus importante opération d’urbanisme qu’ait connu l’agglomération de Grenoble, elle est aussi celle qui aura suscité le plus d’intérêt et de polémique. Dès sa création en 1972, La Villeneuve a été une expérimentation sociale et urbaine d’envergure nationale avec ses réalisations dans l’éducation nouvelle, la création d’équipements intégrés et un nouvel urbanisme qui a préfiguré de nombreuses réalisations dans les villes nouvelles. En 2010, des incidents provoquent une intervention de 300 policiers pendant plusieurs jours. Nicolas Sarkozy prononce le discours de Grenoble qui marque une rupture importante de son quinquennat. Cet ensemble classé label patrimoine du xxe siècle fait l’objet d’un projet de rénovation urbaine signé avec l’ANRU (Agence nationale de Rénovation Urbaine ) le 3 juillet 2008, ce projet prévoit notamment la démolition du 50, Galerie de l’Arlequin et la réorganisation complète des accès et des parkings. Ces travaux ont été décidés et sont aujourd’hui en partie réalisés, malgré les protestations des habitants historiques. Référence Bibliographique: « Grenoble Villeneuve ou le mythe blessé » Bruno FRAPPAT
Partenaire opérationnel de la Ville, la SEM SAGES constitue un dispositif de pilotage de la politique municipale et de ses problématiques d’aménagement urbain. Elle pilote la plupart des projets municipaux (requalification et création de nouveaux quartiers) et s’est montrée très efficace pour faire respecter les exigences en matière d’environnement et de mixité. S’appuyant d’abord sur les recommandations et les orientations du PADD, elle appliqua ensuite la réglementation plus directive du PLU et, enfin, imposa les nouveaux outils du guide « ABC » de la qualité environnementale architecturale et technique.
• Le Forum des Projets Urbains:
• Biennale de l’habitat Durable:
Seule plate-forme d’informations indépendante permanente sur les principales opérations d’ aménagement à l’échelle française et européenne, le Forum des projets urbains offre, depuis 2001, un lieu périodique d’informations et d’échanges de savoir-faire et d’expériences sur le thème de l’aménagement. À disposition des responsables politiques et techniques de projets et acteurs de l’aménagement, le Forum leur permet de mutualiser leurs expériences de conduite de projets. Il constitue une occasion exceptionnelle de rencontrer des partenaires, des concepteurs, des investisseurs, des promoteurs, des commercialisateurs et des prestataires dans une saine émulation entre projets.
Chaque année depuis 2006 la Biennale de l’Habitat Durable à Grenoble fait se réunirent financeurs et bâtisseurs, artisans et ingénieurs, maîtres d’œuvre aux maîtres d’ouvrage, habitants et élus afin d’échanger sur l’habitat durable, les avancées techniques naissantes, mais aussi pour revenir sur les projets réalisés ou en cours sur le territoire Grenoblois. Les questions abordées ces dernières années ont pointé des problématiques urbaines telles que : comment passer de l’écoquartier à l’écocité. Cette année l’événement s’est installé dans la Caserne de Bonne. Cette 5ieme édition axait sur les nouveaux usages de la ville. Largement tournés vers le grand public, de nombreux ateliers participatifs ont été mis en place avec les habitants, tel que la réalisation de jardins partagés et compostage, la mise en place de pédibus, la construction d’habitats groupés participatifs, dans le but de faire connaître des expériences et donner envie à d’autres d’agir à leur tour.
Référence: www.projetsurbains.com
Référence: www.biennalehabitatdurable.fr
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2/ Contexte Historique et Chronologie
2-1 La Caserne de Bonne dans l’histoire
2004 Création de la ZAC de Bonne. La Ville de Grenoble confie la réalisation du projet à la SAGES. Choix de l’architecte en chef : l’agence Aktis Architecture est retenue.
La caserne de Bonne est construite en 1883 aux portes de la ville pour abriter un régiment de mille cinq cents hommes. Elle porte le nom de François de Bonne, duc de Lesdiguières, qui dirigea Grenoble de 1590 à 1626 et qui fut à l’origine d’un essor urbain important. Le 1er décembre 1943, alors que le site est occupé par les troupes allemandes, l’explosion du dépôt de munitions fait d’énormes dégâts. Cet acte de la Résistance vaudra à la ville de Grenoble le titre de Compagnon de la Libération. À la fin de la guerre, l’armée réinvestit les lieux jusqu’en 1967. La caserne accueille ensuite le Comité d’organisation des Jeux olympiques en 1968, puis l’École militaire des armes spéciales de 1970 à 1984. L’armée quitte définitivement le site de Bonne en 1994 pour s’installer à Varces, laissant le terrain et les bâtiments disponibles pour une nouvelle affectation.
2005 Choix de l’assistant à maîtrise d’ouvrage en environnement et énergie, les sociétés Terre Eco et Énertech sont retenues. Désignation des promoteurs pour les opérations de logements, l’espace commercial et les bureaux. Démolition des anciennes casernes. Les bâtiments de la cour d’honneur et les deux pavillons d’entrée sont conservés.
2-2 Chronologie 2000-2001 Lancement d’un marché de définition par la Ville de Grenoble et le ministère de la Défense afin d’explorer le potentiel de reconversion du site et d’établir le programme définitif. Mise en place du processus de concertation avec les unions de quartier, les associations et les Grenoblois. Création d’un groupe de pilotage, organisation de réunions et de visites publiques. 2002 Choix du lauréat du marché de définition sur l’urbanisme : le projet de Christian Devillers est retenu. 2003 Candidature de la Ville de Grenoble au programme européen Concerto. Poursuite de la concertation et mise au point du projet. Lancement d’une étude de haute qualité environnementale et d’accessibilité.
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2006 Lancement du chantier : réseaux, terrassements, réhabilitation des bâtiments de la cour d’honneur, démarrage des chantiers des premiers immeubles. Sélection de la paysagiste Jacqueline Osty pour la réalisation du parc urbain. 2007 Début des travaux des espaces publics dans la cour d’honneur et le jardin Hoche. 2008 Ouverture de l’école Lucie-Aubrac. Inauguration de l’esplanade Général-Alain-Le-Ray (ancienne cour d’honneur). Livraison des premiers logements et de la résidence avec services Résidhome Apparthôtel. 2009 Poursuite des livraisons de logements. Début des travaux du jardin des Vallons. 2010 Livraison de l’immeuble de bureaux à énergie positive (Bonne Énergie). Livraison des deux résidences étudiantes. Inauguration du jardin des Vallons. Ouverture de l’espace commercial La Caserne de Bonne. 2011 Livraison de l’établissement pour personnes âgées et de la résidence seniors. Ouverture du cinéma Le Méliès. 2014 Livraison de l’hôtel ****
3/ Contexte Géographique et Urbain
Grenoble, bordé par les massifs de Chartreuse, Vercors et Belledonne formant la cuvette du « Y » grenoblois, est un site contraignant mais de qualité. Le territoire communal, presque intégralement urbanisé, dispose de peu de réserves foncières. La rareté des espaces libres, conjuguée à la mutation de plusieurs sites industriels comme dernièrement le site de Bouchayer Viallet, conduisent la ville à se reconstruire sur elle-même. Dans ce contexte, la fermeture en 1994 de la dernière caserne du centreville constitue une opportunité pour la Municipalité de maîtriser le renouvellement urbain de sa commune par le développement de la dernière vaste emprise mutable au centre-ville. La caserne de Bonne, d’une emprise de 8,5 ha est située au centre géographique de la ville. Bordée par le boulevard Gambetta et la rue Marceau, elle est située à la jonction de système urbains différenciés: au sud les grands boulevards datant des années 1940 et au style moderne-classique, le quartier plus populaire Championnet au Nord, le quartier de l’Aigle à l’Ouest et le quartier Hoche à l’Est. La position charnière de la caserne de Bonne est en effet un levier pour amorcer une dynamique nouvelle visant à étoffer le centre de Grenoble en faisant la jonction entre l’hypercentre et les grands boulevards par la création d’un nouveau morceau de ville attractif pour les grenoblois et pour les habitants de l’agglomération. Ce site représente un enjeu stratégique au regard de l’équilibre entre le centre et une périphérie très attractive pour le logement, le commerce et les activités. Or, l’un des objectifs du projet urbain de la ville est de lutter contre l’étalement urbain et de conforter le centre, notamment en suscitant une offre de logements compétitive en quantité et en qualité par rapport à la périphérie.La ville entend profiter de la situation stratégique du site et de son excellente desserte pour créer un lieu d’habitation de grande qualité et un pôle de centralité complémentaire au centre- ville afin de renforcer l’attractivité globale de ce dernier.
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4/ De l’ambition à la conception Après avoir lancé avril 2000 un marché de définition afin d’établir un programme et un parti d’aménagement pour le site de la caserne de Bonne, la Ville de Grenoble a choisi trois équipes : l’équipe Devillers, l’équipe Fuksas et l’équipe Lipsky & Rollet qui ont rendu leurs propositions de programme en mars 2001. Les enjeux du programme sont: • Mettre en œuvre une démarche de haute qualité environnementale et d’accessibilité • Aménager un espace chargé d’histoire, • Contribuer à la diversité du logement, • Répondre aux besoins actuels et futurs en matière d’équipement, • Favoriser l’activité et le commerce, • Créer des espaces publics en lien avec la ville, • Proposer des déplacements dans le cadre du plan de déplacements urbains, • Prévoir une réserve pour un équipement structurant éventuel. C’est l’équipe Devillers qui est désignée comme lauréate du concours. Parallèlement à la mise au point du projet par l’équipe Devillers, le cabinet Terre Eco va conduire une étude afin d’intégrer la haute qualité environnementale et l’accessibilité dans le programme et le plan de composition.
Témoignage de Pierre Kermen, Ancien élu à l’urbanisme, en charge de l’opération: « C’est la force de son projet urbain : l’espace public central relié au quartier Hoche, les logements du côté de la troisième ligne de tramway qui arrivait, le maillage urbain par la trame viaire... L’équipe Lipsky Rollet avait aussi un très bon projet, pour lequel mon cœur a balancé ; quant à Fuksas, je n’ai pas compris sa position. Avec Devillers, j’ai senti que je pouvais parvenir à mon ambition qui était de terminer le centre-ville, tout en considérant de Bonne comme l’ouverture vers quelque chose de nouveau, un urbanisme plus soutenable. »
5 / Le programme Le programme se divise en deux: un programme de construction et un programme d’aménagement Le programme prévisionnel des constructions à édifier dans la ZAC pourra atteindre 180 000 m2 SHON hors piscine Jean Bron à restructurer à terme, dont, à titre indicatif : • Logements : 85000 m2 (dont 35 % minimum de logements aidés) • Pôle commercial, loisirs activités tertiaires (dont hôtellerie) : 40 000 m2 • Ecole élémentaire : environ 3 000 • Espace enfance - familles : 500m2 • Parc de stationnement en ouvrage :200 places • Restructuration, du pôle sportif et associatif de l’îlot Jean Bron : 15 000 m2 hors piscine Réserve pour équipements, services, logements personnes âgées : 3000m2 L’opération d’aménagement va permettre la réalisation de nouveaux espaces publics , voiries et réseaux divers privilégiant les liens avec les quartiers avoisinants : • Un vaste parc public : Ce parc est constitué de trois entités : le parc Hoche dont une partie est réaménagée, l’ancienne cour d’honneur et l’ancien stade militaire, totalisant une surface de plus de 5 hectares dont approximativement 4,5 ha dans le périmètre de la ZAC. Cet espace structurant est l’élément public majeur du futur quartier. Il représente l’élément central du maillage Est-Ouest et permet de relier le nouveau quartier de Bonne au quartier Hoche. • Des voies nouvelles : La voirie présente autour de la ZAC sera prolongée afin de permettre un tissage continu entre les quartiers. Des cheminements piétonniers permettront de créer des liens entre la ZAC de Bonne et les quartiers périphériques et de desservir les îlots de construction à l’intérieur de l’opération.
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• Des réseaux neufs : Eaux usées – Eaux pluviales (1 500 ml) Eaux potable (1 500 ml) Electricité (1750 ml de basse tension et 360 ml de moyenne tension) Télécoms (2 200 ml)
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La conception du projet de Bonne s’est étalée sur 5 ans, de 2001 au lancement du marché de définition jusqu’en 2005 avec les premières démolitions, mais c’est sans compter sur le travail en amont mené par les élus précédents Pierre Kermen et son équipe. Dans le cas de ce projet urbain on peut observer que l’ambition n’est pas spontanée mais le fruit d’un long processus intégrant plusieurs échelles de territoires et d’acteurs et s’appuyant sur des documents spécifiques. Dès le début les ambitions sont affichées et doivent, sans forcément parler d’objectif, porter l’âme du projet afin que chacun puisse participer au mieux à son élaboration. Cette étape est difficile à franchir car il s’agit de transcrire des volontés politiques en langage urbain. La finalité programmatique va exprimer les attentes et besoin en termes d’infrastructure tout en anticipant les usages qu’elles vont produire.
«La volonté politique reste le moteur...» Philippe de Longevialle, ancien adjoint dur maire à l’urbanisme.
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II/ La Réalisation
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LE QUARTIER DE BONNE
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900 logements familiaux, dont 40 % en locatif social 5 hectares de parcs publics et de jardins en cœur d’îlot 1 espace commercial de 53 boutiques 5 000 m2 de bureaux, dont un immeuble à énergie positive 1 école bioclimatique de 16 classes (Lucie-Aubrac) 1 établissement d’hébergement pour personnes âgée EHPAD 2 résidences pour étudiants 1 foyer d’hébergement de 24 logements 1 cinéma Art et Essais 1 résidence hôtelière 1 hôtel **** 1 restaurant gastronomique
JARDIN HOCHE
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1/ Mixités et accessibilité 1–1 La mixité fonctionnelle
1–3 L’accessibilité, handicap et vieillissement
Si la première idée de la Ville de Grenoble était de faire un quartier essentiellement d’habitation, l’architecte Christian Devillers ne l’entendait pas comme cela: « J’ai toujours porté deux idées fondamentales: le parc urbain et la mixité fonctionnelle (…) Je me suis battu pour faire un quartier avec un centre commercial, des bureaux, des locaux associatifs, des hôtels… ». Il a du avoir recours à l’aide d’Eric Bazard, à l’époque directeur général de la SEM Cité Internationale de Lyon afin de montrer par des lettres d’intentions de gestionnaires de centres commerciaux et de promoteurs de bureaux qu’ils étaient prêts à s’installer sur le site. Pourtant la mixité fonctionnelle s’organise dans la ville selon un principe d’aménagement fondé sur la disparition du « zoning » dans le PLU. La Zac de Bonne se voulait être une extension du centre ville, elle ne pouvait, dans ce cas, pas concentrer uniquement des logements. Ainsi le quartier abrite un espace commercial de 15 000 m2, des bureaux, une école, des équipements sportifs (terrains de sports intégrés au parc urbain et une piscine municipale qui va être réhabilitée) et des équipements culturels (Cinéma d’Art et essai de 3 salles), des locaux associatifs et des logements. Cette mixité fonctionnelle, comme le principe de mixité sociale, se développe à l’échelle du quartier mais également à l’échelle du bâtiment avec des rez de chaussés actifs.
Dans le quartier de Bonne, l’accessibilité physique et le confort d’usage se déclinent à différentes échelles. L’accessibilité générale au quartier est aisée pour tous les usagers des transports en commun, notamment grâce à la création de la troisième ligne de tramway sur les grands boulevards dont deux stations sont situées à moins de 300 m du quartier. Deux lignes de bus desservent également le quartier à l’est et à l’ouest. L’accessibilité au quartier est facilitée pour les cyclistes et les piétons, une large place leur étant dévolue, grâce à de vastes espaces publics avec des cheminements lisibles, continus et accessibles à tous. L’ensemble des voiries constitue une zone 30 favorisant la sécurité des piétons. Des places de stationnement pour les personnes à mobilité réduite sont réservées sur l’espace public en différents points du quartier, totalisant 5 % des places de stationnement du quartier. Des places pour l’Auto-partage, en fort développement sur la ville, sont également identifiées. Un travail important de nivellement du quartier a été réalisé en phase conception afin de supprimer les différences de niveaux et de permettre des cheminements aisés pour tous (personnes à mobilité réduite, poussettes, personnes âgées, etc.)
1–2 La mixité sociale et programmatique La mixité sociale se décline à l’échelle du quartier, avec une part de près de 40 % de logements sociaux soit 360 logements sur 900, ce qui est supérieur au 35% affichés sur le cahier des charges et imposés aux promoteurs. Elle est développée notamment grâce à la mixité intergénérationnelle supportée par des équipements (200 logements étudiants , résidence pour personnes âgées de 80 lits, école primaire de 15 classes), un hôtel****, une résidence de service de 104 meublés et la présence d’un vaste espace public au cœur du projet. Sont également présents des lieux associatifs comme la maison des associations, qui offre une salle de conférence, des salles de réunion et accueille une vingtaine d’associations. Cette mixité sociale porte les principes du bien-vivre ensemble et de la solidarité. Enfin la mixité programmatique qui permet à la fois une animation du quartier pendant la semaine, en soirée ainsi que les week-end. En effet, l’école et le centre de loisir proposent des activités pendant le temps scolaire, périscolaire et les vacances. Les bureaux permettent une vie du quartier, notamment à midi et aux heures d’embauche et de fermeture des bureaux, avec sans doute la fréquentation des commerces. En soirée ainsi que le samedi, les boutiques et restaurants fonctionnent à un rythme de croisière alors que le dimanche, les espaces publics s’animent de visiteurs et d’usagers. L’espace Convivi’âge et la maison des associations drainent des usagers en journée alors que le cinéma attire plutôt des visiteurs en soirée ...
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Ce travail, initié sur les espaces publics s’est poursuivi pour les hall d’immeubles, construits de plain pied avec la rue, et traversant pour accéder au cœur d’ilot commun à plusieurs immeubles. Le soin apporté à l’accessibilité est également présent à l’intérieur des logements. Il a été exigé que la plupart des balcons, loggias et terrasses soient une véritable extension du logement. Leur accès doit se faire sans obstacles, sans marches, les seuils ont donc été conçus de façon à ne pas dépasser le niveau du revêtement de sol. Par ailleurs, pour favoriser l’accessibilité pour tous, la plupart des logements sont adaptables aux personnes handicapées. Des renforts sont par exemple prévus dans les cloisons des toilettes et des salles de bain pour y apposer des poignées, les baignoires peuvent être remplacées par des douches accessibles, les interrupteurs sont positionnés à une hauteur satisfaisante pour tous... La programmation intègre largement les problématiques du vieillissement et du handicap grâce à sa résidence sénior privée de 90 logements avec services d’une part et un foyer d’hébergement de 24 logements géré par l’association pour adultes et jeunes handicapés de l’autre. Mais sur ces thématiques, l’équipement le plus innovant est la Maison du bois d’Artas, qui comporte un établissement pour personnes âgées dépendantes de 80 lits (unité pour malades d’Alzeimer), 26 logements adaptés aux personnes à mobilité réduite et l’espace Convivi’âge, qui accueille une annexe de la Maison des habitants du centre-ville (point d’information CCAS-Ville), d’un pôle de ressource du bénévolat et d’une salle polyvalente. En plus de trouver un accueil de proximité et des permanences de professionnels, les personnes âgées pourront pratiquer des activités et participer à des animations dans la salle polyvalente. Enfin, un jardin pédagogique pouvant servir de support à la rencontre, au lien social et à la convivialité complète cet équipement.
2/ Qualité architecturale et urbaine 2–1 Le Patrimoine La Caserne de Bonne, qui accueillit dès 1883 les troupes d’artillerie alpine est une des dernières traces de la forte présence militaire à Grenoble. La dimension historique s’articule également à des événements liés à la résistance et à la répression durant la seconde guerre mondiale. L’ouverture de ces lieux, leur réappropriation par la vie urbaine et les usages de tous peut aussi être l’occasion de réinscrire cet aspect de l’histoire d’une façon plus familière dans la mémoire et la vie collective. Cette architecture militaire qui a si fortement marqué l’histoire de Grenoble, de la Bastille aux fortifications, se trouve mise en valeur aujourd’hui par la monumentalité de l’esplanade Alain le Ray, entourée des trois principaux bâtiments de la caserne réhabilités. Cet espace qui conserve une rigueur militaire dans l’aménagement est disponible pour une grande diversité d’usages qui en permet une appropriation collective.
2–1 Organisation urbaine Les bâtiments autour de la cour d’honneur ont été réhabilités et accueillent commerces en rez-de-chaussé et logement ou résidence hôtelière dans les étages. Les deux pavillons d’entrée de la caserne ont également été réhabilités l’un pour devenir le lieu d’accueil et de promotion (déjà ouvert pendant la phase chantier) de l’EcoQuartier et l’autre un restaurant gastronomique. Les bâtiments de logements situés au sud s’implantent dans des îlots en forme de «U», ouverts au nord vers l’espace public majeur du quartier. Des brèches sont aménagées entre les bâtiments, permettant d’offrir des vues de l’espace privatif collectif à l’intérieur de l’îlot. Cette transparence minimise également l’impact visuel des bâtiments. A l’Ouest, le long de la rue Marceau, les bâtiments sont érigés sous la forme de « plots » avec une emprise au sol moindre, afin de privilégier un ensoleillement optimum et de façon à rendre visible et accessible le parc urbain. Les hauteurs des bâtiments implantés au sud ont été largement débattues. Les bâtiments de R+7 se composent d’un soubassement, du corps du bâtiment et des deux derniers étages en retrait, assimilés à des «maisons sur le toit». La perception est donc plutôt celle d’un bâtiment de R+5. La première qualité du quartier de Bonne est celle de l’architecture et des rapports qu’elle instaure avec la ville en termes d’espaces, d’usages et de représentation. Ces rapports de l’architecture et de la ville doivent satisfaire trois échelles :
• L’extérieur lointain : relation visuelle avec le bâtiment, insertion dans la ville, aspect général, couleur, volumétrie, toiture, identification du bâtiment, perméabilité visuelle et physique, animation lumineuse (nuit) ... • L’extérieur proche : insertion physique dans le sol, raccord du pied de façade avec l’espace public, ouverture visuelle du bâtiment vers le cœur d’îlot, rapport aux activités du rez-de chaussée, rapport tactile à la façade, accès piétons, accès véhicules ... • L’intérieur : générosité et accessibilité du hall d’entrée, extension de logements par saillies habitées, possibilité d’échanger avec la ville, qualité et ouverture des espaces commerciaux et des équipements ... L’esprit de la conception architecturale du quartier est celui de la « porosité » de l’architecture et de son ouverture sur la ville, de l’échange physique (accessibilité des espaces) et visuel (et aussi la protection de l’intimité), et de l’animation de la ville par les usages à proximité, aux abords ou dans les constructions. Tout l’enjeu de l’aménagement de la Zac de Bonne a été de favoriser des typologies urbaines compactes, économes en ressources (terrain) et qui concilient la production d’un espace au caractère urbain (dans l’usage et dans la forme) en réponse aux aspirations résidentielles des habitants.
2–2 La créativité architecturale La créativité architecturale se dégage malgré un cahier des charges strict du point de vue de la forme urbaine. La créativité trouve par exemple une illustration dans les matériaux utilisés (bétons texturés ou membrane polyuréthane par exemple ou encore par le dessin des occultations extérieures). L’espace commercial et sa structure en bois se différencie du bâtiment qui abrite le cinéma surplombé de cubes de couleurs. Le bâtiment Bonne énergie est un autre exemple de la créativité architecturale, avec ces colonnes représentant des racines et sa centrale photovoltaïque représentant la canopée d’un arbre, sans compter le brevet déposé pour le système d’occultation des fenêtres par l’intérieur. L’esprit de la conception architecturale du quartier est celui de la «porosité» de l’architecture et de son ouverture sur la ville, de l’échange physique (accessibilité des espaces) et visuel (et aussi la protection de l’intimité). Tout l’enjeu de l’aménagement de la ZAC de Bonne a été de favoriser des typologies urbaines compactes, économes en ressources (terrain) et qui concilient la production d’un espace au caractère urbain (dans l’usage et dans la forme) et les aspirations résidentielles des habitants.
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2–3 L’aménagement paysagé
Le bassin d’agrément du jardin central des Vallons fait également office de bassin de rétention en cas de fortes pluies. Le climat grenoblois est caractérisé par une forte pluviométrie (précipitations moyennes annuelles de 1 007 mm), un important ensoleillement (rayonnement solaire compris entre 4,2 et 4,4 kWh/m2) et de grandes amplitudes thermiques journalières. Afin de lutter contre l’effet d’îlots de chaleur, le principe d’îlot ouverts a été privilégié, de même que le principe général d’aménagement reposant sur l’organisation centrale de 5 ha de parc urbains . Les essences végétales choisies sont des essences locales, permettant de limiter l’arrosage en cas de sécheresse et résistant par ailleurs au froid. Les jeux d’eau en été permettent également de lutter contre la chaleur estivale en rafraichissant l’atmosphère. Pour le confort d’été des bâtiments, une isolation renforcée et des occultations extérieures ont été exigées, ainsi que la végétalisation des façades et des toitures encouragées.
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3/ La démarche techniciste Une des principales ambition lors de la conception du projet était d’intégrer une démarche de haute qualité environnementale durant la construction de la ZAC. A l’époque la démarche HQE n’est pas aussi ancrée dans l’ esprit des concepteurs et acteurs de la construction. Pierre Kermen, élu à l’urbanisme, a initié l’idée dans les groupes de discussion et anticipé les futures normes en matières de performances énergétiques des bâtiments. « À mon arrivée en 2001, j’ai été très surpris de voir qu’il n’y avait pas de réelle prise en compte de la dimension environnementale. Il m’a fallu un an et demi avant de me faire une idée précise de ce que je voulais, de pouvoir le défendre en réunion, mais on ne savait pas vraiment comment le faire... J’ai donc entamé un procesus de « laboratoire », sur un mode que je connaissais déjà à l’Université. Cette méthode me permettait aussi d’apprendre en même temps. Il s’agissait d’abord de faire des opérations tests sur certains îlots de la ZAC Vigny-Musset, qui était en cours, en mettant de l’isolation par l’extérieur ou du solaire, puis de les évaluer avant de passer à des objectifs « performantiels » sur de Bonne. » Pierre Kermen L’aménagement de la ZAC de Bonne a fait l’objet d’une démarche HQE® « Haute Qualité Environnementale » au coeur de laquelle une approche spécifique sur la thématique de l’énergie a été développée en réponse à l’appel à projet européen « Concerto » qui exigeait des objectifs particulièrement poussés sur l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables. Le projet Concerto reposait en effet sur une approche intégrée de l’énergie à l’échelle d’un quartier visant le développement d’énergies renouvelables locales associé à des bâtiments très économes en énergie, le but étant de tendre vers des quartiers en «auto-suffisance énergétique». La sobriété énergétique et les énergies renouvelables ont été des objectifs novateurs de l’aménagement du quartier de Bonne. « Pour pouvoir emmener tout le monde, j’ai été obligé de rechercher une légitimité européenne et c’est Michel Gibert, de l’OPAC 38, qui me l’a suggérée avec Concerto. Les performances énergétiques imposées par ce programme euro- péen nous fixaient un autre horizon. Cette dimension européenne me convenait tout à fait. Je retrouvais d’ailleurs dans les villes européennes ce que je pressentais pour Grenoble, c’est-à-dire que faire la ville durable, c’est déjà faire du bon urbanisme, avec une programmation en phase avec les besoins des gens. »
3-1 La conception bioclimatique Les choix stratégiques d’implantation et d’orientation des bâtiments neufs ont été effectués en cohérence avec le tissu urbain et les caractéristiques naturelles du site. Ainsi il a été privilégié une ouverture des logements sur le parc urbain, au nord afin d’éviter les vues peu agréables des façades arrière des bâtiments des grands boulevards. Par ailleurs, les bâtiments les plus hauts sont exposés Est/ Ouest afin de permettre aux bâtiments existants au Sud de l’opération de bénéficier au maximum de lumière naturelle. Par ailleurs, le pôle commercial au nord est un édifice de faible hauteur avec des bâtiments qui sortent aux extrémités, afin de gêner le moins possible les riverains au Nord de l’opération. Le développement de l’architecture bioclimatique n’est pas aisé en zone déjà urbanisée, cependant, des études d’ensoleillement ont été établies afin de bénéficier des apports solaires.
3-2 La mise en œuvre d’une enveloppe performante En raison de l’application des règles parasismiques et de la hauteur souhaitée des bâtiments sur de Bonne, le mode constructif choisi est une structure béton armé avec isolation par l’extérieur, l’épaisseur d’isolant est de 15 à 20 cm en dessous d’un enduit mince ou bardage selon les projets. Le projet d’Edouard François innove même avec un revêtement de façade composé de lais de polyuréthane soudés sur place. Pour les baies, quelque soit le matériau choisi (bois ou PVC), les vitrages utilisés sont des vitrages peu émissifs à lame d’argon. Les menuiseries bois ont été privilégiées pour les projet de logements en accession. Un effort particulier a été fait pour la réduction des ponts thermiques concernant les liaisons des poutres sur garages, des balcons et des acrotères. Une variété de protections solaires, indispensables pour garantir un confort d’été sont proposées sur la ZAC de Bonne: casquettes de toiture, volets et persiennes coulissante ou filets de câbles pour végétation. La qualité d’isolation bâtiment (Ubat ) ainsi que de ses composantes ont été vérifiés.Le Ubât varie de 0.573 à 0,653.
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3-3 Le recours à des équipements efficaces
3-5 Des objectifs de consommation ambitieux
Outre la performance thermique de l’enveloppe, un soin particulier a été apporté à l’étanchéité à l’air (des tests avec porte soufflante seront effectués) et à la ventilation des bâtiments. La plupart des bâtiments ont un système de ventilation double-flux avec récupération de chaleur. Les bâtiments de logement de la première tranche ont un système de chauffage assuré par des mini-cogénération au gaz et par un appoint effectué par une chaudière gaz par îlot. Par ailleurs tous les bâtiments de logement (neuf, réhabilitation et hôtel) ont recours à des capteurs solaires pour assurer environ 40 % des besoins en eau chaude sanitaire (ECS). Les dispositifs de réduction des consommations pour l’ECS sont prévus (double chasse d’eau, réducteur de pression, diminution des distances de puisage, calorifugeage des tuyauteries pour le chauffage et l’ECS).. De même l’électricité sera réduite dans les communs par un éclairage naturel, des détecteurs de présence ou minuteries. Les matériels à faible consommation électrique ont été choisis (ascenseurs à vitesse variable et éclairage contrôlé, etc.) et un éclairage performant adapté à l’usage (éclairage basse consommation, tube fluo, ballast électronique, programmation). Les bureaux ont recours à un rafraîchissement par pompe à chaleur sur eau de nappe, comme le pôle commercial (une première en France pour une telle surface). Les performances écologiques de tous les bâtiments quelque soit leur usage ont été prises en compte dans la conception et la réalisation du quartier de Bonne. L’objectif final reste le confort des usagers, la baisse des consommations et un changement des pratiques de tous les acteurs pour lutter contre le réchauffement climatique.
Outre la performance thermique de l’enveloppe, un soin particulier a été apporté à l’étanchéité à l’air (des tests avec porte soufflante seront effectués) et à la ventilation des bâtiments. La plupart des bâtiments ont un système de ventilation double-flux avec récupération de chaleur. Les bâtiments de logement de la première tranche ont un système de chauffage assuré par des mini-cogénération au gaz et par un appoint effectué par une chaudière gaz par îlot. Par ailleurs tous les bâtiments de logement (neuf, réhabilitation et hôtel) ont recours à des capteurs solaires pour assurer environ 40 % des besoins en eau chaude sanitaire (ECS). Les dispositifs de réduction des consommations pour l’ECS sont prévus (double chasse d’eau, réducteur de pression, diminution des distances de puisage, calorifugeage des tuyauteries pour le chauffage et l’ECS).. De même l’électricité sera réduite dans les communs par un éclairage naturel, des détecteurs de présence ou minuteries. Les matériels à faible consommation électrique ont été choisis (ascenseurs à vitesse variable et éclairage contrôlé, etc.) et un éclairage performant adapté à l’usage (éclairage basse consommation, tube fluo, ballast électronique, programmation). Les bureaux ont recours à un rafraîchissement par pompe à chaleur sur eau de nappe, comme le pôle commercial (une première en France pour une telle surface). Les performances écologiques de tous les bâtiments quelque soit leur usage ont été prises en compte dans la conception et la réalisation du quartier de Bonne. L’objectif final reste le confort des usagers, la baisse des consommations et un changement des pratiques de tous les acteurs pour lutter contre le réchauffement climatique.
3-4 Des morphologies adaptées pour une meilleure performance énergétique des bâtiments Les choix stratégiques d’implantation et de morphologie générale du bâti ont été faits par le cabinet Devillers pour l’élaboration du plan masse. Ces choix apportent un ensemble de solutions aux problématiques posées par le projet d’urbanisme sur le site de la caserne de Bonne (nécessité d’y concevoir une trame urbaine en lien avec les quartiers environnants et insertion harmonieuse du projet dans son environnement immédiat). L’implantation des bâtiments favorise l’exposition au rayonnement solaire. Cela leur permet de bénéficier d’apports solaires passifs et d’avoir recours à l’énergie solaire pour le préchauffage de l’eau chaude sanitaire et pour la production d’électricité. Les protections vis-à-vis des vents dominants sont incarnées par la présence de bâtiments en périphérie de la parcelle, excepté à l’est. Le tènement de la Zac de Bonne est protégé sur ses limites sud par des bâtiments existants de hauteurs importantes (R+10), présents sur les îlots voisins. La conception des bâtiments, leur compacité, l’inertie, la performance des vitrages et des occultations, l’isolation par l’extérieur des parois opaques, le traitement des ponts thermiques, les systèmes techniques comme la ventilation double-flux, permettent d’assurer la performance énergétique exigée pour les opérations de constructions neuves sur la Zac de Bonne.
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3-6 L’immeuble «De Bonne énergie» Après avoir approfondi la question de l’efficacité énergétique des bâtiments de logements, la Ville de Grenoble et la SAGES ont piloté un projet expérimental et lancé un appel à candidature en vue de la réalisation d’un immeuble de bureaux à énergie positive. Un comité de pilotage composé d’experts du secteur s’est réuni de juin à décembre 2006 pour élaborer le cahier des charges de consultation. 4 candidats sur 15 ont été retenus et seuls deux parmi ces 4 ont remis une offre finale, les 2 autres ayant renoncé devant l’ampleur des exigences. Parmis eux, les architecte Jean Philippe Charon et Thierry Rampillon, fondateurs du cabinet CREON, remporte le concours. Cet immeuble de bureaux, connu sous le nom de Bonne Energie a obtenu des distinctions en matière d’architecture et il est à la fois un bâtiment signal pour le quartier, et un outil « pédagogique ». Le concept se décline atour « d’un bâtiment vivant, comme un arbre établissant un lien naturel et fondamental entre les éléments. » Le bâtiment à une consommation annuel de 56 kWhep/m2/ an Soit 26 kWhep/m2/an hors bureautique (30 kWhep/m2/ an). La bureautique ici fait dépasser l’objectif de consommation de 6kWhep/m2/ an par rapport à la RT 2012 fixée à 50kWhep/m2/an près de 6 ans avant sa mise en place. En plus d’une faible consommation, la centrale photovoltaïque située sur le toit produit 67kWhep/m²/an, de quoi subvenir au besoin en énergie de l’immeuble et même en revendre à la compagnie de Gaz et Electricité de Grenoble (GEG).
L’immeuble «De Bonne Energie puise dans la natppe souterraine pour rafrîchir l’interieur tandis que la centrale solaire installée sur l’espace commerciale l’allimente en energie.
3- 7 Énergies renouvelables locales Le projet Concerto est également basé sur le recours aux énergies renouvelables locales et la volonté de réaliser un quartier énergétiquement durable, c’est-à-dire de rendre le quartier au maximum producteur de l’énergie qu’il consomme. Sont ainsi développés à l’échelle du quartier près de 1000 m2 de panneaux solaires thermiques pour les immeubles de logements (environ 1.2 m2 de capteur /logement) afin de couvrir à 50% les besoins en eau chaude sanitaire. La production d’électricité locale est assurée par les deux centrales photovoltaïques développées sur le quartier : 1000 m2 en toiture de l’espace commercial et près de 400 m2 en toiture du bâtiment de bureau à énergie positive. Une partie de ces capteurs est visible car intégrée à une verrière du centre commercial. Le rafraîchissement pour les bureaux et le pôle commercial utilise les ressources de la nappe phréatique, proche et abondante, à partir de pompes à chaleur.
Énergies propres: dans un souci de diminution de la consommation d’énergies fossiles, les logements ont recours à des modules de cogénération, qui produisent électricité et chaleur à partir de gaz naturel, avec une performance supérieure à celle des chaudières gaz. La taille et l’usage de ces petites unités de cogénération existent très peu en France. Neuf modules de cogénération seront développés à l’échelle du quartier de Bonne afin de couvrir une grande partie des besoins en électricité et en chaleur des logements.
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4/ Évaluation des consommations et sensibilisation 4–1 Évaluation des consommations énergétiques
4 – 3 Limitation et valorisation de la production de déchets
Concernant l’opération de Bonne, la nécessité de l’évaluation a été fixée très tôt, notamment grâce aux exigences du programme concerto sur l’évaluation énergétique. Cette nécessité d’évaluation a été exigée par la ville de Grenoble et la SAGES qui souhaitaient tirer tous les enseignements de cette opération qu’ils ont voulue exemplaire lorsqu’elle a été lancée en 2001. L’évaluation des résultats des consommations des bâtiments, appelée monitoring énergétique découlait des impératifs fixés par le programme européen Concerto-Sesac. Elle devait être effectuée sur une période de deux ans minimum. Ainsi, les gestionnaires ont eu l’obligation de fournir les données mensuelles de consommation pour les différents usages pour lesquels des instruments de mesure ont été exigés (consommation pour le chauffage, l’eau chaude, l’électricité, production pour le solaire thermique et photovoltaïque). Ces données ont été collectées et analysées par l’ALEC. D’autre part, une analyse détaillée des consommations énergétiques sur un échantillon de 40 logements pendant un an après livraison des bâtiments a été réalisée par Enertech. Elle consistait à une analyse au pas de temps horaire de 10 minutes pour toutes les consommations de chauffage, d’eau chaude et d’électricité, y compris les usages domestiques. Ces éléments ont été rapprochés des conditions de température et d’hygrométrie du logement et les conditions atmosphériques extérieures. Un rapport complet est disponible par bâtiment, ainsi qu’une synthèse globale tirant les conclusions des expérimentations. Ces résultats ont été largement divulgués par voie de presse, malheureusement sans les explications précises nécessaires pour une bonne compréhension des résultats.
L’aménagement de la ZAC de Bonne se préoccupe de la question des déchets ; aussi, un effort particulièrement important a été fait concernant les déchets de chantier, à travers la cible chantier à faible nuisance, traitée de manière approfondie. Le chantier à faibles nuisances sur ce quartier concerne la maîtrise des nuisances de chantier et des consommations, la déconstruction sélective des bâtiments existants et la gestion sélective des déchets de chantier. Ainsi la SEM SAGES a mis en place des outils qu’elle développe déjà de manière systématique sur d’autres opérations d’aménagement. La déconstruction sélective avec tri des matériaux de l’ancienne caserne a permis de revaloriser 90 % des matériaux. Des concasseurs ont été mis en place, dont les horaires d’utilisation ont été imposés afin de gêner le moins possible les habitants proches (application de l’arrêté municipal relatif au bruit). La terre issue des fondations des bâtiments a été entreposée sur une partie du site afin d’être utilisée pour l’aménagement des espaces publics (voiries principalement). L’utilisation de 20 000 m3 de matériaux issus de la déconstruction a permis d’éviter de nombreuses rotations de camions (estimées à environ 10 000) venant enlever les matériaux et d’autres qui auraient été nécessaires pour amener du tout venant ou des graviers, notamment pour la réalisation des rues. Celles-ci ont d’ailleurs été revêtues d’enrobé dès le début du chantier et un arrosage du chantier a été organisé afin de limiter les poussières pour les riverains. Par ailleurs un débourbeur a été installé, passage obligatoire pour débarrasser les boues des roues des camions avant qu’ils ne repartent sur l’espace public. Au niveau de chaque chantier de bâtiment, la collecte sélective des déchets a été organisée, avec mise en place des bennes différenciées pour les déchets de chantier. Concernant les déchets ménagers, le projet respecte la politique de l’agglomération en matière de déchets avec une forte sensibilisation au tri sélectif et la valorisation de filière de recyclage notamment la réutilisation des déchets fatals comme combustibles pour le réseau de chaleur urbain. Lors de la dernière Biennale de l’Habitat Durable, des ateliers ont été mis en place afin de permettent aux habitants de découvrir les technique du compostage.
4 – 2 Sensibilisation des usagers
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A chaque étape du projet des actions ont été mises en œuvre afin que chaque acteur s’approprie les objectifs et les spécificités techniques des bâtiments respectueux de l’environnement. Les derniers acteurs devant s’approprier les enjeux de bâtiments HQE et économes en énergie sont les utilisateurs finaux. C’est pour cette raison que la Ville et la SEM organisent des réunions pour accueillir les nouveaux habitants au fur et à mesure de la livraison des bâtiments de la ZAC. Les principes d’aménagement de leur quartier, le fonctionnement de leur logements sont présentés en même temps qu’une sensibilisation aux comportements économes. Un livret d’accueil par l’aménageur ainsi qu’un livret spécifique au bâtiment (document exigés des promoteurs). ont été remis de manière systématique aux habitants.
4 – 4 Régulation de la consommation en eau Sur les espaces publics végétalisés, des essences locales s’adaptant à des périodes de sécheresse ont été choisies, et le système de gestion des espaces verts (gestion différenciée) permet de réduire entretien et arrosage grâce à certains dispositifs (comme le paillage par exemple). Les bassins et les jeux d’eau fonctionnent en circuit fermés et sont alimentés par l’eau de nappe. Au niveau des logements, les économies de consommation d’eau sont prévues par divers dispositifs qui vont de la conception des réseaux d’eau chaude (limitation des distances de puisage et calorifugeage afin d’éviter les consommation superflues) aux équipements préconisés (système à double-chasse d’eau pour les sanitaires, réduction de débit des mitigeurs et douches). Gestion intégrée des eaux pluviales et usées Le cycle de l’eau est une des thématiques environnementales prise en compte de manière approfondie dans l’aménagement du site de Bonne. Les objectifs d’aménagement ont visé à limiter l’imperméabilisation du sol et à définir une stratégie de gestion des eaux pluviales qui favorise leur écoulement en surface ou leur rétention avant de les restituer au plus près du milieu. La présence de la nappe phréatique à une profondeur variant dans une fourchette allant de 2.50 m à 3.50 m amène naturellement à envisager une gestion des eaux pluviales par infiltration dans la nappe. Une étude de la nappe phréatique a été réalisée par la SEM dans le but de connaître à la fois la capacité d’infiltration des eaux pluviales sur ce site de 8.5 hectares et les conséquences des parkings construits en sous-sol qui impactent la circulation de l’eau de nappe. Par ailleurs, ont été également analysés les impacts de l’utilisation de la nappe pour rafraîchir les bâtiments tertiaires et commerciaux.
Pour favoriser l’infiltration des eaux pluviales, le maximum de surface de pleine terre a été conservé. Cette surface occupe les 2/3 des coeurs d’îlots et les 3/5 de la surface du parc. De même, les plantations d’arbres le long de la chaussée apportent d’autres petites surfaces permettant l’infiltration des eaux de pluie. D’autre part, l’importance de la surface de toiture présente sur le projet donne accès à un volume d’eau propre annuel important. Afin de favoriser la capacité de rétention des eaux pluviales en toiture, et leur effet d’espace tampon, le projet développe les toitures végétalisées là où les espaces de toiture le permettent et pour les toitures visibles (espace commercial et école principalement). L’eau est également un élément qui a été privilégié dans les espaces publics. Dans l’aménagement des espaces publics centraux du quartier de Bonne, l’accent a été mis sur le renforcement de la présence de l’eau pour le confort visuel, l’agrément, les usages ludiques et le confort thermique d’été. La paysagiste retenue à l’issue du concours du parc urbain, J. Osty propose ainsi l’implantation de nombreux bassins au nord du jardin des vallons et deux bassins qui encadrent l’espace minéral de l’Esplanade A. Le Ray, également équipée de jets d’eau. Les essences des plantations ont également été choisies parmi les espèces adaptées au climat continental de Grenoble de manière à ne pas utiliser d’arrosage spécifique en dehors des quelques périodes de l’année qui le nécessitent.
L’aménagement de J.Osty allie esthétique, usage et respect de l’environnement
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5/ Biodiversité La question de la biodiversité à l’échelle du quartier est principalement traitée à travers la création d’espaces verts et de la végétalisation. Ce quartier est un des quartiers les plus verts de la ville, puisque 40 % de sa surface est aménagée en espace vert. Directement connecté à la trame verte de la ville, il offre une continuité verte qui assure le rôle de corridor dans une ville densément bâtie.
5–1 Parc écologique urbain
Lors du marché de définition, le projet lauréat de l’équipe Christian Devillers a notamment été choisi parce qu’il proposait un vaste espace vert central comme armature du projet urbain. Cet espace vert continu se greffe au parc Hoche existant, créant une continuité d’espaces verts, jusqu’au parc Paul Mistral et au grand paysage. Il participe ainsi au maintien de corridors biologiques à l’intérieur d’une agglomération fortement urbanisée. Par ailleurs, le projet lauréat était également le seul projet qui conservait les deux espaces libres de l’ancienne caserne (cour d’honneur et stade d’entrainement). Les arbres dont l’état sanitaire était satisfaisant ont été conservés. Dans le cahier des charges pour le concours de l’aménagement paysager de la caserne, remporté par J. Osty, des préconisations ont été effectuées en vue d’en faire un véritable parc écologique adapté à son environnement urbain. L’emprise au sol des bâtiments a été réduite afin de créer des cœurs d’îlots en pleine terre. Ainsi l’emprise des parkings des bâtiments en sous sol n’occupe pas la totalité de l’îlot, rendant possibles en pleine terre la diversité végétale (arbustes, arbres...) et l’infiltration des eaux pluviales.
5–2 Végétalisation La végétalisation est présente sur les bâtiments principalement sur les balcons et terrasses afin de filtrer les vues et de procurer une ombre nécessaire en été. Le végétalisation des toitures a également été favorisée. L’école Lucie Aubrac offre une toiture végétalisée, visible du deuxième niveau de l’équipement, ce qui en fait aussi un support pédagogique. Des arbres d’alignement sont plantés sur les voiries de desserte du quartier, faisant également office de filtre des vues, comme de l’air ambiant en fixant les poussières et particules émises par la circulation automobile. Ils participent également au confort d’été, par l’évaporation de l’eau qu’ils retiennent et sont des refuges pour les oiseaux . Les coeurs d’îlots situés au sud ont également étéconçus par des paysagistes sous forme de jardins à thèmes commun à plusieurs immeubles. Le projet d’aménagement de la ZAC de Bonne repose sur une forte présence du végétal pour le confort visuel, l’agrément, le confort thermique, l’amélioration de la qualité de l’air ambiant, pour l’infiltration des eaux pluviales et le maintien d’une biodiversité en ville.
Témoignage de Jacqueline Osty, Paysagiste: « Il faut d’abord souligner la spécificité de chaque lieu, ne pas la gommer par un aménagement uniforme, pour l’amener ensuite vers une transformation. La continuité se retrouve dans la géographie du site. Le fait d’apporter une fluidité dans les cheminements, de relier les espaces entre eux, est aussi un élément de continuité. Enfin, on retrouve dans les trois espaces une cohérence de matériaux qui montre qu’on est dans un même ensemble. On travaille alors sur des nuances de paysage. J’avais été frappée par toutes les pierres stockées sur le terrain après la dé- construction des bâtiments. Elles provenaient des couronnements, des encadrements de fenêtres, des pilastres, etc. Je me suis dit qu’il fallait en faire quelque chose. Je les ai réintégrées dans chacun des espaces sous forme de bancs, de rocailles ou de passe-pieds. Ce calcaire blanc, c’est un peu comme si la mémoire de la caserne était disséminée dans tout le site ».
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6/ Consultation et évaluation: 6-1 Association de la population et de la société civile : une tradition grenobloise
6-2 L’application au projet De Bonne
Ville pionnière en matière de démocratie locale, Grenoble continue par de nombreuses actions à renforcer le dialogue avec les Grenoblois et favoriser la participation du plus grand nombre à la vie locale. Parmi ces associations on retrouve les « Unions de Quartiers ». Ces associations loi 1901 rassemblent les habitants d’un quartier et ont pour objet de préserver et d’améliorer le cadre de vie et de défendre l’intérêt général des habitants tout en participant à l’animation du quartier (brocante, fête des voisins etc… Autre type de groupe consultés, Les 6 Conseils Consultatifs de Secteurs (CCS) mis en place par la Ville de Grenoble en 2002 ont un rôle de production d’avis et de proposition sur des projets dans le but de les améliorer en y intégrant les observations des habitants. Enfin, la « Charte de la participation citoyenne » est un texte approuvé par le Conseil Municipal en janvier 2009 qui sert d’outil pour régir les relations avec la population.
• Des groupes de réflexion entre différents acteurs (associations d’habitants, Conseil Général, professionnels de l’urbanisme, bailleurs sociaux) se sont formés et réunis à chaque étape importante de la réalisation.
Témoignage :Henri de Choudens Président de l’union de quartier Championnet-de Bonne-Condorcet de 2005 à 2010
Pour la ZAC de Bonne, La concertation et la participation se sont organisés tout au long du projet par différents modes:
• Des réunions spécifiques ont eu lieu avec unions de quartier concernées (Championnet-de Bonne-Condorcet). •Un groupe de travail école Lucie Aubrac (groupe de concertation spécifique pour la nouvelle école regroupant parent d’élèves, associations d’habitants et enseignants). • Nombreuses réunions publiques • Exposition permanente • Visites commentées au public de la caserne en phase diagnostic. En phase réalisation, de nombreuses visites ont également été organisées à destination de professionnels et de délégations venant d’autres collectivités (y compris à l’international). Aujourd’hui, ces visites ont été confiées à l’office du tourisme qui développe aussi cette offre pour les scolaires et pour tout groupe constitué (accueil d’habitants d’autres quartiers de la ville par exemple). • Organisation d’une fête interquartiers en partenariat avec l’Union de quartier Championnet-Bonne-Condorcet, la Ville de Grenoble, le CCAS, des habitants à titre personnel.
« Nous avons été associés dès le début du projet et nous avons été consultés à chaque étape. Nous avons ainsi participé, avec voix consultative, au choix du cabinet d’urbanisme qui a été retenu pour le marché de définition, ainsi qu’à celui de l’agence qui a réalisé les aménagements paysagers. Dans les deux cas, notre avis a coïncidé avec le choix des cabinets retenus. Cela étant, nos avis n’ont évidemment pas tous été suivis. Les principales divergences ont porté sur la densité des logements, que nous aurions souhaitée plus faible, et sur le nombre de places de parking ou de garages par appartement, qui nous a semblé insuffisant et générateur pour l’avenir de problèmes de stationnement. Nous avons aussi manifesté notre crainte devant le faible nombre de classes prévu pour l’école Lucie-Aubrac, voire pour la non- extension des capacités d’accueil de l’école maternelle et en crèche, compte tenu de l’augmentation importante des habitants dans le quartier. »
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On peut observer que la richesse du projet de la réhabilitation de la ZAC De Bonne se décline à travers des thèmes forts comme l’énergie, l’accessibilité ou la mixité, mais également à travers les moyens mis en oeuvres pour les appliquer. L’intégration au programme européen CONCERTO, l’association avec l’AMO HQE Terre ECO pour la maîtrise d’ouvrage ou encore la consultation toujours présente à chaque étape de la réalisation sont autant de valeurs ajoutées au projet qui en font aujourd’hui un lieu emblématique de l’aménagement urbain grenoblois. Nous verrons dans une troisième partie comment à partir d’ambition traduite en plan et en programme, la réalité peut s’envisager en termes d’usages, de fonctions et d’espaces.
« Ce qui me plait dans beaucoup dans cette inventure, c’est que nous avons juste essayé de faire un ‘‘Bon Urbanisme’’ » Christian Devillers, architecte urbaniste, lauréat du marché de définition du projet.
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III/ La Réalité
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1/ Réussite et exemplarité 1-1 Le premier Eco-Quartier français est récompensé
L’Eco Quartier De Bonne est la première opération de cette envergure sur le territoire national à être récompensée. Bien que pâtissant de sa dimension expérimentale, il obtient le label Eco Quartier à sa création en 2009 et le Grand Prix des Eco Quartiers. Cette valorisation est justifiée par le respect de la Charte des Eco Quartiers qui décline 20 engagements traduits en critères d’évaluation et indicateurs. Parmi eux : la sobriété énergétique qui se mesure par la moyenne de la consommation des bâtiments et la part de production des filières d’énergie renouvelable ou la valorisation des modes doux avec le nombre de places de parking par/hab et le % de surfaces qui ont accès au x transports en commun. Sur chacune des cibles, la ZAC De Bonne présente des résultats plus que satisfaisants.
1-2 Exemplarité Il est intéressant de noter que l’ambition initiale n’as jamais été de construire un Eco Quartier, le terme n’existait même pas à l’époque, mais plutôt, comme le disait Christian Devillers, de faire « un bon urbanisme ». Lorsque l’on se retourne vers les premiers enjeux et ambitions énoncés en 2001, ils sont étonnamment en résonance avec la Charte des Eco Quartier srédigée en 2009: Mettre en œuvre une démarche de haute qualité environnementale, favoriser l’activité et le commerce, contribuer à la diversité du logements… Si les premiers Eco Quartiers présents en Europe, notamment en Allemagne, ont largement inspiré le projet de la ZAC de Bonne, sa localisation centrale particulière et sa volonté d’ouverture sur l’existant en ont fait un projet exemplaire qui est aujourd’hui régulièrement visité par des délégations étrangères mais aussi présenté lors de rencontres nationales et internationales. A l’heure actuelle l’Eco Quartier est devenu une forme urbaine, si ce n’est commune, suivie et appréciée par les urbanistes et les habitants, qui sont de plus en plus sensibles aux questions du développement durable. Mais comme pour toute nouvelle forme urbaine, seul le temps nous permettra de juger de sa pertinence.
2/ L’acceptation du public grenoblois 2-1 Une fréquentation et une satisfaction visible
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Lorsque l’on questionne les grenoblois sur la «Caserne de Bonne »; bien qu’elle n’existe plus, le nom reste encré dans les esprits et prouve l’attachement au patrimoine et la réussite de sa valorisation; que se soit au niveau de l’intégration dans la ville ou la qualité de ses espaces publics. En effet, l’étude sociologique du cabinet ARGOS, commandée par la Ville et réalisée en 2011, 2012 et 2013 montre un taux de fréquentation des espaces publics toujours en hausse par les habitants mais aussi les grenoblois. Chaque été, l’esplanade Alain le Ray et ses jets d’eau rafraîchissent petits et grands durant les canicules souvent pesantes de la « cuvette ». Grenobloise. Le Jardin des Vallons est lui toute l’année fréquenté par les familles durant la journée et par les jeunes le soir. Ainsi l’aménagement propose des espaces publics différents (dans leur traitement, dans leur destination, etc.) mais complémentaires, qui permettent aux habitants de trouver, tout au long de l’année, des lieux de vie extérieurs pouvant toucher des personnes de profils différents. Malgré quelques débuts difficiles, les équipements publics présents sur le site sont eux aussi bien accueillis par le public grenoblois et notamment le cinéma d’art et essais Le Melies. Le directeur Bruno Thivilliers le dit lui même « Les débuts furent difficiles ; la fréquentation augmente de plus en plus mais les premiers mois, ça n’a pas été facile, on est passé de 50 000 à 150 000 spectateurs … » Aujourd’hui le cinéma accueille une librairie, un café très fréquenté et un lieu d’exposition .
2-2 Des équipements publics encore peut connus On note tout de même une faible fréquentation des équipements publics par les habitants : crèches, Centre de Loisirs enfance Famille. Ces équipements visaient une catégorie d’habitants, les familles avec des enfants en bas âge, nombreuses mais non dominantes sur le quartier. De plus ces équipements sont relativement récents et leurs services n’étaient peut être pas encore identifiés au moment de l’enquête (2013) . Il faudra un peu de temps pour que l’ensemble de ces équipements fonctionnent à leur pleine capacité. On peut tout de même remarquer que si seulement 5 habitants sur 66 interrogés ont dit avoir des enfants fréquenter le groupe scolaire Lucie Aubrac, ce dernier est aujourd’hui saturé et ne peut plus accueillir de nouveau élèves, ce qui est un peu gênant pour un établissement neuf. Enfin, le centre commercial reste l’espace sur lequel les avis sont les plus mitigés en terme de reconnaissance du public. Si sa fréquentation semble augmenter selon le directeur du centre commercial Mr Rolland, la fermeture de plusieurs enseignes un an seulement après ouverture et la présence d’enseignes nationales , perturbe un peu les usagers qui ne trouvent pas l’utilité d’un tel centre commercial à cet emplacement.
2-3 Une esthétique globale apprécié Pour finir, l’esthétique globale de la ZAC, séduit les habitants. Les premières craintes étaient que l’on recrée un quartier fermé comme Hoche composé uniquement de logements sociaux. Mais l’ouverture des îlots et le prolongement de la trame viaire offre une continuité urbaine appréciée. Les principales remarques portent sur le choix des couleurs de certains bâtiments ou l’utilisation du bois qui donne pour certain une impression de « pas-fini ». A l’inverse la réhabilitation très classique de la caserne et des anciennes écuries semble plaire aux passants qui trouvent un « bel hommage à l’histoire ».
3/ Des résultats à nuancer 3-1 Une mixité en demi-teinte Conformément à l’engagement 7 de la Charte des Eco-quartiers, l’un des principaux objectifs de ce type de projet est de favoriser la mixité sociale et intergénérationnelle. Dès la conception du quartier De Bonne, Pierre Kermen et l’équipe municipale ont cherché à répondre à cet objectif en réservant 40% des logements du quartier au parc public conventionné. D’autres équipements ou services ont également été créés pour faire vivre cette mixité : l’espace Convivi’âge, les jardins publics partagés. Ainsi, dans les faits, le bilan du quartier en matière de mixité sociale apparaît positif. Cependant, il faut nuancer cette analyse au regard des apports des travaux évaluatifs, notamment de ces deux dernières années. En effet, même si le rapport de 2011 a permis de constater une véritable pluralité des profils des habitants, les rapports suivants ont mis en évidence que ces différents groupes (habitants du public et du privé) cohabitaient paisiblement mais sans se rencontrer. Différents facteurs sont avancés pour expliquer ce phénomène : Tout d’abord, la relative homogénéité du profil des habitants au sein de chaque bâtiment semble ne pas jouer en la faveur de la mixité vécue. En effet chaque lot à été réalisé par un bailleur ou un promoteur privé ou public et développe des appartements soit à la location soit à l’achat. Ainsi on retrouve des profils types d’habitant au sein d’un même immeuble ce qui est à l’encontre des principes de mixité. Bien que plusieurs bâtiments s’organisent autour d’un cœur d’îlot paysagé collectif et ouvert sur le quartier, la mixité n’y est pas présente. Les jardins en cœur d’îlot ne permettent pas aux habitants des différents immeubles de se rencontrer et d’échanger. ils visent d’autres objectifs puisqu’ils cherchent plutôt à casser le vis-à- vis, à assurer une certaine quiétude, et sont à ce titre considérés comme contemplatifs. De même les immeubles n’abritent pas d’équipements favorisant la vie collective tels qu’une salle commune ou une buanderie collective par exemple. Enfin, les espaces en pieds d’immeubles ne semblent pas favoriser la rencontre. Il est intéressant de remarquer que le seul immeuble où les liens de voisinage semble être importants doit cela à son architecture et notamment aux coursives qui favorisent les rencontres: « On est obligé de vivre dehors donc on croise du monde et donc on se connaît et une vie s’est ainsi mise en place. Mais cela n’est le cas que sur notre étage, sinon dans l’immeuble on pas plus de relation que ça. » explique un habitant du Pallium de l’Architecte Edouard Francois pour le bailleurs social Opac 38. Dans l’immeuble « Le Connestable » la vie d’immeuble est organisé et favorise par la présence d’un gardien qui connait tout les habitants de l’immeuble et qui veille à la bonne utilisation des règles notamment au niveau des parties communes comme le coeur d’ilot, ce qui évite les tensions. Parfois le lien de voisinage s’organise « malheureusement »autour d’un dysfonctionnement technique commun à plusieurs habitants qui les faits se rencontrer et échanger… Ainsi, quand on observe l’éco-quartier De Bonne à l’échelle du quartier, la mixité sociale apparaît forte et riche, d’autant qu’elle est renforcée par la diversité des activités, des espaces, etc. Le mélange semble être la norme. Cependant, quand l’analyse se fait au niveau de l’ilot et de l’immeuble, la mixité sociale apparaît plus limitée voire inexistante . Par ailleurs, selon leurs dires, les habitants «voisinent », sans véritables échanges entre eux. Les questions se pose alors: Doit on se contenter d’une mixité sociale de voisinage? Faut il et comment activer la mixité vécue? Car oui la mixité ne se décrète pas, la mixité ne peut se satisfaire de données chiffrées mais doit également intégrer une dimension vécue. Dans le cadre d’un futur projet, il semblerait donc nécessaire d’envisager d’autres formes de mixité notamment au niveau des logements au sein des mêmes immeubles, par exemple en intégrant des logements sociaux dans des immeubles de propriétaires privés comme cela a pu être fait dans des opérations plus ressentes, des logements modulaires ou des projets coopératifs s’inspirant du modèle du Village Vertical de Villeurbanne par exemple qui parait en adéquation avec le cadre de l’EcoQuartier De Bonne... Tout cela dans le but de favoriser, toujours plus, la mixité.
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Encore une fois la dimension expérimentale et la relative jeunesse du projet explique le retard encore marqué en matière de lien social. Il faut tout fois envisager la dimension aléatoire et fortuite de l’apparition de lien social dans une opération de cette envergure. Sans tomber dans la caricature on peut de affirmer que la vie de quartier n’intéresserait somme toute que peu d’habitants, ce n’est pas un objectif partagé par tous. On notera la phrase de cet habitant: « la vie de quartier, je m’en fous ; j’ai pas cette vision grégaire, ça ne m’intéresse pas ». ou de celui çi: « chacun est pris par son quotidien et ses obligations : travail, activités, etc. et donc ne s’inscrit pas dans la vie du quartier, l’appartement n’est qu’un lit. Le week-end par contre, on prend le temps, on sort avec les enfants et là on voit souvent les mêmes personnes, là on peut parler de vie de quartier ». Au delà de mettre en place une distribution des appartement encore plus fine au sein des ilots, peut on imaginer que les habitants puissent être choisi en fonction de leur volonté d’intégration et leur inclinaison à l’échange entre voisins ? Mettre en place dès la conception et durant tout le processus du projet d’une approche participative impliquant les habitants serait un bon moyen de préparer le terrains de la futur cohabitation.
3-2 Le commerce Dans les études et entretiens il ressort très régulièrement le manque de commerces de proximité. Cela s’explique par la volonté des aménageurs de ne pas faire de l’ombre aux commerçants des quartiers voisins notamment celui de Championnet qui rassemble boulangerie, presse, laverie, mais aussi petits restaurants locaux et boutiques de créateur. L’offre commerçante présente sur la ZAC doit venir en complémentarité de l’existante, tout comme le quartier se veut ouvert sur l’existant, en favorisant les circulations douces et la proximité des transports en commun. Cependant il est peut être trop optimiste encore aujourd’hui d’imaginer l’habitant faire plus de 300m pour aller acheter du pain, des cigarettes ou même faire le marché (présent à Hoche). Le pire semble être que ces manques énoncés par les habitants sont parfois non justifiée lorsqu’on voit que la boulangerie locale l’Epeautre a du fermer ses portes du fait d’un manque de clientèle, laissant le monopole à la chaîne Paul… Les critiques des habitants vis à vis du centre commercial sont plus vives car l’offre commerciale n’est pas en adéquation avec les attentes des usagers. Les restaurants sont des chaînes type Subway ou un restaurant japonais tout comme les magasins de prêt à porter qui sont eux aussi des grandes chaînes. Ceci peu s’expliquer par le fait que la qualité du bâtiment (halle bioclimatique en bois, système constructif innovant) et son emplacement stratégique impose des loyers relativement élevés pour accueillir des commerces plus modestes… Ainsi les habitant trouvent que l’offre commerciale existante ne joue pas son rôle de développement du lien social . Elle n’a donc pas su développer une identité qui lui soit propre et à même de renforcer la dimension vécue de la mixité sociale . On peut tout de même imaginer qu’une consultation plus poussée lors de la définition de l’offre commerciale aurait permis d’éviter cette erreur. A noter néanmoins que l’installation récente de Décathlon couplée avec la montée en charge du Vieux Campeur (magasin cher au public montagnard grenoblois) tendent à spécialiser le centre commercial autour d’un pôle sport/montagne qui légitimerait la place de celui ci au centre ville. Devant un tel constat on peut se poser la question de comment géré l’écart entre l’ambition et la volonté politique d’un quartier ouvert sur la ville qui ne ferait pas d’ombre au commerces existants tout en élargissant l’offre du centre ville et la réponse des habitants qui semble manquer de service de proximité? Quelles sont les moyens pour concilier les envies et/ou besoin des habitants sans que cela se joue au détriments des activités existantes? Faut il privilégier la continuité ou la spécialisation en matière d’implantation commerciale? Autant de piste d’analyse du projet De Bonne qui peuvent servir d’exemple pour de futur projets.
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3-3 L’éco construction et les comportements durables La ZAC de Bonne se veut exemplaire en matière d’éco-construction et notamment au niveau de la consommation d’énergie. Cet objectif a entraîné la mise en œuvre de nombreuses recherches sur les systèmes de construction innovants permettant de réguler au mieux la consommation des bâtiments. Parmi ces systèmes les centrales de cogénération, la ventilation double flux ou plus simplement les robinets thermostatiques mis en place dans chaque bâtiments et logements. Mais comme souvent lors des discussions sur l’utilisation de ces systèmes novateurs, on constate une incompréhension par les habitants de leur fonctionnement. Une femme a détourné l’arrosage le long de son balcon qui servait à arroser la façade végétalisée: « ça ramène plein de bestioles, ça fait dégueulasse ». Une autre ne voit pas l’intérêt de l’interrupteur servant à éteindre les LED des veilleuses de ses appareils électroniques qui coupe alors son téléphone et sa connexion internet. Le système le plus critiqué est la ventilation double flux qui véhicule, pour certain, odeurs et bruits et qui se retrouve obstruée volontairement par l’usager. Il va sans dire que ce type de comportement à des conséquences sur la consommation en énergie du bâtiment… de même la température envisagée à 19° qui dépasse souvent les 21° dans les logements, entraîne une surchauffe du bâtiment qui est du fait de sa conception très isolé de l’extérieur et imperméable à l’air. Certains de ces problèmes viennent du fait que le projet De Bonne n’était encore qu’une expérimentation en matière d’éco-construction et que l’installation n’a pas toujours était bien réalisée ou que la maintenance n’est pas assurée faute de techniciens qualifiés. Ces malfaçons ont été à l’origine de bien des conflits entre habitants bailleurs et constructeurs durant les premières années de livraisons des appartements. En conséquence, à l’avenir il serait sans doute utile d’améliorer la prise en compte des usages des habitants afin d’améliorer la compréhension et l’adhésion de ceux-ci aux éco-équipements. Une meilleure approche des techniques nouvelles, par les usages, de la part des concepteurs apparaît donc un gage d’efficacité des technologies mises en place. De plus il est primordial que les différents acteurs de la construction soient formés et fassent le lien entre la technique et l’habitant afin d’éviter tout mauvaise utilisation. Mais malgré cela , avec l’expérience et le recul, la population semble accepter ces petits désagréments au regard des nombreux avantages reconnus par tous : la très bonne isolation extérieure, et entre appartements, mais aussi la réduction significative des charges. Au delà des désordres techniques, le comportement des habitants au sein de l’Eco Quartier de Bonne est un point intéressant à étudier. En effet bien qu’ils en soient très heureux maintenant, très peu d’habitants ont choisi d’emménager sur la ZAC par aspiration écologique si ce n’est principalement pour la proximité du centre. Ainsi se pose la question : est ce qu’habiter un EcoQuartier nous rend plus écolo ? A travers l’étude d’Argos on peut noter que les habitants sont plus sensibles de manière générale à l’environnement, même si la plupart l’était déjà avant de venir habiter leur logement. Par exemple, une utilisation plus rationnelle de l’eau, un tri systématique des déchets, une réduction des consommations en énergie, mais surtout, en matière de déplacement durable. Du fait de la très bonne connexion au réseaux de transport en commun et aux pistes cyclables, l’accès à l’auto partage, la facilité de stockage de vélos ainsi que la proximité du centre entraîne la plupart des usagers à se servir plus souvent des modes de déplacements doux jusqu’à même vendre leur voiture: « de toute façon on ne trouvait pas de place pour la garer » précise un habitant de l’ancienne caserne.
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En conclusion...
La problématique initiale était: Projet Urbain: Peut on maîtriser l’écart en ambition et réalité? D’une certaine façon ce projet de la ZAC De Bonne de Grenoble est considéré comme réussi, du fait de son acceptation par le public, son insertion fluide dans la ville et ses résultats en matière de consommation énergétique. Apprécié pour la diversité de ses fonctions et usages, ce bout de ville est aujourd’hui considéré comme un quartier attractif. Ainsi, quelques réponses à cette problématique se trouvent au travers de l’étude de ce projet. Tout d’abord l’importance du portage politique semble être un des atouts fort de la réussite d’un projet urbain. Grâce a un contexte politique favorable, le développement de ce projet urbain s’est fait à partir des ambitions définies et défendues par des élus engagés, le tout en phase avec la réalité de la ville. L’adhésion à un programme européen tel que le programme CONCERTO a permis de donner une légitimité à l’opération notamment en matière de construction durable. La concertation faisant participer de nombreux groupes de réflexion composés d’acteurs variés selon les projets (associations d’habitants, CCI, Conseil général, professionnels de l’urbanisme, bailleurs sociaux, ou pour l’école : parents d’élèves, enseignants, associations d’habitants...) a permis d’affiner la réalisation pour être au plus proche des attentes. La formation des bailleurs et la sensibilisation des habitants sont également des facteurs essentiels pour le bon fonctionnement des équipements mis en place. Enfin l’évaluation des performances énergétiques couplé d’une analyse sociologique poussée et réitérée chaque année permettent de régler les dysfonctionnements techniques et les conflits d’usages tout en servant de laboratoire et d’exemple pour de futurs projets. Les quelques points négatifs observés, tel que la mixité, le commerce ou l’éco-construstion, sont des pistes de réflexions sur la nature de l’écart entre ambition et réalité. Ils émanent souvent d’un manque de consultation ou de mise en relation des acteurs du projet comme par exemple au niveau du champ commercial. Parfois les résultats se font attendre notamment au niveau du lien social de par son caractère évolutif et impossible à décréter. Il peut cependant être mieux mis en œuvre par une distribution plus fine des logements pour favoriser la mixité sociale mais aussi activé par les équipements publics. Enfin l’exemplarité en matière d’éco-construction a tendance à prendre le pas sur les usages qu’elle génère ce qui la discrédite…La formation des usagers ainsi que l’évaluation des équipements peuvent être un moyen de pallier à ce décalage. Sur l’ensemble de l’étude du projet de la ZAC De Bonne on peut clairement noter des méthodes et principes applicable à l’ensemble des projets urbains. Les principaux éléments observés qui permettant de maitriser l’écart entre ambition et réalité sont la gouvernance et la concertation lors de la conception et la réalisation ainsi que la formation des acteurs et l’évaluation globale du projet lors de l’appropriation par les usagers.
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Sigles AMO Assistant à la maîtrise d’ouvrage
CCI Chambre du Commerce et de l’Industrie
HQE Haute qualité environnementale
PLU Plan Local d’urbanisme
SEM Société d’économie mixte
ZAC Zone d’aménagement concerté
Bibliographie et Sources: Dossier de labellisation EcoQuartier/ LOAD de la ZAC de Bonne mise à jour 2013
La Caserne de Bonne à Grenoble: L’exemple emblématique d’un développement durable à la Française Jacotte Bobroff- PUCA
H.Q.E Rudy Riciotti - Le Gac Press
Mission d’évaluation externe du quartier De Bonne – Année 3 ARGOS
Rapport de campagne de mesure Enertech
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