DICTATURE DU GROUPE

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LA DICTATURE DU GROUPE Par Ahmed JEBRANE


LES MOUTONS DE PANURGE "Jadis, le moi se cachait dans le troupeau ; à présent, le troupeau se cache encore au fond du moi." Friedrich Nietzsche

En groupe, les individus peuvent être influencés par leurs pairs pour prendre certaines décisions ou afficher certains comportements sur une base beaucoup plus émotionnelle, plutôt que rationnelle. Lorsque des individus réfléchissent dans un contexte de mentalité de foule, ils peuvent prendre des décisions différentes de celles qu'ils auraient eu individuellement. Les psychologues sociaux étudient les sujets connexes de l'intelligence de groupe, de la sagesse des foules , de la pensée de groupe, de la désindividuation et de la prise de décision décentralisée. Le concept de l’esprit de groupe ou de comportement de foule, a été étudié pour la première fois par les psychologues sociaux du XIXe siècle Gabriel Tarde et Gustave Le Bon. Le livre Instincts of the Herd in Peace and War de Wilfred Trotter est un classique dans le domaine de la psychologie sociale. En marge des études sur le comportement des meutes dans la société humaine par Sigmund Freud, le livre intitulé The Theory of the Leisure Class, du sociologue et économiste Thorstein Veblen , met en relief comment les individus, essaient d’imiter d'autres membres de groupes de statut social plus élevé dans leur comportement de consommation. De nos jours, cette tendance est devenue plus pandémique avec les articles de luxe imitation made in China. Plus récemment, Malcolm Gladwell dans son ouvrage le point de bascule, examine comment les facteurs culturels, sociaux et économiques influent et finissent par créer des tendances dans le comportement des consommateurs. L’aspect financier du marketing comportemental tente d'identifier et de prédire le comportement rationnel et irrationnel des investisseurs. Poussés par des réactions émotionnelles telles que la cupidité et la


peur , on peut voir ces derniers procéder à des achats et des ventes frénétiques d'actions, créant des bulles et des crashs. En conséquence, le comportement des troupeaux est étudié de près par les experts en finance comportementale, afin d'aider à prédire les futures crises économiques. Le théorème du jury de Condorcet est un théorème de science politique sur la probabilité relative d'un groupe donné d'individus d'arriver à une décision correcte. Pionnière au XVIIIe siècle par Nicolas de Condorcet et Jean-Charles de Borda et au XIXe siècle par Charles Dodgson (également connu sous le nom de Lewis Carroll), la théorie du choix social prend son envol au XXe siècle avec les travaux de Kenneth Arrow, Amartya Sen, et Duncan Black. Son influence s'étend à l'économie, aux sciences politiques, à la philosophie, aux mathématiques et, récemment, à l'informatique et à la biologie. En plus de contribuer à notre compréhension des procédures de décision collective, la théorie du choix social a des applications dans les domaines de la conception institutionnelle, de l'économie du bien-être et de l'épistémologie sociale. Les deux savants les plus souvent associés au développement de la théorie du choix social sont le Français Nicolas de Condorcet (1743–1794) et l'Américain Kenneth Arrow (né en 1921). Condorcet était un penseur libéral à l'époque de la Révolution française, poursuivi par les autorités révolutionnaires pour les avoir critiqués. Après une période de clandestinité, il a finalement été arrêté, mais apparemment pas immédiatement identifié, et il est mort en prison. Dans son Essai sur l'application de l'analyse à la probabilité des décisions majoritaires (1785), il préconisa un système de vote particulier, le vote à la majorité par paires, et présenta ses deux idées les plus marquantes. Le premier, connu sous le nom de théorème du jury de Condorcet, est que si chaque membre d'un jury a une chance égale et indépendante, meilleure que aléatoire, mais pire que parfaite, de porter un jugement correct sur la culpabilité d'un accusé (ou sur une autre proposition factuelle), la majorité des jurés est plus probablement correcte que chaque juré, et la probabilité d'un


jugement majoritaire correct se rapproche de 1 à mesure que la taille du jury augmente. Ainsi, dans certaines conditions, la règle de la majorité est bonne pour «rechercher la vérité». Le deuxième aperçu de Condorcet, souvent appelé le paradoxe de Condorcet , est l'observation que les préférences de la majorité peuvent être «irrationnelles» même lorsque les préférences individuelles sont «rationnelles». Condorcet a anticipé un thème clé de la théorie moderne du choix social: la règle de la majorité est à la fois une méthode plausible de prise de décision collective et pourtant sujette à des problèmes surprenants. Résoudre ou contourner ces problèmes reste l'une des préoccupations fondamentales de la théorie du choix social. En basculant en mode Pandémie , la meute a été plongée dans un abysse psychotique d’injonctions paradoxales qui loin de l’État de droit et pire, de la démocratie, placée sur le banc des accusés tout comme l’esprit critique. Renvoyés à nos responsabilités individuelles face à nos écrans loin de toute responsabilité collective envisageable, nous avons assuré ce que nous avons cru être une continuité, mais qui a surtout été une accélération du capitalisme numérique de notre société. Nous avons accepté le distanciel et donc de mettre fin au fur et à mesure des liens forts qui ont toujours tissé notre collectif social si important. La pandémie a été pour le pouvoir une opportunité pour son projet de disloquer la société afin de mieux ancrer sa souveraineté. En mode Pandémie, la démocratie devient contestable; Les collectifs éventrés par des modes de gouvernance autoritaires, à l’image des mesures dites sanitaires qui tiennent surtout des dispositifs sécuritaires que de mesures de santé publique. L’alliance du virus et du numérique s’est révélée un cocktail où l’État de droit, plongé dans un État d’exception pandémique permanent, ne risque rien de moins que de disparaître. Plusieurs enytreprises technologiques à vocation securitaire, ont brusquement changer de cap pôur pivoter vers un nouvel impératif, celui de la traque des personnes infectées, un creneau encore plus rentable que la lutte contre le terrorisme. Des logiciels de suivi de contacts et traçage ont été développés pour freiner la course du virus.


Dans le ciel de certains Etats, des drones futuristes veillent à faire respecter le confinement, laissant aux caméras urbaines le soin de s'assurer du port du masque et du respect de la distanciation sociale. La crise sanitaire a mis au jour une crainte générale vis à vis d’une surveillance dite de masse derrière laquelle on note plutôt d’une massification de la surveillance L'épidémie de coronavirus présente une série de nouveaux défis pour la démocratie et les droits de l'homme. Les régimes répressifs ont répondu à la pandémie de manière à servir leurs intérêts politiques, souvent au détriment de la santé publique et des libertés fondamentales. Même les sociétés ouvertes font face à des pressions pour accepter des restrictions qui peuvent survivre à la crise et avoir un effet durable sur la liberté. Les dispositions d'urgence telles que celles mises en place dans de nombreux pays pendant la crise actuelle du Covid 19, permettent aux États de limiter temporairement les libertés personnelles et les freins et contrepoids pour réagir efficacement dans les situations de crise. Cependant, des recherches montrent que certains dirigeants abusent de ces outils pour favoriser une autocratisation plus permanente en imposant des mesures disproportionnées par rapport à la gravité des crises et en maintenant des dispositions d'urgence en place une fois même que la situation factuelle s'améliore. Aujourd'hui, les démocraties sont confrontées à une contagion mondiale réelle qui a mis à nu des problèmes et des conditions qui n'ont pas été traités et qui menacent la santé à long terme de la démocratie elle-même. Tout comme les corps humains, le Covid-19 exploite les faiblesses de longue date des sociétés et des systèmes de gouvernance et menace d'aggraver les inégalités existantes. Les efforts déployés pour contenir le virus, soigner ses victimes et faire face aux retombées économiques ne mettront pas seulement à l'épreuve les capacités des systèmes de santé et des systèmes économiques à répondre aux demandes du public et à tenir leurs promesses. Elle générera également nécessairement de nouvelles idées et approches pour assurer la santé publique et la sécurité économique pour tous. Partout dans le monde, les croyances et les


pratiques des sociétés et institutions démocratiques ne sont pas seulement remises en question, mais à partir de cette expérience, repensées et transformées. Comme disait Nietzsche, qui se sait profond s'efforce à la clarté, qui veut paraître profond aux yeux de la foule s'efforce à l'obscurité. Car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut voir le fond : elle a si peur de se noyer. Le lien entre le progrès technologique et la démocratisation a toujours été une hypothèse puissante dans la pensée populaire, avec une croyance largement répandue dans le monde politique selon laquelle Internet constituerait la véritable menace pour déstabiliser tout régime autoritaire. Cette sagesse conventionnelle sur la démocratie a des racines plus profondes s'inspirant de la forte culture libertaire qui prévalait parmi les premiers utilisateurs d'Internet, et notamment dans la «Déclaration de l'indépendance du cyberespace» de John Perry Barlow. Dans cette déclaration, prononcée lors du Forum économique mondial en 1996, il a déclaré que l'espace social mondial que nous construisons est naturellement indépendant des tyrannies que les gouvernements cherchent à nous imposer. Jaron Lanier, chercheur en informatique est considéré comme l'un des pionniers de la réalité virtuelle, connu pour ses analyses de l'utilisation d'internet, sa critique virulente du concept de la sagesse des foules. Il décrit John Barlow, le Maire de l’internet, Fondateur de l’Electronic Frontier Foundation, Prophète du numérique avec sa fameuse déclaration d'indépendance du cyberespace de 1996, comme un ami avec qui il est en complet désaccord sur les notions de liberté de l’information ou d’indépendance du cyberespace. Jaron Lanier s’est intéressé aussi à la manière dont les seigneurs des réseaux se vautrent de données personnelles d'internautes et en tirent des gains financiers en échange de services gratuits. Lanier appelle ces entreprises les serveurs sirènes, faisant allusion aux chants des sirènes d'Ulysse. Sa thèse sur la sagesse des foules se résume en le fait que ces dernières ne sont pas souvent plus intelligentes que les individus ; l’agrégation évacue les pensées difficiles au profit des idées plaisantes, dépersonnalise tout et crée une illusion dangereuse, celle


d’avoir affaire à une « intelligence collective » qui est souvent une médiocrité collective valorisée. Selon Lanier, la confiance aveugle dans la « sagesse des foules » pourrait produire des désastres et des nouveaux fascismes. Facebook et ses concurrents poussent les individus vers un esprit de ruche, qui affaiblit les singularités humaines les plus basiques du monde social, en mettant au jour une société d’utilisateurs progressivement abêtis au point de devenir finalement comparables à des gadgets électroniques dans un monde où les ordinateurs seront devenus intelligents. Un tel état de choses nous projette vers la prophétie nietzschéenne du Dernier Homme annoncée au début de l’ouvrage Ainsi parlait Zarathoustra, qui décrit une humanité affaiblie, affadie et résignée. Jamais l’homme n’a été aussi petit. Jamais il n’a été entouré, habité, préoccupé par d’aussi petites choses. Cette rengaine nous est connue. C’est un microcosme de petites choses qui caractérise une heureuse modernité, où l’homme d’aujourd’hui, le “ dernier homme ” a inventé le bonheur , non seulement un bonheur à sa mesure, mais son bonheur comme mesure de toutes choses. Le dernier homme a perdu le sens de la contemplation de l’admirable, car il juge que rien ne saurait se substituer à sa grandeur. L’homme moderne est l’homme de Protagoras, à la mesure de toutes choses; pour celles qui sont, mesure de son être ; pour celles qui ne sont pas, mesure de son non être; Il est petit parce qu’il est trop humain. Nietzsche fut le premier penseur de l'homme unidimensionnel et le meilleur analyste de phénomènes contemporains comme la tyrannie de la majorité, l'uniformisation des opinions, la haine de l'inégale beauté ou encore l'illusion que le nombre fait la force. Si Aristote suggérait que la multitude est meilleur juge, je me rappelle une phrase de l’humoriste Pierre Desproges qui disait que lorsque des hommes sont réunis, leur intelligence ne s'additionne pas, mais elle se divise. Alors réfléchissons à ce que peuvent faire ces réseaux dits sociaux s’ils sont manipulés par une puissance quelconque... Si l’on tient compte du théorème de l’humoriste, alors on est en pleine ligne droite vers un abêtissement total et collectif par multi division de notre intelligence. Incapable de s'auto-organiser, la foule a besoin d'un


meneur. Or le meneur type est soit un rhéteur soit un apôtre. Dans le cas des nouvelles technologies de l’information, on est bel et bien en présence des apôtres numériques du réseau. Les adeptes de la sagesse conventionnelle et naïve de foule, considèrent Internet comme un moyen pouvant provoquer la chute des régimes autoritaires, mais les mécanismes par lesquels cela pourrait se produire sont rarement précisés et écrits nulle part. Au lieu de cela, les hypothèses populaires reposent souvent sur des preuves sporadiques, de protestation politique facilitée par Internet (Printemps arabe, gilets jaunes ou autres…), faites sans tenir compte du contexte national complet dans lequel Internet fonctionne dans un pays donné, sachant que cet outil n'est pas intrinsèquement libre de tout contrôle gouvernemental, en particulier dans les pays où les gouvernements sont responsables de son développement depuis le début et qui restent les réels meneurs de l’échiquier politique international et les vrais Maitres de Cérémonie. Le reste, ne sont plus que de simples pions manipulables et interchangeables. Finalement il faut vraiment avoir à l'égard des masses le même cynisme que la nature : elles conservent l'espèce. La mobilisation numérique des foules permet d’interagir plus facilement avec un grand nombre de personnes à large échelle, et la volonté d’agir est bien présente sachant qu’on est encore dans un monde virtuel, manipulé par de grandes forces invisibles et balayé par un vent de révoltes dans le sens souhaité pour leurs intérêts déstabilisateurs. Selon la Psychologie des Foules de Gustave Le Bon, l'individu se trouve altéré par le groupe, en se soumettant à l’inconscient de la meute, il régresse vers un stade primaire de son propre subconscient. Dans ce jeu de Mastermind entre l’individu et les maîtres des réseaux, il est anecdotique de lire que ces mêmes réseaux sociaux ont d’une manière ou d’une autre pu permettre à des mouvements démocratiques de s'exprimer. Certes un militantisme de canapé, slacktivisme, ou militantisme du clic est né avec ces technologies, supposé se mettre virtuellement au service de la démocratie, mais a-t-il réellement l’utilité qu’on lui accorde ?


N’impliquant aucun un investissement fort, comme d’aller manifester dans la rue, il est resté néanmoins une manière comme une autre de militer. Il permettrait notamment de donner de la visibilité à une cause qui n’aurait jamais obtenu autant d’audience grâce aux outils « j’aime » et « partager » des réseaux sociaux, lesquels sont devenus un vecteur d’inclusion pour les personnes en marge du débat public. Les dernières grandes mobilisations sociétales ont d’abord eu une existence en ligne ; popularisées via ce slacktivisme ; N'importe quel citoyen désormais peut faire entendre sa voix sur Twitter mais aussi avec des pétitions en ligne. Les réseaux sociaux ont par exemple joué un grand rôle dans le Printemps Arabe en accentuant la diffusion et la propagation du mouvement (En gardant en mémoire le véritable catalyseur politique du mouvement…). Signer une pétition en ligne ou liker une page sur Facebook donne bonne conscience, mais ne change pas fondamentalement le monde. Car si chaque pion a un rôle précis sur l’échiquier, de la tour au fou en passant par le cavalier, néanmoins ce n’est pas eux les véritables meneurs du jeu. Ils ne bougent qu’après réflexion du joueur : l’Apôtre. L’effet le plus intéressant de ce militantisme en ligne, reste la « boule de neige », instinct grégaire accordé au slacktivisme et qui reste non négligeable. Certes, le monde ne connaîtra pas de révolution d’octobre par le cyber militantisme d’un Lénine de temps moderne, ou d’une destruction de mur de Berlin faute d’un Gorbatchev virtuel, mais le militantisme de canapé remplit bien son contrat pour d’attirer l’attention, informer, sensibiliser et conscientiser une large part de la population selon un schéma politique étudié et tracé par des forces invisibles. Pour revenir au printemps arabe, les blogueurs de cette partie du monde sont tout particulièrement ciblés pour constituer un rempart contre l’islamisme radical et le terrorisme. Ce « Internet Moment » dans la politique étrangère de certains pays a pour vocation d’édifier une société civile globale 2.0, en réactualisant la doctrine du free flow of information consacrant le droit à la libre circulation de l’information contre toutes les censures (à l’exception, évidemment, des leaks


révélant leurs propres agissements). Certains gouvernements peuvent permettre donc, au nom d’un combat pour la democratic marketplace, d’équiper, de financer et de former les cyberdissidents à contourner les mesures de censure ou de blackout, notamment lors des périodes de révoltes sociales de grande ampleur, uniquement pour leur propre intérêt. Finalement la Toile n’est ni une cause suffisante ou nécessaire à la protestation sociale, mais surtout, Internet est un outil utile aux dynamiques oppressives et de perturbation de l’ordre social, une sorte de jeux ou les scripts ne sont pas connus d’avance par les acteurs, mais en perpétuel changement selon l’intérêt du metteur en scène. Les mouvements slacktivistes sont toujours restés dans l’ensemble, des mouvements décentralisés, sans réel leadership établi sur le terrain, qui agrège de nombreuses initiatives locales et dont l’efficacité tient pour partie au maintien d’une communauté d’action qui ne se réduit pas à un « hashtag activism », mais s’appuie sur Internet, pour fédérer des participants géographiquement disséminés, des participants périphériques, compagnons de route numériques notamment utiles, de par leur nombre, pour construire des repères communs (revendications, stratégies, tactiques, etc.), et à l’accroissement de la portée des messages de protestation et des volontés éparses qui les traversent.. La technologie dans le cadre d’une gouvernance quelconque peut améliorer ou miner la démocratie selon la manière dont elle est utilisée et qui la contrôle. Sachant qu’un état de cyber guerre mondiale existe déjà et persistera probablement au cours de la prochaine décennie, car l'oligopole des entreprises technologiques soutenues par l'État, que ce soit aux États-Unis ou en Chine, sera difficile à briser. S’il est banal de faire la différence entre un Google et un Alibaba, tous deux restent fortement soutenus par leurs gouvernements respectifs. Notre croyance collective en la sagesse des foules est partout ces jours-ci. Des démocraties qui dirigent nos villes, États et pays aux sites comme Kickstarter et Reddit où nous votons sur des projets et des idées dans l'espoir que les meilleurs atteindront le sommet. Mais


comme le suggèrent des recherches récentes, il y a une fine ligne entre la sagesse de la foule et la folie de la foule. Mais un regard sur une foule émue et échauffée après un match de football, vous rappellera que, collectivement, les gens peuvent souvent être profondément imprudents. Alors, quand pouvons-nous nous attendre à ce qu'une foule nous dirige dans la bonne direction, et quand ne pouvons-nous pas? Récemment, les chercheurs ont commencé à définir un ensemble de critères pour savoir quand faire confiance aux masses. La prise de décision démocratique fonctionne bien lorsque chaque individu arrive pour la première fois à sa conclusion de manière indépendante. C'est au moment où les gens commencent à s'influencer à l'avance qu'une foule peut avoir des problèmes. Philip Ball, écrivant pour BBC Future, décrit une étude de 2011 dans laquelle les participants ont été invités à faire des suppositions éclairées sur une certaine quantité, telle que la longueur de la frontière italo-suisse. Les chercheurs ont constaté que, à mesure que la quantité d'informations que les participants recevaient sur les suppositions des uns et des autres augmentait, la plage de leurs suppositions se rétrécissait et le centre de cette plage pouvait s'éloigner de la valeur réelle. L’esprit de meute activé ainsi, le groupe cherchait beaucoup plus un résultat basé sur le consensus, au détriment de l'exactitude. Cette constatation remet en question une vision commune de la gestion et de la politique selon laquelle il est préférable de rechercher un consensus dans la prise de décision de groupe. Ce que vous pouvez finir avec à la place, c'est de vous diriger vers une position relativement arbitraire. Cependant, la prise de décision indépendante n'est pas tout. La diversité d'une foule peut être tout aussi importante. Une étude de 2004 a démontré qu'un groupe, d'individus sélectionnés au hasard dans une population, surpassait un groupe des meilleurs résolveurs de problèmes de la même population, rapporte Ball. Les experts individuels ont peut-être été intelligents par eux-mêmes, mais en moyenne, ils étaient trop similaires, travaillant à partir d'un éventail


plus restreint d'approches de résolution de problèmes que le groupe aléatoire. Ce handicap a plus que compensé leur compétence. Un article présenté le mois dernier lors d'une conférence sur l'intelligence collective va encore plus loin dans cette idée de diversité. Des travaux antérieurs pourraient impliquer que vous deviez ajouter des individus aléatoires dont les décisions ne sont pas liées à celles des membres existants du groupe. Ce serait bien, mais il vaut mieux encore ajouter des personnes qui ne sont pas simplement des penseurs indépendants, mais dont les points de vue sont `` corrélés négativement '', aussi différents que possible, des membres existants. En d'autres termes, la diversité l'emporte sur l'indépendance. À l'époque des bulles de filtres Facebook et des experts de l'actualité télévisée soigneusement sélectionnés, il peut être plus difficile que jamais pour nos idées d'être vraiment indépendantes, ce qui pourrait entraver notre intelligence combinée. Mais heureusement, ces résultats montrent que nous pouvons encore exploiter la sagesse des foules, il nous suffit d'inviter un peu de dissidence dans nos rangs. Que serait un plat sans une poignée de sel et de poivre...


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