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Conclusion
Ce mémoire a donc cherché à déterminer s’il existait un courant utopique chez les paysagistes contemporains. Pour répondre à cette question, nous avons dans un premier temps étudié des utopies urbaines du XIX ème et XX ème siècle afin d’avoir une première approche de l’utopie chez les concepteurs. Ce travail, complété par un tour d’horizon sur le sujet, a permis de dégager des thématiques permettant de définir notre corpus. Nous avions émis l’hypothèse qu’il existait une utopie implicite dans les travaux de paysagistes contemporains. Nous pouvons désormais conclure qu’il existe bel et bien une utopie implicite dans les travaux de paysagistes contemporains, cependant il est difficile de parler de courant utopique puisque les paysagistes n’ont pas conscience, ou en tout cas ne revendiquent pas fabriquer de l’utopie. En effet, la principale difficulté de ce travail a été de repérer l’utopie dans les travaux de paysagistes alors que ces derniers semblent ne pas l’assumer dans leurs discours. On a pu constater que l’utopie était affichée et revendiquée par des concepteurs autres que paysagistes de façon très explicite même quand il s’agit de projets de paysages qui pourraient logiquement faire intervenir des paysagistes. La défiance des paysagistes envers l’utopie pourrait donc bien venir de l’étymologie du mot qui à priori serait trop éloignée des principes contextuels à l’origine de la naissance de la profession paysagiste. Pourtant nous avons pu voir que c’est une erreur de réduire l’utopie à son étymologie. Pour exister, un courant doit être revendiqué par ceux qui en font partie et qui se rassemblent autour d’une même idéologie, d’un même concept. Aujourd’hui, aucun paysagiste ne se réclame comme étant un utopiste. On ne peut donc pas parler de courant utopique chez les paysagistes contemporains.
Ce travail de recherche a permis de montrer que les concepteurs qui manipulent l’utopie dans leurs projets, qu’elle soit explicite ou implicite, sont tous des personnalités engagées. Leurs démarches dépassent le simple rôle de concepteur et portent une ambition politique en son sens le plus large. Les utopistes que nous avons étudiés se battent pour un monde différent, plus juste entre les Hommes et plus équilibré entre l’Homme et la nature. On reconnait ces individus par leur optimisme sans faille, ils sont animés par une foi en le progrès, ils croient en l’avenir, en l’Homme. L’objectif est toujours de faire évoluer l’état présent, de faire évoluer la posture des décideurs sur certains sujets dans le but d’améliorer les conditions de vie de la société. Cette question sociale est indissociable de l’utopie depuis toujours. On a pu se rendre compte que l’utopie était bien plus qu’un travail de paysagiste ou d’architecte, c’est avant tout une initiative citoyenne. Ce côté très engagé des utopistes permet de faire le parallèle avec le monde de l’art ; comme les artistes, ces concepteurs ont des messages forts à faire passer, leurs travaux sont parfois exposés et tout comme certaines formes d’art, ces démarches peuvent parfois être perçues comme décalées et donc être incomprises aux yeux du grand public.
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Finalement, cette étude permet de redonner au terme d’utopie son caractère mélioratif, à l’inverse de son sens courant. L’utopiste travaille à la recherche d’un idéal qui n’existe pas, pas encore. L’utopie ce n’est ni tout à fait une méthode, ni vraiment un outil, ni même un dessin, c’est une attitude, une posture qui permet de communiquer autrement et qui donne le pouvoir aux concepteurs de faire bouger les choses grâce à des images motrices ou des actions collectives.
Ce mémoire ouvre la voie de la thématique de l’utopie dans le projet de paysages. Ce premier travail a permis d’apporter les bases et les connaissances historiques. Il révèle une certaine utopie dans les travaux contemporains de paysagistes et de concepteurs. Cependant, ce mémoire de recherche n’a pas permis de mettre au jour une grande quantité de pratiques utopiques chez les paysagistes contemporains du fait que l’utopie ne soit pas revendiquée par ces derniers. Néanmoins, il pourrait être envisageable de poursuivre la recherche en s’intéressant de plus près aux projets de paysages plus « ordinaires » en allant interroger directement les paysagistes praticiens sur leur part de rêve et d’imaginaire dans leur processus de projet. En débusquant la part d’utopie dans des projets de paysages « classiques », ce travail permettrait de définir à quelle mesure l’utopie sert la créativité et l’innovation dans le quotidien des agences de paysagistes. Cette deuxième phase de recherche viendrait donc vérifier si l’utopie aide réellement les paysagistes à dépasser les contraintes techniques, économiques et règlementaires dans les projets de paysages courants.