C O OPÉR AT ION AU DÉ V EL OPPE ME N T ET R EL AT IONS H U M A I N E S
Corrompu À qui la faute ?
La réciprocité, Pierre Rabhi Changer votre un enjeu majeur place la nature approche : de la relation et l’humain testez l’outNord-Sud au centre come mapping
π12 juin 2013
π12
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radar P.3
blog-notes P.31 Irénée Karfazo Domboué
outil P.26
l’outcome mapping
une invitation au changement
| édito
Quand votre point de vue vous aveugle
D’une poche à l’autre omme
La corruption c teur du élément perturba dossier P.13 développement
Miguel de Clerck
Directeur Echos Communication
P.21
COUVERTURE © WOUTER TOLENAARS - FOTOLIA
portrait P.8 Pierre Rabhi
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Bienvenue dans le monde de la relativité ! Ici, ma réalité n’est pas la réalité ; on y prend conscience que nous, tous autant que nous sommes, regardons le monde à travers des représentations, des croyances, des connaissances… Cette relativité nous est compliquée lorsqu’il s’agit de considérer la notion de développement. Cette notion a été inventée par une idéologie qui a construit le vivre ensemble sur un élargissement de ses propres normes au reste du monde ! Comprenez dès lors qu’il soit difficile de s’en défaire. Cette relativité nous est beaucoup plus aisée quand, lorsque cela nous arrange, nous acceptons la corruption comme un folklore local. Notre certitude d’être “dans le bon” n’est pour autant pas dénuée de sens. Elle recèle même une grande valeur pour peu qu’elle s’inscrive dans une relation de réciprocité. Etre à l’écoute et reconnaitre que la réalité de l’autre peut m’enrichir : voilà peut-être la clé vers la relativité !
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changement de regard
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La photo du mois
Au Kenya, la tribu Pokot voit défiler les touristes qui pointent leurs objectifs sur les villageois sans trop leur demander leurs avis. Eric Lafforgue voit les choses autrement. De simple figure photographiée, cette dame est soudainement devenue actrice. « L’idée était de la faire participer au shooting en lui demandant de s’auto-éclairer au flash. Cette photo est la première prise, d’où son étonnement. Le tout fut suivi d’un rire général des autres membres de la tribu. » (photo : Eric Lafforgue)
changement de regard
4 © SYLVAIN BILODEAU - FOTOLIA
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| Vidéo du mois
Like, like et re-like… Soutenir une cause publiquement est à portée de doigt ! L’activisme du clic, ou clictivisme, connait son heure de gloire sur les réseaux sociaux : un succès
à double tranchant. D’un côté l’information se propage rapidement et les supporters se multiplient, de l’autre l’action des militants virtuels se limite la plupart du temps
à cette petite pression sur le bouton gauche. L’UNICEF a mis le doigt sur ce manque d’actions concrètes dans une petite vidéo. Et que nos amis likeurs se rassurent : il y a
d’autres moyens d’agir que de donner des sous… Découvrez la vidéo
changement de regard
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© AVESUN - FOTOLIA
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Echec brillant : de loser à héros ! L’échec… Il regorge d’enseignements et cependant la honte domine quand nous y repensons. Pourtant, les
grandes découvertes de l’Histoire ont souvent été attribuées a une petite erreur : l’Institute of Brilliant Failures a décidé de conférer aux manquements en tout genre une dimension positive. Car la prise de risques ou d’initiatives n’a de chances de perdurer que dans
une société qui apprend de ses erreurs. La honte fait place à l’apprentissage... Découvrez vite la rubrique sur les moments d’apprentissage dans la coopération au développement !
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6 © IQONCEPT - FOTOLIA
changement de regard
avons 360° Nous lu pour vous
Diversité et santé... Pour plus d’infos
Pour garder la forme, vous partez en vacances de temps en temps, vous faites du sport chaque semaine et vous mangez des fruits tous les jours. Mais avez-vous pensé à habiter dans un quartier où règne la diversité ? D’après une étude publiée par l’Université de Manchester, si vos voisins ont des origines variées, la cohésion sociale et l’acceptation de la différence de l’autre augmentent, ce qui est tout bénéficie pour votre capital santé. En effet, les chercheurs démontrent que la discrimination fait, entre autres, augmenter la tension artérielle et la consommation de tabac, tout en faisant baisser l’estime de soi. L’étude incrimine le haut niveau de privation dans un quartier, et non la diversité, pour expliquer un mauvais état de santé mental et physique. Et si on commençait par déménager nos préjugés ?
Les mots du développement
Les Sénoufos
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Chaque mois, retrouvez une analyse linguistique d’Odile Tendeng sur l’interprétation qui est faite du mot “développement” dans une langue africaine.
Les Sénoufos : “Prospérité intérieure”
L’organisation sociale des Sénoufos
Les Sénoufos ont une philosophie de vie qu’ils apprennent dès le bas âge. Cette philosophie est enseignée dans le Poro. Le Poro est une société secrète, hiérarchisée en classes d’âge, qui gère les connaissances traditionnelles. Après trois cycles de sept ans, l’apprenant accède lui aussi au statut d’initié. Pendant toutes ces années, il apprend les lois secrètes des génies qui dominent les
hommes et est préparé à la vie en société. Dans la mythologie des Sénoufos, l’homme arrive sur terre en tant qu’animal. Le Poro a donc pour but de faire accéder l’homme à l’humanité. Une instruction complète du Poro fait un homme complet qui est devenu très pacifique et qui s’est rapproché du dieu créateur. Pour parler du caractère pacifique des Sénoufos qui s’exprime dans leur art oratoire, une légende raconte que Zwaconyo Soro (1840-1844), le prestigieux chef du Royaume Sénoufo de Korogho voulant obtenir les faveurs de Samory Touré lui dit : e ne suis pas un guerrier, J mais un cultivateur. e ne veux pas la guerre ; J je me confie à vous Je ne me dispute avec personne C’est avec la terre que je me dispute
| au mot près “Développement”
en sénoufo
Chez les Sénoufos, le mot (breʃejɛna̰) renvoie à l’idée de développement. Littéralement, ce mot signifie “aller de l’avant”, “accomplir un progrès dans la réalisation de quelque chose”, “s’améliorer”. Grâce au Poro, chaque homme peut s’améliorer et arriver à la prospérité. Dans la tradition sénoufo, la prospérité n’est pas en dehors de l’homme. C’est en soi qu’on est prospère dès le moment où l’on a atteint le stade d’homme complet. A contrario, ceux qui n’ont pas atteint ce stade, sont les plus pauvres des pauvres, quel que soit par ailleurs la richesse matérielle qu’ils aient pu accumuler.
© GENTIL FRANCOIS - FOTOLIA
L
e peuple Sénoufo (ou Siéna, qui signifie ceux qui parlent le séné, le sénoufo), constitue l’un des groupes les plus importants du nord de la Côte d’Ivoire vivant notamment dans les villes de Korhogo et Boundiali. On les retrouve également au Burkina Faso et dans le sud du Mali. Malgré leur émiettement, tant du point de vue de leur localisation que des variations dans la langue, leur culture est restée homogène.
portrait
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Pierre Rabhi © PATRICK LAZIC
“L’humain n’est pas le prince de l’humanité”
portrait Du haut de sa colline ardéchoise, Pierre Rabhi réflé chit, met en œuvre et contemple son monde idéal. Avec la simplicité comme mot d’ordre. « Je crois en la puis sance de la modé ration et non en la fragilité du toujours plus. »
1938
| bio
Naissance à Kenadsa en Algérie.
1942
Est confié par son père à un couple de Français.
9 © PIERRE RABHI
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1959
Arrive en France.
1961
S’installe en Ardèche dans une vieille ferme. Le sol pauvre et rocailleux sera son terrain d’expérimentation.
1970…
Les techniques d’agroécologie qu’il développe attirent des stagiaires et des associations en tous genres.
1981
Entame des formations avec des paysans du Burkina Faso.
1997
Est nommé expert dans la lutte contre la désertification par l’ONU.
2000…
Crée plusieurs associations, enchaine les conférences, continue à écrire des livres… sans oublier son lopin de terre.
portrait
l y a cinquante ans, c’était un sol rocailleux et sec. Aujourd’hui, la verdure et les plantations y ont pris racine. Pour orchestrer cette mutation, Pierre Rabhi n’a pas ménagé ses efforts. Avec une bonne dose de volonté, quelques graines d’abnégation, plusieurs gouttes de génie et un peu de semence de curieux, il a participé à l’éclosion de l’agroécologie. À l’origine, Pierre Rabhi et sa femme se sont installés dans les Cévennes par refus du modèle de société qui les entourait. « J’étais à Paris avec Michèle. On s’était rencontré dans l’entreprise dans laquelle on travaillait, elle en tant que secrétaire, moi en tant qu’ouvrier spécialisé. J’étais en bas de la pyramide et je vivais mon travail comme une aliénation : on me demandait toute mon existence contre un salaire sous prétexte que c’était la seule manière de survivre. C’est là que j’ai compris que le modèle, qui doit soi-disant nous libérer, nous incarcère. » Rapidement, la décision est prise ; c’est dans l’arrière pays que le couple ira goûter à la liberté.
© MOUVEMENT COLIBRIS
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| témoignage
Jérôme Henry, directeur marché particulier et produits solidaires au Crédit Coopératif1 « Je connais Pierre depuis dix ans environ et nous nous conseillons l’un et l’autre dans nos projets. Pierre a un mode de fonctionnement très complexe et assez particulier dans le fond : tel un nomade, il construit les projets comme il établirait un camp dans le désert. Il construit, puis reconstruit plus loin, tout au long de son chemin. Le regard si juste qu’il est en mesure de porter sur le monde est également lié à ses origines : il parle et écrit divinement bien, tout en étant porté par la sagesse africaine. »
“J’ai simplement envie d’être heureux mais ce n’est pas une démarche facile…”
portrait Un développement ambigu
Né Algérien et musulman, devenu Français et catholique puis areligieux, Pierre Rabhi pose un regard éclairé sur les relations Nord-Sud et sur le monde de la coopération. « La notion de développement est pleine d’ambiguïté. Elle a été inventée par une idéologie qui a construit le vivre ensemble sur un élargissement de ses propres normes au reste du monde. C’est comme si auparavant, les peuples n’avaient pas su se développer. En réalité, ils l’ont bel et bien fait, mais pas sur les préceptes de l’idéologie d’aujourd’hui. Prenez par exemple la référence au dollar : est jugée extrêmement pauvre toute personne qui vit avec moins d’un dollar par jour. Si ces gens vivaient effectivement du dollar, il y a longtemps qu’ils auraient disparu. L’humanité, depuis ses origines, a toujours répondu à ses besoins. Si on considère l’argent comme étalon, on retire toutes les actions gratuites que l’on fait tous les jours et qui elles sont indexées sur la valeur vie ! De plus, l’Europe n’aurait jamais pu confirmer la notion de développement si elle n’avait pas pris des territoires aux quatre coins du globe pour les exploiter. Ce modèle est complètement artificiel et non-reproductible. Sauf à détruire la planète… »
11 © LEONID IKAN - FOTOLIA
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Nature inspirante
Orfèvre de la terre et philosophe, Pierre Rabhi fait pousser des légumes mais aussi des idées. « Je crois en la puissance de la modération. La plus haute performance est d’arriver à satisfaire ses besoins de la manière la plus simple. » Pour mettre en pratique ce principe, il suffit parfois de regarder autour de soi pour trouver l’inspiration. « J’ai beaucoup observé la nature et elle m’a beaucoup appris sur la vie, sur son ordre… Qu’est ce que c’est intelligent et
qu’est ce que c’est bien fait ! Par exemple, quand vous réfléchissez au fait qu’un seul grain de blé peut être la source de millier d’épis, c’est époustouflant. Pourquoi ça pousse ? Je n’en sais rien, mais méditer sur ce petit miracle permet de relativiser notre importance sur terre. L’humain n’est pas le prince de l’humanité. Il est simplement une expression de la nature. » Par l’agroécologie, Pierre Rabhi réapprend à l’Homme comment courtiser Dame nature. « L’idée est de voir comment cultiver
“Si on considère l’argent comme étalon, on retire toutes les actions gratuites que l’on fait tous les jours…”
portrait
la terre en utilisant les ressources et l’énergie de la nature elle-même. En respectant certains principes, on arrive à augmenter le potentiel du sol et le patrimoine nourricier sans dépenser un sou. Mais l’agroécologie n’est que l’outil d’une pensée plus large dans laquelle le respect de toute forme de vie est au centre de l’attention et qui replace l’être humain dans sa responsabilité à l’égard du vivant. Cela comprend bien entendu la biodiversité et les moyens de production agricole mais aussi de recréer des solidarités entre les gens, de valoriser l’expérience et les traditions de chacun, de mutualiser nos compétences… sans oublier de garder une place pour l’émerveillement. Je suis toujours surpris de ne jamais entendre parler de beauté dans le discours écologique politique. On a encore pas mal de route à faire pour évoluer vers ce qui est essentiel. Mais nous ne sommes pas démunis… »
Education
Le chemin le plus court vers le changement passe souvent par l’éducation. « Et je parle bien d’éduquer, pas de formater ! Beaucoup de jeunes diplômés sortent bourrés de concepts et de théories qui leur permettent de s’adapter au modèle de société dominant. Ils deviennent de bons samouraïs de la modernité, des technocrates inintelligents qui sont en plus convaincus d’être sur le bon chemin. On est à nouveau dans l’ambiguïté : l’intelligence se résume
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aux performances scolaires et se bâtit sur la conviction que notre modèle est le meilleur. Or, la véritable intelligence c’est de pouvoir regarder le monde avec lucidité, de pouvoir apprendre des autres, de pouvoir remettre les choses en question… Quand je donne des conférences, je proclame malgré moi mes convictions mais sans prétendre que je suis la vérité incarnée. J’exige toujours qu’il y ait un débat pour laisser un espace à la controverse. J’invite les gens à réagir pour que leurs commentaires puissent m’éclairer. »
Réconciliez-vous
Pour conclure, Pierre Rabhi nous distille un dernier conseil. « On ne peut changer de paradigme que si on change de société. On ne changera de société que si il y a un changement humain. Et tout changement humain est d’abord et avant tout individuel. Nous avons tous notre part de responsabilité. Réconciliez-vous avec vos parents ou vos amis et vous allez reconstruire le monde. Aimez-vous réellement car les relations humaines peuvent vous donner une puissance extraordinaire ! Vous savez, ce que j’ai entrepris dans ma vie, ce n’est pas pour ma petite gloire. J’ai simplement envie d’être heureux mais ce n’est pas une démarche facile… » RENAUD DEWORST
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| témoignage
Nicolas Hulot, journaliste, écrivain et militant écologiste1
« Pierre Rabhi fait partie des rencontres essentielles dans mon propre itinéraire, des rencontres comme on en fait peu. Il fait partie de ces humanistes absolus, cohérents, radicaux, mais tolérants, qui définissent les beaux esprits et mériteraient d’être connus au-delà d’un cercle aujourd’hui trop restreint. J’ai trouvé chez lui une écoute attentive, beaucoup de clairvoyance, mais aussi une grande expérience. Pierre n’est pas seulement un théoricien : il connait ce dont il parle. J’ai toujours lutté contre les gens qui mijotent leurs préjugés comme si nous avions l’éternité devant nous. Il sait ouvrir des chemins, créer des passerelles vers l’autre, sans pour autant se départir de ses exigences, incarnant l’anti-préjugé par excellence. »
| en savoir + Ces témoignages sont extraits du numéro hors-série du magazine Kaizen de janvier 2013 consacré à Pierre Rabhi. 1
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dossier
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Un énorme tabou l’entoure, même si nul ne conteste qu’elle est inadmissible. La corruption freine le développement et les plus pauvres sont les premiers touchés. Mais dans quelle direction faut-il pointer un doigt accusateur ? Et de quel bois doit-on faire nos flèches ?
D’une poche à l’autre La corruption comme élément perturbateur du développement
dossier
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http://cpi.transparency.org/cpi2012/results/
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ême si la corruption est de toutes les époques et de toutes les cultures, c’est dans les pays dit en voie de développement que les irrégularités interpellent le plus. Et ce, probablement, en raison du contraste entre l’enrichissement personnel illicite de fonctionnaires corrompus et l’extrême pauvreté de ceux qui n’ont pas accès à ce système lucratif. Les chiffres objectifs de Transparency International révèlent une triste réalité (voir ci-dessus). L’Afghanistan, la Somalie et la Corée du Nord se situent en tête de l’index de corruption. Cette corruption s’accommode incontestablement de la pauvreté et de l’échec de la démocratie. Mais quels sont les mécanismes qui font d’un pays, d’une ville ou d’une administra-
tion le berceau de comportements corrompus ? Quelles causes plus profondes peuton épingler, non pas comme excuse, mais comme clé pour le changement ?
Pas une notion universelle
Une équipe de recherche interdisciplinaire norvégienne a procédé pour le compte du Norad, l’agence norvégienne de coopération au développement, à une analyse minutieuse de la problématique mondiale de la corruption1. Elle est arrivée à un constat frappant. En Occident, la corruption est habituellement définie comme l’abus de positions et de biens publics dans l’optique d’un profit personnel. Cette définition met, de manière excessive, l’accent sur l’aspect d’illégalité, alors que le sens conféré à un comportement donné doit éga-
| en savoir + Notes de bas de page 1
Research on Corruption. A policy oriented survey
Jens Chr. Andvig, Odd-Helge Fjeldstad, Inge Amundsen, Tone Sissener, Tina Søreide (Chr. Michelsen Institute (CMI) & Norwegian Institute of International Affairs (NUPI), Commissioned by NORAD, Final report, December 2000 2
The causes of corruption: a cross-national study
D. Treisman, Published in Journal of Public Economics, 76, 3, June 2000, pp.399-457
dossier
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Moussa Mara Candidat à la présidentielle en toute transparence Afin de traduire son aversion pour la corruption par des actes concrets, le maire de la Commune 4 de Bamako, Moussa Mara, travaille sur trois fronts : de manière préventive, avec des instruments de gestion journalière, et de manière répressive. « La corruption se nourrit de l’ignorance. C’est pourquoi je fais en sorte que mes citoyens soient bien informés de leurs droits. Nous avons publié une
charte qui fixe le temps et le prix pour tous les services publics. Cette charte a été signée par tous les fonctionnaires. En même temps, j’ai augmenté de 10% les salaires des fonctionnaires afin d’endiguer le besoin de pots-devin. En huit mois seulement, le système était en place. Nous avons en outre fixé pour tous les achats un prix standard auquel chaque offre doit répondre. Ce qui dis-
suade de faire des dons. Les procédures objectives et la transparence sont désormais la norme. Celui qui constate des pratiques de corruption peut déposer une plainte anonyme. Nous demandons l’aide de la justice afin qu’elle renforce notre politique et punisse la corruption. » Lisez la charte anti-corruption de Moussa Mara.
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lement être pris en considération. Les limites du comportement acceptable ne sont pas universelles : les normes sociales et la culture publique déterminent ce qu’est la corruption. La négociabilité des règles du jeu, un système d’intermédiaires, les réseaux de solidarité et les usages en matière de dons forment une logique comportementale qui favorise la ‘corruption’. Mais dans certains pays non-occidentaux, l’échange de dons ou de services constitue un moyen d’entretenir de bonnes relations et de s’entraider. La famille, les amis et les connaissances y sont considérés comme une source légitime permettant d’obtenir certaines choses. Se faire aborder pour une faveur est perçu comme tout à fait normal. Les anthropologues de l’équipe de recherche plaident dès lors pour une définition plus ouverte, qui tienne compte du contexte historique dans lequel se situent les personnes et les cultures.
Combat de titans
Pourtant, le rejet de l’enrichissement personnel illicite n’est pas exclusivement occidental. L’expert-comptable Moussa Mara est bourgmestre de la commune 4 de Bamako et candidat aux élections présidentielles du 12 juillet. Ce combattant infatigable de la corruption reconnaît que dans son pays les relations sociales sont souvent dictées par la parenté ou l’amitié, mais il estime que cela ne doit pas mener automatiquement à la corruption. « La culture de solidarité et d’assistance mutuelle a pleinement le droit d’exister, mais pour moi la limite entre la solidarité et la corruption est très claire. Si pour un service public, les fonctionnaires reçoivent une faveur
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“Un fonctionnaire corrompu fait une évaluation sociale parfaite : il cherche comment améliorer sa vie.” en retour, il est question de corruption. Ils se servent de leur pouvoir pour s’enrichir personnellement, ce qui revient clairement à faire preuve d’égoïsme et d’individualisme. Ces pratiques, je les combats par tous les moyens dont je dispose » (voir encadré). La population approuve la politique de Moussa Mara, mais il lui reste un long chemin à parcourir. Il est le seul au Mali à avoir dévoilé son patrimoine au public, parce qu’il veut, en tant que dirigeant, être le premier à personnifier l’idée de transparence. « Pour l’instant, je mène encore un combat de pionnier, mais petit à petit se manifeste une nouvelle classe politique qui estime que l’éthique traditionnelle de l’ancienne garde a atteint ses limites. Nous enseignons aux gens le civisme, à l’école et dans les familles. Ceci a longtemps été négligé, laissant ainsi le champ libre à la corruption. Le changement nécessite du temps, car la corruption est profondément ancrée dans le système. Mais je suis optimiste quant à mes chances pour la présidence. »
Evaluation sociale parfaite Dimitri Van den Meerssche est juriste et a un intérêt prononcé pour la politique internationale, principalement dans le contexte du développement. Il a vécu au Bénin et en Egypte et y a observé la vie quotidienne d’un œil critique. « L’image romantique que j’avais de la solidarité africaine en a pris un sérieux coup. J’ai vu énormément d’opportunisme et de méfiance. Mon jugement éthique reste pourtant indulgent à l’égard des ‘pécheurs’ individuels. Ce n’est pas le fonctionnaire corrompu, mais le système politique et juridique défaillant qu’il faut pointer du doigt. Si la corruption est à ce point répandue, c’est en raison des incitants juridiques et politiques. Là où toute protection juridique fait défaut, la créativité, la productivité et l’innovation sont trop risquées. Qui investit si les droits de propriété sont incertains ou si l’accès aux crédits est refusé à défaut de documents de propriété ? Dans un tel système, créer de la prospérité est téméraire, adhérer au système paie. Je me suis
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“Pour pouvoir critiquer une politique défaillante, il faut une société civile solide, mais aussi longtemps que l’on mène une mauvaise politique, aucune société civile performante ne voit le jour.”
Dimitri Van den Meerssche
lié d’amitié avec quelques Béninois, qui se plaignaient de la corruption qui détruisait leur pays, mais lorsque je leur demandais ce qu’ils voulaient euxmêmes devenir, ils me répondaient sans hésiter ‘agent de police ou douanier’. Peuton le leur reprocher ? Le fonctionnaire, ou ces jeunes, font tout simplement une évaluation sociale parfaite : ils cherchent comment améliorer leur vie. La corruption est due principalement à l’absence de mécanismes de contrôle et de justification. L’Afrique n’a pas de problème de mentalité, mais un problème de gouvernance. »
Le capital social, une balle qui roule
Wiet Janssen
En tant qu’ingénieur, Wiet Janssen s’est impliqué pendant des années dans des projets de développement en Afrique et en Asie. Plus tard, il rédigea à l’université de Twente une thèse sur la coopération au développement, en s’intéressant de près au thème de la corruption. Il désigne la notion de capital social comme étant la clé pour le développement des Etats. « Le capital social est un ensemble d’institutions, de réseaux et de normes sociales fiables qui organisent l’interaction entre les indivi-
dus et qui déterminent la crédibilité d’une société. Là où règne une culture sociale de clientélisme, le capital social est faible, et la confiance des gens est à l’avenant. Le commerce et les investissements restent très limités. Et la balle continue de rouler. Un manque de capital social empêche une bonne gouvernance. Et sans garantie d’une bonne administration et d’une affectation correcte des fonds disponibles, tout plan pour le développement demeure lettre morte. On voit émerger ça et là des dirigeants pleins de bonnes intentions pour leur pays, mais une culture sociale est comme un train à vapeur : on ne l’arrête pas si facilement. Je crois que l’Afrique a besoin d’une certaine forme de bureaucratie, notamment un système fiscal performant. Car quand on n’a pas d’argent, on cherche d’autres manières d’exercer son influence. »
Catch 22
Dimitri Van den Meerssche : « Je crois fermement dans les possibilités locales et je ne pense pas que la population africaine ait besoin (à l’exception de l’aide d’urgence) d’un flux multilatéral de milliards, car, en l’absence d’une base sociale solide,
l’argent n’arrive jamais dans un système productif. Cette base, c’est la société civile : l’enseignement, les syndicats, une presse libre… Ils sont, en général, formellement présents, mais ne peuvent jouer leur rôle. Les pays défaillants se trouvent en fait dans une sorte de catch 22 : pour pouvoir critiquer une politique défaillante, il faut une société civile solide, mais aussi longtemps que l’on mène une mauvaise politique, aucune société civile performante ne voit le jour. »
Le pouvoir de la classe moyenne
Des institutions défaillantes et la corruption forment donc un solide binôme. Mais ce n’est pas tout. Plusieurs études ont démontré que les pays économiquement plus faibles sont plus en proie à la corruption. De plus, un cercle vicieux s’engage : un revenu faible incite à la quête d’un profit illicite et la corruption appauvrit les peuples car les fonds détournés ne sont pas investis dans le bien-être général. Wiet Janssen : « Le développement économique est une condition absolue pour endiguer la corruption. La croissance économique fait grandir une classe moyenne capable de défier
dossier © ELNUR - FOTOLIA
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Les coloniaux britanniques faisaient mieux Daniel Treisman de l’Université de Californie a mené une étude approfondie sur les corrélations entre la corruption et diverses facettes de la vie sociale2. Il constata ainsi que des peuples non colonisés et d’anciennes colonies britanniques se révèlent moins corrompus que des Etats qui ont été annexés par l’Espagne, le Portugal ou la France. Mais bien que la corrélation soit flagrante, la cause plus profonde reste un mystère. S’agit-il de l’influence du pro-
testantisme ou de la tradition de common law ? Les britanniques étaient-ils davantage en quête de la liberté que de l’or ? Était-ce dû à une autogestion locale plus poussée ? Ou au libre-échange précoce par opposition au mercantilisme ? Ces questions demeurent sans réponse. Outre le facteur colonial, l’étude de Treisman ne peut désigner que deux autres corrélations avec certitude : les pays à faible développement économique présentent un taux de
corruption nettement plus important, de même que les Etats ayant une structure publique fédérale ou décentralisée, où l’influence peut s’exercer plus directement. De nombreux autres liens sont moins univoques : une modernisation rapide, une forte ou faible intrusion de l’Etat, la guerre ou la stabilité, la démocratie ou la dictature, une économie ouverte ou fermée… L’œuf ou la poule ? La question reste ouverte.
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l’élite au pouvoir et d’imposer une bonne administration via des mécanismes démocratiques. Sans bourgeoisie pas de développement. Transparancy International démontre à travers les taux de fiabilité la corrélation entre le pouvoir d’achat et la corruption. Les pays pauvres figurent en queue de peloton, mais dès que leur situation économique s’améliore, la corruption diminue. On en trouve de nombreux exemples en Amérique latine, mais aussi plus près de chez nous : la Pologne n’atteignait auparavant que 3 sur 10 à l’indice de fiabilité. Depuis qu’ils sont devenus membre de l’Union Européenne et qu’ils reçoivent davantage de stimulants économiques, ils atteignent un score de 6 sur 10. La Chine est elle aussi passée de 2,5 sur 10 à 4 sur 10. Les indices de corruption en baisse suivent toujours lentement le développement économique. À partir d’un pouvoir d’achat de 6 à 7000 dollars par personne et par an, on constate une baisse de la corruption ; ce n’est qu’à partir d’un pouvoir d’achat de 20 000 dollars que les pays atteignent le niveau de corruption occidental. L’expansion du secteur industriel est déterminant. Les entreprises forment des chaines d’échanges de produits et de service qui nécessitent un certain niveau de confiance entre les acteurs et envers les autorités. L’industrie fait donc baisser la corruption. »
Schizophrénie
Même si la corruption s’est solidement enracinée dans les pays du Sud, l’Occident n’est pas totalement hors de cause. L’étude du Norad souligne la réalité schizophrénique dans laquelle se trouvent de nombreux pays du Sud. L’appa-
reil administratif occidental, qui est la résultante d’un siècle de lutte pour des réformes politiques, a été copié tel quel et sans aucun point de rattachement social durant la colonisation. Comme la logique socio-culturelle locale était souvent en porte-à-faux par rapport à la logique d’une organisation bureaucratique, il en résulte un conflit de normes. La conséquence, aujourd’hui, est une situation schizophrénique, qui conduit à l’inefficacité, à la frustration et à la méfiance. Il existe ainsi des situations, notamment en Inde, où le problème des competing codes favorise directement la corruption. Certains estiment en effet que les pratiques de corruption humanisent le système bureaucratique et que celui qui ferme les yeux sur certaines choses se montre plus ‘vrai’, en tant qu’humain, que celui qui reste loyal au système ‘étranger’. Pour Wiet Janssen, les colons ont leur part de responsabilité. « Avant la colonisation, la plupart des pays africains étaient organisés au niveau du village. Après la colonisation, les nouveaux dirigeants ont hérité d’une administration centrale et du contrôle sur de grandes richesses, ce qui était tout à fait nouveau. Le colonisateur n’avait pas mis de système social en place, abandonnant les Etats à leur sort après l’indépendance. Je crains qu’à l’heure actuelle, de nombreux présidents dirigent encore leur pays comme s’il s’agissait d’un village, comme un homme fort entouré d’une clique qui le soutient. »
L’aide au développement manque son objectif
Ce n’est pas seulement le passé colonial, mais aussi la façon dont l’Occident organise aujourd’hui l’aide au développement qui inquiète Dimi-
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Sierk Van Hout “Accepter la corruption comme un folklore local est une trahison” Quel comportement devons-nous, en tant qu’Occidentaux, adopter par rapport à la corruption ? En voyage, mais également comme expat ? À Rome, on fait comme les Romains, non ? Sierk Van Hout, journaliste de voyage et membre de Transparancy International, s’oppose à une morale flexible, selon laquelle nous ne voyons pas d’inconvénients à des pots-devin à l’étranger, même si cela ne correspond pas aux normes que nous observons chez nous. Le guide de voyage Lonely Planet entame un chapitre sur la corruption par “Bribery is a way of life throughout Africa”, une affirmation que Van Hout n’approuve pas. « Récolter à domicile les fruits d’une société transparente et accepter la corruption comme une sorte de folklore local lorsqu’on est loin de chez soi, ce n’est ni plus ni moins qu’une trahison. Le choix d’un comportement corrompu est une gifle dans le visage de ceux qui subissent quotidiennement la corruption et qui s’y opposent. Derrière ce comportement se cache, en substance,
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l’illusion profondément enracinée que les gens de là-bas n’appartiennent pas à notre espèce. Mais comment doit alors s’en sortir l’agent de police qui n’a peutêtre plus reçu de salaire depuis des mois et doit à présent entretenir sa famille à l’aide de bakchichs ? En optant pour le court terme – corrompre – nous ne faisons qu’encourager davantage l’administration à verser un salaire encore inférieur, voire à ne verser aucun salaire, et la boucle est ainsi bouclée. Le choix face auquel nous nous trouvons me fait penser au dilemme du prisonnier dans la théorie des jeux : si nous n’avouons pas, un autre le fera peut-être. Mais si personne n’avoue, nous y gagnons tous. Que faire ? Du fait de la distance importante, les principes se sont assouplis. Mais la question est de savoir jusqu’où nous laissons venir la pourriture. À l’intérieur de l’Union européenne, au travail ? » Lisez l’article intégral
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“Dans des pays à déficit démocratique, la Déclaration de Paris est le mécanisme parfait pour favoriser la corruption.”
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tri Van den Meerssche. Il estime que le système de la coopération contribue lui-même à une mauvaise affectation des fonds. « La Déclaration de Paris (2005) plaide pour une meilleure appropriation et confie aux autorités locales la définition des plans de développement. Le rôle des pays occidentaux est limité à une aide budgétaire. Même si, en soi, la base du raisonnement est correcte, cette approche conduit en pratique à de profondes anomalies. Dans des pays à déficit démocratique, l’approche de Paris est le mécanisme parfait pour favoriser la corruption. Les vagues de Poverty Reduction Strategy Papers (PRSP) et les traités entre les Fonds des Nations-Unies et les pays en développement brillent par leur flou et leur inutilité. À aucun endroit, il n’est question de mécanismes de responsabilité, pratiquement aucune obligation n’est prévue, aucune donnée n’est disponible quant à l’affectation des fonds, etc. Et que constatet-on par-dessus le marché ? L’augmentation de l’aide financière n’a engendré nulle part une baisse de la corruption. Au contraire, aussi longtemps que ces capitaux constituent la principale ou l’unique source de revenus, ils ne font que renforcer l’instabilité, car les dirigeants véreux peuvent se servir tranquillement sans avoir de comptes à rendre à la population. »
Prélever l’impôt ou se remplir les poches
Wiet janssen le confirme : « Une bonne partie des fonds est transférée directement dans les caisses des gouvernements et 20 à 30% se perdent lors de ce transfert. La corruption dans l’aide au développement n’est pas un sujet populaire car elle sape l’en-
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thousiasme du public à faire des dons. Mais le fait est que la corruption est une phase inévitable dans le développement d’un pays. Nous sommes aussi passés par là. Au lieu des flux financiers inutiles, je plaide pour que les Etats et les ONG organisent des formations, des transferts de connaissances et une collaboration commerciale. Dans de très nombreux pays, l’argent afflue grâce à la présence de matières premières rentables. Ce n’est pas l’argent de l’aide au développement qui peut mettre un terme à l’enrichissement illicite et sans scrupules. Par contre un système fiscal efficace et une classe moyenne qui revendique une administration démocratique peuvent rétablir la confiance. »
Du boulot pour les anthropologues
Une tâche impossible ? Si de nombreuses initiatives visant à combattre la corruption se sont soldées par un échec, une chose est sûre : le développement économique joue un rôle considérable dans la diminution de la corruption. Procéder de manière préventive, réaliser des réformes politiques et économiques et mettre en place des mécanismes de responsabilisation, tels sont les fers de lance d’une lutte efficace contre la corruption. À cet égard, des méthodes de recherche anthropologiques peuvent être particulièrement utiles afin de cerner contextuellement le phénomène de corruption. Nous pouvons ainsi mettre en place des systèmes fiables qui respectent les valeurs, les normes et les pratiques locales et qui tiennent compte des structures informelles. Un sacré boulot ! SYLVIE WALRAEVENS
Quand votre point de vue vous aveugle © PHOTOCREO - FOTOLIA
Quand deux personnes ont des points de vue différents sur la même réalité, il y en a souvent une qui a raison et une qui se trompe. Pas vrai ? Normal, dès lors, que chacun, certain d’être dans le juste, tente de persuader l’autre de son erreur. On éviterait bien des conflits en se rappelant que la réalité à laquelle on adhère n’est que l’expression d’un point de vue…
comment faire pour...
prendre du recul
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prendre du recul
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Chacun a toujours de bonnes raisons de penser ce qu’il pense, simplement parce qu’il le pense et qu’il étaye cette pensée par ses connaissances, ses expériences et ses croyances. Le constat est identique pour tout le monde. Comment concilier les points de vue sans jamais s’énerver ?
«
Nous sommes tous prisonniers de nos propres représentations du monde ». Cette phrase constitue le cœur de notre sujet. Prenons-la au pied de la lettre. Imaginez, l’espace d’un instant, la carte du monde. Vous y êtes ? Parfait. Neuf chances sur dix que l’Europe en occupe le centre. Nous sommes habitués à cette botte de l’Italie ou cette petite Belgique entourée de multiples voisins dont le Lux., au nom abrégé tant le pays est petit.
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Comment faire pour… prendre du recul 1. Faire un test à chaud Vous êtes dans une conversation. Votre interlocuteur n’est pas d’accord avec vous. Il a un autre point de vue. Que pensez-vous ? Vous pensez « C’est moi qui ai raison, il a tort » ou « Quel raisonnement stupide » ou « C’est un con » ? Vous êtes dans la certitude, ancré dans votre propre représentation. Si vous pensez « C’est un point de vue intéressant » ou « Tiens, je n’y avais pas pensé » ou « Zut, ça ne cadre pas avec ce que j’en pense, mais écoutons ce qu’il a à dire », vous êtes ouvert, dans la relativité.
Vous pouvez également vous demander ce que vous en penserez dans dix ans. Car, si dans dix ans vous n’y pensez plus, à quoi cela sert-il de s’en préoccuper maintenant ?
3. Prendre du recul
2. Changer de point de vue
Prenez de la distance par rapport à la situation pour décrocher du “réel”, par exemple en utilisant les quatre questions du “travail” de Katie Byron. Partez de votre point de vue et demandez-vous : A : Est-ce que c’est vrai ? B : Puis-je être absolument certain que ce soit vrai ? C : Comment est-ce que je réagis, que se passe-t-il, quand je crois cette pensée ? D : Qui serais-je sans cette pensée ?
Si vous êtes dans la certitude, faites l’exercice de changer de point de vue. Demandez-vous ce que penserait de la situation/conversation votre meilleur ami, votre associé(e), votre conjoint(e), un passant analphabète, un prof d’université (ou tout autre personnage de votre choix, du président de la République au dernier de ses citoyens). Après avoir passé en revue trois ou quatre autres points de vue, demandez-vous « Et maintenant, qu’en penses-tu ? ».
Gardez à l’esprit quelques phrases qui aident à ne pas verser dans la certitude : « Tout est relatif » ; « Réserve ta réponse, la nuit porte conseil » ; « Ce ne sont pas tant les choses qui nous font souffrir que l’idée que nous en avons » ; « Ne te prends pas la tête, est-ce si grave ? » ; « Je sais que je ne sais rien »…
4. S’entraîner à prendre du recul
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“Votre réalité n’est rien d’autre qu’une représentation intérieure de la réalité du monde extérieur dans lequel vous vivez.”
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Maintenant, jetez un œil à la « MacArthur Corrective map of the world ». Etonnant, non ? Le nord devient le sud. Russie et Canada sont rejetés en bas de la carte. L’océan est omniprésent, et l’Europe représente une infime portion de terrain, aux confins du continent… La première fois, cette représentation surprend. On se sent perdu, pas très à l’aise : elle n’est pas conforme à ce que nous attendons et remet en question notre vision habituelle. Elle demande qu’on fasse un premier effort de prise de recul pour quitter ses repères. Il faut un second effort d’ouverture pour tirer le bénéfice de ce nouveau point de vue sur une réalité unique, les deux cartes représentant le même monde. Ce n’est qu’alors qu’on s’enrichit d’un point de vue supplémentaire : le monde vu par un Australien. Désormais, les deux représentations, malgré leurs différences, font partie de notre nouveau point de vue. C’est, en résumé, ce qui se passe quand on est confronté à un point de vue différent. Ici, le sujet est neutre. On peut, intellectuellement, accepter ces deux points de vue… mais ce n’est pas toujours aussi facile.
Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi !
En général, le sujet n’est pas neutre. Quand le directeur opérationnel dévoile sa vision aux employés qui n’y voient pas de solutions pratiques à leurs problèmes de terrain, il jugule leur action. Le sujet est chaud, émotionnel. Quand le chef de mission, confronté à une épidémie de choléra, détaille ses besoins en ressource au directeur financier, il éprouve des
comment faire pour... | aller + loin Livre Votre profil face au stress
Patrick Collignon et Jean-Louis Prata, 2012, Eyrolles, Paris
Internet The Work
Cathy Byron - www.thework.com
| au mot près Ce qu’en dit le Dico
Certitude
• État de l’esprit qui ne doute pas, n’a aucune crainte d’erreur. (Philos.) Adhésion de l’esprit lorsqu’il sait.
Relativité
• Caractère de ce qui est relatif, qui n’est tel que par rapport à une autre chose. (Philos.) Caractère que présente la connaissance de ne pouvoir saisir que des relations et non la réalité même.
prendre du recul difficultés à entendre parler d’équilibre budgétaire. C’est, pour lui, une question de vie ou de mort, pas d’argent. Dans ces situations, la tendance naturelle de l’être humain consiste à défendre la réalité : soit une vision “méta” qui tient compte de paramètres globaux, soit des décès en cascade à gérer au quotidien. À quoi s’oppose la réalité de son interlocuteur : soit des problèmes concrets, soit une maîtrise des dépenses. Ces différentes représentations ne correspondant pas, chacun tente de défendre, voire d’imposer, son point de vue en se focalisant sur ses arguments sans plus entendre ceux de son interlocuteur. Dans ce dialogue de sourds, le risque de conflit est directement proportionnel au nombre de répliques. Si l’énervement monte, le stress de lutte n’est pas loin. Et, nous l’avons vu (voir n’GO n°4), en stress de lutte, on tente, pour ne pas se faire dominer, de reprendre le contrôle de la situation… Donc on veut avoir raison. On est irritable et intolérant au reproche. On se dit : « Si tu n’es pas avec moi, c’est que tu es contre moi ». Tant qu’on reste dans notre certitude, on ne peut pas sortir de cet état de stress. Pour trouver une solution ou un compromis, il faut prendre du recul et s’ouvrir à la réalité de l’autre.
La carte n’est pas le territoire
Notre représentation du monde n’est pas le monde. L’homme ne perçoit pas toutes les fréquences sonores ni toutes les longueurs d’ondes lumineuses. Il ne vit pas toutes les situations possibles. Alfred Korzybski, père de la sémantique, rappelle que notre esprit est amené à se construire des représenta-
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tions internes du monde extérieur sur la base d’informations partielles et filtrées. “La” réalité vue par nos yeux n’est jamais que l’expression de notre point de vue. En soi, ce n’est pas un problème. Sauf qu’on croit trop souvent que ce point de vue est LA seule et unique réalité. Cela s’explique par le fonctionnement de notre mode mental automatique (voir n’Go n°6). Toutes nos croyances et connaissances (comportements, pensées ou émotions) y sont stockées. Sa spécialité ? Trouver une réponse rapide à une situation. Il se contente généralement d’aller chercher dans le stock. Comme il définit notre état d’esprit le plus habituel, il est vécu comme une évidence, d’autant qu’il cherche à protéger nos croyances pour que nous ne les remettions pas en question. Ce qui nous pousse à plaquer sur ces dernières des explications ou justifications apparement logiques et rationnelles. Les croyances deviennent alors des certitudes. Cela ne veut pas dire pour autant que le mode mental automatique ait raison (ou tort) car, en l’occurrence, il ne raisonne pas : il adhère à ce qu’il a appris à croire. Le point de vue du directeur opérationnel lui semble évident. Celui des employés qui lui font face aussi. Ces points de vue sont-ils complémentaires ou antagonistes ? Tout dépend de l’état d’esprit des protagonistes.
Tout est relatif
Quand on se dit : « Il est nul » ou « J’ai raison », on ne se doute pas qu’il s’agit d’une pensée qui remonte à cause de la situation ou du contexte et qui est le reflet de notre histoire. On se dit que c’est la
réalité. Pourtant, comme le souligne l’ACT (Acceptance and Commitment Therapy), il s’agit bien d’une pensée, d’une production de notre cerveau. Elle n’est pas la réalité. En d’autres termes, quand deux personnes expriment leurs points de vue, elles échangent leurs représentations de la réalité. Et aucune des deux n’est plus “réelle” que l’autre. Par contre, ensemble, elles permettent de faire évoluer les représentations, comme dans le cas de la carte de Mac Arthur. Pour éviter de tomber dans le piège des certitudes, court-circuitez votre mode mental automatique. Rappelez-vous toujours que votre point de vue est relatif. Qu’il n’embrasse jamais toute la réalité, seulement une partie, imparfaitement. Vous avez raison de penser ce que vous pensez. Mais vous n’avez pas plus raison que l’autre. Vous exprimez un point de vue auquel vous croyez. Nuance. L’autre a aussi le droit d’exprimer un point de vue auquel il croit. Le tout, désormais, consiste à l’aborder avec recul, pour quitter vos repères habituels, et avec ouverture, pour voir le bénéfice à tirer de ce nouveau point de vue. C’est toujours plus simple pour trouver une solution commune. Et ça aide à changer de posture lorsque, en mission, on cherche à construire avec les populations locales plutôt qu’à leur apporter un savoir-faire tout ce qu’il y a de plus occidental… PATRICK COLLIGNON
Cet article a été rédigé en collaboration avec l’INC www.neurocognitivism.com
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Caractéristiques de… …la certitude Automatique Votre mode mental automatique (voir n’GO n°9) a intégré votre représentation du monde, sous la forme de conditionnements, de croyances et de connaissances qui induisent vos pensées, émotions et comportements. Ce qui procure une sensation de réalité, d’évidence.
Basée sur une erreur de jugement Vous avez le sentiment que vos pensées sont la réalité, alors qu’elles ne sont que des pensées, créées par votre cerveau. Cette « réalité » est, en fait, votre point de vue, partiel et individuel, sur la réalité et non la réalité en elle-même.
Associée au stress Le stress apparaît quand vous refusez de remettre en question votre perception des choses en vous accrochant à votre seul point de vue. C’est un signal. Il indique que vous oubliez que ce point de vue est relatif, et qu’il sera d’autant plus riche si vous vous ouvrez au point de vue de l’autre.
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La transformation sociale est un doux rêve qui peut rapidement tourner au cauchemar quand on essaye de la mettre en musique. Pour éviter les fausses notes, l’outcome mapping peut vous aider à trouver la juste mesure.
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Le partenaire montre la voie
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| trois grandes étapes L’outcome mapping se divise en trois grands blocs. Chaque bloc comprend des étapes successives et une gamme d’outils conseillés.
1. Définition des intentions Cette première phase comprend l’identification des partenaires et de leurs besoins, la définition de la vision et la planification du projet. Exemple d’outils : écrire un essai sur la situation idéale pour les bénéficiaires finaux
2. Monitoring
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ettre fin à l’extrême pauvreté au Brésil, améliorer la qualité de l’enseignement en Zambie ou encore préserver l’environnement en Belgique ; en voilà de beaux objectifs, aussi nobles qu’ambitieux. Ils sont aussi, et surtout, parfaitement irréalisables à l’échelle d’une simple organisation, quels que soient sa taille ou son budget. Par contre, il est possible d’y contribuer. L’outcome mapping, alias cartographie des incidences, peut même vous y aider !
Changement complexe
« L’outcome mapping est une méthode intégrée de planification, de monitoring et
d’évaluation particulièrement utile dans des programmes qui visent un changement social complexe », nous explique Jan Van Ongevalle, Research Manager à l’Institut de recherche sur le travail et la société (HIVA) de l’Université catholique de Louvain (KUL). « Elle se concentre sur les changements de comportements et de pratiques des acteurs qui peuvent être directement influencés par un projet. On part de l’idée qu’une ONG du Nord n’a qu’une influence très limitée sur les bénéficiaires finaux mais qu’elle peut avoir plus d’impact sur ses partenaires proches, appelés partenaires limitrophes. Les projets se focalisent donc sur les modifications envisagées chez ces partenaires. »
On passe dans la mise en œuvre du projet avec un suivi régulier des évolutions constatées. On retrouve déjà des éléments d’auto-évaluation et d’adaptation du projet. Exemple d’outils : l’outcome journal (journal des incidences) est une sorte de carnet de bord qui permet de suivre au jour le jour les évolutions concrètes du projet. Il sert aussi de base de discussions entre les acteurs.
3. Evaluation Cette phase est encore en plein développement. Comme la méthode a tout juste dix ans, la capitalisation des premières expériences commence à porter ses fruits. Exemple d’outils : le site www.outcomemapping.ca, à la fois site de diffusion et forum d’apprentissage sur la méthode, reprend différentes techniques dont la plus populaire est l’outcome harvesting.
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| témoignage
Steff Deprez, Coordinateur chez Vredeseilanden et consultant en planning, monitoring et évaluation
Dans sa version idéale, la méthode est extrêmement participative. Dès la phase de planification, les partenaires limitrophes sont impliqués dans le processus. « Dans la définition des intentions, on cherche à savoir quel est le résultat final vers lequel on veut tendre (la vision) et, surtout, quels sont les changements qu’il est dès lors nécessaire de mettre en œuvre au niveau des partenaires limitrophes (les outcomes ou incidences). L’approche est fondamentalement orientée vers les acteurs. Quels sont les rôles, les responsabilités et les attentes de chacun ? Tout cela est mis sur la table lors de la planification. Cela permet d’éviter les malentendus et d’identifier clairement qui fait quoi. »
tenaires, il est impossible de le créer seul derrière son ordinateur. Il est impératif de rendre visite aux partenaires et de décider avec eux du soutien qui sera le plus approprié. Ce faisant, la réussite d’un projet est mise en grande partie sous la responsabilité du partenaire, ce qui correspond finalement à une réalité Jan Van Ongevalle objective. On retrouve là un des grands principes de la méthode. En tant que programme d’aide, on reconnait que le changement ne peut se produire que s’il est porté au niveau local. »
People-centered
L’approche recadre également les ambitions d’un projet de développement. On est bien loin du mythe du héros qui vient apporter 1001 solutions aux problèmes d’une population défavorisée. « On reconnait que le
L’outcome mapping fait rejaillir l’aspect humain du développement et des relations Nord-Sud. « Comme le projet est dessiné sur base des besoins exprimés par les par-
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Plus humble
« L’outcome mapping est plus qu’une méthodologie simplement constituée d’outils à appliquer. Elle induit un changement de regard sur la notion de développement et sur la manière de planifier un projet. Pour moi, elle amène plusieurs éléments intéressants. Premièrement, l’approche est “actor centred” : on se concentre donc sur son propre rôle et celui des partenaires. Deuxièmement, on vise avant tout un changement de comportements auprès des partenaires qui peut contribuer à une amélioration chez les bénéficiaires finaux. On parle humblement d’une contribution au changement et non d’une attribution unidirectionnelle. Dans la manière de mesurer, on ne regarde pas le nombre d’activités qui ont été organisées par le partenaire du Sud mais plutôt si le partenaire du Nord a donné la bonne formation. Enfin, c’est un des rares modèles qui inclut dans le processus les changements qui doivent s’opérer dans l’ONG du Nord pour pouvoir bien jouer son rôle de soutien. »
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“Chaque contribution mérite d’être analysée et discutée en profondeur.’’ | les points forts L’outcome mapping
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changement social est un processus très complexe qui dépend de beaucoup de facteurs divers et variés. Dans l’évaluation par exemple, le but n’est pas d’attribuer les transformations observées à un projet ou un acteur en particulier. On cherche à voir comment un programme a pu contribuer aux évolutions constatées. Il ne s’agit évidemment pas d’un simple lien causal linéaire. Chaque contribution mérite d’être analysée et discutée en profondeur. Cela fait partie du processus d’apprentissage et d’amélioration. »
Un nouveau cadre ?
L’outcome mapping offre de nouvelles perspectives pour penser un projet. Peut-elle pour autant remplacer le cadre logique ? « L’intérêt pour cette méthode grandit de plus en plus bien qu’elle soit finalement peu répandue chez les bailleurs de fonds. Beaucoup d’organisations se rendent compte des avantages de ce processus et commencent à l’utiliser parallèlement au cadre logique. Elle facilite, entre autres, l’opérationnalisation concrète de projets qui, sur papier, semblent parfois très théoriques. Par contre, je ne pense
––L’utilisation des différents outils implique beaucoup de dialogue avec les partenaires. Cela permet de nouer des liens plus solides, de mieux se comprendre et de mettre en place des mécanismes d’apprentissage mutuel. ––En calculant les effets sur les partenaires proches au lieu des bénéficiaires finaux, l’outcome mapping donne une idée beaucoup plus précise de l’apport concret d’un projet. ––Son utilisation est très flexible. Une bonne partie des outils peut être utilisée indépendamment de la méthode.
| les limites –– L’outcome mapping est encore très jeune. Les modèles sont en évolution constante et doivent être adaptés à chaque contexte particulier. –– Le vocabulaire associé est proche du jargon utilisé dans la gestion projet traditionnelle mais il désigne des
concepts bien distincts. Il faut donc s’habituer à cette nouvelle terminologie. –– La méthode n’est pas directement applicable dans des projets très techniques comme, par exemple, la construction d’un bâtiment.
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“Cela amène les gens à se poser des questions sur le pourquoi de leur action plutôt que sur le comment.’’ pas que ce soit une bonne idée de remplacer le cadre logique par l’outcome mapping comme méthodologie de référence. Les deux méthodes sont d’ailleurs plutôt complémentaires. » Venez-vous de découvrir une méthodologie qui va révolutionner votre organisation ? Pour le savoir, il suffit d’essayer ! Une courte formation, voire, pour les plus assidus, la lecture du manuel de facilitation suffisent pour se mettre dans le bain. « Une simple introduction donne déjà une bonne idée du potentiel d’utilisation de la méthode. Certains décident d’en faire un cadre de référence, d’autres ne reprennent que quelques éléments qu’ils adaptent en fonction de leur situation. Ce qui est sûr, c’est que cela amène les gens à se poser des questions sur le ‘pourquoi’ de leur action plutôt que sur le ‘comment’. » Une petite remise en question ne peut pas vous faire de tort !
RENAUD DEWORST
| en savoir + Livre La cartographie des incidences : intégrer l’apprentissage et la réflexion dans les programmes de développement.
Sarah Earl, Fred Carden et Terry Smutylo, CRDI, 2002.
Internet www.outcomemapping.ca
Vous connaissez un outil intéressant dans un contexte de développement ? Faites-le nous savoir !
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| parole d’expert
Irénée Karfazo Domboué
Irénée Karfazo Domboué est professeur à l’université de Montpellier et fut parmi les fondateurs du “Réseau réciprocité des relations Nord-Sud”. Il est, entre autres, co-auteur du livre « Savoirs du Sud : Connaissances scientifiques et pratiques sociales : ce que nous devons aux pays du Sud » aux Editions Charles Léopold Mayer. Aujourd’hui, il continue avec d’autres (notamment l’association AND : artisans d’un nouveau développement) a favoriser la prise de conscience pour des rapports sains qui reconnaissent la place de tous, au Nord comme au Sud.
La réciprocité, un enjeu majeur dans les rapports entre les peuples
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orsque, il y a 20 ans, en juin 1993, s’est tenue l’Assemblée constitutive du “Réseau réciprocité des relations NordSud”, la mondialisation n’avait pas la même ampleur qu’aujourd’hui. Depuis, elle a effacé les frontières. Quoique… Nous partions alors d’un simple constat : l’échec patent des politiques dites de coopération au développement, et ce depuis la décolonisation des années 1960. Dans les relations Nord-Sud, on
n’a jamais pris en compte à sa juste valeur l’apport des pays du Sud, tant en matières premières qu’en savoir-faire. On a ignoré les besoins de ces pays, et donc hypothéqué leur avenir. Le résultat est cruel aujourd’hui : les conditions de vie se sont dégradées et le “développement” s’est traduit en renforcement de la dépendance financière, politique, culturelle… En vérité il n’y a pas eu coopération mais opération du Nord vers le Sud. Alors, que faire ? Instaurer des relations de réciprocité, qu’est-ce que cela signifie ?
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Il s’agit de reconnaître les valeurs et les apports des uns et des autres pour établir une relation saine et durable. Qu’est ce que cela suppose ?
La notion de réciprocité
Est réciproque ce qui implique entre deux personnes un échange de sentiments, d’obligations, de services semblables. Les relations réciproques sont rarement binaires et mettent en jeu de nombreux partenaires. Cela suppose une volonté commune de questionnements des uns et
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des autres. La réciprocité est génératrice de valeurs humaines, elle engendre un mouvement continu et n’est possible que si il y a un interlocuteur identifié et fidèle dans la durée. La réciprocité est enrichissante ; les bénéfices mutuels dépassent la simple relation des partenaires, elle change les images classiques des uns vis à vis des autres et en cela elle est formatrice. Elle offre une ouverture sur le monde et permet de prendre du recul, de mieux analyser sa propre réalité, de prendre en compte les savoirs de l’autre pour aider à la résolution de ses propres problèmes. Aujourd’hui, on reconnait quatre domaines principaux où il est question de réciprocité : le social, la citoyenneté, la culture et les sciences et techniques. Dans chacun de ces domaines, le Sud a déjà largement contribué à la découverte et à la mise en commun de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être. Citons par exemple le principe de budget participatif mis en place à Porto Alegre, la thérapie
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“Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères si nous ne voulons pas mourir ensemble comme des idiots” — Martin Luther King communautaire venue du Sénégal ou encore les insecticides écologiques développés en Inde à base d’huile de neem.
Barrières et conditions
La réciprocité n’est pas un processus facile ni automatique, elle se heurte à des résistances plus ou moins actives dans les mentalités. Au Sud, on attend de l’aide et on ne voit pas ce qu’on peut apporter (complexe d’infériorité). Au Nord, on veut apporter de l’aide et on ne voit pas ce qu’on peut recevoir (complexe de supériorité). La réciprocité suppose une capacité d’écoute, une ouverture et surtout la reconnaissance des uns et des autres comme bénéficiaire des apports de chacun. Cela n’est possible qu’en se remettant en cause et en se dépossédant de ses certitudes. Alors plusieurs questions se posent : les gens du Sud ontils quelque chose à donner, à apprendre aux gens du Nord ? Se sentent-ils capables d’être donneurs ? Sont-ils conscients de ce
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qu’ils apportent ? Le Nord considère-t-il que le Sud a un savoir, des expériences valides pouvant être utilisées pour solutionner les problèmes chez eux ? Répondre à de telles questions nécessite une vraie décolonisation des esprits dans le vocabulaire et les comportements. Ne dit-on pas immigrés pour les gens du Sud et coopérants pour ceux du Nord ? Pour arriver à échanger dans la réciprocité, il faut premièrement changer de regard et d’attitude, accepter et reconnaître que l’Autre est égal et à la fois différent par sa culture. Au Nord, c’est la prédominance de l’Avoir et de la Production. Au Sud, c’est la prédominance de l’Etre et de la Relation humaine. Par l’apprentissage
blog-notes interculturel, nous pouvons accepter et reconnaître que l’on a tous des besoins et des compétences. Deuxièmement, il faut construire une relation de réel partenariat dans la durée et la confiance. Cela consiste à identifier et à partager des objectifs, des valeurs, les besoins et compétences de chacun ainsi que les informations détenues par chacun.
Répercussions
Nous le voyons tous les jours, ce qui se passe quelque part sur la planète a des répercussions partout. C’est évident au niveau écologique, mais aussi au niveau culturel et au niveau économique et financier. Aujourd’hui, le maldéveloppement n’est plus l’apanage du Sud. À des degrés divers, bien entendu, il sévit partout. Dès lors, d’où peuvent venir les réponses à cette situation ? Des tenants du libéralisme mondial ? Avant que la situation ne devienne trop explosive, ceux-ci vont essayer de panser les plaies et proposer des remèdes. Mais ce ne seront que des palliatifs. N’estce pas plutôt du côté des victimes que pourraient surgir des solutions ? Partout, au Sud comme au Nord, foisonnent des initiatives de la part de ceux qui subissent. Mais la juxtaposition de solutions locales, même très nombreuses, n’arrivera pas à contrecarrer ce maldéveloppement mondialisé. À problème global, solution globale. Pour se mondialiser, le libéralisme économique a su développer une panoplie de moyens de
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communication à l’échelle de la planète. Les solutions au mal-développement qui émergent à partir d’expériences locales ne peuvent-elles pas, elles aussi, profiter de cette facilité de communication pour se développer et ainsi prétendre à une dimension plus globale ? Les acteurs qui mettent en œuvre ces expériences locales, partout dans le monde, ne sont-ils pas appelés à être solidaires et interdépendants au sens où ils se sentent liés par une responsabilité et des intérêts communs ? La nouvelle modalité d’action ne pourrait-elle pas être “mise en relation et réseau” au lieu de “intervention par projet” ? Le nouveau nom de la coopération ne pourrait-il pas être “échanges réciproques” au lieu de “aide” ? La réciprocité nous permet de renouer avec l’étymologie du mot co-opérer, c’est-à-dire, agir ensemble, nous donnant mutuellement ce qui nous est particulier dans la complémentarité des apports de chacun. La réciprocité est devenue un enjeu pour notre avenir commun au Sud comme au Nord. Elle est incontournable pour relever le défi du monde nouveau à construire : un monde bâti sur des valeurs autres que la recherche du profit, un monde nécessitant les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être de tous, un monde, enfin, où on coopère réellement et où on réussit ensemble. C’est la seule possibilité qui s’offre à nous pour éviter le chaos que nous préparent les tenants du système néolibéral dominant. L’idée avance mais les pratiques et les réalités sont loin du compte.
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E-zine mensuel édité par Ec hos Communication Rue Coleau, 30 1410 Waterloo Belgique +32(0)2 387 53 55 Éditeur responsable Miguel de Clerck Rédacteur en chef Pierre Biélande Rédacteur en chef adjoint Renaud Deworst Journalistes Sylvie Walraevens Patrick Collignon Création de la maquette Bertrand Grousset Metteur en page Thierry Fafchamps Réalisé avec le soutien de :
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