n'GO n°17

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C O OPÉR AT ION AU DÉ V EL OPPE ME N T ET R EL AT IONS H U M A I N E S

Decision Time Sur les traces de l’autodétermination

Préjugés sous l'oeil de la distorsion

Stefaan Change Declercq Journey contre vents et un citytrip marées vers l'inconnu

π17 avril 2014


π17

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radar P.3

blog-notes P.36 Frank Verstraeten

outil P.31

N’avez-vous rien oublié ?

Change Journey savoirs du sud P.21 William Ilembo Johnson

| édito Miguel de Clerck

Directeur Echos Communication

Déconstruire les préjugés Épisode 2

Chacun à sa place ! Qui fait quoi dans un partenariat ?

« Cette décision a changé ma vie ! » Que vous ayez décidé de partir vivre à l’étranger, d’arrêter de fumer, de changer de boulot, d’épouser une femme ou de nouvelles idées, vous avez peut-être déjà prononcé ces mots… Un aller simple pour un nouveau départ, une page blanche à remplir ; nous avons la facheuse tendance de considérer la prise de décision uniquement comme le début du processus de changement.

P.25

dossier P.14

COUVERTURE : © FOTOVIKA - FOTOLIA

portrait P.7 Stefaan Declercq

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Pourtant, en amont de la décision, vous trouverez de nombreux éléments qui influenceront la mise en œuvre de votre décision. Il faut collecter les différentes opinions, objectiver la situation, étudier les alternatives, déceler les ressentiments, encourager la participation, laisser la place au doute… Il faut, surtout et avant tout, s’assurer que l’on est la personne ou la collectivité la plus légitime pour poser les bons choix. Sinon, les belles idées peuvent vite tourner au vinaigre. Dis-moi comment tu décides, je te dirai si ça peut marcher !

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La photo du mois

changement de regard

“Portraits de la réconciliation”. C’est le nom donné par Pieter Hugo et le New York Times à cette poignante série de portraits qui réunit génocidaires et victimes, vingt ans après le drame rwandais. Le pardon fait partie de l’instinct de survie… (photo : Pieter Hugo) Découvrez la série complète sur le site du New York Times


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4 © SYLVAIN BILODEAU - FOTOLIA

changement de regard

Heureux qui communique… On ne le répètera jamais assez : si vous voulez être sûr que vos paroles se transforment en action, mieux vaut taper sur le clou encore et toujours. Entre l’idée que l’on veut exprimer et l’impact concret sur le terrain, la perte d’informations est colossale… Tenez-le vous pour dit !

Merci à OMA Formation pour l’illustration


changement de regard

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Œillère psychologique

En savoir plus : John W. Berry, Global Psychology, in South African Journal of Psychology 2013 43:391

Bien que les sciences de la psychologie aient connu de grandes avancées au siècle dernier, elles restent très liées à la culture occidentale, pour ne pas dire qu’elles sont hermétiques aux autres cultures. C’est l’avis de John W. Berry, un chercheur canadien. L’Europe et l’Amérique du Nord ont toujours donné le ton. Inconsciemment, elles ont ignoré l’apport des cultures asiatiques, africaines ou arabes pour expliquer la complexité de l’Homme. Ces parties du monde ne sont que des objets de la psychologie moderne. John W. Berry plaide pour le développement d’une psychologie globale, pan-humaine. Pour ce faire, il faut mettre l’accent sur ce qui rassemble plutôt que sur les différences, à la recherche de règles universelles (à l’instar de la biologie ou de la linguistique). Selon Berry, la première étape serait d’étudier la diversité des comportements…

© GRANDEDUC - FOTOLIA

avons 360° Nous lu pour vous


changement de regard

6 © YOUTUBE

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| Vidéo du mois

It’s not about the money, money, money... Le lip dub, ça vous rappelle quelque chose ? À la fin des années 2000, ces vidéos regroupant parfois des centaines de figurants faisaient un tabac. Les ingrédients sont

simples : une chanson connue, des dizaines de paires de lèvres qui se succèdent pour reprendre les paroles et une caméra toujours en mouvement. Jusqu’à présent, ces

petits films ludiques servaient surtout de récréation pour des étudiants, de petit coup de pub ou de team building improvisé. Cinq cents femmes ougandaises nous montrent

qu’il est aussi possible de parler de microcrédit entre particuliers… Mettez un peu de peps dans votre journée...


© TINEKE D’HAESE - OXFAM

portrait

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“Les projets ne suffiront pas”

Stefaan Declercq Secrétaire Général d’Oxfam Solidarité

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portrait

“Tu peux lire Mao si tu veux”, lui dit son père. “Mais lis-le six fois car après une lecture, tu ne retiendras que les slogans du Petit Livre rouge.” Stefaan Declercq avait alors 16 ans. Il était engagé, avide et un tantinet radical. Mais entre les menaces de suspension à l’école et la bienveillance de ses parents, il a trouvé son propre chemin. Un chemin fortement marqué par l’Amérique Centrale.

| bio

1955

Nait à Luluabourg (Congo)

1960

La famille Declercq rentre en Belgique

1972

Participe à la création du Magasin du Monde Oxfam de Bruges

8 © TINEKE D’HAESE - OXFAM

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1973-78

1978

Etudie la péda- Accomplit son gogie à Louvain service civil chez Oxfam à Bruxelles

1980

Devient coordinateur d’Oxfam au Nicaragua, puis dans toute la région

1996

1999

Devient SecréReçoit le prix taire Général haec olim de son d’Oxfam-Solida- ancien collège rité Belgique


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| témoignage

Jeremy Hobbs, ex-directeur Oxfam Australie et Oxfam International.

Contre le boycott US

« L’injustice me rend malade et les guerres sont une véritable atrocité. C’est pour cela que j’ai étudié l’agogique sociale : former les adultes pour changer le monde. Les guerres et les conflits d’intérêts naissent de com-

© TINEKE D’HAESE - OXFAM

À

une certaine époque, mettre sur pied un Magasin du Monde Oxfam n’avait rien d’une sinécure. À 17 ans, Stefaan Declercq et quelques amis ont ouvert le troisième magasin de ce type en Belgique. Très vite, ce projet, porté par plus de 200 bénévoles, devient le catalyseur d’actions sociales locales qui s’opposent à l’ordre établi. ‘Dangereuse gauche’ fustigeait le collège. Mais 27 ans plus tard, le rebelle d’autrefois s’est vu remettre par son ancienne école le prix Haec Olim, décerné à d’anciens élèves. Le chef de file d’Oxfam n’a presque pas hésité à l’accepter.

« On s'est rencontré après notre nomination comme directeur, lui en Belgique et moi en Australie. Il est très intègre et est une sorte de force tranquille. J’ai beaucoup appris de lui. Quand je dirigeais Oxfam International, il a été d’une aide précieuse dans les décisions délicates que la confédération devait prendre. Stefaan trouve toujours une alternative créative face au compromis dilué. Son approche ne suit pas le mainstream ; il refuse la politique du plus petit dénominateur commun. Il n’emprunte pas le chemin le plus facile et est toujours en quête de solutions. Au niveau personnel, Stefaan a connu des pertes qu’il a affrontées avec dignité et courage, offrant un soutien merveilleusement altruiste aux autres. Je suis très heureux de pouvoir le compter parmi mes amis.

“On ne peut faire plier les géants du secteur agroalimentaire qu’en unissant nos forces. Leur réputation est leur point faible.”


portrait

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portements pervertis. D’où l’importance de l’éducation. Petit à petit, j’ai aussi politisé mon dégout pour la guerre. J’ai commencé à comprendre comment fonctionnaient les structures, les économies, les métropoles… Le boycott économique des Etats-Unis envers le gouvernement sandiniste dans les années 80 m’a mis hors de moi, autant que les discours belliqueux qui opposaient l’Est et l’Ouest. Les premiers effets de la révolution du Nicaragua apportaient une réforme agraire, une alphabétisation généralisée et une amélioration des conditions de travail, notamment dans les plantations de bananes. Les Etats-Unis ont boycotté ce vent nouveau sous prétexte qu’il insufflait le communisme. En réalité, le marché du Nicaragua était plus libre qu’ici ! » « J’ai appris l’espagnol et, après mon service civil chez Oxfam, j’étais prêt à partir. En tant que coordinateur d’Oxfam pour l’Amérique Centrale, basé au Nicaragua, je me suis rangé derrière les Sandinistes, contre le boycott américain. J’ai participé à la première importation de bananes du Nicaragua vers l’Europe, en passant par la Belgique. Graduellement, le circuit s’est élargi à tous les pays de la région, pour tous les produits Oxfam qu’on trouve aujourd’hui sur nos étals. Pendant 15 ans, j’ai vécu et travaillé au Nicaragua, sans aucune intention de revenir... »

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|L ’horizon 2020 d’Oxfam International se dessine autour de trois objectifs

Big is also beautiful

Pourtant en 1995, il rentre. Les relations entre les bureaux nationaux d’Oxfam se gèrent désormais via Oxfam International, fraichement créée. Une telle structure existait déjà en Amérique Centrale depuis les années 80. Pour des raisons de sécurité, un système solide d’échange d’informations était nécessaire entre des pays où révolutions et contre-révolutions se succédaient. Stefaan Declercq devient alors Secrétaire Général en Belgique. « L’internationalisation du mouvement a été une bonne chose. Avant, je ne croyais qu’en ‘small is beautiful’, mais, peu à peu, je me suis rendu compte que ‘big’ pouvait aussi

1. En travaillant avec des pôles d’experts, Oxfam veut déplacer son focus de l’argent vers la connaissance pour pouvoir agir au bon moment, au bon endroit et avec les bonnes personnes. 2. Oxfam ne veut plus être étiquetée comme organisation du Nord. Beaucoup de pays au Sud peuvent porter des programmes via un Oxfam national. Oxfam International va se diriger de plus en plus vers le lobby politique. 3. Oxfam veut rationaliser son aide et laisser la coordination de tous les programmes nationaux au bureau national. Les autres bureaux continueront néanmoins à apporter leur input. En savoir plus : www.oxfamsol.be


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Nous devons aborder le climat, et la problématique de la pauvreté qui y est liée, de manière structurelle avec une sorte de gouvernance mondiale qui soit contraignante.

Coca Cola et Pepsi Cola sous pression Les dernières campagnes d’Oxfam mettent le doigt sur notre système alimentaire malade. Behind the Brands montre les dégâts écologiques, sociaux et économiques causés par les dix plus grandes firmes mondiales de l’alimentation. Coca Cola, accusé de s’accaparer des terres de manière récurrente, s’est engagé à respecter les droits fonciers des communautés au sein de sa chaîne d'approvisionnement.

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Dans la foulée, Pepsi Cola, deuxième entreprise agroalimentaire au monde, a pris une décision similaire. Quand les activistes et les consommateurs unissent leurs forces au niveau mondial, il devient possible de faire bouger même les plus grands. En savoir plus : Behind the brand

être ‘beautiful’. Il faut relier le local et le global. Les dizaines de milliers de donateurs d’Oxfam en Belgique se joignent à nos actions internationales. D’autant plus qu’Oxfam International a une capacité de lobby au niveau mondial : aux Nations-Unies, à l’Union européenne ou africaine, à la Banque Mondiale, à l’OMC… On ne peut exercer une pression que si on est reconnu comme une organisation ayant un impact, des moyens et une légitimité qui nous viennent des liens étroits que nous entretenons avec des organisations locales. Dans un monde globalisé, l’internationalisation des ONG s’impose. La Belgique n’a qu’un petit poing pour frapper sur la table. Et beaucoup de décisions ne se prennent plus à ce niveau-là. Pendant le sommet de l’OMC à Cancun en 2003, Oxfam a réussi à introduire la thématique du coton. Pour la première fois, il a été question des subsides européens et américains qui fragilisent la position des producteurs d’Afrique de

l’Ouest. De plus, leurs sols s’épuisent ou sont alloués à la production de nourriture. Des échanges d’informations et la mobilisation des paysans d’Afrique de l’Ouest avaient permis d’organiser en amont des conférences de presse partout dans le monde. En augmentant la pression, nous avons réussi à ajouter le coton à l’agenda de Cancun. »

Les géants à genoux

Pour Oxfam, le système alimentaire, complètement sens dessus dessous, est le grand défi face à l’inarrêtable course de la mondialisation. « L’homme a perdu le contrôle sur son propre système alimentaire. Tout est interconnecté, ce qui fait que les plus forts ont les moyens de contrôler le Sud. Quand les grands producteurs de bananes ou de café mettent leur produit à l’exportation et que le PNB d’un pays en devient trop dépendant, les cultures vivrières sont en danger. Sans compter l’agriculture subsidiée des Etats-Unis ou d’Europe


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© ART ALLIANZ - FOTOLIA

| témoignage

qui affaiblit le Sud. Les économies locales ne sont plus en mesure de concourir et les dettes étrangères ne peuvent se rembourser que grâce aux exportations. La Banque Mondiale exige de ces économies fragiles des ajustements qui visent principalement des coupes dans les budgets des secteurs sociaux : santé, enseignement, etc. Conséquence : la pauvreté grandit ! » Il faut unir les forces pour pouvoir faire plier les grandes entreprises internationales du secteur agroalimentaire. Oxfam International allie différentes politiques : lobbying, campagnes de sensibilisation et travail avec des partenaires locaux pour avoir des informations de premières mains. De cette manière, nous avons pu influencer Coca Cola et Pepsi (voir encadré p.11), car leur réputation est leur point faible. Les consommateurs s’agitent de plus en plus. C’est notre tâche de les informer et de les sensibiliser. »

Jan Rachels, président de testament.be

“Il reste fidèle à son idéologie dans la mise en pratique” Naviguer entre les intérêts

En tant que patron d’une ONG de développement, Stefaan Declercq a maintes fois été confronté à la critique. « Il est dès lors très important d’être bien organisé en interne. La société se pose beaucoup de questions sur les dépenses de la coopération au développement, mais il ne faut pas oublier que nous ne sommes que le Petit Poucet des relations internationales. La coopération diplomatique, militaire, économique et politique sont bien plus puissantes. Mais nous avons quand même une grande responsabilité : l’harmonisation des intérêts. Si notre politique agricole n’est pas en cohérence avec nos objectifs de coopération, il y a un problème. Je plaide pour un groupe de travail interministériel sur la coopération au développement dans lequel on travaillerait sur le long terme et de manière multidisciplinaire. Au bout du

« À 16 ans, Stefaan et moi avons lancé le Magasin du Monde de Bruges. Depuis lors, j’ai appris à connaitre cette personne accueillante et éminemment sympathique. Je me souviens que les jolies filles s’arrêtaient plus volontiers quand il tenait notre stand promotionnel ! Stefaan est un intellectuel avec une énorme connaissance et expérience du Sud. Ses convictions sont claires et en ligne avec son idéologie, et il est capable de traduire sa vision avec beaucoup de pragmatisme. Son approche est toujours plus internationale et professionnelle. Il y a dix ans, il fut le premier à lancer le dialogue direct pour recruter des nouveaux membres dans la rue. Malgré les critiques, il apparait aujourd’hui que c’était une idée fructueuse. Les cadeaux virtuels d’Oxfam sont un autre exemple du fait qu’il aime se renouveler, tout en restant fidèle à ses aspirations de départ. Stefaan était déjà un citoyen du monde avant l’arrivée d’internet. Où que vous alliez, il peut vous donner quelques contacts parmi ses connaissances. Le monde est son village. »


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compte, et toutes proportions gardées, les leviers financiers de la coopération au développement ne sont que peanuts. »

Projets locaux vs. concentration des forces

Relier problèmes locaux et globaux et viser toujours plus haut : voilà en quelques mots la stratégie la plus prometteuse pour Stefaan Declercq. « Je suis heureux de voir que de plus en plus de gens voyagent dans le Sud et comprennent mieux les problèmes qui s’y passent. Mais je ne pense pas que seuls les petits projets, aussi louables soient-ils, vont nous permettre d’y arriver. Les milliers de projets d’innombrables ONG (Oxfam en recense 3000 en 50 ans) ou d’Etats n’ont pas changé radicalement le monde. Loin de moi l’idée de remettre en cause les apports de ces projets ; le niveau d’éducation des filles dans le Sud a indéniablement augmenté, des pays comme la Chine ont connu un grand progrès économique, au Nicaragua ou au Salvador, vous

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Je plaide pour un groupe de travail interministériel sur la coopération au développement dans lequel on travaillerait sur le long terme et de manière multidisciplinaire. Au bout du compte, et toutes proportions gardées, les leviers financiers de la coopération au développement ne sont que peanuts.

pouvez exprimer votre opinion politique sans avoir peur d’être assassiné… Ces améliorations auront un impact sur les grandes relations de pouvoir. Il est clair que dans cette constellation, la Belgique risque de devenir des plus petites. Pour cette raison, je pense qu’il faut concentrer les forces au niveau international. »

Gouvernance mondiale

La privatisation grimpante d’actions publiques comme le logement ou l’enseignement menace notre modèle de prospérité, craint Stefaan Declercq. « Nous sommes toujours organisés sous forme de nation, donc notre passeport belge nous garantit certains droits et devoirs, mais je m’inquiète de la manière avec laquelle on va traiter les droits fondamentaux. Des biens communs, comme l’air et l’eau ne s’arrêtent pas aux frontières ! Pour moi, la plus belle constitution reste la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. On engrange de petites victoires, comme

le montre l’exemple de l’accaparement des terres (voir encadré p.11), mais les engagements des grands décideurs ne sont pas obligatoires. De plus, les problèmes se déplacent. La Chine n’est déjà plus la moins chère ; c’est le Vietnam. Si les salaires augment là-bas, qui sera le prochain ? On doit opposer d’autres pouvoirs à l’intérêt privé. Nous devons aborder le climat, et la problématique de la pauvreté qui y est liée, de manière structurelle avec une sorte de gouvernance mondiale qui soit contraignante. Et je pense que personne n’y perdra au change… » SYLVIE WALRAEVENS


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dossier

Chacun à sa place !

Qui fait quoi dans un partenariat ? Dans les discours, le rôle des acteurs locaux est de plus en plus reconnu, mais les pratiques n’ont pas toujours évolué au même rythme. De plus en plus d’organisations s’inspirent du principe de subsidiarité pour évoluer en toute cohérence.


dossier

“Les acteurs qui connaissent le mieux la situation sont ceux qui la vivent au quotidien.”

L

a journée a été intense. Véronique et Solveig ne le savent pas encore, mais elles viennent de rencontrer leur partenaire. Dans les rues de Gulu, au nord de l’Ouganda, elles remettent de l’ordre dans leurs idées. Aujourd’hui, elles ont noué un premier contact avec Childcare. La motivation de l’équipe leur a plu, la qualité des programmes aussi. Le récit de vie d’Hariette, ex-enfant soldat, résonne encore dans leur tête. La journée a été intense et émouvante. Il y a un an, WAPA faisait ses premiers pas au pays de la subsidiarité. Solveig Vinamont, co-fondatrice de l’association, ne regrette pas son choix. « L’idée de base est de ne pas se substituer aux compétences locales : ce qui peut être fait par la plus petite entité possible doit l’être ! En d’autres termes, les acteurs qui connaissent le mieux la situation sont ceux qui la vivent au quotidien. S’ils sont capables de mettre

15 © MARCELO RIVEROS © ASF CANADA

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Pascal Paradis, directeur d’Avocats sans Frontières Canada, nous partage son expérience de la subsidiarité tout au long de cet article.

Comment l’expliquer ? La subsidiarité fait vraiment partie de notre code génétique. Mais ce n’est pas facile d’expliquer au public de quoi il s’agit. Dans l’imaginaire collectif, les avocats d’ASF prennent l’avion en toge pour aller plaider des causes à l’étranger. En réalité, on vient en appui à des partenaires locaux : on les aide à faire leur travail. Avec notre savoir, notre expertise et notre expérience, on essaye de répondre aux besoins. Que peut-on

apporter ? C’est au partenaire de l’identifier… En discutant, on arrive à identifier le rôle qu’on pourrait jouer. Il faut pour cela être dans une écoute active du partenaire, dans laquelle on cherche à comprendre et à poser de bonnes questions. Faire jaillir les idées, c’est ça qui est passionnant ! Malheureusement, il y a peu de financement disponible pour cette phase préparatoire pourtant essentielle.


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en place des solutions, il faut leur laisser l’initiative. Mais cela ne veut pas dire qu’aucun soutien n’est nécessaire. Le principe Hope Okeny de subsidiarité va de pair avec le principe de suppléance. Par exemple, WAPA apporte une réelle plus-value dans la communication et la récolte de fonds de Childcare. Mais on n’est pas capable de gérer 20 ans de traumatisme psychologique et de réussir la réinsertion des victimes de la guerre civile. »

Le résultat et la manière

Une question de confiance ? La subsidiarité repose sur une relation de confiance, qui forcément ne s’acquiert pas du jour au lendemain. Au fil du temps, à force de travailler ensemble, on apprend à se connaitre et on tire les leçons de nos

expériences. Finalement, c’est un peu comme une relation de couple. La confiance doit exister au départ mais elle grandit petit à petit. C’est à la fois une condition mais surtout une conséquence de la subsidiarité.

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Pour Hope Okeny, directrice de Childcare, ce type de partenariat est une réussite. « Nous avons toujours espéré que des gens soutiennent le travail que nous faisons, de la manière dont nous le faisons. Avec WAPA, nous formons une équipe dans laquelle chacun accomplit les tâches pour lesquelles il est doué. Malgré la distance, on partage nos succès et nos défis. Cette relation donne beaucoup de motivation à l’équipe de Childcare : la reconnaissance de nos efforts et les nouvelles ressources financières et matérielles nous donne envie d’en faire encore plus chaque jour. Pendant longtemps, les Européens venaient pour nous dire ce qu’il fallait faire. Ici, la responsabilité dans nos actions (accountability) et la compréhension mutuelle sont centrales. On apprend les uns des autres. Et cela fait une différence sur le terrain. Les gens


© ARNAUD GHYS

dossier

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consciemment, on observe un certain maintien de la dépendance. On veut casser ce cercle. Nous venons en appui pour renforcer les compétences locales. Cela ne nous empêche pas de poser des questions, de conseiller certaines choses grâce à notre regard extérieur. Mais ce n’est pas à nous de dire à quoi il faut consacrer les fonds disponibles. »

Véronique Cranenbrouck et Solveig Vinamont

sont heureux de voir qu’on élargit nos actions. On reçoit beaucoup de remerciements de la communauté et des leaders locaux. »

Incompétence

Pour Solveig Vinamont, la satisfaction est également au rendez-vous. « On se parle d’égal à égal… et nos différences de points de vue et de compétences se complètent super bien. Pour le dire autrement, on reconnait aussi nos domaines d’incompétence. En partant sur ces bases-là, on constate notamment que le partenaire est naturellement très transparent dans ses rapports et sa communication. On poursuit les mêmes objectifs ! » Derrière le concept de la subsidiarité se cache une certaine manière de penser la coopération au développement. « On veut donner un autre visage à la coopération. Face aux erreurs du passé, il y a un mélange de dégout, de déception, d’incompréhension… Même si on ne le veut pas

En Haïti, l’aide internationale fait débat depuis de nombreuses années, et plus encore depuis le terrible tremblement de terre de janvier 2010. Patrice Florvilus, avocat et directeur de Défenseurs des Opprimées-Opprimés, plaide en faveur de la subsidiarité. « Quand nous discutons avec un partenaire potentiel, nous mettons en premier lieu nos valeurs et nos principes sur la table. Nous croyons en une coopération qui ne change pas les valeurs, qui implique et qui respecte les acteurs de terrain. Et nous avons la preuve que c’est possible. Nous sommes actuellement en partenariat avec Avocats sans Frontières ; ils nous renforcent dans nos capacités sans chercher à orienter nos choix. Le personnel est maintenant mieux formé, nos capacités organisationnelles ont augmenté et les échanges d’expériences nous font grandir. ASF peut, bien sûr, nous soumettre une idée, mais l’intérêt doit venir de notre côté. » Pour mettre cette relation en musique, certains éléments sont indispensables. « Le respect est un premier point fondamental. Cela implique d’accepter

© WAPA

Confiance réciproque


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© JEANETTE DIETL - FOTOLIA

“Faire le deuil d’un projet, d’actions ou de relations est assez délicat sur le plan humain.” qu’on ne sera pas d’accord sur toutes les thématiques. Ensuite la confiance réciproque et l’autonomie sont les meilleurs atouts pour établir un lien durable. Enfin, la cohérence dans nos actions et dans nos manières d’être est le seul moyen de garantir l’intégrité de notre démarche. Par exemple, si je ne veux pas qu’un partenaire m’impose ses vues, je n’ai pas non plus la légitimité pour dire aux personnes que je défends ce qu’elles doivent faire. Je ne suis pas là pour apporter une solution. Par contre, à partir de leurs expériences, de leurs pratiques quotidiennes, de leurs réussites ou de leurs échecs, je peux les accompagner pour trouver cette solution. Le souci de cohérence veut également que j’apporte ce que je peux à mon partenaire canadien, en partageant notre expertise sur nos modes d’interventions ou en allant expliquer le contexte haïtien dans les universités de Montréal. Nous sommes pour une coopération respectueuse et respectable qui promeut l’auto-détermination dans Patrice Florvilus tous les sens du terme. »

Suppléer en cas de besoin

Le principe de subsidiarité semble stimuler de nombreux acteurs. Mais le concept n’est pas nouveau, comme le précise JeanJacques Friboulet, responsable de la chaire d’histoire économique et d’économie du développement à l’université de Fribourg. « Cela vient des discussions philosophiques de la Renaissance et des libéraux anglais qui partent du constat que la société est une construction et n’est donc pas d’ordre naturel. Dans ce cadre-là, on développe l’idée que la société civile est antérieure à l’Etat et possède donc une plus grande légitimité. L’Etat ne doit dès lors pas intervenir mais suppléer en cas de besoin. Il n’y a pas de vision pyramidale de l’Etat mais plutôt des pôles qui interagissent. » La théorie fait donc la part belle à l’horizontalité. « Dans ce modèle, on garde un certain pouvoir de décision à la base. Et ce pouvoir suppose une responsabilité : l’acteur qui prend les décisions assume les résultats. Maintenant, la question se pose de savoir qui décide de l’attribution d’un pouvoir et d’une responsabilité. Une chose est sûre : plus les processus de décisions sont centralisés, plus on s’éloigne de la subsidiarité. »


dossier © CHRISTOS GEORGHIOU - FOTOLIA

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C’est le partenaire qui fait tout ? Il faut avoir l’humilité de dire qu’on n’est pas en première ligne. C’est le bénéficiaire qui est à cette place-là. En général, nos partenaires sont en deuxième ligne et nous sommes en troisième. Ca ne fait pas baisser la charge de travail ; simplement, on se concentre sur d’autres choses. Il faut par exemple une grande préparation pour comprendre le contexte et surtout l’actualiser. D’une année à l’autre, les situations peuvent changer

complètement. Si on veut que notre appui reste pertinent, il faut continuellement se remettre en question et enregistrer les feedback de nos partenaires. Quand on montre les résultats sur le terrain, les bailleurs se demandent parfois quel a été notre rôle. Au lieu d’écrire des rapports où on se tire le cou, il faut accepter de dire que si on est parti de la base, si on agit par, pour et avec les gens, notre rôle se dilue dans une réussite collective.

Liberté d’action

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Dans la pratique, il n’est pas toujours évident de faire les arbitrages. Entre les Jean-Jacques bénéficiaires, les or- Friboulet ganisations locales ou nationales, les différents niveaux de gouvernements, les partenaires, les réseaux, les entreprises et bien d’autres encore, il n’est pas facile d’identifier qui est le plus à même de prendre en charge une tâche définie. « Dans cette interdépendance, on doit accepter que les responsabilités soient exercées au niveau adéquat. Cela demande une gestion des compétences très fine et une grande transparence de tous les acteurs concernés. Dans l’idéal, on pourrait imaginer de mettre noir sur blanc les tâches de chacun… Mais on n’est pas près d’y arriver ! » Au-delà de l’attribution des rôles, le principe de subsidiarité renferme d’autres défis pour les ONG occidentales. « Je pense notamment à l’idée de participation. Prendre en compte la société civile fait partie des nouvelles priorités de la coopération internationale. Qui peut le mieux récolter les attentes, les idées ou les besoins ? Qui peux le mieux les formaliser ? Qui peux le mieux les transmettre ?


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Quand nous discutons avec un partenaire potentiel, nous mettons en premier lieu nos valeurs et nos principes sur la table. Nous croyons en une coopération qui ne change pas les valeurs, qui implique et qui respecte les acteurs de terrain.

Deuxièmement, la subsidiarité s’exerce plus facilement dans un cadre souple, plutôt que dans un système bureaucratique. Il faut trouver le juste équilibre entre impératif de gestion et liberté d’action. Enfin, il ne faut pas oublier que toute institution a une histoire. Des ONG et leurs employés sont présents dans certaines régions depuis un bon bout de temps. L’idée de se retirer parce qu’on n’a plus besoin de nous est parfois difficile à accepter. Faire le deuil d’un projet, d’actions ou de relations est assez délicat sur le plan humain. » Le principe de subsidiarité, par l’implication des acteurs directement concernés, favorise pleinement l’exercice de la démocratie. Il offre un point de vue instructif sur les rôles des différents acteurs et des forces en présence. Dans la pratique, il entre en conflit avec d’autres principes, ce qui rend sa mise en œuvre plutôt complexe. Mais le jeu en vaut probablement la chandelle… Et vous, avezvous trouvé votre place ? RENAUD DEWORST

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Comment recruter ? Nous avons un processus de recrutement assez long. Après la présélection, il y a, entre autres, des mises en situation pour les candidats où l’on teste la capacité d’ouverture, l’interculturalité ou la capacité de travailler en subsidiarité. Certaines personnalités ont une plus grande volonté de travailler en subsidiarité. À l’engagement, un processus d’intégration commence. La nouvelle recrue rencontre les différents départements et les différents

partenaires et nous lui remettons des documents à lire. Mais, pour ne rien vous cacher, la subsidiarité s’apprend avant tout sur le terrain. C’est par la pratique que l’on se rend compte de certaines choses, qu’on adopte certains comportements, qu’on adapte son attitude : autant de prises de conscience et de changements qui se vivent plus qu’ils ne s’expliquent.


savoirs du sud

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Empowering Children


savoirs du sud empowering children

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n Europe, de nombreuses organisations pensent à l’Afrique et veulent lui venir en aide. Au lieu d’apporter des idées toutes faites et de les mettre en œuvre, une majorité de ces organisations a pris conscience que pour apporter un changement durable, l’initiative doit venir des locaux. Cette logique se vérifie quelle que soit la taille du projet. Chez E.P.U.C., nous travaillons à l’éducation d’enfants démunis. La particularité de notre approche est de mettre les enfants au centre de tout ce que nous faisons, pour leur bien et pour le bien de la communauté. Le succès que nous rencontrons depuis le départ vient de là ; nous impliquons les premiers concernés dans les moindres détails. Je pense que si nous agissions différemment, il nous serait impossible d’obtenir de bons résultats. Le fait que les enfants avec lesquels nous travaillons soient dans une situation difficile n’est pas une excuse : ils ont le droit de prendre des décisions pour eux-mêmes et de poursuivre leurs propres rêves. La première étape du processus d’empowerment est de laisser les enfants se rendre compte de leur situation. En discutant avec eux, on découvre ce qu’ils font de leur vie. Au fur et à mesure, je les

“Le fait que les enfants avec lesquels nous travaillons soient dans une situation difficile n’est pas une excuse : ils ont le droit de prendre des décisions pour eux-mêmes et de poursuivre leurs propres rêves.”

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savoirs du sud empowering children

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Le projet E.P.U.C (Education Promotion for Underprivileged Children) a démarré en 2011 sous l’impulsion de William Ilembo Johnson, fondateur du Centre for Hope to Disadvantaged People qui se définit comme une organisation locale, ancrée dans sa communauté, sans but lucratif et sans affinité politique. Le projet soutient une vingtaine d’enfants entre 8 et 14 ans du village de Kisesa dans la région de Mwanza en Tanzanie. En mettant en pratique des techniques d’empowerment originales, cette initiative prend le contrepied des traditions qui ne réservent aucun espace de décision à l’enfant, et surtout à l’enfant en difficulté. aide à identifier quels sont les problèmes auxquels ils font face et quelles conséquences cela pourrait avoir à long terme. La compréhension est la première clé du changement.

En pratique

L’une de mes questions favorites est : « Que puis-je faire pour toi et comment vas-tu y contribuer ? ». Si vous voulez donner des responsabilités à quelqu’un, il faut y aller graduellement. Je sais que les enfants peuvent trouver des solutions à leurs problèmes et faire les choix nécessaires à leur bonne évolution. Mais cela prend parfois du temps avant qu’ils aient confiance en

leur jugement. Par exemple, nous leur avons récemment demandé d’écrire les règles qui seraient d’application dans le centre où ils suivent les cours de rattrapage. Nous leur avons dit : le projet est sous votre responsabilité. C’est à vous d’édicter les règles de fonctionnement. Vous pouvez consulter qui vous voulez, mais vous déciderez en dernier ressort. Il leur a fallu un peu moins de trois mois pour lister une dizaine de règles assez exhaustives. Durant ce temps, ils ont appris que des règles peuvent vous aider à atteindre un objectif, et pas uniquement vous interdire de faire quelque chose. Ils ont aussi compris qu’il faut parfois limiter

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les libertés individuelles pour garantir la paix et l’unité. Non seulement les disputes se font rares, mais je ne peux pas imaginer une manière plus efficace pour qu’ils découvrent ces valeurs fondamentales.

Valoriser

Aujourd’hui, les enfants sont parties intégrantes du projet. Ils ont constitué un comité au sein duquel ils débattent de leurs problèmes, de leurs idées ou des questions que nous leur soumettons. Ils ont élu une présidente qui se joint à toutes les réunions d’équipe afin d’assurer une bonne circulation de l’information. Quand on cherchait à diversifier nos ressources financières, les enfants ont voulu acheter des poulets. Certains auraient préféré commencer un petit projet agricole, mais après que les uns et les autres aient expliqué le bien fondé de leur idée, c’est finalement le poulailler qui a remporté le vote. Ca me frappe toujours de voir à quel point les enfants contribuent au projet d’E.P.U.C. « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde » disait Mandela. Chacun peut participer au changement et personne ne devrait être privé d’éducation, quel que soit son origine, sa culture ou son statut social. Valorisons les enfants pour qu’ils puissent développer tout leur potentiel. Cela implique un changement de mentalité dans la communauté, dans les familles, chez les professeurs… pour vous comme pour moi !

“L’une de mes questions favorites est : Que puis-je faire pour toi et comment vas-tu y contribuer ? Si vous voulez donner des responsabilités à quelqu’un, il faut y aller graduellement.”

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Episode 2 : le monde tel qu’il n’est pas : la distorsion !

Apprendre à connaître la bête – le préjugé – nous permet de progresser dans notre compréhension de nous-même et des autres. Cet article, consacré à la manière tordue dont nous voyons le monde, donne des pistes pour améliorer la relation aux autres, mais aussi pour comprendre pourquoi le préjugé provoque autant de réactivités…

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Dans ses manuels de géographie publiés de 1939 à 1979, le géographe belge Jean Tilmont prêtait aux pygmées une grosse tête et un corps disproportionné aux bras trop longs. Une curiosité que releva Edouard Vincke dans l’ouvrage collectif Racisme continent obscur.

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t pour cause, en observant attentivement un grand nombre de photos de pygmées, on est en droit de se poser la question : où Tilmont a-t-il vu un corps disproportionné aux bras trop longs et une grosse tête ? Ils ont un corps plutôt bien proportionné malgré leur petite taille et une tête on ne peut plus normale, pour autant que les termes “bien proportionné” et “normale” veuillent dire quelque chose. Ces mêmes pygmées

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15 biais cognitifs ✔✔ ancrage mental : difficulté à remettre en cause la première impression. ✔✔ cadrage : la présentation d’une situation influence la manière dont elle sera interprétée. ✔✔ confirmation d’hypothèse : préférer les éléments qui confortent les préjugés plutôt que ceux qui l’infirment. ✔✔ conformisme : s’aligner sur l’opinion majoritaire ou sur celle du groupe auquel on appartient. ✔✔ disponibilité : ne pas chercher d’autres informations que celles immédiatement disponibles. ✔✔ dissonance cognitive : réinterpréter une situation pour éliminer les contradictions. ✔✔ effet de primauté : se laisser influencer par la première information perçue. ✔✔ effet négatif : privilégier les informations négatives plutôt que les positives. ✔✔ effet rebond : rendre

plus présente à l’esprit une pensée que l’on cherche à inhiber. ✔✔ erreur ultime d’attribution : favoriser systématiquement son groupe d’appartenance lors de l’attribution causale, par rapport à un autre groupe. ✔✔ illusion des séries : percevoir à tort des coïncidences dans des données au hasard. ✔✔ immunité à l’erreur : ne pas voir ses propres erreurs. ✔✔ perception sélective : choisir les informations considérée comme pertinentes en fonction de sa propre expérience. ✔✔ représentativité : considérer certains éléments comme représentatifs de toute une population. ✔✔ l’angle mort : penser qu’on est moins sensible que les autres à tous les biais cognitifs qui viennent d’être évoqués…


| aller + loin Livre Racisme Continent Obscur. Clichés, stéréotypes, phantasmes à propos des noirs dans le royaume de Belgique Collectif. CEC-Le noir du Blanc/ Wit over Zwart. 1991

Forming impressions of personality

Asch, S. E., The Journal of Abnormal and Social Psychology, vol. 41(3), Jul 1946, 258-290

The perception of people

Bruner et Tagiuri, dans G. Lindzey, Handbook of social psychology, vol. 2, Cambridge, Addison Wesley, 1954

Ce qui est beau… est bien

Jean-Yves Baudouin et Guy Tiberghien, Psychosociobiologie de la beauté, Presses universitaires de Grenoble, 2004

Cognitive therapy and the emotional disorders

Beck, A.T., Madison, CT: International Universities Press, 1975

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se voyaient souvent affublés de “lèvres épaisses” alors qu’ils ont les lèvres fines ; le comble étant la juxtaposition de ce commentaire sur un panneau présentant les types raciaux avec une photo de pygmée montrant exactement l’inverse de ce qui était affirmé. Les spécialistes des sciences cognitives expliquent ce phénomène par le mécanisme de distorsion. Pour faire simple, les humains regardent la réalité non pas telle qu’elle est mais telle qu’ils voudraient qu’elle soit. Mieux, ils refusent souvent de voir ce qui ne leur convient pas. Dans le cas exposé, le stéréotype utilisé par Jean Tilmont durant 40 ans était le reflet du préjugé qui assimilait les noirs aux singes ! Derrière ce mécanisme de distorsion, se cache une série de phénomènes cognitifs – alimentés par des représentations socialement partagées ou personnelles – liés au fonctionnement de notre cerveau : l’impression globale, l’effet de halo, l’effet de primauté, les mécanismes d’inférence, la généralisation, l’hypersensibilité au négatif, etc. Tous ces phénomènes ont une caractéristique redoutable : ils sont rapides, très rapides. Se faire une première impression globale ne prend que quelques centaines de millisecondes. Une fois qu’elle s’est dessinée, le plus complexe est bien de la déconstruire.

Se forger une idée très vite : très utile !

La première question qui vient à l’esprit est de savoir pourquoi ces mécanismes mentaux opèrent aussi rapidement. Surtout s’ils nous amènent à créer en nous des représentations

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erronées. L’explication la plus simple est plus que probablement la nécessité de pouvoir adopter une réaction adaptée en un minimum de temps, surtout en cas de danger. Pour le dire autrement, il vaut mieux se tromper en croyant voir une crinière de lion et en prenant la poudre d’escampette que d’attendre d’avoir la confirmation qu’il s’agissait bien d’un lion et de se faire gentiment croquer. Comment ça marche ? Plusieurs expériences célèbres ont montré combien les mécanismes cognitifs ont pour rôle de se former le plus rapidement possible une image mentale, chargée de sens, de ce à quoi nous sommes “confrontés”. L’idée sous-jacente est de permettre à l’i nd iv idu d’adopter un comportement adapté à cette situation. L’un des premiers à s’être intéressé à la question de l’impression globale est le psychologue Solomon Asch. Dès 1946, il met au point une expérience toute simple dans laquelle il donne à deux groupes distincts une liste de qualificatifs pour décrire une personne. Au premier groupe, il décrit la personne comme intelligente, habile, travailleuse, chaleureuse, décidée, pragmatique et prudente. Pour le deuxième groupe, il remplace chaleureuse par froide. Premier résultat, le remplacement d’un seul qualificatif change l’impression globale.

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L’expérience se poursuit en demandant aux deux groupes de compléter le descriptif par d’autres qualificatifs. L’image qui en ressort se révèle à la fois très complète et cohérente. Asch montre par-là que l’image que l’on se fait d’une personne forme un tout organisé et surtout dont les caractéristiques sont interdépendantes les unes des autres. Il montre aussi que sur base de quelques caractéristiques connues, l’être humain se construit une représentation beaucoup plus fouillée… mais déduite. Il montre enfin l’existence de l’effet de primauté. Nous sommes beaucoup plus sensibles aux premières informations : les éléments qui arrivent en premier prennent plus d’importance que les suivants. Et qu’il suffit d’inverser l’ordre des qualificatifs pour que l’impression d’ensemble change. Parfois du tout au tout.

De l’incomplet au complet

Chaleureux

Froid

Ce faisant, Asch met également le doigt sur le mécanisme d’inférence que l’on peut entendre comme la construction d’une image mentale précise et complète à partir d’informations de base incomplètes. On comprend aussi que derrière cela se cache des représentations particulières. Et que le stéréotype ou le préjugé vont nourrir cette représentation. Si je rencontre une personne présentant telle et telle caractéristique, je vais en déduire qu’elle


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a nécessairement les autres… C’est en gros ce qu’ont expliqué en 1954, Bruner et Tagiuri lorsqu’ils parlaient de la théorie implicite des personnalités, laquelle explique que chaque individu croit sincèrement et de manière naïve que certains traits de personnalité vont ensemble et d’autres non. Plusieurs expériences montrent ainsi que la beauté est naturellement associée à l’intelligence, la gentillesse, la santé, la sympathie… Ce qui provoque, entre autres, des discriminations lorsque les professeurs corrigent les copies des enfants à l’école, comme l’ont démontré Landy et Sigall. Lorsqu’il rencontre un homme à la peau brune ou bronzée aux yeux de couleur sombre et avec une longue barbe… les mêmes mécanismes entraînent l’Occidental d’aujourd’hui à s’imaginer être en face d’un musulman et plus encore d’un terroriste potentiel… Rien d’étonnant si une bouffée de crainte ou un réflexe de rejet surgit alors ! Aaron Beck l’explique dans un raccourci saisissant : nous regardons, prenons connaissance d’éléments externes, traitons ces informations par une série de mécanismes cognitifs (alimen-

“Un seul mot mis à la bonne place peut changer l’image que l’on se fait d’une autre personne.”


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tés par des représentations socialement partagées ou personnelles), générons une pensée automatique qui alimente une émotion, laquelle provoque les comportements liés à cette émotion. Tout cela en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Le comble dans cette histoire vient du fait que le “câblage” automatique de notre cerveau et qui a montré son utilité maintes et maintes fois à travers l’histoire, se révèle de plus en plus inadapté dans les systèmes complexes et multiculturels. Si nous interprétons mal la réalité, c’est en grande partie en raison d’un système cognitif inadapté. La question qui se pose alors est de savoir comment contrecarrer ce dispositif automatique. Suite donc aux prochains épisodes. PIERRE BIÉLANDE

Cet article a été rédigé en collaboration avec l’INC www.neurocognitivism.com

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Donnez seule­ment trois caractéristiques d’un individu, votre interlocuteur construira le reste ! rousse sympathique attentive

L’effet de halo L’effet halo consiste à évaluer une caractéristique d’un objet ou d’un individu en se laissant affecter par l’opinion que l’on a sur les autres caractéristiques de l’objet ou de la personne. Ce biais cognitif est par exemple utilisé en marketing pour imposer les produits d’une marque. Dans les années 2000, Apple a ainsi pu constater que ses

autres produits bénéficiaient du capital favorable associé à l’iPod. Apple a évidemment axé ses stratégies marketing sur cette base. Dans un autre domaine, ce que dit l’effet halo, c’est que si vous appréciez les beaux vêtements – notion très subjective –, vous regarderez les autres caractéristiques d’une personne bien habillée de

manière bien plus favorable que si elle ne l’est pas. Enfin, dans le domaine du préjugé, l’effet halo fait en sorte que l’opinion négative véhiculée par le préjugé rend beaucoup plus difficile le fait d’apprécier les autres caractéristiques d’un individu à leur juste valeur. Elles seront regardées avec suspicion ou de manière négative.


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Encore un modèle à suivre pour le changement ? Encore un nouveau jargon de management ? Encore une succession d’étapes pour garder le bon cap ? Si vous en avez assez des schémas et de la théorie, découvrez un instrument tout simple : un plan de ville attractif et ses questions limpides. Une manière efficace d’aborder le changement.

N’avez-vous rien oublié  ? Le Change Journey vous mène sur la route du changement.

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“Les changements sont complexes et il est impossible de les résumer à un modèle en 5 étapes.” | comment ça marche ?

1. Info-tourisme du changement

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u’un projet ou une décision ait un impact plus ou moins grand sur les personnes concernées est une évidence. Mais qu’il faille faciliter ce processus de changement n’apparait pas toujours comme une suite logique à ce premier constat. Si une idée est bonne, on se convainc assez facilement que les gens suivront. Le Change Journey identifie toute une série de domaines qui méritent une attention particulière en vue de réussir le changement et, parmi ceux-ci, lesquels doivent être traités en priorité.

Le facilitateur affiche un descriptif des 23 lieux sur les murs de la pièce. Chaque place va de pair avec quelques questions ouvertes.

2. Etat des lieux Le projet ou la décision qui fait l’objet de l’atelier est mis en perspective, afin que tous les participants partent de la même base.

3. Visite

qui les marquent le plus et répondent à deux questions : 1) Pourquoi avoir choisi ce lieu ?, et 2) Quelles actions envisagez-vous ? (environ 1 heure)

4. Discussion Les débats commencent, avec en premier lieu, les places qui ont récolté le plus de post-it. (environ 1h30)

5. Action L’exercice met en évidence que le processus de changement doit intégrer de nouvelles actions auxquelles personne n’avait pensé.

Les participants se déplacent d’un lieu à l’autre munis de cinq post-it. Ils en placent un sur le descriptif des lieux Il n’existe pas de canevas strict pour le Change Journey. À titre d’exemple, nous reprenons ici la manière dont Vincent De Waele aborde cet outil.


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Vincent De Waele

© RELATION TECHNOLOGIES

L’étape 5 avant la 3

« Le changement n’est jamais linéaire, contrairement à ce que nous aimons penser », explique Vincent De Waele, consultant en gestion du changement. « Les changements sont complexes et il est impossible de les résumer à un modèle en 5 étapes. Parfois il faut revenir sur ses pas, parfois il faut recommencer et parfois il vaut mieux passer à l’étape 5 avant la 3. Le Change Journey ne vous dira pas ce qu’il faut faire ; c’est une sorte de checklist, sans ordre précis, qui permet aux participants d’identifier en peu de temps des éléments auxquels on ne pense pas de prime abord. Le voyage et le résultat ne sont pas connus d’avance. Au début, le manager classique, qui porte un regard mécanique sur le changement, pourrait se montrer un peu récalcitrant. »

Info-tourisme

L’approche est simple, le visuel agréable. Une grande carte d’une ville imaginaire référence 23 lieux touristiques que nous, voyageurs, pouvons visiter : 23 lieux de réflexion où nous pouvons nous arrêter


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Si une idée est bonne, on se convainc assez facilement que les gens suivront.

| avantages

Pas besoin d’expertise

Le Change Journey est un méta-instrument : un cadre qui n’exclut pas d’autres techniques de management. Chaque lieu peut être découvert à travers une méthode prédéfinie mais ce n’est absolument pas

–– Le Change Journey traite des domaines souvent oubliés dans les processus de changement –– Son utilisation est simple et ne demande aucune expertise spécifique. Une expérience de facilitateur suffit. –– La carte et les questions sont disponibles gratuitement sur internet. –– La qualité des questions conduit rapidement à une grande ouverture d’esprit. © RA2 STUDIO - FOTOLIA

un moment. Le palais des expositions des succès vous tente ? Le cimetière des vieilles habitudes, Le jardin de la confiance, L’opéra des émotions ou La prison des résistances vous attirent ? Chaque endroit comporte 4 à 6 questions ouvertes qui permettent d’y voir plus clair. « L’idée du voyage est très forte et pertinente : vous partez explorer des places encore inconnues. Cela ouvre l’esprit vers de nombreux domaines qui n’apparaitraient pas spontanément. La force de cet outil tient dans la qualité des questions. C’est aussi simple que ça. Si les gens ne se questionnent pas, ils cherchent trop vite des réponses ou des méthodologies à suivre. Le Change Journey vous permet de prendre du recul à n’importe quel moment d’un projet pour voir si vous êtes sur la bonne voie. »

–– Le Change Journey est un exercice créatif, collectif et constructif qui mène à un plan d’action avec une forte implication individuelle. –– C’est un méta-outil qui est facilement combinable avec d’autres méthodes et techniques.

| limites ––Le Change Journey ne propose pas une démarche systématique. On ne peut pas partir d’une feuille blanche et arriver, étape par étape, à un plan concret. Le voyage et le résultat sont inconnus. ––La méthode, inventée par deux experts en changement finlandais et allemand, est moins adaptée à des cultures dans lesquelles le statut, la hiérarchie et les procédures prennent une place importante. L’émergence est une idée parfois difficile à accepter. ––Le Change Journey permet la gestion des facteurs humains uniquement. Il n’est pas question des aspects techniques. ––Il est conseillé de ne pas dépasser le nombre de 25 participants par session pour permettre à chacun de s’exprimer facilement.


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| témoignage Karel Boussu, Facilities en Real Estate Manager Mobistar © SDECORET - FOTOLIA

“Dès que l’image a été plus claire, on a pu mettre le plan en œuvre”

nécessaire. Beaucoup d’outils requièrent aujourd’hui un certain niveau d’expertise pour être mis en œuvre ; le Change Journey suit juste les règles de base de la facilitation. Si vous avez déjà un minimum d’expérience dans l’animation de groupe, le Change Journey ne nécessite aucune formation. L’utilisation de cet instrument est très flexible : se pencher en équipe sur un lieu chaque semaine, sous forme d’enquête, de workshop… Seule condition : le changement doit déjà être entamé.

Défi pour le manager

« La satisfaction après un exercice de Change Journey est en général très élevée. Les participants travaillent collectivement avec un esprit créatif », commente Vincent De Waele. « Les séances se terminent par la définition d’un plan d’action qui tient compte des véritables besoins de chacun dans le processus de changement, avec une implication de tous. » Qui dit mieux ? SYLVIE WALRAEVENS

| en savoir + informations www.changejourney.org

La traduction en français de la carte, des lieux et des questions est disponible gratuitement au format pdf sur demande auprès de vincent.dewaele@gmail.com

Vous connaissez un outil intéressant dans un contexte de développement ? Faites-le nous savoir !

« En 2011, les idées pour rendre l’entreprise plus durable grouillaient dans nos couloirs. Pour arriver à transformer ce nuage d’idées en un plan concret de mise en œuvre, il nous fallait clarifier les choses. Un groupe multidisciplinaire et motivé s’est mis en place et a utilisé la méthode du Change Journey pour mettre de l’ordre dans les esprits et éviter de se retrouver avec une liste reprenant une série d’initiatives possibles. Grâce aux catégories qu’il faut visiter, il était plus facile de peser le pour et le contre et de définir les priorités. Nous avons repris le style de présentation très visuel (la carte avec ses lieux à visiter) pour classer les différents projets. Cela s’est avéré être une manière idéale de présenter les informations, les actions et les changements à l’ensemble du personnel. Dès que le plan est devenu clair, nous avons utilisé une méthodologie de projet classique pour la mise en œuvre. Aujourd’hui, nous sommes arrivés au bout de notre plan d’action et la méthode du Change Journey y a grandement contribué. »


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| parole d’expert

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Frank Verstraeten

Frank Verstraeten est pédagogue et a travaillé ces trente dernières années dans différents domaines de la coopération. Il a été professeur en RDC pendant deux ans et accumulé de l’expérience dans les processus de changement à travers des projets de développement agricoles en Guinée Conakry. Depuis 1991, il s’est petit à petit investi dans l’éducation au développement. Il est actuellement coordinateur du Centre Universitaire pour la Coopération au Développement (UCOS), rattaché à la Vrije Universiteit Brussel.

Entre peste et choléra ?

À

la fin des années 80, la communication de la coopération au développement a entamé un grand virage : fini les images de misère, il fallait présenter les sociétés du Sud sous leurs aspects les plus positifs, pour en faire des sociétés comme les autres. Ce courant nouveau est né, sans grande surprise, de quelques éducateurs, employés d’a.s.b.l. ou d’ONG pour lesquelles la récolte de fonds n’étaient ni devenu le cœur de métier, ni une condition indispensable à leur survie. En 2008, Renzo Martens et son film Enjoy Poverty ont été rangés parmi les fers de lance de ce mouvement. Pour les convaincus d’une représentation “correcte” de la réalité, Renzo


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Martens est un héros. Pour moi, son message est diffusé de manière tellement cynique que je suis tout autant choqué. Paradoxalement, il va à l’encontre de ce qu’il voudrait défendre : le respect et la dignité. Il abuse de la crédulité de la population locale pour dérouler son argumentation. De plus, il ne donne pas la moindre piste d’alternatives qui pourrait inspirer les professionnels de la récolte de fonds.

Autrement et mieux

L’action ludique Radi-Aid - Africa for Norway est une tentative beaucoup plus réussie. Elle nous tend un miroir qui nous montre à quel point une campagne peut être (drôlement) honteuse. Grâce au succès de cette action, la Rusty Radiator Campagne (radiateur rouillé) a vu le jour. La campagne pointe du doigt les messages qui dépassent les limites, tout en récompensant d’un radiateur en or les initiatives qui éprouvent d’autres manières de faire. En première place, on trouve le clip de www.wateraid.org. Le message marque les esprits et démontre que la récolte de fonds responsable est possible !

Entre temps, la majorité des organisations d’aide continue à mettre en avant le rôle que vous et moi pouvons jouer dans la lutte contre la misère. Peutil en être autrement ? Le constat est là : des images choquantes ramènent 80% de recettes supplémentaires. Imaginez ce que vous feriez en tant que responsable de la récolte de fonds…

Les mensonges des success stories

Les critiques de la communication de l’industrie de l’aide se concentrent principalement sur les messages qui précèdent un projet. Lorsqu’il est question de résultats des actions de solidarité, les observateurs se taisent. Pourtant, il y a tout autant à en dire. Une success story est le chemin le plus court vers une campagne réussie. Naturellement, les ONG ont dès lors pris l’habitude de ne raconter que les histoires qui finissent bien. Ici aussi, les recherches en marketing révèlent que ce type de récit garantit une hausse significative des dons. En même temps, cela renforce l’idée que nous, et seulement nous, pouvons faire la différence et que, sans notre

© WWW.RUSTYRADIATOR.COM

“Cela demande du courage de tenir un discours plus juste et plus nuancé puisque les organisations de coopération sont jugées sur leurs prestations : un raisonnement 100%-satisfait-ou-remboursé.”

Utiliser une star norvégienne pour faire parler d’une campagne nationale de Plan… Quel expert en marketing ne signerait pas des deux mains ? Pourtant, cette image minimise à outrance la complexité du problème. De plus, le stéréotype du blanc sauveur démontre un manque de respect évident par rapport à la population locale.


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“Le peu de soutien que nous pouvons offrir incite plutôt à la modestie qu’à la prétention d’être une sorte de manager de la réussite.” soutien, la situation resterait inchangée. Il y a peu, j’ai vu une vidéo qui illustre parfaitement ce propos. Un 4x4 (évidemment), filmé au ralenti, roule entre les ornières et les flaques avant de s’arrêter près d’un petit groupe d’enfants africains en pleine admiration (évidemment). Un expert blanc, plutôt cool, saute hors de la voiture avec un gros sac en main qu’il remet fièrement aux enfants en délire. « Votre argent est utile et arrive directement aux bénéficiaires », disait le slogan. Cela demande du courage de tenir un discours plus juste et plus nuancé puisque les organisations de coopération sont jugées sur leurs prestations : « grâce à votre apport, le problème est résolu ». Un raisonnement 100%-satisfait-ou-remboursé.

Modestie

C’est finalement assez surprenant qu’on nous resserve encore la même soupe. Quiconque a un peu d’expérience dans les processus de changement sait à quel point ils sont complexes et parsemés d’échecs. Oui, une moustiquaire s’abime plus vite qu’on ne veut bien l’avouer. Oui, nous savons que nous ne pouvons jouer

qu’un rôle modeste. Les gens à la base sont les acteurs du changement et le peu de soutien que nous pouvons offrir incite plutôt à la modestie qu’à la prétention d’être une sorte de manager de la réussite ou une société d’investissement directement et formidablement rentable. De plus, la communication sur les success stories est une arme à double tranchant. Comment se fait-il qu’après autant de prouesses il faille, années après années, attirer l’attention sur un autre problème ? Et pourquoi certaines thématiques ressurgissent-elles périodiquement ?

Valeur de la solidarité

Nos interventions sont moins durables que nous n’osons l’admettre. Mais elles ne sont pas pour autant sans valeur. Il faut se mettre en quête de nouvelles images et histoires pour communiquer de manière adéquate. On pourrait commencer par reconnaitre que les réussites ne sont pas une certitude, mais que la solidarité et la coopération au-delà des frontières donnent de l’espoir et du réconfort et valent donc, en-soi, la peine. Les gens sont tout à fait à même de le comprendre…

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E-zine mensuel édité par Ec hos Communication Rue Coleau, 30 1410 Waterloo Belgique +32(0)2 387 53 55 Éditeur responsable Miguel de Clerck Rédacteur en chef Pierre Biélande Rédacteur en chef adjoint Renaud Deworst Journalistes Sylvie Walraevens Renaud Deworst Pierre Biélande Création de la maquette Bertrand Grousset Metteur en page Thierry Fafchamps Réalisé avec le soutien de :

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