C O OPÉR AT ION AU DÉ V EL OPPE ME N T ET R EL AT IONS H U M A I N E S
Logique ! Blog-notes... Marc Craps : Appreciative Inquiry
Portrait Rencontre avec Emerson Massa
Outils SALT : construire sur les forces…
π3 été 2012
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radar P.3 portrait P.7 Emerson Massa blog-notes P.31 Marc Craps
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Vite, la sortie ! comment faire pour… rassurer une personne stressée et anxieuse P.21
agenda P.34
outils P.26
SALT : construire à partir des forces
Un Cadre pour t ? en le développem dossier P.13 ! e u Logiq
| édito Miguel De Clerck
Directeur Echos Communication
Un article sur le cadre logique… Une bonne idée ? Nous nous attendions à un volée de bois vert. Au final, les avis sont plutôt nuancés. On nous dit qu’il eut fallu interroger plus d’ONG francophones car elles seraient plus critiques. Peut-être. À lui seul, ce simple commentaire illustre le débat. Indicateurs, méthodes d’évaluation, analyse de contexte reflètent une vision du monde et chaque culture a la sienne. Dans le cadre de la coopération, une administration a-telle d’autre choix que celui-là si elle veut plus de transparence, une meilleure allocation et utilisation des ressources, vérifier le changement au profit des bénéficiaires ? Certes, d’autres pistes existent, mais le cadre logique offre une maîtrise sans égale à l’heure actuelle. C’est un choix politique. D’autres visions du monde émergent non plus basées sur “l’arbre à problème”, mais sur le potentiel et les forces des gens, des groupes. Elles ont pour nom SALT ou encore Appreciative Inquiry. Elles ouvrent de nouvelles perspectives qui ne s’opposent pas nécessairement au cadre logique. Elles sont le chemin qu’il ne décrit pas.
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changement de regard
PHOTO : ©KHALID EL BASTRIOUI, MAROC 2009
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Deux en un
Cette photo est l’œuvre de l’artiste marocain Mohamed Arejdal. Son titre arabe est “Itnan Fi Wahed”, ce qui signifie en français “Deux en un”. Elle
résulte du travail de l’artiste sur l’ambivalence des regards : « Dans ce travail, j’ai essayé de montrer l’autre qui m’habite d’une manière assez étrange... De refléter le visage de la schizophrénie de notre société. » Pari aussi réussi
qu’interpellant et qui illustre parfaitement le fait qu’aux yeux de bon nombre d’Occidentaux, tout musulman porte en lui les germes d’un islamiste radical… Contact : Mohamed Arejdal mohamed.arejdal(at)gmail.com
changement de regard
© RICHLINDIE - 123RF
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| Leadership : la démocratie plus efficace
On sait que Kurt Lewin est l’un des pionniers de l’étude des comportements : en 1947 (déjà !), il avait mené un test pour vérifier quel était le mode de leadership le plus efficace. Trois types de leadership étaient testés : autoritaire, démocratique et laisser-faire. L’expérience consistait à faire partir trois groupes d’enfants de 10 ans en forêt. Chaque groupe devait réaliser une tâche précise avec un leader dont la mission était de désigner les tâches et les rôles de chacun, puis de contrôler et de juger chaque enfant. Chaque leader jouait succes-
sivement un des trois archétype afin d’éliminer les biais. Chaque groupe d’enfants travaillait donc avec un leader différent jouant un rôle différent à chaque tour. Le leader autoritaire désignait tous les rôles et les actions, le leader démocrate laissait choisir les rôles et arbitrait, le leader
laisser-faire restait passif. Des observateurs ont noté le rendement et la qualité des actions de même que l’apparition des comportements agressifs (verbaux et physiques). Au final, le groupe le moins efficace fut celui dont le leader adoptait un style laisser-faire. Le groupe le plus
efficace fut le groupe animé par le leader “démocratique”. Dans le groupe du leader autoritaire, l’ambiance fut parfois bonne, parfois agressive. Influence sociale et leadership dans la direction des personnes
changement de regard
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Harvard Medical school a publié, en mars 2012, une étude extrêmement intéressante sur les changements de comportement. En substance, cette étude explique que tous les efforts, même infructueux, menés pour changer de comportement valent la peine d’être entrepris. La raison à cela est à trouver dans le transtheore-
tical model (TTM) développé dans les années 80 et qui cartographie cinq phases dans la mise en œuvre du changement : le précontemplation, la contemplation, la préparation, l’action et la maintenance. L’originalité de l’étude est de montrer que l’échec est quasiment inhérent au processus. De la même manière, les rechutes ne doivent
Pour aller plus loin : “Why behavior change is hard - and why you should keep trying”
pas être considérées comme un cul de sac – « jamais je n’y arriverai » –, mais bien au contraire comme une étape essentielle dans une évolution qui n’est que très rarement linéaire. Les rechutes et les essais sont non seulement normaux, mais renforcent nos chances d’y arriver.
Article : Prochaska JO, et al. “In Search of How People Change”, American Psychologist (Sept. 1992), Vol. 27, No. 9, pp. 1102–14.
© CALXIBE.COM
Pourquoi changer de comportement est si dur et pourquoi vous devriez continuer à essayer
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Focus on Africa
avons vu 360° Nous pour vous Grande première à la BBC ! Le 18 juin dernier, la chaîne british a lancé le premier magazine télé quotidien sur l’Afrique. Focus on Africa veut devenir le reflet d’une Afrique en plein changement. Pendant trente minutes, des sujets tels que l’économie, l’entreprenariat, les innovations, la culture et le sport se succéderont sur BBC World News et sur une série de chaînes partenaires. Le présentateur principal de l’émission, le ghanéen Komla Dumor est très heureux de faire partie de l’aventure : « Après des décennies de désarroi et d’incertitudes, une nouvelle Afrique émerge. Les vieux clichés sont remis en cause et un nouveau récit fascinant est en train d’être écrit. Je suis incroyablement enthousiaste à l’idée de contribuer à une émission qui apportera une couverture et une analyse solide des perspectives et des défis africains. » Et ce n’est qu’un début. D’autres nouveautés, toujours consacrées au continent, sont sur le point de voir le jour…
© RAZIHUSIN - FOTOLIA.COM
Le teaser de l’émission est disponible en cliquant ici. Il n’est malheureusement pas possible de revoir les émission en ligne depuis la Belgique. Pour les amateurs, il suffit d’allumer la télé à 19h30, tous les jours de la semaine.
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“Ils ont perdu la vue mais pas la vie !”
Emerson Massa
fondateur de l’ONG “Viens et vois” à Brazzaville
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portrait
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Viens et vois ! L’invitation est lancée par Emerson Massa, lui qui a perdu la vue à l’âge de cinq ans. Son message se répand dans les rues de Brazzaville où il mène un combat sans relâche pour la dignité des aveugles et des malvoyants. Alors lisez et découvrez…
1976 | bio
Naissance à Pointe-Noire
1981
Atteint de cata racte congénitale, il perd la vue suite à une opération manquée
1984
Entame son cursus scolaire à l’Institut National d’Aveugles du Congo
1996
Intègre un collège de voyants dont il ressortira trois ans plus tard avec le bac
2000
Démarre une activité de gérant de cabines téléphoniques
2004
Fonde l’ONG Viens et Vois
2010
Décroche un poste de fonctionnaire en qualité d’agent social
portrait ©FRÉDÉRIC REMOUCHAMPS-KEOPS
«L
es aveugles et malvoyants font partie des gens qui sont souvent méprisés et rejetés par la société congolaise », témoigne Emerson Massa. « J’ai vécu cela. Certains placent même des pierres sur votre chemin pour faire rire les autres passants. Mais les maltraitances ne sont pas que physiques. Au niveau psychologique c’est difficile de s’entendre dire que l’on ne représente rien, que l’on est juste bon à attendre la mort. Même au sein de leur famille les aveugles sont déconsidérés. Les parents pensent qu’ils ne peuvent même pas effectuer de simples tâches ménagères. Ici, on leur montre que c’est possible. » Ici, c’est l’ONG Viens et Vois, fondée par Emerson Massa il y a bientôt dix ans. « Je voulais changer la perception de la cécité, car ceux qui en souffrent vivent dans la discrimination au quotidien. Il faut voir ce que ces personnes peuvent faire et pas ce qu’elles ne peuvent pas faire. » Le but de l’organisation est de permettre aux déficients visuels de retrouver une place dans la société. Première étape de cette insertion : l’enseignement du braille.
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| témoignage
Moukouyou Nixon, secrétaire général de Viens et vois
« Il développe toujours des idées novatrices. C’est par exemple grâce à lui que les premiers ordinateurs à reconnaissance vocale sont arrivés dans le pays. Malgré tout ce qu’il a déjà accompli, il est resté très humble et reste avec son objectif en tête. Il mûrit chaque décision pour pou voir continuer à résoudre les problèmes liés à notre handicap. Depuis notre rencontre à l’école il y a presque trente ans, je n’ai pas cessé d’apprendre avec lui… »
“Je dis souvent à mes amis : un aveugle peut être la personne la plus heureuse sur cette terre”
portrait
©123RF
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« Pour avancer dans la vie, il faut pouvoir lire, écrire et compter. Une fois qu’ils savent le faire, ils manifestent de la joie et sont heureux d’être sortis de l’analphabétisme. C’est une première victoire. Après, on se dit qu’il faut aussi s’initier à un métier pour pouvoir être utile aux autres et générer ses propres revenus. » Pour cette raison, l’association dispense diverses formations : gérant de cabines téléphoniques, pâtisserie, techniques de maraîchage, agriculture ou encore informatique. Une offre qui s’étoffe d’années en années pour pouvoir répondre toujours mieux aux demandes des bénéficiaires. « Je fais des études de marché. Je prends un échantillon de personnes et je leur soumet un questionnaire avec des propositions de nouvelles activités mais aussi des questions sur leurs habitudes de vie. Après, on fait le dépouillement et l’analyse en équipe. Si on veut avancer dans la bonne direction, il faut pouvoir écouter. »
| le projet
Une théorie de l’action
Pour Emerson Massa rien ne semble impossible et tout est réalisable, et se réalise, par la mise en action. « Par le travail, on trouve l’indépendance, la dignité et l’autonomie. Ce constat part d’abord de ma propre expérience. Je disais à mes parents, je ne veux pas être un parasitaire. Quand
j’avais 22-23 ans, je leur ai dit de ne plus rien me donner pour le petit déjeuner. Je devais moi-même trouver de quoi me payer à manger. J’ai commencé une activité de
“Par le travail, on trouve l’indépendance, la dignité et l’autonomie”
Toujours en quête de nouvelles idées, Emerson Massa s’est lancé dans un projet de forage électrique dans un quartier de Brazzaville où les coupures d’eau sont fréquentes. Le forage devrait permettre d’extraire entre 15.000 et 50.000 litres par jour. L’objectif est triple : générer des revenus pour l’ONG, créer de l’emploi pour les aveugles et continuer à sensibiliser les voyants. Le financement du projet est assuré, il ne reste plus qu’à trouver un terrain. L’eau, symbole de la vie, canalise de nouveaux espoirs vers plus de tolérance.
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téléphonie en empruntant de l’argent à des proches. Grâce à cela, j’avais les moyens de subvenir à mes besoins et j’ai aussi pu payer la dot de mon mariage. » Beaucoup de détermination, la capacité de positiver sans cesse et un pouvoir de conviction à toute épreuve : voilà les clés de la réussite d’Emerson Massa. Ce trentenaire, aussi loin qu’il s’en souvienne, a toujours possédé ces qualités. Il les emploie maintenant au profit de ceux qui n’ont pas eu la même chance que lui. Et la tâche n’est pas mince. Le handicap est encore en bien des endroits un tabou dans la société congolaise. Par sa démarche, il démontre à qui veut bien y regarder de plus près que ceux qui ont perdu la vue, n’ont pas perdu la vie. « Les mentalités évoluent parfois difficilement. Il faut montrer aux gens que la pratique est différente de leur pensée. C’est pour cela qu’il faut passer à l’action. Il faut du concret pour changer les idées reçues. »
Communication et transmission
“Il faut voir ce que ces personnes peuvent faire et pas ce qu’elles ne peuvent pas faire.”
« Quand on fait une activité à vocation sociale et humanitaire, il ne faut pas que cela reste confiné entre quatre murs. Il faut se faire connaître en communiquant et en invitant la presse. Quand j’ai lancé le projet, il n’a évidemment pas recueilli l’adhésion de tous. Certains disaient que ça allait être trop difficile. Mais ce sont là des limites de la pensée. Il faut alors beaucoup communiquer pour intéresser les médias et sensibiliser les communautés, les familles… Mais il ne suffit pas de parler de changement pour qu’il se réalise. La validité du discours
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ne suffit pas à garantir la vérité, il faut agir. » La communication revêt un caractère important pour amener plus de tolérance et les porteurs indispensables de cette transformation sont les aveugles eux-mêmes. « La première chose qu’il faut soigner, c’est l’aspect vestimentaire. Si vous êtes aveugle, sale et mal habillé, comment voulez-vous que les gens vous considèrent ? L’image véhiculée par la société est celle des personnes qu’elles voient dans la rue. Il faut donc aider ces personnes à reprendre courage pour leur donner la force de changer. » Pour y arriver, Emerson Massa a sa technique bien à lui. « Dans l’approche, il faut être très ouvert. Au début, il faut surtout essayer de rire avec eux en abordant des sujets qui peuvent amener de la bonne humeur. Et puis, via des histoires et des témoignages, le mental de la personne change et elle reprend la motivation nécessaire pour avancer. » Infatigable dans son engagement, Emerson Massa ne recule devant rien. Son positivisme et sa capacité a toujours aller de l’avant
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trouve une origine toute simple. « Quand on fait les choses avec son cœur, il est facile de se mettre en route », nous dit-il. Mais son voyage risque d’être encore long. « Quand je vois les réalisations de l’ONG, cela m’apporte un sentiment d’allégresse. Quand je vois que des gens qui ne pouvaient pas aller à l’Institut National viennent s’alphabétiser chez moi, quand je vois les gâteaux qu’ils ne faisaient pas auparavant, quand je les vois naviguer sur Internet, je suis fier… Mais l’heure n’est pas à l’autosatisfaction. Dans un pays qui compte plus de 100.000 aveugles et malvoyants, on a l’impression de ne pas avoir fait grand-chose en aidant 300 à 400 personnes. Beaucoup reste encore à faire et je crois que beaucoup sera fait. Je suis espérant ! » RENAUD DEWORST
| témoignages
Heinz Rothacher, secrétaire géné ral de la Mission Évangélique Braille
« Emerson est quelqu’un d’intel ligent, de très fin. C’est un très bon négociateur aussi : il sait où il va et il est très clair dans ses propos. Il est le chef d’orchestre de Viens et Vois mais il est évidemment soutenu par d’autres. Ce qui me plaît le plus c’est la manière dont toute l’équipe se complète. On sent une grande joie au sein du groupe de dirigeants (presque tous aveugles ou malvoyants) et beaucoup de dynamisme. C’est extraordinaire de voir qu’avec assez peu de moyens, ils arrivent à de très bons résultats. »
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Un Cadre pour le développement ? Logique !
dossier
Hallucinant ! Au Tibet, les candidats aux études de médecine ne sont pas soumis à un test d’aptitude. Un conseil des anciens attribue les places tant convoitées en se basant sur leur seul ressenti ! Complètement absurde ? Possible… Mais les méthodes d’évaluation ne révèlentelles pas beaucoup sur la manière d’envisager le monde ?
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dossier
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haque organisation de coopération au développement financée par le gouvernement belge y est confrontée : la Méthode du cadre logique (MCL). Outil de gestion et méthode d’évaluation, elle a été introduite dans les années nonante par la DGD afin d’organiser la coopération au développement de manière plus transparente et d'attribuer les ressources disponibles de manière
un peu d’histoire |
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“L’idée n’est pas de parler de ce que l’on veut faire (les activités), mais de ce à quoi l’on veut arriver, des changements que le groupe cible espère voir se produire (le résultat).”
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L’origine du Cadre logique Si les récits sur l’origine du Cadre logique diffèrent – certains y voient la pate des Canadiens –, sa première utilisation est américaine. Selon le PCM GROUP (2002), le développement du Cadre logique remonte aux recherches sur l’Operation Research et aux techniques de planification adoptées par l’armée américaine dans les années 50. En 1969, à la demande de l’agence de développement américaine (USAID), Practical Concepts Inc. élabore la Méthode du cadre logique (Logical framework approach). L’USAID
l’introduit dans les années 70 comme outil de gestion et de planification de ses activités de développement. Le Cadre logique a été ajusté, avec entre autres l’ajout de la colonne “hypothèses”, et l’instrument a été déployé en un vaste processus. Les organisations européennes de développement, les allemandes en tête, ont suivi l’exemple américain dans les années 80. Depuis la fin des années 90, le Cadre logique est l’outil analytique le plus largement utilisé dans le secteur du développement.
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| vu du nord
plus objective. Mais depuis son introduction, la discussion sur son sens ou son absurdité n’a jamais cessé. Petit tour d’horizon de ce qu’en pense une série d’acteurs de la coopération en Belgique.
Activité ne signifie pas changement
« La participation dans le processus intellectuel favorise l’appropriation »
Marti Waals
(Memisa : assistance médicale)
Nous adoptons une approche pragmatique et souple du Cadre logique. Avec ce modèle, nous pouvons dialoguer de manière systématique avec nos partenaires, comparer les différents districts et déterminer les objectifs de manière uniforme. Certes, nos interventions médicales s’accommodent aisément du Cadre logique, ce qui est plus difficile pour la sensibilisation ou le lobbying. Cependant, le cadre a un avantage général fort : il promeut le transfert d’appropriation. Si les
partenaires participent à sa conception, à la manière d’utiliser les maigres ressources disponibles le plus efficacement, à ce que peut être notre contribution externe et ce qu’ils doivent faire, la responsabilité est partagée. Il en ressort des initiatives intéressantes telles les fonds de solidarité ou le système des contributions par les patients, lesquels réduisent la relation de dépendance. L’aperçu réaliste de la situation rend les communautés locales conscientes que tout ne peut pas venir de nous.
Il ne fait aucun doute que la présence humanitaire occidentale dans le Sud telle que celle qui avait pris forme à l’époque coloniale, avait besoin d’une redéfinition. « Les interventions des ONG manquaient de finalité claire », explique Edgard d’Adesky, chef de service D3.2 Afrique du Nord et de l’Ouest à la DGD. « Seules les activités comptaient. Le rapport d’activités en était la manifestation. Les évaluations et les mesures d’impact étaient totalement étrangères à la culture ONG de l’époque. L’aide au développement était essentiellement perçue comme une action humanitaire et non comme un appui à un développement structurel et durable. » Le besoin d'une planification orientée vers des objectifs précis se faisait donc sentir pour évaluer et comparer les actions des ONG. La DGCD a opté pour le Cadre Logique, instrument déjà utilisé au niveau international (voir encadré p.14). Conséquence : les projets ponctuels sont devenus des programmes pluriannuels, avec des objectifs spécifiques, des résultats et des indicateurs permettant de mesurer ces résultats.
Une introduction boiteuse
Peu d’acteurs du développement reviennent sur les acquis de cette professionnalisation : « la plupart des
© AARSTUDIO - ISTOCKPHOTO
dossier
ONG ne rendent plus une liste d’activités mais se focalisent davantage sur les résultats. La qualité des indicateurs augmente. » confirme Annemie Demedts de Ngo Federatie (Coprogram). Pourtant, la mise en place du Cadre logique suscita beaucoup d’insatisfaction comme elle le rappelle : « Ce n’est pas tant le Cadre logique lui-même, mais sa prise en main qui est en cause. Nous l’avons découvert à travers les outils et non grâce à la vision qui le sous-tend. Cela a conduit à de nombreux malentendus. Les premières années n’ont pas été un franc succès. Aujourd’hui, après une période d’apprentissage, nous voyons les mérites du Cadre logique. La méthode en elle-même est neutre, mais son utilisation tant par les ONG que par des gestionnaires peut constituer un grand défi de réflexion. »
Conserver le cap
Parmi nos interlocuteurs, une quasi unanimité souligne l’apport du Cadre logique en termes de structuration : « Cela peut sembler étrange, mais appliquer un Cadre logique peut être un réel plaisir », déclare Bart Dewaele, directeur de
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“Un Cadre logique est un guide, une recette. Pas une méthode scolastique rigide.”
Le Cadre Logique comme état d’esprit Pour Edgard d’Adesky, chef de service D3.2 Afrique du Nord et de l’Ouest à la DGD, « un Cadre logique est un guide, un aide-mémoire. Pas une méthode scolastique rigide. C’est une recommandation. Les acteurs doivent faire leur possible pour atteindre les résultats escomptés. Le mot “Cadre” se réfère seulement à une réflexion préalable permettant de faire émerger un schéma d’actions. Le Cadre logique suppose un état mental, à savoir la capacité de rapporter précisément les effets immédiats des interventions. Nous sommes encore loin du niveau souhaité », poursuit-il, « mais en 2011-2012 des programmes de bien meilleure qualité ont été élaborés. L’application du Cadre logique démontre, à mon sens, le degré de professionnalisme d’une organisation et sa connaissance du terrain. »
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“Si les évaluateurs traitent un dossier mécaniquement, si seul l’objectif a une signification […], l’application est erronée.” la VVOB. « Cela nécessite une lucidité particulière et une bonne dose d’imagination pour faire la part entre ce qui est et ce qui n’est pas encore. Le Cadre logique vous oblige à penser logiquement et à organiser les étapes. C’est un exercice sérieux qui résulte d’une consultation fréquente entre les parties concernées. Cela ne doit donc pas toujours être remis en question par la suite. À mon sens, la DGD sait parfaitement que la réalité est très complexe et changeante. Pour elle, se focaliser sur le Cadre logique est une manière de contraindre les ONG à conserver le cap et ainsi d'éviter qu'elles ne deviennent des girouettes… »
linéaire de cause à effet ne surprend pas puisqu'il est issu de questions de logistiques militaires, un univers dans lequel “a + b = c”. « Sa transposition au secteur du développement n’est pas problématique tant que ses frontières sont reconnues et que son application est flexible. Imaginer que le Cadre montre l’entière vérité du processus de développement est une illusion », s’insurge Hédia Hadjaj, consultante au COTA, avant de prolonger sa pensée : « la réalité est infiniment plus complexe. Le développement va au-delà de l’apport de solutions techniques. Les changements dans le comportement humain, par exemple, sont particulièrement difficiles à prévoir. »
a+b = c
Chemin sinueux
En dehors de cette question de la souplesse, bon nombre d’acteurs remettent aussi en question la vision du développement sous-jacente à ce modèle focalisé sur les résultats annoncés. Dans quelle mesure laisse-t-il la place à l’imprévisible, inhérent au processus de changement humain ? Que le Cadre logique suive un parcours
Bart Dewaele (VVOB) reconnaît que la mise en œuvre d’une logique linéaire constitue parfois un “tour de force”, mais il souligne qu’une approche schématique est nécessaire pour rester concentré. « Bien que le Cadre logique parte d’un point A pour arriver à un point B en ligne droite, le chemin de ce point A vers
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Le mot n’est pas la chose
Le cadre n’est pas la réalité Utilisateurs et gouvernement conviennent que le Cadre logique n’est qu’un outil, que sa valeur est déterminée par une utilisation intelligente et flexible. Pourtant, certaines ONG soulignent combien le discours de flexibilité de certains décideurs de la DGD ne se retrouve pas nécessairement au niveau des gestionnaires de dossiers. « Beaucoup de gestionnaires de dossiers sont raisonnables », déclare Bart Dewaele (VVOB). « Mais si les évalua-
teurs traitent un dossier mécaniquement, si seul l’objectif a une signification, si le contexte n’a pas d’importance, l’application est erronée. Il faut une sensibilité pour les sciences humaines. Or, les nombreux cours sur le Cadre logique sont très techniques. La liberté que ce modèle suppose, est à peine mentionnée. De cette façon, vous créez des techniciens. Le Cadre n’est qu’un cadre, une série de boîtes qui ne reflètent pas pleinement la vision du monde. »
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“Laisser plac e l’imprévisibl à e”
Michel Philippart
| vu du nord
(spécialiste en communication, formateur en gestion des projets axée résultats, expert indépendant auprès de la DGD)
L’application du Cadre logique dans la coopération belge connaît une évolution positive. Mais la flexibilité dans son usage est à améliorer pour en faire un vrai outil de gestion, de suivi et d’évaluation. Le travail sur les hypothèses est le plus souvent le maillon faible de la chaîne. Ces hypothèses devraient être le facteur “chance” de nos programmes, dont Philippe Gabilliet fait l’éloge dans un petit livre récent. Il s’agit de porter un regard positif sur les risques et les opportunités. La “probabilité de cet improbable” est très grande. Si les hypothèses ont bien été identifiées et analysées, nous saurons saisir cette chance et la faire advenir. Un second
développement pourrait être introduit dans cette approche car le Cadre logique ne dit pas le chemin ; il établit la situation de départ et la vision de la situation améliorée, si nos résultats sont atteints. Le chemin pour atteindre ces objectifs est à inventer chaque jour, même si nous avons posé des jalons, des étapes. Pour adopter et introduire cet esprit dans la méthode du Cadre logique, la spiritualité bouddhiste pourrait nous inspirer. Lorsque l’action est conduite dans l’esprit du moment présent, elle se révèle plus efficace ; il convient d’implémenter nos programmes en se centrant sur le présent, tout en gardant son attention fixée sur le résultat attendu.
le point B est en réalité sinueux. Mais l’intention reste néanmoins d’arriver à B. Maintenir l’attention sur le résultat est important. Il y a dans le Cadre logique de l’espace pour le processus, mais celui pour qui le processus est une fin en soi tombe dans le fétichisme. Je trouve l’évolution d’une approche “projet” vers une approche “programme” très positive car, par définition, elle prend en compte les ajustements imprévus. » « Le Cadre logique est aussi une façon d’apprendre de vos planifications et interventions », renchérit Sven Rooms, directeur de programme au VVOB. « Si un point du programme n’apporte pas le résultat souhaité, cela peut s’expliquer par une raison externe ou un imprévu ; mais si différents points du programme échouent, il devient nécessaire de savoir s’il existe une cause plus profonde dans l’opération qui empêche constamment d’atteindre cette étape cruciale. »
Robins des bois vs. modestie
Certaines interventions portant sur le changement de comportement ont besoin de dix ans pour obtenir un résultat, d’autres une génération. Comment résumer une telle complexité dans un cadre qui attend des résultats concrets au bout de trois ans ? À cette question, les réactions fusent : « Le problème est que de nombreuses ONG sont peuplées de robins des bois trop ambitieux dans leurs objectifs », déclare Annemie Demedts (Ngo Federatie). « Ne demandez pas comment vous pouvez éradiquer la corruption dans un pays, mais imaginez ce que vous pouvez faire demain pour améliorer la situation. Une planification réaliste est fortement liée à la connaissance des processus sur lequel on souhaite exercer une influence : comment la prise de décision se fait dans une communauté ou comment la communauté rurale fonctionne ». Michel Philippart, consultant et formateur, corrobore cette analyse : « Le
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dossier
“Le Cadre logique est aussi une façon d’apprendre de vos planifications et interventions.”
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développement international est dans le cercle vicieux de l’échec, car tout le monde ambitionne de changer le monde d’un coup de baguette magique. Beaucoup de cadres logiques ne présentent pas une hiérarchie claire des objectifs. Les changements ne sont pas bien identifiés ou trop ambitieux. Un programme devrait se limiter à un seul objectif spécifique modeste, mais atteignable à 100% dans la durée du programme. L’objectif spécifique devrait dire quels sont les changements comportementaux que nous pouvons réellement atteindre sur une période de trois ans. L’évolution humaine prend une éternité. Il faut en tenir compte. Un second défaut de beaucoup de programmes, et donc de cadres logiques, c’est la faiblesse de l’analyse du contexte et de la définition de la situation de départ, la fameuse “baseline”. Si celle-ci n’est pas bien établie, avec des indicateurs pertinents, on ne pourra pas suivre ni évaluer le programme.
La cartographie des incidences
De telles réflexions ouvrent-elles la porte à la cartographie des incidences ? Annemie Demedts revient sur cette émergence : « la cartographie des incidences a émergé en tant que critique d’une utilisation erronée du Cadre logique. De nombreuses ONG ne se sont jamais demandées jusqu’où va leur influence et ce qu’elles peuvent faire pour effectivement apporter des changements, notamment comportementaux. Le mérite de la cartographie des incidences est d’avoir introduit ce point important
dans le débat. Au final, notre intervention, au sein de notre sphère d’influence, doit également avoir un effet sur le terrain en dehors de cette sphère d’influence. Cette question reste la clé pour évaluer si notre approche est la bonne. » Bart Dewaele (VVOB) illustre le propos à sa manière : « Si le renforcement des capacités de notre partenaire est notre objectif, si les changements positifs sur le terrain sont celui de notre partenaire, il est de notre devoir de soutenir ce dernier afin qu’il soit effectivement en mesure de réaliser son objectif. Et pour vérifier cela, nous retombons tout de même sur le Cadre logique. » Annemie Demedts (Ngo Federatie)
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Et au Sud… ça accroche ?
Le Nord a importé le Cadre logique à grande échelle dans le Sud, mais cette méthode linéaire ne contredit-t-elle pas la façon dont le Sud voit les choses ? Pour Marti Waals, responsable des projets humanitaires et des relations extérieures à Memisa : « les nuances et les finesses du Cadre logique trouvent peu d’échos au sein des collectivités locales. Dans la pratique par contre, cela fonctionne particulièrement bien. Nous travaillons explicitement autour du Cadre logique avec nos partenaires et nous n’avons jamais rencontré de résistance. Au contraire, les gens sont heureux de participer à la réflexion. » Pour sa part, Edgard d’Adesky (DGD) ne croit pas que l’origine géographique du modèle importe. « Chaque méthode doit être aussi proche que possible de l’environnement des groupes cibles et se dérouler dans leur propre langue. L’acceptation se fait alors naturellement. Lors de l’établissement d’un arbre à problèmes au Mali, j’ai été impressionné par la capacité des acteurs locaux à sentir les liens de cause à effet de façon très précise. Je ne me souviens pas que quelqu’un ait jamais remis en cause le modèle sur le terrain. » Ceci étant, sa praticabilité est loin d’être partout optimale. Certaines nuances se rencontrent en Asie, comme le souligne Hédia Hadjaj (COTA). Elle qui est intervenue au Vietnam, souligne le respect absolu pour l’autorité : « Aborder la réalité sous l’angle des problèmes est une grande difficulté, débattre des positionnements de la hiérarchie ne se fait pas dans certains milieux ».
Le mot de la fin… provisoire
On le comprend, le Cadre logique ne laisse pas le secteur des ONG de marbre. Pourtant, beaucoup reconnaissent, du moins en Occident, que le modèle est actuellement le meilleur disponible, pour autant qu’il y ait un espace pour son évolution. La perception du Cadre logique dans le Sud, n’a encore été que très brièvement discutée dans ce débat et généralement à partir d’un point de vue occidental. Cela nous conduit directement à un article ultérieur.
SYLVIE WALRAEVENS
| vu du sud
Robert Innocent Kheng (expert indépendant au Cameroun)
“Des résultats rapides néces sitent un cadre plus large” Le Cadre logique illustre-t-il une propension de l’Occident à imposer un modèle allant à l’encontre de notre point de vue africain ? Si la philosophie sous-jacente n’est pas fondamentalement nôtre, les experts africains se sont approprié la méthode et s’en accommodent. Pour les promoteurs de projets locaux, c’est un peu plus difficile. Leurs stratégies sont spontanées et empiriques. Une analyse d’impact d’un projet exige trop de temps pour eux, temps perdu pour le projet lui-même. Pour moi, le Cadre logique est un modèle de suivi et de
planification bien pensé qui assure la cohérence et la visibilité. S’il souffre de faiblesses, il vaut mieux que d’autres outils comme par exemple la méthode Rapid Results Initiatives (RRI) utilisée par la Banque mondiale et qui attend un résultat endéans les 150 jours. C’est une sacralisation du temps de travail qui fait perdre le recul d'un cadre global. Un autre grand défi consiste à identifier de bons indicateurs, a contrario des objectifs de l'ONU qui sont tout simplement irréalisables parce qu'établis par des experts, sans consultation avec les exécutants.
Pour en savoir plus sur le Cadre logique Agence suédoise de coopération internationale au développement : La Méthode du Cadre Logique, janvier 2003, ASDI.
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Vite, la sortie !
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comment faire pour...
Une véritable anguille… Impossible de la coincer quelque part. On sent bien qu’il y a un truc qui cloche.
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De fait, ce qui aurait dû être fait il y a trois jours n’avance pas. La personne paraît anxieuse, sa seule envie semble d’être ailleurs. Plus on la met face à ses responsabilités, plus elle semble conciliante, mais moins elle décide. Pire, elle vous évite dans les couloirs. Bienvenue dans le monde de la fuite !
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etour sur Henri Laborit et les trois formes de stress. Dans le n°2 de n’GO nous avions abordé le stress d’inhibition. Très naturellement, nous abordons dans cet article le stress de fuite et l’aspect pratique correspondant : comment savoir qu’une personne vit un stress de fuite et comment faire en sorte qu’elle en sorte ?
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Comment interagir avec le stress de fuite ? 1. Evitez le réflexe habituel En face de quelqu’un qui fuit, la tendance est classique : « mais qu’est-ce que tu attends pour le faire ? ». C’est parti pour un rappel de ses obligations. On le juge, on lui fait la morale. Pire, comme il est vite énervant : on se met à menacer, à sanctionner. Inutile de dire que tout cela revient à le coincer alors qu’il n’a qu’une envie : être ailleurs.
2. Comprendre le message La personne en stress de fuite est très souvent conciliante car elle sait qu’elle devrait faire qu’elle chose qu’elle ne fait pas. Mais cela ne résout pas son problème : « j’aime pas, je n’ai pas confiance en moi, je ne peux pas le faire, je n’ai pas les ressources pour le faire, j’ai peur de rater, etc. ». Son message est tout simple : « je ne peux pas faire face donc je veux m’échapper ».
3. Le sortir de l’état de stress Première étape : ouvrez la porte. L’analogie : coincez un chat dans vos bras, il ne pense plus qu’à se sauver. Relâchez votre étreinte, notre félin s’éloignera de quelques mètres ou d’à peine un ou deux pas. Il quitte aussitôt son état de stress.
Dès que la personne sent qu’il existe une sortie, elle est soulagée. Cette porte de sortie peut exister au propre comme au figuré : « tu sais que si c’est fait dans cinq minutes, c’est du pareil au même… ». En bref, dédramatisez. Deuxième étape : passez à l’écoute active. Prenez une posture de coéquipier qui aide à y voir plus clair. En état de stress, la pensée est très confuse et focalisée sur un seul objectif, la fuite. Avec des questions ouvertes, aidez l’autre à exprimer ce qui lui donne l’impression de ne pouvoir faire face. Puis reformulez en objectivant. Proposez-lui de fixer lui-même ses objectifs pour lui redonner le sentiment de maîtrise de la situation. Peu à peu, y voir plus clair sans qu’il y ait menace de sanction, fera sortir la personne de son stress.
4. S’attaquer aux causes structurelles Ce passage n’a qu’un temps, dès que la personne retrouve sa lucidité il faut aborder les logiques structurelles qui le mettent dans cet état. Sinon, à l’avenir, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
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| au mot près Ce qu’en dit le Larousse
Fuite
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Action de chercher à se dérober, à se soustraire à quelque chose de pénible, de dangereux : ex. « On lui reproche sa fuite devant ses responsabilités. »
“La bonne réponse à un stress peut y mettre rapidement un terme et relancer la mécanique.”
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Que se passe-t-il lorsqu’un animal – disons, une gazelle –, se sent menacé par un prédateur – disons, une lionne ? Pas compliqué, la gazelle dans un premier réflexe de survie se met à galoper à en perdre haleine. À un tel point qu’elle en perd toute lucidité, la pauvre étant complètement focalisée sur le gros matou qui lui court après. Ce manque de lucidité pourrait bien lui réserver une mauvaise surprise, les autres lionnes étant comme par hasard postées sur son trajet de fuite, l’attendant avec allégresse et délectation. Heureusement, la nature est bien faite. Bien souvent, notre gazelle s’en sort. Que se passe-t-il lorsqu’un homme ou une femme fait face à la même lionne ? Pas plus bête, il se met à courir. Elle aussi d’ailleurs. Ce réflexe de fuite est bien le premier instinct de survie qui a permis à l’humanité de se développer. Face aux lions, à moins de grimper rapidement dans un arbre, la fuite semble un réflexe bien futile. Mais c’est bien le premier réflexe : courir, fuir.
Un comportement inadapté
Ce mécanisme de fuite basé dans les structures reptiliennes de notre cerveau et qui assure notre survie, fonctionne aussi avec des sujets qui n’ont rien à voir avec la survie. Genre, vous devez écrire un rapport et vous ne vous sentez pas compétent pour le faire. Genre aussi, on vous demande d’intervenir en public et vous n’aimez pas ça. Genre encore, il vous appartient de sermonner un collaborateur alors que vous êtes allergique au conflit.
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Observer pour identifier
La véritable difficulté est d’identifier le stress de fuite à travers ses symptômes et donc les aspects comportementaux. Mais un symptôme ne suffit pas. L’exemple des insomnies, l’un des symptômes du stress de fuite, nous le fait rapidement comprendre. Premier piège : est-ce bien lié à du stress ? Les causes d’une insomnie sont en effet nombreuses : excès d’alcool, de caféine, troubles du sommeil liés à l’apnée, prise de médicaments décongestionnant, maladie de Parkinson, etc. Deuxième piège, tous les symptômes ne sont pas né-
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| aller + loin L’intelligence du stress
Jacques Fradin. Éditions Eyrolles (2008).
La légende des comportements
Henri Laborit. Éditions Flammarion (1994). Pour un aperçu des comportements liés au stress (fuite, lutte, inhibition).
“La fuite est liée à l’impression de ne pouvoir faire face !”
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Genre enfin, vous devez remplir de la paperasserie administrative et vous ne vous sentez ni talent ni envie pour le faire. Bref, ces milliers de trucs qu’on n’a pas envie de faire et qu’on réserverait bien à d’autres, peuvent nous mettre dans un état de stress de fuite. Particularité, comme socialement, on ne peut pas partir comme on le voudrait, il s’avère souvent impossible “de prendre la poudre d’escampette”. Cette volonté de fuir se marque alors par des micro-comportements car le corps ne peut masquer cette pulsion, il laisse donc échapper de précieux indices (voir p. 25)…
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cessairement faciles à observer : certains cachent merveilleusement leur anxiété, d’autres ne vous diront jamais qu’ils souffrent d’insomnies. C’est donc par le cumul des symptômes qu’on arrive à la bonne conclusion. Pour commencer le travail de détective, il s’agit de repérer ce qui met systématiquement une personne en retard ou les choses qu’elle ne fait jamais alors qu’elle devrait les faire. C’est un premier indice d’un dysfonctionnement, mais cela ne suffit pas. Encore faut-il savoir de quel dysfonctionnement il s’agit. La deuxième étape consiste donc à s’attacher à l’observation de comportements auxquels on ne prête généralement pas d’attention comme un regard fuyant ou une déglutition. Se mettre à l’écoute de l’autre et l’observer reste la clef d’une bonne interaction. Le bon diagnostic permettra d’adopter le bon comportement, lequel permettra de sortir la personne de son état de stress. Mais l’essentiel reste à venir, travailler avec bienveillance à une réponse structurelle. PIERRE BIÉLANDE
Les symptômes du stress de fuite Signes physiologiques ✔✔ Rougissement de honte ✔✔ Insomnie ✔✔ Déglutitions ✔✔ Respiration rapide ✔✔ Palpitation
Signes micro comportementaux ✔✔ Regard fuyant, qui “cherche la sortie” ✔✔ Sourire flou ✔✔ Voix instable
Vécu interne de la personne ✔✔ Envie d’être ailleurs ✔✔ Trac, gène ✔✔ Anxiété, crainte de l’agression ✔✔ Peur de la contrainte ✔✔ Recherche de la conciliation ✔✔ Confusion mentale, difficulté à organiser sa pensée Ces symptômes peuvent être cumulés.
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“La fuite est un réflexe de survie en face d’un danger réel. Mais ce réflexe s’active aussi pour des situations qui n’ont rien à voir avec la survie.”
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SALT : construire à partir des forces... La Constellation est un réseau mondial qui relie entre eux un nombre grandissant de commu nautés et de “facilitateurs’’. Une conviction commune les unit : toute communauté a la capacité d’agir et de surmonter les obstacles qui entravent son développement.
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omment stimuler et accompagner les réponses locales ? Cette question est à l’origine de La Constellation et de la méthodologie particulière qu’elle élabore. Pour y répondre, quatre lettres suffisent : SALT. « Quand nous faisons une visite sur le terrain, nous n’amenons ni projet ni argent », explique Jean-Louis Lamboray, président de La Constellation. « SALT, c’est un état d’esprit où on laisse concepts, schémas, processus et protocoles au vestiaire et où on arrive avec le regard de l’enfant. » Et pour voir quoi ? Les forces des gens ! L’approche part du postulat que chaque communauté possède les qualités requises pour mener à bien son développement. Seulement, certaines ne s’en aperçoivent pas. Un “facilitateur’’ peut les aider à les révéler. « Si je
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Le Processus de la Compétence Communautaire pour la Vie... Quel drôle de nom ! Derrière ce vocable se cache un projet ambitieux né de La Constellation, une association fondée en 2004 par douze citoyens du monde dont un Belge, Jean-Louis Lamboray. | le modèle SALT n’est pas à proprement parler une méthode. Elle se définit plutôt comme une vision et une manière d’être. Dans l’établissement d’une relation entre un facilitateur et une communauté, quatre étapes consécutives constituent la base de l’état d’esprit SALT.
S pour Stimulate et Support Par des questions appréciatives, le facilitateur cherche à découvrir les forces, les fiertés et les potentiels de ses interlocuteurs. Identifier les forces est le point de départ de l’action.
A pour Appreciate L’appréciation des forces relègue les manques au second plan. Par le dialogue,
le facilitateur renvoie à ses interlocuteurs une image positive d’eux-mêmes. Ils réalisent, ou se souviennent, qu’ils ont des atouts en main pour répondre à leurs problèmes.
L pour Listen, Learn et Link À chaque problème, des solutions ! Profiter de l’expérience et de l’expertise d’autres personnes aide les communautés à appliquer la solution la plus adaptée. Se mettre en relation avec d’autres pour réfléchir ensemble et apprendre les uns des autres constitue un principe de base de La Constellation.
T pour Transfer et Team Ayant pleine conscience de ses propres ressources, tout un chacun peut à son tour partager son expérience et initier d’autres personnes et d’autres communautés à la méthode.
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“Si je cherche un manque, je trouve un besoin. Si on cherche une force, on trouve l’action” cherche les manques, je trouve un besoin auquel je peux répondre. Si on cherche une force, on trouve l’action des gens qui agissent par eux-mêmes et qui prennent conscience de leurs propres ressources. »
Équipé à vie
SALT est le moteur du Processus de la Compétence Communautaire pour la Vie. Ce processus a pour but de mettre les communautés aux commandes de leur développement. Il s’appuie sur une série d’outils, tels l’auto-évaluation ou le plan d’action, qui permettent de structurer la vision du futur des communautés et de dessiner les contours des moyens qui doivent être mis en œuvre pour y arriver. Ce qui distingue ce processus des autres est le regard appréciatif. « Les outils sont neutres. Un tournevis sert à visser mais peut aussi tuer. Une évaluation peut aider à accompagner tout comme elle peut juger sévèrement les manques. Le fait de voir, en toutes circonstances, les forces des gens, c’est ça la véritable puissance de SALT. Et une fois qu’ils se rendent compte qu’ils sont les premiers à pouvoir jouer un rôle dans la résolution d’un problème, ils sont capables de solutionner n’importe quelle autre difficulté à vie. »
étapes
Le Processus de la Compétence Communautaire pour la Vie Étape 1 - Où voulons-nous être ? Étape 2 - Où sommes-nous maintenant ? Étape 3 - Comment allons-nous y arriver ? Étape 4 - Action. Étape 5 - Progressons-nous ? Étape 6 - Nous apprenons et partageons.
| les forces ––Le modèle est orienté vers l’action des communautés au niveau local par la mobilisation de leurs propres ressources. Ces actions sont entreprises pour et par les premiers concernés. ––Il place le dialogue et l’expérience au centre du processus, ce qui garantit l’appropriation des problématiques et des solutions qui y sont apportées. ––Il vient en complément des analyses techniques qui définissent les services à mettre en place. Le but est d’assurer que les moyens disponibles seront utilisés de manière efficace. ––Graduellement, par la mise en relation de différents groupes issus des quatre coins de la planète, il permet de faire émerger un savoir nouveau, basé sur l’expérience.
| les limites –– L’apprentissage et l’application du processus durent de 6 mois à 1 an. Cela demande donc un investissement considérable en temps et en ressources.
–– SALT est presque une –– Le modèle théorique est philosophie de vie. Cela continuellement questionimplique un engagement né et remis en cause par personnel important qui les expériences de terrain. inévitablement provoSi cela permet de s’assurer quera des changements de de la qualité de l’approche, comportement et nécessicela crée parfois le flou. tera un temps d’adaptation.
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| témoignage
Louis Marie Butoyi, assistant social à la Croix Rouge de Belgique
Louis Marie Butoyi La posture ressemble à un idéal. Mais force est de constater que dans la pratique, les résultats sont très concluants. « En stimulant et en appréciant ce que les gens ont en eux, on fait parler l’expérience de chacun. Après, en créant du lien entre cette expérience et d’autres savoirs, qu’ils viennent d’experts, d’organisations ou d’autres groupes, on favorise l’apprentissage et le transfert des compétences. »
Contrebalancer le pouvoir de l’expert
Le principe de base est d’apporter une contribution utile pour compléter et nuancer le pouvoir de l’expert. « L’expertise est indispensable. Mais si on sort de son labo pour faire des recommandations, ça ne suffit pas. Dans notre monde, des experts prennent des décisions pour des citoyens.
« J’étais habitué à travailler dans une méthode expert : tu réfléchis sur les problèmes des gens et tu cherches des solutions mais sans les gens. J’étais parfois surpris que les personnes concernées ne se rendent pas aux réunions de suivi. Ce qui m’a plu dans SALT, c’est d’aller vers eux comme une personne qui veut apprendre de leur expérience. Rapidement, ils commencent à être dynamiques et à se lancer dans l’action. Au centre pour demandeurs d’asile où je travaille, je suis en contact avec des gens qui ont des problèmes et je les considérais comme tels. Mais mon regard a changé. Dois-je trouver des solutions ou dois-je les inciter à trouver des solutions pour eux-mêmes ? Alors oui ils sont dans une situation
difficile mais ils ont aussi des forces pour agir et des choses à partager. Quand on est demandeur d’asile, on se met (et on est mis) dans une position de faiblesse. Une équipe SALT est venue et leur a demandé : qu’estce que vous avez à offrir à la Belgique ? Très vite, ils ont décidé d’organiser un événement pour partir à la rencontre des gens du village qui accueille le centre. La relation entre les demandeurs d’asile et la population était plutôt mauvaise. Suite à l’organisation d’un ‘‘repas du monde’’ et d’un défilé de mode, la population a pu constater que ces gens pouvaient apporter quelque chose. Et l’ambiance au village a bien changé. Cette histoire est simple, mais sans SALT elle ne se serait peut-être jamais produite. »
| ce qu’ils en disent « Le processus de la Compétence face au sida est une approche efficace dans la lutte contre le VIH/SIDA faisant intervenir l’appropriation locale ; il devrait être poursuivi et étendu. Le programme rencontre les besoins locaux et le soutient constant apporté se traduit en action locales durables. Avec un apport de ressources de faible coût mais demandant un travail intensif, les résultats ont été considérables. » Lien vers le rapport
La Constellation organise des forma tions en équipe qui mélangent théorie et approche sur le terrain. Pour en savoir plus, rendez-vous sur leur site
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| témoignage
Mike Nzenga Museyi, Facilitateur et Responsable Communication pour RDC Compétence
L’interaction entre ces deux sphères est cassée. Dans notre approche, les gens se réapproprient leur avenir et mobilisent ceux qui sont là pour les servir. » L’appropriation, c’est bien de cela dont il est question ici. Par l’approche SALT, La Constellation cherche les clés de ce concept. Chaque intervention d’un facilitateur, chaque action d’une communauté sont documentées et les membres du réseau se réunissent régulièrement pour tenter de déceler l’origine de la mise en marche des individus indépendamment du contexte. Cette mission s’apparente peut-être à la recherche du Saint Graal, mais Jean-Louis Lamboray reste confiant. « Et si on se décidait à se remettre à apprendre ? Si nous disions que nous sommes tous à la recherche du développement ? Quand plusieurs groupes réfléchissent ensemble à leurs expériences, il est possible de dégager des principes universels. » RENAUD DEWORST
Lors de la première visite SALT, les prisonniers avaient formulé l’un de leur rêve : vivre dans une prison sans SIDA.
Vous connaissez un outil intéressant dans un contexte de développement ? Faites-le nous savoir !
« Avec neuf autres amis, j’ai reçu une formation de facilitateur en 2004 déjà. Au départ, nous avons travaillé sur la problématique du VIH/SIDA. Deux ans plus tard, trois d’entre nous avons pris une part active dans un programme de la CTB qui venait soutenir le Programme National de Lutte contre le Sida. Outre les très bons résultats obtenus, cela nous a permis, en épargnant une partie de notre salaire, de fonder RDC Compétence en 2008. Depuis, nous continuons à appuyer des projets de grandes institutions ,comme l’UNICEF par exemple, et nous menons parallèlement nos propres projets. Ca nous donne l’occasion de rentrer en contact avec diverses communautés : des églises, des éleveurs, des groupes de
mamans, des chorales, des pêcheurs… Et les réussites sont nombreuses. Nous avons fait une visite à la prison de Kananga en 2010. D’abord les prisonniers étaient surpris : pourquoi êtes-vous venus nous voir, se demandaient-ils. Nous leur avons expliqué que pour nous, ils étaient avant tout des humains et qu’à ce titre, ils pouvaient constituer une communauté. En changeant de regard sur eux-mêmes, ils ont commencé a agir. Ils ont démarré un champ communautaire et la fabrication de petits objets artisanaux. Ils ont aussi créé un groupe de discussion sur le VIH/SIDA. Lors d’un dépistage organisé dans l’enceinte, plus de 400 détenus faisaient la file pour la prise de sang. Même les gardiens ont participé ! C’est là qu’on voit la force de l’appropriation. L’intérêt de l’approche SALT, c’est qu’elle donne un élan à la communauté. Celle-ci cherche ensuite à ce que le changement soit durable et participatif. »
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| parole d’expert
Marc Craps
Marc Craps est psychologue et anthropo logue. Il a passé 15 ans en Amérique latine, comme coopérant et chercheur. Il est aujourd’hui professeur et chercheur attaché au Centre pour l’économie et l’entreprenariat durables. Il est aussi membre fondateur de Cycloop, un réseau de recherche-action qui soutient, ici et au Sud, des initiatives durables nées de la collaboration de plusieurs acteurs.
Appreciative Inquiry
À
la fin des années 80, je débarquais, sans la moindre expérience du développement, dans un bidonville de Montevideo, la capitale de l’Uruguay. Des liens d’amitiés forts se sont liés avec les familles du quartier. Nous buvions le maté à la même calebasse. Je marchais avec eux, le cheval et la charrette à travers le centre de la ville pour ramasser des déchets et recycler des matériaux – leur stratégie de survie. Comme eux, je sentais les regards méfiants des habitants plus aisés. J’ai
appris à lire le monde à travers leurs yeux. Un jour, nous avons reçu une demande d’une école huppée qui voulait faire un montage son et image du bidonville. Ils voulaient lever des fonds pour la construction d’habitations de meilleure qualité. Aves les habitants, nous avons discuté longuement des thèmes et images qu’ils voulaient mettre en avant. Cela s’apparentait à une réflexion collective sur leur identité, leurs priorités, l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes et celle qu’ils voulaient renvoyer au monde extérieur.
Le résultat fut surprenant : un reportage coloré qui mettait l’accent sur la dignité, la force, la joie et l’espoir. L’école s’attendait plutôt à voir la pauvreté et le désespoir. Les habitants n’étaient de plus pas du tout emballés par l’idée de changer leur quartier de manière radicale. Ils voulaient uniquement s’impliquer dans l’amélioration des infrastructures d’approvisionnement. Leur quartier n’était pas un amas de crasses sans valeur, mais le résultat de leurs efforts et ambitions de construire une vie meilleure.
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“L’analyse des problèmes conduit les gens à trouver des coupables et dès lors à s’affranchir de toute responsabilité.” À cette période, David Cooperrider, de la Case Western Reserve University de Cleveland, développait l’approche d’Appreciative Inquiry. Selon lui, la recherche-action classique se concentrait beaucoup trop sur les solutions à des problèmes isolés. Cela ne génère ni énergie ni intérêt des bénéficiaires. L’analyse des problèmes conduit les gens à trouver des coupables et dès lors à s’affranchir de toute responsabilité. D’autant que l’Homme a souvent tendance à s’approprier un succès autant qu’il se distancie des échecs. Les nouvelles méthodes apparues dans la coopération au développement durant la dernière décennie semblent ne pas avoir apporté beaucoup de changement. Les modèles et les images mentales de l’aide et du développement, basés sur les dichotomies telles que riche et pauvre, donneur et receveur ou expert et groupe cible, sont toujours répandus. La coopération reste une mission taillée pour l’expertise et les moyens techniques. Les instruments de planification et d’évaluation doivent rendre ce transfert le plus efficace possible. Le développement durable est pourtant une tâche complexe sans solutions toute-faites ; il y a tellement d’intérêts, de perspectives et de
connaissances divergentes. Le fait d’apprécier n’a pas sa place dans le modèle d’efficacité qui domine actuellement. L’Appreciative Inquiry accompagne les individus et les groupes dans la reconnaissance mutuelle et dans l’écoute de leurs récits respectifs faits d’illusions et d’ambitions, d’implication et d’exclusion. Ainsi, ils s’apprivoisent d’une manière différente : pas comme des cas problématiques et des solutionneurs, mais comme des partenaires inter dépendants. J’ai moi-même découvert l’AI au milieu des années 90, lorsque j’étais chercheur (en action) à l’université de Cuenca en Equateur. Le professeur René Bouwen (KULeuven) avait amené les idées et instruments de son ami Cooperrider et nous les présentions à des locaux qui collaboraient à des projets. Leurs réactions furent très enthousiastes. L’approche était rafraichissante et tellement éloignée de l’habituel cadre logique et autres arbres à problèmes. Entre-temps, l’AI est devenue un vaste courant applicable dans beaucoup de domaines : coaching individuel et collectif, résolution de conflits, développement organisationnel, coopération interorganisationnelle…
Pour Marc Craps, les méthodologies orientées uniquement vers l’expertise et les moyens techniques ne suffisent pas.
blog-notes Mais le scepticisme n’est jamais loin. Qu’en est-il des abus de pouvoir, de la répression et des injustices ? L’AI peutelle traiter de ces sujets ? Je fais partie de ceux pour qui l’essence de l’AI n’est pas dans la recherche du positif mais dans l’inquiry : l’analyse critique de la réalité, au-delà des phénomènes superficiels. Les problèmes ne sont pas oubliés, mais la recherche de solutions est tournée vers les oppor tunités de rassembler les groupes, vers les qualités des gens, vers ce qui leur donne l’énergie d’œuvrer à un avenir meilleur. Sur ce plan, nous pouvons apprendre beaucoup du Sud, même si le terme AI leur est inconnu. Malgré leur préoccupation quotidienne pour survivre, les grandes inégalités et les moyens limités, les gens continuent d’y entreprendre, gardent l’énergie et la foi, et réalisent des projets ensemble. Au quatrième congrès mondial sur l’AI, organisé à Gand, le biologiste Deo Baribwegure, responsable d’une ONG en
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Tanzanie, a démontré la pertinence de l’approche dans son travail près du lac Tanganyka. Le réchauffement climatique touche déjà fortement la population qui vit de la pêche. Le plus grand défi est de mettre tous les acteurs autour de la table : chercheurs, autorités locale et nationale, communautés de pêcheurs et d’agriculteurs, combinant plusieurs nationalités, religions, langues, intérêts, cosmologies et formes de connaissance. Si l’AI sert de poudre aux yeux pour stimuler la collaboration à des projets pré-pensés et pré-déterminés, alors les attentes resteront insatisfaites. Pire, par le côté enthousiasmant de la méthode, les parties prenantes pourraient nourrir l’illusion qu’elles sont écoutées. Par contre, si l’AI est utilisée pour réunir tous les acteurs dans le but de co-créer une réalité équitable et durable, alors elle est certainement indispensable.
“L’essence de l’AI ne se trouve pas dans la recherche du positif mais dans l’analyse critique de la réalité.”
E-zine mensuel édité par Ec hos Communication Rue Coleau, 30 1410 Waterloo Belgique +32(0)2 387 53 55 Éditeur responsable Miguel de Clerck miguel.declerck(at) echoscommunication.org Rédacteur en chef Pierre Biélande pierre.bielande(at) echoscommunication.org Journalistes Renaud Deworst renaud.deworst(at) echoscommunication.org Sylvie Walraevens sylvie.walraevens(at) echoscommunication.org Création de la maquette Bertrand Grousset Metteur en page Thierry Fafchamps
Abonnez-vous gratuitement au magazine en cliquant ici Retrouvez Echos Communication sur Internet www.echoscommunication.org
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Cette formation en genre est destinée à des formatrices et formateurs. Elle propose des pédagogies et des techniques qui favorisent l’auto-évaluation et l’utilisation systématique de l’approche genre Qui ? Le monde selon les femmes Quand ? 20 - 24 août 2012 Où ? Bruxelles Info : www.mondefemmes.be
Formation/coaching pratiques et personnalisés à la gestion de projet orientée résultats Les sessions de formation permet d’appréhender les processus de planification et d’assistance en coopération. Parmi les objectifs : maîtriser la logique d’intervention et savoir préparer un dossier de financement.
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Formation : “Éduquer au développement, l’autre façon de coopérer”
Qui ? SCI Projets Internationaux Quand ? 6-8 juillet 2012 Où ? Modave Info: www.scibelgium.be
Portes ouvertes du forum des minorités Cette année, la politique locale sera le thème principal : info, workshops pour et par des minorités ethniques ou culturelles, débats et networking. Qui ? Minderhedenforum Quand ? 21 sept. 2012 Où ? Het Pand, Gand Info : www.minderheden forum.be
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Formation en genre
Cette formation cible les animateurs et formateurs dans les domaines de l’éducation à la solidarité internationale. Une approche critique et pratique de l’éducation et la découverte de nouveaux outils rempliront la semaine qui se déroule en hébergement complet. Qui ? ITECO Quand ? 25-31 août 2012 Où ? Liège Info : www.iteco.be