Est-ce que ça fonctionne mieux si c'est vert ?

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COULEUR est-ce que ça fonctionne mieux si c’est vert ? (l’usage de la couleur sur l’objet quotidien) recherche sur la relation entre objet et couleur

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Je ne sais pas si vous avez remarqué mais il y a, de façon générale, un code couleur pour les véhicules. Code que nous appliquons le plus souvent sans même en avoir conscience. Par exemple, un utilitaire est blanc comme une Ferrari est rouge. Alors retournons le problème : que doiton penser d’une Ferrari verte pomme ou d’une camionnette rose ? Quelle que soit sa couleur, une voiture fonctionnera de la même manière, mais l’usage présumé en sera sans aucun doute différent. Cet exemple nous fait prendre conscience que la couleur semble modifier la fonction « principale » des objets. Cette altération peut être subtile ou envahissante. Subtile, dans le cas de la camionnette blanche où nous voyons la fonction avant la couleur. Envahissante, dans le cas de la camionnette rose pour laquelle où la couleur prend le dessus sur la fonction.

INTRODUCTION Dans cette étude, j’analyse le sens que la couleur apporte aux objets de notre quotidien, pour aller au-delà d’une simple considération globale. Quels usages fait-on de la couleur ? Quelles fonctions remplissent les couleurs ? Dans quel contexte interviennent-elles ? Qu’est-ce qu’un choix de couleur ou encore quel impact a un changement de couleur sur un système ? (par système, entendons ici couleurs et formes, facteurs qui fonctionnent de manière solidaire). Autant de questions auxquelles je vais tenter de répondre grâce à une analyse de cas précis choisis dans notre quotidien. En effet, il est important de prendre conscience du rôle de la couleur des objets. Rappelons que celle-ci est généralement la première perception que nous avons, ceci même de façon inconsciente. Cette perception demeure ensuite dans notre mémoire à tel point que nous attribuons sans nous en rendre compte une couleur aux objets. Si par exemple je cherche dans un rayon de supermarché mon café habituel, je vais essayer de le trouver grâce à ses couleurs. Si celles-ci ont changé, j’aurais alors plus de difficultés à le repérer. Les textes qui suivent ont pour but de mieux cerner le rôle que tient la couleur des objets courants dans la société occidentale. Loin de vouloir affirmer une vérité immuable, voyez ce texte comme une tentative de clarification de l’usage de la couleur des objets quotidiens. Au travers de multiples recherches et réflexions, je livre ici une synthèse de ce qui me semble important pour comprendre ce système complexe qu’est la relation couleur/objet.

Cinq objets issus de notre quotidien.

Comme premier exemple prenons le gilet fluo que nous devons posséder dans nos voitures. Celui-ci sert à nous signaler sur une voie rapide quand notre véhicule est en panne ou accidenté. Le but de ce gilet est d’être le plus visible possible pour que, même dans de mauvaises conditions de visibilité, la présence du porteur soit remarquée. Voilà la thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa

raison pour laquelle ce gilet est orange fluo. Il semble que ce soit la couleur ayant le moins de points communs avec le paysage, et donc étant la plus contrastée vis-à-vis de l’environnement des bordures de routes. Le contre-exemple est la tenue de camouflage. A priori, si nous décidons de nous camoufler dans un environnement forestier, il semble logique de nous habiller dans des couleurs proches de celles que nous rencontrons en forêt. Raison pour laquelle le vêtement de camouflage militaire est un camaïeu de verts proches de celui de la nature. Dans cette logique de mimétisme, il est évident que s’il avait été jaune fluo ou rouge vif, l’effet aurait été quasiment nul. Dans ce cas-ci, le choix de la couleur s’est imposé de lui-même puisque celle-ci n’est ici que pour répondre à un usage pratique. La couleur des tenues de camouflage ou des gilets de signalisation est déterminée uniquement par l’utilisation de l’objet. Le second exemple est celui de nos télécommandes. Généralement celles-ci sont bicolores, avec un ensemble noir ou gris foncé et à l’inverse du corps, des inscriptions blanches. Imaginons maintenant un autre type de télécommande, toujours noire mais avec des inscriptions à peine contrastées. Il est facile d’imaginer que l’usage de celle-ci serait peu aisée et qu’il serait difficile de savoir sur quelle touche nous appuyons. Cependant il m’est arrivé de voir des télécommandes grises avec des inscriptions noires ou même encore bleues avec des touches jaunes. Le facteur le plus important dans le choix des couleurs est ici le contraste qu’il y a entre elles. En effet celui-ci doit être important, de façon à distinguer facilement les informations dont nous avons besoin pour faire fonctionner l’objet. Bien sûr, si nous conservons cette idée de contraste, le choix de couleurs reste important. Le troisième exemple est la montre classique de chez Swatch. Celle-ci a une fonction propre qui est de donner l’heure, seulement elle est certainement achetée pour remplir une autre fonction, celle « d’apparat ». La fonction montre est assurée par le mécanisme interne et les aiguilles, la fonction accessoire est quant à elle assurée par la forme et la couleur. Prenons en considération la montre basique qui a


LES FONCTIONS DE LA COULEUR Ces cinq objets sont présentés ici pour appuyer la synthèse qui va suivre. Il semble en effet que la couleur puisse avoir plusieurs types d’actions sur les parties de l’objet qu’elle revêt.

Pragmatique fait le succès de la marque. En plus des éternels noir et blanc, chaque saison apporte une nouvelle gamme de coloris. Les aiguilles restent inchangées, noires avec une partie phosphorescente en leur centre. Nous pouvons distinguer deux catégories, une où le cadran est de la même couleur que le bracelet, avec des chiffres noirs ou blancs, choisis en fonction du contraste requis pour la lisibilité. Une autre où le cadran présente des chiffres de la même couleur que le bracelet. Soit pour une même forme, un total de vingt coloris distincts par saison. Pourquoi un tel choix de couleurs ? Pourquoi changer si fréquemment la couleur de cet objet si ce n’est pour satisfaire un besoin émotif ? On peut à présent dire que les consommateurs achètent une couleur plus qu’une montre et que dans le cas présent la couleur n’a qu’une fonction « émotive », à savoir « plaire » au consommateur. Au contraire, si Swatch, depuis la création de ces montres, n’avait jamais changé les couleurs d’origine, il est certain qu’elles n’auraient pas connu le succès qu’elles ont aujourd’hui. Prenons comme quatrième exemple les sucettes. Celles-ci sont recouvertes d’un emballage d’une couleur qui indique le goût de la friandise qui se trouve à l’intérieur. Par exemple un emballage rouge suggérera une sucette à la fraise comme un jaune une sucette au citron. Ici, la couleur est déterminée par l’association d’idées qu’elle nous apporte. Si je vois du rouge, je l’associe au rouge de la fraise. Si on emballe un bonbon à la fraise dans du vert, tout le monde s’attendra à avoir un goût pomme et sera donc surpris de sa véritable saveur. Cependant ces associations d’idées ne sont valables que dans certaines cultures et dans certains domaines. Par exemple, si j’achète un mixeur vert, je sais qu’il n’est pas uniquement destiné à mixer des pommes. Ou encore, un emballage de bonbon marron symbolisera pour certaines personnes le chocolat et pour d’autres le Coca-Cola. Le cinquième et dernier exemple est celui des paires de ciseaux de la marque Fiskars. Pour mémoire, ce sont ces ciseaux à poignée ergonomique colorée en un orange particulier. Cette même couleur est associée à l’ensemble des produits de la marque, fonctionnant ainsi de la même façon qu’un logo, immédiatement identifiable. Ici la couleur a pour usage de rappeler l’appartenance et la provenance du produit. Si par exemple, la marque décide de fabriquer les mêmes ciseaux de couleurs différentes, la première réaction des consommateurs sera sûrement de penser à une contrefaçon.

Ce qu’il y a en commun entre le gilet de signalisation et la télécommande est l’utilisation pratique de la couleur. Dans le cas du gilet, la fonction de l’objet dicte clairement le choix de couleurs. Dans le cas de la télécommande, le contraste nécessaire à la lecture des inscriptions ne dicte pas directement le choix de couleurs mais en restreint les possibilités. J’aurais donc tendance à dire que dans ces deux exemples les couleurs ont avant tout une fonction pragmatique, qui sert au bon fonctionnement de l’objet. Cette fonction agit par exemple dans un souci de lisibilité, comme les couleurs des panneaux de signalisation. Quand la couleur est imposée par la technique, le non-choix rend la fonction de la couleur pragmatique. Mais cette fonction peut agir aussi pour la discrimination d’un produit. Ainsi, , le vert spécifique de la bouteille de shampoing Fructis a été choisi dans le but de se démarquer le plus possible de la concurrence, qui à l’époque utilisait des couleurs pastelles.

Plastique

Pour ce qui est de la montre Swatch, comme vu plus haut, le choix de couleurs est purement esthétique. Il n’a pas d’autre usage que de rendre plus attirant un objet fonctionnel. Ici, la fonction de la couleur est avant tout plastique, elle embellit l’objet, le rend séduisant. Cette fonction plastique suit généralement les phénomènes de mode, avec pour but la séduction du consommateur. Elle permet à celui-ci de se construire une identité au travers de la couleur ou encore de revendiquer quelque chose. Elle agit au niveau émotionnel. Une couleur avec une fonction plastique peut aussi être un masque, un « make-up » d’une matière trop disgracieuse pour certains usages.

Signifiante

Dans le cas des emballages de sucettes comme des ciseaux Fiskars, la couleur est perçue comme un symbole permettant de mettre en place des associations d’idées. Le rouge de la sucette à la fraise et l’orange des ciseaux comme signe identitaire de la marque. Ce genre d’usage n’est valable que dans certaines situations et dans certaines cultures. La fonction dominante de la couleur est ici signifiante. Cette fonction permet de mettre en place des interfaces grâce, entre autre, à une hiérarchisation ou à des codes communs. Ces couleurs communiquent et suggèrent des informations aux utilisateurs. Trois fonctions principales seraient alors applithomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa


cables à la couleur : pragmatique, plastique et signifiante. Seulement, dans le système d’un objet, la couleur ne remplit pas exclusivement l’une ou l’autre fonction, mais les trois simultanément dans des proportions variables. Si nous reprenons l’exemple de la montre Swatch rose, la couleur de l’objet aura une fonction plastique très forte (ce rose s’accorde avec mes vêtements, mon teint...), une fonction signifiante plus réduite mais bien présente (si c’est du rose c’est pour les filles …). Et les contrastes présents à l’intérieur du système assurent une utilisation aisée de la montre. La fonction pragmatique, bien que dominée largement par les deux autres, est aussi bel et bien présente.

UN SÈCHE-CHEVEUX ET UNE CALCULATRICE PAR DIETER RAMS Si je choisis ici deux produits Braun relativement ancien c’est pour leurs qualités de conception en matière de couleurs. Il est vrai que ce ne sont plus vraiment des objets « courants », mais ceux-ci sont des exemples probants, capables d’appuyer mon propos. En effet, les objets que nous rencontrons actuellement sont pour la plupart issus des magasins Ikea. Seulement ceux-ci sont trop « pauvres » en couleurs pour présenter un intérêt à ce niveau. Dans les pages qui vont suivre, vous trouverez des diagrammes en camembert. Sans aucune prétention scientifique, ceux-ci sont présents uniquement pour illustrer le fait que chaque couleur remplit les trois fonctions énoncées précédemment, dans des proportions variables. Présentons simplement les deux objets qui se cachent derrière des codes. HLD 4 est un sèche-cheveux qui fut commercialisé à partir de 1970, ET66 control est quant à lui une calculatrice datant de 1987. Ces deux produits furent dessinés par Dieter Rams pour Braun. Nous sommes ici en face de deux produits conçus par la même personne pour une même entreprise mais aux usages bien distincts.

Sèche-cheveux (hld4)

Sur la publicité de l’époque nous retrouvons le sèche-cheveux en trois « couleurs » : bleu foncé, jaune orangé et rouge légèrement orangé lui aussi. En réalité, ces trois couleurs sont les couleurs globales de l’objet, présentes sur la quasi-totalité du produit, ce sont elles que nous percevons en premier quand nous le voyons dans son environnement. Nous remarquerons que ces trois couleurs se rapprochent fortement des couleurs « primaires ». Même si la couleur chromatique de ces objets est très présente, il ne faut pas pour autant en oublier le reste. En effet, sur chacun des modèles nous trouvons un bouton rond noir avec un point blanc excentré sur la droite. À côté thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa

de celui-ci, se trouve la marque du sèche-cheveux. Sur son flanc gauche se trouve le flexible du câble d’alimentation qui est dans un gris très clair. Enfin, si nous considérons l’aspect global de l’objet, les ouvertures laissant passer l’air chaud sont fines et nous laissent difficilement distinguer ce qui se trouve à l’intérieur, le laissant pour noir. Pour approfondir notre recherche, appuyons-nous uniquement sur le modèle jaune. Celui-ci contient quatre couleurs, une chromatique et trois achromatiques. Analysons maintenant la fonction de chacune d’entre-elles.

Jaune

En premier lieu, celle occupant la surface la plus importante, le jaune. Cette seule couleur chromatique est tellement présente qu’elle devient dominante. Ajoutons à cela que les modèles de la gamme sont identiques, la seule variante observable est ce jaune qui peut être rouge ou bleu. Le choix du consommateur se fait donc en fonction de l’affinité que celui-ci a avec une de ces trois teintes. De plus, comme cette couleur est fortement chromatique, elle est visuellement éloignée des autres achromatiques présentes, créant un contraste important. Nous pouvons maintenant déduire le rôle du jaune à l’intérieur du système. Il est clair que la fonction principale est plastique, cependant, de façon plus subtile, cette couleur est aussi pragmatique puisque qu’elle est choisie de manière à avoir un contraste important par rapport au noir du bouton. Par contre, pour ce qui est de la fonction signifiante, elle est ici très peu représen-


tée puisqu’on ne peut que difficilement l’associer, si ce n’est comme dit plus haut, aux couleurs « primaires ».

Noir

Maintenant attachons-nous au noir, présent en plusieurs endroits proches les uns des autres : sur les lettres formant le logo Braun, le bouton permettant la mise en route, les vis, les informations techniques et la grille. Ainsi, ce noir présente un grand contraste avec le jaune. De fait, une fois l’objet en main, l’utilisateur remarque la marque ainsi que l’emplacement de la mise en route. Ici, par son fort contraste et son aspect « évident », la fonction du noir est aussi pragmatique que signifiante. Nous le remarquons, il nous indique comment utiliser l’objet. Il sert à mettre en valeur les formes qui sont les parties utilitaires de l’objet. Cependant, il participe aussi à l’aspect esthétique de l’objet, sa fonction plastique est présente mais dans une moindre mesure.

Gris foncé

Comme pour le sèche-cheveux, commençons par la couleur dominante de l’objet : le gris foncé de la coque, un gris très proche du noir. Il est évident qu’une calculatrice est destinée à un usage professionnel plutôt qu’aux loisirs. Dans ce sens, le choix du gris se justifie pleinement comme couleur sobre, sérieuse. Il est aussi facile à imaginer que si le gris avait été remplacé par du violet, la calculatrice aurait eu beaucoup de mal à s’imposer dans un environnement de bureau. Le choix de ce gris est un choix passe-partout. Les fonctions dominantes de cette couleur sont plastique et pragmatique. Par son caractère passe-partout, celle-ci s’intègre facilement dans un espace de travail quelconque. Cependant, la partie signifiante est présente, ce gris s’assimile facilement à une sobriété. Synonyme de sérieux et d’efficacité.

Blanc

Le blanc est présent en un seul et unique endroit, sur la partie droite du bouton noir. Son rôle est d’indiquer à l’utilisateur l’endroit de la mise en route de l’appareil. De la même manière que le noir, le blanc a une fonction signifiante et pragmatique forte, avec une faible proportion pour le côté esthétique, plastique.

Le blanc est la couleur des inscriptions, ce choix est certainement motivé par un souci de lisibilité maximum. En effet, ces inscriptions se situent sur des couleurs de faible clarté (c’est-à-dire proches du noir). Ceci crée un contraste assez important pour permettre une lisibilité efficace. Ce blanc choisi pour des raisons pragmatiques n’a qu’un très faible impact signifiant, mais il contribue tout de même à l’aspect global de l’objet.

Gris clair

Noir

Calculatrice (et 66 control)

Blanc

Dernière couleur, le gris clair du flexible. Dans le cas du modèle jaune, le gris a une clarté proche de celle du jaune. Le contraste étant moins important, le dialogue entre ces deux parties est plus doux (entendons par là que cet élément arrive en second dans notre perception de l’objet, à la suite du noir). Cependant, il aurait pu être du même jaune que la coque. Deux raisons peuvent motiver ce choix : un souci de clarté, montrant que cette partie-ci n’a pas la même composition ou vocation que la coque, et/ou l’impossibilité technique de l’époque à colorer ce genre de plastique. Pour cette dernière couleur, la fonction la plus importante est la fonction plastique, qui rend l’objet plus harmonieux. Cependant, juste après vient la fonction signifiante. En effet, le gris différencie le flexible du reste de l’objet. La fonction pragmatique n’est ici représentée qu’en une faible proportion.

Les éléments noirs présents sur la calculatrice sont les touches recevant les chiffres, le symbole = et les chiffres s’inscrivant sur l’écran. La couleur de ces derniers découle d’une contrainte technique, à l’époque il n’y avait pas d’alternative d’affichage. Les chiffres sont les seuls caractères à s’afficher sur l’écran, il semble logique d’affirmer que la cou-

La calculatrice est d’apparence gris foncé. Toutes les inscriptions sont blanches : la marque, les chiffres ou encore les symboles. Ceci à l’exception du = qui est noir. Les touches correspondantes aux chiffres ainsi que les chiffres inscrits sur l’écran sont noirs. Celles des symboles mathématiques marrons, et enfin celles des fonctions sont vertes. La touche pour allumer la calculatrice est d’un vert plus clair que celui des boutons de fonction, tandis que la touche pour l’éteindre est rouge. Le cadre autour de l’écran est vert terne, l’écran lui-même est vert. Cet objet comporte donc dix couleurs. thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa


SĂˆCHE-CHEVEUX (HLD4) jaune

noir + blanc

gris

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CALCULATRICE (ET 66 CONTROL) gris foncé

vert + marron ( touches fonction)

blanc

vert + rouge

noir ( chiffres écran )

vert

noir ( touches )

vert

( on/off )

( fond écran )

( cadre écran )

noir ( symbole = )

jaune

fonction plastique fonction pragmatique fonction signifiante thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa


leur des touches est ici choisie pour sa correspondance avec l’écran. Le contraste entre ce noir et le gris foncé de la coque est très faible, la transition est fluide. L’élément suivant est le signe =, celui-ci est placé sur une touche jaune. Imaginons que ce symbole soit, comme les autres, blanc. Il ne serait pas aussi lisible que les autres touches, son identification serait plus difficile. Ici le choix est pragmatique, avec une faible proportion plastique. En effet, on peut imaginer le = en bleu marine ou même rouge bordeaux. Mais, par souci d’unité, le choix s’est porté sur le noir. Pour ce qui est des chiffres de l’écran, il n’y a pas de choix de couleur. Celui-ci était imposé par la technique, on peut donc affirmer que sa fonction de ce noir est entièrement pragmatique. En revanche, pour les touches, le choix est composé de plusieurs facteurs : un contraste important avec les chiffres blancs pour une bonne lisibilité, un contraste très faible avec la coque pour la sobriété de l’ensemble, et un rappel avec le noir des chiffres de l’écran. Les trois fonctions (plastique, pragmatique et signifiante) sont présentes dans des proportions égales.

Jaune

Le jaune est présent à un seul endroit, sur la touche comportant le =. Grâce à cette couleur, la touche égale est l’élément le plus mis en valeur. Celle-ci est, en plus d’être la touche la plus utilisée, la raison de l’existence d’une calculatrice, si elle ne résout pas les opérations à quoi sert-elle ? Il semble alors normal que cette touche soit mise en avant par rapport aux autres. La fonction principale du jaune est signifiante, il permet de montrer l’importance de la touche. Cependant, pour se démarquer du reste on pourrait imaginer du blanc, le choix du jaune remplit alors également une fonction plastique, servant la cohésion de l’ensemble. Cette couleur se distingue du reste puisque c’est la plus chromatique de l’ensemble, cette qualité montre que la fonction pratique est tout de même présente dans ce cas-ci.

Vert + Marron

Vert + Rouge

Le vert des touches de fonctions n’a, tout comme le marron des touches d’opérations, qu’une très faible clarté. Je traite ici ces deux couleurs ensemble puisque leur fonctionnement est similaire. Ces couleurs ont pour but de classer les touches par types d’action. Elles ont une clarté faible pour éviter un contraste trop important avec le gris de la coque, ne court-circuitant pas la présence du jaune et conservant la sobriété de l’ensemble. Ces couleurs ont avant tout une fonction signifiante, de classification. Vient ensuite la fonction plastique, le côté pragmatique reste présent mais dans une plus faible proportion.

Deux touches se distinguent des autres, celle pour l’arrêt et celle pour l’allumage. L’arrêt est rouge très chromatique, la mise en marche est verte. Ces deux couleurs correspondent à un code que nous, occidentaux, connaissons. Comme pour les feux de signalisation, le vert met en route et le rouge arrête. La fonction de ces deux couleurs est très thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa

largement signifiante, faisant appel aux codes communs de notre société. Les deux autres fonctions ne sont présentes que dans des proportions très faibles.

Verts

Le vert de l’écran n’est pas un choix de couleur. À l’époque, comme maintenant, le fond des écrans à cristaux liquides est vert. S’il n’y a pas de choix, la fonction de la couleur est uniquement pragmatique. Par contre le vert terne du cadre entourant l’écran est très certainement là pour assurer la transition entre celui-ci et la coque. La fonction de ce vert est alors avant tout plastique. Dans ces objets, il est clair que le choix est cohérent et réfléchi. Le but des objets Braun étant le fonctionnalisme et la sobriété. Les relations qu’entretiennent les couleurs entre-elles sont équilibrées. L’objet fonctionne aussi bien à l’extérieur, avec son environnement, qu’à l’intérieur, vis-àvis des rapports qu’entretiennent les couleurs. Ces exemples montrent qu’il est possible de concevoir justement l’aspect d’un objet grâce à la distinction des fonctions de la couleur.


QU’EST-CE QU’IMPLIQUE UN CHANGEMENT DE COULEUR ?

c’est qu’ils ont été pris en compte lors de la conception du produit. Ceux-ci ont été pensés pour avoir une partie destinée aux altérations. Le briquet peut, non seulement recevoir un très grand nombre de couleurs, mais aussi des motifs, des photographies et même des publicités.

Les systèmes de couleurs que nous avons présentés sont équilibrés, ils sont figés. Mais que se passerait-il si on changeait une couleur ? En reprenant l’exemple de la calculatrice, si nous remplaçons le gris de la coque par du vert la fonction plastique serait toujours remplie de la même manière. Seulement, la partie pragmatique s’effacera au profit de la partie signifiante. Le vert ne permettant plus d’être passe-partout, l’objet perdra alors son apparence sérieuse au profit d’un aspect ludique, s’apparentant au jouet. L’objet n’aura plus la même signification, et la suggestion d’utilisation sera différente. Son usage dans un environnement de travail semblera donc moins évident. Pour la calculatrice, il semble donc difficile de changer une couleur sans dénaturer complètement le produit. Mais n’entendons pas par là que seules les couleurs choisies à la conception sont valables. Il existe des objets pour lesquels le changement est facile, ceci après la conception et sans forcément nécessiter l’avis du créateur. Nous allons voir ici différents cas de figures, donnant une vision globale des effets que peut avoir un changement de couleur.

Le Nokia 5110 est commercialisé depuis 1998, il devient le plus populaire des téléphones mobiles. En effet, celui-ci va déclencher une « mode » : la coque extérieure interchangeable par l’utilisateur. Nokia avait prévu lors du développement du produit le caractère variable des couleurs de l’objet. Le téléphone de base est alors vendu avec huit coques différentes. L’avantage sur les produits concurrents réside dans le fait que d’un jour à l’autre le changement de coque, et donc de couleur, est possible. À la suite du succès de

Le Nokia 5110

Le briquet BIC

Les briquets jetables de la marque Bic sont toujours construits de la même manière : une roulette, une coque pour protéger la flamme, un bouton rouge qui sert à faire sortir le gaz, un corps en plastique coloré et un socle blanc. Comme nous le savons, ce briquet se décline en une multitude de couleurs. En réalité, c’est uniquement la couleur du corps qui varie, le reste ne change jamais. Et la fonction principale de cette couleur est plastique, celle-ci dominant largement les autres. L’objet lui-même n’a qu’une seule fonction, qu’il soit noir, jaune ou violet, on l’utilisera toujours de la même manière et sans aucune hésitation. Les objets comme le briquet Bic sont ce que nous pouvons qualifier de simples, ayant une fonction presque unique et qui nous paraît évidente. Un briquet produit du feu, une montre donne l’heure, etc. Par opposition, la calculatrice est un objet complexe, son utilisation est multiple. Les objets simples se prêtent facilement aux changements de couleur. Mais pour ceux-ci, comme pour l’exemple du briquet, seules les couleurs avec une forte fonction plastique sont sujettes aux variations. Ceci est également valable pour la montre Swatch, ou encore la brique de Lego. Dans le cas du briquet, nous avons dit plus haut que la couleur du corps est avant tout plastique, ou plus simplement « décorative ». Son incidence sur le système coloré du briquet est moindre. Comme elle n’en modifie pas l’usage, une grande liberté de choix est possible. Si de tels changements sont possibles sur ces objets, thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa


ce système variable, il apparaît sur le marché d’autres coques, compatibles avec ce téléphone mais pas développées par Nokia. Le choix de coques devient alors très important, allant du motif textile (jacquard, tartan), aux drapeaux, en passant par les animaux, les voitures et bien entendu d’autres tons unis que ceux prévus à l’origine par les concepteurs. Contrairement à ce que nous pourrions penser, la coque du Nokia 5110 n’a pas forcément été conçue de la même manière que le briquet Bic. Dans les versions d’origine, les touches demeuraient blanches avec des inscriptions noires. Il est évident que ce choix n’est pas anodin, il est fait pour conserver une lisibilité maximum des touches avec toutes les coques d’origine. De plus, ce choix participe à la cohésion visuelle de l’ensemble. Si maintenant nous considérons les produits des autres fabricants, nous voyons que la plupart des coques conserve aussi cette lisibilité, produisant un effet esthétique plus ou moins réussi. Mais comme celles-ci n’avaient qu’une fonction plastique, la lisibilité des touches s’en est trouvée perturbée. Heureusement, de nos jours, l’utilisation d’un téléphone est devenue pour la plupart d’entre nous aussi facile que l’utilisation d’un briquet. Et c’est sûrement grâce à cela que ce problème peut nous sembler tout à fait secondaire. Si Nokia a fait en sorte que son produit soit déclinable dans différentes couleurs, cela n’implique pas nécessairement qu’il puisse l’être dans toutes. Ici la possibilité pour d’autres fabricants de produire des coques alternatives à celles de base a ouvert la porte à toutes les tentatives, plus ou moins heureuses. Aujourd’hui il est possible de changer la couleur de nos téléphones grâce au même procédé. Ce type de coques (non propriétaire) pose toujours le même problème. Cet exemple nous montre dans quelle mesure un changement de couleur de considération purement esthétique peut nuire à un objet. Dans certains cas la fonction plastique prend le dessus sur les deux autres (pragmatique et signifiante), à tel point que l’objet en perd presque sa fonction d’origine, transformant le téléphone en bijou, en produit identitaire comme l’est, par exemple, une casquette ou un t-shirt.

L’usage de l’objet détermine les possibilités de changement.

Comprenons alors l’importance de considérer les trois fonctions que nous avons définies précédemment pour opérer un changement de couleur sur un objet. En prenant en compte ces facteurs, il est possible de définir une gamme de couleurs adéquates. Si nous reprenons l’exemple d’une tenue de camouflage pour la forêt, l’usage de cet objet est bien de se fondre dans cet environnement. La fonction pratique de la couleur doit être optimisée, pour ceci, il faud choisir des teintes de vert. La marge est alors restreinte. Si par exemple je fais une tenue de camouflage jaune/beige ?, ce ne sera plus une tenue de camouflage pour la forêt mais pour le désert. Autre exemple, l’emballage de sucette pour lequel la fonction de la couleur est clairement signifiante. Si je veux signifier que la sucette est à la fraise, l’emballage requiert thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa

une gamme réduite de rouges. Pour le briquet Bic, le choix ne se fait pas sur les mêmes critères, la fonction de la couleur du corps est essentiellement plastique. Celle-ci n’a donc pas d’impératif pragmatique et semble ne pas avoir beaucoup plus de signification. Dans ce cas de figure, le choix devient alors immense. En prenant en compte une analyse des couleurs d’un objet, il est alors possible de les modifier tout en gardant la même suggestion d’utilisation.

UTILISATION ET SUGGESTION D’UTILISATION Sauf en cas de cécité, l’utilisateur a une perception visuelle de l’objet qu’il manipule. La couleur agit donc au niveau de cette perception, elle envoie des informations


que l’utilisateur analyse et assimile. L’utilité d’un objet, en dehors de ceux nécessitant une couleur uniquement pragmatique (gilet fluo, tenue de camouflage), reste toujours la même. Un marteau rose, vert, ou noir, reste un outil servant à enfoncer des clous. Seulement, la couleur de ce marteau enverra à l’usager des suggestions d’utilisation. Un marteau rose suggérera (peut-être à tort) qu’il est moins efficace qu’un marteau noir. Ceci à cause de la fonction signifiante du rose. Nous appellerons cette suggestion d’utilisation : « usage ». Voici un exemple de cette suggestion de présentation. Depuis des années je vais chez le même dentiste. Depuis que celui-ci a un nouveau cabinet, j’observe quelque chose de tout à fait étonnant. Dans sa salle d’attente se trouvent plusieurs fauteuils. Tous sont très classiques, en cuir souple noir, un seul dénote, celui-ci est en peau de vache. Pour les avoir essayés, ils ont tous les trois le même niveau de confort. Après quelques consultations, et donc moments d’attente, je me suis rendu compte que si je n’occupe pas le siège en peau de vache celui-ci est totalement délaissé. Les gens préfèrent avant tout les autres fauteuils de la pièce, celui en peau de vache étant toujours choisi quand il n’y a plus de place assise. Ceci est valable pour les adultes. À l’inverse, la peau de vache amuse beaucoup les enfants, pour eux, il n’y a pas d’hésitation dans le choix. Dans ce cas-ci, le fauteuil a toujours le même usage, seulement ces trois couleurs, noir, marron et blanc, ainsi que leurs formes significatives, supposent qu’il est peut-être plus chic ou trop différent des autres. Alors on peut penser qu’il faut moins l’utiliser... La couleur ne modifie pas l’utilité mais la perception de l’objet. Comme nous l’avons dit, l’utilité reste la même, mais la couleur suggère un type d’usage particulier. Les chaussettes roses sont pour les filles comme les bleues sont pour les garçons, pourtant l’utilité est strictement identique, couvrir les pieds. Mais la couleur, par son action au travers des trois fonctions, fait en sorte que l’usager ne souhaite pas utiliser un objet en toute circonstance. Pour changer de registre, prenons l’exemple radical du bouton d’arrêt d’urgence qu’il y a sur bon nombre de machines. Dans les pays occidentaux, celui-ci est toujours rouge avec une base jaune. Ce code que nous connaissons inconsciemment nous informe de l’utilité du bouton, à savoir arrêter en urgence un processus mécanique. Si nous changeons la couleur de la base ou du bouton, le système devient inutile. Ne répondant plus aux codes, le dispositif devient un simple bouton d’arrêt, et non plus un bouton d’arrêt d’urgence. Dans cet exemple, les couleurs présentes suggèrent une utilisation, si elles changent, l’utilisateur ne comprendra plus le message et en aura un autre usage.

dans des proportions variables. Un objet est tridimensionnel, il contient une multitude de parties et c’est sur ces mêmes parties que les fonctions de la couleur agissent. C’est ici que se déroule tout l’enjeu du choix. Quelle forme pour cette couleur ? Ou inversement, quelle couleur pour cette forme ? Quand la forme est imposée, on peut avoir à choisir la couleur ; quand la couleur est imposée on peut en choisir la forme. Nous pouvons retrouver ces deux questions dans le travail de Dieter Rams. Par exemple, le sèche-cheveux, s’il faut un objet jaune, le concepteur ne fera évidement pas un objet entièrement jaune. Le jaune n’a pas été appliqué sur l’ensemble de l’objet, la partie qu’occupe le jaune a été préalablement choisie et pensée. Le résultat final est un objet ne contenant pas une mais quatre couleurs. Exemple inverse, le bouton jaune de la calculatrice Braun sert à détacher une partie de l’ensemble. La surface du bouton est définie, on choisit quelle couleur lui donner. La couleur d’un objet, au travers de ses fonctions, en suggère une utilisation. Lors de la conception, la question de l’usage que nous voulons donner à l’objet se doit d’être posée. Quand cet usage est défini, le choix des couleurs et des parties peut se mettre en place. Une partie, en fonction de sa visibilité, de sa taille et de son utilité pourra définir les fonctions de la couleur qui va l’occuper. Puis, une gamme verra le jour pour permettre une composition efficace. À l’inverse, sur un objet existant, une analyse de la couleur en rapport avec l’usage de l’objet permettra d’en comprendre les fonctions. Une fois celles-ci assimilées, il sera possible de modifier l’usage d’un objet en modifiant les fonctions des couleurs. Nous pouvons affirmer que l’usage d’un objet est indissociable de sa couleur. En effet, nous voyons la couleur avant la forme, avant l’utilité. C’est par elle que le contact s’établit, ce qui indique son importance dans un produit. Une conception en connaissance de cause permettrait de mieux faire passer à un utilisateur le message « ceci est l’usage que vous pouvez faire de moi ». Pour conclure nous pouvons alors affirmer ceci : l’usage de l’objet en définit les couleurs, et vice-versa.

Relations couleurs/objets

La couleur est indissociable d’un objet. Il n’existe pas de matière qui soit sans couleur. Contrairement à il y a vingt ans et grâce à la technique nous pouvons faire un choix de couleur pour presque toutes les matières. Nous venons de démontrer que la couleur n’a pas pour seul but la qualité esthétique d’un objet. Elle a trois fonctions, plastique, pragmatique et signifiante, toutes présentes simultanément mais thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa


thomas billas la cambre 2012 thomas billas - la cambre - 2012 - creative commons : by-nc-sa


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