LETTRES DE
QUELQUES JUIFS À
M. DE VOLTAIRE
SOMMAIRE
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PREFACE
*** LETTRES DE QUELQUES JUIFS À M. DE VOLTAIRE PREMIÈRE PARTIE
SECONDE PARTIE
TROISIÈME PARTIE
QUATRIÈME PARTIE
Observations sur une note insérée dans le Traité de la Tolérance, contre l’authenticité des livres de Moïse.
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Observations sur les deux chapitres du Traité de la Tolérance, qui concernent les Juifs.
69
Réfutation de divers endroits du Traité de la Tolérance, et autres écrits de M. de Voltaire.
129
Considérations mosaïque.
221
sur
la
Législation
*** LE PETIT COMMENTAIRE
338
REVUE DE PRESSE EN PRÉFACE DE L ’ ÉDITION
1781
587 591
TABLE DES MATIÈRES
vII
PREFACE
Dans sa "Religion de Voltaire" ( Paris, 1969 ), le très érudit René Pomeau, généralement peu tendre avec les adversaires de l'auteur du "Traité de la Tolérance", n'hésite pas à vanter les qualités de pamphlétaire de l'abbé Guénée "qui sut, écrit-il - et le compliment sous sa plume n'est pas mince -, attraper la manière voltairienne." La raison serait déjà en soi suffisante pour se replonger avec profit, sinon avec "délices", dans la chaleur de l'une des controverses majeures, celle sur la Genèse, qui animèrent, avec une intensité toute particulière, les Lumières. Mais au style et à la "manière" de l'abbé, on ajoutera, sans cuistrerie, la richesse du contenu : Moïse, Sara, la fille de Jepté, Michas, les Danites et les idoles…Il fallait à nouveau publier les "Lettres de quelques Juifs à Monsieur de Voltaire". Voilà qui est fait, et de la manière la plus intelligente qui soit, avec richesse, précision, respect des écrits et de l'esprit qui les fit naître. Ne boudons pas notre plaisir : sans attendre…retour aux sources !
Jack Lang
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LETTRES d e QUELQUES JUIFS à M. d e VOLTAIRE ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
PREMIÈRE PARTIE Observations sur une note insérée dans le Traité de la Tolérance, contre l’authenticité des livres de Moïse. LETTRE PREMIÈRE. Occasion et dessein de ces Lettres. L es Français, Monsieur, ne sont pas les seuls qui vous admirent. Il est parmi les Juifs allemands et polonais une société d’amis qui font depuis longtemps de l’étude de vos ouvrages leur plus agréable occupation. Nous les lisons, ces chefs-d’œuvre de littérature et de philosophie, assidûment et toujours avec un nouveau plaisir. L’immense étendue de vos connaissances, les ressources inépuisables d’une imagination pleine de saillies et de gaieté, ce coloris brillant et ce style enchanteur qui vous élèvent sans contredit au-dessus de tous les écrivains de votre siècle, ne sont pas tout ce qui nous y charme. Nous y voyons avec plus de satisfaction encore cette horreur de la persécution, et ces grands principes de bienveillance universelle, qui les caractérisent. Nous osions même quelquefois nous promettre que ces sentiments, gravés sans doute dans votre cœur autant qu’en vos écrits, vous daigneriez enfin les étendre jusqu’à nous, et que nous ne serions pas, de tous les peuples du monde, le seul pour qui votre philosophie n’aurait jamais d’entrailles. Toujours flattés de cette espérance, nous avons parcouru d’abord votre Traité de la Tolérance, avec l’empressement que le titre seul devait inspirer à des hommes d’une religion qui n’est nulle part la dominante, et qu’on ne tolère qu’à peine dans la plupart des États. Quelle a été notre surprise lorsque, dans un écrit qui n’annonce que des vues de douceur et d’humanité, que le dessein de resserrer de plus en plus les liens de bienveillance qui devraient unir tous les hommes, nous vous avons vu traiter encore notre nation, nos livres sacrés, et tout ce qui nous est cher, d’une manière si opposée au caractère d’équité et de modération dont vous vous parez ! Aurions-nous cru devoir trouver 1
LETTRES
tant de prévention et tant de haine contre un peuple malheureux dans l’ouvrage d’un philosophe conciliateur et ami du genre humain ! Nous avons été frappés surtout d’une longue note insérée à l’article XII, dans laquelle vous rassemblez les principales objections de quelques écrivains modernes contre le Pentateuque, et où vous livrez, par l’imputation la plus odieuse, la mémoire de nos pères à l’exécration de tous les peuples. Ces objets nous touchent de trop près, Monsieur, et nous intéressent trop vivement pour que nous puissions nous dispenser de rompre enfin le silence. La défense devient nécessaire quand les attaques sont si vives et si multipliées. Il est temps qu’à l’exemple des Chrétiens, et animés du même zèle, nous éleions aussi nos faibles voix pour la défense de nos ancêtres et des livres saints qu’ils nous ont transmis, et que nous tâchions, autant que la médiocrité de nos talents pourra nous le permettre, de réfuter des critiques auxquelles votre nom, et les noms illustres que vous citez, ne seraient que trop capables de donner du poids. C’est dans cette vue que, mettant à part tout préjugé, nous allons discuter avec vous successivement tout ce que vous avancez dans cette prétendue note utile. Nous le ferons d’autant plus volontiers, qu’en y répondant, nous répondrons en même temps à plusieurs autres écrits où les mêmes raisonnements ont été, depuis quelque temps, si souvent et si fastidieusement répétés. Vous faites profession, Monsieur, d’aimer la vérité. Nous l’aimons aussi, et nous croyons la défendre. Serions-nous assez heureux pour vous la faire connaître ? Nous tâcherons du moins de ne rien dire qui n’y soit conforme ; comme nous désavouons d’avance tout ce qui pourrait nous échapper malgré nous d’amer ou de trop peu mesuré. Nous savons qu’une des lois de ce code que vous méprisez nous ordonne d’honorer la face du vieillard, et qu’on doit respecter la supériorité des talents, lors même qu’on ne peut s’empêcher d’en condamner l’abus. Vous ne trouverez dans nos Lettres ni le goût ni la délicatesse ordinaires aux écrivains de votre nation. Il n’est pas possible que des Juifs allemands établis chez les Bataves n’aient quelquefois le style dur et l’expression tudesque. Mais, au défaut des grâces et de l’élégance françaises, nous aurons du moins la sincérité germanique. Laissez-nous avec autant d’indulgence que nous sommes avec vérité, Monsieur, Vos très humbles, etc.
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