On redécouvre aujourd’hui l’homme, le guerrier, le roi à travers les fouilles, de l’Afghanistan au berceau macédonien, mais aussi par la relecture de l’Antiquité grecque. C’est à ce passionnant voyage que nous invitent ici les meilleurs spécialistes.
Éditions de la
ISBN 979-1-096963-17-1
République 9 791096 963171 ISBN : 979-10-96963-17-1
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15 ans qui ont bouleversé le monde
ALEXANDRE LE GRAND
Par sa fulgurante conquête, il est entré dans la légende autant que dans l’histoire, inspirant Louis XIV ou Napoléon, pour ne prendre que le cas français.
Éditions de la
Au printemps 334 av. J.-C., Alexandre, fils du roi de Macédoine Philippe, se lance à l’assaut d’un empire perse en pleine puissance – il a 20 ans à peine. Stratège audacieux, il gagne toutes les batailles de l’Égypte à l’Indus en passant par l’Iran, la côte syrienne et l’Asie centrale. Fin politique, il fonde partout des villes à son nom, sème les graines d’un hellénisme qui lui survivra longtemps après sa mort prématurée, en 323 av. J.-C., à Babylone.
République
15 ans qui ont bouleversé le monde
15 ANS QUI ONT BOULEVERSÉ LE MONDE
ALEXANDRE LE GRAND
ALEXANDRE LE GRAND
Éditions de la
épublique
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Table des matières Préface
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Sources anciennes… et nouvelles
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Archéologie : à la recherche de la Macédoine antique
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Le grand dessein de Philippe II
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Carte : Ce que Philippe lègue à Alexandre Un roi visionnaire
Alexandre parmi les siens Bucéphale : le plus fidèle des compagnons
45 55
Le corps d’un roi
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La conquête en six questions
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Carte : Des atouts maîtres
Le partage de l’empire Carte : 321-276 Le partage de l’Empire Où est donc le corps d’Alexandre ? Le mystère des tombes royales
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Le triomphe de la culture grecque
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La puissance d’Alexandrie
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à la recherche d’une capitale perdue
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Au Moyen âge, un héros de roman
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Pour Louis XIV : modèle ou repoussoir ?
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Afghanistan : il était une fois Iskandar
143
Alexandre selon Oliver Stone
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Le miroir de l’Occident
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Repères : Les mots d’Alexandre
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Les auteurs
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Bibliographie
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Préface Alexandre le Grand est éternel. Le caractère fulgurant de sa conquête, sans équivalent dans l’Antiquité, exceptionnelle à l’échelle de l’histoire, son génie militaire et sa jeunesse n’en finissent pas d’étonner et de fasciner. Il faut imaginer un jeune homme de 20 ans, d’une extraordinaire maturité politique, se lancer à l’assaut d’un empire perse en pleine puissance. Un tel destin évoque celui de Napoléon. Qu’on les admire, qu’on les déteste, ils sont tous deux des chefs militaires d’exception, dotés d’une vision politique et géopolitique. Ils dominent un empire continental à 30 ans à peine. L’aventure dans les deux cas ne dure pas plus d’une quinzaine d’années. Le chef disparu, l’empire se désagrège. L’histoire se joue selon des rythmes différents. Si le temps long dessine la toile de fond, il existe aussi des séquences d’accélération, où le facteur personnel joue un rôle décisif. La conquête d’Alexandre est de celles-là. Alexandre est fils de Macédoine. Ce royaume du nord de la Grèce a émergé au viie siècle av. J.-C. Au cours de son règne, Philippe II en a fait la grande puissance des Balkans, il a réorganisé l’armée, a noué des alliances et préparé la 7
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reconquête de l’Asie Mineure sur les armées du Grand Roi perse, l’ennemi héréditaire des Grecs. La connaissance de la Macédoine, redécouverte sous le Second Empire par des archéologues français, est depuis trente ans entièrement renouvelée. Les anciennes capitales royales et les nécropoles ont livré des trésors : le palais royal d’Aigai (longtemps connu sous le nom de Vergina), les tombes de la famille royale, des merveilles d’orfèvrerie et des peintures dans un état de conservation exceptionnel qui jettent une lumière nouvelle sur l’art grec dans son ensemble. L’histoire d’Alexandre s’écrit aujourd’hui de manière nouvelle, dans le contexte d’un ive siècle av. J.-C. qui est celui d’évolutions majeures pour tout l’espace contenu entre les Balkans et la vallée de l’Indus. C’est d’abord l’histoire de ce royaume macédonien et celle de l’immense empire perse, dont Alexandre est à bien des égards un héritier. Des royaumes successeurs d’Alexandre sont nées de fécondes synthèses culturelles et politiques : un Proche-Orient profondément hellénisé mais aussi des influences grecques dont les traces demeurent jusqu’en Asie centrale et en Afghanistan. C’est aussi à la découverte de ces héritages multiples que nous vous invitons. Viendra ensuite le temps des légendes. On peut se laisser bercer par leur charme sans méconnaître les usages politiques d’une figure de conquérant qui, à l’ère de l’impérialisme européen, a aussi incarné les vertus de la civilisation opposées à un Orient forcément despotique et barbare. Tout cela peut nous faire sourire. Reste une énigme, que le récit historique n’épuise pas. Celle de la démesure d’un homme capable en quinze ans de changer le monde et de l’éblouir. 8
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Sources anciennes… et nouvelles Par Pierre Briant Nous ne disposons que de très peu de sources directes du règne d’Alexandre. Mais depuis un demi-siècle des découvertes permettent d’ illustrer de manière nouvelle les rapports qu’Alexandre a entretenus avec les populations de l’empire perse. L’un des grands problèmes de l’ histoire d’Alexandre est celui des sources. Presque aucun texte contemporain Nous ne disposons quasiment d’aucun texte officiel contemporain d’Alexandre – mis à part quelques lettres et décrets réglant la situation dans des cités grecques d’Asie Mineure entre 334 et 331 av. J.-C. à cette catégorie appartient aussi une inscription publiée il y a une quinzaine d’années, qui retranscrit une décision prise par le roi au sujet du territoire de la ville de Philippes en Macédoine. Du côté des sources narratives, il existait certainement une forme de chronique journalière de la cour (ce qu’en grec on appelait des éphémérides) ; mais elle a disparu, comme 11
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ont disparu les archives de l’État, rédigées sur des matériaux périssables. Plutarque raconte d’ailleurs que, pendant la conquête, la tente d’Alexandre – c’est-à-dire un édifice immense, avec de très nombreuses pièces, un véritable palais de toile – a brûlé et que les archives ont été détruites dans l’incendie : Alexandre a alors demandé aux gouverneurs de provinces d’envoyer le double de toute leur correspondance. Alexandre était accompagné de nombreux chroniqueurs officiels qui ont fait le récit de ses conquêtes. Le plus célèbre est Callisthène, le neveu d’Aristote. Un des proches compagnons du roi, Ptolémée, avait également écrit des Mémoires. Mais tous ces ouvrages ont disparu ; nous n’en connaissons que ce que les auteurs postérieurs en ont cité, ce qui ne nous donne accès en quelque sorte qu’à une histoire en fragments. Les sources d’époque romaine L’historiographie d’Alexandre date du haut empire romain, soit en grec (Arrien, L’Anabase d’Alexandre et L’Inde ; Diodore de Sicile ; Bibliothèque historique, XVII, Plutarque, Vie d’Alexandre), soit en latin (Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre). Mais ces auteurs ne sont pas des historiens dans le sens où nous l’entendons, ni dans la méthode ni dans la problématique. On considère généralement Arrien comme étant le plus objectif et le plus fiable, parce que son récit est sobre, à la fois très dépouillé et très détaillé. Dans sa Préface, il explique à ses lecteurs comment il a travaillé, de manière à justifier et à légitimer sa démarche. Il dit s’être référé principalement à Aristobule, l’un des chroniqueurs contemporains 12
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d’Alexandre dont l’œuvre est perdue, et à Ptolémée, l’un des compagnons d’Alexandre, qui avait écrit des Mémoires eux aussi perdus. À propos de Ptolémée (qui fonda la dynastie lagide en Égypte), Arrien explique qu’il est d’autant plus fiable que « roi lui-même, il était plus déshonorant pour lui que pour un autre de mentir ». Cette exaltation assumée des vertus royales canonisées laisse perplexe l’historien d’aujourd’hui ! Ce que nous avons actuellement à notre disposition, ce sont moins des essais d’histoire que des récits d’une vie extraordinaire ponctués de hauts faits et d’aphorismes. En fonction d’une approche personnalisée à l’extrême, les auteurs anciens suivent pas à pas l’itinéraire de l’armée macédonienne et de son chef sur lesquels ils focalisent le regard ; en revanche, maniant peu le grand angle, ils ne cherchent jamais à analyser l’ensemble des données stratégiques, et en particulier ne s’interrogent jamais sur la situation de ses adversaires. Leurs narrations sont à la fois indispensables et extraordinairement frustrantes. En outre, à l’époque romaine, la figure d’Alexandre est déjà très contestée et objet de polémiques parfois virulentes. Le roi macédonien est à la fois un modèle et un anti-modèle ; pour certains (par exemple Arrien), il est un précurseur de ce que sera l’Empire romain ; pour d’autres (par exemple Sénèque), il est au contraire le représentant d’une catégorie humaine détestable pour l’humanité, celle des conquérants sanguinaires guidés par leur seul désir de posséder et de dominer. Cette dualité de l’image d’Alexandre va être une constante des discours qui ont été développés dans différents contextes politiques, y compris le nôtre. 13
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Ce que Philippe lègue à Alexandre Lorsqu’il devient roi, Philippe règne sur un petit royaume entouré de voisins hostiles. Il passe l’essentiel de son règne à consolider les frontières, particulièrement vers le nord, agrandir son territoire (la Thessalie et la Thrace jusqu’à Byzance), nouer des alliances avec les cités grecques. Ces dernières, incapables de s’unir contre Philippe, doivent accepter son hégémonie après la bataille de Chéronée en 338 : c’est la Ligue de Corinthe qui regroupe la plupart des cités grecques, à l’exception notable de Sparte. Le royaume des Molosses est neutralisé par des alliances matrimoniales (Olympias, la mère d’Alexandre, est une princesse molosse). Alexandre récupère ainsi un royaume solide, base de sa conquête, presque deux fois plus grand qu’à l’avènement de Philippe quinze ans plus tôt. C’est aussi un royaume peuplé, capable de fournir des renforts constants, recrutés par districts, par groupes ethniques (comme les Lyncestes, à l’ouest de la Haute Macédoine), voire par cités ou associations de cités (que l’on appelle sympolities), en particulier en Basse Macédoine, qui formait le cœur originel du royaume (cours inférieur de l’Haliacmon).
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Philippopolis
Triballes
ILLYRIE
THRACE
Dardaniens Abdère
LYNCESTIDE
Amphipolis
Thasos
Pella
Samothrace
CHALCIDIQUE Méthone Pydna Olynthe Mer de Thrace Th
Lemnos
Dodone CORCYRE
THESSALIE
Phères Pagasai
Passe des Thermopyles
Céphallénie
Abydos ASIE MINEURE
e
Molosses
Potidée
lfe qu Gomaï er
Aigai
ÉPIRE
Imbros
PHOCIDE Delphes 338 Chéronée
EUB
Lesbos
M e r É gé e
Érythrées
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Chios
Thèbes ATTIQUE Athènes
ME
S
ARCADIE Corinthe Argos Zante Olympie E NI É S Mer Sparte Ionienne
Mytilène
Andros
Samos
Céos Délos Naxos
au début de son règne, en 359 av. J.-C. à sa mort, en 336 av. J.-C. Membres de la ligue de Corinthe Royaume des Molosses
500 km
Légendes Cartographie
Royaume de Philippe II :
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La conquête en six questions Par Pierre Briant En une dizaine d’années, Alexandre le Grand, ayant débarqué en Asie Mineure au printemps 334, parvient avec son armée jusqu’aux rives de l’Indus, avant de revenir à Babylone où il meurt en juin 323. Il a vaincu Darius, le roi des Perses, et hérité de son immense empire. Comment cette entreprise a-telle pu réussir ? Et quelles en sont les conséquences ? 1. D’où vient le projet de la conquête ? On s’ interroge depuis des siècles sur les motivations qui ont conduit le jeune Alexandre à l’assaut de l’empire perse et sur ses plans quand il prend la tête de l’armée au printemps 334. Posées depuis des siècles, des questions essentielles restent aujourd’hui sans réponse, ou plutôt elles ont donné lieu à des réponses et des explications divergentes. Aussi curieux que cela puisse paraître en effet, aucun auteur ancien ne prend la peine d’expliquer quels étaient les plans d’Alexandre 67
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en prenant la tête de l’armée au printemps 334. Voulait-il conquérir tout l’empire ? N’a-t-il eu cette idée qu’au fur et à mesure qu’il était victorieux sur le terrain ? Pour y répondre, de manière nécessairement hypothétique, il convient de suivre Alexandre, d’interpréter ses décisions stratégiques et de tenter d’en induire les plans qui ont été les siens. à la mort de Philippe II, la Macédoine est devenue la principale puissance de l’espace balkanique. Cette suprématie a été établie avec éclat en 338 av. J.-C., lorsque Philippe remporte sur les cités la bataille de Chéronée, puis institue la ligue de Corinthe, regroupant toutes les cités grecques sauf Sparte, et dont le but officiel est de mener la guerre contre les Perses afin de venger la destruction par Xerxès, en 480 av. J.-C., de l’Acropole d’Athènes. Lorsqu’Alexandre monte sur le trône, l’expédition est préparée : Philippe II a déjà fait passer un corps d’armée en Asie Mineure. Le nouveau roi a dû préalablement mettre à la raison ses opposants en Macédoine même, sur les marches du royaume (Thrace et Illyrie), puis dans les cités grecques. Il fait un terrible exemple à Thèbes : la ville est rasée, les habitants sont tués ou déportés. Il renouvelle enfin le pacte de Corinthe et peut mener à bien son objectif : il prend la tête de l’armée et débarque en Asie Mineure au printemps 334. Bien informé L’empire perse n’était pas une terre inconnue pour un roi de Macédoine. Alexandre a eu comme précepteur Aristote, qui avait vécu en Asie Mineure. Outre l’Iliade, qui a été en quelque sorte son livre de chevet, il a certainement lu les 68
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Le triomphe de la culture grecque Par Maurice Sartre Après la conquête d’Alexandre, la culture grecque se répandit jusqu’aux confins de l’Asie centrale. Au Proche-Orient, un puissant mouvement d’ hellénisation toucha toutes les couches de la société. Non par la force, car jamais devenir grec ne fut une obligation, mais par la formidable capacité d’ intégration de l’ hellénisme. La conquête d’Alexandre fit rapidement passer l’ensemble du Proche-Orient sémitique sous la coupe politique et militaire du roi de Macédoine. Par la suite, la Mésopotamie fut pour l’essentiel sous le contrôle de Séleucos alors que la Syrie était occupée successivement par Antigone le Borgne puis par Ptolémée Ier, enfin partagée en 301 av. J.-C. entre celui-ci et Séleucos Ier. Vers 200-198 av. J.-C. tout le pays fut réunifié au profit des Séleucides par Antiochos III. En dépit de cette solide domination politique, le ProcheOrient était loin d’être grec. Car il y a loin du changement de maître au changement de culture comme la domination 105
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achéménide l’avait montré. Bien que certains éléments de la culture perse se soient diffusés chez les notables de Phénicie ou de Babylonie, jamais le Proche-Orient ne fut culturellement perse. La conquête d’Alexandre, elle, entraîna des conséquences d’une tout autre ampleur. Car, sans que le grec et la culture qu’il véhicule s’imposent partout, un mouvement puissant d’hellénisation toucha, à des degrés divers, presque toutes les couches de la société. Au moment de la conquête d’Alexandre, la situation était à dire vrai contrastée entre une côte phénicienne en contact depuis longtemps avec les Grecs et une Syrie intérieure et une Mésopotamie qui les ignoraient presque complètement, même si elles avaient vu passer à l’occasion quelques ambassades de cités se rendant à la cour de Suse ou de Persépolis. Les contacts anciens entre Grecs et Phéniciens, à la fois économiques et culturels – les Grecs savaient très bien qu’ils devaient aux Phéniciens leur propre alphabet – s’étaient traduits dès la fin du ve siècle av. J.-C. par une grande familiarité des élites phéniciennes avec la culture grecque : quelques grands sarcophages royaux de la nécropole de Sidon témoignent de ce goût pour un art hellénisant. Avec la conquête, le phénomène s’étendit à l’ensemble du Proche-Orient. Non qu’Alexandre ou ses successeurs aient eu la volonté d’helléniser les indigènes. La seule obligation est de payer les tributs qui feront vivre le roi et la cour. Mais – et c’est en cela que la société hellénistique diffère des sociétés coloniales de l’époque contemporaine – l’acquisition de la culture grecque fait de celui qui a choisi d’y 106
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Le miroir de l’Occident Par Pierre Briant à l’ère de l’impérialisme européen, Alexandre est devenu une référence obsédante des discours sur la mission civilisatrice des nations coloniales. Les conquêtes d’Alexandre s’ imposent comme un précédent et un modèle. Le mythe du grand conquérant invincible est né du vivant même d’Alexandre et il s’est diffusé avec rapidité chez ses successeurs, les diadoques, qui étaient anxieux de se parer d’une part de son prestige. à Rome, deux images coexistent. Celle d’un conquérant cruel et rempli de vices, n’agissant sur le court terme que pour satisfaire son ambition et ses pulsions, sans aucun égard pour les populations vaincues par ses armes. Mais aussi une image positive, celle du conquérant-civilisateur soucieux non seulement de remporter des batailles mais aussi d’élever le niveau moral et culturel des populations conquises, que l’on trouve en particulier chez Arrien et chez Plutarque. Nombre d’empereurs romains sont venus à Alexandrie saluer la dépouille 157
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du conquérant, comme pour se saisir d’un charisme qui transcende les siècles. Les deux images se sont maintenues côte à côte dans l’historiographie moderne et contemporaine. Dénoncé régulièrement par les auteurs hostiles aux conquêtes puis à l’impérialisme, Alexandre a été élevé non moins régulièrement au rang de précédent exemplaire de l’expansion territoriale, commerciale et coloniale de l’Europe. Ce conflit d’images antiques illustre et recouvre des débats très contemporains. Ces débats sont déjà très vifs dans le courant du xviiie siècle. Les entreprises conquérantes d’Alexandre sont dénoncées par les tenants de l’histoire moralisante, tels Charles Rollin et son Histoire ancienne (dans les années 1730) ou l’abbé de Mably dans ses Observations sur les Grecs (en 1749 et 1766). Elles le sont aussi par un grand érudit comme le baron de Sainte-Croix qui, dans son Examen des anciens historiens d’Alexandre (deuxième édition 1804), juge que les « bons sauvages » n’ont rien à gagner des influences jugées néfastes de la civilisation. Elles le sont bien entendu enfin par le courant proprement anticolonial : on pense là en particulier à Diderot qui intervient en ce sens dans la deuxième édition de l’Histoire politique et philosophique des deux Indes publiée en 1780 sous le nom et l’autorité de l’abbé Raynal. Contre le despotisme asiatique Dans le même temps, nombre d’historiens-philosophes, en France, en Angleterre et en Écosse, font d’Alexandre le 158
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Les auteurs Claude Aziza Maître de conférences honoraire de langue et littérature latines à la Sorbonne-Nouvelle (Paris-III), il est notamment l’auteur d’un Guide de l’Antiquité imaginaire. Roman, cinéma, bande dessinée (Les Belles Lettres, 2008). Paul Bernard Paul Bernard († 2015) a dirigé la délégation archéologique française en Afghanistan entre 1965 et 1980. Membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, il a écrit diverses publications sur Aï-Khanoum et sur l’hellénisme oriental. Pierre Briant Professeur émérite au Collège de France à la chaire Histoire et civilisation du monde achéménide et de l’empire d’Alexandre, il a publié de nombreux ouvrages, notamment Alexandre des Lumières. Fragments d’ histoire européenne (Gallimard, « Nrf essais », 2012) et Alexandre. Exégèse des lieux communs (Gallimard, « Folio Histoire », 2016). Pierre Chuvin Directeur de l’Institut français d’études sur l’Asie centrale à Tachkent (1993-1998) et de l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul (2003-2008), Pierre Chuvin († 2016) était professeur émérite de langue et littérature grecques 177
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antiques à l’université Paris-X-Nanterre. Sa Mythologie a été rééditée (Flammarion, « Champs histoire », 2011). Marie-Pierre Dausse Maître de conférences en histoire grecque à l’université de Paris 8, elle s’est intéressée aux voyageurs du xixe siècle en Grèce du Nord dans le cadre de recherches sur la géographie historique de l’Épire aux époques classique et hellénistique Hervé Duchêne Professeur à l’université de Bourgogne, ancien membre de l’école française d’Athènes, il a notamment publié avec Néguine Mathieux La Lettre et l’Argile, aux EUD. L’ouvrage a servi de catalogue à l’exposition sur les terres cuites de Myrina au Louvre en 2008. Chantal Grell Moderniste, spécialiste de l’histoire des mythologies politiques, elle a contribué à Historiographie de l’Antiquité et transferts culturels : les histoires anciennes dans l’Europe des x v iii e et x i x e siècles, C. Avlami, J. Alvar dir., (Amsterdam – New-York, Rodopi, 2010). Laurence Harf-Lancner Professeur émérite à la Sorbonne-Nouvelle (Paris-III), elle a édité et traduit de nombreux textes médiévaux, dont Le Roman d’Alexandre d’Alexandre de Paris (Librairie générale française, 1994). 178
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Miltiade Hatzopoulos Associé de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, spécialiste de l’histoire des institutions et d’épigraphie grecques, il a coédité Philippe de Macédoine (Ekdotike Athenon, 1992) avec Louisa Loukopoulos. Joseph Mélèze-Modrzejewski Professeur émérite d’histoire ancienne à l’université Paris-I, Joseph Mélèze-Modrzejewski († 2017) a publié en 2011 Un peuple de philosophes. Aux origines de la condition juive (Fayard). Huguette Meunier Professeur agrégée, elle est membre de la rédaction de L’Histoire. Maurice Sartre Professeur émérite d’histoire ancienne à l’université FrançoisRabelais de Tours et ancien membre de l’Institut universitaire de France, il fait partie du comité scientifique de L’Histoire. Il a notamment publié Histoires grecques (Seuil, 2006, rééd. « Points », 2009) et, avec A. Sartre-Fauriat et P. Brun (dir.), le Dictionnaire du monde grec antique (Larousse, 2009).
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