SB124 : Une génération pleine de promesses

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POSTERS Oliveira / Zarco • MAHIAS / BLACK / BIAN Trio hors de contrôle • INTERVIEW Scott Redding LE MAG RACING #1

PLEINE DE PROMESSES € RC16 000 KTM 400 De zéro à héros ! la demi-seconde... / L'INCROYABLE ÉPOPÉE / BINDER et OLIVEIRA Double surprise ! / TECH 3 AU SOMMET Poncharal raconte

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MotoGP VS WorldSBK Le grand écart en coûts, pas en perf !

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Une génération

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Le team SB #124 

Maxime Pontreau

Mat Oxley

JOURNALISTE ESSAYEUR

JOURNALISTE VIP

Lukasz Swiderek

Stéphane Valembois

PHOTOGRAPHE

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Mélanie Ambert

Thierry Capela

DIRECTRICE ARTISTIQUE

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Jacques Hutteau

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CHRONIQUEUR DE LUXE

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le ride pour devise

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Tommy Marin ÉDITEUR & RÉDACTEUR EN CHEF

ÉDITO

PROMESSES TENUES ! Nous vous l'avions promis dans l'édito de notre SB122 nouvelle formule : nos synthèses MotoGP et WorldSBK évoluent. Nous vous livrons désormais une analyse thématique de chacun des week-ends de compétition écoulés depuis la sortie de notre précédent numéro, que vous retrouverez dans la rubrique On refait la course. Une double page (pour le MotoGP) et une page (pour le WorldSBK) par épreuve, afin de conserver un récapitulatif durable et étayé de la saison dans votre collection de Sport-Bikes. Nous vous avions également promis dans notre SB123 que le projet MOTTO ne s'arrêterait pas à notre collection de vêtements et accessoires : notre site d'info www.motto-le-ride.com a vu le jour tout début septembre ! L'idée est simple : vous proposer un contenu digne de la qualité du mag racing #1, sur le web. Mais plutôt que de nous contenter de relancer www.sport-bikes.fr (qui vous redirigera vers notre rubrique Compétition vitesse), nous avons souhaité créer un portail complet, gratuit, fun, facile à prendre en main et agréable à consulter. Le plus beau, c'est qu'il nous reste encore une promesse à vous faire ! Dès octobre 2020, vous aurez vous aussi la possibilité de participer à la vie du site MOTTO en proposant votre propre contenu (une histoire, un sondage, un quiz, une vidéo…), au même titre que notre équipe, via une interface claire et ludique. Parlons MOTTO sera votre rubrique ! Un site web 100 % moto, 100 % gratuit, qui vous donne la parole, sans publicité qui clignote dans tous les sens, ce n'est pas tous les jours que ça arrive. Alors pour soutenir notre petite équipe de passionnés dans cette démarche, c'est simple : portez du MOTTO (rubrique E-shop sur notre site) et/ou abonnez-vous à SportBikes (en p.122 de ce numéro) ! Enfin, nous ne sommes pas les seuls à tenir nos promesses. La compétition moto, celle que nous aimons tant, nous offre une saison certes écourtée, certes privée de nombreux beaux circuits, mais ô combien animée et passionnante. Alors, non, cette période n'est pas simple. Chez Sport-Bikes comme dans les paddocks (et partout ailleurs), on redoute l'incertitude ambiante et on espère tous être en mesure de tenir nos promesses. Mais le sport – et en particulier le sport moto – en est la preuve : cette incertitude, celle qu'il nous promet glorieuse, peut aussi être belle. Et sa jeune génération (Quartararo, Binder, Oliveira, Morbidelli, Bagnaia, Mir, Rinaldi & co), dans ce contexte particulier, se confirme pleine de promesses ! • sport-bikes-mag.fr I OCTOBRE - NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2020 I SB124 I 3

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Sommaire

❱❱ N°124

Oct. Nov. Déc. 2020

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❱❱ PROCHAIN N° 125 I En vente à partir du 24 décembre (Noël avant l'heure !) LES RUBRIQUES

SUJETS MAGAZINE

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Arrêt sur images Les news 100 % racing En piste : Gabin Planques / Sortie de piste : Michael Rinaldi Parole de Pro : Fabrice Recoque (Honda France) Lu et entendu Point de vue : Carlo Pernat Un visage, un métier : Jean-Marc Delétang Versus Andrea Dovizioso / Fabio Quartararo Les coulisses de la FIM : la promotion du sport moto Aïe By Lilian : La fracture diaphysaire de l'humérus Le shopping racing NOUVEAU +++ de championnats CEV, BSB, Promosport... Sans rétro : Guy Bertin, sans filtre et sans reproches C’est Jakuto qui le dit : Tribunes vides, carton plein ? NOUVEAU La boutique MOTTO Ridez avec nous ! Abonnement Plutôt T-shirt ou lunettes solaires ?

DOUBLE POSTER JOHANN ZARCO MIGUEL OLIVEIRA

ANALYSE MOTOGP Team indépendant, et alors ? DOSSIER KTM DÉJÀ AU TOP DU MOTOGP ! L'épopée de la RC16 Depuis 2016 seulement... (p.48) Binder et Oliveira Vainqueurs parallèles ? (p.54) Interview Hervé Poncharal, boss de Tech 3 (p.58) 66 ANALYSE MOTOGP VS WORLDSBK 400K € la demi-seconde... 78 INTERVIEW SCOTT REDDING L'Anglais a faim, très faim 86 DOSSIER PAS DE PLACE POUR... ... la folie ? L. Mahias, G. Black, P.Y. Bian : C15 addicts (p.86) ... un autre sport ? R. de Puniet et F. Foray, cyclistes (p.92) ... la retraite ? V. Philippe et S. Gimbert au turbin (p.98) 108 INTERVIEW KENNY FORAY Son nouveau défi 116 DÉCOUVERTE DIAMOND RACES Près de chez vous...

ON REFAIT LA COURSE 32 62 72 80 84 104

MOTOGP Mat Oxley détaille la première moitié de saison MOTO2 / MOTO3 Entre virus et rixe WORLDSBK Le casse-tête Jonathan Rea WORLDSSP / WORLDSSP300 Impensable, imprévisible... ENDURANCE Retour sur les 24 Heures du Mans FSBK Toutes les catégories du championnat de France

SPORT-BIKES N°124 Octobre-Novembre-Décembre 2020 - Trimestriel I Adresse : Press Start Éditions - 760 route d’Auvilliers - 45270 Quiers-surBézonde - France E-mail : redac@sport-bikes-mag.fr I Directeur de publication & rédacteur en chef : Tommy Marin I Journalistes : Maxime Pontreau Mat Oxley I Chroniqueurs : Jacques Hutteau - Lilian Guignard I Photos : PSP Swiderek/Jagielski - Stéphane Valembois I Création graphique : Mélanie Ambert - www.commeunjeudi.fr I Publicité : Thierry Capela - 06 20 61 96 19 - thierry@kapmedia.fr Relecture : Diane de Salve I Imprimerie : BLG Toul - 2780 Route de Villey St Etienne - Pôle Industriel Toul Europe - Secteur A - 54200 TOUL - France Abonnements et service diffuseurs : Abomarque - sportbikes@abomarque.fr - Tél : 05 34 56 35 60 (10h-12h/14h-17h) - Tarif 6 numéros (1 an) = 30 € Prix au numéro = 6,20 € I Distribution : MLP I Créateurs de Sport-Bikes : Grégory Ambos et Laurent Alberola Sport-Bikes est une publication bimestrielle éditée par la société Press Start Éditions, EURL au capital de 4 000 euros I Gérant : Tommy Marin RCS : Orléans 844 648 931 I N° de commission paritaire : 0421 K 80228 I N°ISSN : 1620-3151 I Dépôt légal : à parution. Droits de reproduction réservés pour tous pays. La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes ou photos qui lui sont adressés.

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Photos : Good-Shoot.com - D. Reygondeau

VICTOIRE DE LA NOUVELLE FIREBLADE POUR SA PREMIÈRE PARTICIPATION AUX 24H MOTOS.

Performance & fiabilité caractérisent la toute nouvelle Fireblade qui pour sa première participation à une course d’endurance remporte au Mans les 24h Motos 2020. Une moto ne peut gagner seule, merci aux pilotes Josh HOOK, Mike DI MEGLIO et Freddy FORAY pour leur vitesse et leur régularité. Et bravo à toute l’équipe F.C.C. TSR Honda France menée par Masakazu Fujii pour sa gestion exemplaire de la course. La nouvelle CBR1000RR-R Fireblade est décidément bien née pour la course !

moto.honda.fr


Arrêt sur images #instant #émotion #choc 1

1. Conférence de presse… sans presse 2. Oncu bien mal engagé 3. Mécanique de précision 4. Ce silence avant l'orage 5. Pecco, nostalgique des cylindres à trous ?

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7 8 9 6. Navarro quitte la mêlée 7. En piste, Johann ! 8. Merci Maverick d'avoir eu ce réflexe 9. Under the sun 10. Mauvais tournant 11. Les traces d'une vie 10

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Arrêt sur images #instant #émotion #choc

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1. La magie de l'Endurance 2. Quand le fan dépasse le maître 2 33. Spectateurs interdits 4. Coup dur pour Aegerter 4

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5. Angle maxi dépassé 6. Covid-style 7. Le cirque Binder 9 8. Astuce pour faire un tour de M1… 9. Freinage sur l'angle à plus de 300 km/h : le virage n°2 du Red Bull Ring

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News Racing

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PAR MAXIME PONTREAU PHOTOS DR

MotoGP Style Pépites Le MotoGP ne cesse de faire rêver. Il inspire aussi les constructeurs et préparateurs qui, de temps en temps, commercialisent une machine avec un brin d'ADN des GP. Aprilia a récemment présenté la Tuono V4 X, un roadster développé par son département Racing. Moteur V4, 221 ch, 166 kg à sec, carénage aérodynamique en carbone… Aleix Espargaro n'a pas boudé son plaisir lors de l'essai. Chez Yamaha, le YART nous surprend avec une R1 Petronas SRT. Sous ce coloris replica, le préparateur autrichien a utilisé les meilleures pièces GYTR, le catalogue Racing Yamaha. Cette R1 s'équipe donc, pour ne citer que cela, d'un échappement titane Factory et d'un ECU dernière génération. Seul hic, ces deux machines sont des éditions limitées fabriquées à 10 unités pour l'Aprilia (34 900 €) et à 46 exemplaires pour la Yamaha (46 000 €).

Figure de la compétition moto dans les années 70, Claude Ben El Hadj est malheureusement décédé au courant du mois de septembre. Homme discret mais pilote talentueux, Claude Ben El Hadj s'est fait remarquer dans les championnats de France Inter 250 et 350. Il remportait les Trophées de France 125cc en 1969 avant de s'imposer en 250cc en 1972 puis en 350cc en 1973. Il ne put jamais en revanche briller au niveau international malgré quelques tentatives aux côtés de ses camarades Michel Rougerie, Thierry Tchernine et consorts. L'équipe de Sport-Bikes adresse ses plus sincères condoléances à sa famille et Ben El Hadj est ici à gauche, aux côtés de M. Rougerie ses proches. et T. Tchernine.

JEU CONCOURS

Il fallait répondre : Question n°1 : prEN 17092-2: 2017, de classe AAA Question n°2 : SMART HJC Bluetooth Question n°3 : 20 fois

Gabin Planques

Pilote en Red Bull MotoGP Rookies Cup

Une deuxième année en RBMRC, c’est plus de confiance ou plus de stress ? Plus de confiance. Tu as un avantage sur les nouveaux pilotes. Tu connais les pistes et tu connais déjà la KTM, qui

#123

Pour ses 20 ans, Sport-Bikes vous faisait gagner plusieurs lots exceptionnels. Félicitations à Sidoine Racine (casque HJC F70), David Dufour (blouson Spidi Bolide) et Pascal Liardet (Powerbox BS Battery) pour leurs bonnes réponses.

En piste avec…

Gabin, tu effectues ta deuxième saison en Rookies Cup. Comment s’est passée la reprise en Autriche ? Pas mal, mais il me manque un peu d’agressivité en course. J’ai fait le meilleur tour dans la première course, mais finir 7e puis 11e, ce n’est pas exceptionnel. Il faut que je ferme davantage les portes. Par contre, la vitesse est là, donc les prochaines épreuves peuvent bien se passer.

© PSP Stan Perec

Décès Gentleman Rider

est une moto compliquée. C’est une vielle machine de 2013. Il faut essayer de ne pas trop changer les réglages car elle est très sensible. Elle bouge beaucoup. Moi je garde plus ou moins le même réglage sur tous les circuits. Tu ne fais la différence qu’avec ton pilotage dans ce championnat. Et c’est compliqué ? Avec les dix Espagnols, oui, ce n’est pas simple. Ils sont infernaux. Comme ils sont nombreux et qu’il y a peu de places pour eux, ils ont une motivation supplémentaire et roulent vraiment vite. Les chronos sont beaucoup plus rapides cette année.

Quelle est la grande leçon que tu as apprise l’an passé ? Réussir à ne pas réfléchir à la moto pour se concentrer entièrement sur soi, sur son pilotage. De toute façon, ils [le staff de la RBMRC] choisissent tes réglages et ils ne vont pas te faire une moto parfaite. Tu peux essayer de l’améliorer, mais tu dois avant tout t’adapter à ce qu’ils te donnent. Quels sont tes objectifs pour le futur ? Cette année, il faut que je sois tout le temps dans le groupe de tête, puis on verra ce qui se passe dans le dernier tour [rires]. Ensuite, j’aimerais bien aller en GP Moto3 en 2022.

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Sortie de piste avec…

News Racing

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Parole de pro

Michael Ruben Rinaldi

Michael, tu te souviens bien de ta dernière sortie… … dans les graviers ?

En Australie, quand [Leon] Haslam m’a sorti. Sinon, j’y suis allé tout seul pendant les tests hivernaux.

… de l'hosto ?

Jamais. Enfin… je me suis cassé une clavicule à environ 8 ans, mais depuis rien. Attend, je me touche les c*** !

… médiatique ?

J’enchaîne les interviews depuis ma victoire à Teruel.

… en voiture ?

Je me suis offert une BMW Série 1 après mon titre en Superstock [2017] et je l’utilise encore tous les jours.

… à moto ?

Je n’ai ni la moto ni le permis. C’est trop dangereux selon moi car j’ai trop l’habitude de rouler très vite. Après, je vais peut-être passer le permis, je ne sais pas, pour aller à la plage éventuellement. Ce serait pas mal pour éviter le trafic.

… sportive ?

J’adore regarder la boxe et faire du vélo, régulièrement. J’ai déjà boxé, mais je n’ai jamais fait de match à cause des courses, de l’entraînement, etc. Il faut être concentré à 100 %.

… avec une fille ? J’ai eu quelques

rendez-vous récemment, mais rien d’officiel ! [rires]

… en soirée ?

C’est très rare, je n’aime pas aller en boîte. Cela arrive peut-être deux fois dans l’année. Je préfère faire des soirées plus calmes avec mes amis.

… en famille ?

Je vis toujours avec eux. On passe donc beaucoup de temps ensemble.

… au cinéma ?

Ouah, c’était il y a très très longtemps. Je ne regarde que Netflix désormais. Récemment, j’ai beaucoup aimé la série "Peaky Blinders" et le documentaire sur Michael Jordan [The Last Dance] est incroyable. Pour un sportif professionnel comme moi, c’est une idole.

… incognito ?

Tout le temps ! [rires] Je n’ai aucun problème à ce niveau-là. Les gens me connaissent dans mon village, mais c’est tout.

… d'école ?

J’ai arrêté l’école à 18 ans. Tu te doutes pourquoi ? [rires]

… d'argent ?

C’est plutôt simple : je n’ai pas d’argent.

… de tes gonds ?

[Il réfléchit…] C’est difficile de me mettre en colère. C’est facile de me contrarier en revanche. Honnêtement je ne m’en souviens pas.

Fabrice Recoque Directeur de la division moto chez Honda France, Fabrice Recoque conserve un œil avisé sur le marché français, tout comme sur les succès du F.C.C TSR Honda France en EWC. Comment se portent les ventes de motos en France ? Le marché est très porteur. Les deux premiers mois de l’année ont très bien débuté avec une croissance de quasiment 25 % par mois. Nous n’avions pas vu cela depuis très longtemps. On s’attendait à une année record, puis il y a eu le confinement. Dès qu’il s’est terminé le marché a augmenté : 30 % en juin et juillet, 17 % en août et nous prévoyons du 15 % en septembre. A ce rythme, nous pourrions terminer l’année au même niveau que le marché 2019 et absorber toute la crise du Coronavirus, ce qui est assez incroyable. Concernant Honda, plus spécifiquement, nous devrions finir l’année avec une petite baisse de volume d’environ 10 %. Votre production suit-elle le rythme des ventes ? Nous rentrons dans une période de tension concernant la disponibilité de nos machines en concessions. Le dernier trimestre va être difficile à gérer car on nous a coupé les allocations. Ce n’est pas seulement dû au Coronavirus. La norme Euro 5 entre en vigueur au 1er janvier 2021. Nos usines n’ont donc pas souhaité augmenter les cadences de production de modèles Euro 4 par peur de garder des stocks en fin d’année. Cette prudence, associée à de nouveaux produits en attente, a fait que nous risquons d’être pénalisés en cette fin d’année. Cette crise va-t-elle avoir un impact sur vos programmes en compétition ? Il faut savoir que le groupe a souffert au niveau mondial, notamment sur de gros marchés comme les États-Unis et la Chine. Le profit réalisé à la fin de l’exercice fiscal sera moindre que les années précédentes. A court terme, nous n’avons pas d’infos négatives sur les programmes phares que sont le MotoGP, le WorldSBK et le MX. Nous sommes aussi relativement confiants pour continuer notre programme en Endurance. Concernant Honda France et 2021, nous verrons cela en janvier. Nous n’avons pas encore de visibilité à ce sujet. Le succès de la nouvelle Fireblade avec le F.C.C TSR Honda France peut-il motiver Honda à importer la CBR600RR 2021 en Europe ? Non, c’est complètement exclu. L’homologation européenne n’a pas été développée et ne le sera pas compte tenu du très très faible potentiel de volume. Après, potentiellement, nous pourrions en importer – pour une activité piste exclusivement – si nous avons des demandes.

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J'ai essayé à peu près toutes les machines de MotoGP, et maintenant, je sais que l'herbe n'est pas plus verte chez le voisin – j'ai glissé sur à peu près tous les gazons !"

#punch #bluff #provoc

"En Moto3, on vise le podium quand Deniz [Oncu] commet une petite erreur et emporte Ayumu [Sasaki]. Je suis dégouté. Quand je croise Carlos Ezpeleta, je lui demande – en plaisantant à moitié – de chercher quelqu'un pour racheter Tech 3. Quelques heures après, on gagne en MotoGP et je suis l'homme le plus heureux du monde…"

Hervé Poncharal • Par téléphone

Miguel Oliveira • Spielberg, 16 août

Johann Zarco • Par téléphone "Plus nous nous approchions de la signature [avec Ducati], plus les éléments qui m’ont poussé à prendre ma retraite ont repris du poids. Après plusieurs jours de réflexion, j’ai malheureusement dû dire non à Gigi [Dall'Igna]."

Jorge Lorenzo • Motorsport.com, 15 septembre

"Je ne comprends pas ma chute. En regardant les données, la vitesse était la même, l'inclinaison était la même, l'ouverture de la poignée de gaz était la même, la trajectoire était la même. On dirait que j'ai touché quelque chose comme un tear-off ou une saleté sur la piste."

Pecco Bagnaia • Misano, 20 septembre

"Quand Bagnaia m’a passé et que Morbidelli s’est échappé, je me suis dit : 'Qui a eu cette p***in d’idée de faire l’Academy ?!' Mais je ne pouvais m’énerver contre personne, c’était mon idée."

"Malheureusement, on ne naît pas tous égaux en termes d'intelligence."

"Félicitations @FabioQ20 On peut dire que tu as du goût... 10/10 "

Kylian Mbappé • Twitter, 26 juillet

"L'erreur est arrivée quand je me suis dit : 'OK, le travail est fait.' […] C'est à ce moment-là que je me suis envolé. Dans ce virage, à chaque tour, je coupais le vibreur intérieur. Cette fois, je ne l'ai pas fait, j'ai juste mordu la ligne blanche et soudain, les deux pneus ont décroché." Marc Marquez • Jerez, 24 juillet

"Quand je roule derrière [la Suzuki] – f**k ! – c'est incroyable le nombre d'erreurs que ces gars peuvent faire et revenir sur la trajectoire ! C'est vraiment dur sur un V4 – tu commets une erreur et tu morfles les deux virages suivants."

Pol Espargaro • Misano, 20 septembre

"Tout commence maintenant. Je me sens bien avec la moto. La Suzuki a un très bon équilibre et fonctionne bien partout. Et puis, j'ai eu un déclic après mon premier podium."

Joan Mir • Misano, 20 septembre

Valentino Rossi • Sky Sport, 13 septembre

"@fabioquartararo20, j'ai retrouvé un truc à toi... Malheureusement, au deuxième tour, ma moto a réussi à aspirer un tear-off et ça a bouché le filtre à air." Jack Miller • Instagram, 20 septembre

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PROPOS RECUEILLIS PAR MAXIME PONTREAU

Le point de vue de

Carlo Pernat Fin connaisseur du milieu des Grands Prix et de son centre névralgique, le paddock, le manager italien Carlo Pernat nous livre son sentiment sur cette fourmilière qui a totalement changé de visage ces derniers mois. Un rêve s’est envolé.

LA VIE DANS LE PADDOCK

Elle a changé, comme partout. Tout a changé ! Pour les gens comme moi, qui sont depuis 40 ans dans le paddock, c’est vraiment triste. Il n’y a plus personne, c’est désert. Il n’y a plus d’hospitality, de sponsor, leurs invités, les umbrella girls… On ne croise que les pilotes, les managers et les personnes des équipes. Il n’y a rien… Il manque surtout le public. Faire du sport sans le public – dans tous les sports et pas seulement en moto – manque de stimulation. C’est toujours un Grand Prix, mais c’est autre chose sans les gens qui font du bruit. Il manque cette ferveur des fans. On espère que cela va changer.

L’AMBIANCE

Dans l’ensemble, le moral n’est pas très bon. Tout le monde est dans son coin, au sein de son team, et tu ne peux pas beaucoup parler avec les gens. Il est difficile de sortir d’un box pour aller dans un autre. Dans un box, c’est limité à huit personnes maximum, pas neuf. Il n’y a donc pas d’ambiance. Ce ne sont vraiment pas les GP comme on les aime, mais il reste la compétition et l’adrénaline de la course, donc on y va quand même. Puis c’est notre métier. Là, ce n’est plus réellement une passion mais un métier. Ce n’est vraiment pas l’ambiance parfaite pour faire des GP, pour le sport, le cœur et la passion… mais il faut le faire.

TRAVAILLER

Honnêtement, on travaille dans un désert. Tout est vide. Il y a juste quelques managers comme moi qui vont d’un box à l’autre pour le travail. Les mécaniciens doivent tout le temps travailler avec le masque, ce n’est pas facile. A Jerez, il faisait entre

40° et 45° en journée. A Misano, quelques journalistes étaient présents, mais ils ont été mis dans un coin. Ils ne pouvaient pas sortir de leur salle, pas même aller dans le paddock. C’est inutile. Seulement, il faut accepter la situation en espérant que tout aille mieux.

LES DÉPISTAGES

Nous sommes très bien contrôlés et c’est normal. Nous avons quand même deux tests – pas vraiment agréables – par semaine de course. L’un avant de rentrer sur le circuit et l’autre en sortant pour le prochain GP. La Dorna installe aussi à l’extérieur de chaque circuit des médecins qui te font le test. Tu as les résultats en deux jours. Ensuite, tu dois circuler avec le masque, même dans le paddock. Mais tout cela est normal.

L’ABSENCE DES SPONSORS/VIP

C’est un gros problème d’un point de vue économique. Un sponsor donne de l’argent à un team pour pouvoir inviter des gens sur un GP, les faire venir au circuit, dans le paddock, pour faire des photos, voir les pilotes, manger dans l’hospitality, etc. Là, comme c’est interdit, les sponsors ne donnent que 50 % du budget. Et encore, quand tu as de la chance. Les équipes MotoGP s’en sortent, mais les petites structures en Moto3 et Moto2 ont de gros problèmes de budget. Perdre autant d’argent est vraiment difficile à gérer. L’année prochaine, c’est certain, les salaires des équipes et des pilotes seront différents. Les pilotes qui ont signé leur contrat avant les confinements ont de la chance, comme Quartararo, Vinales, Rins, Mir, Marquez… mais je sais qu’ils ont été convoqués par les usines pour revoir les salaires. Les pilotes qui ont signé après ont connu une grosse baisse. L’exemple le plus marquant est Dovizioso. "Dovi" a négocié après la crise, mais l’usine lui a proposé, plus ou moins, la moitié de ce qu’il prenait comme salaire avant.

DES PILOTES HEUREUX DE SE DÉPLACER TRANQUILLEMENT…

Je pense plutôt que les pilotes aiment le public, se balader en scooter au milieu des gens, signer des autographes… C’est plein de choses positives. Ils aiment les fans. La majorité en tout cas, car c’est selon les caractères des pilotes. Mais tu sais, c’était plus facile de les voir dans le paddock auparavant que cette année. Là, il n’y a absolument personne, mais tu ne les vois jamais. Tu imagines ? Incroyable ! Ils restent tous dans les camions ou dans leur motor-home car ils ont peur de sortir, d’attraper le Coronavirus. Ils ne sortent que pour la conférence de presse, les essais, puis la course.

LA SAISON 2021

Selon moi, il n’y aura pas beaucoup de changements. Organiser des Grands Prix outre-mer sera très difficile. Je ne pense pas que nous pourrons aller aux États-Unis, en Argentine ou en Australie avant 2022. Moi, j’imagine un championnat du monde en Europe avec 16 courses, pas plus. Il y aura peut-être de petites différences avec cette année, mais je n’y crois pas trop. •

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PROPOS RECUEILLIS PAR Maxime Pontreau

Directeur de Course

MÉTIER

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Jean-Marc VISAGE Delétang

Mon Job Je dois gérer la sécurité sur la piste lors d’une épreuve, du début des essais jusqu’à la fin des courses. Cela veut aussi dire s’assurer au préalable que la piste et les équipes de commissaires – entre autres choses – correspondent à l’homologation nécessaire pour que la course se déroule. Je gère ensuite toutes les interventions (drapeaux, safety car, intervention des commissaires, etc.) devant avoir lieu sur la piste en fonction des événements, des chutes, des casses, etc. On fait en sorte que la sécurité de tous soit maximale. On s’occupe également de faire respecter les règles sportives.

Pourquoi ce choix En 2015, la FFM recherchait un nouveau directeur de course et, après une discussion avec Jacques Bolle, le poste m’a tenté. Il y avait un challenge car il fallait tout réorganiser. La FIM était mécontente de ce qu’il se passait en France dans ce domaine. C’était aussi un défi personnel. Ce n’est pas la course qui me manquait, c’est vraiment le travail de réorganisation qui m’a séduit au niveau de la direction de course, du travail des commissaires, etc. C’est un côté du milieu que je ne connaissais pas et ce fut une découverte extraordinaire.

J'aime Le travail avec mes équipes et la proximité que je peux avoir avec les commissaires et les pilotes.

Je déteste La politique. Il y en a beaucoup et c’est un truc qui m’énerve. Je sens d’ailleurs que j’arrive à la limite du sportif et du politique, au point où tu ne peux plus

NATIONALITÉ Français NÉ LE 8 octobre 1965 à Blois (41) VIT À Blois (41) EN POSTE Depuis 2016 ÉTUDES Licences fédérales spécifiques

faire évoluer les choses car la politique entre en jeu. Elle est omniprésente et sert des intérêts personnels à l’encontre de l’intérêt commun, de notre sport, et cela me gêne. J’ai du mal à comprendre. Après, ce n’est pas propre à la FFM.

La difficulté Pas difficile mais fastidieux : tout le travail de préparation avant une épreuve.

Mon objet fétiche Ma radio ! Je dois toujours être en contact avec mes équipes car c’est dans l’anticipation et la réaction que tu peux faire de bonnes interventions. Le temps est toujours compté dans nos actions. Je regarde toujours le chrono.

La vie perso Tous les déplacements imposés par le métier pèsent un peu, c’est certain. C’est quand même un plaisir très personnel et ta vie privée peut prendre un coup. J’ai la chance d’avoir une femme qui accepte cela, notamment car nous avions pris la décision d’accepter ce poste ensemble. On profite du temps différemment, mais je t’assure qu’il faut être concentré quand tu reviens à la maison [rires].

affaires, des concessions notamment. Puis, finalement, la FFM m’a contacté en 2015. J’ai donc passé les trois niveaux de licence qui me donnent le droit d’opérer sur des épreuves nationales et internationales. J’ai également passé la "Super Licence" auprès de la FIM pour pouvoir travailler sur des épreuves d’Endurance, du WorldSBK et du MotoGP. Seulement, pour l’instant, j’ai un contrat d’exclusivité avec la FFM pour être directeur de course.

Le futur Je ne sais pas. Je me suis investi sans compter depuis quatre ans et nous ne sommes qu’au début de ce que nous pourrions faire. Il y a encore tant de choses à améliorer, mais il y a aussi des décisions politiques… Ce n’est pas le centre de ma vie, donc si cela ne va pas dans la direction que je souhaite, je pourrais arrêter à la fin de l’année.

Mon conseil à mon (ma) futur(e) remplaçant(e) L’expérience de pilote est indispensable. Cela t’apporte une crédibilité et une sensibilité auprès des pilotes et des commissaires qui ne s’apprennent pas autrement.

Le passé

Mon meilleur souvenir

J’ai été pilote pendant quinze ans. En résumé, j’ai gagné deux Bol d’Or, Spa-Francorchamps, quatre titres de champion de France et une Coupe du monde d’Endurance avec Suzuki. J’ai aussi fait quelques courses en Mondial Superbike et trois Grands Prix. J’ai arrêté de courir en 2002 et mis le milieu de la course de côté pendant plusieurs années. Je me suis alors concentré sur le développement de mes

L’intervention réalisée à 40 minutes de l’arrivée des 24H Motos du Mans 2019. Il y avait 100 m d’huile dans la courbe Dunlop et tout le monde pensait que la course allait se terminer sous safety car, mais les équipes ont vraiment bien bossé et nettoyé la piste en 17 minutes. C’était un vrai travail d’équipe qui a remis les commissaires au centre de l’intérêt. Il ne faut pas oublier que sans eux il n’y a pas de courses.

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La course au titre MotoGP ne peut être résumée à deux pilotes. Pourtant, Andrea Dovizioso et Fabio Quartararo n’ont pas perdu leur statut de favoris. Ce duel est d’autant plus intéressant que ces deux athlètes sont diamétralement opposés.

VERSUS

Fabio QUARTARARO #20

Né le 20/04/1999 A Nice I France

Né le 23/03/1986 à Forlimpopoli I Italie

Andrea DOVIZIOSO #04 34 ans I 1m65 I 68 kg Ducati Factory

21 ans I 1m77 I 66 kg

TEAM

Petronas Yamaha SRT

Ducati Desmosedici

Yamaha YZR-M1

1 titre en GP125cc (2004) 24 victoires I 7,5 % taux de victoires

3 victoires I 3,2 % taux de victoires (7,6 % en MotoGP)

(6,7 % en MotoGP)

13 podiums I 13,9 % taux de podiums

103 podiums I 32,18 % taux de podiums

(34,6 % en MotoGP)

(27,9 % en MotoGP)

11 pole positions 2e saison en MotoGP

20 pole positions

13e saison en MotoGP

8e (2013) 11,2 pts (moyenne MotoGP) Vice-champion du monde ces trois dernières années, Andrea Dovizioso n’a rencontré qu’un seul obstacle dans sa quête du titre : Marc Marquez. Dovizioso n'a pas encore de guidon assuré en 2021. Il pourrait gagner le titre, mais se retrouver à pied l'année prochaine... L'Italien est le pilote le plus expériementé du plateau, après Rossi. Il connaît toutes les arcanes de la course. L'ambiance n'est pas bonne au sein du team que Dovi va quitter. Cela peut impacter négativement ses résultats.

 PIRE

CLASSEMENT MOTOGP POINTS PAR COURSE

 SES DERNIÈRES SAISONS…

 L’INFO EN PLUS

 C’EST POSSIBLE…

 MAIS…

5e (2019) 10,5 pts (moyenne MotoGP) Fabio Quartararo a vécu des saisons compliquées dans les petites catégories avant de s’affirmer en MotoGP l’an passé. Le Français y récupérait son statut de prodige. ...alors que Fabio a signé un deal de deux ans avec le team officiel Yamaha avant même le premier GP 2020. Fabio a prouvé qu'il possède la vitesse pour gagner le titre et la M1 est compétitive. Après deux victoires magistrales à Jerez, il a enchaîné les contre-performances en course. L'expérience manque-t-elle encore ?

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Les coulisses de la FIM

PAR MAXIME PONTREAU PHOTOS DR

La

et la promotion du sport moto

Parmi les nombreuses missions de la Fédération Internationale de Motocyclisme, l’une d’elles, primordiale, est de faire connaître et reconnaître le sport moto. Si l'instance a un rôle direct et concret auprès de certains championnats, elle est aussi obligée d'en confier d'autres à des organisations privées. Un objectif prédomine : assurer un développement optimal de toutes les disciplines moto.

La FIM promeut ❱ R ecords du monde

de vitesse sur terre ❱ ISDE ❱ TrialGP ❱ Ice Speedway Gladiators ❱ Flat Track ❱ Rallyes Tout Terrain ❱ EX-Bike & E-Bike Enduro

La FIM confie a Fédération Internationale de Motocyclisme est historiquement propriétaire de tous les championnats internationaux de moto existants. De fait, son rôle est de participer et d'encourager au développement de chacun afin d'assurer leur pérennité et, indirectement, de protéger le sport moto dans son ensemble, sur le court et le long terme. Plus concrètement, il s'agit de promouvoir ces compétitions. Seulement, la FIM ne peut gérer seule les quelques 400 courses et événements de moto tourisme et historique organisés sous son égide sur six continents différents. Ses ressources à la fois financières et humaines sont insuffisantes pour soutenir cette charge. Elle compte donc sur une étroite collaboration avec tous les acteurs du milieu, publics ou privés. Ses premiers supports sont les unions continentales (FIM Afrique, FIM Asie, FIM Europe, FIM Amérique Latine, FIM Amérique du Nord et FIM Océanie) et les 113 fédérations nationales affiliées qui s'occupent de la mise en avant du sport moto au niveau local, via des organisateurs locaux ou des motos clubs. Ces collaborations servent notamment la FIM dans la promotion des événements qu'elle a elle-même à charge

L

(voir tableau). Elle travaille ensuite avec des agences pour produire, vendre et diffuser les images aux TV du monde entier ainsi que sur les plateformes digitales et réseaux sociaux dédiés. Pour les championnats les plus importants, la Fédération n'a d'autre choix que celui de céder l’exploitation des droits TV et commerciaux à des promoteurs de renommée mondiale, tels Dorna pour le MotoGP ou Eurosport Events pour l'EWC. Ces sociétés diffusent ensuite les images des championnats à travers leurs réseaux et plateformes digitales et en assurent la promotion à l’échelle mondiale. Un partenariat, pour une durée limitée, est alors signé entre la FIM et le promoteur. Ces contrats sont des sécurités pour la FIM et représentent également des rentrées d'argent non négligeables réinvesties par la suite dans divers projets comme la formation d'officiels ou le développement de l'accessibilité au sport moto. Car promouvoir le sport moto, c'est aussi ouvrir sa pratique à tous. La FIM participe donc à la formation de la future génération à travers la FIM Academy et aide les fédérations nationales à mettre en place, entre autres, des championnats féminins et des championnats handisports. •

❱ MotoGP & WorldSBK.........................Dorna ❱ FIM EWC............................ Eurosport Events ❱ Sidecar.................................. Santander Salt ❱ MXGP............................. Infront Moto Racing ❱ AMA Supercross........... Feld Motorsport ❱ SuperMoto S1GP.................................... Xiem ❱ Sidecar Motocross......Apo Multimedia ❱ EnduroGP..................ABC Communication ❱ X-Trial. ......................................................... 2Play

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AÏE BY LILIAN I Racing Artist I L’Atelier

Une plaque, des vis, et une fracture qui ne doit plus bouger… Normalement.

La fracture diaphysaire de l’humérus a fracture diaphysaire de l’humérus de type MM93 est fréquente en traumatologie du sport, et les séquelles fonctionnelles sont rares. Sauf dans le cas d'une atteinte du nerf radial… Et c’était la première inquiétude du clan Marquez. L'humérus est un os pair et asymétrique du membre supérieur, qui constitue le squelette du bras. Comme tous les os longs, il est constitué d'une diaphyse (le corps de l’os) et de deux épiphyses (ses extrémités). Son extrémité supérieure présente une tête, délimitée par le col anatomique, un tubercule osseux principal et externe (ou trochiter), et un tubercule mineur antérieur (trochin) sur lesquels s’insèrent les tendons de la coiffe des rotateurs. La face postérieure de la diaphyse humérale est croisée obliquement par le sillon du nerf radial (dirigé en bas et en dehors). Chez une personne lambda, la majorité des fractures peut être traitée de manière conservative, sans opération. La consolidation non anatomique de l’humérus est très bien supportée, avec très peu de répercussions sur les articulations du coude et de l’épaule (à condi-

L

tion que la déformation soit inférieure à 20˚ dans le plan frontal, à 30˚ en latéral, et à 15˚ en rotation interne). La grande majorité des indications opératoires est donc réservée aux situations où le corps médical doit prendre en considération la demande de rétablissement accéléré des patients, et leur capacité à supporter le traitement conservateur par immobilisation prolongée ou non. Le traitement de ce type de fracture a donc été non chirurgical pendant de nombreuses années, avec des taux de consolidation dépassant les 90 %. Il comporte une phase de réduction puis de stabilisation de la fracture jusqu’à consolidation. L’alignement osseux est périodiquement contrôlé par radiographie de face et de profil.

moins de 3 cm. C’est la localisation de la fracture par rapport aux insertions des muscles sur la diaphyse humérale, qui va déterminer le déplacement osseux selon des principes biomécaniques de tension musculaire. Lorsque la fracture est localisée entre deux insertions, le fragment proximal se déplace vers l’intérieur de l’axe du corps sous l’effet du muscle grand pectoral. Dans le même temps, l’autre fragment distal se latéralise sous l’effet du muscle deltoïde. Si la fracture est plus basse par rapport à ces deux insertions musculaires, l’humérus se raccourcit sous l’effet des muscles biceps brachial, coraco-brachial et triceps ; quant au fragment proximal, il se déplace encore et toujours vers l’intérieur sous l’effet du muscle deltoïde.

RAPPELS BIOMÉCANIQUES

NERF RADIAL : UNE COMPLICATION POSSIBLE

L’humérus n’étant pas un os portant, de bons résultats sont rapportés même en cas de consolidation non anatomique. Le traitement conservateur est donc recommandé pour un déplacement osseux de moins de 20˚ dans le plan antéropostérieur, de moins de 30˚ dans le plan latéral, ou avec un raccourcissement de

Le trajet du nerf radial et sa relation intime avec l’humérus au niveau de sa gouttière, le rendent vulnérable au moment de la fracture. Une lésion est aussi à craindre lors des manœuvres de réduction ou d’intervention chirurgicale. Le nerf traverse postérieurement

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Nerf radial

la diaphyse humérale, et rentre dans sa gouttière en moyenne à 21 cm du coude, pour sortir à environ 14 cm. L’atteinte de ce nerf se traduit cliniquement par une main tombante, et une paralysie parfois irréversible. La vascularisation de l’humérus se fait également par des branches de l’artère brachiale, qui peuvent être endommagées ou perforées par un fragment, lors du traumatisme ou dans sa réduction.

En cas de fracture de l'humérus, le nerf radial est directement exposé.

La dernière image captée par notre photographe avant la chute qui allait coûter sa saison à Marc Marquez.

OSTÉOSYNTHÈSE ET CHIRURGIE

clouage garderait cependant l’avantage d’être moins invasif. Les résultats des deux techniques (enclouage ou visplaque) sont pourtant comparables. Compte tenu d’un taux de complications moindre, l’ostéosynthèse par vis-plaque reste le traitement chirurgical de choix. Dans le cas de Marc Marquez, le matériel chirurgical s’est visiblement abîmé au cours d’un geste domestique anodin. "Le corps médical m’avait dit que le matériel chirurgical tiendrait", a déclaré le champion du monde. Mais l’accumulation de stress (au sens scientifique du terme, c’est à dire la somme de stimuli) leur a donné tort. A-t-il été mis à rude épreuve durant une tentative de réathlétisation trop précoce ? Ce matériel subissait-il trop de contraintes ? On peut le supposer, mais nous ne le saurons véritablement jamais.

CONCLUSION Dès le week-end suivant, Marc a tenté de revenir. En vain.

Avec l’amélioration des techniques opératoires et des matériaux, les résultats après chirurgie sont de plus en plus satisfaisants. Pourtant, on constate quelquefois la dégradation ou la rupture

du titane, en pleine rééducation ou à différents stades du protocole. A ce jour, la littérature ne confirme pas la supériorité du traitement chirurgical au traitement conservateur dans les fractures pas ou peu déplacées. Un cal vicieux de l’humérus est très bien supporté, avec très peu de répercussions sur les articulations du coude et de l’épaule. Toutefois, le traitement chirurgical garde son intérêt dans les déformations osseuses importantes, et les demandes de récupération très rapide des pilotes. •

Fragment distal / proximal Qui est le plus proche du point d’attache d’un membre.

Lexique

La chirurgie est généralement réservée aux fractures ouvertes, ou aux patients ne supportant pas une immobilisation prolongée, dans le but d’accélérer la consolidation. Les pilotes MotoGP appartiennent à ces catégories. La perte de l’alignement osseux et l’échec du traitement conservateur représentent également une indication opératoire. Le traitement par ostéosynthèse par plaque offre un taux de consolidation autour de 94 % en 12 semaines, avec un taux de complications réduit. L’en-

Stimuli

Stimulation externe ou interne capable de provoquer une réaction physiologique.

Cal vicieux

Consolidation en position anormale de deux fragments osseux.

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#style #performance #sécurité

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MOTOGP I ANALYSE

Fabio Quartararo

Team indépendant

ET ALORS ?

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La plupart des titres MotoGP sont l'apanage des pilotes d'usine. Fabio Quartararo entrera-t-il dans l'histoire en coiffant la couronne 2020 avec l'équipe Petronas Yamaha SRT ? C'est (beaucoup) trop tôt pour le dire. En revanche, il ne serait pas le premier à réaliser un tel exploit. PAR Mat Oxley & TM - PHOTOS PSP Swiderek & Archives FIM/Maurice Büla

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MOTOGP I ANALYSE

oute discussion sur le sacre de Fabio Quartararo en 2020 serait extrêmement prématurée, car les choses peuvent changer plus instantanément et plus radicalement dans les courses de moto que dans n'importe quel autre sport. Marc Marquez ne nous contredira pas. Quartararo est sous contrat avec Yamaha et pilote une YZR-M1 0WW7 d'usine, mais il roule pour l'équipe indépendante Petronas SRT. Si le jeune homme de 21 ans venait à remporter le titre MotoGP 2020, il deviendrait le premier Français à le faire, mais pas le premier pilote satellite. Les 27 premiers championnats du monde 500cc, entre 1949 et 1977, ont tous été obtenus par des pilotes d'usine sous contrat direct avec un constructeur. Dans l'ordre : AJS, du sud-est de Londres en Grande-Bretagne ; Gilera, près de Monza en Italie ; Norton, de Birmingham en Grande-Bretagne ; MV Agusta, de Cascina Costa en Italie ; Yamaha, de Iwata et Suzuki, de Hamamatsu, tous deux au Japon. Le premier pilote champion du monde des GP500 sans un guidon "full factory" fut le King Kenny Roberts. Et son histoire est la meilleure de toutes. En 1978, Roberts est arrivé en Europe pour affronter Barry Sheene, qui avait dominé les deux championnats précédents. Personne ne s'attendait à ce que Roberts remporte le titre dès sa première tentative. Roberts n'avait pas de contrat avec l'usine Yamaha. Il avait signé avec Yamaha USA, qui lui fournissait une OW35 pour les GP500, une TZ250 pour les GP250 et une 0W31 pour le championnat du monde F750. En fait, le travail de Roberts pour

T

1978 consistait à disputer l'équivalent du MotoGP, du Moto2 et du WorldSBK ! Et ce n'était pas tout. L'Américain était un rookie, il n'avait jamais roulé sur des circuits routiers et n'était au fond qu'un pilote de vitesse à temps partiel. Il a toujours préféré le dirt-track. En outre, son fournisseur de pneus – Goodyear – était nouveau dans le monde des GP, sans aucune connaissance du championnat ou du caractère des circuits, et avec son usine située à plus de 5000 km de là, aux ÉtatsUnis. Roberts était également le seul pilote du manufacturier, de sorte qu'il devait tester des tonnes de pneus différents chaque week-end, sans que personne d'autre ne remonte d'avis aux ingénieurs de Goodyear. Enfin, alors que les pilotes d'usine Yamaha en GP500 – le Vénézuélien Johnny Cecotto et le Japonais Takazumi Katayama – disposaient de deux 0W35 chacun, Roberts n'en avait qu'une. C'était une affaire bien plus complexe à l'époque qu'aujourd'hui, car les 500 étaient pour le moins laborieuses à piloter, horriblement inconstantes et susceptibles de serrer à tout moment. La carburation constituait LE problème majeur des réglages : elle nécessitait de multiples changements de gicleurs pendant les essais, et avec une seule moto, votre temps de piste se trouvait considérablement réduit. Or, Roberts avait besoin d'apprendre les circuits, tester les pneus et tout le reste. Sa situation a changé du tout au tout en milieu de saison à Spa-Francorchamps, où le "King" avait déjà remporté trois GP et constituait le seul espoir de titre pour Yamaha. "Ma moto n'avançait pas et lors des der-

Roberts (à droite avec son staff) en 1978 et Lucchinelli en 1981 ont été les premiers à triompher en GP500 dans un team "indépendant".

niers essais, je n'étais toujours pas qualifié, se souvient Roberts. Je suis entré dans les stands et le directeur de course de Yamaha, [Masayasu] Mizoguchi, a arraché les numéros de course du mulet de Cecotto pour y coller les miens. Je me souviens qu'ils m'ont poussé pour démarrer et quand je me suis retourné, j'ai vu Johnny s'arrêter. Je me suis dit : 'Oh, ça va être sympa.' Après les essais, Yamaha a demandé à Johnny laquelle de ses motos il voulait piloter, puis quand tout le monde dormait, mon camion et le camion officiel de Yamaha sont sortis du paddock et sont allés dans les bois. Ils ont prélevé le moteur de la moto de rechange de Johnny et l'ont boulonné dans mon châssis." Roberts a remporté le championnat sept semaines plus tard au Nürburgring.

Eric Mahé, le manager de Fabio, a obtenu une YZR-M1 2020 "full spec" pour son protégé. Et ça paye.

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MANQUE OU OPPORTUNITÉ ?

Depuis la prouesse historique du King – sans doute la plus remarquable de l'histoire des GP –, quatre autres pilotes satellites ont remporté le titre : Marco Lucchinelli en 1981, Franco Uncini en 1982, Eddie Lawson en 1989 et Valentino Rossi en 2001. Tous pilotaient alors des machines d'usine et bénéficiaient du soutien de l'usine, mais ne roulaient pas pour des équipes d'usine. Lorsque le fringant Italien Lucchinelli a remporté le titre 500 en 1981 pour Suzuki, l'équipe officielle était composée de Randy Mamola et Graeme Crosby. Lucchinelli faisait partie de l'équipe de Roberto Gallina, basée en Italie, et roulait sur des XR35 square-four d'usine. L'année suivante, l'équipe Gallina allait à nouveau remporter le championnat, cette fois avec son compatriote Uncini, désormais responsable de la sécurité du MotoGP. Sept ans plus tard, le roi des 500, Lawson, surprenait le paddock en quittant le Marlboro Yamaha Team Agostini pour rejoindre Rothmans Honda. Le plus choqué fut le numéro un de Honda, Wayne Gardner, qui l'a appris en lisant les journaux chez lui à Sydney. Lawson, vainqueur de trois titres en six saisons avec Yamaha, est parti parce qu'il en avait assez de Giacomo Agostini et de l'incapacité du constructeur à régler un problème de carburation de longue date avec sa YZR500. Il était également très désireux de travailler avec le génie de la pit-lane Erv Kanemoto. Lawson ne pouvait pas concourir pour l'équipe d'usine du HRC, déjà au complet avec Gardner et le débutant Mick Doohan. Le projet Kanemoto était donc un satellite de l'équipe officielle. Mais lorsque Gardner s'est cassé une jambe (dès la troisième course) et que Lawson a gagné le GP suivant, le HRC a commencé à soutenir l'équipe de Kanemoto à 100 %. Cette collaboration allait aider Honda à transformer la rétive NSR500 en la machine dominante des GP500 des années 90. Lorsque Rossi est monté en 500cc en 2000, il a bénéficié de cette base de travail, ainsi que des labeurs de recherche et développement menés par Doohan, Jeremy Burgess et d'innombrables ingénieurs du HRC. Le HRC n'a pas immédiatement inscrit Rossi dans son équipe principale. En 2000 et 2001, l'Italien a travaillé pour une société satellite, basée en Italie et dirigée et financée par Honda Europe. L'équipe d'usine Repsol Honda comptait Alex Crivillé et Tohru Ukawa dans ses rangs. Rossi a chuté lors de ses deux premières participations en GP500 parce que le V4 de la nouvelle NSR500 était trop pointu. Burgess ne s'est pas plaint au HRC parce que son pilote était un rookie engagé en dehors de l'équipe d'usine.

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Le secret de El Diablo : un freineur hors pair

C'est qui le patron ? Mbappé a apprécié. Petronas et Yamaha également.

Bien sûr, il n'a pas fallu longtemps au HRC pour prendre Rossi au sérieux. À la fin de la saison, le HRC a construit sa toute dernière 500 – la NV4B – selon ses souhaits. En 2001, toujours dans son équipe indépendante soutenue par Nastro Azzurro, Rossi a dominé l'ultime saison des GP500. Quelle était la différence entre la NSR500 de Rossi et les NSR de l'équipe d'usine Repsol en 2001 ? Nulle – sa moto était peut-être même meilleure, car le jeune homme de 22 ans constituait manifestement la meilleure chance de titre pour le HRC. Quelle était la différence entre la OW35 de Roberts et celle de l'équipe d'usine ? Encore une fois, aucune ou presque. En d'autres termes, Roberts, Lucchinelli, Uncini, Lawson et Rossi étaient dans une situation similaire à celle de Quartararo. Si les budgets plus importants dont disposent les équipes d'usine font toujours la différence sur la piste – car c'est ainsi que fonctionne la course –, il peut y avoir des avantages à s'éloigner du cycle de développement perpétuel des teams officiels. Ainsi, quand Lucchinelli

Les quatre principales commandes d'une MotoGP – accélérateur, embrayage, frein avant et frein arrière – peuvent être utilisées pour des tâches autres que celles prévues à l'origine : l'accélérateur pour diriger la moto, l'embrayage pour gérer la traction (du moins avant que l'électronique ne prenne en charge cette fonction), etc. L'outil le plus utilisé est le frein arrière, qui permet d'arrêter la moto, de la diriger et de réduire le cabrage – avant, pendant et après le virage. Maverick Vinales et Valentino Rossi expliquent que l'avantage crucial de Fabio Quartararo réside dans sa capacité à s'arrêter plus vite que les autres en utilisant son frein arrière. C'est aussi l'une des grandes compétences de Marc Marquez, qui utilise l'arrière de sa moto comme un pilote de rallye, en jouant avec l'appel contre-appel. Il ne s'agit pas seulement de savoir comment le pilote utilise le frein arrière, mais aussi comment il joue avec la moto pour maintenir ses deux roues en contact avec l'asphalte. Car s'il se contente d'écraser le levier de frein avant, le pneu arrière se soulève et devient inutile. Quartararo freine de l'arrière avant d'empoigner le levier situé sur le guidon droit pour asseoir sa M1. À partir de là, il devient plus difficile de savoir exactement ce qu'il fait, à moins d'avoir accès à ses données. Tout ce que l'on peut dire, c'est que Quartararo effectue des microajustements toutes les millisecondes sur la pression des freins avant et arrière, la position du corps et tout le reste pour répartir l'adhérence et donc la puissance de freinage sur ses deux pneus. Bien sûr, une grande partie de l'optimisation de la décélération se joue dans la pit-lane, en intervenant sur le centre de gravité et l'assiette générale de la moto, le réglage du frein moteur, la longueur et le point de pivot du bras oscillant, l'appui aéro… Mais à matériel équivalent, c'est au pilote de faire la différence !

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ANALYSE I MOTOGP

a remporté le titre en 1981, Mamola et Crosby se sont perdus en essayant de nombreuses pièces moteur et châssis. Il en a été de même pour les équipes Petronas SRT et Tech 3 ces dernières années. Tandis que l'équipe d'usine Yamaha cherchait à régler les différents problèmes de la YZR-M1, les pilotes indépendants, dont Johann Zarco et Fabio Quartararo, se sont concentrés à tirer le maximum du matériel dont ils dispo-

saient, plutôt que de se tromper en essayant de nombreux cadres, bras oscillants et autres pièces pendant la saison. Cette année, El Diablo dispose d'une machine 2020 en tous points identique à celles de Vinales, Rossi et Morbidelli, et la frontière entre les équipes Monster Energy Yamaha MotoGP et Petronas Yamaha SRT semble plus ténue que jamais. Le Français n'y réfléchit guère et donne son maximum pour terminer meilleur

En 2021, Fabio portera les couleurs de l'équipe officielle Yamaha. Une consécration, mais pas forcément une différence cruciale sur la piste.

pilote Yamaha… et meilleur pilote tout court. S'il parvient à décrocher le sacre, il rejoindra les Roberts, Lawson, Rossi & co au panthéon, saison bizarre ou pas, team d'usine ou pas. •

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Espagne I Andalousie I République tchèque I Autriche I Styrie

Quatre à quatre Cette année plus que jamais, monter les marches vers le succès réclame de larges et véloces enjambées. Nous voilà déjà à la mi-parcours d'une saison commencée fin juillet, et les quatre leaders se tiennent en… quatre points. PAR Mat Oxley & TM – PHOTOS PSP Swiderek & constructeurs

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I Saint Marin I Émilie Romagne

Classement MOTOGP POS. PILOTE 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Andrea DOVIZIOSO Fabio QUARTARARO Maverick VINALES Joan MIR Franco MORBIDELLI Jack MILLER Takaaki NAKAGAMI Miguel OLIVEIRA Valentino ROSSI Pol ESPARGARO

NAT.

MOTO

POINTS

ITA

Ducati

FRA

Yamaha

ESP

Yamaha

ESP

Suzuki

84 83 83 80 64 64 63 59 58 57

ITA

Yamaha

AUS

Ducati

JPN

Honda

POR

KTM

ITA

Yamaha

ESP

KTM

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Espagne I Andalousie I République tchèque I Autriche I Styrie

Trop longtemps enfermés en cage, les tigres ont l'écume aux lèvres.

GP D'ESPAGNE

Libérez les tigres ! Marquez, Crutchlow et Rins à l'hôpital ; Quartararo, Vinales et Dovizioso sur le podium : MotoGP is back ! es pilotes, en manque cruel de compétition pendant le confinement, arrivent à Jerez l'écume aux lèvres. En l'espace de 24 heures, le MotoGP va être renversé, jeté dans le bac à gravier et transporté sur civière au centre médical. Samedi après-midi, Alex Rins, victime d'une chute brutale au virage 11, se fracture la tête de l'humérus du bras droit et s'abîme des ligaments. Pendant le warm up du dimanche matin, Cal Crutchlow tombe dans le virage 8 et se brise le scaphoïde du poignet gauche. Dans les derniers tours de la course, Marc Marquez danse une fois de trop au bord du précipice. Son GP national se solde par un highside d'un autre âge, digne des GP500, qui lui casse l'humérus droit. Une fois de plus, le rythme de l'Espagnol

L

est plusieurs dixièmes de seconde plus rapide que celui du vainqueur. Tout ça en plongeant à l'intérieur et à l'extérieur d'une douzaine de pilotes parmi les plus véloces de la planète après un passage par la case gravier. Au moment où sa remontée héroïque s'achève, il pointe troisième, à cinq secondes seulement du vainqueur Fabio Quartararo. Marquez aurait-il dû se contenter d'un podium ? Facile à dire... "Nous connaissons Marc, il est toujours à la limite et c'est ce qui le caractérise, estime Pol Espargaro. Quiconque dit que Marc a pris trop de risques ne connaît rien à la course moto, parce qu'il a toujours obtenu ses résultats en pilotant ainsi." Après les huit mois et deux jours qui ont séparé Valence 2019 de l'ouverture du championnat 2020, l'ensemble du plateau

était unanime : il sera plus important que jamais d'éviter les blessures dans cette saison écourtée. Marquez ne sera pas champion en 2020. Et maintenant, vous savez pourquoi Repsol Honda a signé Espargaro pour 2021 : le HRC a besoin d'une équipe MotoGP à double canon, avec plus d'une balle dans la culasse.

QUARTARARO OUVRE LE COMPTEUR

Quartararo conquiert magnifiquement son premier succès en MotoGP, avec calme, maîtrise, sang-froid… malgré deux premiers tours décousus. Le nouveau dispositif holeshot de Yamaha ne lui permet pas de franchir le premier virage en tête. Maverick Vinales et Marc Marquez passent, imités plus tard par Jack Miller et Pecco Bagnaia. Les plans

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I Saint Marin I Émilie Romagne soigneusement élaborés par le Français s'écroulent parce que le revêtement – "lavé" de sa gomme Michelin par la course Moto2 – ne lui procure pas l'adhérence nécessaire pour trancher les virages de sa Yamaha. "La piste était très étrange, explique Fabio. Après la course Moto2, l'adhérence est normalement moins bonne, mais je ne m'attendais pas à une telle différence. Le rythme était presque une seconde plus lent [qu'en FP4]." Quand les deux Ducati Pramac le doublent, Quartararo vit le cauchemar redouté tout le week-end : "Dès que nous avons une Ducati devant nous, nous perdons notre potentiel. Elles sont plus rapides dans les lignes droites mais nous empêchent d'utiliser notre vitesse de passage en courbe." On aurait pu lui pardonner un excès de panique. Mais Quarta se ressaisit vite. Il lui faut deux tours pour doubler les Ducati, avant de s'installer dans un rythme imperturbable et de s'attaquer à Vinales, déjà en proie aux problèmes avec son pneu avant soft. Avec Marquez et Vinales hors de combat, Quartararo file tel un métronome vers sa première victoire en MotoGP !

LA MEILLEURE PERF DE DUCATI DEPUIS 2006

Les résultats, au fil des ans, en attestent : le circuit andalou, avec ses courbes rapides, convient parfaitement à la M1… et pas du tout à la Desmosedici. Les 3e et 4e places d'Andrea Dovizioso et Jack Miller constituent ainsi les meilleurs résultats de Ducati à Jerez depuis la victoire de Loris Capirossi en mars 2006. Dovi, souffrant d'une clavicule récemment plaquée, va minimiser les performances de la Desmo tout au long du week-end. "Je ne suis toujours pas très rapide en milieu de virage, déclare-t-il. Je pilote différemment de l'année dernière, mais je n'ai toujours pas la confiance nécessaire pour faire ce que je dois faire." Les problèmes de Dovizioso proviennent davantage du Michelin arrière 2020 que de la GP20. Ce nouveau pneu adopte en effet une construction plus souple, dont

l'empreinte plus large génère plus d'adhérence : un atout qui n'en est pas un quand on doit "tourner avec l'arrière", et donc glisser.

2006

L'année du dernier podium (victoire) de Ducati à Jerez Miller – déjà contracté par l'équipe d'usine Ducati 2021 – a quant à lui le sourire : "Le truc bien avec la GP20, c'est que j'ai un bon feeling avec le train avant. Je le sens mieux, il ne décroche pas à l'improviste." L'Australien va néanmoins rencontrer un petit – mais conséquent – problème dimanche. En sortie de virage, Jack charge l'avant en laissant tomber son épaule intérieure afin de contrer le cabrage. Cette contorsion implique une préhension particulière du guidon, gênée par… sa protection de levier de frein dans les nombreux virages à droite rapides de Jerez. "Mes mains se sont engourdies et je ne pouvais pas accélérer avec précision, j'ai dû rester prudent. Sans cela, je pense que le podium était envisageable."

UN PAS DE GÉANT POUR KTM

Espargaro termine 6,9 secondes derrière Quartararo et à moins d'une seconde du podium. "J'ai cru avoir la vitesse nécessaire pour rattraper Maverick, mais doubler une Ducati d'usine, c'est mission impossible, raconte l'Espagnol. Nous étions plus rapides que les pilotes Ducati partout – sur les freins comme dans les virages. Ils disposaient juste d'une meilleure traction et d'une meilleure vitesse en ligne droite. Nous sommes enfin dans le jeu !" Les débuts de Binder en MotoGP sont stupéfiants. Le rythme du champion Moto3 2016 lui aurait permis de monter Ducati et KTM en forme comme jamais à Jerez.

Jerez PODIUM 1. F. Quartararo 2. M. Vinales 3. A. Dovizioso

32°C Sec

POLE POSITION

Fabio Quartararo - Yamaha - 1'36.705

Meilleur tour en course

Marc Marquez - Honda - 1'38.372

Record de la piste

Fabio Quartararo (2020) - 1'36.705 sur le podium – et peut-être même sur sa plus haute marche – sans une erreur au septième tour, qui le fait sortir de la piste avant d'y revenir en dernière position. Au neuvième tour, lorsque Quartararo prend les commandes, Binder pointe dernier à 29,002 secondes du leader. Quand le Sud-africain franchit la ligne d'arrivée à la 13e place, il a 29,640 secondes de retard sur le vainqueur. "C'était presque bon, sourit-il. […] Après les essais, je savais que je serais dans le coup, mais je ne pensais pas être capable de piloter confortablement. C'était un peu un choc. Je m'attendais à être sur le fil du rasoir du premier au dernier tour. Une course MotoGP reste une course moto, en fin de compte." Le MotoGP tiendrait-il sa nouvelle star ?

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GP D'ANDALOUSIE

El Diablo et Yamaha en feu Le jeune Français danse dans la fosse la plus ardente de l'enfer avec toute l'assurance d'un jeune homme sachant exactement où il va.

a deuxième victoire de Fabio Quartararo en huit jours fait (déjà !) de lui le pilote français le plus couronné de succès en catégorie reine en plus de 70 ans de championnat du monde. Les atouts de El Diablo : sa précision et sa constance infaillibles. Malgré les conditions lucifériennes – une température ambiante étouffante de 37°C, une piste surchauffée à 60°C –, il ne commet aucune erreur significative et son rythme ne varie que de quelques dixièmes de seconde tout au long de la course. En verrouillant le podium avec Maverick Vinales et Valentino Rossi, Yamaha met un terme à la période la plus sombre de l'histoire de l'usine en presque 50 ans. Une domination inédite depuis le début de l'ère Triple M – Michelin / Magneti Marelli – en 2016. Pourquoi ? Parce que la YZR-M1 aime le tracé tout en courbes rapides de Jerez. Et parce qu'elle possède le train avant le plus conciliant de tous – un avantage crucial quand le Michelin arrière 2020, plus adhérent et donc susceptible de "pousser l'avant" en entrée de virage, provoque de nombreuses chutes en entrée de virage. Pendant que Quartararo, 0,3 seconde plus rapide au tour que ses poursuivants, s'enfuit, Vinales se bat avec son

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coéquipier Valentino Rossi. Le vieux cheval de guerre se fait le plus encombrant possible et utilise son style de freinage agressif pour garder Top Gun dans le sillage brûlant de sa M1. Vinales en est conscient : il doit s'inspirer de Quartararo pour espérer le vaincre à la régulière. D'abord, de sa technique de freinage, qui permet au Français de mieux se ralentir tout en économisant ses gommes : "Fabio charge très bien le pneu arrière [à la décélération], admetil. C'est la chose la plus importante que je vois quand je regarde ses données." Mais aussi, de sa capacité à adapter son pilotage en fonction de l'adhérence disponible – beaucoup de vitesse de passage lorsqu'il a de l'adhérence, une approche plus stop & go quand il n'en a pas.

SAISON INFECTÉE ?

Si le staff Yamaha quitte Jerez plus heureux que jamais depuis 2016, une inquiétude persiste. Deux pannes moteur durant le premier week-end de Jerez – Vinales aux essais, Rossi en course – affolent les ingénieurs. Yamaha a retiré du service les six blocs utilisés lors du GP d'Espagne – deux pour Vinales, deux pour Rossi, un pour Quartararo et un pour Franco Morbidelli – afin de les inspecter. Pour ce GP d'Andalousie,

60°C

La température de la piste pour la course. Un enfer... chacun des quatre pilotes est contraint d'utiliser deux nouveaux moteurs sur les cinq alloués. Cela peut-il devenir une menace pour Yamaha dans la quête du titre ? Quoi qu'il en soit, Vinales a déjà un moteur de moins que Quartararo. Et puis, il y a la Covid-19. Ce calendrier tronqué, concentré sur des circuits globalement plus propices aux V4, pourrait avoir des conséquences néfastes pour Yamaha (et Suzuki). Bien sûr, la pandémie plane sur tout le paddock, menaçant d'interrompre – ou même de terminer – la saison à tout moment. C'est une situation étrange pour les pilotes. Et la solution évidente – mais pas si facile… – consiste à prendre les commandes du provisoire au début du championnat et d'y rester. La casse moteur de Rossi lors du premier round ne pouvait ainsi tomber plus mal. Pourtant, l'Italien de 41 ans ne baisse pas les bras : avec son nouveau chef d'équipe David Munoz, il "révolutionne" les réglages de sa monture pour le deuxième

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I Saint Marin I Émilie Romagne round de Jerez. Et s'il n'est toujours pas assez rapide pour jouer la victoire, Rossi l'est suffisamment pour monter sur son premier podium depuis le COTA en 2019. "Ces dernières années, le style de pilotage en MotoGP a beaucoup évolué, explique l'Italien. Dans de nombreux virages, tu dois faire ce qui est bon pour les pneus plutôt que d'essayer de passer le plus vite possible. Ce n'est pas facile. J'ai beaucoup d'expérience, mais parfois, mon expérience est un problème, parce qu'il faut avoir l'esprit ouvert et changer différentes choses. Nous avons largement modifié l'équilibre de la moto pour essayer d'entrer plus vite en virage – en essayant de combiner mon style naturel au pilotage moderne dont ces pneus ont besoin. Nous avons fait un pas en avant et nous devons continuer dans cette voie."

L'ART DE L'IMPOSSIBLE

Le retour de Marc Marquez – sur la table d'opération le mardi, en piste le samedi – suscite une large gamme d'émotions : un héros pour certains, un fou furieux pour d'autres. Mais plus on se rapproche de la réalité de la situation – en parlant aux pilotes –, moins la tentative du champion en titre semble scandaleuse. "C'est comme ça que nous sommes, c'est comme ça que nous aimons la course", estime Aleix Espargaro. Et c'est pourquoi de tels exploits, une telle force d'esprit d'un autre monde, n'ont rien de nouveau

ici. Schwantz, Rainey, Doohan, Sarron & Co vous en parleront. À peine son humérus droit "réparé" (lire en p.22), Marquez reprend la piste, donc. Et nombreux en sont convaincus : "Il sera un danger pour lui-même et pour les autres." En fait, il ne sera ni l'un, ni l'autre. Les problèmes commencent pendant la FP4, sa deuxième séance du week-end, lorsque son bras droit blessé réagit avec colère au stress imposé par le pilotage d'une MotoGP. "Le matin, je me sentais vraiment bien, explique l'Espagnol. J'ai pu rouler en 37,7 en pneus usés, des chronos semblables à ceux du week-end dernier. Quand j'ai repris cet après-midi, je pouvais rouler naturellement, avec un bon feeling. Mais quand je me suis arrêté au box et que je suis reparti, quelque chose a changé. C'était l'inflammation. Le bras a grossi et perdu en puissance dans certains virages. À ce moment-là, tu dois être honnête avec ton corps et comprendre la situation. J'ai dit à l'équipe que je sortirais en Q2 et que si je ressentais la même chose, j'abandonnerais. Ce soir, je vais bien dormir, parce que j'ai essayé." Pendant ce temps, Alex Rins et Cal Crutchlow terminent respectivement 10e et 13e de ce GP d'Andalousie malgré leurs blessures tout aussi récentes. Alors, déments ou valeureux, ces deux-là ? Marquez a probablement son avis sur la question.

Rins et Crutchlow (caché) ont eux aussi roulé blessés !

Jerez

36°C

PODIUM 1. F. Quartararo 2. M. Vinales 3. V. Rossi

Sec

POLE POSITION

Fabio Quartararo - Yamaha - 1'37.007

Meilleur tour en course

Fabio Quartararo - Yamaha - 1'38.119

Record de la piste

Maverick Vinales (2020) - 1'36.584

Attention, trois Yamaha en délit de fuite !

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GP DE RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

"C'est de la folie !"

Le rookie Brad Binder devient à Brno le premier Sud-Africain à remporter un GP en catégorie reine. rad Binder ne pourrait se montrer plus humble après son premier succès en MotoGP, qui fait suite à huit en Moto2 et sept en Moto3. "Honnêtement, je ne crois pas que je m'y ferai un jour, sourit-il. La première fois que j'ai gagné en Moto3 [à Jerez en 2016], je me suis dit : 'C'est de la folie !' J'étais comblé – ça m'aurait suffi. Si nous regardons où nous en sommes aujourd'hui, c'est incroyable. Avec Red Bull et KTM, nous avons gagné dans les trois

B

Morbidelli et Yamaha aiment le nouveau Michelin.

catégories. J'espère que c'est le début de quelque chose de grand." Binder a trouvé du grip comme personne d'autre sur le très glissant circuit de Brno pour passer sous le drapeau à damier avec 5,2 secondes d'avance sur Franco Morbidelli. Le chemin parcouru depuis ses premiers essais à Valence et Jerez en novembre dernier (dont il terminait dernier avec des chronos à plus de deux secondes de ceux des leaders) semble immense ! Binder est alors rentré chez lui, en Afrique du Sud, pour l'intersaison, déterminé à progresser mentalement et physiquement. Et lorsque le MotoGP s'est retrouvé en quarantaine avec le reste du monde, il a creusé plus profond encore en lui. Reste la machine : une RC16 entièrement revue (lire en p.48). "Quand j'ai essayé la moto [2019] pour la première fois à la fin de la saison dernière, je me suis dit, 'Oh mon Dieu, j'ai du boulot – ce truc est vraiment difficile à piloter', admet-il. Ensuite, j'ai enfourché la nouvelle machine à Sepang, en février. C'était comme un autre monde. Elle était tellement plus naturelle

et plus facile à emmener. Les gars ont accompli un travail incroyable pour créer cette nouvelle moto, c'est fou." La première victoire de KTM en fait le 17e constructeur à remporter une course en catégorie reine, après (dans l'ordre) Honda, Yamaha, MV Agusta, Suzuki, Ducati, Gilera, Norton, AJS, Cagiva, Matchless, Moto Guzzi, Kawasaki, Jawa-CZ, Konig, Linto et Sanvenero.

COMMENT MICHELIN A CHANGÉ LA DONNE

Il faut avoir de la sympathie pour Andrea Dovizioso et Ducati. Le seul "truc" qui les a empêchés de remporter le titre MotoGP ces trois dernières saisons s'appelle Marc Marquez. Et maintenant que l'Espagnol est hors-jeu, leurs espoirs semblent ruinés par un pneu… trop adhérent. Dans le même temps, Yamaha est de retour. En trois courses, la YZR-M1 a utilisé le Michelin arrière 2020 mieux que n'importe quelle autre moto en menant six de ses pilotes sur le podium en trois dimanches – une première depuis l'ère Bridgestone.

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I Saint Marin I Émilie Romagne Ce nouveau slick arrière a été conçu afin que tout le monde soit plus rapide. Mais comme c'est souvent le cas avec les gommes spéciales, il semble favoriser certaines motos plus que d'autres. Avec plus de grip à l'arrière, on obtient naturellement un comportement sousvireur (le train avant a tendance à élargir la trajectoire) : les pilotes doivent mettre plus d'angle, plus longtemps, pour faire tourner la moto, et patienter avant d'essorer l'accélérateur. Afin de contrer ce sous-virage et mieux profiter de la cavalerie, les pilotes de V4 doivent déclencher la glisse de l'arrière, faire pointer "artificiellement" leur nez de carénage vers l'intérieur du virage. "Le pneu est la seule différence par rapport à 2019, déclare Dovizioso, vicechampion MotoGP ces trois dernières années. Quand je veux attaquer, je ne peux pas utiliser le potentiel de la moto et des pneus. Je ne roule plus aussi bien que par le passé, quand je pouvais freiner fort, contrôler la glisse au milieu du virage puis revenir très près de la corde pour redresser la moto et accélérer." L'entrée en virage n'est pas le seul problème : le nouveau pneu fait également mal aux Ducati (et Honda) en sortie. Tandis que les pilotes Yamaha et Suzuki adoptent une trajectoire arrondie, les pilotes Ducati et Honda plongent, font pivoter la moto physiquement, la redressent sur la partie la plus large du pneu et libèrent la puissance de feu de leur monture. Ainsi, quand les 4-cylindres en ligne utilisent le pneu dans son intégralité, les V4 s'appuient particulièrement sur sa zone de traction. Cette année – à l'inverse des saisons précédentes –, le comportement global du Michelin arrière favorise clairement les premiers aux seconds. Et seul KTM, qui semble avoir trouvé le bon équilibre entre les qualités de chacune des architectures moteur, n'en souffre pas.

avec des réglages et un pilotage différents réussit une très bonne course, constate Dovi, en faisant référence à la performance (hélas écourtée par une casse moteur) de Bagnaia à Jerez. Danilo, Jack et moi avons beaucoup d'expérience avec cette moto et nous rencontrons plus ou moins les mêmes problèmes. Peut-être que Pecco et Zarco ont pris un chemin différent qui convient mieux à ce pneu." Miller est plus succinct : "C'est un cassetête et c'est ce que nous devons analyser. Et comment KTM arrive à faire fonctionner ce pneu ? Soit il fonctionne avec la RC16, soit les ingénieurs ont mieux réglé la moto pour qu'elle s'y adapte." Croyez-le ou non, la chance entre dans l'équation : Ducati admet que le passage à Michelin en 2016 l'a aidé à propulser sa Desmo aux avant-postes, tandis que les gommes proposées par Bibendum en 2004 convenaient mieux à la Yamaha YZR-M1 qu'à la Honda RC211V… Aussi, le leader du championnat du monde Fabio Quartararo tient pour responsable de sa

médiocre septième place un pneu arrière suspect. "Dès le premier tour, son potentiel était vraiment mauvais – une énorme différence par rapport aux essais", déclare-t-il. Des propos corroborés par ceux de Maverick Vinales. La roue tourne – avec le pneu.

Brno PODIUM 1. B. Binder 2. F. Morbidelli 3. J. Zarco

30°C Sec

POLE POSITION

Johann Zarco – Ducati – 1'55.687

Meilleur tour en course

Brad Binder – KTM – 1'57.445

Record de la piste

Marc Marquez (2016) – 1'54.596

Pole et podium avec une Ducati Avintia : inconcevable en 2019, mais pas en 2020 avec Zarco.

5,2

En secondes, l'avance de Binder sur Morbidelli à l'arrivée.

ZARCO : POLE ET PODIUM !

Johann Zarco mène sa GP19 sur le podium de Brno avec près de dix secondes d'avance sur les GP20 de Miller, Dovizioso et Danilo Petrucci. La raison de ce succès se trouverait-elle dans la technique de pilotage plus douce du Français – à la Jorge Lorenzo ? "C'est la deuxième fois qu'un pilote Ducati

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Espagne I Andalousie I République tchèque I Autriche I Styrie

GP D'AUTRICHE

"Terrifiant..." Qui blâmer pour cet horrible accident dont nous nous souviendrons longtemps ? Les pilotes, le circuit… ou nous-mêmes ?

e MotoGP vient d'esquiver une balle. La collision entre Franco Morbidelli et Johann Zarco à plus de 300 km/h, leurs machines en perdition frôlant Valentino Rossi et Maverick Vinales tels deux missiles, nous laisse tous bouche-bée. Et le fait que tout le monde s'en sorte bien relève du miracle – tout en témoignant des progrès réalisés en matière de protection des

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pilotes au cours des dernières décennies. La portion la plus rapide du Red Bull Ring "ne se négocie qu'à" 315 km/h environ – loin des +350 km/h pris au Mugello, par exemple. Mais lorsque les pilotes atteignent cette vitesse, ils prennent les freins avec près de 50° d'angle dans le virage n°2 pour préparer le suivant, abordé à 75 km/h. Un point chaud, complexe, risqué – et passionnant à observer. "C'était vraiment effrayant, terrifiant – je pense que chacun devrait dire une prière, à qui il veut, a déclaré un Rossi pâli par l'émotion. Prendre un deuxième départ a été très difficile. Mais je pense que je n'avais pas le choix ; je ne peux pas dire 'Ciao, ciao !' à tout le monde et rentrer chez moi." Vinales a baissé la tête dans l'accident. "J'ai entendu une grosse explosion quand la moto de Zarco a heurté le airfence, alors j'ai essayé de me protéger parce que j'ai vu des morceaux voler partout." Qui blâmer ? La majeure partie des pilotes ne souhaite pas répondre, car en

parler, c'est y penser. Rossi sera le seul à condamner publiquement Zarco, trop agressif selon lui. Au cours des dix dernières années, les règles du MotoGP ont été réécrites à de nombreuses reprises afin de resserrer les performances des machines et rendre ainsi les courses plus attrayantes pour le public. C'est une réussite : nous applaudissons chaque passage au coude à coude sur la ligne d'arrivée et le top 15 de ce GP d'Autriche 2020 figure parmi les dix plus serrés de la catégorie reine en 71 ans de Grand Prix ! C'est la même chose en Moto2 et en Moto3. Qui dit motos et pneus aux performances très similaires, dit chronos très similaires. Non seulement, les pilotes roulent naturellement en paquet, mais ils ont aussi de plus en plus de mal à dépasser. Il est maintenant presque impossible de doubler proprement. Il est évident que cela pousse les pilotes à prendre plus de risques et à se montrer plus agressifs, et donc inévitable qu'ils se

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I Saint Marin I Émilie Romagne Incroyable : Dovi gagne, joue le titre... et se retrouve sans guidon.

heurtent parfois. Nous pouvons presque toujours trouver un coupable dans de tels incidents, mais nous ne devons pas oublier de nous reprocher notre avidité pour ce spectacle.

LE DIVORCE DOVIZIOSO/DUCATI

Tout pilote vous le dira : la course moto est un sport d'équipe. Il ne peut rien faire sans le meilleur soutien de ses ingénieurs, de ses techniciens et de son chef mécanicien. Dans un monde idéal, le pilote doit respecter le patron et le patron doit respecter le pilote. Et un patron qui convient à un pilote peut ne pas du tout convenir à un autre. Ainsi, le mariage entre Wayne Rainey et celui qui était alors le propriétaire du team officiel Yamaha, Kenny Roberts, a parfaitement fonctionné, quand Kevin Schwantz ne pouvait envisager une coopération avec le King : "Si j'avais piloté pour Kenny, ma carrière aurait probablement été assez courte, car je lui aurais dit d'aller se faire f*** très tôt", clame le Texan. Les relations houleuses entre Geoff Duke et le directeur général de Norton, Gilbert Smith ; entre Giacomo Agostini et Rocky Agusta (neveu du fondateur de MV) ou encore entre Eddie Lawson et le même Ago (alors à la tête de l'équipe Yamaha) se sont ainsi toutes terminées en queue de poisson. Ducati, qui a remporté sa 50e victoire en MotoGP ce dimanche (la 3e avec Dovi à Spielberg), a poussé vers la sortie des pilotes du calibre de Casey Stoner – son unique champion MotoGP à ce jour – et Jorge Lorenzo. Car le PDG de Ducati, Claudio Domenicali, ne laissera jamais l'ego d'un pilote éclipser le sien. Pour Dovizioso, le souci concerne plutôt le directeur général du Ducati Corse, Gigi Dall'Igna. Les deux hommes se parlent à peine depuis 2018. Stoner, Lorenzo et Dovizioso ont tous été mal gérés : si le pilote est rapide, son équipe doit lui permettre de gagner des courses, que le chef l'apprécie ou non. Bientôt, nous saurons qui Ducati choisira pour remplacer Dovizioso – Bagnaia ou Zarco. Et bientôt, nous saurons ce que Nakagami sur la RC213V 2019.

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Le nombre de victoires de Ducati en MotoGP après l'Autriche. Dovi fera l'année prochaine. L'Italien serait de l'or pour Aprilia, dont la dernière RS-GP adopte une conception similaire à celle de la Desmosedici : Andrea pourrait utiliser ses huit années d'expérience acquises chez Ducati pour aider le retardataire du MotoGP à combler l'écart.

LES DÉBUTS LES PLUS DIFFICILES DE HONDA DEPUIS 1981

Avec la 2e place de Joan Mir, auteur au guidon de sa Suzuki d'une attaque réussie sur Jack Miller dans les derniers mètres de course, Honda devient – outre Aprilia – le seul constructeur à ne pas avoir hissé l'un de ses pilotes sur le podium en 2020. Le premier constructeur mondial connaît son début de saison le plus difficile depuis l'époque de la NR500 à piston ovale, en 1981. Tout a basculé à Jerez, quand les deux fers de lance de l'usine – Marquez et Crutchlow – se sont blessés. "La réalité est que nous n'avons pas de pilote de haut niveau", estime Alberto Puig, le patron de Repsol Honda. Comme Ducati, le HRC se bat avec le Michelin arrière, sans un pilote suffisamment rapide et/ou expérimenté pour aider la RC213V à s'y adapter. L'année dernière, Honda a souffert de problèmes en entrée de virage – souvenez-vous de la chute de Marquez au Texas – rapidement résolus. La RC213V de cette

année semble endurer les mêmes maux, probablement exacerbés par la combinaison de ce nouveau pneu et de l'inertie supplémentaire du V4 2020. "L'inertie nous pousse tout le temps, lance Crutchlow. Il faut garder les freins très tard, ce qui fait que le pneu arrière perd tout contact avec la piste. Nous avons en quelque sorte résolu ce problème l'année dernière, alors peut-être que Taka [Nakagami, qui roule sur une version 2019 et a réussi quelques jolis coups d'éclat, dont une 4e place en Andalousie] n'a pas ce problème." Les ingénieurs du HRC attendent impatiemment deux moments clefs : le retour de Marc Marquez, maître absolu dans l'art de contourner les problèmes, et l'arrivée de Pol Espargaro, qui pourra leur révéler les secrets de la nouvelle RC16.

Red Bull Ring PODIUM 1. A. Dovizioso 2. J. Mir 3. J. Miller

28°C Sec

POLE POSITION

Maverick Vinales - Yamaha - 1'23.450

Meilleur tour en course

Alex Rins - Suzuki - 1'24.007

Record de la piste

Marc Marquez (2019) - 1'23.027

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Pourquoi tant de sauvagerie ? L'absence de Marc Marquez a ouvert le championnat du monde MotoGP et a changé la mentalité de la moitié de la grille…

a dernière fois que le roi du MotoGP s'est gravement blessé, c'était en 1999. La carrière de Mick Doohan s'est arrêtée dans le virage n°4 de Jerez, à quelques mètres de l'endroit où Marc Marquez a perdu tout espoir d'égaler les cinq titres consécutifs de l'Australien. Lorsque le patron quitte la scène, le reste de la grille, soudain, réalise qu'il n'est plus condamné à terminer second, qu'il peut viser le titre. Et les chose s'animent. Le top trois, ce dimanche, est imprédictible jusque dans les derniers mètres. A l'assaut du dernier tour, Pol Espargaro, en tête, est panneauté +0 sur Jack Miller alors qu'il dispose de 0,3 seconde d'avance. Il devient trop défensif, l'Australien revient, l'attaque, le double. Pol repasse, et quand Jack tente le tout pour

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le tout dans le dernier virage, Miguel Oliveira, en embuscade, s'infiltre et visse la poignée vers sa toute première victoire en MotoGP. Une sacrée revanche sur son "collègue" du team Factory, celui qui l'avait fait chuter le week-end précédent. Cette deuxième victoire de KTM en seulement trois semaines et son premier double podium, avec la Ducati n°43 entre les deux, entrent également dans l'histoire. C'est la première fois en près d'un demi-siècle qu'un podium de la catégorie reine n'accueille aucun constructeur japonais. La dernière fois que cela s'est produit, c'était au GP de Suède 1973, lorsque MV Agusta trustait les deux premières places devant une Konig de fabrication allemande, essentiellement un moteur hors-bord avec deux roues…

GP DE STYRIE

LE DÉSASTRE DES FREINS CHEZ YAMAHA

Deux week-ends de suite, Maverick Vinales et Fabio Quartararo ont rencontré de gros problèmes de freins sur la piste super rapide de Spielberg. "Je peux maintenant dire que le Red Bull Ring est le pire circuit pour les freins, encore plus que Motegi", lance Andrea Pellegrini, ingénieur MotoGP chez Brembo, qui fournit toute la grille. Mais comment la moto la plus lente en vitesse de pointe – la YZR-M1 – peut-elle rencontrer les plus gros problèmes de freins ? C'est simple. Les pilotes des machines les plus rapides, sachant qu'ils ont un avantage en ligne droite, peuvent freiner de manière plus calme et contrôlée, quand les autres cherchent désespérément à rattraper le temps perdu. Ils sont

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I Saint Marin I Émilie Romagne Joan Mir semblait filer vers sa première victoire avant le drapeau rouge. Ce n'est que partie remise...

Yamaha a souffert au freinage et Vinales a eu très chaud !

donc très agressifs en phase de freinage. C'est pourquoi Vinales abandonne le navire à l'attaque du 17e tour, dans le virage n°1, provoquant la sortie du drapeau rouge. C'est aussi pour cette raison que le leader du championnat, Fabio Quartararo, est à la peine : tous deux freinent si fort pour compenser le manque de vitesse de la M1 que leur système de freinage ne peut faire face. Quand les freins carbone dépassent leur température maximale de fonctionnement (environ 1000°C), le carbone s'oxyde, l'usure des disques et des plaquettes augmente considérablement et, finalement, le matériau se désintègre. "La moto était fantastique dans les premiers tours – sauf en vitesse de pointe – puis j'ai commencé à perdre de la pression sur les freins avant, raconte l'Espagnol. Je suis sorti de la piste, j'ai fait trois tours lents, puis les freins sont redevenus efficaces, alors j'ai récupéré du temps. Soudain, ils ont lâché – les plaquettes ont disparu. J'ai décidé de sauter." Brembo estime qu'il y a deux raisons principales à l'augmentation des exigences en matière de freinage cette année : une force d'appui aéro en hausse (qui optimise l'adhérence du pneu avant) et le Michelin arrière 2020 plus adhérent (qui a tendance à pousser l'avant dans les virages). Toutes les équipes ont le choix entre quatre types de disques (Ø 320 mm et Ø 340 mm, chacun en version standard et high mass) et trois types d'étriers de frein avant (2020 GP4, 2019 standard et

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2019 high mass, ce dernier étant équipé de plaquettes légèrement plus grandes pour plus de puissance et une meilleure dissipation de la chaleur). Au GP d'Autriche, tous les pilotes ont utilisé les disques Ø 340 mm high mass, assortis soit des étriers 2020 (dotés d'ailettes de refroidissement et nécessitant une moindre quantité de liquide de frein), soit des étriers 2019 high mass. Seuls les pilotes Yamaha utilisaient les étriers 2019 standards, offrant selon eux un meilleur feeling. Après avoir tiré tout droit au virage n°4 en course, Quartararo – comme Rossi et Morbidelli – choisit l'étrier 2020 pour le week-end du GP de Styrie. Seul Vinales conserve l'étrier standard 2019. La suite, on la connaît.

COMMENT GAGNER AVEC MOINS DE CHEVAUX

Joan Mir semble bien parti pour décrocher sa première victoire au guidon de la Suzuki lorsque la M1 n°12 explose dans le airfence… Le dimanche précédent, Mir et Alex Rins jouaient la victoire face à Andrea Dovizioso et Jack Miller. Hélas, leurs GSX-RR ont souffert des accélérations canon et des freinages tardifs des Desmosedici. La seule solution, pour le pilote d'un 4-cylindres en ligne, d'exploiter à 100 % la maniabilité de sa monture consiste à s'échapper loin des V4, imbattables en bagarre. Et c'est exactement ce que fait Mir. Après avoir dépassé Miller dans le quatrième tour, l'Espagnol signe un gros chrono – le plus rapide de la course – et prend une demi-seconde d'avance sur le peloton. Il peut dès lors tailler ses trajectoires à la serpe et s'éloigner sans effort, malgré un handicap de vitesse de pointe de 7 km/h environ sur les Ducati. Au moment du drapeau rouge, après 16

des 28 tours programmés, il compte 2,4 secondes d'avance. "Les Suzuki sont tellement rapides au milieu du virage qu'elles en sortent avec beaucoup de vitesse, explique Dovizioso. Du coup, [cela gomme en partie leur déficit à l'accélération et] elles sont désormais très proches de nous en phase de freinage. Nous pouvons accélérer beaucoup plus fort en sortie de virage, mais si tu perds quelques mètres dans la première partie de la ligne droite, il en faut beaucoup [de mètres] pour revenir sur la Suzuki ensuite. Nous prenons l'avantage au milieu de la ligne droite, mais pas avant. Ils peuvent être plus rapides et plus constants que n'importe qui." Après le deuxième départ, Mir ne parvient pas à se défaire de Miller. Pris dans la tourmente des V4, il ne peut faire mieux que 4e – devant Dovi et tous les autres 4-cylindres en ligne. Rossi termine meilleur pilote Yamaha au 9e rang. Quartararo et Morbidelli arrachent de justesse quelques points, aux 13e et 15e places. Tous n'ont qu'une hâte : foncer vers Misano, où la M1 – et la GSX-RR – devraient se montrer imparables !

Red Bull Ring PODIUM 1. M. Oliveira 2. J. Miller 3. P. Espargaro

22°C Sec

POLE POSITION

Pol Espargaro – KTM – 1'23.580

Meilleur tour en course

Pol Espargaro – KTM – 1'23.877

Record de la piste

Marc Marquez (2019) – 1'23.027

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Espagne I Andalousie I République tchèque I Autriche I Styrie

Yamaha et Suzuki intraitables Les 4-cylindres en ligne des YZR-M1 et GSX-RR ont fait la loi lors du premier rendez-vous de Misano.

GP DE SAINT MARIN our la première fois en plus de 70 rendez-vous, les 4-cylindres en ligne vont totalement dominer un GP. Franco Morbidelli, splendide vainqueur, Joan Mir, Valentino Rossi, Alex Rins et Maverick Vinales alternent Yamaha et Suzuki dans le top 6 – le grand espoir de Ducati, Pecco Bagnaia, parvenant à intercaler son V4 à une tout aussi sensationnelle 2e place. Pourquoi cette supériorité ? Pour trois raisons principales : d'abord, le nouvel asphalte très adhérent a permis aux Ya-

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"Copy that, Vale ?"

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maha et Suzuki d'exploiter leur avantage naturel en virage. Ensuite, le Michelin arrière 2020 "préfère" les trajectoires tendues, apanage de cette architecture moteur. Enfin, le circuit, même resurfacé, est "semblable à une piste de motocross", dixit Fabio Quartararo. Autrement dit, très bosselé. Or, l'inertie supérieure du vilebrequin d'un 4 en ligne (plus long) vis-à-vis d'un V4 (plus court) offre une meilleure stabilité intrinsèque. Et nous parlons ici d'un élément de 9 ou 10 kg tournant à 18 000 tr/min ! C'est donc loin d'être un détail. Rossi, passé à moins de trois dixièmes de seconde de son 200e podium en MotoGP, a plus que jamais apprécié la convivialité de sa M1 : "C'est une piste très délicate – très étroite et très bosselée – mais notre moto est très stable, donc nous pouvons entrer vite dans les courbes rapides." Wilco Zeelenberg, le directeur de l'équipe Petronas Yamaha, se réjouit quant à lui du fameux Michelin 2020 : "Le nouveau pneu ne nous pose aucun problème, il est

juste meilleur partout. C'est plus facile et cela nous donne l'adhérence dont nous avons besoin", sourit-il. "J'ai entendu les commentaires de certains constructeurs de V4, mais la seule différence pour nous avec le nouveau pneu arrière est que nous avons un peu plus d'adhérence et de régularité", déclare de son côté Ken Kawauchi, directeur technique de Suzuki. Bagnaia a su contourner ce surplus d'adhérence du pneu arrière néfaste pour les V4 en pilotant sa Desmosedici davantage sur l'avant que Miller et Dovizioso. Et puis, l'ancien champion Moto2 passe beaucoup de temps à Misano – à bord d'une Panigale V4 R – avec les autres membres de la VR46 Riders Academy. "Nous savons tout de ce circuit, lance l'Italien de 23 ans, de retour en piste pour la première fois depuis sa fracture de la jambe à Brno. Cela nous aide beaucoup à savoir où se trouvent les bosses – et sur la Desmosedici, elles se ressentent moins qu'avec la Panigale."

LES RADIOS "PIT-TO-RIDER" À L'ESSAI

La communication radio existe depuis des décennies. L'équipe Roberts dans les années 90, ou Alex Barros un peu plus récemment, l'avait expérimentée. Aucun

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I Saint Marin I Émilie Romagne des pilotes n'était enthousiaste. Mais le temps passe et la technologie ne cesse de progresser. Suite aux controverses de Brno et du Red Bull Ring, les pilotes ont demandé à Dorna de développer un système pour les avertir des incidents dangereux (drapeaux jaunes, drapeaux rouges, etc.) via des avertissements préenregistrés – similaires aux communications standards du tableau de bord – par le biais d'écouteurs. Nombre d'entre eux se plaignent en effet de ne pas voir les drapeaux jaunes agités par les commissaires ou les avertissements émis par la direction de course, concentrés qu'ils sont à dompter leurs machines de 300 chevaux. Stefan Bradl le vendredi, puis plusieurs pilotes lors des tests du mardi, ont essayé ce système. Valentino Rossi n'y voit que du positif : "C'est vrai que je suis de la vieille école, mais je pilote aussi parfois des voitures. En automobile, tout le monde utilise la radio pour communiquer avec son box – c'est très bien. Pour moi, ce serait un pas en avant pour le MotoGP." Jack Miller est également enthousiaste : "J'aimerais pouvoir discuter avec les gars et leur dire comment je vais. Je ne pense pas qu'ils parleront toute la course. S'ils me disent : 'Hé, essaye de faire mieux dans le virage 2', ou quelque chose comme ça, je leur dirai de se taire !" D'autres craignent une dérive. "Le problème sera l'étape suivante, quand les ingénieurs essaieront de contrôler ce que

tu fais sur la moto, ajoute Pol Espargaro. Ils vont te parler de l'usure des pneus, te dire ce qu'il faut faire, donc au final la course sera moins humaine. C'est ce qui se passe en F1 et je n'aime pas ça." Le directeur sportif de Ducati, Paolo Ciabatti, abonde : "Tout ce qui aidera les pilotes à prendre connaissance d'un danger est bien. Mais d'un point de vue plus romantique, j'aime l'idée de savoir le pilote seul ; de savoir qu'il fait de son mieux avec ce qu'il a. […] Pour le spectacle, il est probablement préférable de laisser les choses telles qu'elles sont." Lors des tests de Misano, Dorna a souhaité évaluer l'efficacité des messages radio de la Direction de Course : les pilotes peuvent-ils les entendre, être distraits par ceux-ci à des moments critiques ? D'autres essais auront lieu plus tard dans l'année, avec pour objectif d'améliorer les récepteurs, les casques antibruit, etc.

KTM EN SOUFFRANCE ?

Pleinement compétitives à Jerez, Brno et au Red Bull Ring, les KTM vont se faire très discrètes à Misano 1. Jusqu'ici, la RC16 semblait être le seul V4 à avoir percé le secret du nouveau Michelin arrière. "Il nous apporte plus de stabilité, mais il nous permet surtout d'être plus régulier en rythme de course", explique Pol Espargaro. Alors, quel est le problème ce weekend ? "Ralentir la moto – j'étais en travers

comme en supermotard du premier tour à la fin, raconte l'Espagnol après sa 10e place. Je n'aime pas beaucoup utiliser le frein moteur parce qu'il offre un ressenti trop électronique, donc je préfère jouer avec le frein arrière pour le contrôler moi-même et être plus souple. Cette fois, l'arrière bloquait sans arrêt et j'ai sursollicité le pneu avant." Selon les ingénieurs KTM, l'Espagnol use tellement du frein arrière qu'il constitue pour lui un troisième repose-pied ! Pourtant, ses compagnons de route Brad Binder et Miguel Oliveira, dans sa roue jusqu'à la ligne d'arrivée, laissent entendre qu'ils ont rencontré des problèmes similaires. Lors des essais du mardi à Misano, Espargaro va améliorer son rythme, car la piste – probablement débarrassée de sa gomme Moto2 – est plus adhérente. Qu'en sera-t-il lors du deuxième week-end de GP sur ce circuit ?

Misano PODIUM 1. F. Morbidelli 2. F. Bagnaia 3. J. Mir

29°C Sec

POLE POSITION

Maverick Vinales - Yamaha - 1'31.411

Meilleur tour en course

Francesco Bagnaia - Ducati - 1'32.706

Record de la piste Bagnaia réussit la prouesse de glisser son V4 parmi les "4 en ligne" !

Maverick Vinales (2020) - 1'31.411

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Espagne I Andalousie I République tchèque I Autriche I Styrie

GP D'ÉMILIE ROMAGNE

Le mystère Maverick Maverick Vinales a remporté sa première course en presque un an. Mais comment un pilote aussi rapide et talentueux peut-il gâcher tant d'autres dimanches ?

e dimanche, Maverick Vinales va faire ce dont tout le monde le sait capable : se battre pour la victoire et – après la chute de Pecco Bagnaia – remporter la course. Au cours de ses trois saisons et demie chez Yamaha, Vinales a obtenu 12 pole positions, mais n'en a converti que trois en victoires. Et ça résume bien la situation. L'Espagnol a connu tant de catastrophes dominicales, généralement attribuées à un réservoir plein, la gomme des Moto2, de mauvais pneus... Aucun autre pilote n'a souffert d'une telle litanie de problèmes sur une aussi longue période. Il y a donc sûrement autre chose en cause. Fin 2018, Vinales était déjà à la recherche d'un psychologue du sport en mesure de l'aider à garder la tête froide les jours de course. Il doit apprendre à rester positif quand les choses ne vont pas bien. La

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positivité est l'une des armes mentales les plus importantes – c'est pourquoi nous voyons si souvent des pilotes souriants face caméra, bras ou poignet plâtré, avec un grand pouce levé. Impossible de se laisser abattre dans ce monde de douleur. Après la première course de Misano, Vinales était désemparé. Parti de la pole, il s'est fait doubler tour à tour par Rossi, Morbidelli, Miller, Quartararo, Rins et Bagnaia. Même s'il a conclu à un mauvais choix de pneu arrière, Maverick déclare apporter de gros changements pour son deuxième week-end sur place. Tout d'abord, il change son orientation technique, en se concentrant non plus sur l'arrière de la moto, mais sur l'avant – et donc sur l'entrée du virage. Surtout, il lance ceci : "Nous travaillons d'une manière très différente des autres weekends, où nous nous préparions davantage

pour un tour. Maintenant, nous pensons tout le temps aux réglages de la course." Pardon ?! Il ne voulait sûrement pas dire ça ? Comment un pilote de son expérience, qui roule pour l'une des usines MotoGP les plus performantes, pourraitil seulement réaliser que la course est plus importante que les qualifications ? Bien sûr, la victoire l'emporte sur tout. C'est ce qu'il y a de bien avec la compétition – ce n'est pas comme peindre un tableau ou écrire un magazine : il y a une réponse simple et définitive à la question de savoir qui a produit le meilleur travail. Ce dimanche, Vinales et son équipe ont eu raison, tous les autres ont eu tort. Et on peut bien en dire ce que l'on veut.

MIR, JEKYLL & HYDE

Lors des quatre dernières courses, Joan Mir a marqué 69 points (avec deux 2e, une 3e et une 4e places), contre 53 pour Dovizioso, 41 pour Vinales et 24 pour Quartararo. Et il serait presque certainement en tête du championnat s'il n'avait pas été éliminé par Iker Lecuona à Brno. Mir, sur sa Suzuki GSX-RR, ressemble à un pilote de GP250 – peut-être les meilleures machines de course de l'Histoire. Ces twins 2-temps de 100 chevaux pour 100 kg, parfaitement équilibrés, permettaient aux pilotes de réaliser des choses impensables avec d'autres motos. Sur certains circuits,

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I Saint Marin I Émilie Romagne Mir et sa GSX-RR nous rappellent les GP250.

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Le nombre de moteurs dont dispose encore Fabio Quartararo à mi-saison. Soit tous. les 250cc se rapprochaient des 500cc, simplement parce qu'elles pouvaient entrer et sortir des virages beaucoup plus vite : des lames de rapière contre des haches de combat. Mir, sur sa GSX-RR, ne semble pas piloter un 4-temps de 280 chevaux pour 160 kg : il attaque les virages avec le genre de vitesse et d'engagement qui rendait les 250 si spéciales. Dovizioso, leader du championnat du monde malgré deux weekends difficiles, voit la GSX-RR comme l'opposé de sa Desmo : "Cette moto est très équilibrée. De l'extérieur, elle semble plus constante que les autres sur la durée de la course ; elle use moins le pneu et garde sa vitesse en fin de course. Et, c'est sûr, Mir est un très grand talent." La course de Mir est spectaculaire. Parti de la quatrième ligne, il passe les premiers tours à se frayer un chemin dans

le peloton. À mi-parcours, il est 5e à 7,1 secondes du leader. À l'arrivée, il est 2e à 2,4 secondes. S'il n'avait pas perdu autant de temps en début de course… En d'autres termes, tout ce qu'il lui reste à faire, c'est d'améliorer ses qualifications. Car pour le reste (vitesse, engagement, constance), tout y est. "Joan a deux faces, comme Jekyll et Hyde, estime son chef d'équipe Frankie Carchedi. Il y a le côté super rapide et agressif, et il y a celui plus doux, sur lequel nous avons travaillé – gérer les pneus et la course. Il s'améliore de plus en plus dans ce domaine et de temps en temps, vous le verrez se lâcher quand il devra être agressif." La vitesse et la régularité de Mir sont épatantes compte tenu de son manque d'expérience. Il est arrivé en GP en 2016, dominant le championnat Moto3 dès sa deuxième tentative, avant une année en Moto2 et une autre en MotoGP. Même Quartararo a débuté un an plus tôt, en 2015. "Ce qu'il faut retenir avec Joan, c'est qu'il continue d'apprendre", conclue Carchedi.

NOËL À BARCELONE ?

Ce mégaphone compense-t-il une baisse de régime maxi ?

Des KTM beaucoup plus rapides que le week-end précédent, avec une belle 3e place de Pol Espargaro ; un Bagnaia parti tel un voleur mais victime d'une chute incomprise – avec un pneu avant hard, le même que la quasi-totalité des pilotes partis au tapis ; un Quartararo frustré d'avoir perdu une place sur pénalité… En bref, un GP plein de surprises ! Pour Barcelone, Fabio Quartararo n'at-

Misano PODIUM 1. M. Vinales 2. J. Mir 3. P. Espargaro

28°C Sec

POLE POSITION

Maverick Vinales - Yamaha - 1'31.077

Meilleur tour en course

Francesco Bagnaia - Ducati - 1'32.319

Record de la piste

Maverick Vinales (2020) – 1'31.077 tend pas de surprise, mais un cadeau – ou plutôt deux : des caisses Yamaha à son nom, renfermant les deux moteurs retirés de son allocation pour vérification après le GP d'Espagne. Depuis Jerez 1, Fabio n'a utilisé que deux moteurs, Yamaha gardant le cinquième et dernier en réserve. Il dispose donc de nouveau de tous ses blocs, quand Rossi, Vinales et Morbidelli ont chacun un moteur HS. Yamaha admet avoir rencontré des problèmes de soupapes, apparemment dus à un lot défectueux provenant d'un fournisseur extérieur. On ne sait pas si les moteurs récupérés devront fonctionner à des régimes réduits pour les préserver, mais l'échappement type mégaphone utilisé lors des tests de Misano suggère que les ingénieurs Yamaha travaillent à obtenir une meilleure répartition de la puissance, peut-être pour compenser un régime maxi moindre. La ligne droite de Montmelo nous en dira davantage... •

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MOTOGP I DOSSIER KTM

KTM

De ZÉRO à HÉROS en 3 ans et demi !

Du fond de la grille de départ de Losail en mars 2017 à la victoire à Brno en août 2020, l'ascension de KTM est aussi fulgurante que remarquable ! PAR Mat Oxley – PHOTOS PSP Swiderek/Jagielski & KTM

e championnat du monde MotoGP 2020 représente la 48e saison de Yamaha en catégorie reine, la 43e de Honda, la 41e de Suzuki, la 20e de Ducati et la 15e d'Aprilia. C'est la quatrième de KTM. En seulement trois saisons et demie, le constructeur autrichien a acquis suffisamment de connaissances pour battre Honda, Yamaha et Ducati, qui ont dominé le MotoGP ces dernières décennies, à la régulière. Et ce, à un moment où la catégorie est plus serrée et plus high-tech que jamais. L'évolution de KTM, soutenue par le généreux mécénat de Red Bull, se traduit parfaitement par ses résultats au championnat des constructeurs. Lors des cinq premières courses 2017, KTM a marqué huit points. Au cours des cinq premiers GP des deux saisons suivantes, le constructeur a obtenu 19 et 31 points. Dans le même laps de temps en 2020, il a marqué 82 points. Et si la RC16 2020, en combinant la puissance d'un V4 et la maniabilité d'un 4-cylindres en ligne, était devenue la meilleure moto du plateau ?

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Octobre 2015 : Alex Hofmann s'apprête à déverminer la toute première version du proto. Moment intense.

2016 Développement et débuts en course Une seule course : Valence / DNF TM lance pour la première fois sa RC16 en piste au Red Bull Ring, en octobre 2015. Le pilote d'essai Alex Hofmann – ancien pilote MotoGP avec Ducati et Kawasaki – se dit immédiatement impressionné par le potentiel de la machine autrichienne. "Les ingénieurs KTM sont aussi précis que les Japonais, mais moins compliqués ; ils sont aussi passionnés que les Italiens, mais ne sont pas aveuglés par la passion", lance-t-il alors. Kronreif & Trunkenpolz Mattighofen (le nom complet de la société) n'arrive pas en MotoGP à cette époque par hasard. La catégorie s'est chaussée chez Michelin en 2016, après des années en Bridgestone. Alors que les concurrents travaillaient à adapter des motos construites pour fonctionner avec les "Bridge", la RC16 a été conçue dès le départ pour les gommes du manufacturier français. Et KTM n'a pas eu besoin de créer son propre système électronique, car le MotoGP embarque désormais un kit unifié. "Sans l'ECU unique, KTM aurait peutêtre renoncé au MotoGP, car ils auraient toujours eu plusieurs années de retard", ajoute Hofmann. Les premières RC16 ressemblent à la Honda RC213V. Et ça n'a rien de surprenant, puisque KTM a débauché un groupe d'employés européens du HRC. Son cœur : un V4 ouvert à 90° doté de soupapes à rappel pneumatique, comme les RC-V. "Un V4 présente de nombreux avantages, en termes de performances moteur et de fiabilité mécanique, explique Kurt Trieb, le concepteur du bloc KTM. En fin de compte, nous n'avons pas eu beaucoup de discussions sur la configuration, mais plutôt sur l'angle du V – un angle plus ouvert évite le recours à un arbre d'équi-

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Pour son premier GP aux mains de Mika Kallio, à Valence en 2016, la RC16 souffre de patinage.

librage, ce genre de décision." Jusqu'à présent, tout semble logique, donc. La grande différence de la machine orange réside dans son châssis : son cadre en acier tubulaire suspendu par WP (une société qui appartient à KTM) va à l'encontre de l'hégémonie du cadre en alliage d'aluminium et d'Öhlins. De nombreux prophètes du paddock prédisent l'échec. Hofmann se veut plus optimiste. "Dès le premier jour, la moto tractait et filait droit comme une flèche, s'exclame-t-il. Elle accélère déjà comme une Honda." Cependant, les tests sont une chose, les courses en sont une autre. Mika Kallio, ancien pilote KTM en GP125 et 250, donne

à la RC16 ses débuts en course lors du GP de Valence, qui clôture la saison. Il se qualifie à 2,7 secondes de la pole et son rythme de course est à deux secondes du record du tour. Il abandonne en raison d'une panne de capteur. "La moto glissait beaucoup en entrée de virage et patinait, lance-t-il le dimanche soir. Quand je la jetais en virage, je perdais l'adhérence de l'arrière et elle ne revenait pas, donc nous perdions beaucoup de temps."

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2017 Depuis la dernière place sur la grille… Écart le plus serré avec le vainqueur de la course : Aragon +14,1 s Championnat des constructeurs : 5e avec 69 points e team MotoGP KTM fait ses vrais grands débuts en course à Losail en mars 2017 avec Pol Espargaro et Bradley Smith, tous deux débauchés de Tech 3, où ils pilotaient la très différente Yamaha YZR-M1. Le duo se qualifie aux deux dernières places sur la grille. En course, ils terminent 16e et 17e, à plus de 30 secondes du vainqueur, Maverick Vinales. Mais le clan KTM est tout sauf découragé : il sait qu'il faut commencer humblement. Presque immédiatement, les ingénieurs opèrent de gros changements : de 1,7 seconde au Qatar, le retard sur le meilleur tour en course passe à 0,6 seconde en Aragon en septembre. Le premier élément à rejoindre le placard est le moteur screamer. "Au lieu de tirer parti de notre puissance, nous avons compris que cette puissance mettait à mal l'électronique et que l'électronique mettait à mal le châssis, explique Paul Trevathan, le chef d'équipe d'Espargaro. C'est très simple : nous disons que si le c*l du pilote est ouvert, sa main reste fermée !"

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Pol Espargaro lors des tests hivernaux : la RC16 est alors une bête sauvage.

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Au Mans, le duo KTM (ici Bradley Smith) étrenne un tout nouveau V4 à calage big-bang. Mieux, beaucoup mieux...

Le plan de KTM consiste à remplacer le calage screamer par un big-bang pour le GP de République tchèque, en août. Finalement, ce nouveau bloc est prêt pour le Mans en mai ! "Lors des tests pneumatiques avant le Mans, Mika [Kallio] a dit que c'était beaucoup, beaucoup mieux, alors nous avons mis les bouchées doubles et dès le samedi du week-end de course, Pol et Bradley disposaient de deux moteurs big-bang chacun. Chez KTM, nous aimons faire des choses aussi folles que ça !" Pendant un certain temps, KTM gèle le développement de son châssis pour se concentrer sur la mise au point de ce nouveau V4. Puis en septembre, ils relancent les dés, avec un cadre à la rigidité latérale fortement réduite afin d'améliorer l'adhérence en virage et à la mise sur l'angle. "À partir du moment où nous avons trouvé plus de motricité [avec le nouveau moteur], notre point faible s'est déplacé dans le virage, explique Pit Beirer, le patron du département course KTM. Nous étions forts dans les virages, mais nous sommes allés trop loin et la moto passait trop de temps sur l'angle ; nos pilotes ne pouvaient plus la redresser suffisamment tôt pour accélérer. Quand Pol est arrivé après sa première course avec le nouveau cadre, il nous a dit : 'Je peux tourner et redresser la moto, et je suis là, je suis prêt à courir avec ces gars !' C'était un nouveau jalon. Mais une fois que l'on a atteint un jalon, on a des idées complètement nouvelles pour l'étape suivante."

2018 Le difficile deuxième album Écart le plus serré avec le vainqueur de la course : Valence + 7,4 s (course sous la pluie) Championnat des constructeurs : 5e avec 72 points TM a appris et progressé si vite durant sa première année en MotoGP que l'on attend beaucoup de la seconde. Cependant, la chance est contre eux. Pol Espargaro subit une vilaine blessure au dos lors des essais hivernaux, qui va l'handicaper pendant la moitié de la saison. Puis le pilote d'essai Mika Kallio chute au Sachsenring, se mettant hors course pendant des mois. Néanmoins, le travail continue. Plusieurs nouvelles spécifications moteur apparaissent, notamment un vilebrequin contrarotatif qui permet de réduire le patinage de la moto, de tourner plus vite et de changer de direction plus rapidement. Mais l'accent est mis sur le châssis, le point faible de la RC16. L'important étant de trouver la bonne rigidité. "Il faut apprendre à connaître la flexion du cadre – où la moto se tord et d'où provient cette torsion, explique Trevathan. Bien sûr, ça permet de mieux tourner, et si tu fais pivoter ta moto plus rapidement, tu peux la redresser et accélérer plus tôt. Mais tu as quand même besoin

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La lumière au bout du tunnel

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Écart le plus serré avec le vainqueur de la course : Le Mans + 5,9 s Championnat des constructeurs : 5e avec 111 points a troisième saison de KTM va connaître beaucoup de hauts et de bas. Si Espargaro reste, Smith est remplacé par Johann Zarco. Une union qui va tourner au fiasco. À Jerez, Espargaro termine avec plus de 20 secondes de retard sur le vainqueur Marc Marquez. Pendant ce temps, Zarco est encore plus mal en point. Certains connaisseurs du paddock proclament alors qu'ils avaient raison depuis le début : un cadre en acier et une suspension WP, ça ne fonctionnera jamais ! La résistance à la traction de l'acier est presque trois fois supérieure à celle de l'aluminium. Si vous modifiez l'épaisseur d'un tube d'un demi-millimètre, l'effet sur sa rigidité est donc trois fois plus important. Le développement d'un châssis en tubes d'acier demande ainsi une précision extrême : procurer au pilote performance et feeling relève de la gageure. Pour autant, hors de question pour KTM de chambouler sa recette. "Le concept de ce projet consiste à fabriquer une machine de MotoGP avec la même technologie que celle que nous vendons : nos clients achètent des KTM avec un cadre en acier et une suspension WP", martèle le directeur de l'équipe, Mike Leitner. Lors de la course suivante, KTM entrevoit enfin la lumière au bout du tunnel. Espargaro termine sixième au Mans, à seulement 5,9 secondes du vainqueur Marquez, grâce à un bras oscillant en fibres de carbone, moins rigide en latéral mais plus rigide en torsion afin de favoriser l'adhérence, les sensations du pilote et la durée de vie des pneus. "Cela empêche le pneu de patiner à la remise des gaz, donc quand je redresse la moto en sortie de virage, je vais plus vite", commente Espargaro. KTM semble vraiment sur la bonne voie, mais continue à créer de nombreux nouveaux cadres. Chaque itération est marquée d'une lettre – de A à Z, beaucoup de ces itérations comprenant des versions légèrement révisées – et fin 2019, KTM a terminé l'alphabet. "C'est incroyable, ajoute Pol. Ils font beaucoup de variations puis ils coupent les cadres à différents endroits, percent des trous à d'autres pour gagner en flexibilité, et un mauvais cadre devient un bon cadre.” En 2019, l'ancien pilote Honda Dani Pedrosa débute son rôle de pilote essayeur chez KTM et apporte une grande connaissance des machines de MotoGP V4. L'expérience des hommes de Tech 3, maintenant en renfort du team directement engagé par l'usine, est également mise à contribution : avec quatre motos en piste et le background d'une équipe historique, au fait de toutes les subtilités d'une MotoGP dotée d'un 4-cylindres en ligne (Yamaha), KTM peut croiser de nombreuses informations afin de préciser la direction à prendre. À Misano, Espargaro court avec le support moteur arrière supérieur déboulonné, encore une fois pour diminuer la rigidité latérale à la recherche de plus de grip en virage, une astuce évaluée par Pedrosa lorsqu'il était chez Honda. Fin 2019, Beirer explique comment KTM a gravi la spirale du développement. "Nous étions bons au freinage mais le virage était difficile, puis nous avons progressé en virage et nous avons perdu un peu de notre avantage en phase de décélération, puis nous avons à nouveau amélioré le freinage et le virage. C'est toujours une combinaison de châssis et de moteur. Nous avons changé des choses au niveau du moteur ; nous avons adouci la courbe de puissance pour rendre la moto plus facile à piloter et pour que le pneu arrière dure plus longtemps."

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Une année gâchée par les blessures d'Espargaro (ci-dessous) durant les tests, et de Kallio au GP d'Allemagne.

d'une certaine rigidité pour pousser le pneu, car tu as besoin d'adhérence. C'est un compromis – les motos sont un horrible compromis ! On croit souvent que les motos tournent avec l'avant, mais en fait, elles tournent avec l'arrière : [une fois la phase de freinage terminée,] il faut retirer la charge du pneu avant pour amorcer la rotation dans le virage. Ce processus de pivotement de la moto par l'arrière est la clé, et plus vite il s'opère, plus vite tu peux terminer ton virage, placer la moto sur la partie large du pneu et optimiser l'accélération." L'électronique intervient également : l'objectif est de combiner le grip mécanique (via l'ensemble châssis/moteur), le grip chimique (les pneus), la puissance du moteur et le contrôle de traction pour tirer le meilleur du couple d'accélération disponible. "Je crois qu'on ne peut pas brutaliser le Michelin, il faut le charger constamment pour en tirer parti, ajoute Trevathan. Il faut donc éviter les coupures d'allumage [du traction control], qui déchargent le pneu : la roue arrière ne reçoit plus de puissance [et se trouve en quelque sorte en roue-libre] durant un très court instant, puis le couple revient sous forme de choc..."

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L'atout Pedrosa entre dans le jeu...

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La meilleure MotoGP ?

Binder seul en piste... et vainqueur sous le drapeau de Brno !

2020

Victoires à Brno et au Red Bull Ring ! Championnat des constructeurs (après 7 courses) : 3e avec 104 points Ces dentelures sur le nez de carénage brisent les tourbillons aérodynamiques.

our 2020, la RC16 subit sa première véritable refonte en se basant sur toutes les leçons apprises au cours des trois saisons précédentes. Le changement le plus important tient dans un cadre entièrement nouveau. Le treillis tubulaire est remplacé par un cadre en acier, fabriqué à partir de tubes ovales de grande section. Le concept est similaire à celui des poutres en alliage des autres usines, pour une plus grande rigidité longitudinale et une rigidité latérale réduite. Du jour au lendemain, la RC16 s'est métamorphosée. "Le châssis est très bon et il est beaucoup plus léger, se réjouit Espargaro. Nous avions essayé beaucoup, beaucoup de choses avec l'électronique, mais nous avons estimé que le problème

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venait de l'adhérence mécanique. Ce châssis fait que la moto tourne mieux et offre une meilleure traction." Le moteur 2020 a été conçu pour mieux fonctionner avec l'électronique, à la fois pour contrôler le couple positif en accélération, mais aussi le couple négatif en décélération, devenu capital en MotoGP. Dès la première course – retardée au mois de juillet par la pandémie de Covid-19 –, les KTM sont pleinement compétitives. Espargaro termine à 6,9 secondes du vainqueur Fabio Quartararo. Trois semaines plus tard à Brno, Binder remporte la première victoire de KTM en MotoGP. Puis c'est au tour de Miguel Oliveira de triompher lors du GP de Styrie 15 jours après au guidon de la RC16 Tech 3.

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Gros plan sur le cadre 2020, avec son imposant tube ovoïde en acier.

"Cette année, pour la première fois depuis l'apparition de notre moto, nous sommes repartis d'une feuille blanche, explique Trevathan. Le concept d'assemblage global de la nouvelle moto était au cœur de nos priorités, et tous les services se sont impliqués pour améliorer la moto dans son entièreté. Même l'année dernière, Pol estimait qu'il ne manquait pas vraiment une chose – nous avions juste besoin de tout améliorer un peu. La nouvelle moto résulte de la combinaison d'un nouveau châssis avec un nouveau moteur, plus puissant et mieux géré sur le plan électronique. Nous avons quelques génies sur notre électronique – il s'agit d'être ouvert d'esprit et de ne pas avoir peur d'essayer des choses. La suspension WP a également fait un pas. Ils ont énormément travaillé sur la fourche. C'est formidable d'avoir WP en interne, car nous pouvons les pousser à avancer très rapidement." KTM a également travaillé dur sur l'aéro, notamment sur un nez de carénage doté de bords de fuite dentelés. L'objectif : briser les tourbillons aérodynamiques afin de réduire les turbulences, la traînée et la portance. Cette technologie est inspirée des nageoires des baleines à bosse, dont les dentelures améliorent la maniabilité. Il semble que KTM a réussi l'impossible en combinant la puissance du V4 à la vitesse de passage en virage du 4-cylindres en ligne. "Normalement, avec un V4, la moto passe moins vite en courbe, explique Espargaro. Nous devions donc utiliser davantage une trajectoire en V : freinage aussi rectiligne que possible, pivotement rapide au point de corde, puis redressement le plus tôt possible afin d'exploiter la puissance. Maintenant, nous avons un très bon feeling avec l'avant, ce qui nous permet de relâcher le frein un peu plus tôt, d'arrêter la moto là où il le faut et de conserver une plus grande vitesse de passage. C'est top." Tout cela ne rend pas seulement la RC16 plus rapide. Grâce à la vitesse conservée dans le virage, les pilotes n'ont plus à accélérer si fort à sa sortie : la moto reste ainsi plus stable et consomme moins de gomme. En remportant le GP de Styrie, KTM a perdu ses concessions. Désormais, le constructeur autrichien ne bénéficie plus de tests illimités et seul Dani Pedrosa peut y participer en tant que pilote essayeur. À compter de 2021, et comme pour tous les autres constructeurs (sauf Aprilia), la marque devra nommer trois pistes d'essai. Les moteurs seront scellés et chaque pilote n’en disposera plus que de sept (au lieu de neuf). Enfin, seules trois participations en wild card lui seront accessibles, contre six auparavant. Reste que KTM peut encore modifier ses moteurs d'ici fin 2020, et cela ne plaît guère aux marques adverses, engagées à repartir pour 2021 avec leurs blocs scellés en début de saison… KTM ne fait plus rire personne. •

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Brad BINDER Miguel OLIVEIRA

VAINQUEURS

Ils ont 25 ans. Ils ont débuté en GP en 2011. Ils ont été coéquipiers chez KTM Ajo en 2015/17/18. Et ils ont remporté leur première victoire MotoGP à deux semaines d'intervalle au guidon de la RC16… avec des styles de pilotage aux antipodes. PAR Mat Oxley & TM – PHOTOS PSP Swiderek

PARALLÈLES ? Brno, Brad Binder est entré dans l'histoire en devenant le premier Sud-Africain à remporter un GP en catégorie reine. Pourtant, le proclamer premier pilote du continent africain à obtenir un tel succès serait une erreur, car Gary Hocking, Jim Redman et Ray Amm l'ont devancé sur la plus haute marche du podium 500cc dans les années 50/60. Comme ces trois Rhodésiens, mais aussi les Australiens et Néo-Zélandais qui ont marqué le sport moto, Binder est originaire d'une ancienne colonie britannique. Et cela a probablement son importance. "Les coloniaux sont des gens très durs et agressifs, explique le Néo-Zélandais Mike Sinclair, qui a guidé Wayne Rainey vers son triplé en GP500 au début des années 1990. Tu arrives dans un autre pays et les gens ne veulent pas de toi là-bas, ils veulent te tuer. Même si c'était il y a quelques centaines d'années, c'est toujours un sentiment vivace dans les colonies." Binder, le premier rookie à s'imposer en MotoGP depuis Marc Marquez en 2013, le premier vainqueur extra-européen depuis Jack Miller en 2016, est un battant. Il n'attend pas de sa moto un pilotage facile – il se battra jusqu'au bout, et il l'a prouvé l'année dernière en frôlant le titre Moto2 aux commandes d'un châssis KTM réputé indocile. Binder semble avoir le même état d'esprit que son compatriote Kork Ballington, les Australiens Mick Doohan et Jack Miller ou le Néo-Zélandais Simon Crafar : un mix d'humilité, de débonnaireté, renfermant une rage de détruire tous ceux qui osent se mettre en travers du chemin. Binder a grandi avec beaucoup d'espace

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pour faire du tout-terrain autour du Veld, à l'extérieur de sa ville natale de Potchefstroom, à 90 minutes en voiture au sud-ouest de Johannesburg. Il a débuté en motocross et aurait pu y rester si son frère cadet Darryn (aujourd'hui démon de la Moto3) ne s'était pas mis au karting. Brad a rejoint Darryn sur l'asphalte, puis a troqué son kart contre une Yamaha TZR50, qui lui a permis de remporter son premier titre en 2005. Deux ans plus tard, il était au GP de Grande-Bretagne, inscrit dans la série Aprilia Superteens grâce à laquelle Casey Stoner, Cal Crutchlow et bien d'autres se sont fait remarquer. Ce week-endlà, Stoner remportait le GP et Binder en faisait finalement assez pour être sélectionné en Red Bull Rookies Cup. Le Sud-Africain a passé trois saisons dans cette pépinière de talents soutenue par KTM, mais n'a jamais vraiment excellé : 14e en 2009, 5e en 2010 et 7e en 2011, avec une seule victoire. Cependant, son association avec Red Bull lui sera très utile. Venant de l'extérieur de l'Europe, Binder a dû suivre le même chemin que Stoner, Miller et les autres originaires du Nouveau Monde. Tous ces hommes ont dû consentir un investissement financier et émotionnel massif pour courir en GP, bien plus important que celui des Européens. Cela fait également une différence. "Nous ne parcourons pas 12 000 miles pour finir deuxième, a déclaré l'Australien Jeremy Burgess, qui a mené Doohan à cinq titres de champion du monde 500cc au milieu des années 1990. Nous ne rentrons pas à la maison le lundi matin après la course, c'est pourquoi nous avons tendance à frapper fort."

Les parents de Binder, comme ceux de Miller et Stoner, ont dépensé d'énormes sommes d'argent pour venir en Europe et y rester. Les parents de Stoner ont vendu tout ce qu'ils avaient en Australie. Les parents de Miller ont mis leur vie entre parenthèses en quittant la maison et le travail. La première saison Moto3 de Jack, en 2012, leur a coûté environ 300 000 euros. C'est beaucoup de pression sur vos épaules quand vous avez 16 ans. Ça peut vous faire. Ou vous défaire. Mais quand ça paye, ça fait mal.

TANDEM ANTAGONISTE

Miguel Oliveira n'a jamais remporté de titre mondial sur sa route vers le MotoGP. D'une certaine façon, le premier Portugais à s'imposer en MotoGP a progressé dans l'ombre. Oliveira était un rookie du MotoGP l'année dernière, et pourtant, il a d'emblée impressionné lors de sa première course au guidon de la difficile RC16 2019. Si vous avez suivi ce qui se passait derrière le duel Andrea Dovizioso / Marc Marquez pour la victoire, vous avez remarqué qu'Oliveira a mené le chef de file KTM Pol Espargaro pendant la majeure partie du GP du Qatar. La fois suivante, en Argentine, il a terminé 11e dans le sillage d'Espargaro, qui entamait sa sixième saison dans la catégorie reine. Au Red Bull Ring en août dernier, Oliveira a obtenu son premier top 10 MotoGP, avant de se trouver écarté des circuits par une vilaine blessure à l'épaule suite à un dépassement un peu trop osé de Johann Zarco à Silverstone. Comme nombre de ses adversaires, Miguel est le fils d'un pilote moto, Paolo, qui dirige aujourd'hui une école de pilotage.

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Après avoir fait ses armes au Portugal, Oliveira a traversé la frontière espagnole, où il s'est battu avec Alex Rins, Maverick Vinales et d'autres jeunes espoirs. Il a ensuite participé à la Red Bull Rookies Cup, puis a fait ses débuts en Grand Prix en 2011. Il s'est fait un nom en Moto3, d'abord avec Mahindra en 2013 et 2014. Le faiseur de rois Aki Ajo, patron des équipes Red Bull KTM Moto2 et Moto3, l'a alors repéré et pris sous sa coupe. En 2015, Oliveira était à six points de battre Danny Kent pour le titre mondial Moto3, même si la Honda de Kent était plus rapide que sa KTM. Trois ans plus tard, toujours avec Ajo, il terminait à neuf points de Pecco Bagnaia en Moto2. Comme Binder, il est un produit de la filière Red Bull KTM : Red Bull Rookies Cup, les équipes Moto3 et Moto2 d'Ajo et enfin le projet MotoGP de Red Bull KTM. Pas étonnant dès lors que le constructeur autrichien, après avoir appris le départ d'Espargaro, ait souhaité reformer le line-up Binder/Oliveira dans sa structure officielle en 2021. Le jeune homme de 25 ans est le nouvel Andrea Dovizioso : intelligent, réfléchi, posé. C'est l'attitude nécessaire pour réussir en MotoGP. Et tout comme Dovi, il ne tombe que très rarement – collisions exclues – parce qu'il sait quand il vaut la peine de prendre des risques et quand il vaut mieux rester en bonne

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Un style agressif et déjà ultra efficace : Binder frappe très, très fort !

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Brad BINDER

NÉ LE 11/08/1995 - À Potchefstroom (Afrique du Sud) ÂGE 25 ans - TAILLE 1m70 - POIDS 63 kg 2020 Première victoire MotoGP au GP de République tchèque Red Bull KTM Factory Racing 2019 Vice-champion du monde Moto2 Red Bull KTM Ajo 2018 3e du championnat du monde Moto2 Red Bull KTM Ajo 2017 8e du championnat du monde Moto2 Red Bull KTM Ajo 2016 Champion du monde Moto3 Red Bull KTM Ajo 2015 6e du championnat du monde Moto3 Red Bull KTM Ajo 2014 11e du championnat du monde Moto3 Mahindra 2013 13e du championnat du monde Moto3 Mahindra 2012 21e du championnat du monde Moto3 Kalex KTM 2011 Débuts en GP125 5 courses sur Aprilia 2009-11 14e, 5e et 7e de la Red Bull Rookies Cup 2005 Premier titre national après des débuts en MX et en kart

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Miguel OLIVEIRA

NÉ LE 04/01/1995 - À Pragal (Portugal) ÂGE 25 ans - TAILLE 1m70 - POIDS 64 kg 2020 2019 2018 2017 2016 2015 2014 2013 2012 2011 2010 2008 2005/06

Première victoire MotoGP au GP de Styrie Red Bull KTM Tech 3 17e du championnat du monde MotoGP Red Bull KTM Tech 3 Vice-champion du monde Moto2 Red Bull KTM Ajo 3e du championnat du monde Moto2 Red Bull KTM Ajo 21e du championnat du monde Moto2 Leopard Racing / Kalex Vice-champion du monde Moto3 Red Bull KTM Ajo 10e du championnat du monde Moto3 Mahindra Racing 6e du championnat du monde Moto3 Mahindra Racing 8e du championnat du monde Moto3 EG 0,0 / Suter Honda Débuts en GP125 11 courses sur Aprilia Vice-champion CEV et d'Europe 125cc Deux victoires en Red Bull Rookies Cup Champion du Portugal MiniGP

santé et attendre des temps meilleurs. "En MotoGP, il faut aborder les choses différemment, explique-t-il. En Moto3, tu peux rouler plus vite en profitant du sillage d'un adversaire. En Moto2, c'est plus difficile parce que l'aspiration n'a pas un grand effet sur les chronos. En MotoGP, la machine te limite davantage, surtout en termes de réglages. Le facteur humain est important, mais la machine compte plus que dans les autres catégories. Mais j'aime beaucoup ça, parce que je veux toujours comprendre ce qui se passe avec la moto, la piste, tout." Le style d'Oliveira est fluide et sous contrôle – rien à voir avec Espargaro et Binder. "Je pense que je suis doux sur la moto, peut-être trop", dit-il. Lors du GP de Styrie, il a prouvé que la RC16 pouvait jouer la victoire avec deux styles de pilotage que tout oppose. Mais dans les deux cas, avec une immense détermination qui ne laisse rien au hasard. La joie d'Oliveira et de KTM était aussi celle de Tech 3. Et c'est pourquoi nous donnons en pages suivantes la parole au boss de la structure française… •

Oliveira a démontré de superbes capacités l'an passé. Il les confirme !

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Hervé PONCHARAL

"Une émotion incroyable" Depuis 2001, Tech 3 a humé à plusieurs reprises le fumet d'une victoire en catégorie reine durant sa longue collaboration avec Yamaha. Il lui aura fallu attendre sa 20e saison – mais la deuxième seulement avec KTM ! – pour en savourer le goût. Succulent. PAR Tommy Marin – PHOTOS PSP Swiderek & KTM

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Focus sur le bleu de Tech 3... Seule la couleur des RC16 "françaises" les différencie de l'équipe Factory.

n 2000, Olivier Jacque coiffe avec Tech 3 la couronne de champion du monde 250cc. L'année suivante, le pilote et son équipe font le grand saut en 500cc. Et d'entrée, OJ frôle le triomphe – notamment au GP d'Allemagne 2001 – sur son YZR-500 satellite. Cal Crutchlow en 2012/13, Johann Zarco en 2017/18 et Jonas Folger au GP d'Allemagne 2018, sont eux aussi passés tout près. Finalement, la délivrance de la victoire, Tech 3 la doit à Miguel Oliveira et au constructeur autrichien KTM. Hervé, le boss, nous raconte.

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L'attente a été longue. Mais gagner en MotoGP avec le constructeur le plus jeune du championnat n'en est que plus fort, j'imagine ? C'est clair que l'émotion et la joie sont toujours plus intenses quand ça n'est pas vraiment prévu. Tu l'as souligné, l'attente a été longue. Guy [Coulon] et moi savions que nous n'étions pas passés loin avec Johann et Cal. Mais nous nous étions presque faits à l'idée que ce rêve ne se réaliserait pas. Lors de nos premiers tours de roue avec KTM fin 2018, nous avons touché du doigt ce qui nous séparait des machines de pointe, et la victoire ne figurait pas du tout dans nos espoirs à cet instant. Même pas deux ans plus tard, nous gagnons avec Miguel : une émotion incroyable pour chacun de nous, pour notre pilote, avec lequel nous avons des relations privilégiées. Il va arriver dans le team officiel avec une victoire en poche, c'est fait. En plus, il est le premier Portugais à accomplir une telle performance, tout ça lors du 900e GP, en Autriche, devant le management KTM et Red Bull…

avait loupé le coche aux essais. Mais en course, Miguel tournait aussi vite, voire un peu plus vite que Brad. Je me suis dit que ça n'était plus impossible. Au GP d'Autriche, Miguel jouait un top 4 ou 5 quand Pol l'a sorti. Et pendant la deuxième partie du GP de Styrie, oui, j'y pensais. Mais pour être franc, avant Brno, ça me semblait inatteignable cette année : on travaille avec une usine partie quasiment de zéro, dont l'objectif était de se rapprocher des leaders au fil des saisons. Ils nous ont impliqués dans le projet au même titre que l'équipe Factory ou l'équipe test. Leur slogan "Ready to race" n'est pas seulement commercial, politique. Stefan Pierer [le PDG de KTM] vit pour la course, il appelle Pit [Beirer, le patron du département course] quatre ou cinq fois par jour pendant les week-ends. Ce succès récompense une passion réellement débordante. Penses-tu que cette performance sera difficile à renouveler sur d'autres circuits ? Certains pilotes ont commencé à dire que Michelin avait fait des pneus pour nous, que KTM avait réalisé plein de tests. À Brno, seul Dani a roulé. En Autriche, Pol a eu 9°C le premier jour, de la pluie le second. Oliveira, Binder et Lecuona n'avaient pas mis les roues à Spielberg depuis 2019 ! Ces deux circuits conviennent certainement très bien à la moto, mais la VR46 a plus limé Misano que nous Spielberg… Nous avons démontré un beau potentiel

C'était la folie dans le box… Quand je me suis retourné sur le mur des stands et que j'ai vu l'image de toute l'équipe qui criait, sautait, pleurait… Comment dire… On ne peut pas se blaser de la victoire, mais quand elle arrive au bout de 30 ans, le goût est encore meilleur ! Les jeunes de l'équipe se sont demandé si c'était une bonne idée de passer chez KTM. Ils ont eu des journées de travail énormes en 2019 avec des résultats moyens. Et maintenant, on y est. Tout ça te procure un sentiment de devoir accompli. La semaine suivante, au bureau, l'atmosphère était légère, tout le monde souriait. C'est incroyable le boost que ça donne à ton équipe. Ce succès, tu ne l'as pas vu arriver ? J'étais au 7e ciel quand Binder a gagné à Brno. Je savais qu'on

Guy Coulon et le staff Tech 3 ont largement contribué aux progrès de KTM.

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MOTOGP I DOSSIER KTM

La joie de l'équipe Tech 3... et des têtes pensantes du département course KTM !

à Jerez qui, sur le papier, ne colle pas trop à la KTM. À Misano, on était loin sur un tour chrono, mais plutôt pas mal en rythme de course. Bien malin qui peut dire si nous performerons à Barcelone, au Mans & co, mais aujourd'hui, notre machine est beaucoup plus facile et à l'aise partout, avec un moteur doux, coupleux, qui tracte bien. La hiérarchie est si serrée que tout peut vite basculer dans un sens comme dans l'autre.

du jeu pendant les tests hivernaux. Il a fallu attendre Jerez pour réellement découvrir son potentiel. Chez les autres constructeurs avec lesquels j'ai travaillé, l'inertie est beaucoup plus importante. Il ne faut pas faire n'importe quoi, car la sécurité des pilotes entre en jeu, mais il ne faut pas travailler comme en production. Si une évo est dispo, il faut l'utiliser dès que possible pour progresser. KTM travaille comme ça.

On a compris dès 2019 que Miguel avait un fort potentiel. Et Iker semble marcher sur ses traces… Je veux juste rappeler une chose : pour 2020, le plan était Zarco/ Espargaro dans le team officiel, Oliveira/Binder chez nous. On s'est retrouvés à Motegi 2019 avec un seul pilote. J'ai demandé à avoir carte blanche sur le choix du remplaçant. Et je voulais Iker. Je ne suis pas un devin, je fais des erreurs comme tout le monde. Mais depuis sa sortie du box en FP1 du GP de Valence, sans aucune expérience de la catégorie, il me bluffe. Il est né en 2000, c'est le plus jeune du plateau. Il a fait quelques boulettes en début de saison, mais il est à l'aise sur cette moto. [Mike] Leitner, le directeur technique du projet, est dithyrambique sur son style de pilotage. Il m'a dit : "Les erreurs, ça se corrige ; un pilote lent, tu n'en fais rien." Depuis, il termine ses courses, très près des autres pilotes. Pour moi, Iker sera un top gun du MotoGP dans quelques saisons.

Paul Trevathan [chef mécanicien de Pol Espargaro] a expliqué que le concept global de la moto 2020 a été entièrement revu, que l'accent avait été mis sur son assemblage, sa cohésion générale. Vous aviez soulevé ce problème chez Tech 3… KTM n'avait pas une approche compétition. Ils sont arrivés avec une moto superbe, très bien finie, pleine de belles pièces – mais trop belles et trop lourdes pour de la course. On ne fait pas de l'endurance, mais quand tu dois changer des choses sur la moto, il faut que ça aille vite. Et ça n'était pas possible. Guy leur a dit tout de suite. Il a fait dix Dakar, il a travaillé en endurance… Il connaît le problème. La clef, c'est une moto légère et facile à travailler pour optimiser le temps en piste.

À quels niveaux le staff technique de Tech 3 a-t-il été impliqué dans la création de la nouvelle RC16 ? C'est un travail d'équipe : le team officiel, nous, le test team avec Dani [Pedrosa], l'usine, WP, la soufflerie… Quand cinq pilotes te donnent des infos ; quand tu as trois équipes techniques, tu vas plus vite. Chez KTM, il y a des réunions en permanence. Pendant 2019, on voyait bien qu'ils travaillaient très dur. Il n'a pas été facile de jauger tout de suite les performances de cette nouvelle machine : le froid, la pluie, les différences d'objectif selon les équipes font qu'il est difficile d'avoir une image claire

Certains constructeurs se plaignent des concessions encore consenties à KTM pour 2020/21 malgré cette arrivée au firmament. Quel est ton regard sur ce point ? Il est simple : il y a un règlement, fait et validé par les constructeurs présents. Dura lex sed lex*. Que dire de plus ? As-tu eu ton mot à dire sur l'arrivée de Petrux aux côtés d'Iker l'année prochaine ? Pendant le confinement, KTM a appris que Pol partait. Ça a été un peu la panique. Brad et Iker sont des rookies, Miguel était blessé la moitié de la saison 2019… Il leur fallait un Pol replica, avec de l'expérience. Si la décision avait été prise fin août, elle n'aurait peut-être pas été la même – il suffit de voir ce que font les jeunes pilotes cette année. Petrux devait rouler pour

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l'équipe officielle, puis KTM a souhaité recréer le team Binder/Oliveira. Qu'attends-tu de lui après son début de saison discret chez Ducati ? Quand tu sais que tu vas divorcer, les derniers moments de collaboration ne sont généralement pas très bons. Je ne suis pas totalement serein quand je vois ses résultats, mais j'espère qu'il trouvera une nouvelle motivation. J'aime prendre des risques en signant de jeunes pilotes. De OJ à Iker, c'est mon histoire, ce qui me plaît. Maintenant, mon équipe fait partie d'une marque que j'adore, qui a une logique d'entreprise. Je la suis et je vais faire au mieux. Pendant le confinement, l'avenir de ton équipe était incertain. Ce début de saison te permet-il d'y voir plus clair ? La grosse crainte pendant le confinement, c'était d'avoir une saison blanche. Nous avons réussi, tous ensemble, à organiser une belle saison, et j'espère que nous irons jusqu'au bout. Le boss s'est blessé, il y a un super spectacle en piste, de superbes audiences télé. En 2020, le bilan financier sera compliqué pour tout le monde, mais on va tous survivre – nous ne sommes pas les plus mal lotis. La grosse question, c'est 2021. Le Monde en général pensait que l'épidémie était en train de s'éteindre. Et depuis quelques semaines, nous sommes de nouveau en alerte. C'est anxiogène, ça perturbe les gens, la consommation. Organiser des événements en huis-clos est très compliqué. Dorna et les promoteurs locaux, dont Claude Michy [GP de France], ont consenti des efforts énormes. Mais ils ne pourront pas faire ça sur plusieurs années. C'est très compliqué d'imaginer une suite sans public, médias, hospitalities, sponsors…• Iker Lecuona fait preuve d'un potentiel auquel Hervé croyait dur comme fer.

* La loi est dure, mais c'est la loi

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MOTO2

MOTO2 I SYNTHÈSE ESPAGNE I ANDALOUSIE I RÉPUBLIQUE TCHÈQUE I AUTRICHE I STYRIE I SAINT MARIN I ÉMILIE ROMAGNE

L'Italie prend le pouvoir

Si le trio italien Marini/Bastianini/Bezzecchi ne démérite en rien, l'Espagnol Jorge Martin voit sa saison gâchée par la Covid-19. PAR Tommy Marin – PHOTOS PSP Swiderek

Le virus entre en piste on, le paddock n'est pas hermétique au virus. C'est une évidence, mais dans ce cocon hors de tout, on pourrait presque l'oublier. Testé positif à la Covid-19 avant le GP de Saint Marin, le pilote Red Bull KTM Ajo Jorge Martin n'a pas eu la possibilité de participer aux deux rounds disputés sur le circuit de Misano. Un gros coup dur pour l'Espagnol, asymptomatique et parfaitement en forme, qui pointait 2e ex-æquo du provisoire à 8 points du leader après deux week-ends – presque – parfaits sur le Red Bull Ring. "Presque", puisqu'après avoir décroché sa toute première victoire Moto2 au GP d'Autriche, Martin remettait le couvert lors du GP de Styrie… avant de se voir rétrogradé d'un rang pour avoir légèrement dépassé les limites de la piste dans le dernier tour. Rageant, mais c'est le règlement, et il semble difficile de le contester tant que tout le monde est logé à la même enseigne. Contraint de rester chez lui, en quarantaine, Martin n'a pu qu'assister

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à distance à la bataille entre Luca Marini (vainqueur des GP d'Espagne et de Saint Marin), Enea Bastianini (vainqueur des GP d'Andalousie, de République tchèque et d'Émilie Romagne) et Marco Bezzecchi (vainqueur – plus ou moins sur tapis vert, donc – du GP de Styrie) sur leurs terres. Car ce trio-là remet à la mode la domination transalpine en catégorie intermédiaire, après avoir constitué,

pour la première fois depuis 22 ans (et le GP250 d’Imola 1998, avec Valentino Rossi, Loris Capirossi et Stefano Perugini), un podium 100 % italien lors du GP d'Andalousie ! Bastianini, sur la Kalex de l'équipe ItalTrans, compte sans aucun doute parmi les prétendants au titre : depuis son premier succès dans la catégorie à Jerez, "Bestia" joue victoires Jorge Martin (portrait et action) compte désormais 46 points de retard sur Luca Marini (n°10).

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Sam Lowes aurait-il trouvé l'aide dont il avait besoin auprès de son chef mécano Gilles Bigot ?

Retour aux affaires ? algré deux résultats blancs, le sémillant Sam Lowes pointe 4e à 42 points du leader au moment où nous bouclons ces lignes. Ses larmes à l'arrivée du GP de République tchèque, où il montait pour la première fois sur le podium (2e) depuis le GP d'Aragon Moto2 2016, en disaient long : l'Anglais a souffert de sa traversée du désert. Hélas pour lui, un excès de fougue en Styrie, dans le fameux troisième virage du Red Bull Ring, envoyait Somkiat Chantra et Jorge Navarro au tapis avec lui, et lui coûtait un départ depuis les stands au GP de Saint Marin pour pilotage irresponsable. Dommage, car là-bas, le pilote Marc VDS signait la pole position (pour rien, donc), une impressionnante remontée de la dernière à la 8e place, puis un podium le week-end suivant. A l'inverse, Tetsuta Nagashima, depuis sa victoire au Qatar et sa 2e place en Espagne, est à la peine, avec de nombreuses chutes et seulement 23 points marqués en six épreuves. Le Japonais pointe pour l'instant 6e, devant Xavi Vierge, Aron Canet, Tom Luthi et Marcel Schrotter, tous en retrait pour l'instant malgré quelques rares apparitions aux avant-postes. Si son coéquipier Jorge Martin part bien chez Ducati Pramac en MotoGP l'année prochaine, comme cela aurait été signé en coulisse dès le mois de juin mais non officialisé pour des raisons contractuelles, Nagashima fera équipe avec Remy Gardner chez Ajo en 2021. À moins que ce dernier ne le remplace… •

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et podiums avec détermination et agressivité. Un peu trop en Autriche, où son highside à la sortie du virage n°1 et sa monture restée au milieu de la piste allaient occasionner un crash terrifiant de Hafizh Syahrin – heureusement sans grosses conséquences – et un drapeau rouge. Ce résultat blanc et une piètre 10e place le week-end suivant lui coûtent cinq points sur Marini. Autrement dit, rien ! Derrière lui, Bezzecchi reprend confiance après une première saison particulièrement difficile en Moto2. Plus à l'aise sur le châssis Kalex que sur son ex-KTM, la révélation 2018 du Moto3 devient assurément une menace dans la quête du titre avec un total de quatre podiums, dont trois de rang lors des trois derniers rendez-vous en date.

Classement MOTO2 POS.

PILOTE

1 2 3 4 5

Luca MARINI Enea BASTIANINI Marco BEZZECCHI Sam LOWES Jorge MARTIN

NAT.

MOTO

ITA

Kalex

ITA

Kalex

ITA

Kalex

GBR

Kalex

ESP

Kalex

POINTS 125 120 105 83 79

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MOTO3 I SYNTHÈSE ESPAGNE I ANDALOUSIE I RÉPUBLIQUE TCHÈQUE I AUTRICHE I STYRIE I SAINT MARIN I ÉMILIE ROMAGNE

MOTO3

Tetsuta Nagashima (n°45) aura attendu sa 70e course en Moto2 pour s'imposer. Un début ?

Les risques de la rixe

Malgré trois victoires et une 2e place au compteur, Albert Arenas (n°75) ne compte que deux points d'avance sur Ai Ogura (n°79), encore en quête de son premier succès. PAR Tommy Marin – PHOTOS PSP Swiderek

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Duel ou bataille ? omme toujours en Moto3, il faudrait un hors-série pour détailler le déroulement de ce début de saison. Avec des positions qui évoluent en permanence du premier au dernier virage – et ce, à tous les stades du classement ; des dépassements par grappe, par l'intérieur, l'extérieur ou entre deux ; des touchettes ; des boulettes… le plus important consiste à rester sur ses roues, éviter les pièges, passer entre les gouttes. Et à ce petit jeu, le meilleur à ce jour s'avère le Japonais Ai Ogura. S'il court

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En avant ! our autant, se contenter de rallier l'arrivée ne saurait s'avérer suffisant. Tony Arbolino, à égalité parfaite de points avec Suzuki, est le premier pilote du classement à avoir terminé toutes ses courses, avec à la clef deux podiums (en Espagne et en Styrie). Il emmène dans son sillage Gabriel Rodrigo, dans le même cas de figure… sans les podiums. Tous deux vont devoir hausser sensiblement leur jeu pour tenter de recoller les leaders en deuxième partie de saison. Parmi le reste de la meute, certains se font remarquer. Il y a d'abord Raul Fernandez, détenteur de trois pole positions – après avoir enregistré la première de sa jeune carrière en Autriche. S'il ne concrétise pour l'instant pas en course, la progression du pilote KTM Ajo est à surveiller. 9e du provisoire derrière Masia, Fernandez devance un revenant : Romano Fenati, après un début de saison très discret, remportait lors du GP d’Émilie Romagne sa première victoire depuis le GP d’Autriche 2019 et permettait à Husqvarna de s’immiscer dans le duel entre le constructeur jumeau KTM et Honda ! Ce succès suffira-t-il à rallumer la flamboyance de Romano ? Pas impossible – d'autant plus que Max Biaggi, le propriétaire du team, a probablement beaucoup de choses à lui apprendre pour canaliser un tempérament de feu. Dennis Foggia, auteur d'une superbe victoire en République tchèque, peine depuis à convaincre tandis que Darryn Binder, sur la KTM du CIP, n'en finit plus de défrayer la chronique en remontant depuis les tréfonds de la grille vers les avant-postes en course – même si parfois, ça se termine mal. Le jeune frère de Brad a déjà été annoncé chez Petronas Sprinta Racing pour 2021. L'apprentissage de la catégorie n'est pas si simple pour Tech 3 : "Cette décision de passer en Moto3 n'était pas la mienne, mais celle de KTM. Et c'est une belle découverte, explique Hervé Poncharal. On a une bonne équipe, une bonne moto… et une malchance incroyable, même si je n'aime pas dire ça. Nos pilotes n'arrêtent pas de se faire percuter, ils ont le potentiel – et c'est pourquoi nous garderons Ayumu [Sasaki] et Deniz [Oncu] en 2021 – mais pas la réussite. J'espère que la guigne va nous lâcher." •

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toujours après sa première victoire, le jeune pilote du Honda Team Asia n'a qu'un seul résultat blanc à son actif : en Andalousie, où il se faisait faucher par un Jaume Masia trop entreprenant. Le reste du temps, il est monté à chaque fois sur le podium – sauf en Autriche, où il échouait à son pied. La grande régularité d'Ogura lui permet de talonner Albert Arenas. L'Espagnol s'est vite installé comme l'homme à battre en remportant les deux premiers GP de la saison sur la KTM du team Aspar. S'il n'a jamais quitté le leadership depuis le premier rendez-vous 2020, au Qatar, il ne s'est jamais trouvé menacé de si près qu'après le GP d'Émilie Romagne, dont il terminait 4e au terme d'une nouvelle course très animée. Victime d'une chute spectaculaire (mais de son fait) en Andalousie, Arenas subissait un highside étrange dans le virage n°3 de Misano après une touchette avec Tony Arbolino quelques mètres plus tôt. Il paie aujourd'hui ces deux erreurs, même s'il quittait le deuxième round disputé sur ce même circuit satisfait : "Dans le dernier tour, les incidents que j'ai subis me pesaient et je pensais à mon abandon de la semaine dernière. Je voulais essayer de me battre pour la victoire, mais cette quatrième place en a presque le goût." Alors, la guerre pour le titre va-t-elle tourner au duel entre ces deux-là ? Pas si sûr… John McPhee, Celestino Vietti et Tatsuki Suzuki, qui ont chacun remporté un GP (respectivement à Saint Marin, en Styrie et en Andalousie) ne sont pas si loin et, à condition de trouver une certaine régularité, pourraient bien se mêler à la rixe.

Romano Fenati renoue avec la victoire pour Husqvarna et Max Biaggi !

Classement MOTO3 POS. PILOTE 1 2 3 4 5

Albert ARENAS Ai OGURA John MCPHEE Celestino VIETTI Tatsuki SUZUKI

NAT.

MOTO

ESP

KTM

JAP

Honda

GBR

Honda

ITA

KTM

JAP

Honda

POINTS 119 117 98 86 75

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ANALYSE I MOTOGP VS WORLDSBK

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MOTOGP WORLDSBK

400 000 € LA DEMI-SECONDE !

C’est l’éternelle question sans véritable réponse : comment une machine de série optimisée peut-elle boucler un tour à moins de deux secondes d’une MotoGP hors de prix ? Mat Oxley a dégainé sa calculette, comparé les rythmes de course des deux catégories et discuté avec le champion du monde WorldSBK Jonathan Rea, entre autres, afin d’y répondre. PAR Mat Oxley - PHOTOS PSP Swiderek/Jagielski & constructeurs - MONTAGES TM

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Rea VS Quartararo : l'image est un montage, mais le duel ne manquerait pas d'allure !

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GP VS WSBK d'Aragon 2019 : Bautista aurait terminé deux secondes derrière Rins !

ourquoi une machine du WorldSBK à 150 000 € roule-t-elle quasiment aussi vite qu’un prototype du MotoGP estimé à plus de 1,5 million d’euros ? Il y a deux raisons principales. Premièrement, les Superbikes modernes sont des machines incroyables, des MotoGP pour la route. Des motos telles que la Ducati Panigale V4R ou la Kawasaki ZX-10R sont bien plus proches d’une MotoGP que n’importe quelle Supercar ne l’est d’une Formule 1. "La Formule 1 et le World Touring Car Championship [championnat du monde des voitures de tourisme] ont la même philosophie que le MotoGP et le WorldSBK, rappelle Jonathan Rea. Seulement, l’écart entre une Formule 1 et une voiture de WTCC est bien plus important que celui existant entre une MotoGP et nos machines. Cela prouve que tous les constructeurs, à la fois ceux présents en MotoGP et ceux qui n’y sont pas, incorporent toutes les dernières technologies aux motos qu’ils vendent. Tu peux le voir sur les modèles en concessions. Certains constructeurs envoient même leurs pilotes en piste sur une moto de série, avec des chronos bluffant à la clé, ce qui est aussi une très bonne stratégie marketing." Deuxièmement, les pneus constituent l’ultime limite des performances d’une moto de course. Il se trouve que les pneus d'un 2-roues sont particulièrement restreints par leurs dimensions. Cela dicte leur surface de contact avec le sol et leur adhérence. Évidemment, tout n’est pas aussi simple que cela. L’an dernier, les championnats MotoGP et Superbike ont partagé sept circuits : Aragon, Assen, Buriram, Jerez, Losail, Misano et Phillip Island. Afin de comparer les performances de ces deux types de motos, il est préférable d’étu-

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dier le rythme en course plutôt que les records du tour. La meilleure manière de procéder est de diviser le temps de course du vainqueur de l’épreuve par le nombre de tours, puis de convertir le résultat en pourcentage, ce qui permet de lisser les éventuelles erreurs de pilotage sur un tour. L’écart de performance le plus important entre une MotoGP et une Superbike a été observé à Buriram, où les MotoGP ont été plus rapides d’1,89 seconde par tour, soit une différence de 2,02 %. A l'opposé de l'échelle, les prototypes devançaient les hypersportives optimisées d’1,34 seconde par tour sur le circuit d'Aragon, soit une différence de 1,21 %. Considérant les sept circuits communs, la moyenne des écarts analysés donne un taux de 1,63 % : on peut donc retenir ce chiffre pour définir la différence de performance moyenne entre une MotoGP et une Superbike, en gardant toutefois à l'esprit que les différences de conditions (température de l'air, de la piste, hygrométrie…) constituent une variable difficile à quantifier. 1,63 % de différence : une paille, d'autant plus quand une machine du MotoGP coûte environ dix fois plus d’argent qu’une Superbike ! Partant du principe qu’une MotoGP vaut 1,5 million d’euros et qu’une Superbike vaut environ 150 000 €, nous pouvons estimer que chaque dixième grappillé par une MotoGP à une Superbike sur un tour coûte environ 80 000 €.

FOCUS SUR LES TEMPS DE COURSE

Si la différence entre une MotoGP et une Superbike semble ridicule sur un tour, elle se mesure réellement en analysant les temps de course. Et ces derniers dressent un tableau bien plus contrasté. Imaginons le quintuple champion WorldSBK au départ du GP du Qatar 2019 avec

sa Kawasaki ZX-10R : il aurait terminé la course à 49 secondes d’Andrea Dovizioso – vainqueur sur la Ducati Desmosedici – et bon dernier, derrière le pilote KTM Tech 3 Hafizh Syahrin. Les vainqueurs des courses WorldSBK auraient également terminé derniers des GP de Thaïlande 2019 et d'Espagne 2020 ou 17e du GP de Saint Marin 2019. Ils auraient cependant marqué des points à Assen et à Phillip Island, et eu pour meilleur résultat une dixième place à Aragon. Plus précisément : si Alvaro Bautista, vainqueur sur ledit Motorland, y avait piloté sa Ducati Panigale V4R au milieu des prototypes du MotoGP, il aurait franchi la ligne d’arrivée 30 secondes derrière le vainqueur du GP Marc Marquez. Une performance synonyme d'une 10e place au classement, six secondes derrière la Yamaha YZR-M1 de Valentino Rossi, deux secondes derrière Alex Rins et sa Suzuki GSX-RR, mais une seconde devant la Honda RC213V 2018 de Takaaki Nakagami. Impressionnant ! Cette analyse des résultats donne une idée plus précise des raisons pour lesquelles le MotoGP est bien plus coûteux que le WorldSBK. Chaque seconde gagnée sur la distance d’une course coûte énormément d’argent, et de façon exponentielle. La grande interrogation reste, évidemment, de savoir où réside cette vitesse supérieure des machines du MotoGP. Le patron de Kawasaki en Superbike, Ichiro Yoda, pense le savoir. "Nous avons récemment mené des tests sur le circuit de Catalunya et notre chrono était de 1'40 au tour, soit une différence de 1,6 seconde environ avec une MotoGP, détaille Yoda, qui a travaillé pour Yamaha et Kawasaki en catégorie reine avant de passer en WorldSBK. J’ai analysé d’où pouvait venir cette différence. Les MotoGP ont environ 30 chevaux de plus et sont

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Selon Davies et Rea, les pilotes MotoGP entrent plus large en virage...

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plus légères de 12 kilos, ce qui implique une différence de 0,75 seconde par tour. Ensuite, la boîte de vitesses seamless dont disposent les prototypes leur offre un avantage supplémentaire de 0,40 s. Enfin, la liberté de conception du châssis et de l’aérodynamisme apporte un gain de 0,15 s, puis les pneus aident pour 0,3 s." Jonathan Rea est totalement d’accord avec son boss. "La grosse différence vient du moteur. Une bonne Superbike développe peut-être 250 chevaux alors que la plus rapide des MotoGP atteint 290 voire 300 chevaux. Il ne faut pas non plus oublier les régimes moteur plus élevés. Ils disposent d'une plage [de régime efficace] beaucoup plus importante que nous. Ils peuvent aussi modifier les ratios des boîtes de vitesses, ce qui nous est interdit. Au final, les pilote du MotoGP ont réellement la possibilité d'optimiser l’accélération et la vitesse maximale de leur machine." Il ne fait aucun doute qu’un surplus de puissance vous rend plus véloce sur un circuit, notamment sur les tracés les plus rapides. Mais outre ces différences évidentes entre le MotoGP et le Superbike, en termes de moteurs et de boîtes de vitesses, il reste un élément plus complexe : les pneus.

Pirelli, qui privilégient davantage le grip maximal que la longévité, explique le chef mécanicien Chris Pike, qui a travaillé dans les deux catégories. Lorsque les MotoGP atteignent leur rythme de course, elles le conservent – au dixième près – pendant les 20 tours suivants, tandis qu’une Superbike connaît une baisse de rythme plus importante à mesure que ses pneus approchent de la fin de la course." Cependant, les Pirelli fonctionnent mieux que les Michelin dans certains domaines. "La construction et les composés asymétriques des pneus MotoGP signifient que, selon moi, une MotoGP ne peut pas, dans un premier temps, accélérer aussi bien qu’une Superbike en sortie de virage, ajoute Pike. Le Pirelli arrière accepte plus de couple et a moins tendance à déraper en raison de son composé unique globalement plus souple." Jonathan Rea

MOTOGP VS WORLDSBK I ANALYSE

acquiesce. "Lorsque nous avons fait des tests aux côtés des MotoGP à Jerez, j’ai remarqué qu’ils ne pouvaient pas accélérer aussi bien que nous à la sortie de l’épingle Dry Sack [virage n°6]. Nous étions plus rapides entre les virages 6 et 7, même en pneus usés. Par contre, dès que l’on passe le troisième rapport entre les virages 7 et 8, la MotoGP fait une différence phénoménale une fois redressée." Les pneus font certainement la différence ici, mais il ne faut pas non plus oublier le rôle non négligeable de l’électronique. Depuis 2016, le MotoGP utilise des logiciels limités quand les machines du Superbike bénéficient encore de softwares développés par les usines. En résulte cette situation étrange, dans laquelle les Superbikes disposent d'un meilleur package contrôle de traction, anti-wheelie & co que les MotoGP. Et c'est précisément pourquoi Ichiro Yoda n’inclut pas l’électronique dans son analyse comparative. Selon Rea et son rival Chaz Davies, lui aussi présent lors de ces tests, les Pirelli semblent également profiter d’un avantage en entrée de virage, annihilant une grande partie de la supériorité d'une MotoGP en phase de freinage. Car il faut le rappeler : les freins carbone de la catégorie reine autorisent une décélération allant jusqu'à 1,8 G, quand une Superbike ne peut excéder 1,5 G avec ses disques acier. "Lorsque nous roulons avec les gars du MotoGP, nous remarquons que leurs trajectoires en entrée de virage sont assez différentes, analyse Davies. On dirait qu’ils n’ont pas la confiance nécessaire pour charger le pneu avant dans les virages, donc ils se préparent très tôt avant le virage et prennent une entrée assez large afin d’utiliser le bord du pneu au milieu du virage." Jonathan Rea pense que la construction plus souple du pneu avant Pirelli lui procure un avantage

... car ils n'ont pas la même confiance qu'eux dans leur pneu avant.

LE NERF DE LA GUERRE

Les machines du MotoGP utilisent des gommes Michelin quand celles du WorldSBK roulent en Pirelli. Et ces pneumatiques sont plutôt différents. Les Pirelli utilisent une carcasse plus souple que les Michelin. Pour autant, chaque manufacturier a ses points forts et ses points faibles. Il faut également noter que les manches Superbike sont plus courtes d’environ 20 % que les courses MotoGP. "Les Michelin offrent un niveau de performance beaucoup plus constant que les

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La Desmo de Dovi est droite : impossible pour Redding et sa Panigale de rivaliser !

sur le Michelin. "Le Pirelli a tendance à s’écraser [et donc à accroître sa surface de contact avec le sol], ce qui nous permet d’y aller vraiment fort. Les pilotes MotoGP peuvent utiliser les performances des freins carbone pour freiner plus tard que nous, mais ils doivent utiliser un rayon beaucoup plus large dans le virage. Ils font donc plus de distance pour atteindre le point de corde quand nous pouvons le viser plus directement." Cela aide à comprendre pourquoi les records du tour en MotoGP sur de nombreux circuits – Assen, Aragon, Brno, COTA, Motegi, Mugello, Phillip Island, Sepang, Spielberg and Termas – restent la propriété de Bridgestone. Personne n’a conçu de meilleur slick avant que le manufacturier japonais.

DES ÉCARTS DE PLUS EN PLUS SERRÉS

Cela explique aussi pourquoi les records du tour en WorldSBK se sont rapprochés des références du MotoGP ces cinq dernières années. A Assen, l’écart est ainsi passé de 2,3 s en 2015 à 0,95 s en 2019. On note également des rapprochements à Aragon (1,1 s), Losail (0,2 s) et Phillip Island (1,5 s). Autre facteur révélateur lié à cette analyse : la rigidité du châssis a son importance. Un châssis MotoGP réalisé sur-mesure est beaucoup plus rigide (tout au moins sur le plan longitudinal) qu’un châssis WorldSBK en provenance d’une moto de série. Les pneus doivent être adaptés au châssis, ainsi un cadre rigide nécessite une carcasse pneumatique rigide, et inversement. Pourquoi les MotoGP ont-elles besoin d’un cadre si rigide ? Tout simplement parce qu'un châssis offrant plus de flex, s'il génère une meilleure adhérence

mécanique, détruit plus rapidement ses pneus. "Un châssis moins rigide ne peut pas être aussi régulier au chrono, explique Chris Pike. Il bouge davantage et transmet donc plus d’énergie aux pneus, qui s’usent plus rapidement. Un châssis plus rigide, doté des pneus qui vont avec, peut maintenir ses performances sur une plus longue distance. L’ingénierie des Grands Prix s’est toujours développée dans cette direction et vous ne pouvez pas en débattre avec eux. Si tu équipes une MotoGP de Pirelli, ce package serait incroyablement rapide pour quelques tours, mais les pneus s’useraient encore plus vite car la rigidité du châssis et celle des pneus ne sont pas compatibles." Cependant, encore une fois, c’est une histoire de compromis. Car en compétition, rien n’est bon à 100 %, et tout ce qui apporte une amélioration a

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forcément des inconvénients. "La baisse de performance de nos pneus signifie que nous ne pouvons pas être aussi réguliers que les pilotes MotoGP avec nos repères de freinage et nos trajectoires, ajoute Rea. En revanche, il est plus facile de connaître la limite au guidon d’une Superbike, en raison du sentiment de sécurité que te procure les Pirelli. C’est pourquoi vous ne voyez pas en WorldSBK toutes ces chutes que l’on peut voir en MotoGP – sans avertissement, les highsides gaz coupés et autres. Nous avons une grande marge de sécurité." Chaz Davies approuve et complète : "La dernière MotoGP que j’ai pilotée est la Desmosedici de 2017. Il y a un peu moins de feeling en MotoGP, tout est plus tranchant, mais c’est simplement une chose qu’il faut apprendre. La Superbike, elle, bouge, tout comme les Pirelli : ce Les Superbikes offrent un rapport performance/prix époustouflant.

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MOTOGP VS WORLDSBK I ANALYSE Pour le prix d'une M1, vous avez dix R1 WorldSBK comme celle de Loris Baz. Nous, ça nous suffira très, très, très largement...

S

package est plus complaisant." Bien sûr, les pneus constituent l’ultime arbitre d’un chrono, car toutes les actions de la moto et du pilote passent à travers eux. Vous pouvez disposer du moteur le plus puissant ou du châssis le plus agile : si vous n’avez pas les pneus pour exploiter ces avantages, ils ne servent à rien. Comme l’a dit Valentino Rossi : "S’il te manque 10 km/h face aux autres pilotes, ou cinq chevaux, tu peux quand même gagner. Si tu as les mauvais pneus, tu es b***é." En moto, l’adhérence est limitée par la surface de contact entre le pneu et le sol. Reste qu’en MotoGP, les ingénieurs pneumatiques ne peuvent pas accroître cette surface sans rendre les motos plus compliquées à faire tourner et à piloter. Si Jonathan Rea apprécie de faire les gros titres avec des temps au tour ultra-rapides, il préférerait tout de même que les deux championnats soient plus contrastés. Les performances du MotoGP et du WorldSBK se sont rapprochées ces dernières années en raison des pneus, mais aussi parce que les Superbikes progressent quand les règles du MotoGP sont réécrites pour réduire les coûts. Exemple concret : le poids minimum actuellement autorisé pour une MotoGP est de 150 kg, soit seulement 10 kg de moins qu’une machine du Superbike mondial. En 1990, la limite de poids d’une 500cc de GP était de 115 kg, soit 50 kg de moins que celle d’une Superbike. "C’est vraiment cool d’être comparé au MotoGP car les gens prennent conscience de ce que nous réalisons, conclut Rea. Et d’ailleurs, c’est marrant de pouvoir passer un pneu de qualification et de tourner dans les mêmes chronos. Reste que cela ne devrait pas être le cas. Le MotoGP devrait être une catégorie totalement prototype, presque un sport différent, à l’image de la F1 et des courses de voitures de tourisme. Le MotoGP sera toujours le summum, le grand frère populaire du Superbike. C’est ainsi, c’est dans l’ordre naturel des choses." •

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Comparaison

des rythmes de course et des records du tour Rythme en course

Record du tour

MotoGP 1'49.44 WorldSBK 1'50.78 Différence 1,34 s I 1,21 % ❱❱ Position du vainqueur WSBK en MotoGP

1'48.12 1'49.75 1,63 s I 1,48 %

MotoGP 1'34.40 WorldSBK 1'35.65 Différence 1,25 s I 1,31 % ❱❱ Position du vainqueur WSBK en MotoGP

1'33.62 1'34.56 0,95 s I 1,00 %

MotoGP 1'30.51 WorldSBK 1'31.77 Différence 1,26 s I 1,37 % ❱❱ Position du vainqueur WSBK en MotoGP

1'28.11 1'29.41 1,30 s I 1,45 %

MotoGP 1'34.26 WorldSBK 1'35.80 Différence 1,54 s I 1,61 % ❱❱ Position du vainqueur WSBK en MotoGP

1'32.67 1'34.72 2,04 s I 2,15 %

MotoGP 1'56.23 WorldSBK 1'58.50 Différence 2,27 s I 1,92 % ❱❱ Position du vainqueur WSBK en MotoGP

1'54.93 1'56.97 2,04 s I 1,74 % + 49,9 s ❱❱ Dernier

MotoGP 1'39.30 WorldSBK 1'41.59 Différence 2,28 s I 2,00 % ❱❱ Position du vainqueur WSBK en MotoGP

1'38.05 1'39.87 1,82 s I 1,82 % + 57,2 s ❱❱ Dernier

MotoGP 1'31.39 WorldSBK 1'33.28 Différence 1,89 s I 2,02 % ❱❱ Position du vainqueur WSBK en MotoGP

1'31.47 1'32.72 1,25 s I 1,35 % + 49,1 s ❱❱ Dernier

ARAGON 2019

ASSEN 2019

PHILLIP ISLAND 2019

MISANO 2019

LOSAIL 2019

JEREZ 2020

BURIRAM 2019

+ 30,8 s ❱❱ 10e

+ 32,5 s ❱❱ 12e

+ 34 s ❱❱ 14e

+ 41,6 s ❱❱ 17e

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WSBK I ON REFAIT LA COURSE

CASSE-TÊTE Cette saison 2020 ne manque pas de richesse et un vent de fraîcheur souffle sur le Superbike mondial. Un élément résiste néanmoins à toutes les attaques et pose question : est-il possible de détrôner Jonathan Rea ? Le quintuple champion du monde n'est pourtant pas invincible. Redding, Rinaldi, van der Mark et Davies ont tous triomphé de lui, mais aucun ne fait jeu égal sur la distance. Cette année encore, le "problème" Rea semble insoluble pour ses rivaux. PAR Maxime Pontreau PHOTOS PSP Swiderek/Jagielski

Classement WorldSBK POS. PILOTE

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NAT.

MOTO

POINTS

1

Jonathan REA

GBR

Kawasaki

290

2

Scott REDDING

GBR

Ducati

239

3

Chaz DAVIES

GBR

Ducati

188

4

Michael VAN DER MARK

NED

Yamaha

178

5

Toprak RAZGATLIOGLU

TUR

Yamaha

157

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Espagne I Portugal I Aragon I Teruel I Catalogne

WSBK I ON REFAIT LA COURSE

WORLDSBK D'ESPAGNE Tur ad quodioaeecte mnisxw mi, qtum quis xwxqtumn ecerum

Grandes premières pour Scott Redding Le rookie Scott Redding remporte ses premiers succès en Superbike mondial. ébutant en WorldSBK mais déjà habitué au podium après un triplé à Phillip Island (cinq mois auparavant), Scott Redding passe la vitesse supérieure à Jerez et s’accapare les victoires dans les deux courses. Les conditions sont extrêmes sur le circuit andalou avec une piste atteignant les 60°C, mais cela favorise la V4 R sur un circuit où elle n’est généralement pas à la fête. On le sait, les Kawasaki et Yamaha sont plus impactées par les fortes températures que l’Italienne et Redding, tout comme son coéquipier Chaz Davies et le pilote GoEleven Michael Ruben Rinaldi, en profite pleinement face à son rival direct : Jonathan Rea. La pole position est sienne – sa première en WorldSBK – mais Redding n’en tire pas profit en course 1. Rea et Toprak Razgatlioglu s’engouffrent à l’intérieur du premier virage et le devancent. "Nous savons tous que le départ, c'est le point fort de Johnny, et j’étais juste derrière Toprak. Je ne voulais pas commencer à me battre avec lui car, si on se bat, Johnny s’en va." Problème : le pilote Kawasaki commence à doucement creuser l’écart et Razgatlioglu est un redoutable freineur. En revanche, la R1 du Turc glisse beaucoup en sortie de courbe, ce qui l’handicape en bout de ligne droite. Redding peut faire la différence avec le moteur de sa Ducati puis partir à la chasse du leader, jusqu’à le passer à six tours de l’arrivée. Le lendemain, la physionomie de la course est différente. Le Britannique mène toute l’épreuve seul

D

devant. Malgré sa relative inexpérience en Superbike mondial, il démontre ses aptitudes à gérer différents types de course et s’impose véritablement comme le pilote pouvant faire trébucher le quintuple champion du monde, d’autant que Jonathan Rea ne termine que 6e à cause d’un mauvais choix de pneu arrière. "Je ne veux pas commencer à stresser pour le championnat, soutient l’officiel Ducati. Mon objectif est d’avancer course par course et d’obtenir le maximum de points possibles à chacune. Le championnat est court mais encore long." Surtout, même avec 24 points d’avance au provisoire, Scott Redding n’oublie pas deux choses : Rea s’est sorti d’une situation bien pire l’an passé face à Alvaro Bautista ; il a été imparable le matin même en Superpole Race. Frustré mais pas démoralisé, Jonathan Rea relativise : "Ce circuit est celui que je craignais le plus, surtout avec des températures élevées, donc ce ne sont pas de mauvais résultats." Chaz Davies esquisse, lui, plus qu’un léger sourire en montant sur son premier podium de la saison en course 2, offrant ainsi le doublé au team Aruba.It Ducati. Le Gallois venait de réaliser une course impressionnante. Il n’avait pas démérité en course 1 (4e) et en Superpole Race (5e) mais s’était retrouvé désavantagé par sa position sur la grille (7e). En partant de la cinquième place le dimanche après-midi, Davies a avancé d’une ligne mais, surtout, est placé au milieu de la piste, ce qui est plus avantageux pour tenir la trajectoire

dans le premier droit de Jerez. Cinq tours après l’extinction des feux, le voilà deuxième à deux secondes de son coéquipier. Aurait-il pu jouer la victoire avec une meilleure place au départ ? "Dur à dire, c’est possible, mais je pense que Scott était un peu mieux que moi." Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il doit être plus efficace en Superpole pour espérer jouer la gagne à la régulière.

Jerez 29-37°C

PODIUM 1 1. S. Redding 2. J. Rea 3. T. Razgatlioglu

Sec

PODIUM 2 1. S. Redding 2. C. Davies 3. T. Razgatlioglu

POLE POSITION

Scott Redding – Ducati – 1'38.736

SUPERPOLE RACE 1. J. Rea 2. S. Redding 3. M. van der Mark Meilleur tour (SR)

J. Rea – Kawasaki – 1'39.186

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WSBK I ON REFAIT LA COURSE

Espagne I Portugal I Aragon I Teruel I Catalogne

WORLDSBK DU PORTUGAL

Rappel à l’ordre

En réalisant le triplé à Portimao, Jonathan Rea rappelle à tous que lui retirer sa couronne mondiale ne sera pas une mince affaire.

a pole position, trois meilleurs tours en course, la totalité des 50 tours de course menée et, logiquement, trois victoires… Jonathan Rea frappe un grand coup au Portugal et rappelle à tous qui est le patron. Ses adversaires pouvaient s’attendre à une telle correction, Portimao est l’un des circuits lui réussissant le mieux. Avant ce round, il y détenait déjà les records de victoires (9), de podiums (17) et de pole positions (3, avec Tom Sykes). Le week-end désormais fini, il en est définitivement le roi. "J'ai pu faire tout ce que je voulais et j'ai continué à creuser l'écart devant. C'est une sensation incroyable en tant que pilote, se réjouit l’homme du KRT. Je savais que Portimao allait être une bonne piste, mais nous ne sommes pas venus ici lors des essais hivernaux, donc cela pouvait aussi être un week-end difficile. Mais il a été parfait." Le résultat a son importance, indéniablement, mais la manière dont il l’a exécuté encore plus. En écrasant ainsi la concurrence, il ne pouvait pas mieux rebondir après sa déconvenue dans la dernière course de Jerez. D’autant que, cerise sur le gâteau

L

du dimanche, il récupère la tête du classement provisoire pour la première fois de l’année. Rea avait pourtant 24 points de retard sur Scott Redding en quittant l’Andalousie. Il en a désormais quatre d’avance. Le pilote Ducati n’a pas vraiment brillé ce week-end. C’est d’ailleurs le premier de la saison où Redding est en difficulté. Ce n’est pas non plus très surprenant car la belle de Borgo Panigale n’aime pas le "Rollercoaster" de Portimao avec ses gros dénivelés et sa piste bosselée. Mal à l’aise avec le train avant le samedi (7e) puis manquant de grip à l’accélération en Superpole Race (5e), Redding tire toutefois son épingle du jeu en finissant deuxième de la dernière course. "Nous avons fait des changements pour améliorer le grip et on a vu que j’étais capable de faire quelque chose, mais j’avais besoin de cela dès vendredi, regrette-t-il. En tout cas, notre progression montre que l’on n’abandonne pas, que ce soit le team ou le pilote, et c’est le plus important pour moi : savoir que l’équipe est derrière moi." Finalement, aux côtés de Jonathan Rea, c’est la Yamaha R1 qui fait sensation au Portugal en trustant toutes les autres positions du top 3. Les coéquipiers du team officiel Toprak Razgatlioglu et Michael van der Mark se sont offert deux podiums chacun. Le pilote turc est une nouvelle fois le plus rapide des deux malgré une perte de l’avant dans la dernière course. Loris Baz réalise quant à lui sa meilleure prestation avec la Yamaha privée du team Ten Kate en terminant à la troisième position de la Superpole Race. C'est son retour

sur le podium du WorldSBK après six ans de disette (Qatar 1/2014) et le premier du team en quatre ans. "Je savais que j’en étais capable mais, honnêtement, c’est l’un des meilleurs moments que j’ai vécus. Je n’ai pas le souvenir d’avoir chialé à la fin d’une course une fois dans ma vie, même après avoir gagné à Silverstone. C’est un gros poids retiré de mes épaules car depuis mon retour ici en 2018, j’en ai bien bavé. On a fait beaucoup de boulot avec Ten Kate et on commençait à être impatient. On était déçu de finir 4e ou 5e. Je crois que je n’ai jamais autant bossé de ma vie que ces trois dernières années pour revenir et cette petite récompense fait beaucoup de bien."

Portimao 29-32°C

PODIUM 1 1. J. Rea 2. T. Razgatlioglu 3. M. van der Mark

Sec

PODIUM 2 1. J. Rea 2. S. Redding. 3. M. van der Mark

POLE POSITION

Jonathan Rea – Kawasaki – 1'40.676

SUPERPOLE RACE 1. J. Rea 2. T. Razgatlioglu 3. L. Baz Meilleur tour (SR)

J. Rea – Kawasaki – 1'41.371

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Espagne I Portugal I Aragon I Teruel I Catalogne

WSBK I ON REFAIT LA COURSE

Coup de masse ! WORLDSBK D'ARAGON istoriquement, le Motorland d’Aragon est un circuit Ducati. La firme a gagné huit des dix dernières courses s’y étant déroulées : trois avec Alvaro Bautista et cinq avec Chaz Davies, qui compte, lui, deux succès supplémentaires avec BMW en 2013. L’interminable ligne droite avant l’ultime virage du circuit n’est pas étrangère à ces succès. Les machines italiennes peuvent y exploiter toute la puissance de leur moteur. On en veut pour preuve la vitesse de pointe de Scott Redding – 321,4 km/h – face à celle, par exemple, de la ZX-10RR de Jonathan Rea qui ne dépasse pas les 312,1 km/h. Sauf que si la compétition moto se résumait à la puissance moteur, tout serait plus simple. La nouvelle Honda CBR serait d’ailleurs au sommet de la hiérarchie, Alvaro Bautista possédant la meilleure vitesse du tracé à 322,4 km/h. Reste que le team HRC travaille consciencieusement et s’améliore au fil des courses depuis le début de la saison. Des essais privés sur ce même circuit d’Aragon ont aussi permis à l’équipe japonaise de faire un bond en avant sur l’électronique et le châssis, et cela paie en course 2. Troisième, Alvaro Bautista offre son premier podium au team HRC (le premier pour une Honda depuis 2016). Une performance d’autant plus effarante qu’elle est réalisée avec un Pirelli arrière SCX. Une gomme extrasoft conçue pour tenir les dix tours de la Superpole Race. "Le SCX est plus performant. C’est sûr, il perd légèrement plus

Ducati pensait être à la maison en Aragon, mais Jonathan Rea y gagne deux courses. En parallèle, Honda monte sur son premier podium.

H

de grip que le SC0, mais à la fin je gagne plus que je ne perds." Cependant, rien n’est anodin dans ce sport. "Ce pneu me donne plus d’adhérence et m’aide réellement à avoir une bonne connexion avec les gaz à l’accélération. Ce qui veut dire que l’un de nos problèmes est que nous avons besoin d’obtenir un meilleur grip mécanique de la moto." Ces informations en tête tout en repensant à sa quatrième place en Superpole Race – son meilleur résultat avant le podium de l’après-midi – Bautista aurait pu être pleinement satisfait de son week-end. C’est sans compter une chute lors de la première course – alors qu’il revenait sur le cinquième – mettant en exergue la limite actuelle de son package (qui va se confirmer les week-ends suivants avec d’autres passages dans les bacs à gravier) : il n’a aucune marge de manœuvre. "Je dois donner 100 % à chaque tour, frôler continuellement la limite, donc la moindre erreur se paie cash." Reste du positif : "Nous faisons de petits pas et nous obtenons progressivement une bonne base dans l’ensemble." Le développement de la CBR est clairement sur la bonne voie, mais parier sur une victoire cette année

reste prématuré. Et ceci pour une raison : il faut aller chercher – entre autres – Jonathan Rea. Le quintuple champion du monde fait une nouvelle fois la démonstration de son talent et de sa pugnacité au Motorland. Une image marque le weekend, celle du pilote Kawasaki avec le coude au sol dans le dernier gauche du circuit, lui, pourtant connu pour son style vieille école. Rea a modifié son style de pilotage pour pallier son déficit en vitesse de pointe et combler les 3-4 dixièmes qu’il perdait dans le dernier secteur face aux machines les plus rapides. Résultat : si Scott Redding s’impose en première manche devant Chaz Davies et Rea, personne ne peut empêcher ce dernier de gagner les deux autres courses du weekend. A Aragon, c’est un véritable coup de masse pour Ducati et Redding.

Aragon 18-22°C

PODIUM 1 1. S. Redding 2. C. Davies 3. J. Rea

Sec

PODIUM 2 1. J. Rea 2. C. Davies 3. A. Bautista

POLE POSITION

Jonathan Rea – Kawasaki – 1'48.860

SUPERPOLE RACE 1. J. Rea 2. S. Redding. 3. M. van der Mark Meilleur tour (SR)

J. Rea – Kawasaki – 1'49.620

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WSBK I ON REFAIT LA COURSE

Espagne I Portugal I Aragon I Teruel I Catalogne

WORLDSBK DE TERUEL

La révélation

Michael Ruben Rinaldi dévoile tout son potentiel après en avoir montré des bribes lors des précédentes courses.

Aragon etour en Aragon ! Une semaine après le quatrième rendez-vous de la saison, le WorldSBK est à nouveau sur la piste du Motorland pour le round de Teruel. C’est une situation inédite pour le championnat, mais pas la chose la plus étonnante vue dans le week-end. Voir Michael Ruben Rinaldi dépasser Jonathan Rea dans la course 1, le distancer en deux virages, puis l’observer établir des chronos réguliers meilleurs que n’importe qui pour finalement remporter sa première victoire en Superbike fut époustouflant. Les yeux du paddock étaient déjà tournés vers l’Italien depuis un moment. Pour rappel, le champion Superstock 1000 en 2017 débutait le Superbike l’année suivante en ne participant qu’aux manches européennes avec le Junior Team de l’équipe officielle Ducati. Après une saison 2019 moyenne au sein du Barni Racing Team, on aurait pu traduire son passage dans l’équipe GoEleven comme une régression – rapport aux résultats respectifs des deux équipes italiennes – mais ce fut tout l’inverse. Ri-

R

naldi s’est épanoui dans un univers plus familial, débarrassé d’une pression inhérente au soutien d’un constructeur. "J’ai aussi changé mon entraînement, mon régime et ma mentalité, rajoute Rinaldi. Auparavant, je travaillais tous les jours mais, en fait, il faut aussi en profiter en tant que jeune pilote et ne pas tout le temps penser à la course. Cela a été la clé car j’étais plus relaxé tout en étant prêt physiquement en arrivant sur les courses." Si ce renouveau s’est senti dès Jerez avec une 4e place – avant que Rinaldi ne multiplie les top 5 par la suite – Teruel en est la consécration. Il ne descend pas du podium du week-end, fort d’une troisième place en Superpole Race et d’une deuxième position en course 2. Et de tels résultats alors qu’un guidon dans le team officiel Ducati est libre – seul Redding est confirmé pour 2021 – ne passent pas inaperçus. Autre fait marquant en Aragon, la chute de Scott Redding en course 1 alors qu’il tente de suivre le rythme de Jonathan Rea, deuxième. Lâcher "bêtement" des points à son rival, et compatriote, est un coup dur pour l’Anglais, surtout sur un circuit normalement favorable à sa V4 R. Il sait qu’une mauvaise course pour Rea se résume à une place sur le podium. Lui ne peut donc se permettre un tel résultat s’il veut remporter la couronne mondiale comme il le clame. Malgré une victoire en Superpole Race et une troisième place en course 2, il se présente frustré devant les médias le dimanche après-midi. "Ces deux week-ends ici ont été les mêmes. Nous avons eu du mal à faire fonctionner le pneu avant sur l’intégralité d’une

21-28°C

PODIUM 1 1. M. Rinaldi 2. J. Rea 3. C. Davies

Sec

PODIUM 2 1. J. Rea 2. M. Rinaldi 3. S. Redding

POLE POSITION

Jonathan Rea – Kawasaki – 1'48.767

SUPERPOLE RACE 1. S. Redding 2. J. Rea 3. M. Rinaldi Meilleur tour (SR)

A. Lowes – Kawasaki – 1'49.686

longue course. Nous avons amélioré la moto, mais comme nous sommes en difficulté avec le pneu avant, voilà ce qui arrive. Je ne peux physiquement pas en faire plus et la moto ne m’aide pas vraiment. En fait, nous survivons en essayant de maintenir la tête hors de l’eau, nous ne nageons pas. Je n’aime pas courir comme ça. C’est pour ça que j’ai chuté. Je dois me contenter de la cinquième place ou forcer pour battre Johnny ? Je force." L’écart au provisoire s’accroît donc une nouvelle fois entre les deux hommes. Le leader du provisoire, vainqueur de la course 2, s’avère plus décontracté devant les médias mais il reste lucide et rappelle : "Personne n’est infaillible. Quand le rythme est aussi élevé qu’aujourd’hui, il est facile de franchir la limite. C’est important de garder ça à l’esprit."

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Espagne I Portugal I Aragon I Teruel I Catalogne

WSBK I ON REFAIT LA COURSE

Retours en grâce WORLDSBK DE CATALOGNE

ucun test ne peut remplacer une course. Les pilotes le répètent très souvent, à raison. Ce weekend à Catalunya promet donc d'être imprévisible. De nombreux essais privés ont été effectués sur le circuit – et essentiellement dominés par la Kawasaki n°1 – mais la piste de Montmeló accueille là ses toutes premières courses du Superbike mondial. Chacun peut donc tirer un avantage de la situation. Cela ne loupe pas. Ce sixième round est finalement le plus disputé de la saison et ajoute deux pilotes expérimentés à la liste des vainqueurs 2020 : Michael van der Mark et Chaz Davies. Pourtant, un Jonathan Rea impérial en course 1 laisse présager un tout autre scénario. Parti de la pole, sa quatrième consécutive, Rea n'est pas inquiété durant les 20 tours qui suivent et franchit la ligne d'arrivée avec quasiment trois secondes d'avance sur Scott Redding. Davies suit à 4,4 secondes alors qu'il n'est parti que de la 11e place sur la grille. Michael van der Mark se retrouve repoussé à six secondes. L'officiel Yamaha, dont la dernière victoire remonte à Jerez 2019, s'impose néanmoins en Superpole Race. En fait, il profite de l'énorme highside d'Alvaro Bautista juste devant sa roue et celle de Rea pour prendre l'avantage sur le champion du monde. La Yamaha n'est pas aussi handicapée sur ce tracé qu'à Aragon – où tous les pilotes de la R1 ont subi le manque de puissance du quatre-cylindres en ligne – et van der Mark, ayant le champ libre,

A

Week-end inédit à Montmeló où Michael van der Mark et Chaz Davies triomphent enfin cette saison.

peut imprimer son rythme jusqu'à se mettre à l'abri dans les ultimes boucles. "Une fois que tu es seul, tu peux suivre tes propres trajectoires, sans être gêné, et être rapide. C'est le seul moyen de compenser notre manque de moteur sur un circuit avec une grande ligne droite", explique Loris Baz qui complète le podium de cette course. "Je roulais seul et Davies, qui gagne pourtant la course 2, ne me rattrapait pas." Le pilote Ducati venait de réaliser une superbe course – passant de 10e sur la grille à 4e en seulement trois tours – avant de buter sur la vitesse du Français. Beaucoup mieux placé au dé-

Catalunya Sec

21-28°C

PODIUM 1 1. J. Rea 2. S. Redding. 3. C. Davies

PODIUM 2 1. C. Davies 2. M. van der Mark 3. G. Gerloff

POLE POSITION

part de la course 2, Davies s'empare de la tête au 4e tour puis s'échappe. Auteur de cinq podiums dans la saison, le Gallois n'était encore jamais parti d'une aussi bonne position sur la grille. Il balaye pourtant d'un revers de la main ce problème récurrent et non négligeable. "La réalité est que, entre hier et aujourd'hui, nous avons fait un gros changement de réglage sur l'arrière pour trouver du grip. Cela a fonctionné. J'avais une moto totalement différente, elle était parfaite. Nous venons de faire un gros pas en avant comparé aux courses précédentes où je n'avais aucune traction, surtout dans les premiers tours. Peu importe d'où tu pars sur la grille si tu n'as pas de grip au début. Je suis vraiment content. J'espère que cela va pouvoir être mon réglage de base désormais. Nous verrons à MagnyCours." Jonathan Rea n'a gagné qu'une course en Catalogne, et termine 4e de la course 2, mais peut avancer l'esprit léger. Son avance au championnat s'est encore accentuée avec les 8e et 6e positions de Scott Redding le dimanche, peu efficace dans les grandes courbes et incapable de conserver du grip avec ses pneus. Lucide, le pilote Ducati avoue même en fin de journée que gagner le titre cette année serait exceptionnel vu les circonstances. "Maintenant, nous devons améliorer la moto en cette fin de saison pour être plus fort l'année prochaine…" •

Jonathan Rea – Kawasaki – 1'41.619

SUPERPOLE RACE 1. M. van der Mark 2. J. Rea 3. L. Baz Meilleur tour (SR)

A. Bautista – Honda – 1'41.828

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Scott Redding

Ambitious Man Le nouveau pilote officiel Ducati ne passe pas inaperçu en WorldSBK. Scott Redding s’affirme autant sur la piste, à coups de victoires, qu’en dehors avec son franc-parler. L’Anglais de 27 ans a de l’ambition et ne s’en cache pas. Il veut détrôner Rea. PAR Maxime Pontreau - PHOTOS PSP Swiderek/Jagielski cott, tu comptes déjà 4 victoires et 8 podiums pour ta première saison en WorldSBK. Satisfait ? Je le suis, même s’il y a quelques domaines dans lesquels j’aurais pu être meilleur. Nous aurions dû être sur tous les podiums à Portimao. Puis il y a eu la chute à Teruel… C’est dommage d’avoir donné ces points à Jonathan [Rea]. Sinon, le reste est positif. Je me suis amélioré sur beaucoup de points. Toutefois, nous devons nous attendre à connaître des hauts et des bas car c’est notre première année en tant que team. Tout est nouveau pour nous, contrairement à Johnny et Kawasaki.

S

La Ducati semble manquer de régularité dans ses performances selon les circuits. Comment l’expliquez-vous ? En fait, ce sont plutôt les autres qui sont plus ou moins com-

pétitifs suivant les températures. Kawasaki et Yamaha ont un grip arrière incroyable dans les conditions fraîches alors que nous, piste froide ou chaude, c’est très similaire. Nous n’avons ni avantage ni handicap. Les tracés jouent aussi un petit rôle. La Ducati n’aime pas rester sur le flanc du pneu dans les grandes courbes par exemple. Tu rajoutes du dénivelé et des bosses… Portimao n’était pas un circuit pour nous. On perdait 3-4 dixièmes juste dans le dernier secteur. Comment les températures peuvent-elles jouer autant sur le comportement des machines ? C’est en rapport avec la nature même des motos : leur fabrication, le caractère moteur, la rigidité du châssis, etc. Plein de petites choses. La V4 R peut-elle gagner le championnat ou est-elle finalement encore trop jeune ? Elle en est capable. J’y crois à 100 %. Elle l’a d’ailleurs pratiquement gagné l’an dernier. C’est simple : si elle peut remporter des courses, elle peut remporter le titre. Nous devons juste améliorer nos faiblesses – car nous pouvons être en deçà dans certains domaines, mais pas en étant aussi loin des autres – tout en assurant nos points forts. Mais la Ducati est très sensible à régler.

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INTERVIEW I WSBK dans le cou, ce n’est pas un souci : qu’il vienne, on va se battre jusqu'au bout ! Lui préfère créer un écart en début de course et là, il est content. C’est pour ça qu’il est bon dans les premiers tours. C’est pour ça qu’il est bon en Superpole Race, car il a l’assurance de la gagner. Il sait qu’il est rapide dans les six premiers tours, il doit juste s’inquiéter pour les quatre derniers. La stratégie est différente pour les longues courses. Il doit penser à la deuxième partie de la course. Et tu vois, à Jerez 2, il fait un pari avec son pneu arrière car il était mal. Il cherchait un truc en plus, il était nerveux. Avant même le départ, j’ai su que j’allais le battre. Et là est la clé. Si tu peux appliquer cette pression, cela change le pilote. C’est ce que je dois faire.

Il vous manque encore de l’expérience, donc ? C’est vrai. En même temps, on part de zéro sur chaque circuit. Nous avons les datas d’Alvaro [Bautista] de l’année dernière, mais il est 20 kilos plus léger que moi. Lui n’avait pas besoin d’aller vite dans les virages, il pouvait aller vite dans les lignes droites. Tu as aussi beaucoup répété que tu devais apprendre le fonctionnement des Pirelli. C’est toujours le cas ? Il y a toujours à apprendre, mais je suis quand même plus à l’aise désormais. J’ai beaucoup travaillé sur cet aspect et je commence à pouvoir prédire ce qui va se passer pour les pneus. Je ne pilote plus sans savoir les conséquences de mes actions sur la vie des pneus ou sur leur comportement. C’est important pour moi, car j’entrevois ce qu’il va se passer, à quel point je peux forcer et jusqu’à quand en course. L’an dernier, en BSB, tu roulais avec la même machine mais sans électronique. C’était comment ? Définitivement plus marrant ! Je pense d’ailleurs que ce serait put*** de bon pour ce championnat car tout dépend du pilote en BSB. C’était aussi put*** de difficile ! Tu dois tout le temps être au top. Impossible de faire le feignant et de te reposer sur les gaz. Exemple : si tu passes sur des bosses et que tu te dis "c’est bon je garde les gaz", tu vas te retrouver catapulté sur la lune. Il faut aussi gérer le freinage différemment car tu n’as pas de réglages de frein moteur, pas de contrôle de traction, pas d’antiwheelie. Sans oublier que tu dois aussi rouler sous la pluie sans électronique… Personnellement, je pense que c’est mieux car cela donne des courses plus disputées, et surtout plus serrées entre les constructeurs. J’imagine que tu as bien étudié Jonathan Rea avant de batailler avec lui en piste. Ton avis sur le pilote a changé depuis ? Je l’ai étudié, évidemment, car il est l’homme à battre, mais non, ce que j’ai observé depuis a plutôt confirmé ce que je pensais. Il est très intelligent et très malin en course. Il a beaucoup d’expérience et de confiance en lui. Il peut aussi être agressif quand il le veut, il sait se battre. Par contre, il n’aime pas la pression, je le sais. Je l’avais remarqué auparavant et je le vois maintenant. Quel genre de pression ? Il n’aime pas quand tu appliques une pression constante sur lui en course. Quand tu es collé derrière. Ce n’est pas sa partie préférée du jeu. Moi, je m’en fous ! Si quelqu’un me souffle

Une course par week-end en MotoGP, deux en BSB et trois en WorldSBK… Tu as connu les trois formats. Lequel préfères-tu ? Une course, c’est bien, mais si tu as un problème tu bousilles tout ton week-end. Il n’y a pas de rédemption possible. Et cela peut être dès le premier tour. Avoir une course le samedi puis une le dimanche, comme en BSB, c’est cool selon moi. Là, trois courses c’est un peu trop. Après la Superpole Race, tu as juste deux heures pour récupérer, te réhydrater, manger, dormir, te préparer… c’est serré ! D’ailleurs, je pense que le MotoGP devrait courir deux courses de 30 minutes par week-end. Un format plus court est plus sympa. De toute façon, il y a toujours huit tours où personne n’attaque pour préserver les pneus. F*** ! Autant les enlever et se battre. •

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Scott REDDING

PALMARÈS

Il [Rea] a eu la couronne pendant plusieurs années et je veux lui prendre.

Sans toi, il mènerait plutôt facilement le championnat cette année. Cela représente un stress supplémentaire ou un gain de motivation pour toi ? C’est plutôt motivant. Il a eu la couronne pendant plusieurs années et je veux lui prendre. J’ai été clair dès le début. Je ne viens pas pour finir 2e. Je veux gagner le championnat et je pense pouvoir réussir dès ma première année. J’ai un package qui, je pense, me permet de le faire. Je dois simplement assainir mes réglages pour être tout le temps devant. Quand tu roules tout le temps derrière un gars, tu t’énerves… C’est ce que je veux faire et le sortir de sa zone de confort.

NÉ LE 04/01/1993 - À Gloucester (Angleterre) ÂGE 27 ans - TAILLE 1m85 - POIDS 78 kg 2019 2018 2017 2016 2015 2014 2013 2012 2011 2010 2009 2008 … 2001

Champion Superbike BSB 21e du championnat du monde MotoGP 14e du championnat du monde MotoGP 15e du championnat du monde MotoGP 13e du championnat du monde MotoGP 12e du championnat du monde MotoGP 2e du championnat du monde Moto2 5e du championnat du monde Moto2 15e du championnat du monde Moto2 8e du championnat du monde Moto2 15e du championnat du monde 125cc 11e du championnat du monde 125cc

Ducati Aprilia Ducati Ducati Honda Honda Kalex Kalex Suter Suter Aprilia Aprilia

Championnat britannique de Minimoto

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WORLD SUPERSPORT

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Impensable ! Le Supersport livre un récit unique cette année. Du jamais vu qui, il faut l'avouer, était même inimaginable avant qu'il ne se produise. L'histoire d'un rookie dans la catégorie qui pulvérise littéralement la concurrence... jusqu'au titre ! Oui, Andrea Locatelli est champion du monde. PAR Maxime Pontreau – PHOTOS PSP Swiderek/Jagielski

"Campione del mondo"

Après des départs prudents, Locatelli hausse le rythme et finit ses courses seul.

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euphorie est à son maximum dans le stand du team Bardahl Evan Bros après la seconde course de Catalogne. La saison comporte encore quatre épreuves, mais le plus important est acquis. L'Italien Andrea Locatelli est – déjà – le champion du monde 2020. "C'est fantastique. Je n'aurais jamais pensé qu'il était possible de gagner immédiatement dans cette catégorie. Il est difficile d'expliquer ce que je ressens actuellement, je suis sur la lune ! L'alchimie avec le team a été parfaite dès les tout premiers moments. On a beaucoup travaillé. Voici le résultat." La performance de l'Italien est exceptionnelle. Ce n'est pas tant par sa finalité, car Sandro Cortese a également gagné le titre en 2018 dès

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French Connection utre Andrea Locatelli, ce sont des Français qui ont essentiellement performé dans la catégorie depuis le début de l'année. Jules Cluzel arrive en tête de liste avec sept podiums en neuf courses. Deuxième à six reprises, le pilote du GMT94 était le meilleur des "autres" pilotes du plateau mais ne pouvait jamais lutter contre son rival italien sur la longueur d'une course. "On essaye d'analyser la situation, mais on n'a pas de réponse, expliquait Jules à Teruel. C'est la même moto, mais ils [le package de la Yamaha n°55] sont globalement mieux que nous dans tous les domaines. Tout est plus simple pour lui. La moto ne bouge jamais, ni au freinage ni sur l'angle ni à l'accélération, et tu vois qu'ils sont mieux en moteur. Il gagne donc un peu de temps partout, sans être en crise. Imagine si j'étais là à le titiller : il aurait encore quelques dixièmes de marge." Malheureusement, la dynamique de Jules va être soudainement stoppée le dimanche à Teruel, à l'entame du quatrième tour de course. Raffaele De Rosa le percute violemment au freinage du virage 1. Jules se fracture le tibia et le péroné de la jambe gauche au contact de la MV Agusta. Il se fera opérer quelques jours plus tard. Cluzel absent, la place de principal challenger revient à Lucas Mahias, qui compte cinq podiums après ces six rounds du WorldSSP. C'est toutefois une maigre consolation pour le champion 2017 qui, lucide, regrette de ne pas pouvoir jouer la victoire à la régulière à cause d'une moto vieillissante. "Je ne peux rien espérer de mieux car on est au maximum du potentiel de la Kawasaki. On est bloqué, on ne peut rien faire de plus quand les autres évoluent. Ce n'est pas comme ça que j'aime faire de la course. Je ne suis pas là pour me battre pour la deuxième place." Seulement, Kawasaki n'a pas prévu de sortir une nouvelle 600cc dans un futur proche et cela devrait donc précipiter le passage de Lucas vers le Superbike. Enfin, l'unique succès ayant échappé au tout nouveau champion du monde cette saison est tombé entre les mains d'un Tricolore : Andy Verdoïa (portrait). Alors qu'un déluge s'abattait sur la première course de Catalogne, le rookie a fait le pari très risqué de rester en pneus slick et d'attendre la présentation du drapeau rouge. Il dépassait alors tous les autres pilotes arrêtés aux stands pour changer de monte juste avant que la direction de course ne décide d'arrêter l'épreuve. Cette victoire fait du Niçois de 17 ans le plus jeune pilote à triompher en WorldSSP. •

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Lucas Mahias tire le maximum de sa Kawasaki.

Locatelli multiplie les célébrations.

sa première saison dans la catégorie, que par la manière dont il l'a accomplie. Locatelli a excessivement dominé le Supersport. L'ex-pilote Moto2 s'est, jusqu'à présent, offert toutes les pole positions de l'année et a remporté toutes les courses. Une seule fait exception : la première manche de Montmeló. Un orage à mi-course et un drapeau rouge ont été nécessaires pour stopper la série de victoires de l'Italien. Sans ça, il serait non seulement invaincu mais aussi quasiment intouchable. Locatelli a triomphé lors de ces dix courses avec une moyenne de 4,2 secondes d'avance sur le deuxième. "Andrea est un pilote très fort et très rapide, reconnaît Fabio Evangelista, son team manager, mais il est surtout très méthodique dans son travail et son approche du pilotage. C'est ce qui lui a permis d'être aussi rapide sur tous les circuits." De son côté, le champion n'a eu de cesse cette année, après chaque épreuve, de vanter les mérites de son team et le travail réalisé par tous ses techniciens. Quant aux rumeurs et accusations de non-conformité de sa R1 qui s'entendent à demi-mot dans le paddock, l'Italien répond : "Mon moteur a été totalement ouvert en Aragon et les contrôles étaient ok. L'essence est ok. La pression des pneus est ok. Tout est sous contrôle." Actuellement, si des dérives existent, seule une réclamation auprès de la commission technique du championnat pourrait les mettre à jour, mais aucune équipe du plateau ne s'y est encore risquée.

Classement WorldSSP POS. PILOTE 1 2 3 4 5

Andrea LOCATELLI Lucas MAHIAS Jules CLUZEL Philipp OETTL Raffaele DE ROSA

NAT.

MOTO

ITA

Yamaha

FRA

Kawasaki

FRA

Yamaha

GER

Kawasaki

ITA

MV Agusta

POINTS 263 159 146 124 106

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WORLD SUPERSPORT 300

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Mano a mano

En dix courses, sept pilotes différents sont montés sur la plus haute marche du podium. Le Supersport 300, encore une fois, semble imprévisible, sauf pour quelques pilotes expérimentés qui parviennent à rester aux avant-postes. Deux se démarquent : Jeffrey Buis et Scott Deroue. PAR Maxime Pontreau – PHOTOS PSP Swiderek/Jagielski

ls sont coéquipiers, compatriotes et adversaires directs pour le titre 2020. Les Néerlandais Jeffrey Buis (n°6), 18 ans, et Scott Deroue (n°95), 24 ans, ont transformé la grande empoignade qu’est généralement le Supersport 300 en un mano a mano aussi tendu que cordial. Les deux jeunes hommes se respectent et, faisant partie tous deux du team MTM Kawasaki Motoport, s’entraident même régulièrement aux qualifications ou au warm up. Cette situation est paradoxale, mais elle fait aussi leur force. Cela leur a permis de s’élever un léger cran audessus des autres pilotes de la catégorie. En cumulant chacun six podiums, ils se sont installés en tête du classement provisoire avec un petit matelas de sécurité. De là à dire que tout ne se jouera qu’entre eux, il n’y a qu’un pas que l’on ne peut franchir. Un zéro pointé est vite arrivé dans cette catégorie. Buis et Deroue le savent. Ils doivent leur unique résultat blanc cette saison à un accrochage avec un autre pilote.

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A quatre courses du verdict, l’avantage est en faveur du plus jeune (16 points). Buis compte trois victoires, dont un superbe doublé à Aragon, quand Deroue ne s’est imposé qu’une fois, lors de la seconde course de Portimao. Ce dernier ne s’en formalise pourtant pas : "Je pense que tout se passe bien pour l’instant. Je suis content de ma saison. Nous sommes réguliers et c’est le plus important." C’est effectivement le nerf de la guerre en 300cc. La catégorie ne manque pas de pilotes rapides. Unai Orradre, Bahattin Sofuoglu, Ana Carrasco (qui ne participera pas à la fin de la saison à cause de vertèbres fracturées lors d’un entraînement), Tom Booth-Amos et Yuta Okaya ont tous gagné une course cette saison, mais aucun n’a fait preuve d’une régularité aussi solide que Buis et Deroue. Seul Sofuoglu (n°54), troisième du provisoire avec sa Yamaha R3, réussissait à s’imposer deux fois. Sans un week-end vierge à Aragon, le jeune Turc serait d’ailleurs certainement plus dangereux pour Scott Deroue. Rien n’est totalement perdu pour autant avec 47 points

de retard sur le premier. Ainsi, la fin de saison risque de se jouer à l’expérience et, de ce côté, Deroue en possède bien plus que Jeffrey Buis. Il est présent dans la catégorie depuis sa création en 2017 et n’est jamais descendu du podium final (3e, 3e et 2e). Buis effectue quant à lui sa deuxième campagne en Supersport 300 mais déborde de confiance. "J’ai un super feeling cette année. Je ne m’attendais pas à être aussi bon. J’étais déjà dans cette équipe l’année dernière et la continuité paie. L’équipe réussit toujours à me préparer une très bonne moto, avec les réglages que je veux. La stratégie est simple maintenant : marquer le plus de points possible à chaque course." Côté Français, Samuel Di Sora (n°46) tire son épingle du jeu avec sa 12e place au provisoire. Il effectuait notamment une superbe course sur le mouillé à Catalunya et s’offrait son premier podium dans la catégorie avec une deuxième place. Le pilote du Leader Team Flembbo assurait alors avoir réglé un problème sur son train avant qui le perturbait depuis plusieurs courses. Cela promet une belle fin de saison. •

Classement WorldSSP300 POS. PILOTE 1 2 3 4 5

Jeffrey BUIS Scott DEROUE Bahattin SOFUOGLU Unai ORRADRE Ana CARRASCO

NAT.

MOTO

NED

Kawasaki

NED

Kawasaki

TUR

Yamaha

ESP

Yamaha

ESP

Kawasaki

POINTS 158 142 111 98 97

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ENDURANCE I SYNTHÈSE

43 e 24H MOTOS DU MANS

SANS accrocs

Le F.C.C TSR Honda France a remporté les 24H Motos du Mans au terme d’une course parfaitement gérée. L’équipe japonaise s’est imposée devant une Kawasaki #1 faisant face à quelques challenges et la Suzuki #2 du SERT qui conforte son leadership en tête du classement EWC. PAR Maxime Pontreau – PHOTOS PSP Swiderek/Jagielski

Comme sur des roulettes e team F.C.C TSR Honda France n’aurait pu rêver meilleure course, surtout pour la première sortie de la nouvelle CBR1000RR-R. L’équipe japonaise, associée à la filiale française du blason ailé, a remporté les 24H Motos du Mans pour la deuxième fois en trois participations. Après un bon départ de la quatrième position, la Honda #5 s’est rapidement emparée de la tête de

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course avec Mike Di Meglio. Une première place qu’elle allait se partager avec le YART et le BMW Motorrad World Endurance Team au jeu des ravitaillements, jusqu’aux chutes des Yamaha #7 et BMW #37. Seule devant quatre heures après le départ – le deuxième étant déjà à un tour – la Honda #5 va alors maintenir son rythme et gérer sereinement son avance.

Mouillée, séchante et même parfois sèche sur la trajectoire, la piste du Bugatti est particulièrement délicate à appréhender au gré des averses, mais les pneus Bridgestone n’ont jamais été aussi efficaces dans l’ensemble de ces conditions. De son côté, la CBR fait preuve de performances impressionnantes malgré un faible développement et un moteur stock (seul le régime moteur max a été réduit pour limiter les risques de casse). Sans faire la moindre erreur ni connaître le moindre accroc, Josh Hook, Freddy Foray et Mike Di Meglio – auteur du meilleur tour en course pendant la nuit – terminent la 43e édition des 24H Motos du Mans avec deux tours d’avance sur le Webike SRC Kawasaki France Trickstar. Grâce à cette victoire, le F.C.C TSR Honda France n’a pas seulement fait un énorme bond au classement provisoire EWC, en passant de la 12e à la 2e place, il a également laissé entrevoir un immense potentiel avec cette CBR 2020. L’équipe peut encore viser le titre mondial cette année… et a tout pour devenir la référence des prochaines saisons.

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La finale aux 12 Heures d’Estoril

Du positif pour la suite

Crise sanitaire oblige, les 8 Heures de Suzuka ne seront pas la finale du championnat FIM EWC 2019-2020. Ce sont donc les 12 Heures d’Estoril qui reprennent le flambeau afin d’offrir une quatrième course à cette saison chahutée. Absent du calendrier depuis 2000, le circuit portugais représentera un sacré défi pour tous les prétendants au titre. Si le SERT possède une avance confortable (40 points), rien n’est acquis. Conformément aux règlements FIM, les points accordés sur cette manche finale sont valorisés à 150 %. Il y a donc 67,5 points en jeu : 5 pour la pole position, 10 pour la première place à 8 h de course et 52,5 pour la victoire finale. Réponse le 26 septembre (juste après notre bouclage…).

défaut d’avoir pu gagner une nouvelle fois les 24H Motos du Mans, le Webike SRC Kawasaki France Trickstar, 2e, et le Suzuki Endurance Racing team, 3e, retenaient du positif de ce troisième rendez-vous de la saison. Obligé de passer chez Michelin après le retrait de Pirelli en pleine saison d’EWC, le SRC pouvait avoir des doutes sur sa compétitivité avec ce changement majeur. Choix des gommes suivant les conditions, pressions pneumatiques, Le Mans réglages de la moto… tout était à faire et à apprendre. Les essais ne peuvent remplacer l’expérience d’une course et c’était la première avec le manufacturier français. De plus, l’équipe se voyait privée de son boss Gilles Stafler, absent au 13°C - 22°C Sec & mouillé Mans pour des raisons de santé. Qualifiée en septième position, la Kawasaki #1 – toujours emmenée par David Checa, Jérémy Guarnoni et Erwan Nigon – réalisait PODIUM finalement une course studieuse. Seul un souci mécanique vers 2 h du matin lui faisait perdre du temps. Troisième à deux heures du drapeau à damier, 1. F.C.C TSR Honda France #5 la Kawasaki #1 profitait d’une chute du SERT pour s’emparer d’une deuxième 2. Webike SRC Kawasaki France place salutaire. "Nous n’étions pas les plus forts sur le papier, mais nous avons Trickstar #1 réussi à inverser la tendance, confiait Jérémy Guarnoni. Je prends ce résultat 3. Suzuki Endurance Racing Team #2 comme une bonne surprise. Nous avons clairement manqué de roulage, car même si les Michelin sont très performants, il nous a fallu repartir de zéro. Meilleur tour Une bonne partie de la mise au point a été réalisée, mais il nous faut Mike Di Meglio (F.C.C TSR encore peaufiner pour retrouver le chemin de la victoire." Honda France) 1'36.985 De son côté, le SERT réalisait une bonne opération au championnat en s’octroyant la dernière marche du podium avec ses pilotes Gregg Black, Pole position Étienne Masson et Xavier Siméon. Ceci malgré deux chutes en course, YART - Yamaha dont une seconde qui lui coûtait la deuxième place. "La course fut dure 1'36.706 (moyenne des trois pilotes) pour tout le monde avec le contexte et les conditions, détaille Etienne Masson. Nous avions la consigne de faire notre course sans regarder les autres car notre package n’est pas idéal dans les conditions séchantes. Et malheureusement, Gregg s’est fait piéger. Les Japonais nous ont apporté un nouveau cadre en juillet et depuis la moto est plus POS. TEAM NAT. MOTO POINTS facile, bien plus agréable à piloter. Nos problèmes de grip sur l’angle à l’avant ont été corrigés. 1 Suzuki Endurance Racing Team FRA Suzuki 127 Après, face à la concurrence, nous avons du travail à faire avec Dunlop sur le mouillé et le séchant. 2 F.C.C TSR Honda France JAP Honda 87 Les Bridgestone fonctionnaient vraiment bien !" 3 YART – Yamaha AUT Yamaha 82 L’équipe de Damien Saulnier possède désormais 40 points d’avance avant la finale d’Estoril. 4 BMW Motorrad World Endurance Team BEL BMW 82 "C’est beaucoup, mais ce n’est pas assez" rappelait 5 Webike SRC Kawasaki France Trickstar FRA Kawasaki 80 néanmoins le team manager de la Suzuki #2. •

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A retenir de cette course

Classement EWC 2019-2020

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RENCONTRES I PAS DE PLACE POUR… LA FOLIE ?

E? I L O F A L . . . R E POU PAS DE PLAC

K C A L B g g e r G / S A I H A M s a c Lu S N A E I B s R e v Y B e r r I e i /P S L T I R ESP

Sous les feux des projecteurs, un pilote moto en Mondial est sans cesse observé et fatalement jugé. Résultat : chacun s’autocensure et les paddocks s’assoupissent. Il ne faut cependant pas croire que cette norme fait loi. Un grain de folie persiste chez certains. Lucas Mahias, Gregg Black et Pierre-Yves Bian ont accepté de nous en donner un aperçu. Par Maxime Pontreau – Photos MP & Tommy Marin

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S T I R P ES Entrée en scène - discrète - de Gregg Black, Lucas Mahias et Pierre-Yves Bian.

ntre enjeux sportifs et financiers, ultra-médiatisation (via les réseaux sociaux) et moralisation excessive, le sport moto n’a jamais été aussi aseptisé. La professionnalisation des compétitions a du bon, voire du très bon, mais elle a également retiré une certaine saveur au milieu. Un grain de folie qui rendait le sport moto unique. Exemple criant : Valentino Rossi célébra sa première victoire au Mugello en 1997, en 125cc, en paradant avec une poupée gonflable – nommée Claudia Schiffer – afin de chambrer son rival Max Biaggi. Une telle chose est impensable deux décennies plus tard. Désormais, en Mondial, la moindre altercation entre pilotes est réprimandée (au WorldSBK de Teruel, Michael van der Mark et Sylvain Barrier ont écopé de 1000 € et 500 € d’amende pour leur embrouille). Plus généralement, sortir du rang est mal vu. Lorsque l’idée d’évoquer cette absence de "folie" dans le sport moto a donc germé chez SportBikes, convier le trio Mahias/Black/Bian pour nous prouver le contraire fut une évidence. Les trois potes n’évoluent pas seulement à haut niveau dans différentes compétitions motos, ils se distinguent aussi par leurs délires une fois ensemble, dont nous avions entendu parler. Et dire qu’ils ont pris leur mission très à cœur n’est pas exagéré… Inutile de présenter Lucas Mahias – pilote du team Kawasaki Puccetti en Supersport mondial, titré dans la catégorie en 2017 et champion du monde d’Endurance en 2016 – ou Gregg Black, qui pilote la Suzuki du SERT en FIM EWC depuis le Bol d’Or 2017. Moins connu en revanche, Pierre-Yves Bian sévit lui en IRRC, le championnat du monde de courses sur route, et s’est illustré sur l’île de Man en 2019 en remportant la course "Newcomers" (regroupant tous les débutants) du ManxGP, une première pour un Français. Ayant fait forte impression, il aurait même dû participer au Tourist Trophy dès cette année si la course n’avait pas été annulée. En attendant donc le TT 2021, Pierre-Yves se retrouve affublé d’une

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perruque blonde, d’un pantalon rose et d’une chemise alliant têtes de chats et sandwichs kebab. Gregg a préféré enfiler un costard en toile vert et rendre un hommage capillaire à Elvis Presley. Quant à Lucas, sa postiche rousse et ses petites lunettes de soleil rondes s’associent parfaitement à un vieux perfecto noir en cuir. Sur la place principale du petit village où habite Lucas, le trio détonne au volant d’un buggy. Ils sont simplement venus me chercher. Etonné mais pas totalement surpris, j’embraye derrière le 4 roues motrices pétaradant pour deux jours d’aventures. Malgré ces déguisements, il ne faut pas croire, Gregg, Lucas et Pierre-Yves ne sont pas des rigolos. Le programme concocté pour

Race. Chaque s avec la Road n à prendre. pa le go ri ne bo PYB raccourci est

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E R B I L

PAS DE PLACE POUR… LA FOLIE ? I RENCONTRES

Chacun a sa discip Gregg, c' est le Sup line de prédilectio ermo n. Po personne (deux fois to... et il a donné d ur e !) pour no us le prou sa ver.

Non, l'habit

ces deux journées est chargé. Enduro, trial, motocross, supermoto, canoë-kayak de nuit, pêche (sauf pour Lucas qui préfère creuser des ornières), babyfoot, barbecue, drift en C15 (le plus important)… ça ne déconne pas. C’est typiquement l’un de ces stages d’entraînement qu’ils ont l’habitude de s’organiser plusieurs fois par an. Objectif ? S’entraîner, se tester et s’épuiser – physiquement et moralement – dans différentes disciplines afin d’être meilleur en course. Le rythme est soutenu, les journées sont planifiées à la minute près. C’est du très sérieux, sans se prendre au sérieux. Car, oui, les deux sont compatibles. D’où les déguisements et quelques écarts dans le planning le temps d’une photo, d’un hommage à Johnny Hallyday ou de sauts improvisés en C15 (paix à son âme). Y a-t-il encore un peu de folie dans le sport moto ? Assurément, mais pas en toutes circonstances. Plus important, les personnalités ne sont pas toutes bâillonnées. En voici la preuve par trois… Pourquoi ces déguisements pour rouler lors de vos entraînements ? Pierre-Yves Bian : Cela nous fait marrer. Perso, c’est un truc que je faisais beaucoup pendant mes études. Lucas, lui, se déguisait déjà souvent avec Serge [Nuques]. Gregg a suivi… Lucas Mahias : Cela crée parfois des situations improbables. Imagine l’un d’eux bloqué dans la boue avec un costard ou une perruque. Gregg Black : Tu vois l’autre galérer, au bout du rouleau, le cœur à 180… et toi tu es sur le côté à te marrer. PYB : Car on ne risque pas d’aller l’aider ! LM : Surtout, les déguisements nous enlèvent une certaine pression, évitent que le truc soit trop sérieux. Après, on ne se déguise pas tout le temps. On le fait quand on a des idées. En réalité, c’est même rarement prévu. Ça ne part de rien parfois. Puis c’est aussi une façon de se moquer un peu de tous ces mecs du milieu de la moto qui se la racontent quand même à mort. Pourquoi se moquer ? Pour être différents, antisystèmes ? LM : Pas du tout ! C’est juste pour se moquer des pilotes qui se la racontent pour rien.

ne fait pas le

pilote !

Drifter en C Pas sûr, m 15, utile pour l'entr ais c'est fu aînement ? n!

GB : Tu les vois avec leurs casquettes à l’américaine, leurs lunettes, les dernières fringues, prendre la pose sur chaque photo… alors que la vie n’est pas comme ça. Tout le monde fait des conneries. LM : On aime bien montrer qu’on est aussi rapides qu’eux, voire plus rapides que certains, tout en faisant les beaufs. On cumule les clichés. Et cela plaît à vos fans vous pensez ? LM : Oui, car il y a une certaine proximité. Ils s’identifient plus facilement à nous qu’à un pilote qui, rien qu’en fringues, porte le montant de son salaire mensuel. Il aura forcément plus de mal avec ce genre de personnage qu’avec moi qui traîne en C15 et est habillé comme un plouc… Les gens aiment ça. Ils aiment surtout la simplicité. Il faut rentrer dans le moule aujourd’hui pour figurer en compétition. Avez-vous une pression des marques ou sponsors à cause de vos personnalités ? GB : La pression des marques, tu l’as toujours. Tu dois faire attention à ce que tu fais, avoir une certaine image. Tu sais en plus qu’à présent, avec les réseaux sociaux, rien ne te sera pardonné. Cela reste pénible de devoir tout le temps jouer le jeu : faire des stories, poster tel style de photo, etc. Mais pire, c’est du vu et revu. Tous les pilotes postent les mêmes images sur les réseaux

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S T I R P

E R B I L Petite pause sous le regard bienveillant de Johnny, idole parmi les idoles.

Lucas empêche pas Se déguiser n' le chrono sur une petite er d'aller cherch duro en forêt. spéciale d'en

– regarde les comptes des pilotes MotoGP – mais tu y es obligé. Il y a tellement de pilotes sur le marché que si tu ne rentres pas dans cette petite case c’est compliqué pour toi. Faut tout faire beaucoup mieux qu’à l’époque, mais la valeur des contrats, elle, suit une courbe inverse. PYB : On m’a dit à l’époque que de traîner avec Lucas ne serait pas bien vu. On m’a aussi fait des reproches sur le style de mes combinaisons, les couleurs et d’autres trucs. J’ai calmé le jeu. Je ne voulais pas faire clown de foire. La Road Race reste familiale, heureusement, mais faut être professionnel. Plus globalement, c’était bien vu auparavant de faire le rebelle. Maintenant, tu ne peux plus te permettre. LM : Tu vois, moi, j’ai changé. Avant d’être champion du monde chez Yamaha, j’ai tout fait dans les règles. Depuis, je suis peu à peu en train de revenir à ce que je faisais avant : poster des trucs plus funs, des blagues et les gens apprécient. En fait, le titre mondial m’a offert une certaine liberté. Tu as prouvé quelque chose donc ils sont moins casse-c*** avec toi. Tout dépend aussi du constructeur. Passer chez Kawasaki a été une bonne chose pour cela. Ils sont beaucoup plus souples. C’est plus familial et vachement plus facile à vivre. Ils aiment un peu tout ce qui est différent. Je n’ai pas la boule au ventre en allant sur une course comme j’ai pu l’avoir avant. Mais je ne m’autoriserais pas ce que je fais aujourd’hui sans avoir été champion. Je ferais comme tout le monde, je fermerais ma g***. Y a-t-il encore des aspects funs dans le paddock ? LM : Non, en WorldSBK, aucun. PYB : La Road Race est encore cool, grave. Au Tourist Trophy ou à la North West 200, tu peux aller au bar le soir et y croiser tous les top pilotes. Quand ça ne roule pas le lendemain, ils boivent des coups, discutent, etc. C’est convivial. Tu peux te retrouver à boire une bière avec Dunlop [Michael]. C’est top et tu n’auras aucune remarque d’un constructeur. Il y a aussi de l’entraide

Travailler l' sous les m équilibre en évitan t o du kayak. queries de ses po de finir à l'eau tes, c'est Et l'histoir tou e peut du rer longte t l'intérêt mps...

entre les pilotes et les équipes. GB : Si tu es dans un team privé en Endurance, ça va, c’est cool. Tu as du temps pour traîner dans le paddock, voir les gens. C’est bon esprit. C’est différent depuis que je suis au SERT simplement car j’ai beaucoup plus d’obligations, donc moins de temps, et automatiquement tu vois moins les gens. Tu n’as pas pris la grosse tête pour autant, comme peuvent le croire certains. Rien n’a changé. Simplement, c’est tout bête, quand mon boulot est fini, j’ai juste envie de me reposer. Lucas, la passion de la compétition reste quand même plus forte que l’agacement d’être dans un milieu aseptisé ? LM : Je ne sais pas… C’est tout de même compliqué parfois. J’ai envie de tout envoyer ch*** quand ça ne marche pas, quand on m’em*** pour une connerie. Je me dis parfois que c’est trop de pression pour rien au final. Puis tu rentres chez toi et tu n’as envie que d’une chose : repartir. Il n’y a que la course qui te procure l’adrénaline que tu recherches. Vous n’avez pas peur que notre reportage vous fasse du tort ? GB : Il y a l’image et la réalité. La réalité est que l’on s’entraîne

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S E R Entre le trio et les C15, il existe une véritable histoire d'amour, au point de s'envoyer en l'air...

énormément, que l’on fait beaucoup de sport et de moto. Ce n’est pas un exploit. C’est du travail, ce n’est pas toujours plaisant et on ne ressent pas le besoin de le montrer. A côté, on sait délirer et votre sujet nous a tentés. Mais c’est clair qu’il faut faire attention avec l’image que cela renvoie… LM : Non mais il faut mettre toutes les photos dans le sujet… [tout simplement impossible !] GB : Je ne sais pas, car il ne faut pas non plus que les gens pensent que l’on fait n’importe quoi. On travaille lors de nos stages d’entraînement, mais en s’amusant. Les deux ne sont pas incompatibles. Chaque activité a un objectif. On bosse le cardio, l’équilibre, la concentration, la force, etc. Tout

est complémentaire. C’est ce qu’il faut pour être compétitif en moto. LM : On entretient surtout un gros esprit de compétition. Le moindre jeu devient une guerre, c’est fou. GB : C’est même insupportable, car il y en a toujours un pour chauffer les autres. PYB : Et je peux t’assurer que c’est pour ça que nos stages sont si fatigants. On se pousse à bout. LM : Parfois t’es crevé, t’as pas envie, mais comme l’autre a perdu avant il relance une activité. Toi tu ne peux pas te laisser faire. Et ainsi de suite. PYB : J’ai remarqué qu’être avec eux tout le temps, avec des mauvais perdants, surtout Gregg, m’a rendu plus résistant sur la moto en course. Par contre, on ne peut plus se supporter après une semaine passée ensemble, jusqu’à ce que l’on se quitte. Puis on veut recommencer car on s’est marrés. LM : Au final, cette façon de faire nous fait progresser. • L'esprit d

e compéti constamm tion est ce qui moti ve le trio ent se d même lors d'une sim épasser et se fatig à ue ple partie de baby-fo r, ot !

ves, Lucas teurs, Pierre-Y es, Loin des projec pl t les choses sim entouré. et Gregg aimen et i rn ga en bi ecue tel un bon barb

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PAS DE PLACE POUR… UN AUTRE SPORT ? I RENCONTRES

PAS DE PL ACE POU R... U N AU TRE SPO RT ?

RANDY DE PUNIET & FREDDY FORAY UN PETIT BEAU VÉLO DANS LA TÊTE

Enfants, ils ne rêvaient que d'une chose : remplacer au plus vite leur biclou par une moto. Pourtant, quand Randy et Freddy se réjouissent aujourd'hui de piloter les plus belles machines, ils ne pensent pas uniquement à celles dotées d'un moteur. Texte et photos Tommy Marin est un fait : les cyclistes "routards", leurs mollets rasés, leur accoutrement parfois bariolé et/ou trop près du corps (si on a plus de ventre que de pectoraux) sont régulièrement sujets aux moqueries des motards. Mais il faut le savoir : ça fonctionne aussi dans l'autre sens, avec nos hypersportives RR-R, nos cuirs façon BDSM et nos casques Replica pour (normalement) rouler à 80. Bref : à priori, ces deux mondes, s'ils partagent l'amour du 2-roues, ne s'aiment guère. Pourtant, nombre de pilotes moto de haut niveau enchaînent les kilomètres en pédalant, non seulement pour "se faire la caisse", mais aussi parce qu'ils adorent ça. Parlez à un Cal Crutchlow (ou, avant lui, à un Troy Bayliss) de vélo : les pupilles se dilatent, le sourire s'étire et la logorrhée sur les atouts des jantes hautes, du nouveau pédalier avec capteur de puissance intégré et autres chaussures à fixation Boa devient difficile à interrompre. Chez Sport-Bikes, on est curieux. Et si j'ai toujours apprécié le VTT, j'ai voulu comprendre ce que tous ces grands pilotes pouvaient bien trouver au vélo de route. A l'été 2018, je mets donc de côté mes a priori sur le Tour de France, son dopage, les groupes du dimanche matin qui prennent toute la chaussée, et j'achète un "course" d'entrée de gamme, pour voir. Mal m'en prend : en deux mois, je deviens accro. Quand j'ai l'occasion de visiter, grâce à mon collègue Maxime, les locaux de Specialized France, je ressens ainsi cette même excitation que lors de mon reportage dans les ateliers KTM Factory Racing, par exemple. Et comme certains membres de l'équipe Specialized s'avèrent férus de moto, nous avons beaucoup de choses à nous raconter… Forcément, depuis, j'ai craqué sur un "Spe". Et au fil du temps, une idée a germé : réaliser un sujet avec deux pilotes moto professionnels par ailleurs cyclistes "amateurs" (si l'on peut dire…) sponsorisés par la marque californienne.

C'

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Comme la moto, le vélo offre un immense sentiment de liberté.

En cette mi-août, Randy de Puniet, Freddy Foray et moi-même nous sommes ainsi donné rendez-vous sur la Côte d'Azur pour une journée en lycra. Initialement, je devais (tenter de) me mêler au duo avec mon propre vélo. Mais divers rebondissements m'imposent finalement de gérer la captation des images. C'est donc en écrasant la pédale d'accélérateur de ma voiture de location (pas d'inquiétude, avec 69 ch, je ne risque pas grandchose) que je me rends sur les différents spots, tandis que Freddy et Randy malmènent le pédalier de leurs S-Works (la marque haut de gamme Specialized), identiques aux machines utilisées par les coureurs des grands tours. Ça ne rigole pas. "Regarde, j'ai le 7e chrono sur 7000 sur ce segment Strava*, lance Randy en zieutant son smartphone. Je suis sûr qu'on peut monter encore plus vite." Et Freddy d'ajouter : "C'est dommage, on avait un vent de face." Autant l'admettre : mon regret de ne pas rouler en compagnie de ces deux forcenés s'estompe rapidement. Des balles de guerre, pas loin de répliquer le cintre en mains leur excellence au guidon d'une 1000cc. Alors, pourquoi ce goût de l'effort, des beaux vélos ; pourquoi cette pratique loisir d'un sport à priori bien moins sensationnel que celui pour lequel ils sont payés ; quel intérêt pour la moto ? La sortie est terminée, ils vous en parleront mieux que moi !

* Strava est un réseau social destiné aux sportifs

Depuis quand faites-vous du vélo ? Randy : J'ai commencé il y a une vingtaine d'années. Mais je pratiquais plusieurs sports, je n'étais pas spécialement branché vélo. Puis en 2009, je me suis fracturé la cheville. Je ne pouvais plus faire de footing, de squash… tous ces sports où la cheville est très sollicitée. Le vélo s'est avéré la solution idéale pour travailler ma condition sans me faire mal. Freddy : Quand j'étais au SERT, Vincent Philippe était toujours à toc avec son vélo. Il m'a convaincu d'en acheter un et de m'y mettre. Puis, un peu comme Randy, je me suis cassé – des vertèbres – et j'ai vraiment mis l'accent sur le vélo. En plus d'être un sport complet, ça te permet de découvrir des paysages, de te "promener"… même si évidemment, on roule plutôt à l'attaque qu'en mode pépère. Ça devient vite très addictif, je ne pensais pas à ce point. Vous sortez combien de fois par semaine ? Quelles distances ? Quel type de parcours ? Randy : Ça dépend surtout de mon planning… Quand je suis à la maison, je fais cinq sorties hebdomadaires. Après, je pratique

à nouveau d'autres sports à côté, donc je dois arbitrer. Je fais des sorties entre 80 et 110 km, 3 h 30 maximum. Je roule sur un rythme élevé, ça ne m'intéresse pas de monter pendant 5 h à 15 km/h de moyenne… J'ai quand même fait le Ventoux parce que c'est un truc mythique, mais je préfère une bonne sortie de 3 h bien intense. Freddy : Je suis un peu têtu et j'aime bien me lancer des défis à la c*n. L'année dernière, je me suis donc "amusé" à monter le Ventoux par ses trois versants en une sortie. Cette année, je voulais absolument faire une sortie de 8 h, ce qui correspond à la totalité de mes relais sur une course de 24 h. Mais bon, franchement, c'est trop, ça fatigue énormément et c'est limite contre-productif pour la préparation physique. D'ailleurs, je me demande comment ils font sur les grands tours pour repartir chaque jour, car c'est vraiment usant. Le piège, c'est que plus tu fais du vélo, plus tu es à l'aise. Au début, 3 h, ça te paraît beaucoup, mais rapidement, quand tu pars pour 100 bornes, tu as l'impression que tu n'as pas eu ton compte.

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PAS DE PLACE POUR… UN AUTRE SPORT ? I RENCONTRES

Ces vélos sont les mêmes que ceux des cyclistes du Tour de France. C'est comme si tu achetais la CBR de Bautista... Freddy Foray Freddy : C'est la même différence qu'entre une moto d'origine et une moto de course : si toi, Tommy, tu essaies une moto stock puis la même en version Superbike, tu te sentiras forcément mieux sur celle d'origine. Randy : Ce sont des vélos exclusifs. Si tu achètes ça juste pour la beauté de l'objet, le plaisir d'avoir le top du top, mais que tu es un cycliste amateur, sans plus, tu pleures. Ne redoutiez-vous pas de vous ennuyer sur un vélo, vous qui êtes habitués à rouler à 300 à l'heure sur des machines surpuissantes ? Randy : Non, car ce n'est pas le même truc. Je prends vraiment du plaisir à faire du vélo de route – pas en descente, parce que c'est juste super dangereux, mais plutôt à me mettre dans le rouge, dans le dur. La vitesse n'entre pas en ligne de compte, c'est plus une question de ressenti physique. Freddy : Je crois qu'on s'est tous dit la même chose : "Comment tu peux faire du vélo de route, c'est ch***t ?" En fait, non, c'est génial : tu te vides la tête, tu vas dans des coins où tu n'irais pas à pied ou en voiture.

C'est devenu une passion ? Randy : Je ne dirais pas une passion. J'adore ça, mais je ne vais pas me mettre en transe, ne penser qu'à ça ou faire tourner ma vie autour de ça. J'ai 39 ans, je me régale sur mon vélo, mais si un matin j'ai envie de dormir, je n'y vais pas. Freddy : Passion, ça veut un peu tout et rien dire. Mais je suis quand même très captivé par l'aspect technique et je ne pensais pas que je baverais un jour devant des vélos… Le fait de comparer nos bikes, par exemple, qui sont deux modèles bien différents ; les atouts des roues, la technique de pédalage… j'adore ça ! Aller jusqu'à dire que ça m'habite, que ça m'empêche de dormir, non, mais je suis vraiment hyper intéressé. Une moto est une machine très complexe ; un vélo semble bien plus simple. La technique vous intéresse malgré tout ? Freddy : Il y a six mois, j'ai changé de vélo. Je suis passé d'un Specialized Tarmac au S-Works Tarmac. J'ai fait 500 km et je suis retourné au magasin qui me sponsorise pour leur dire que je n'y arrivais pas. Je roulais moins vite avec ce vélo ultra haut de gamme qu'avec l'autre, j'avais mal partout… Je ne comprenais pas. Ils m'ont expliqué qu'aujourd'hui, ces vélos sont les mêmes que ceux des cyclistes du Tour de France. C'est comme si tu achetais la CBR de Bautista… Il y a des techniques de pédalage spécifiques à ces vélos, et si tu ne les appliques pas, ça te détruit les jambes, tu n'avances pas. Donc, sincèrement, je pense que le vélo est bien plus technique qu'il n'y parait. Je ne suis qu'au début de l'apprentissage et c'est pour ça que ça me plaît autant. Randy : Avec mon vélo, qui est un vrai bout de bois, bien plus que celui de Freddy, attention comment je dérouille quand je ne suis pas en forme… Un moment, tu prends tout dans la gu***e, tu n'as plus de jambes et c'est terminé.

Roulez-vous majoritairement en groupe, en solo, ensemble… ? Freddy : Perso, j'aime bien rouler en solo. 95 % du temps, je roule tout seul. Randy : J'évite les sorties en groupe. Il y a toujours des pénibles dans le lot… On roule à deux ou trois personnes maximum. Freddy : Je pense qu'on a un peu la même mentalité avec Randy : on se moque un peu de faire la course – quoi que… [rires] Notre objectif, c'est d'arriver en haut et de nous dire : "Waouh, là, je me suis fait mal, j'ai tout donné !" Quand tu roules avec quelqu'un qui n'a pas cette mentalité, c'est compliqué. Tu as Strava, tes segments, ça te suffit à te mettre en compétition avec toi-même ou avec tes potes. Randy : Et puis c'est un sport de vicieux, de malins. Quand je roule avec Freddy, on se partage les relais intelligemment. Mais pour certains, le jeu, c'est de te sucer la roue tout le long et juste avant la fin du chrono, quand tu as fait tout le boulot en les emmenant dans ton aspiration, ils t'attaquent. Avec ceux-là, en général, ça se termine mal. Attention : ces deux-là ne font pas semblant !

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Il vaut mieux faire des sorties courtes, travailler en fractionné, pour ne pas rentrer dans une sorte de zone de confort et perdre ton agressivité.

Randy de Puniet

En dehors de l'aspect physique, le vélo vous aide-t-il à être de meilleurs pilotes ? Freddy : Sur ton vélo, tu es tout seul. Et quand tu es à 40 km de chez toi, il faut que tu rentres, même si tu es cuit. C'est un peu comme sur la moto en endurance : il est 4 h du matin, il faut que tu y ailles, sans t'écrouler. Tu dois tenir – sans te mettre dans le rouge, parce que tu n'as plus d'énergie, mais aller au bout. Trouver ce second souffle, convaincre ton cerveau que ça peut le faire quand ton corps ne veut plus. Randy : Par contre, il faut faire attention à ne pas aller dans l'excès. Quand j'étais en GP, je faisais beaucoup de vélo l'hiver pour travailler le foncier. Mais il m'est arrivé de trop en faire et de m'épuiser. Le vélo de route, ça use : 3-4 h de vélo quatre ou cinq fois dans la semaine, ça fait beaucoup et tu peux perdre un peu la niaque. Il vaut mieux faire des sorties courtes, travailler en fractionné, pour ne pas rentrer dans une sorte de zone de confort et perdre ton agressivité.

Freddy : Le VTT est bien pour travailler l'explosivité. J'en fais, c'est plus fun, mais c'est aussi plus dangereux – surtout quand, comme nous, tu as un bon niveau en motocross. Les VTT modernes ont des capacités incroyables à rouler très vite en descente, avec des suspensions dignes de motos : tu peux attaquer de folie, jusqu'au moment où… Je participe régulièrement au Roc d'Azur, et en général, les gars avec lesquels je me bats au classement sont beaucoup plus lents que moi dans les descentes, mais ils me rattrapent dans les montées ! [rires] Bref, c'est top, c'est magique pour faire du fractionné, mais il faut faire attention car tu peux te faire mal. Décrivez-nous vos machines. Randy : Je roule sur un Venge. C'est une arme pour la plaine, avec des roues très hautes, en 64 mm, pour favoriser l'inertie et la traînée aéro. Un avion si tu as les jambes. Celui de Freddy est beaucoup plus polyvalent. J'ai monté le Ventoux avec mon Venge, je m'en souviens encore… J'en ai vraiment bavé ! Freddy : Moi, c'est un Tarmac. Il est bon partout. Les roues en 50 mm sont un bon compromis. Au-dessus, ça ne sert à rien si tu n'es pas lancé à plus de 30 km/h – au contraire, ça te ralentit. Et si tu veux faire de la montagne, l'idéal, c'est les roues "plates", 5 mm ou un truc comme ça. J'ai essayé un Venge, c'est vraiment très différent. Tu as l'impression qu'il fait trois kilos de plus, alors qu'il y a peut-être 500 grammes d'écart. Mais en fait, il est collé à la route et fait pour rouler très vite. Les deux sont vraiment excellents dans leur domaine. Randy : Franchement, je crois que si mon contrat avec Specialized cessait, j'en achèterais un. C'est vraiment rare d'être sponsorisé par une marque que tu aimes vraiment. Freddy : C'est le Apple du vélo. Quand le magasin dans lequel je faisais entretenir mon vélo en tant qu'anonyme m'a proposé un coup de main avec le soutien de l'importateur français, j'en tremblais tellement je n'y croyais pas ! [rires]

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PAS DE PLACE POUR… UN AUTRE SPORT ? I RENCONTRES

LE MATOS

Cadres et roues en carbone, transmissions Shimano Dura-Ace DI2 (avec changement de vitesse électrique) et périphériques S-Works : ces deux vélos haut de gamme Specialized équipent aussi les équipes Bora – Hansgrohe de Peter Sagan et Deceuninck-Quick-Step de Julian Alaphilippe.

Le vélo de Randy ❱❱ S-Works Venge

Pas d'inquiétude : Freddy et Randy se préparent pour les 24H, pas pour le Tour !

"Aero is everything", ou quand l’aérodynamisme est au cœur du produit. Le Venge a été développé dans la soufflerie de la marque californienne. Son terrain de jeu : les parcours plats ou vallonés. À son guidon, seule la vitesse compte. Le choix des plus grands sprinteurs lors des précédents grands tours.

Conseilleriez-vous le vélo de route à un pilote amateur pour son entraînement ? Randy : Oui. Il faut faire un peu de tout, mais la route est vraiment bien pour le cardio et le foncier. Si tu cours "à bloc", tu es cuit en 45 mn et ça tape dans le dos, les genoux... En vélo, tu peux faire une bonne séance sans impact au niveau physique. Freddy : Le vélo pour le cardio, la gym pour le renforcement musculaire et un autre sport comme le squash pour l'explosivité : tout ça est complémentaire. Après, attention : quand on s'implique dans le vélo, c'est dur d'en descendre ! [rires] •

Le vélo de Freddy ❱❱ S-Works Tarmac

Vainqueur des 3 grands tours, la polyvalence est son arme : il sera aussi à l’aise en bord de mer qu’en montagne. Le Tarmac est un vélo de route haute performance, prêt à en découdre lors des courses les plus difficiles de la planète, mais aussi un compagnon complet pour tous les défis. Le "chef" aussi s'est mis au vélo de route, pour voir. Et contre toute attente, il adore ça !

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PAS DE PLACE POUR… LA RETRAITE ? I RENCONTRES

PAS DE P L ACE POU R... L A RETRAI TE ?

VINCENT PHILIPPE & SÉBASTIEN GIMBERT AU TURBIN !

Cocotiers, Féfé, jolies pépées… Si, pour quelques rares superstars tout juste retraitées, la réalité n'est pas si loin – non, on ne pense pas à Jorge Lorenzo –, la majorité des pilotes ne peut prétendre à se la couler douce dès le cuir raccroché. Ainsi Vincent Philippe et Seb Gimbert ont-ils entamé une deuxième carrière bien chargée. PAR Tommy Marin – PHOTOS TM & PSP Swiderek

n course moto, pour gagner sa vie, il n'y a pas 1000 solutions : soit tu fais partie des 22 élus du MotoGP, soit tu joues le top 10 dans les autres championnats du monde. Et encore… Une discipline internationale traditionnellement prisée des pilotes français (même si Eurosport Events œuvre aujourd'hui pour y multiplier les nationalités) s'avère, depuis de nombreuses années, un excellent choix pour gagner sa vie en exerçant sa passion - à condition, bien entendu, d'y exceller : l'Endurance, ou EWC. Vincent Philippe et Sébastien Gimbert en sont deux noms parmi les plus illustres, pour y avoir évolué – et gagné ! – depuis le début des années 2000 jusqu'à fin 2019. Car oui, cette fois et à 40 ans passés, ils ont raccroché le cuir… et jeté le gant pour une nouvelle vie : celle de patron ! Deux carrières et deux nouveaux challenges parallèles : cela méritait bien une interview croisée – mais séparée, puisque nous sommes allés à la rencontre de Vincent (à Besançon) et de Sébastien (à Fréjus) dans leur magasin d'accessoires et équipements moto respectif.

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Vincent sur la Suzuki du SERT aux 8H de Sepang 2019...

Tu semblais indissociable de l'EWC. Comment as-tu pris la décision d'arrêter ta carrière ? Vincent Philippe : Ça s'est fait vite, mais en même temps de façon mûrie et réfléchie. Il y a eu cette grande refonte du SERT suite au départ de Dominique Méliand. Ces deux dernières années, il y avait une ambiance un peu lourde parfois. En plus, nous avions une moto pas facile à mettre au point, qui correspondait peut-être moins bien à mon style un peu à l'ancienne. On a eu des résultats en deçà de nos attentes. J'ai surtout passé des 24H 2019 extrêmes. J'ai fait mes deux premiers relais de façon à peu près correcte. Puis je me suis trouvé en difficulté sur la moto, au point de devoir sauter un relais de nuit, exténué. Je me suis promis après cette course de ne plus jamais vivre ça. Forcément, dès lors, la question s'est posée – surtout en provenance de l'extérieur : "N'es-tu pas trop vieux ? N'est-il pas temps d'arrêter ?" Personnellement, je suis persuadé que l'âge n'est pas un frein. Si la motivation est là, tu peux encore faire de belles choses à 40 ans. En revanche, le fait que la flamme se soit un peu éteinte, que l'ambiance dans l'équipe ne me poussait plus à me surpasser, m'a conduit à me poser la question. Devenir le troisième pilote de l'équipe, le "coéquipier parfait", cela aurait été bon il y a cinq ans. Mais aujourd'hui, le niveau est tellement serré que ça ne suffit plus. Je ne voulais surtout pas mourir à petit feu, végéter, mettre en péril les performances de l'équipe. J'ai pu négocier une fin rapide mais en douceur. C'est moi qui l'ai choisi, et ça, c'est très important. Suzuki m'a fait confiance pour le Bol d'Or et Sepang et je les remercie énormément de m'avoir laissé cette possibilité. Sébastien Gimbert : C'était tout simplement le moment, même si j'aurais aimé terminer ma carrière par le Bol d'Or 2019 [dont Honda s'est désengagé par surprise trois semaines avant l'épreuve]. Ma fierté, c'est d'avoir gagné avec JMB, Charpentier, [Freddy] Foray, Da Costa… J'ai roulé avec Muggeridge, McCoy, Gobert, Checa, Costes… Tous ces gens, c'est le top. Et quand tu termines ta carrière à plus de 40 balais avec pour coéquipiers Randy de Puniet et Yonny Hernandez, des pointures qui viennent du MotoGP, tu as intérêt à être bon. Je suis heureux que Honda m'ait gardé au lieu de me pousser dehors pour mettre un plus jeune.

Je ne suis pas multiple champion du monde, mais j'ai relevé pas mal de défis : j'ai tout gagné au SERT et je suis parti au GMT94 qui avait encore tout à construire. On a été champion du monde et de France. Puis je suis passé chez BMW, qui débarquait dans la moto. On a été plusieurs fois vice-champion du monde, champions de France FSBK avec Erwan. Quand j'ai songé à ma fin de carrière, j'ai pensé à Honda : mes années GP, puis 600, les 24H avec la VTR… Revenir avec la marque qui m'a créé pour terminer en beauté me semblait bien. C'est pour ça que la 111 est en vitrine de mon magasin : c'est mon poumon, elle symbolise le début et la fin de ma carrière. Comment t'est venue l'idée de monter un magasin ? Vincent : Je l'avais sous le coude depuis longtemps. François Etterlé [ancien directeur de Suzuki France] essayait de monter la franchise Speedway. Il est quelqu'un pour qui j'avais beaucoup de respect, avec lequel je discutais beaucoup. Et il m'avait dit : "Surtout n'ouvre pas une concession, fait plutôt un magasin d'équipements". J'ai gardé ça en tête et en juin 2019, j'ai pris mon téléphone, je me suis renseigné. Je suis passé de l'idée au projet fin août, avec Dafy car c'est la mouvance du moment. Dafy Moto VP1 : c'est anecdotique mais je tiens au VP1, car c'est mon magasin. Je choisis avec qui je veux travailler, notamment mes anciens partenaires de course. Tout est parti très vite : j'ai arrêté ma carrière le 15 décembre, j'ai récupéré les clefs et

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PAS DE PLACE POUR… LA RETRAITE ? I RENCONTRES

commencé à casser les murs à la masse la semaine suivante. Ça s'est fait comme ça. Pendant que les pilotes étaient bloqués par le confinement, j'ai quasiment pu terminer les travaux. On a 1000 m2 répartis par univers ; une belle grande surface d'accessoires dédiée à la moto. Je suis content car ça manquait à Besançon et d'après nos clients, c'est réussi. Les débuts sont encourageants mais on n'est pas là pour absolument vendre quelque chose. On veut que ce magasin soit un point de rencontre, de départ de balades ; un repère de passionnés. Seb : Pour être franc, j'ai anticipé ce moment longtemps à l'avance. Je me suis cherché en faisant des activités annexes, mais ça ne marchait pas : ma passion, c'est la moto. Travailler dans ce monde était donc primordial pour moi. La création de ce magasin résulte d'une suite d'aventures, dont on peut situer le début en 2014, quand je me suis associé avec Fabrice Lock pour créer mon propre team en FSBK sur une Honda. On a monté un team Junior en FSBK, puis une équipe Moto2 en CEV en collaboration avec carXpert, avec laquelle on a fait rouler Iker Lecuona et Remy Gardner. La Kawasaki Trickstar a évolué dans ma structure tandis que je pilotais sur la Honda 111… Fin 2017, j'ai vraiment commencé à réfléchir à l'avenir. On était basés à Montauroux, à 10 km d'ici. On faisait de la prépa pour nos clients, on avait un banc de puissance, on était Öhlins center, importateur MiniGP Ohvale… mais j'avais du mal à me projeter. J'ai donc commencé à m'intéresser aux franchises. Juste avant le départ du Bol, en septembre, François Etterlé [son boss quand Sébastien pilotait pour le SERT] est venu me voir. Quand il m'a expliqué qu'il travaillait à développer le réseau Speedway, je lui ai dit qu'il fallait absolument que l'on se reparle… On a cherché un magasin, on a trouvé – juste en face du bâtiment où j'étais apprenti en mécanique quand j'avais 12 ans ! On a monté le projet ensemble. Malheureusement, quand François est venu m'apporter une bouteille de champagne le jour de l'ouverture, j'étais dans le jus et je lui ai demandé de revenir la boire avec moi le week-end suivant. Il est décédé cette nuit-là dans son sommeil. Je ne peux que lui rendre hommage car il a évidemment très largement contribué à la réussite de ce projet et c'est quelqu'un qui a beaucoup compté pour moi.

J'ai vécu de ma passion. C'est top, mais je n'ai pas des millions de côté. Vincent Philippe L'EWC, c'est un sacré pan de ta vie. Comment y es-tu arrivé ? Vincent : Comme tout pilote, je visais une carrière en vitesse, car c'est le graal. J'ai fait deux saisons en GP250. Ça n'a pas été facile, mais une sacrée expérience. L'endurance est venue petit à petit, avec la Honda Daffix, puis la Yamaha Freebike… puis la Suzuki du SERT. On ne choisit pas toujours sa carrière, on la subit aussi, mais je ne regrette absolument rien. J'ai 10 titres (avec l'équipe, car tu ne gagnes pas tout seul en endurance !), j'ai été un peu leader, j'ai vécu de ma passion. C'était le top, mais je n'ai pas des millions de côté. C'est pourquoi je suis très actif ici aujourd'hui. C'était un peu dur cet hiver de voir les copains se préparer et de ne plus être dans le circuit, mais j'ai mis toute mon énergie, ma motivation, dans ce projet.

... et Seb sur la Honda "111" aux 8H de Suzuka 2019.

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Comme en EWC, tenir un magasin moto...

Il pleuvait, et ce p'tit bonhomme qui rentrait en glisse, le genou par terre, c'était Fabio. Sébastien Gimbert

Évidemment, je gagne moins d'argent – moins facilement en tout cas, même si le métier de pilote est très exigeant : le risque, l'engagement, l'empiètement sur la vie de famille… Ça m'a coûté mon mariage. Malgré tout, tu as du temps à côté et tu peux faire beaucoup de choses, du sport plaisir pour ta préparation. Tu en es un peu conscient quand tu es pilote, mais quand tu sors de ce schéma et que tu entres dans la "vraie vie", tu réalises pour de bon ta chance. Seb : J'ai commencé par le championnat de France, puis d'Europe, puis les GP chez Tecmas. J'étais doué mais je n'avais pas de budget. C'était une année compliquée car j'ai succédé à Régis [Laconi], qui avait fait de belles choses avec la NSR500 V2 face à huit machines d'usine. Quand je suis arrivé, il y avait 16 motos d'usine... J'étais très jeune, j'avais des affiches de [Mick] Doohan partout dans ma chambre. Je pensais qu'avec deux bras, deux jambes, je pouvais faire comme lui. Je me suis fait mal, beaucoup. On m'a énormément comparé à Régis et ça n'a pas été simple à encaisser. Et puis j'ai essayé la RC45 Daffix d'endurance. Ça m'a plu mais je n'ai pas pu faire les 24H en raison d'une concurrence de date. Ils m'ont rappelé la saison suivante, j'ai participé aux 24H avec eux : on n'est pas allé au bout mais j'ai aimé. Puis la VTR est arrivée : je n'ai pas pu refuser de faire équipe avec Sébastien Charpentier et William Costes sur cette incroyable machine. Quand on l'a découverte, brute de carbone avec le réservoir alu, on a compris. C'était "ma" moto, une machine extraordinaire. On gagne les 24H 2000 et dans le même temps, je ne fais pas de résultats avec Tecmas : je vais vite choisir de gagner ma vie en faisant de ma passion mon métier. Ça a été le déclic. Fin 2001, Honda se retire de l'endurance, je prends contact avec Hervé Moineau, qui me met en relation avec Dominique Méliand et François Etterlé. C'était parti avec JMB et Nicolas Dussauge au SERT… Les chutes, les déceptions, les blessures physiques et à l'âme : cette vie d'endurance ne te laisse-t-elle pas trop de "séquelles", de regrets ? Vincent : [Silence] De repenser à ces moments, c'est très émouvant. Je garde de supers souvenirs, des moins bons. Tout ça fait partie d'une vie, même si je voudrais effacer certaines choses. Mais même si je me suis blessé, même si j'ai perdu des coéquipiers, des amis, je n'ai pas de regrets. Je ne ferai pas de comeback, j'ai suffisamment donné dans le haut niveau. Par contre, j'ai toujours envie de partager ma passion de la moto. Quant aux regrets, je ne suis pas trop de ceux qui regardent en arrière, avec des "si". Je pourrais regretter éventuellement de ne pas avoir fait une saison en Mondial Superbike. J'aurais vraiment aimé avoir l'opportunité de le faire dans de bonnes conditions. J'ai un super souvenir d'une wild-card au WorldSBK de Magny-Cours. Je pense que j'aurais pu bien faire.

Seb : Je n'en garde que du bon. J'ai forcément des traces physiques, car on se fait mal à moto, c'est un sport à risques. Mais c'est aussi une leçon de vie, de partage. Je me souviens de tous mes coéquipiers, comme des membres des équipes, des bénévoles, des ostéos, des cuistots, des plus petits sponsors… : chaque personne compte en endurance. J'ai fait beaucoup de rencontres, je suis là où j'en suis aujourd'hui en grande partie parce que j'ai conservé de très bonnes relations avec toutes ces personnes. L'endurance m'a inculqué un état d'esprit dans le partage qui m'aide aujourd'hui à servir le monde de la moto dans ma région. Ton magasin est dédié aux motards : l'univers de la route te parle-t-il autant que celui de la compétition ? Vincent : Totalement. J'ai été curieux et j'ai adoré participer à tout type de compétition moto, y compris le rallye routier. Depuis mes débuts chez Suzuki, j'ai toujours eu une moto de route. Ce que je ne connais pas, c'est le commerce. Avoir affaire au client n'est pas facile : il veut tout, tout de suite, il est très exigeant. En même temps, il faut gérer le magasin, les différents fournisseurs, qui ont chacun leur mode opératoire, la caisse, les papiers… J'ai découvert ça très vite, ça m'a un peu sauté au visage et c'est plus complexe que ce à quoi je m'attendais. Seb : J'ai toujours été motard. J'ai roulé en Africa Twin, en GS, en T-Max… Aujourd'hui, je viens au boulot en R1. Je suis concessionnaire Royal Enfield et je réfléchis à m'en monter une sympa. J'aime tous les types de motos, et même plus que ça tant qu'il y a un guidon : cross, enduro, trial, jet ski, VTT… Outre ton magasin, quelles sont tes activités, as-tu des projets particuliers ? Vincent : Je pensais à pas mal de choses avant ma retraite de pilote : terminer sur une saison en Superstock, participer au Dakar, faire du coaching avec les enfants… Pour le Superstock, j'ai abandonné l'idée après ma victoire au Bol. Le but était de faire la transition, en me fixant des objectifs différents, avec moins de pression. Puis finalement, j'ai gagné ce Bol, je trouvais ça chouette de finir comme ça. Je garde dans un coin de ma tête la volonté de faire les 24H de Barcelone, que je n'ai jamais disputées, ou de participer à des courses qui ont un sens particulier, comme une endurance avec Stéphane Paulus sur une Suzuki. Le Dakar, j'y repensais sur mon vélo hier ! Mais là, je me suis attelé à un gros travail. Ça m'a fait redescendre de mon nuage. C'est un rêve de gosse, il faut que je le réalise dans pas trop longtemps, car à 50 ans, ça sera difficile. Mais chaque chose en son temps, d'autant que je veux ouvrir un deuxième magasin à Pontarlier quand tout sera bien en place ici. Je n'ai plus le temps de m'occuper de coacher les enfants, mais je continue un peu les stages de pilotage adultes avec BMC. C'est

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PAS DE PLACE POUR… LA RETRAITE ? I RENCONTRES ... est avant tout un travail d'équipe !

La Race Experience School est aujourd'hui une référence.

un bol d'air, ça me permet de sortir du commerce et de transmettre un peu ce que j'ai appris. Et puis la passion de la moto, c'est un boulet au pied : c'est difficile d'arrêter complètement. Seb : Plein de choses interconnectées avec le magasin, en fait… Concessionnaire Royal Enfield, distributeur de la marque Ohvale en métropole et pour les Dom Tom – de supers petites machines, tant pour les enfants que pour les adultes – et la Race Experience School, que je gère avec mon associé Thibaut Gourin. Thibaut a été pilote dans mon team et est instructeur diplômé d'État, c'est très rare en France. Cette dimension école, je suis tombé dedans en 2009, quand Patricia Pallegoix, qui gérait la coupe Conti, m'a demandé de venir jeter un œil à ses pilotes à Alès. Il pleuvait, elle m'a demandé de regarder particulièrement l'un d'eux. Et ce p'tit bonhomme qui rentrait en glisse, passait avec le genou par terre – rien que d'en parler, ça me fait dresser les poils ! –, c'était Fabio [Quartararo]. Cette expérience m'a énormément plu et j'ai continué à travailler avec eux. Quand je vois Fabio aujourd'hui, je suis heureux d'avoir contribué un peu à son éclosion et c'est grâce à lui si j'ai eu l'envie de créer ma propre école. Il faut que ça bouge. Il n'est pas normal que j'aie pu prendre la décision de partir à 42 ans, que l'on ne m'ait pas mis un bon coup de pied au c*l. Quand on est arrivés

en Endurance avec Vincent, on avait 20 ans et on virait les vieux ! Il y a les enfants, mais aussi les adultes. On a repris ce que faisait Patrick Maccio : une école de pilotage dédiée aux motards, et non aux pistards, sur le circuit du Luc. On fait ça en partenariat avec Yamaha. Nos clients y apprennent en technicité et gagnent en marge de sécurité sur la route. J'ai perdu ma sœur dans un accident de moto dans les années 2000, je suis forcément très sensible depuis à l'accompagnement et à la protection des motards. Je me dis que j'ai peut-être un coup à jouer en me servant de ma carrière, de mon vécu de pilote pour rendre tout ça plus ludique et donc intéressant auprès des jeunes. Et bien sûr, il y a mon fils Johan qui roule en Mondial Supersport 300. Je l'accompagne partout sur les courses. Il est dans un team et c'est très bien car ça évite une relation père/enfant qui pourrait être compliquée. Ça fait trois ans qu'il fait de la moto et il est déjà en Mondial. Il s'entraîne avec Randy [de Puniet] et Andy Verdoïa – dont je m'occupe de la préparation physique et mentale. Bref, je suis multitâche et c'est pourquoi je m'entoure des meilleurs. Mon magasin, maintenant, est lancé et peut tourner sans moi. J'ai beaucoup de gens compétents autour de moi, je trouverais dommage de ne pas écouter et répondre favorablement, quand c'est possible, aux idées que l'on m'apporte. •

HIGHLIGHTS Vincent Philippe Né le 11/01/1978 à Besançon (25)

❱❱ Gérant du Dafy Moto VP1 de Besançon 10 x champion du monde d'Endurance avec le SERT (depuis 2005) 2 saisons en GP250 (2000 avec Gresini sur Honda et 2002 avec Scrab sur Aprilia) 2 x champion de France Open 250cc (1998/99) 2 x champion de France de la Montagne 125cc (1996/97)

Sébastien Gimbert Né le 09/09/1977 au Puy-en-Velay (43)

❱❱ Gérant du Speedway de Fréjus 1 x champion du monde d'Endurance avec le GMT94 (2004) 2 saisons en GP500 (1998/99 avec Tecmas sur Honda V2) 1 saison en GP250 (2000 avec Tino Villa Racing sur TSR-Honda) 2 x champion de France Superbike (2009/11) 2 x champion de France Open 250cc (1996/97) 1 x champion de France Cyclo Groupe 1 (1990)

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FRANCE SUPERBIKE

FSBK I SYNTHÈSE MAGNY-COURS I CAROLE I LÉDENON

STATU

QUO

Six courses ont déjà eu lieu, mais la saison FSBK en est presque à son point de départ. Kenny Foray, Mathieu Gines et Valentin Debise sont quasiment à égalité en tête du championnat. Tout est à faire ! PAR Maxime Pontreau – PHOTOS Stéphane Valembois

Course de fond

ien que composée de plusieurs sprints, une saison de compétition s’apparente plutôt à une course de fond. Il faut tenir sur la longueur pour franchir la ligne d’arrivée en vainqueur et gagner le titre. Cette analogie est plus que jamais vraie cette année. Six sprints ont déjà eu lieu mais aucun athlète n’a réellement pris un avantage en tête de la course. Kenny Foray (n°78) et Mathieu Gines (n°41) sont à égalité. Valentin Debise (n°153) suit à huit petites unités. Dominateur, le trio s’est même adjugé quasiment tous les podiums mis en jeu jusqu’à présent. Deux exceptions s’appliquent toutefois : à Magny-Cours 1, où Kenny Foray abandonnait dans le dernier tour à cause d’un problème technique, et à Lédenon 1, où Valentin Debise chutait dans le 5e tour. De son côté, Mathieu Gines n’est jamais sorti du top 3, mais ne s’est pas non plus imposé avec sa nouvelle Yamaha R1 Tech Solutions chaussée de Michelin. Le champion en titre – sur BMW l’an dernier – explique : "Il nous manque encore un petit truc pour tenir la régularité sur toute la course. Il faut que l’on travaille sur notre baisse de grip dans les derniers tours et je pense que l’on n’est plus très loin de la vérité. Il faut simplement tout mettre bout à bout. Ce sera la solution pour aller chercher les Dunlop. On ne peut pas être mécontent, même si ça ne paye pas encore totalement. Il ne faut rien lâcher car le titre sera très disputé." Kenny Foray ne peut pas dire le contraire. Auteur de quatre victoires consécutives – à Carole puis à Lédenon – après un résultat blanc et une troisième place à Magny-Cours, il exulte. "Honnêtement, si tu m’avais dit avant Lédenon que le classement serait aussi serré, je n’y aurais pas cru. Le championnat repart de zéro, c’est cool." Sauf pour ses rivaux peut-être ! Bousculé en début de saison par son nouveau rôle de pilote de développement Dunlop au sein du team MDS (voir interview p.108), le pilote de la BMW

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Kenny Foray (à gauche), Mathieu Gines (ci-dessous) et Valentin Debise sont les hommes forts de la saison 2020.

Démarrage compliqué ifficile de se faire une place face à l’autorité du trio de tête. Axel Maurin, Morgan Berchet et Alan Techer en savent quelque chose. Aucun n’a encore réussi à monter sur le podium cette année (même si Alan hérite des points de la troisième place à MC1, le wild card Jonas Folger ne pouvant être classé). Et Morgan Berchet (n°63) en explique la raison sans détour : "On fait de bonnes courses mais le constat reste le même : cela va vraiment trop vite pour nous devant." Si les temps de course ne sont pas révélateurs à Magny-Cours, la piste ayant été resurfacée, les épreuves 2020 de Carole et Lédenon ont toutes été bouclées plus rapidement que la saison passée. "Nous avons progressé, continue Morgan, mais eux aussi. Du coup, tu n’as même pas l’impression d’avoir évolué. On fait ce qu’ils faisaient l’année dernière. Pourtant, la Yamaha 2020 est beaucoup mieux. C’est compliqué." Une Yamaha R1 qui donne cependant du fil à retordre à Axel Maurin (n°89). "On se cherche énormément avec l’électronique. Je n’arrive pas à trouver le bon équilibre pour avoir à la fois de l’adhérence en sortie de virage et de la performance moteur. Actuellement, nous devons trop calmer la moto pour avoir du grip." De son côté aussi, Alan Techer (en débriefing ci-dessous) ne vit pas la saison espérée. Le nouveau pilote Tecmas et son équipe peinent encore à parfaitement associer la nouvelle BMW S1000RR avec les enveloppes Michelin. "Le train avant est top, mais on n’arrive pas à faire fonctionner le pneu arrière, notamment les gommes dures. On a un problème de constance sur la longueur d’une course." Lédenon semblait avoir toutefois apporté son lot de réponses, malgré un abandon dû à un problème technique (le même connu par Kenny Foray à MC1). Alan tenait la 3e position jusqu’à la panne. "On s’est rendu compte que la moto demandait des choses totalement différentes de ce que le team faisait avec l’ancien modèle et les Michelin. C’est positif, mais nous devons continuer à travailler dans la direction trouvée."

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n°78 a depuis retrouvé ses marques et prévient : "On monte en puissance". Valentin Debise est peut-être le mieux placé pour contrer le champion de France 2017, lui qui roule également en Dunlop sur la Kawasaki du Twist Ring Racing. Sans sa "connerie" à Lédenon 1, il serait même en tête du provisoire. Plutôt cocasse pour un pilote qui, à l’origine, ne devait participer qu’à l’ouverture de la saison, où il gagnait les deux courses. "Vu nos résultats, nos partenaires ont voulu mettre plus d’argent et nous pouvons faire la saison entière grâce à eux. L’objectif est le titre. Je ne vais pas m’en priver si c’est possible, mais on avance course par course. On avait le meilleur package à Magny-Cours, mais depuis, il y a eu des changements négatifs. Nous allons faire des tests pour tout remettre à plat et retrouver la moto du début de saison. Puis je dois aussi m’améliorer en tant que pilote car il faut gagner plus de courses." Entre Mathieu, Kenny et Valentin, la fin de saison s’annonce palpitante. La course de fond ne fait que (re)commencer.

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FSBK I SYNTHÈSE MAGNY-COURS I CAROLE I LÉDENON

Guerre pneumatique l’inverse des championnats mondiaux monomarques que sont le MotoGP (Michelin) et le WorldSBK (Pirelli), le FSBK est ouvert à tous les manufacturiers pneumatiques. Dunlop, Michelin et Pirelli s’y affrontent ouvertement depuis des années, et dominent à tour de rôle, au gré de leurs stratégies de développement. Ainsi, Pirelli a remporté les titres Superbike en 2017 et 2018, avant que Michelin ne triomphe en 2019. En retrait ces dernières années, Dunlop a décidé de revenir au sommet de la hiérarchie. On en veut pour preuve le programme mené par le manufacturier avec le team MDS et Kenny Foray, destiné à développer des pneus spécifiques à la compétition. Pilote Pirelli, Morgan Berchet confirme : "On voit que Dunlop est revenu fort. Les Michelin était top l’année dernière, mais là, ils ne peuvent rien faire." Un état de fait que Mathieu Gines, meilleur pilote Michelin au classement, justifie ainsi : "Dunlop et Michelin n’ont pas la même stratégie. D’un côté tu as des pneus de développement, de l’autre des pneus du commerce que tout le monde peut acheter pour faire de la piste. Là, Dunlop est venu montrer qu’ils sont meilleurs que tout le monde et voilà." Avant de relativiser : "Mais c’est tant mieux pour eux et pour le championnat. Tant que c’est ouvert, cela forcera les autres à s’améliorer."

À

Superbike Challenger icolas Escudier est passé proche du score parfait en ce début de saison. Sans un succès et un très bon chrono de Guillaume Antiga à Carole 2, le pilote originaire des Bouches-du-Rhône raflait tout dans la série Challenger : victoires, pole positions et meilleurs tours en course. "C’est ma troisième saison en Superbike sur la R1 avec le team Tech Solutions et il y a une continuité qui paie, expliquait-il. On avait déjà passé un petit "step" en fin d’année dernière, puis on a fait de bons essais hivernaux. Sans prétention, je pense mériter ce que j’ai car je bosse depuis trois ans pour ça. Ce n’est pas facile pour autant, il faut se donner." Nicolas marquait davantage les esprits le dimanche matin à Lédenon en s’octroyant la troisième place du scratch, une première depuis la création de la sous-catégorie. Un résultat source de dilemme malgré la confiance qu’il inspire : "J’ai le c*l entre deux chaises. J’ai le potentiel pour jouer le scratch mais j’ai le trophée Challenger en vue. Est-ce que je prends des risques pour l’un ou bien j’assure l’autre ?" Le rookie Martin Renaudin étant distancé de 42 points à quatre courses de la fin de l’année, Escudier peut tenter le coup double. Guillaume Antiga (une victoire et trois podiums) mettait quant à lui un sérieux coup de frein à ses prétentions au titre en ne participant pas au troisième rendez-vous de la saison. •

Classement Superbike POS. 1 2 3 4 5

PILOTE

NUMERO

MOTO

Kenny FORAY Mathieu GINES Valentin DEBISE Axel MAURIN Nicolas ESCUDIER*

78 41 153 89 67

BMW Yamaha Kawasaki Yamaha Yamaha

POINTS 121 121 113 67 65

*pilote Superbike Challenger

N

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FSBK I INTERVIEW

Kenny Foray

Project Leader Les saisons en FSBK se suivent mais ne se ressemblent pas (totalement) pour Kenny Foray. Le voici désormais au cœur d’un projet de développement pneumatique Dunlop, dont les tests sont les courses du championnat. Une chose demeure toutefois, l’habitude qu’il a de monter sur la plus haute marche du podium. PAR Maxime Pontreau - PHOTOS Stéphane Valembois enny, après quatre saisons réussies chez Tecmas, tu roules désormais pour le team MDS en FSBK. Pourquoi ce changement ? Il y a deux raisons. Premièrement, je voulais rouler avec les mêmes pneumatiques que ceux de l’Endurance. Je me suis rendu compte l’an dernier que courir dans plusieurs championnats [FSBK, EWC et MotoE] avec différents manufacturiers ne m’aidait pas vraiment. Tu roules sur des pneus différents développant des technologies différentes, ce n’est pas évident. Me concentrer sur les mêmes pneumatiques me semblait donc très important, c’est pourquoi j’ai rejoint le team MDS et Dunlop. Deuxièmement, sur le papier, Mathieu [Gines] devait rester chez Tecmas et le team n’avait qu’un guidon. Cette solution arrangeait donc tout le monde à l’origine.

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En plus, cette structure a un lien étroit avec ton team d’EWC je crois ? Oui, c’est une structure présente depuis un moment en championnat de France Superbike et 80 % de l’équipe est avec moi en

Endurance. Bon, nous sommes trois en même temps en FSBK : deux mécanos et un ingénieur. Ce dernier, c’est Steven Casaer, le "Race Manager" du team d’EWC et un des mécaniciens, Matthieu, est l’un des mécaniciens les plus importants du team EWC. Cela crée un équilibre positif. Il y a en plus Julien Da Costa [pilote récemment retraité] qui est notre ingénieur pneumatique. Il faut préciser que l’ensemble est une structure Dunlop. Je suis là pour développer leurs pneus. On avait l’habitude de voir le "test team" Dunlop s’engager en wild card pour faire ce travail ces dernières années. Vous, vous faîtes du développement sur toute la saison ? C’est ça. Il m’arrive de tester des pneus que je ne connais pas lors des week-ends de course. C’est le deal. A Carole, par exemple, j’avais cinq pneus à essayer dans le week-end. Ensuite, suivant ce que les ingénieurs anglais et moi pensons, nous choisissons ce que je vais utiliser pour la course. Je peux donc avoir des pneus qui fonctionnent bien ou pas du tout. Je ne sais pas. Je ne les connais pas à l’avance.

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Tu as déjà connu ça auparavant ? J’ai fait du développement pour Michelin et Dunlop, mais jamais en course. C’était toujours lors de tests privés. C’est vraiment différent de le faire en course car, c’est plus fort que toi, tu as toujours envie d’être devant. Sauf que là, tu peux tomber sur des pneus magiques comme sur des montes qui ne vont pas te correspondre. Car attention, les pneus que je passe ont tout de même déjà été testés avant. Les ingénieurs connaissent déjà globalement leurs performances. Comment gères-tu ce travail de développement sachant que tu as quand même des courses à préparer ? Pour être honnête, cela a été très compliqué au début. Mes habitudes lors d’un week-end de course ont été complètement changées. Je m’en suis rendu compte à Magny-Cours où j’avais perdu tous mes repères. Nouvelle BMW, nouveaux pneus, nouvel asphalte, nouvelle organisation… Je faisais des erreurs improbables. Je devais quand même utiliser énormément de pneus sans que la moto soit au point. On s’en est bien sortis, mais on a revu notre copie après. Par exemple, j’ai obtenu de pouvoir faire dix tours consécutifs à chaque FP1 pour me remettre dans le circuit et mieux travailler ensuite. On a recentré le programme tout en gardant les mêmes objectifs : développer tout en étant performant. Et désormais, tu es à l’aise avec votre fonctionnement ? Les manches de Carole et Lédenon se sont très bien passées [deux doublés] car on était mieux préparés et on connaissait la moto. J’ai compris le truc, ça va. De toute manière, c’est mon job. Je suis aussi embauché par Dunlop pour ça et c’est à moi de m’adapter. Ils m’imposent parfois de rouler une séance entière avec un pneu que je n’ai pas choisi. C’est intéressant car tu apprends toujours de nouvelles choses. En fait, la situation est plus compliquée à vivre quand tu traverses une période difficile, que tu doutes, car à ce moment-là tu as juste envie de rouler. Toi qui as roulé pour plusieurs manufacturiers, y a-t-il aujourd’hui de vraies différences entre les pneus ou non ? En termes de chrono, non, aucune. Ce sont les comportements qui changent. Les Pirelli et les Michelin sont très similaires dans la façon dont ils fonctionnent et s’usent. Les Dunlop fonctionnent un peu différemment. En gros, les Michelin et les Pirelli sont vraiment très bons les premiers tours mais vont avoir une baisse de performance légèrement plus importante avec l’usure. Le Dunlop, lui, est un tout petit peu moins bon au début, mais il est plus constant. Il va ensuite être très bon durant toute la course. Il suffit juste de comprendre comment bien rouler avec le Dunlop et tu seras aussi rapide qu’avec les deux autres. Et comment bien rouler avec le Dunlop alors ? Il faut accepter qu’il glisse un peu. Tu peux avoir l’impression qu’il n’y a pas de grip sur l’angle car il glisse tout de suite – contrairement aux Pirelli et Michelin qui sont cloués au sol dans les premiers tours – mais c’est caractéristique. Les ingénieurs te préviennent qu’il faut t’y habituer. Ce qui est fort, c’est que cette glisse se stabilise au bout de 4-5 tours et, à partir de là, le pneu conserve le même comportement. Bon, il va forcément bouger un peu plus avec l’usure, mais la glisse ne va pas s’accentuer au fil des tours comme c’est le cas avec les autres manufacturiers. Et là, les performances vont en se dégradant. Usé, même en patinant, le Dunlop garde du grip et de l’efficacité pour te sortir des virages. C’est mon ressenti en tout cas. Toi, Mathieu Gines, Valentin Debise, vous êtes trois pilotes, sur trois motos différentes, à jouer devant. Quel est ton sentiment ? C’est génial. C’est top d’avoir trois pilotes qui se battent ainsi. Il y a aussi Alan [Techer] qui vient se greffer un peu à la lutte. Plus on est, mieux c’est. Je l’ai toujours dit, l’adversité est la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma carrière. Cela per-

Les débriefings sont un passage obligé, mais pas très marrant, pour un retour d'informations optimal.

met de se dépasser. Et même si je ne suis certainement pas le plus jeune du paddock, je suis avide de ce genre de situation car tu dois te remettre en cause. Bon, là, forcément, faire un zéro pointé à la première manche ne m’a pas servi. Faut tout gagner maintenant, l’histoire est réglée... Ton objectif est clairement le titre ? Totalement ! Même dans notre configuration, on ne s’en est jamais caché avec le team. Après, on verra comment se passe le développement, si je me retrouve à devoir faire une course sans choisir le pneu. C’était le cas pour Xavier Siméon l’année dernière. Il choisissait le pneu pour la première course, mais ce sont les ingénieurs qui décidaient pour la seconde. Ils te demandent ton accord, évidemment, mais s’ils veulent tester un truc, ils choisissent. Évidemment, si nous jouons le championnat à Nogaro, cela n’arrivera pas. Ils ne faisaient que des wild cards l’an passé. •

PALMARÈS

78

KENNY FORAY

NÉ LE 02/08/1984 - À Sèvres (92) ÂGE 36 ans - TAILLE 1m70 - POIDS 70 kg 2019 2018 2017 2016 2015 2014 2013 2010-2012 2009 2008 2007 2002

3e du championnat de France Superbike BMW Tecmas 2e du championnat de France Superbike BMW Tecmas Champion de France Superbike BMW Tecmas Vice-champion de France Superbike BMW Tecmas Champion de France Superbike Stock GMT94 Champion du monde d'Endurance GMT94 Vice-champion du monde d'Endurance GMT94 Championnat du monde d'Endurance GMT94 Champion de Pologne Supersport Triumph Vainqueur catégorie Superstock 24H Motos du Mans & Bol d'Or LMS Suzuki Junior Team Champion de France Supersport Triumph Débuts en compétition

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FRANCE SUPERSPORT

FSSP I SYNTHÈSE MAGNY-COURS I CAROLE I LÉDENON

Invité surprise ! Personne ne l’attendait au sommet du Supersport, pas même lui. Pourtant, Stéphane Frossard domine d’une main de fer – dans un gant racing – la catégorie. Le pilote suisse, wild card à l’origine, reste invaincu depuis le début de la saison. PAR Maxime Pontreau – PHOTOS Stéphane Valembois

"Juste un entraînement" n participant au premier round de la saison à Magny-Cours, Stéphane Frossard n’avait pas dans l’idée de faire tout le championnat de France. Non, l’objectif était de préparer au mieux sa saison 2020 en IDM Supersport après des mois sans roulage. "Magny-Cours était juste un entraînement, mais on a gagné les deux courses, explique le Suisse. Cela nous a permis de trouver des partenariats pour continuer. On a ensuite gagné les deux épreuves à Carole donc, vu notre avance au classement, le FSBK est devenu notre priorité." Et cette première position au provisoire, Stéphane l’a renforcée à Lédenon avec un troisième doublé. Team efficace, moto au top, pneus Pirelli performants… le pilote de la Yamaha n°42 vit l’un de ces moments où tous les rouages s’emboîtent parfaitement. Résultat : il est dans une confiance absolue. Rapide depuis ses débuts en FSSP, mais inconstant dans ses résultats, le vainqueur de la Yamaha R3 bLU cRU Cup Switzerland 2019 retient aussi énormément de positif de son année passée au guidon d’une 300cc. "Elle m’a permis de retrouver mes marques et de reprendre confiance, notamment dans le train avant, tout en changeant un peu mon style. J’ai fait une année sans chute. J’ai aussi changé ma philosophie. Je suis plus calme et j’analyse mieux les courses alors que je devais être trop fougueux avant. J’ai beaucoup appris. On est redescendu pour mieux revenir." Retour réussi.

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Supersport Challenger Maximilien Bau s'attendait à une année plus simple.

rois victoires et trois places de quatrième font de Matthieu Gregorio le leader du Supersport Challenger. Seulement, le pilote du team Morillas Racing School ne s’illustre pas uniquement dans cette série réservée aux jeunes de moins de 21 ans, il détonne aussi au scratch avec trois podiums à son actif, lui permettant de figurer à la deuxième position du classement général. Le tout pour sa deuxième saison en FSSP. Lui qui avouait manquer de condition physique l’an passé a remédié au problème cet hiver. "Je suis beaucoup mieux. J’ai eu quelques soucis techniques à Carole, mais sinon tout se passe bien. J’ai aussi gagné en expérience et j’évolue. Faut continuer comme ça." Sans Stéphane Frossard, Matthieu aurait certainement déjà signé son premier succès en Supersport. Quatrième au scratch, Maximilien Bau est deuxième du classement Challenger malgré ses deux résultats blancs à Magny-Cours. Il devance de peu Ludovic Cauchi, le coéquipier du leader de la série, qui n’a loupé qu’un podium. •

T

Grains de sable ilotes au top de la hiérarchie l’an passé, Maximilien Bau, champion de France en titre, Guillaume Raymond, son dauphin, et Guillaume Pot, 3e du championnat, ne vivent pas la saison escomptée. Ultra-dominateur en 2019, Maximilien compte quatre podiums mais n’est pas encore monté sur la première marche. Pire, il commençait la saison sur deux résultats blancs, ayant décidé de ne pas participer aux courses de Magny-Cours après un problème mécanique survenu en FP1. "Tout est compliqué, détaille le champion. J’ai une nouvelle moto, un nouveau motoriste [son ancien préparateur travaille auprès de Stéphane Frossard] et de nouvelles bases pour les suspensions, donc on met du temps à comprendre le fonctionnement de l’ensemble. Puis le contexte fait que l’on n’a pas pu s’entraîner convenablement. Là, on avance vraiment à l’aveugle, on ne travaille pas correctement et on en paie les conséquences." Il semblerait également que la roue ait tourné concernant les performances pneumatiques. Si les pilotes Michelin, dont Bau, possédaient un avantage ces dernières saisons, c’est terminé. Les pneus slicks sont désormais autorisés dans la catégorie et Pirelli en tire profit, quand Michelin n’en propose pas. Pilote du Bibendum, Guillaume Raymond [portrait] confirme : "Nous utilisons les pneus de ces deux dernières années alors que Pirelli a vraiment bossé sur son slick. Leurs points faibles ont disparu. Après, c’est le jeu. C’est plus dur, mais on était bien content avant." Deuxième aux épreuves de MagnyCours, circuit qu’il adore, Guillaume a peiné ensuite. Il ne rejette pas pour autant la faute sur ses gommes. "C’est un ensemble. On roule cette année avec la nouvelle R6, un moteur stock et des suspensions K-Tech que je ne connaissais pas. On se cherche. A Carole, la moto était trop courte. A Lédenon, il nous manquait du moteur. Magny-Cours a caché la misère en fait." Auteur d’un podium dans la Nièvre, Guillaume Pot s’est quant à lui blessé lors des qualifications à Carole et se retrouve forfait depuis. Cinquième du classement provisoire et dernier pilote à être monté sur le podium (2 fois 3e à Carole), Cédric Tangre ambitionnait de franchir une nouvelle étape à Lédenon au guidon de la Triumph Daytona. C’était sans compter sur une épaule gauche déboîtée.

P

Matthieu Gregorio savoure sa deuxième saison en SSP.

Cédric Tangre est de retour sur Triumph.

POS.

PILOTE

MOTO

1 2

Stéphane FROSSARD

42

Yamaha

159

Matthieu GREGORIO* Guillaume RAYMOND Maximilien BAU* Cédric TANGRE

24

Yamaha

127

Yamaha

1

Yamaha

23

Yamaha

81 73 72 72

3 4 5

POINTS

(*) Pilote Supersport Challenger

Classement Supersport

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FSBK I SYNTHÈSE MAGNY-COURS I CAROLE I LÉDENON

OBJECTIF GRAND PRIX PRÉ-MOTO3

PAR Maxime Pontreau – PHOTOS Stéphane Valembois Le match 2020 oppose le très jeune Quintans Sans...

Le tournant

à Clément Giabbani.

atégorie nous ayant habitués à quelques dominations sans partage ces dernières années, l’Objectif Grand Prix Pré-Moto3 est bien plus disputé cette saison. Un état de fait se traduisant par quatre vainqueurs en six courses. Clément Giabbani est le pilote s’étant le plus illustré avec ses trois succès consécutifs en début de saison. Immanquablement aux avant-postes, le pilote de la Moriwaki n°917 est également monté sur deux podiums. Sans un problème mécanique qui le forçait à abandonner le dimanche après-midi à Lédenon, Clément Giabbani serait certainement en tête du provisoire à la place de Leandro Quintans Sans (n°77). Seulement, le très jeune pilote ibère s’est montré extrêmement régulier et, après avoir multiplié les deuxièmes places – et une 4e position –, s’est offert sa première victoire à Lédenon ainsi que la tête du classement provisoire. Sans une chute lors de ce POS. PILOTE même week-end, Elie Rousselot serait lui aussi au coude-à-coude 1 Leandro QUINTANS SANS dans la lutte pour le titre 2020. Le matin même dans le Gard, Elie montrait qu’il fallait compter sur lui en signant sa première victoire 2 Clément GIABBANI en championnat de France Pré-Moto3. Une performance également 3 Elie ROUSSELOT réalisée par Nathan Amirault, 12 ans seulement, lors de la seconde épreuve de Carole. La fin de saison s’annonce explosive. 4 Nathan AMIRAULT

C

Classement Objectif Grand Prix

FRANCE SUPERSPORT 300

5

Célia RICHELMI

N° MOTO 77

POINTS

Beon Yamaha

917 Moriwaki 17

Beon Yamaha

91

Moriwaki

44

Beon Yamaha

124 117 85 72 66

Un nom !

régory Carbonnel ! Voici le nom à retenir cette saison en Supersport 300. Lauréat de la Coupe de France Promosport 400 l’année dernière, le jeune azuréen est bien parti pour enchaîner sur un titre de champion de France. C’est simple, il n’a pas seulement remporté toutes les épreuves disputées jusqu’à présent, il a également obtenu tous les meilleurs tours en course et aucune pole position ne lui a échappé. Colin Drye, Paul Caillol, Florent Da Cunha et Line Vieillard ont accumulé les podiums sans être en mesure de bousculer le leader. Tous sauf Alexis Boudin qui a mené la seconde course de Lédenon jusqu’à se faire dépasser dans le dernier tour par la Yamaha n°10. A ce rythme, profitant déjà de 77 points d’avance au championnat, Grégory Carbonnel pourrait être titré dès la manche de Pau-Arnos, avant-dernier rendez-vous du FSBK. La bataille pour la place de dauphin sera en revanche plus houleuse entre Colin Drye et Alexis Boudin. D’autant que ce dernier n’est pas descendu de la deuxième marche du podium depuis Carole, lui qui n’était pas encore engagé en FSSP300 à Magny-Cours.

G

Classement Supersport 300

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POS.

PILOTE

MOTO

1 2 3 4 5

Grégory CARBONNEL Colin DRYE Alexis BOUDIN Paul CAILLOL Guillaume JUCHA

10

Yamaha

59

Yamaha

6

Yamaha

4

Kawasaki

9

Yamaha

POINTS 165 88 82 59 56

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Un cran au-dessus ix courses, six victoires, Léo Challamel a déjà fait main basse sur la Coupe de France European Bikes. Rien n’est assuré tant que le titre n’est pas empoché, évidemment, mais le pilote de la BMW n°63 peut être confiant avec 71 points d’avance au classement provisoire. De plus, en terminant ses courses avec en moyenne onze secondes d’avance sur ses poursuivants, Challamel ne joue pas dans la même cour que ses camarades. Surtout, cet écart avec le deuxième en course n’a fait que s’accroître au fil des épreuves, passant de 3 secondes lors de l’ouverture à Magny-Cours à plus de 22 secondes lors de la seconde course de Lédenon. Derrière lui, Alexandre Leleu et Stéphane Neff s’affrontent directement pour la deuxième place et, sans un résultat blanc à Lédenon, l’avantage serait pour le second, pilote d’une Aprilia RSV4. En effet, Neff s’est adjugé trois podiums quand Leleu n’en gravissait qu’un jusqu’à présent. Un point sépare actuellement les deux hommes. La pression ne risque donc pas de redescendre.

Classement European Bikes POS.

PILOTE

MOTO

1 2 3 4 5

Léo CHALLAMEL Alexandre LELEU Stéphane NEFF Olivier LOUAULT Julien BRUN

63

BMW

13

BMW

65

Aprilia

8

BMW

5

BMW

POINTS 150 79 78 55 51

SIDE-CAR

EUROPEAN BIKES

S

Recommencement ébastien Delannoy a peut-être changé de coéquipier – il est désormais associé à Nicolas Bidault – mais cela n’a pas altéré sa propension à s’imposer. Le duo a triomphé dans les six courses effectuées (hormis les manches de Magny-Cours remportées par l’équipage wild card, donc non-classé, Tim Reeves/Kevin Rousseau) et possède déjà une avance confortable au championnat F1. Leurs plus féroces adversaires ne sont autres que les leaders du classement F600 : Paul Leglise et Sébastien Lavorel, aux commandes du side-car n°33. A défaut de pouvoir prendre le dessus sur le châssis n°1 et son moteur de 1000cc, ces derniers excellent dans leur catégorie qu’ils dominent allégrement malgré une absence de points marqués à Lédenon 2 à cause d’un abandon. Côté F2, l’avantage est actuellement pour Cesar Chanal et Olivier Lavorel sur le sidecar n°588 (cinq victoires). Reste que Pierre Leguen et Sarah Cescutti tiennent la corde même s’ils n’ont pas encore réussi à gagner une épreuve. Le duo n’est jamais descendu du podium.

S

Classement Side-car POS.

PILOTE

CAT.

1 2 3 4 5

DELANNOY / BIDAULT CHAPILLON / LAFON BENIGNO / BOUCHARD RAFFIER / FERREIRA LUNEAU / LUNEAU

1

F1

89

F1

34

F1

12

F1

3

F1

POINTS 174 103 69 56 56

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Racing +++ de championnats PAR MAXIME PONTREAU PHOTOS DR

Red Bull MotoGP Rookies Cup 4 sur 4 pour Pedro Acosta

FIM CEV Repsol Xavier Artigas en solide leader

Cinq courses, quatre vainqueurs… le championnat du monde Moto3 Junior est toujours aussi concurrentiel. Deux pilotes sortent toutefois du lot : Xavier Artigas (Leopard Impala Junior Team n°43) et Pedro Acosta (Team MTFoundation77 n°37) qui domine la Red Bull MotoGP Rookies Cup. Seul le premier a gagné deux courses en 2020 et il tient actuellement le championnat en main pour 21 points. Comme son compatriote, Acosta compte quatre podiums. En revanche, il accuse un résultat blanc à Jerez 1 quand le pire résultat d’Artigas est une huitième position. Deux autres Espagnols ont triomphé cette saison : Izan Guevara (OpenBank Aspar Team) et José Julian Garcia (SIC58 Squadra Corse). Les Tricolores Lorenzo Fellon et Clément Rougé pointent aux 18e et 20e places du général. En Moto2, l’Italien Yari Montella (Team Ciatti – Speed Up) est invaincu.

Pedro Acosta (n°37) s’était déjà fait remarquer l’an passé, lors de sa première saison en Red Bull MotoGP Rookies Cup, avec trois victoires et deux podiums. Mais cette année, il laisse carrément sans voix. L’Espagnol de 16 ans s'est imposé dans les quatre courses disputées. Pourtant, la concurrence est rude, surtout entre les Ibériques qui ont trusté toutes les places d’honneur. Les trois premiers podiums sont identiques : Acosta, David Munoz, Daniel Holgado. Finalement, le leader faisait la différence au provisoire grâce aux contre-performances de ses principaux rivaux lors de la quatrième épreuve. Munoz finissait 8e et Holgado chutait, ce qui profitait à Ivan Ortola et Daniel Munoz. Gabin Planques occupe la dixième position du provisoire. L’autre Français Bartholomé Perrin est 25e.

MotoAmerica

Cameron Beaubier se balade

Treize succès en quatorze courses… Le champion en titre du MotoAmerica, Cameron Beaubier, n’a clairement pas de concurrence cette année. Alors qu’il vient de remporter sa 51e course Superbike au Barber Motorsports Park, et qu’il possède 103 points d’avance au provisoire sur Jake Gagne, son coéquipier, Beaubier peut déjà sérieusement penser à une cinquième couronne américaine (2015-16 et 2018-19). C’est le prometteur Bobby Fong qui a profité de l’unique faux pas du leader pour triompher. En catégorie Supersport, le pilote mexicain Richie Escalante confirme sa très bonne saison 2019 en dominant les débats actuels (11 victoires).

MotoE Matteo Ferrari sous tension La Coupe du monde MotoE ne manque pas de spectacle cette année. Eric Granado, Dominique Aegerter puis Matteo Ferrari (n°11) se sont soutirés à tour de rôle la tête du provisoire. Présent sur les podiums des quatre premières épreuves, dont deux fois sur la plus haute marche, Aegerter (n°77) a longtemps eu l’avantage au championnat. Seulement, une chute lors de la dernière course à Misano (percuté par un autre pilote), face à une victoire de Matteo Ferrari, sa deuxième également, permettait au champion 2019 de s’emparer du classement général pour quatre points. Si le Brésilien Eric Granado a parfaitement débuté la saison avec une victoire à Jerez, il n’a ensuite jamais été capable de remonter sur le podium, ne faisant pas mieux qu’une 7e position. Fort de deux podiums, Jordi Torres (n°40) est troisième du MotoE. Mike Di Meglio pointe lui à la 8e position avec pour meilleurs résultats deux places de sixième.

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COUP D’ŒIL ❱❱ European Talent Cup

Le Colombien David Alonso mène largement les débats avec quatre victoires et deux places de deuxième en six courses. Il possède ainsi 52 points d’avance sur Alberto Ferrandez. Marco Morelli et Zonta van den Goorbergh comptent un succès chacun.

British Superbike

Tir groupé

Glenn Irwin, Jason O’Halloran, Josh Brookes et Christian Iddon se tiennent en seulement douze points après douze courses disputées en British Superbike. Le pilote officiel Honda Racing Glenn Irwin (n°2) est en tête du provisoire (2 points) grâce à deux premières manches très réussies, mais marque le pas depuis. A l’inverse, Jason O’Halloran (Yamaha) est monté en puissance après un début de saison raté et vient de s’offrir trois podiums et deux victoires en six courses. Multiple champion BSB, Josh Brookes manque de régularité dans ses performances, mais reste un adversaire redoutable et redouté au guidon de sa Panigale V4 R. Également sur Ducati, Christian Iddon compte quant à lui un succès.

CDF Promosport

Lutte à tous les étages Les Coupes de France Promosport ont tendance à faire la part belle aux affrontements. Cette année n’y échappe pas, même si les confrontations se résument essentiellement à des duels après six courses. C’est en Promo 400 que la bataille est la plus tendue. Alexy Negrier et Diego Poncet – tous deux sur des Kawasaki – se tiennent en un point. Dans la catégorie inférieure, en 125cc, le leader se nomme Enzo Dahmani, fort de quatre victoires. Cependant,

Evann Plaindoux, qui compte autant de podiums mais seulement deux succès, reste à son contact au provisoire. La situation est similaire en 600cc, série dans laquelle Ludovic Rizza est en tête pour une dizaine d’unités devant Killian Aebi. En revanche, Benjamin Fontanelle (n°10) domine confortablement le Promosport 1000. Cumulant cinq succès, il a repoussé Maxime Gucciardi (une victoire et trois podiums) à 45 points.

❱❱ CIV

Le championnat Superbike d’Italie ne compte que quatre rounds et trois ont déjà eu lieu. Lorenzo Savadori possède un avantage conséquent en tête, au point que seul Samuele Cavalieri peut encore espérer lui ravir le titre.

❱❱ ESBK

A mi-saison, Roman Ramos s’est hissé à la première place du Superbike espagnol grâce à un doublé à Valencia, mais doit se méfier de Carmelo Morales. Florian Marino et Jérémy Guarnoni sont respectivement 6e et 8e du championnat.

❱❱ IDM

Jonas Folger a assommé la concurrence en Superbike allemand. Il reste invaincu avant l’ultime manche du championnat à Hockenheim. Difficile d’imaginer que le titre 2020 ne lui échappe sachant que 43 points le séparent d’Ilya Mikhalchik. Erwan Nigon est 8e du général.

❱❱ Women’s Cup

Une fois la pole position en poche, Gaëlle Rémy s’est offert la première épreuve du championnat de France Women’s Cup en l’ayant menée en intégralité, avec en prime le meilleur tour en course. Natacha Rémy et Béatrice Girard complètent le podium.

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DIAMOND RACES

LE NOUVEAU TT Une île, un circuit de 20 km sur routes publiques, quatre catégories de motos, des départs solo… Les Diamond Races ont tout du Tourist Trophy. Ces nouvelles courses sur route devraient voir le jour en octobre 2021, à seulement quelques kilomètres des côtes françaises. PAR Mat Oxley - PHOTOS D.R n octobre 2021, l’île de Wight, située dans la Manche, à quelques kilomètres des côtes françaises, devrait accueillir de toutes nouvelles courses sur route. Il ne faudra plus seulement compter sur le Tourist Trophy, la North West 200 ou l’Ulster GP – entre autres – pour voir des pilotes de génie défier l’entendement. Les Diamond Races comptent se faire une place de choix dans le milieu des road races. Une équipe de promoteurs et de pilotes travaille en tout cas depuis de nombreux mois pour faire de l’événement, ils espèrent, la course moto la plus riche de la planète. Tout commence par un tracé de 12,4 miles (20 km) – se parcourant dans le sens antihoraire – dessiné dans le sud-ouest de l’île et ayant été approuvé par deux vainqueurs du Tourist Trophy de l’île de Man : James Hillier et Steve Plater. Résultat : une grande

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partie du tour arpente des routes de campagne sinueuses et vallonnées traversant des villages pittoresques, mais comprend aussi deux lignes droites consécutives sur la route côtière où les pilotes devraient dépasser les 320 km/h. Hillier et Plater estiment déjà que la vitesse moyenne au tour sera d’environ 130 mph, soit 209 km/h. A titre indicatif, le record du tour au TT est actuellement détenu par Peter Hickman avec une vitesse moyenne de 135,452 mph, soit 217,989 km/h. "Le circuit a dépassé mes attentes, s’extasie James Hillier, vainqueur de la Lightweight TT en 2013 et auteur de multiples podiums dans les autres catégories de la Snaefell Mountain Course (Senior, Superbike, Superstock et Supersport). Il a un peu de tout pour tout le monde et certaines sections vont être très spectaculaires. Il coche toutes les cases pour attirer les fans. Il

semble être vraiment génial, je suis impatient. Et comme je suis un local, je vais pouvoir venir sur place régulièrement pour essayer de trouver un petit avantage." Les Diamond Races – comprenant les catégories Superbike, Superstock, Supersport et Lightweight – se dérouleront selon le format contre-la-montre du TT, avec un pilote partant seul toutes les dix secondes, une partie du circuit ayant été jugée trop étroite pour les départs groupés. "Clerk of the Course" du TT (l’équivalent d’un directeur de course), Gary Thompson sera également en poste sur l’île de Wight. Il a examiné de près le circuit et fait une évaluation complète des risques. L’homme travaille à présent avec les autorités locales pour corriger les problèmes dus aux poteaux téléphoniques, bouches d’égout, clôtures, bordures de routes, sans compter un bon millier d'œils-de-chat (dispositifs

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TT

ÉVÈNEMENT I ROAD RACE

A quelques kilomètres des côtes françaises, ce décor pittoresque compte accueillir des courses étincelantes.

rétroréfléchissants insérés dans la chaussée). "Une grande partie du tracé possède déjà un excellent asphalte, souvent moins agressif que celui du TT, détaille Thompson. Il y a beaucoup de travail à réaliser, mais il y a aussi beaucoup d’enthousiasme de la part des personnes concernées."

AUTANT D’AMBITION QU’UN PILOTE

Auteur d’un podium au TT et team manager Honda, Neil Tuxworth est également impliqué dans l’événement. "Les Diamond Races reçoivent beaucoup de soutien de la part du milieu de la road race car plusieurs courses historiques en Irlande ont disparu ou connaissent des difficultés. Nous avons invité Mervyn Whyte [directeur de la North West 200] et d’autres connaisseurs à voir le circuit et ils sont tous très enthousiastes. Nous voulons, à terme, un budget pour les primes plus gros que celui du TT." Le coût total nécessaire à l’organisation des Diamond Races pour la première année pourrait atteindre cinq millions d’euros. Un investissement que les promoteurs espèrent combler grâce aux droits télévisuels et au sponsoring. Les organisateurs attendent actuellement la publication du calendrier 2021 du British Superbike avant d’annoncer une date exacte pour les Diamond Races. Ils désirent que leur rendez-vous se déroule après la traditionnelle finale d’octobre à Brands Hatch, où les essais ont lieu les mercredi et jeudi puis les courses les vendredi et samedi. Si les Diamond Races se concrétisent, ce seront les premières courses à se dérouler sur la voie publique en GrandeBretagne, en opposition aux circuits situés dans des parcs tels Scarborough et Aberdare Park. Jusqu’à récemment, toutes les épreuves de vitesse étaient interdites en Angleterre, au Pays de Galles et en Ecosse. C’est pourquoi l’Irlande du

Nord et l’île de Man furent les berceaux des courses sur route au Royaume-Uni durant plus d’un siècle. C’est en 1904 que l’île de Man a adopté une loi autorisant les courses sur ses routes, conduisant à la première épreuve du Tourist Trophy en 1905, pour les voitures seulement. Puis, en 1907, les motos y posèrent leurs roues et adoptèrent le même titre : Tourist Trophy. Le nom TT est d’ailleurs protégé par le droit d’auteur et ne peut être utilisé que par le TT de l’île de Man et le Dutch TT d’Assen, qui a reçu l’autorisation d’utiliser cette appellation dans les années 1920. Si les Diamond Races peuvent désormais voir le jour, c’est grâce à une nouvelle loi adoptée par le gouvernement en 2017 autorisant l’Auto Cycle Union et la Motor Sports Association à délivrer des permis de courses, de sorte qu’une loi du Parlement n’est

plus nécessaire pour fermer les routes. Outre l’amour de la Road Race, l’objectif d’un tel événement est de stimuler l'économie locale, facteur important dans la prise de décision de l’île de Man en 1904, qui cherchait à prolonger la saison touristique de la toute nouvelle station balnéaire de Douglas. Les organisateurs des Diamond Races espèrent d’ailleurs que la proximité de l’événement avec Londres et la région la plus densément peuplée du Royaume-Uni attirera entre 20 000 et 50 000 fans. Ce n’est pas la première fois que quelqu’un essaie de tirer profit de nouvelles lois concernant la fermeture des routes. En 2017, un promoteur a essayé d’organiser une course près de Sennybridge au Pays de Galles, sur les terres du Ministère de la Défense, sans succès. On croise cependant les doigts pour une bonne raison : pour nous, Français, les Diamond Races sur l’île de Wight, par leur proximité, seront une opportunité unique de (re)découvrir le monde des courses sur route. •

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Sans rétro

En compét', on vire les rétros. Mais ça n'empêche pas Jacques Hutteau d'y jeter un œil…

GUY BERTIN

Un sacré parcours pour un sacré caractère et un seul objectif : gagner, envers et contre tous ! PAR Jacques Hutteau PHOTOS Archives FIM / M. Büla & PSP Perec

ictoire d’un Français au GP de France sur une moto française ! Une exception dans l’histoire, et tous ceux présents ce 2 septembre 1979 ne l'oublieront pas. Guy Bertin a déjà gagné à Brno, pour sa première sortie sur la 125 Motobécane. Mais personne ne s'en est aperçu. Même pas les journaux spécialisés de l’époque, fermés pour congés estivaux. Alors, cette victoire tricolore au Mans va avoir un fort retentissement : un drôle de petit Français vient de terrasser un multiple champion du monde qui, en voulant l’intimider, a fini par terre dans le dernier virage…

V

Guy Bertin gagne ce jour-là ses galons de Grand Pilote, et sa petite Mélanie dans les bras, il savoure l’hymne français. Et le malheureux Thierry Espié, venu assister le speaker, comprend que cette 125 Motobec', initialement confiée au vainqueur du jour le temps de sa convalescence, ne lui sera plus rendue. La saison avait pourtant superbement débuté pour lui, second à plusieurs reprises sur les guêtres de l’invincible Nieto. Mais en chutant à Assen, il s'est blessé grièvement. L’équipe de Jean Bidalot reçoit alors de nombreuses offres et Guy Bertin, déjà pilote Pernod, est finalement retenu. Comme beaucoup de Français à cette

période, Guy a attaqué les GP, la fleur au fusil, sur des 250cc préparées avec soin. Car outre ses talents de pilotage, il est excellent mécanicien. Depuis quelques années déjà, il trainait ses cuirs sur les circuits, d'abord avec un curieux 50cc long comme un mois sans Sport-Bikes, construit par son copain Paul Bocquet, Savoyard comme lui. Mais qui s’en souvient ? Pourtant, ceux qui comme moi passaient des soirées à l’écouter sur les circuits nationaux nous raconter des histoires à mourir de rire, avec son bel accent savoyard, ne peuvent l’oublier. Sans compter la raclée qu’il nous mettait en course… avant d’abandonner. Beaucoup de soucis mécaniques et de fausses propositions lui font perdre du temps, mais sa détermination et un talent indéniable lui permettent de vaincre de nombreux obstacles. Ainsi, il battra le record du tour au Paul Ricard dès son premier essai sur une Yamaha 250 ou s'élancera depuis la première ligne pour son premier GP, à Jarama, en 1977. Après cette superbe fin de saison 79, la course au titre est lancée pour 1980. GP de France 1984 : Bertin (57) dans l'aspi de Sarron.

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Temps forts

GP de France 1979 : Guy et sa Motobécane 125cc filent vers la victoire !

GUY BERTIN

NÉ LE 25 novembre 1954 à Aix-les-Bains

EN GRANDS PRIX 1 x vice-champion du monde GP125 1980

SAISONS

9

1976 à 1988

VICTOIRES

6

Quelques casses et une chute l’obligent à se contenter de la place de vice-champion. Promu pilote d’usine Sanvenero en 1981, de trop nombreux abandons ne permettent pas à Guy de rivaliser pour le titre malgré une belle victoire et plusieurs podiums. Une option sur la 500cc de la marque va l’amuser un moment, mais la moto peu compétitive et des promesses jamais tenues aboutiront à un vrai divorce à l’italienne. Retour en 250 avec les MBA officielles, puis des Yamaha et Honda privées, et toujours de belles courses quand la machine le permet. Heureusement (déjà !) existe l’Endurance : il y obtient d’excellents résultats (dont deux victoires au Bol d’Or 1983 et aux 24H du Mans 1985) qui lui permettent d'assurer ses saisons en vitesse. Tout l’argent gagné dans ses relais est réinvesti en GP. Mais Bertin n’est pas homme à mâcher ses mots. Et quand on a l’audace d’affronter les patrons et de refuser de signer le contrat proposé, la suite est vite trouvée. L'homme n’a jamais pu se taire au risque de tout perdre. Et c’est ce qui est arrivé. La moto et l’aide promises pour la vitesse iront finalement vers un autre. Aucun re-

Mais qui peut l'arrêter ?

gret pour le pilote : il est comme ça, Guy ! Chantal, qui partage depuis ses débuts ses joies et ses peines, accepte les sacrifices habituels des compagnes de pilotes privés. Par contre, le bon fromage ne manque pas sur la table de la caravane, puisque le Pavé d'Affinois aide le Savoyard à financer sa 250 Honda. Elle est bien jolie cette moto jaune, mais si peu compétitive qu’elle ne lui permet pas de se bagarrer aux avant-postes. Le talent est toujours là, mais face aux motos d’usine et à certains Français disposant de vraies balles, il n'y a rien à faire. Alors, grâce à ses compétences techniques, il devient mécano pour différents pilotes en GP, dont Alain Bronec, le Suisse Bernard Haengelli ou Adrien Morillas, et s’occupera même du suivi des pilotes privés au Dakar. Il bichonne les motos, règle les moteurs et apporte au pilote la monture prête à courir, alors qu’il rêve de l’enfourcher, convaincu de pouvoir encore jouer devant. Mais les filles grandissent, Chantal en a assez de cette vie de gitan, sans rien ou trop peu dans la marmite, et il lui faut bien se résigner à chercher un métier convenable. Enfin pendant un moment,

Une nouvelle catégorie vient de naître : la Klass GP, organisée cette fois par Jérôme Krebs. Et Guy veut courir. Rien de plus normal à 60 ans passés ! Une idée échangée avec Jean-Claude Besse, manager de l’ex-Équipe de France, ancien de Scrab, de Motobécane et de Pernod, qui contacte le sympathique collectionneur toulousain propriétaire de l'Aprilia 250 ex-Guintoli. L’affaire est faite et la moto prêtée sans plus de garanties. Quelques journées de préparation dans l’atelier de Nogaro, et revoilà le Guy Bertin des belles années, celui qui ne voit pas le temps passer et qui enchaîne les victoires au guidon d’une machine compétitive. Après deux saisons, il a bien fallu rendre cette moto à son propriétaire. Mais finalement, l’organisateur de la Klass GP lui propose la sienne pour la suite. Et la saga continue. Des nuits de mécanique suivies de victoires et de podiums, sur lesquels l'accompagnent de jeunes pilotes dont les âges cumulés n’égalent même pas le sien. Il faudrait un bouquin pour raconter tout ce que ce gars-là a fait. À 66 ans cette année, il n’a qu’une idée : attaquer la prochaine saison. Mais avant ça, il termine 2020 sur une double victoire à Pau Arnos, juste 50 ans après sa toute première course gagnée au printemps 1971. Je vous le dis : rien n’arrête Guy Bertin !

DÉPARTS

PODIUMS

POLE POSITIONS

RECORDS DU TOUR

56

8

12

8

ET AUSSI

4 titres nationaux 1 victoire au Bol d'Or 1 victoire aux 24H du Mans 3 titres et + 50 victoires en ICGP 2 titres et + 25 victoires en KlassGP

Ses débuts

1971 en course de côte

Son ultime saison

Encore en activité (en KlassGP)

un moment seulement. Car Eric Saul a la bonne idée de créer des compétitions réservées aux 250 et 350 2-temps. Et revoilà notre Bertin, qui finit par trouver une superbe Kawasaki, la même qui le passait comme un avion dans les bouts droits d’Hockenheim ou de Spa ! Jean-Paul Mestre lui prête ses motos et Bertin retrouve sa jeunesse, son enthousiasme. Et les victoires. Ça va durer un certain temps. Et puis, tout Bertin qu’il est, ça se termine en queue de poisson, en engueulade avec Saul. Et revoilà le Savoyard revendicateur à pied ! Bertin n’a jamais changé et c’est pour ça qu’on l’apprécie. •

L’anecdote de Jakuto

Alerté par des soucis cardiaques et poussé par Chantal, Guy doit consulter un spécialiste qui prévoit une opération urgente. Guy lui répond qu’il a deux courses programmées ce week-end-là et que l’opération passera ensuite ! J'aurais payé cher pour voir la tête du chirurgien !

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C'est Jakuto qui le dit Ancien pilote, ex-paddock manager, commentateur intérimaire et consultant technique chez Elf, Jacques Hutteau apporte dans chaque numéro son regard décalé et plein d'humanité sur notre sport favori.

Tribunes vides, carton plein ? a voie est libre dans le paddock pour tous les gars qui poussent leurs lourds chariots, chargés de jantes fraîchement chaussées de pneus neufs, et s’amusent à se doubler en riant. Ils n’ont plus à éviter tous ces invités, flânant à l'affût des pilotes. Il y a tellement plus d’espace libre sans toutes les immenses hospitalities restées au garage, que le paddock a changé d’allure. Plus besoin de barrières de sécurité autour des camions et des maisons mobiles des stars, qui peuvent enfourcher leur scooter à leur guise et foncer dans les allées désertes – au point, pour certains, de se faire rappeler à l’ordre ! Un sacré travail a été accompli afin que la saison démarre. Les indispensables sont là, certains "irremplaçables" n’ont pas été conviés. Même les journalistes, malgré une fronde justifiée, n’ont pas reçu l’autorisation de venir travailler sur ces premiers GP. Seuls quelques rares photographes professionnels sont acceptés. Ces fichus masques à porter du matin au soir, ce grattage dans la gorge et dans le nez pour le moins désagréable, complété par des contrôles de température à chaque entrée et sortie, nous gâchent un peu la vie. Pourtant, nous sommes devenus méfiants et inquiets lorsque nous sortons de notre bulle, quand nous croisons les autochtones non protégés. Bien sûr, toutes ces tribunes vides et ces collines totalement désertes, où l’herbe a poussé faute d’être piétinée, sont bien tristes. Aucun guichet à l’entrée, pas de parkings remplis de motos comme nous aimons les voir, plus d’embouteillages le matin obligeant à se lever à pas d’heure, pas de souci de laissez-passer à déposer ou d’appel de VIP agacé de ne pas disposer de "son" parking officiel… Les stands de vente remplis de produits publicitaires ont disparu. Les hôtels, restaurants, campings autour des circuits sont vides, au grand dam de leurs propriétaires. Vraiment bizarre de traverser toutes ces zones désertes, habituellement grouillantes de spectateurs bigarrés… Pourtant, presque honteusement, nous ne sommes pas si mal entre nous. Même s’il nous faut regarder à deux fois avant de reconnaître ce type masqué, casqué, lunettes de soleil sur les yeux, j’ai l’impression que nous nous saluons plus facilement et plus gaiement, sans doute parce que nous sommes conscients de notre chance d’être là et de faire front à cette saleté de bestiole ne cherchant qu’à

L

détruire. Même si beaucoup d’habitudes sont remises en question, même si les paniers repas sont imposés à presque tous, même si nous avons l'interdiction de sortir du combo paddock/hôtel, nous "y" sommes, heureux de nous déplacer le plus souvent en voiture ou fourgon, comme à l'époque du Continental Circus. Bien sûr, nous nous inquiétons pour les courses à venir compte-tenu des informations pessimistes, mais on veut y croire et on s’organise pour aller au bout de cette drôle de saison. Bien sûr, l’ambiance festive nous manque. On se croirait aux tests officiels du début de saison. Les grilles de départ ne ressemblent plus aux rues envahies des férias du Sud-Ouest, les jolies umbrella girls ne font plus parties du spectacle, les podiums devant quelques mécanos et membres des équipes manquent de ferveur. Pourtant, les courses n’en sont pas moins disputées et nous avons vibré aux premières victoires de notre Français surdoué. Nous avons vu des chutes, obligeant notamment le plus craint à rester chez lui devant sa TV. Nous avons eu terriblement peur de ces accidents terrifiants qui auraient pu changer le cours de l’histoire. Nous avons connu des moments déplaisants où trop de commentaires ont dépassé les limites de l'acceptable, mais où la meilleure des réponses a été donnée sur la piste par notre double champion du monde Moto2, que d’aucuns avaient oublié en ce début de saison. Mais nous "y" sommes. Des GP au WSBK, c’est la même ambiance, les mêmes paddocks immenses tellement ils sont vides, les mêmes contraintes, mais toujours les mêmes plaisirs. Nous vivons des moments intenses, des victoires inattendues, des scènes de joie débordante, sur ce fond proverbial : "lorsque le chat n’est pas là, les souris dansent." Cette saison se poursuit avec un calendrier un peu compliqué, étriqué. Mais finalement, quelle chance après cette longue période de doute, de revoir nos pilotes en action ! Et vous êtes si nombreux devant les écrans de TV que la notoriété de la Moto et de la Compétition pourrait bien sortir grandie de ce maelstrom. 2020 restera dans l’histoire comme une exception que l’on voudra vite oublier. Mais tous ensemble, passionnés de course moto, voyons le réservoir d'essence à moitié plein plutôt qu'à moitié vide ! •

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