Le Petit Journal des Toques Blanches Lyonnaises n°10

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Automne 2020

CUISINIERS : TENDRE VERS UN NOUVEL HORIZON…


DEPUIS 1936


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Les Toques Blanches Lyonnaises réunient au Grand Hôtel Dieu lors de l’assemblée générale le 20 janvier 2020

ÉDITO

POSITIF, QUOI QU’IL EN COÛTE !

“Ça ne nous coûtera pas plus cher de rester positif… » Quoi qu’il en coûte, me plaît-il d’ajouter. Cette confidence d’un cuisinier de notre association esquisse les contours de ce que sera, demain, notre action : constructive. Tel est donc le leitmotiv, et la philosophie, prônée et martelée par les Toques Blanches Lyonnaises. Que nous aspirons à porter et incarner : pour le meilleur et… le meilleur ! Quoi qu’il en coûte, parce que cette pandémie de Covid-19, nous le savons, nous impacte et nous impactera durement ; Quoi qu’il en coûte car la confiance de nos clients (et parfois amis) est et sera durablement altérée quant à l’idée de partager des instants conviviaux au sein de nos établissements ; Quoi qu’il en coûte à l’instar des premiers cordées qui ont tant donné : nous sommes un pan de la culture française, un acteur économique et social incontournable, un maillage essentiel en matière d’insertion, formation voire d’intégration. En résumé : nous participons à l’unité de la Nation. Soyons solidaires ! Quoi qu’il en coûte car pour toutes ces raisons notre profession demeure audible au plus haut sommet de l’État : nous ne sommes pas seuls. Profitons-en ! Quoi qu’il en coûte au vue d’une situation inédite, presque surréaliste à tous niveaux : nous invite-t-elle à devoir nous repenser ? Posons-nous la question. Davantage qu’un frein ou qu’un écueil, que cette crise sanitaire s’impose à nous comme un accélérateur de tendances, un révélateur pour nos métiers de la restauration. Plébiscitons une profession en mouvement ! Le plan de relance gouvernemental annoncé début septembre a donné la part belle à l’innovation : osons, innovons.

LE PETIT JOURNAL DES TOQUES BLANCHES LYONNAISES # 10 Directeur de publication : Christophe Marguin Comité de rédaction : Béatrice Grandgeorge ; Christophe Allardon ; Frédéric Berthod ; Frédéric Côte ; Georges Dos Santos ; Julien Gautier ; Dominic Moreaud ; Olivier Paget ; Gérard Sénélar ; Benoît Toussaint et Joseph Viola. Crédit photos © : ONLYLYON Tourisme / Laurent Berthier (couverture) ; Fabrice Schiff (p1) ; ONLYLYON Tourisme / Gaël Fontaine (p4) ; Archives Maison Bonnat (p6-7) ; Saby Maviel (p8-9) ; ; JM Favre et Florian Peallat (p10-11) Adobe stock et DR Impression : Imprimerie Chirat Dépot légal : ISSN2647-8390

Les Toques Blanches Lyonnaises 45, quai Charles de Gaulle - 69006 Lyon

Acceptons l’idée que plus rien ne sera plus vraiment comme avant ; que déjà, lors de la réouverture de nos établissements le 2 juin dernier, le supplément d’âme qui nous animait jusqu’au 17 mars s’était quelque peu dilué… Il reviendra, j’en suis convaincu, mâtiné d’une saveur encore plus forte, j’en suis sûr : nous ne sommes pas cuisiniers par hasard, nos parcours d’hommes et de professionnels le démontrent, l’adversité ne nous fait pas peur. Nous voilà face à un Everest : nous le gravirons, notre cordée est solide ! Quoi qu’il en coûte enfin car il en va de l’avenir même de notre métier : don de soi, courage et passion ne sont-ils pas les valeurs tutélaires de notre métier de cuisinier ? Sachons en être dignes : nous le serons ! En attendant, tous, savons que l’automne qui s’ouvre à nous fera office de juge de paix pour beaucoup d’entre nous. Si nous acceptons l’augure que les feuilles mortes se ramassent à la pelle, soyons unis pour refuser une telle prophétie pour nos établissements. Coûte que coûte. Christophe Marguin Président des Toques Blanches Lyonnaises


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ÉVÉNEMENT

BOCUSE D’OR EUROPE

TOQUICIMES À MEGÈVE Le concours du pâtécroûte de montagne en nouveauté !

ALLEZ DAVY !

Après un été de préparation studieux, la team France Bocuse d’Or présidée par le chef doublement étoilé Serge Vieira (Bocuse d’Or 2005 ) entame la dernière ligne droite avant la tenue des Bocuse d’Or Europe, à Tallinn, en Estonie, les 15 et 16 octobre prochains. Un défi à la hauteur du chef (et ami), Davy Tissot. À la tête des fourneaux du restaurant Saisons (le restaurant d’application de l’Institut Paul Bocuse, une étoile Michelin cette année), ce passionné de sport, MOF 2004, se consacre maintenant uniquement au concours et s’entraîne sans réserve pour porter haut les couleurs françaises. Épaulé par une équipe soudée, le chef lyonnais devra notamment phosphorer sur la caille estonienne mais aussi le poisson-chat, l’invité officiel du Bocuse d’Or Europe pour le thème sur assiette, accompagné de garnitures uniquement végétales. Davy Tissot s’est entouré d’une équipe technique de premier plan dont les chefs Meilleurs Ouvriers de France Alain Le Cossec et Fabrice Prochasson (coach 2013). Naïs Pirollet, responsable de la recherche et du développement des recettes, apporte sa créativité à travers un regard neuf et Julien Dubois, cuisinier de formation et ancien militaire, porte la responsabilité de la logistique de la Team France en tant que chef de projet. “Le concours du Bocuse d’Or est plus qu’une compétition. C’est une aventure humaine et collective. C’est notre complémentarité qui fera notre force. On ne gagne jamais seul.” Davy Tissot www.teamfrancebocusedor.com

Trois parrains prestigieux — Emmanuel Renaut (présidentfondateur de Toquicimes), Guillaume Gomez et Régis Marcon — la présence de chefs mégevans, Julien Gatillon, Anthony Bisquerra, Nicolas Hensinger, Nicolas Sintes notamment — trois concours de cuisine parmi lequel la Meilleure fondue de Megève et deux nouveautés — la meilleure soupe de montagne et le concours du pâtécroûte de montagne (le vainqueur validant son ticket pour le concours international !), du 16 au 19 octobre 2020, Toquicimes célèbre à nouveau la cuisine de montagne, le village de Megève pour écrin. Pour cette troisième édition, les organisateurs font la part belle aux artisans et produits locaux. Un objectif : soutenir la filière. Animations, jeunesse, produits locaux, cette fête authentique, axée sur les rencontres, les circuits courts et la transmission, se veut à la fois vitrine et ambassadeur d’une certaine idée de la cuisine, celle de montagne.

ÉVÉNEMENT

TROPHÉE DE LA GASTRONOMIE ET DES VINS : 13E ÉDITION ! C’est devenu une date emblématique dans le landerneau lyonnais : le 26 octobre et pour la treizième année, le Groupe Progrès – en collaboration avec l’association les Toques Blanches Lyonnaises – organise une grande soirée dédiée à la gastronomie et aux vins. Au menu : cinq-cent-cinquante convives réunis au Palais de la Bourse, quatorze prix décernés et un parrain, Guillaume Gomez. Rendez-vous : lundi 26 octobre 2020 sur inscription uniquement Lieu : palais de la Bourse (Lyon 2e) À partir de 18 heures : accueil des premiers invités 19h30 : début de la soirée

Toquicimes à Megève, du 16 au 19 octobre 2020 www.toquicimes.com

NOUVEAUX MEMBRES Philippe BARBERET

Restaurant Le Capella Château Chapeau Cornu 352, rue de la Garenne 38890 Vignieu Tél. 04 74 27 79 00

Il est de retour depuis avril 2019 ! Chef de cuisine du Capella de 2002 à 2011, avant un intermède de huit ans à l’Hôtel de France (La Côte-Saint-André), Philippe Barberet a “repris” les fourneaux au château de Chapeau Cornu. Au programme, une cuisine inventive et gourmande, basée sur le goût, en utilisant des produits frais, locaux et de saison. Au rendez-vous, une carte de prestige, saupoudrée d’un pigeon rôti au parfum de truffe qui tend à démontrer que cette adresse est bel et bien à conseiller.

Thomas LEMAIRE

Table & Partage 51, rue Richerand 69003 Lyon Tél. 04 87 24 79 74

Le Plaza Athénée (Paris), chez Pic à Valence, le Martinez (deux ans à Cannes), professeur de cuisine au sein de l’Institut Paul Bocuse (à Écully), Thomas Lemaire présente un parcours culinaire sans faille qui, dans les années 2010, a pris le virage de l’entrepreneuriat. Avant de lancer son propre restaurant, Table & Partage, au côté de son épouse, Susana. Au menu ? Une carte changeant toutes les semaines et quelques plats “signatures” parmi lesquels un poulpe mariné et rôti, accompagné d’une polenta crémeuse aromatisée aux chipotles et sauce à l’encre de seiche…


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FORMATION

LES CHIFFRES

CHAMPIONNAT DE FRANCE DE PÂTÉ-CROÛTE des Écoles Hôtelières & CFA

PRÈS DE

Créé en 2019, à l’initiative de la Confrérie du Pâté-Croûte, le championnat de France de Pâté-Croûte poursuit sa mue. La Région Auvergne-Rhône-Alpes, la Confrérie du Pâté-croûte et les Toques Blanches Lyonnaises se sont associés pour organiser ce concours inédit et pousser la nouvelle génération à réinventer les recettes du terroir ! Plus qu’un simple thème de concours, le pâté-Croûte, dont le renouveau s’affiche depuis plusieurs années grâce notamment à son championnat du Monde, est devenu une véritable pierre angulaire des métiers de charcutiers, pâtissiers et cuisiniers. Au point de susciter de véritables vocation. Ainsi, ce concours s’adresse aux élèves des lycées professionnels &, CFA passionnés par cette pièce.

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CHEFS DISTINGUÉS en 2020 : BIB, Assiette Michelin, 1, 2 ou 3 étoiles

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CHEFS MEMBRES EN 2020

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CHEFS ÉTOILÉS

Pour cette nouvelle édition, le dossier d’inscription et le règlement du concours sont à demander par mail à : lrevel@pate-croute.fr Les dossiers sont à faire parvenir à Maitre Robin DELMAIS, huissier de justice avant le 30 Octobre 2020. La sélection des dossiers sera annoncée le 15 Novembre.

BENJAMIN NIETO Chez Lucien Restaurant - Bistrotier Rue de Belfort 69004 Lyon Tél. 04 26 07 35 76

MOF MEILLEURS OUVRIERS DE FRANCE

POUR UN TOTAL DE

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Entre Benjamin Nieto, chef-propriétaire et la figure emblématique du lieu, le chien Lucien, qui se partagent la vedette ? Les deux, mon capitaine. Formé à l’institut Paul Bocuse, de passage chez les plus grands (Christian Têtedoie notamment), avant une escapade de cinq années au Pays basque, ce jeune chef a ouvert en juin 2016, “son” restaurant sur le plateau de la CroixRousse, Chez Lucien. Un patio, un bulldog anglais, une ambiance unique et une cuisine de “bistrotier”, à la fois goûteuse et de tradition, sont autant d’ingrédients qui font de cette adresse, un petit bijou que l’on se plaît à faire connaître et surtout, à partager !

Grégory PATOUX

Aurélien MÉROT

Auberge du Cep Place de l’Église 69820 Fleurie Tél. 04 74 04 10 77

Une idée de l’inventivité distillée au Cep ? Poulet fermier de l’Ain Miéral cuisiné au vin de Fleurie, coq au vin de Fleurie (évidemment !), Lotte rôtie au poivre timut et sucs de carottes et moutarde, la cuisine d’Aurélien Mérot respire le terroir. Et le bon goût. Un retour également pour le chef du côté de Fleurie, lui qui avait déjà œuvré en cuisine au Cep (dans les années 2000), sous la houlette de Chantal Chagny. La localisation s’y prêtant (on peut le dire), soulignons la place importante donnée aux viticulteurs via une belle vitrine de leurs vins.

ÉTOILES CUMULÉES

La Corbeille Fleurie 395, montée Saint-Eloi 69400 Porte-des-Pierres-Dorées Tél. 04 27 49 72 05

“Des plats saisonniers et une cuisine traditionnelle soignée, privilégiant le terroir local”. La promesse de Grégory Patoux donne envie : n’en jetez plus, la corbeille (fleurie !) est pleine ! Sans compter les desserts “maison” qui apportent une dimension finale de très bon goût. Logique, pour un homme qui s’est découvert une passion de cuisinier… à La Corbeille Fleurie (auprès de Christian Garcia), puis pour un chef, formé dans quelques-uns des grands établissements de la région lyonnaise (La Villa florentine, Guy Lassausaie, le château de Bagnols, le Juliénas notamment), avant de décider de revenir… “chez lui”, à La Corbeille Fleurie. La boucle est bouclée.


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DOSSIER

PANDÉMIE et maintenant ?

UN BON MOIS DE JUIN ET DE JUILLET, QUINZE PREMIERS JOURS D’AOÛT SATISFAISANTS, DANS L’ENSEMBLE LES MEMBRES DU BUREAU DES TOQUES BLANCHES LYONNAISES AVOUENT « AVOIR SAUVÉ LES MEUBLES » DURANT LA PÉRIODE ESTIVALE. SEULEMENT LE PLUS DUR COMMENCE : DISTANCIATION, SERVICES EN INTÉRIEUR, MESURES SANITAIRES, AIDES GOUVERNEMENTALES, MANQUE DE PERSONNEL, DE LEADERSHIP, TOUT SIMPLEMENT DE PERSPECTIVES, C’EST TOUTE UNE PROFESSION QUI S’INQUIÈTE.

L

Pour rappel

Port du masque obligatoire dans nos établissements

a prophétie est signée Dominic Moreaud (Une Faim d’Apprendre). Péremptoire, elle est validée à l’unisson par les membres du Bureau des Toques Blanches Lyonnaises : “Ceux (ndlr : les restaurants) qui seront toujours présents au mois de décembre seront champions du monde [sic] !” Le doyen des Toques Blanches Lyonnaises, Gérard Sénélar (Carpe Diem), 89 bougies, en reste pantois : “J’ai pris les plus grandes vacances de ma vie [sourire]. Même après la guerre, je n’avais pas ressenti un tel vide, incroyable… Ma situation ? J’ai réouvert en juillet. Sans extérieur, j’ai perdu la moitié de mes trente couverts. Il faut faire avec… D’où mon inquiétude pour la profession. Pour les jeunes aussi, la formation et la transmission qui sont l’ADN de nos métiers.” En résumé, le juge de paix pour la profession n’est pas la rentrée de septembre mais bel et bien les fêtes de fin d’année. Un son de cloche partagé par Julien Gautier (M Restaurant) qui, lui, en clôturant son exercice fin juin connaît déjà sa facture post-confinement : “280 000 €… Mais on passe, sourit-il, même si on ne prendra pas trois semaines de vacances aux Bahamas cette année…” Il n’a fermé qu’une semaine cet été au lieu des trois habituelles ; Olivier Paget (L’Âme Sœur) pas du tout, “résolution d’après guerre sanitaire après un mois

et demi de vacances subit” ; Christophe Allardon (Maison Allardon) ne s’est accordé « que » dix jours de congés “en réalisant le même chiffre d’affaires que l’année dernière, porté par le beau temps et la terrasse : mais quid de l’automne ?” Les terrasses, la bouée de sauvetage pour tous cuisiniers lyonnais. Chez Paul’O, au bord du Rhône, Benoît Toussaint avoue “un excellent mois de juillet ainsi qu’un mois d’août légèrement supérieur à l’an dernier”. Du côté de la Cité internationale, au 33 Cité, Frédéric Berthod a capitalisé sur ses extérieurs. Un levier bienvenu : “Outre la distanciation qui nous fait perdre 30 % d’accueil à l’intérieur, nous sommes doublement impactés : à la fois par le télétravail et l’annulation des salons. Une aberration à mes yeux : début juillet, dans les Alpes françaises, j’ai pris un téléphérique bondé. Deux poids, deux mesures ?” Plus au Nord, à Anse, en bord de Saône, Frédéric Côte (Au Colombier) assure « avoir bien bossé”. Et gagné des clients suite au confinement : “Les gens passaient devant le restaurant et se sont promis de venir dès qu’ils le pourraient. Comme la distanciation des tables ne m’a pas posé de problème non plus, je ne me plains pas question fréquentation. Pour le reste…”


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DÉMISSIONS, BURN-OUT, ABANDONS DE POSTE ETC. LE CONFINEMENT A FAIT DES DÉGÂTS SUR LE PLAN HUMAIN. PENDANT CE TEMPS LES CHEFS CHERCHENT DE BONNES ÂMES POUR TRAVAILLER… Le reste ? Parlons des dégâts du confinement sur le plan humain. À croire que la profession en est le réceptacle désigné : “Beaucoup ont démissionné une semaine après la reprise, renchérit Frédéric Côte. Résultat, mon café éponyme était toujours fermé début septembre : je ne trouve pas de personnel à mettre dedans”. Frédéric Berthod, Christophe Allardon et Joseph Viola stigmatisent aussi cette hérésie sociale. Une gageure d’autant plus incompréhensible qu’à l’heure actuelle, la profession a su garder toutes ses ouailles. “Nous sommes de plus en plus prudents », admet Joseph Viola qui, avec trois restaurants (Daniel et Denise), une épicerie et une cinquantaine de salariés entend faire montre de pragmatisme : “Nous ajustons nos embauches à la quinzaine, la vérité d’une semaine étant souvent mise à mal la semaine suivante.” Avant de pointer d’autres écueils et de soulever d’autres questions : “J’ai été contrôlé dès les premiers jours de réouverture ce qui ne me pose aucun problème : j’ai 2 500 masques en permanence, idem pour le gel hydroalcoolique et l’ensemble de mon personnel a été sensibilisé, un client sans masque est un client refusé ! Est-ce que tout le monde joue le jeu ? Je m’interroge… Quant au silence des responsables du CHR, il m’interpelle : où sont-ils ? Que fontils ? À quoi servent-ils ? C’est d’autant plus incompréhensible que nous sommes un secteur d’activité qui compte et qui peut s’enorgueillir de bénéficier d’une oreille attentive auprès des plus hautes autorités.”

DES CUISINIERS PARTICULIÈREMENT SURVEILLÉS DANS LA MÉTROPOLE LYONNAISE : UNE POLITIQUE RÉPRESSIVE À GÉOMÉTRIE VARIABLE SELON LE TERRITOIRE… Et à mots couverts, certains cuisiniers de maugréer contre le laisser-aller perceptible dans le sud de la France, aux antipodes du comportement sanitaire des Lyonnais, plébiscité dans leur immense majorité par les cuisiniers entre Rhône et Saône : “J’ai passé quelques jours à Cassis, j’ai presque versé une larme : pas de distanciation, absence de masques, de gel, de marquages au sol et cerise sur le gâteau, service au bar ! Franchement quand on voit la manière dont les restaurants lyonnais ont été et sont encore contrôlés, ça laisse de marbre”, consent un chef-propriétaire. Souvent (très) proches pour certains de leurs confrères parisiens, la pilule a donc du mal à passer. “C’est pour ça que lorsque j’entends parler de solidarité, j’ai parfois tendance à m’étouffer, renchérit Joseph Viola. Outre un manque de leadership, le manque de civisme et d’éducation est criant !” Un constat froid et sans ambages qui puise sa source à travers un fait divers qui a marqué pléthore de chefs lyonnais, passionnés (pour beaucoup) par le ballon rond : la finale de Champions League, PSG - Bayern Munich. “Tout est prétexte à casser, entend-on ici et là, et nous, en qualité de restaurateurs sommes souvent en première ligne.” Pour Olivier Paget, “cette société malade ne nous ressemble pas mais nous devons faire face et nous adapter”. Avec la vente de plats à emporter beaucoup sont parvenus à sauver la mise (Joseph Viola, Olivier Paget, Dominic Moreaud, Frédéric Côte notamment) mais

d’autres sont plus réservés, “même si cette situation ubuesque nous oblige à nous réinventer voire à accélérer des tendances qui affleuraient, je pense que les gens reviendront à leurs habitudes. Car il y a un fait que personne ne peut et pourra contester : l’impact économique est colossal”, dixit Frédéric Berthod. Un jugement à mettre en lumière avec la fiche sectorielle publiée par l’INSEE en 2017 pour mesurer la hauteur (humaine et financière) des enjeux : en France, les restaurants et services de restauration rapide représentent 161 400 entreprises, 486 700 personnes et 53,3 milliards d’€ de chiffre d’affaires (CA) ; la clientèle étrangère (absente cette année) ? 8,8 % de la fréquentation et autour de 4,45 milliards d’€ de CA. On comprend mieux l’utilité du chômage partiel — prolongé jusqu’à la fin de l’année (au moins) et plébiscité par tous — moins la volonté de reporter les charges, “au lieu de les exonérer purement et simplement », s’emporte Frédéric Berthod. Quant à la question du PGE (prêt garanti par l’État), elle divise : “C’est un effet pervers, note Dominic Moreaud. On nous prête de l’argent, dont en temps normal nous n’aurions pas eu besoin et qu’il va falloir rembourser… J’ai peur que ce prêt ne creuse encore davantage la tombe de certains.” Une crainte que beaucoup partagent : un tiers des restaurants étant susceptibles de mettre la clé sous la porte d’ici à la fin de l’année.

UNE POSTURE : RESTER POSITIF MALGRÉ L’INCERTITUDE (PESANTE) QUI RÈGNE SUR LES PROCHAINS MOIS. LES CLIENTS SERONT-ILS SUFFISAMMENT CONFIANTS POUR RETOURNER CONSOMMER À L’INTÉRIEUR DES RESTAURANTS ? « Rester positif » : c’est le cri du cœur des membres du bureau des Toques Blanches Lyonnaises. Et solidaires. Pour de bon, comme Georges dos Santos, LE caviste des cuisiniers lyonnais : “J’ai une immense pensée pour mes amis restaurateurs pour qui cette période devient ingérable. En ce qui me concerne je travaille de la marchandise périssable, je peux œuvrer par téléphone, je suis parvenu à fidéliser une nouvelle clientèle en offrant certains produits avec mes vins mais je ne peux oublier aussi tous mes amis de la filière viticole pour qui cette pandémie a également des effets catastrophiques.” De passage au Portugal, Georges s’est réjoui du civisme des citoyens portugais. Qu’il aimerait voir davantage dans l’Hexagone. La seule façon de (sur)vivre. Pour continuer à servir, à partager. Et à défaut “d’être un champion”, continuer à cuisiner… Alors, vers un été indien ou un automne dévastateur ?

“(…) NOUS SOMMES UN SECTEUR D’ACTIVITÉ QUI COMPTE ET QUI PEUT S’ENORGUEILLIR DE BÉNÉFICIER D’UNE OREILLE ATTENTIVE AUPRÈS DES PLUS HAUTES AUTORITÉS. SACHONS EN PROFITER !” JOSEPH VIOLA


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PORTRAIT

Stéphane Bonnat Le monde pour saveur !

ÉQUATEUR, CÔTE D’IVOIRE, MADAGASCAR, PUERTO CABELLO, HACIENDA EL ROSARIO, CHUAO, TRINITÉ : LE FLORILÈGE DES GRANDS CRUS HISTORIQUES DE LA MAISON BONNAT PARLE DE LUI-MÊME. UNE INVITATION AUX VOYAGES MÂTINÉE DE SAVEURS UNIQUES. FILS, PETIT-FILS ET ARRIÈRE-PETIT-FILS DE CHOCOLATIERS-CONFISEURS, STÉPHANE BONNAT EST UN DES RARES PROFESSIONNELS DANS LE MONDE, À ASSOCIER LA MAÎTRISE TOTALE DE SON MÉTIER À CELLE DE LA PROVENANCE ET DE LA QUALITÉ DES FÈVES. CET HOMME EST UN CONTEUR. ET UN PLANTEUR DE RÊVE.

“Nous vivons une période inhabituelle, dérangeante même.” Stéphane Bonnat se morfond. Logique pour un homme habitué à effectuer une quinzaine de voyages par an, en Asie et sur le continent américain. “C’est d’autant plus regrettable que nos plantations ont plutôt bien passé la pandémie, en privilégiant une forme d’autarcie. Malheureusement les faits sont là : nous avons une soixantaine de tonnes de cacao immobilisées. Et donc inexploitables.” Avec dix à douze mois de production d’avance les fondations de la Maison Bonnat demeurent solides. En adoptant un état d’esprit “maison” : “Un dynamisme excessif ”, sourit Stéphane, relevant l’adaptabilité séculaire de [sa] famille, “les premières données familiales remontent à 1760 et Félix Bonnat, mon arrière grand-père a créé, dès 1884, notre atelier de chocolatier torréfacteur, spécialisé dans la transformation des fèves de cacao en chocolat.” Pour résumer, chez les Bonnat on en a vu d’autres. De quoi rassurer la quarantaine de collaborateurs de la PME Voironnaise et assurer la pérennité des quatre cents points de vente de par le monde, sans oublier les quatre boutiques : à Voiron évidemment, la maison-mère, mais aussi Paris, Grenoble et Lyon, “la banlieue de Voiron”, rigole Stéphane. Pas peu fier, surtout, d’appartenir depuis le début de l’année 2020 à une BIENTÔT UNE NOUVELLE association — les Toques Blanches CHOCOLATERIE Lyonnaises — qui lui est chère. “J’y recense des amis [Frédéric Berthod, Philippe Bernachon ainsi que Christophe Marguin notamment], j’y travaille et puis Lyon, reste aux yeux du monde, la capitale de la gastronomie. En outre, moi, qui parcours le monde, je n’oublie pas une dimension importante : il s’avère toujours plus délicat d’être prophète en son pays. D’où l’importance, il me semble, d’apporter son écot localement.”


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Voyageur dans l’âme, Stéphane Bonnat visite sa première plantation à l’âge de 17 ans : il apprend auprès des planteurs sud-américains, l’alpha et l’oméga de la culture du cacao. “À mes yeux, un chocolatier doit travailler son produit dans sa globalité : depuis la fève récoltée et fermentée de telle ou telle façon au sein de la plantation, jusqu’à sa torréfaction et sa transformation une fois livrée en France.”

Car si le monde est son domaine, Stéphane Bonnat n’en oublie pas l’essentiel : chez lui, Voiron. La preuve avec sa nouvelle chocolaterie, sensée sortir de terre en juin 2020 mais qui, crise sanitaire oblige, verra le jour dans un an : “Nous l’avons imaginée et conçue à l’instar d’une imprimerie du XIXe siècle, avec des espaces vitrés imposants pour d’aucuns puissent voir notre travail.” Une chocolaterie-atelier à trois kilomètres des bâtiments actuels, plus moderne, plus pratique, plus fonctionnelle : 2 500 m² dédiés au chocolat et au cacao sur un terrain de quatre hectares. Qui dit mieux ? Peu de monde... Bonnat ? Une signature mondiale dans l’univers du chocolat. Torréfier, refroidir, pelliculer puis broyer : le travail du torréfacteur. Un procédé que la maison Bonnat maîtrise depuis longtemps, très longtemps… À l’instar de la production : quatre cents hectares, dont vingt-deux de cacao au Pérou, une vingtaine d’hectares au Brésil, cinq parcelles au Mexique, les Bonnat détiennent des plantations dans ces pays, “sans jamais déposséder la terre à ceux à qui elle appartient, assure Stéphane. Au Pérou, nous finançons les gens qui vivent sur place, nous les formons au cacao aromatique, calculons le nombre de personnes qui dépendent de la culture, mesurons ce qu’il leur faut pour vivre et ajoutons... 20 % en plus. Cette dimension humaine est indispensable.” Là encore, qui dit mieux ? Et si les voyages forment la jeunesse, il est évident qu’ils patinent aussi les hommes : ouverts, curieux, érudits. Stéphane Bonnat ? Un torréfacteur et maître-chocolatier unique en France. Une maison ouverte depuis 1884 mais pas seulement. L’histoire est plus ancienne encore : “J’incarne la septième génération pour le cacao, précise ce passionné de motos (de la marque Ducati surtout !), mais en réalité notre famille est présente depuis onze générations, au départ dans la confiserie et la liquoristerie.” Stéphane ? Un infatigable sourceur ! Une curiosité qui lui permet de proposer des crus très spécifiques, dont certains séduisent les plus grands chocolatiers mondiaux. Moitié basque espagnol, moitié dauphinois, les Bonnat sont uniques : depuis plus de 150 ans ils s’appuient sur les mêmes fournisseurs au Venezuela et en Équateur ! Chaque année depuis une décennie, ils squattent régulièrement les différents prix de la profession : “Nous avons dû gagner une soixantaine de titres, estime Stéphane, notamment ceux consacrés aux fabricants de chocolat.” Et si la maison Bonnat semble figée dans sa vieille bâtisse du XVIIe (un ancien relais de poste), dans la réalité, il n’en est rien. La Maison écoule deux-cents tonnes de chocolat par an. Espiègle, Stéphane se joue des chiffres, “nous sommes les plus gros parmi les petits”. Reste que son érudition et ses connaissances illimitées ne font rire personne…

“On dit de mon chocolat qu’il est suave, rond avec une large palette aromatique mais c’est parce qu’il n’est pas violenté. Pour concher du chocolat, il faut du temps. Le conchage change la structure moléculaire du cacao pour en enlever l’acidité et l’astringence. C’est une étape capitale et longue : 48 heures lorsque vingt-heures suffisent pour le broyage. Nous avons des conches adéquates, des conches laminaires alias la conche de Lindt. Au moment de renouveler notre parc de conchage, un constat est apparu : il n’y avait plus de fabricants dans le monde. Nous les avons donc fabriqués à partir des plans que nous avions récupérés. Notre capacité de broyage ? Quatre tonnes ; notre capacité de conchage ? Neuf tonnes.”

BONNAT CHOCOLATIER 8, cours Senozan – 38500 Voiron Tél. 04 76 05 28 09 service@bonnat-chocolatier.com www.bonnat-chocolatier.com


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PORTRAIT

Frédéric Virte « Une cuisine de cuisinier »

DEPUIS UNE DÉCENNIE À SAINT-PRIEST, FRÉDÉRIC VIRTE S’EST FAIT À LA FOIS UN NOM ET UNE PLACE. ADEPTE “D’UNE CUISINE DE CUISINIER”, CET HOMME, À LA FACONDE PLEINE ET ENTIÈRE, FOURMILLE DE PROJETS. PARTAGER, RACONTER, CUISINER : LE CHEF VIRTE A DES CHOSES À DIRE. ET À FAIRE. “Même le Michelin est venu : sept ans maintenant que nous y figurons. C’est une vraie satisfaction : que le bouche-à-oreille leur ait donné l’envie de “sortir” de l’autoroute pour venir nous voir ; qu’il ait eu la curiosité de venir dans le centre-ville de Saint-Priest et de franchir la porte de mon restaurant, oui, c’est une belle reconnaissance. Non ?” Bah oui, Frédéric Virte a raison, c’est une sacrée reconnaissance. À l’instar de son arrivée chez les Toques Blanches Lyonnaises, en 2011. “J’en parlais parfois avec celui qui, à l’époque, était mon voisin : Olivier Belval (le chef du Bistrot à Moi, qui a notamment passé vingt ans auprès de Jean-Paul Lacombe au Léon de Lyon est décédé en janvier 2014). Olivier s’est proposé pour me parrainer ; un deuxième parrain était nécessaire : Éric Lambolez a accepté. Mais la cerise sur le gâteau reste mon intronisation : à l’Auberge du Pont de Collonges, un musée

pour moi [sic], chez Paul Bocuse (!) donc avec Pierre Orsi pour parrain en guise d’arrivée cette fois !” Bienvenue dans le grand monde des cuisiniers : question légitimité et crédibilité, difficile en effet de faire mieux. Frédéric Virte “construit son histoire”. Qui pourrait, peut-être, s’enrichir prochainement d’une deuxième adresse et le cas échéant, matérialiser sa madeleine de Proust, “une brasserie lyonnaise”. Il en sourit. Il en a envie. Mais chaque chose en son temps. Car le chef Virte est un pragmatique. Qui avance pas à pas. Solide, efficace, le bourguignon (né à Chenôve) est un terrien attaché au terroir. Une recette qui marche : le Restaurant… son restaurant san-priot (il y est installé depuis dix ans) ne désemplit pas : “Notre clientèle, à 95 % une clientèle d’affaires ne nous fait pas défaut, se réjouit-il. Nous sommes également ouverts le jeudi et le vendredi-soir, parfois le week-end pour


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des évènements privatifs.” Un rythme efficace qu’il mène tambour battant épaulé par Daniel en salle. Un rythme voulu et souhaité aussi par son épouse, Sandrine. “Je suis très famille et je ne voulais plus sacrifier ma vie personnelle : je suis cuisinier mais aussi époux et père de deux garçons, Théo, 17 ans et Gabin, 16 ans. Un rôle très important pour moi.” Une place importante donc, comme la cuisine. Père, militaire, mère, fonctionnaire, le jeune Frédéric voyage beaucoup. Dans la région puis en Martinique pendant quatre ans, “c’est là-bas que mon appétence pour ce métier a commencé à germer. La sœur de ma mère était notamment hôtelière-restauratrice à Digoin, cet atavisme familial a joué”. Suffisamment pour, de retour en métropole, voir le jeune ado intégrer le lycée hôtelier de Paray-le-Monial (en Saôneet-Loire).

ROGER JALOUX : UNE RENCONTRE MARQUANTE POUR LE CUISINIER. ET L’HOMME. Avant que tout s’enchaîne : CAP, BEP (une expérience chez un étoilé à Èze auprès d’André Signoret), un bac pro en alternance (travaille à Mâcon, école à Dijon), Frédéric prend de l’épaisseur, gagne en maturité. À 21 ans, il se lance. “J’ai pris une place de commis de cuisine à Mâcon, avant de partir au Château de la Tour-de-Salvagny chez Éric Lambolez pendant deux ans et demi. J’ai fini comme second de cuisine.” Un passage symbolique aussi, “c’est au Château que j’ai rencontré Sandrine.” Tout aussi symbolique, le deuxième chapitre de sa vie de cuisinier : l’expérience lyonnaise ! Quelques mois au Passage (“un beau souvenir”), puis onze années au Bistrot des Halles (rue Moncey) qui deviendra l’Alternative (aujourd’hui La Table 101). Frédéric Virte est chef de cuisine ; il a les clés de la maison, “j’apprends beaucoup de choses”, assure-t-il. On le croit, pourtant une rencontre va lui apprendre encore plus. En peu de temps. À L’Espace Carnot, sa route croise celle d’un monument, Roger Jaloux. “C’est pour moi un monument de la cuisine : un formateur unique. Il connaissait tout, sur le bout des doigts. Quatre mois à ses côtés équivaut à cinq années de cuisine ailleurs ! Nous faisions le marché ensemble. Il était présent tous les matins à 8h30, d’une ponctualité toute bocusienne [sourires]. En cas d’absence il nous appelait toutes les heures, d’une conscience professionnelle incroyable... Il avait promis d’apporter son savoir-faire et son expérience à l’établissement : il a tenu parole. Sa disparition (en novembre 2018) a été un vrai choc.” Depuis, Frédéric capitalise : sur cette rencontre, sur son parcours. Depuis 2010, le voilà donc chez lui, à Saint-Priest. Loin des sunlights lyonnais. Ce qui n’est pas pour lui déplaire : “J’aspire à élaborer une cuisine raffinée, une cuisine de cuisinier comme dirait Roger [sourires]. Le produit, le produit, le produit ! Chez nous on désosse, on désarête, on lève !” Frédéric Virte, un cuisinier qui sait faire montre de discernement : “Je suis davantage un assembleur qu’un créatif, comme je ne me prêtant pas meneur d’hommes : je prends mes responsabilités. C’est déjà beaucoup.” D’ailleurs, il se prépare à endosser d’autres costumes, “j’ai été cuisinier, chef de cuisine, restaurateur ; si demain j’ouvre une seconde adresse je devrais revêtir le costume de chef d’entreprise.” Frédéric est prêt : il est toqué de cuisine. LE RESTAURANT 9 bis, avenue de la Gare - 69800 Saint-Priest Tél. 04 78 21 14 43 www.le-restaurant69.fr

DARIOLE D’ANCHOIS DE COLLIOURE, CONFIT PROVENÇAL, FROMAGE AUX HERBES ET TUILE Ingrédients

Confit provençal 1 poivron vert / 1 poivron rouge / 1 poivron jaune / 1 aubergine / 1 courgette / 1 tomate / concentré de tomate : 0,050 g / Ail / Oignons / Sel / Poivre Fromage aux herbes 2 fromages de chèvre / 1 Une échalotte / Persil, coriandre, basilic, ail, sel, poivre Tuile 1 Pain, baguette précuite / Beurre : 0,05 g Anchois de Collioure : 0,400 g Réalisation

Tailler les garnitures en brunoise régulière ; sauter à l’huile d’olive un par (et rapidement) un tous les légumes ; puis cuire au four pendant 15 mn à 165° C couvert. Fromage battu aux herbes : Bien égoutter le fromage de chèvre ; ciseler très finement l’échalotte ; hacher l’ail et les herbes ; mélanger tous les ingrédients : assaisonner. Tuile : Passer au four le pain précuit très finement ; disposer sur une plaque ; beurrer au pinceau ; recouvrir d’un papier et d’une autre plaque : cuire 25 mn à 135° C. Avec un moule à dariole : chemiser avec les anchois ; garnir avec le confit ; presser et démouler ; disposer une quenelle de fromage et une tuile. Dressage

Décorer avec du gel de fruits et des herbes.


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COUP DE CŒUR

TRIPTYQUE GAGNANT : PALACE, MENTHON, UNIQUE ! LA MAGNIFIQUE BÂTISSE DE DÉBUT 1900, « LES PIEDS, DANS L’EAU », AU STYLE ART DÉCO NÉO-CLASSIQUE, OUVRE – DEPUIS DEUX ANS – UN NOUVEAU CHAPITRE DE SON HISTOIRE SÉCULAIRE. PORTÉE PAR UN NOM, LAVOREL, L’OMBRE MAJESTUEUSE DU PALACE DE MENTHON SE REFLÈTE À NOUVEAU À L’AUNE DES EAUX CRISTALLINES DU LAC D’ANNECY. UN DÉFI XXL, CINQ ÉTOILES MÊME !

“Nous avons la volonté de conserver l’esprit des années 1930” Jean-Claude Lavorel

“Chaque jour, on me propose un nouveau projet.” Jean-Claude Lavorel sourit. Depuis qu’il a changé de vie (en septembre 2014) en passant de l’assistance médicale à domicile vers l’hôtellerie ; de l’insuffisance respiratoire à une nouvelle bouffée d’oxygène, “une vie plus fun”, cet entrepreneur dans l’âme n’en finit plus d’asseoir son groupe éponyme (Lavorel Hôtels) parmi les acteurs incontournables du secteur. Un secteur mis à mal par la pandémie, dont découle “une incertitude inquiétante pour l’avenir”, mais qui n’a pas pour autant freiné ni l’acquisition annoncée début septembre du Grand Hôtel au Rond Point des Pistes (renommé le Grand Hôtel Courchevel), ni la livraison attendue du petit frère du Kopster lyonnais du côté de Colombes (quatrième trimestre 2021). Reste que parmi le florilège Lavorelien*, le Palace de Menthon conserve une place à part. Vraiment à part. “Nous suivions son évolution depuis quelques années”, consent ce passionné de bateau, persuadé que cette « belle endormie » recelait un potentiel hors-norme. Propriétaire depuis le 1er octobre 2018, et fidèle à sa réputation d’apporter sa touche personnelle dès l’acquisition des lieux, Jean-Claude Lavorel et ses équipes n’ont pas traîné. Convaincu “par la valeur patrimoniale unique” du lieu, le directeur général de Lavorel

Hôtels n’a pas lésiné sur les moyens. Question de volonté. Et d’ambition. Mû par l’idée “de conserver l’esprit des années 1930”, les travaux ont débuté avec la rénovation (complète) du restaurant et de l’entrée de l’établissement ; s’en sont suivi un lifting (intégral) pour les (trois) salons en enfilade, idem pour le rez-de-jardin, tandis que période de confinement a été propice “a terminé les thermes, désormais appelés Pavillon du Lac”. Pas une mince affaire à croire Jean-Claude Lavorel : “Nous avons tout cassé [sic] à commencer par le grand escalier central. Ouvrir le plus possible sur l’extérieur, notamment sur le lac, dessiner un grand ballroom (salle de bal) pour organiser séminaires et grands mariages, tout a été repensé pour vivre les pieds dans l’eau”. Un vœu pieu pour le patron lyonnais : “J’aimerais, à terme, édifier un petit abri [sic] avec une terrasse, non loin du port privé pour permettre à nos convives de vivre un moment rare, privilégié.” Depuis sa réouverture (le 15 juin dernier), le Palace de Menthon dévoile donc une nouvelle personnalité. Et ça plaît. Les visiteurs suisses (très présents) sont toujours assidus et la fréquentation laisse augurer, malgré tout, un avenir serein. Ce qui n’empêche pas Jean-Claude Lavorel de demeurer ambitieux pour “son” Palace, “il reste encore beaucoup de travail”. Une étoile en cuisine ? “Ce n’est pas l’objectif. J’attends une cuisine élégante, simple mais goûteuse”. Un état d’esprit proche de ses amis cuisiniers : les Marguin (père et fils), Joseph Viola, Frédéric Berthod et Stéphane Fernandez. Qu’on se le dise, le Palace de Menthon version Lavorel a pris ses quartiers sur l’échiquier des établissements (très) hauts de gamme de la région. Au nez et à la barbe de qui veut bien l’entendre.

*Lavorel Hôtels se sont : Les Suites de la Potinière à Courchevel (2008), le château de Bagnols (2012), le Marriott Lyon (2014), le Kopster Hôtel du côté de Décines, les Bateaux Lyonnais (octobre 2017), le Black Bass (ex. Auberge de Létraz, réouverte en juillet 2019), le Palace de Menthon donc, le célèbre Chabichou à Courchevel et l’hôtel Le Péra (en 2019), établissement quatre étoiles, au cœur du très sélect quartier Opéra.


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Le chef, Frédéric Delormes (à gauche) et sa brigade. Au menu ? Une cuisine bistronomique de qualité.

HISTOIRE D’EAU…

Chef ! “Le Palace de Menthon ? Ce lieu est magique, fort d’un potentiel unique. Mon parcours ? Je suis originaire de La Ferté-Bernard, dans la Sarthe. Ma vocation est née de mon oncle qui était lui-même cuisinier. D’où mon apprentissage au Mans puis un long parcours qui m’a mené successivement à Paris (durant deux ans) avant d’entamer les saisons : à Deauville (pour le groupe Barrière) et déjà au Chabichou, à Courchevel, il y a plus de vingt ans. J’ai continué à alterner les saisons (à Chonas-L’Amballan chez Philippe Girardon, à Antibes, au Chabichou etc.) jusqu’au jour où j’ai décidé de partir à l’étranger : six ans en Espagne (trois ans au Ritz-Carlton de Barcelone, puis au Ritz-Carlton de Ténérife), huit mois au Qatar, un an en Russie, avant de revenir au Chabichou pour prendre en main le restaurant bistronomique, le Chat Beauté, sous la férule du chef étoilé et Meilleur Ouvrier de France, Stéphane Buron. Puis l’an dernier, j’ai eu le plaisir d’assurer l’ouverture du Black Bass et enfin, d’être promu, cette année, chef de cuisine du Palace de Menthon. Une promotion ? Bien sûr. Mon ambition ? Une petite carte (trois à quatre entrées, cinq plats, trois à quatre desserts) afin d’être au plus près des saisons et de pouvoir changer régulièrement. J’aspire à une cuisine bistronomique de qualité pour satisfaire à la fois nos visiteurs et les clients de l’hôtel. Un souhait ? Nous réalisons actuellement une cinquantaine de couverts : nous espérons atteindre prochainement les soixante-dix.” Frédéric Delormes, chef de cuisine du Palace de Menthon Fidèles à leur réputation, les équipes de Lavorel Hôtels ont entrepris de conséquents travaux de rénovation. Un parti-pris : ouvrir vers l’extérieur. Faire que le Palace de Menthon et le lac ne fasse qu’un !

Depuis le palace 5 étoiles, la vue sur le lac d’Annecy est exceptionnelle !

“La mairie de Menthon m’a promis depuis des années de m’informer de l’histoire la plus exhaustive possible de cette bâtisse. J’attends toujours…” Si Jean-Claude Lavorel attend toujours, alors nous nous baserons sur les dires vérifiées et vérifiables. Les frères Gruffaz (l’un, chef de cuisine ; l’autre, maître d’hôtel) sont ainsi à l’origine de sa construction. Nous sommes en 1906. La plage est alors la propriété de la Société des Bains de Menthon, créée suite à la découverte des Sources Sulfureuse au XIXe siècle, cependant déjà connues et exploitées par les Romains. L’année 1924 est marquée par l’arrivée de nouveaux propriétaires : les époux Martin. Qui se contentent d’une activité estivale, de juin à fin août. Il faut attendre… 1987 (!), année de la vente du Palace au groupe Espace Tourisme, pour que de grands travaux d’aménagement soient engagés, dont l’installation d’un chauffage électrique. Ce dernier permet à l’hôtel de doubler sa période d’ouverture et d’accueillir congrès et séminaires. C’est à cette période que le bouche-à-oreille commence à faire venir des édiles de premier plan (politiques, acteurs économiques, personnalités des arts et spectacle), charmés par un lieu d’exception, entre lac et montagne. En devenant propriétaire du Palace Menthon (en 1991), le groupe Alcatel fait changer l’établissement de dimension : des travaux titanesques le transforment en hôtel de prestige, dédié exclusivement (de 1996 à 2006) à l’accueil d’évènements privés (séminaires, conventions, conférences, mariages etc.). Changement de cap avec le groupe Buildinvest qui ouvre cet écrin au plus grand nombre. Désormais sous la bannière Lavorel Hôtels, le Palace de Menthon, fort de ses soixante chambres, gagne en image et en notoriété. Une posture digne d’un palace…


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IL ÉTAIT UNE FOIS…

GERVAIS, j’en veux...

PERSONNE N’A OUBLIÉ “LA BONBONNIÈRE” DE GERVAIS LESCUYER. DURANT UN PEU PLUS DE DEUX DÉCENNIES, VINGT-CINQ CONVIVES SE SONT DONNÉS RENDEZVOUS (MIDI ET SOIR) CHEZ GERVAIS, RUE PIERRE-CORNEILLE. CHEZ QUI TOUT SE PASSAIT, LA BONNE CUISINE COMME PRÉTEXTE À PARTAGER. “C’était le lendemain de l’élection de François Mitterrand, le 11 mai 1981 donc. Logique : j’étais fermé le dimanche. Raymond Barre arrive, l’air un peu défait. Il s’assoit et comme à l’accoutumé me demande son pêcher-mignon : un ChanteAlouette de chez Chapoutier. Il me regarde, désabusé en lançant ses bras au ciel : “Ils sont là pour vingt ans, je vous le dis, ils sont là pour vingt ans”. Gervais Lescuyer en rigole encore. Il faut dire qu’il en a vu (et entendu) chez lui, chez Gervais, adresse emblématique de la rue Pierre-Corneille (au 42) qui, de juillet 1973 à 1995 a su créer l’évènement dans le landerneau gastronomique local. La “bonbonnière” dixit les habitués, “car le lieu était petit, mignon, très cocooning”, accueillait celles et ceux qui faisaient la vie de la cité : politiques, assureurs, banquiers mais aussi les amis de Gervais : Bernard Lacombe, Aimé Jacquet, Jacques Fouroux, j’en passe et des meilleurs. Parce que les “bonnes blagues”, ce natif de Dommartinlès-Cuiseaux ne les compte plus : question d’époque, “nous travaillions beaucoup, étions bien payés mais avions besoin de décompresser.” Et comme à plusieurs c’est souvent mieux, le triptyque Gervais (Lescuyer), Jacky (Marguin), Daniel (Léron) a fait en sorte de ne jamais démériter… L’anecdote des Bédouins chez Jacky a déjà fait dix fois le tour de la ville (en 1984, un groupe d’amis emmenés par Gervais débarque aux Échets ; ils sont déguisés en émirs, en interprètes et en chauffeurs ; Les Marguin n’y verront que de feu jusqu’à ce que la note arrive…) et légion d’autres histoires pourraient agrémenter un parcours sans anicroche. Au risque de passer sous silence un parcours de cuisinier, emblématique de la génération 1950.

CHEZ GERVAIS : LE RENDEZ-VOUS DES COPAINS ET D’UNE CERTAINE IDÉE DE LA CUISINE ! Au menu : apprentissage et cours, non pas du soir mais de l’après-midi. “Je dois l’admettre : j’étais un cancre. Il fallait que j’apprenne un métier : mon père a décidé de m’orienter vers la cuisine”. Un choix loin d’être anodin : “Dans les années 1910, ma grand-mère tenait le restaurant du Soleil, place Carnot. Elle m’a toujours inspiré.” S’ensuivent trois années d’apprentissage chez Jean Vignard (1956-1959), au côté d’Alain Chapel et du futur chef de cuisine chez Point, Guy Thivard. Il en garde un plat-signature : le poulet au vinaigre. “Jean Vignard le réalisait au vin blanc, moi, au vin rouge. J’ajoutais un peu de sucre également pour enlever l’acidité”. Les mardis et vendredis après-midi, de 15 heures à 18 heures, “sur nos heures de repos…”, d’aucuns affutaient leurs gammes (rue Sala) avec le professeur Salva, 80 ans au compteur, “mais une dextérité et une technicité incroyables”. Ainsi paré, Gervais Lescuyer débute par des extras (au Chapeau Rouge et à La Boule d’Or à Feurs), puis endosse durant dix-mois son uniforme de fusiller-marin en Algérie. De retour de Toulon, “son baluchon de marin à la main” il s’arrête à Vienne pour dire bonjour à son ami Thivard : “T’as besoin de bosser ? Bah reste !” Il restera un an ! La Brasserie des Archers, puis l’X Bar (il remplace son ami Léron) et enfin le lancement du Petit Cintra avec Roland Gros, “on cartonnait”, sont autant d’expériences qui l’amènent à vouloir franchir le Rubicon : être chez lui, chez Gervais ! “Je faisais beaucoup de poissons : étant à côté des Halles je m’y rendais deux fois par jour. Mon copain Goguillot me gardait les bonnes pièces…” Boulot, copains, amusements, Gervais en parle encore avec une once de nostalgie, “c’était bien, une belle époque”. Installé dans le Lubéron depuis vingt-cinq ans, “j’ai suivi ma fille, Florence et son mari qui ont ouvert un établissement à Lourmarin”, Gervais ouvre en parallèle un restaurant (avec trois chambres) quelques kilomètres à côté, à Cadenet. Une aventure qui dure dix ans. Jusqu’en 2005. De son passé lyonnais, il n’a rien oublié, “je remonte souvent d’ailleurs, sauf l’été : il fait trop chaud.” Il aime le frais, Gervais.

De juillet 1973 à 1995, Gervais Lescuyer a su créer l’évènement dans sa “bonbonnière” de la rue PierreCorneille.

En 1962, alors apprenti chez Point à Vienne avec Jacky Marguin.

25 janvier 2018 : Gervais Lescuyer reçoit la médaille d’honneur des Toques Blanches Lyonnaises. Il est le parrain de la promotion 2018.


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