LE PETIT
journal
n°8 JUILLET 2019
des Toques Blanches Lyonnaises
LA GASTRONOMIE LYONNAISE s’exporte en Estonie ! CITÉ INTERNATIONALE
de la gastronomie CLUB MED
partenaire des Toques Blanches Lyonnaises
Les portraits du mois
Frédéric Vardon Frédéric Therriaud
LE PETIT
journal L'EDITO
Cité Internationale de la gastronomie : OUVERTURE IMMINENTE par jour !) au repas familial (trois seulement par semaine dans les middle-class), le repas pris en commun serait un anachronisme de nos sociétés post-modernes. Cuisine en kit, compléments alimentaires, plateaux télévision, prêt-à-manger, et comportements hyper-individuels auraient-ils bientôt raison d’un usage bi-centenaire ? Pour Stendhal, qui appréciait fortement la cuisine lyonnaise et prétendait qu’on y mange mieux qu’à Paris, l’explication tient au rôle des femmes dans la société française. La première Cité internationale de la Gastronomie verra le jour à l’automne prochain dans le prestigieux coeur historique du Grand Hotel Dieu. Lyon Métropole, la Ville de Lyon, plusieurs mécènes et de nombreux partenaires ont associé leurs efforts pour donner du sens à l’inscription du Repas gastronomique des Français au patrimoine immatériel de l’Unesco, dont le principal outil de sauvegarde est la création de cités de la gastronomie. Les Toques Blanches Lyonnaises ont, dès l’origine, accompagné ce projet culturel et y apporteront dorénavant leur appui. On annonce régulièrement la mort du repas. Sous l’influence du modèle américain qui substitue le grignotage (jusqu’à 20 prises alimentaires
Certes à Lyon les Mères ont joué un rôle majeur, mais pour l’auteur de la Chartreuse de Parme, il s’agissait plus largement du rapport des hommes avec la gent féminine. Pour lui, les relations entre les hommes et les femmes s’enrichissent dans le partage et la convivialité autour d’une bonne table. Point de vue novateur pour l’époque, mais qui prend tout son sens aujourd’hui dans une société éprise de parité. Tocqueville écrivait à la même époque : « Ici à Paris, tout le monde prend ses plaisirs à côté de chacun, à l’encontre de l’Angleterre, qui vit à l’hôtel du cul tourné ».
Christophe Marguin, Président. n
* Photo de couverture, de gauche à droite Frédérique Berthod, 33 CITE à Lyon - Julien Gautier, M Restaurant à Lyon - Benoit Toussaint, Chez Paul’O à Solaize - Olivier Degand, Secrétaire, L’hostellerie de Ferme du Poulet à Villefranche-sur-Saône Christophe Marguin, Président, Restaurant Le Président à Lyon - Joseph Viola, Trésorier, Daniel et Denise à Lyon - Frédéric Cote, Au Colombier à Anse - Olivier Paget, L’ame Sœur à Lyon - Laurent Bouvier, Chez Moss à Lyon - Dominique Moreaud, Une faim d’apprendre à Lyon
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TROIS QUESTIONS À SOPHIE LOUET Chef de projet Cité Internationale de la Gastronomie de Lyon Questions
1-
QUELLES SURFACES SERONT RÉSERVÉES À LA GASTRONOMIE DANS LES ESPACES ACCUEILLANT LE PUBLIC (NOTAMMENT LE REPAS GASTRONOMIQUE DES FRANÇAIS) ? Les 4000 m2 dans leur intégralité seront consacrés à la gastronomie, mais si on les découpe, ce sera 1200 m2 d’exposition permanente consacrée à l’histoire de la gastronomie et nos figures tutélaires lyonnaises, l’histoire du Grand Hôtel Dieu et l’hospitalité, les enjeux contemporains, le marché, les produits etc…le tout célébrant le Repas gastronomique des Français.
2-
LA CITÉ ENVISAGE T’ELLE D’ASSOCIER LE MILIEU DES CHEFS LYONNAIS À DES DÉMONSTRATIONS CULINAIRES ? Oui, bien entendu. Les professionnels seront associés, chefs, MOF, restaurateurs, expositions, démonstrations etc.
3-
LES CUISINES ÉTRANGÈRES (JAPON..ETC...) AURONT-ELLES «DROIT DE CITÉ» ? Et encore oui, pour la cuisine internationale, car un pays invité par an sera à l’honneur dans la Cité.
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journal L'ACTUALITE
Masterclass ROSSO CALABRIA La cuisine italienne n’est-elle pas la meilleure façon de découvrir les données essentielles de l’identité du pays ? Un fascinant voyage gastronomique et vinicole pour découvrir l’excellence des produits et de la cuisine calabraise, c’est ce que vous proposaient les Chefs Joseph VIOLA (Daniel & Denise - Lyon) et Rocky MAZZAFERRO (Restaurant La Rotonda – Bovalino) à l’occasion d’une Masterclass Rosso Calabria qui s’est déroulée le 29 Avril dernier chez Daniel & Denise Saint-Jean. La revisite d’ingrédients simples en plat d’exception c’est ainsi qu’est née cette prestigieuse collaboration.
CONCOURS TROLLIET Qui succèdera à Ahmed BENSEMLALI du Restaurant Saisons (Ecully) ? Le Lundi 21 Octobre prochain se déroulera la 2nde édition du Concours TROLLIET au restaurant Une Faim d’Apprendre (Lyon 9). Les candidats s’affronteront autour de la Selle d’agneau du Limousin. Le jury sera composé des chefs de l’association Les Toques Blanches Lyonnaises.
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Voyage EN ESTONIE La gastronomie lyonnaise s’exporte en Estonie ! À l’occasion du mois de la francophonie en Estonie en Mars dernier, une délégation de 7 chefs est partie promouvoir notre gastronomie lyonnaise à Tallinn. Ils ont profité de ce moment pour rencontrer des chefs locaux et la Présidente Estonienne. Dans le cadre d’une soirée spéciale, les chefs se sont alors répartis dans différents restaurants pour présenter aux clients de ces établissements, leurs spécialités culinaires françaises. Nous attendons avec grande impatience la venue de ces chefs estoniens en France au mois de Novembre pour créer encore plus de liens.
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DICTÉE POUR MARIN Le Lundi 1er Juillet s’est déroulé la grande dictée organisée par l’Association « La tête haute - Je soutiens Marin » à la Manufacture des Tabacs. Les personnes inscrites par équipe de 3 ont défié les subtilités de langage du rédacteur académicien Marc LAMBRON, et la lecture de Laurent GERRA ! Le cocktail servi à l’issue de cette dictée a été réalisé et offert par 11 chefs Toques Blanches Lyonnaises.
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Notre
journal PARTENAIRE
Club Med, partenaire des Toques Blanches Lyonnaises Tout le monde connaît ou croit connaître Club Med. Pour beaucoup c’est encore « Le bonheur si je veux », son slogan des débuts. Créé en 1957 par Gérard Blitz, Club Med commercialise des vacances en resort, dans le monde entier. Depuis 2002, son président est Henri Giscard d’Estaing, fils de l’ancien président de la République. Club Med appartient depuis 2015 au conglomérat chinois Fosun International. Au cours de son histoire, le groupe a connu diverses stratégies de développement. Depuis 2004, Club Med s’oriente vers une montée en gamme de ses prestations et s’internationalise ; la Chine devenant notamment (avec le soutien de son actionnaire) son second marché après la France. Le groupe a enregistré en 2018, 1.44 millions de clients dont près de 60 % d’étrangers. Club Med est aujourd’hui le leader mondial des vacances tout compris haut de gamme, au savoir-faire français, à destination des familles et des couples d’actifs.
Le groupe exploite un parc de près de 70 Resorts. Présent dans 26 pays répartis sur 5 continents, Club Med emploie plus de 23 000 G.O. (gentils organisateurs) et G.E. (gentils employés) de 110 nationalités différentes. Lyon, un choix stratégique En Septembre 1999, Club Med a fait le choix stratégique d’implanter sa Direction des ressources humaines Resorts Europe Afrique et Moyen Orient (EAF), ainsi que sa Direction France à Lyon pour être au plus près de ses Resorts en montagne. L’année suivante, c’est la Business Unit opérationnelle EAF qui s’y installait, soit aujourd’hui environ 200 collaborateurs relevant des ressources humaines, produits et services, achats et logistique, finances – contrôle de gestion et comptabilité, qualité, hygiène et sécurité ainsi que les directions liées à l’activité montagne. En septembre 2018, l’ensemble de ces instances de direction rejoignait de nouveaux bureaux à Gerland, répondant aux standards de convivialité du Club Med.
L’offre de restauration du Club Med : une évolution qui répond aux nouvelles attentes des consommateurs. C’est en 2004, à Cefalu, en Sicile, que la montée en gamme s’est effectuée au sein du premier Club Med Exclusive Collection d’Europe, avec des services ultra personnalisés, sur des sites uniques. Cette évolution s’est aussi manifestée par une adaptation des formules de restauration articulées autour de quatre principes : qualité, liberté, émotion et bien être (healthy) Qualité et liberté. En plus du buffet, dont le succès ne s’est jamais démenti, Club Med a lancé en 2014 le Gourmet Lounge, plus intimiste dans une ambiance gourmande et chic. Tout au long de la journée le restaurant propose un pique-nique gourmet à midi, un « tea time » l’après-midi ou un dîner découverte servi à table et à l’assiette, le soir. Cette offre vise à la fois la cuisine régionale et les cuisines des différents pays d’origine de la clientèle du Club Med. Emotion : Le buffet bénéficie également de la montée en gamme. Composée de produits nobles en formule show cooking, l’assiette est dressée par un cuisinier devant le client. Dernière en date, la Family Expérience est une offre de moments festifs pour toute la famille : parents, grand parents, enfants. Healthy, C’est à la fois la santé et le bien être qui respecte les désirs de chacun, végétarien ou sans gluten. Mais c’est aussi les « préparations à la minute et le service à l’assiette », ainsi que la réduction du gaspillage alimentaire. Corollaire : Club Med privilégie les achats bios ou locavores, et supprime progressivement le plastique jetable.
PARTENARIAT CLUB MED / TOQUES BLANCHES LYONNAISES : VALORISER LE SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS Club Med a fait le constat que ses valeurs rejoignaient celles de l’association des Toques Blanches Lyonnaises, fondées depuis longtemps sur le partage, la transmission, la qualité et la satisfaction du client. Dès lors, un partenariat entre les Toques Blanches Lyonnaises et Club Med pourrait contribuer à la valorisation du savoir-faire français partout dans le monde. Dès les premiers échanges, Christophe Marguin a constaté entre Club Med et les Toques Blanches, des « langages communs qu’il serait intéressant de mutualiser ». Peu à peu s’est installée l’idée d’échanges réciproques. Aux compétences et au professionnalisme des brigades du Club Med, « les Toques Blanches Lyonnaises pourront apporter un regard neuf en termes de technicité et de conseils » a déclaré le président Christophe Marguin lors d’une rencontre avec Thomas Feller, chargé au sein de Club Med d’organiser la première manifestation concrète du partenariat à la rentrée. C’est à l’occasion d’un concours interne entre responsables F&B et chefs de cuisine du Club Med baptisé Food Talent Show (entendez Show des Talents culinaires) que les Toques blanches Lyonnaises seront amenées à participer aux échanges et au coaching, c’est à dire à l’encadrement des concurrents, d’un véritable travail d’équipe. Résultats en octobre 2019. n
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UNE AUTRE DÉFINITION DES VACANCES… Resort (prononcer rizorte) est un mot anglais utilisé par des entreprises internationales pour désigner un complexe touristique doté d’activités hôtellières et de loisirs. Mais ce n’est pas du Franglais. Le terme anglais resort est l’équivalent du mot français « station » nous apprend le Dictionnaire d’ancien français, G. Grandsaigne d’Hauterive (Larousse). Il tire son origine du mot français « ressort », qui avait aux 13ème et au 14ème siècles le sens de « rebondir », de « se retirer », de « s’enfuir » qui est passé dans la langue anglaise. En anglais, le mot a eu d’abord le sens du français « recours », avant d’entrer dans des expressions comme places of public resort, « lieu fréquenté par des gens », puis « lieu fréquenté pour le repos et les loisirs », ce lieu étant soit une station (sens classique), soit un établissement (acception récente). Pour préciser la nature du lieu, il suffit de placer, en anglais, un déterminant devant resort : beach resort est une station balnéaire. Les villages de vacances, dont le type de logement (en bungalow ou en chalet) diffère des hôtels classiques et, proposent des activités parfois pratiquées en commun telles le Club Med, sont considérés comme des resorts.n
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PORTRAIT DE
journal CHEF
Le Plato 1, rue de Villeneuve 69004 – Lyon Tél. : 04-72-00-01-30 www.restaurant-leplato.fr
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Frédéric Therriaud UN CHEF ACCOMPLI... SUR «LE PLATO» DE LA CROIX-ROUSSE
Frédéric Therriaud, membre des Toques Blanches Lyonnaises depuis 2016, n’a jamais vraiment douté de son destin, car son grand-père tenait un café-restaurant en Saôneet-Loire et son père était charcutier-traiteur à Lyon. C’est donc spontanément, dès son jeune âge, que lui est venue l’envie d’exercer le métier de cuisinier. Après avoir obtenu les C.A.P. de cuisine et de pâtisserie au Lycée François-Rabelais à Dardilly, le voici commis au Gourmet de Sèze à Lyon, puis auprès de Jean Poitou, avant d’accéder au poste de chef de partie chez Christian Têtedoie. Il décide ensuite de présenter le concours de Maître ouvrier cuisine de l’Education nationale, grade qui correspond au poste de chef cuisinier. Pendant huit ans, il occupera cette fonction auprès du recteur de l’académie de Lyon, puis rejoindra le restaurant de Nicolas Le Bec où il croise Tabata Bonardi et Takao Takano et donnera des cours de cuisine. Il rejoint ensuite Le Boudoir à Lyon, où il restera quatre années. C’est en 2013 qu’il décide de s’installer en reprenant le restaurant de Pierre Molin, près de la mairie du IVème, sur le plateau de Croix-Rousse, à l’enseigne du Plato Restorant. Frédéric Thérriaud confie alors au Progrès : « J’ai eu un coup de cœur pour le cadre magnifique et la cuisine ouverte, au sein de laquelle j’aime transmettre mon savoir-faire à des apprentis ».
CUISINE VIVE, CRÉATIVE, GOURMANDE Ce savoir faire - acquis chez Têtedoie, la Mère Vittet, Le Bec - Frédéric Therriaud le met au service d’une cuisine vive, créative, gourmande à prix modérés. C’est le nouveau credo des chefs lyonnais qui ont su garder la confiance d’une clientèle soucieuse de rationaliser et de renouveler son plaisir. Il n’est pas inutile de rappeler le jugement de Pierre Scize (1894-1956), observateur passionné de la vie lyonnaise : « La cuisine lyonnaise, essences, coulis, fumets, qui ne crie pas, qui ne déclame pas, brûle d’un feu secret, rose sur ivoire, subtile, toute de suggestions, de repentirs suaves, de délicate damnation, la cuisine lyonnaise est une cuisine racinienne » Frédéric Therriaud s’inscrit à l’évidence dans cette tradition. n
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PORTRAIT DE
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Restaurant 39V 39 Avenue George V - 75008 PARIS - France Tél. : 01 56 62 39 05 www.le39v.com
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Frédéric Vardon
TOQUE BLANCHE LYONNAISE...À PARIS Frédéric Vardon a rejoint les Toques Blanches Lyonnaises en janvier 2019. C’est le plus septentrional des nouveaux membres de l’Association. Il est né en Normandie. Ses parents charcutier-traiteur, eux-mêmes issus du monde agricole, lui ont donné « le goût du bon, du sain et du vrai » dit-il aujourd’hui. Le paysan normand est un bon vivant qu’une table garnie met en joie, et dans les fermes aux jours de fête, viennent en mémoire ces repas interminables dont témoigne la noce normande de Madame Bovary. Dans ces festins, avant de découper le canard à la rouennaise, on fait le tour du propriétaire, sans négliger l’indispensable trou normand, eau-de-vie de cidre, qui se déclinait en trois temps avant l’invention du permis à points : la rincette, le rincinette, la rincelurette. Il était donc naturel qu’un jour ou l’autre Frédéric Vardon rencontrât des Lyonnais qui lui apprirent la « pomponnette » (chanson à boire en équilibre avec des verres sans pied). À la sortie de l’Ecole Ferrandi (1985), il effectue son apprentissage chez Jean-Pierre Morot-Gaudry, puis rejoint la brigade d’Alain Dutournier. Le voici chez Alain Chapel à Mionnay, dont l’attachement à une cuisine de haute tradition et le véritable culte voué au bon produit le marqueront à jamais. Il reste à Mionnay pendant quatre années après la mort prématurée du chef en 1990. Ses contacts avec ses confrères lyonnais se nouent au fil des ans. C’est là qu’il rencontre Alain Ducasse qui avait lui aussi, passé plusieurs années chez Chapel, dix ans plus tôt. Il le suivra pendant 14 ans à parcourir le monde dans les restaurants les plus prestigieux de son groupe, notamment en Asie. En septembre 2010, Frédéric Vardon, grâce à quelques partenaires avisés, s’installe avenue Georges V, à l’enseigne 39V. Pas question
pour lui de faire concurrence au Plaza dans un menu à 40 € au déjeuner. Et pourtant, ils se retrouvent sur le dernier dada enfourché par le chef monégasque : de la simplicité comme effet de style. Plus clairement, on peut penser qu’étant tous deux passés par Mionnay à une dizaine d’années d’intervalle, il en reste quelque chose dans leur approche respective de la cuisine : la prééminence du goût des produits, peu nombreux dans l’assiette, énoncés sans fioritures sur la carte.
LA SIMPLICITÉ COMME EFFET DE STYLE Deux années plus tard, le 39V obtient une étoile au Michelin. Le restaurant est une création au sixième étage d’un immeuble récemment réhabilité. Il occupe, tel un patio surélevé, tout le dernier étage sous comble d’un bâtiment inscrit dans le gabarit haussmannien, avec une référence appuyée à la fonction oblique. Chaque espace se fait face sur le pourtour : la cuisine et la salle à manger, le lounge et le bar avec la table du chef, séparés par la largeur de la courette et reliés entre eux par une coursive. Aucune vue lointaine, mais un vis-à-vis rendu insolite par les matériaux verriers en plan incliné et une terrasse partiellement en porte à faux. Le décor de l’Argentin Marcelo Joulia (Agence Naço Architectures) qui se joue de ces transparences est en phase avec la cuisine de Frédéric Vardon. En 2017, Frédéric inaugure le 39V Hong Kong au 101ème étage d’une tour qui offre une large vue sur la baie. Comme à Paris, « la gastronomie n’est pas synonyme du luxe, mais d’une exigence qui doit toujours conduire au plaisir ».n
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journal Recette
Frédéric Vardon
RIS DE VEAU DORÉS, RHUBARBE, BLETTES ET TOMATES VERTES, JUS ACIDULÉ Préparation la veille
INGRÉDIENTS
pour 4 personnes Ris de veau
• 4 ris de veau non parés de 250 g. pièce • 20 cl. de Jus de veau • 25 g. de beurre clarifié • 25 g. de beurre doux • 4 gousses d’ail en chemises • 3 cl. de vinaigre de champagne • 1 gousse d’ail • 1 branche de thym • 1 feuille de laurier • 4 grains de poivre noir du Sarawak • 12 câpres à queue coupées en deux • 1 peau de citron au sel taillée en lanières • 16 lanières de tomates vertes confites • 1 petite botte de ciboulette • 1 échalote ciselée
Garniture
• 4 belles côtes de rhubarbe rouges • 1 pied de jeunes blettes • Le jus de 1 citron • 50 g. de beurre • 5 cl. de fond blanc de volaille • 4 cosses de cardamome verte • 1 oignon nouveau • P.M. sel fin •P.M. fleur de sel • P.M. poivre du moulin
Faire dégorger les ris de veau pendant 2 ou 3 heures sous un filet d’eau glacée en changeant l’eau plusieurs fois. Les blanchir en les démarrant à l’eau froide avec le poivre en grains, 1 branche de thym et 1 feuille de laurier. À la première ébullition, les refroidir aussitôt dans une eau avec des glaçons. Les égoutter sur du papier absorbant. Dégraisser et dénerver les noix de ris de veau. Les envelopper dans un linge, les ranger dans une plaque. Couvrir d’une autre plaque et poser dessus un poids (une casserole remplie de lentilles par exemple). Réserver les ris au frais pendant 12 heures.
Cuisson Assaisonner les ris de veau au sel fin. Faire fondre le beurre clarifié dans une cocotte, y cuire les ris avec les gousses d’ail en chemises en les arrosant constamment de beurre. Les dorer sur : • 5 cl. de fond blanc de volaille • 4 cosses de cardamome verte • 1 oignon nouveau • P.M. sel fin • P.M. fleur de sel • P.M. poivre du moulin toutes leurs faces. Lorsqu’ils sont dorés, déglacer avec le vinaigre de champagne, bien les rouler, puis les laisser reposer sur une grille. Ajouter le jus de veau, laisser quelques peu réduire afin d’obtenir un jus onctueux, réserver.
Rhubarbe Éplucher à l’aide d’un économe ou un couteau d’office la rhubarbe, la tailler en tronçons réguliers, puis la faire dégorger au sel. Faire bouillir ½ litre d’eau, la saler, y ajouter la cardamome ouverte, l’oignon nouveau tranché, du poivre mignonnette, les épluchures. Cuire cette infusion 15 min à petit bouillon et à couvert. Une fois cuite, passer au chinois cette infusion sur les bâtons de rhubarbe et faire pocher ceux-ci à 80/85°C en les conservant un peu fermes. Les égoutter. Faire fondre du beurre dans un sautoir, y faire revenir les tronçons de rhubarbe en leur donnant une légère coloration, puis déglacer avec un trait de vinaigre de champagne.
Blettes Séparer le vert des côtes de blette. Retirer tous les filaments des côtes. Réserver au fur et à mesure les blettes dans une bassine d’eau froide additionnée de jus de citron. Faire fondre le beurre dans un sautoir de cuivre à fond étamé avec de l’huile d’olive. Ajouter les côtes de blette taillées en biseaux de 5/7 cm, préalablement égouttées dans une passoire, et les faire suer à blanc sans coloration. Mouiller à peine à hauteur avec le fond blanc de volaille bouillant, ajouter le beurre détaillé en petites parcelles et cuire à couvert avec un léger frémissement. Les côtes de blette doivent être fondantes, réserver sur le coin du fourneau.
Finition Mettre au four les ris de veau durant 5 bonnes minutes, faire chauffer le jus puis le monter au beurre, ajouter un trait de vinaigre de champagne, les tomates confites, le citron au sel taillé ainsi que les câpres. Chauffer les blancs de blettes en les roulants dans la cuisson, puis faire tomber les verts dénervés dans une noix de beurre en les remuant à l’aide d’une fourchette piquée d’ail. Dresser la rhubarbe, les blancs et verts des blettes harmonieusement sur l’assiette, déposer les ris de veau en ayant soin de leur donner un bon tour de moulin et un peu de fleur de sel, ajouter sur le dessus et de chaque côté un peu de ciboulette et d’échalote ciselée.
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journal SAVOIR-FAIRE
Le saviez-vous ? LE P.M.A. ET LA BÉCASSE Le saviez-vous, la bécasse est soumise au P.M.A. ? Attention, il ne s’agit pas de procréation, assistée ou non, mais du Prélèvement Maximal Autorisé (P.M.A.) dans chaque département, fixé par arrêté préfectoral afin de limiter la chasse à la bécasse. Depuis 1978, cette réglementation très restrictive interdit le colportage, c’est à dire, en fait, le commerce du plus beau des gibiers, la bécasse, scopolax rusticola, dite la mordorée ou demoiselle au long bec. De celle-ci, nous n’avons plus que le souvenir, mêlé au temps passé, à nos amitiés. Depuis belle lurette, Michel Guérard pense que la règlementation actuelle est incohérente, et en suggère la réforme. Les plans de chasse départementaux sont certes un progrès. « Mais ne pourrait-on, dit-il, limiter la durée de l’ouverture de la chasse à la bécasse, et n’autoriser sa vente - région par région, les années fastes - que pendant une ou deux semaines ? » Cela permettrait aux jeunes cuisiniers de la préparer ne serait-ce qu’une fois dans l’année en salmis ou bien rôtie. Car aujourd’hui les nouvelles générations de cuisiniers n’ont jamais, sauf cas d’espèce, eu l’occasion de travailler ce gibier d’exception. Il y a là une vraie carence qui est avant tout d’ordre culturel. Or, tout le monde sait, qu’au Pays basque espagnol, en Suisse ou en Belgique, la chasse à la bécasse est autorisée. Jeudi 4 avril 2019, le chef Jean Brouilly, recevait à déjeuner quelques amis, au nombre desquels j’ai eu l’honneur d’être convié, dans sa thébaïde de Villefranche-sur-Saone, où, après des années de labeur étoilé à Tarare, il a pris sa retraite. Un de ses amis, le docteur Lucien Surjet, accouru en voisin de Violay (Loire) avait apporté les bécasses accompagnées d’un magnum de Chambertin Clos de Bèze 1993, du Domaine Armand Rouseau et fils. Je laisse chacun imaginer la douce amertume de la délicate purée de viscères de la bécasse - cuite à la perfection - substances délicatement mêlées sur la rôtie, saveur intense, soutenue par le jus de cuisson judicieusement lié, dont Jean Brouilly nous a fait partager l’émotion par un travail savant et invisible à la fois. Tout cela tempéré par le bel équilibre du chambertin, aux délicates effluves de fruits rouges et d’un bouquet aromatique généreux. n J.-C.R
LE PETIT
journal
des Toques Blanches Lyonnaises
Editeur : Les Toques Blanches Lyonnaises - 45 Quai Charles de Gaulle - 69006 LYON - Directeur de publication : Christophe MARGUIN
- N° enregistrement : 2647-8390
- Rédacteur : Jean-Claude RIBAUT
- Dépôt Légal : Novembre 2018
- Responsable de rédaction : Béatrice GRANDGEORGE
Crédits photos : ©Jessica Rodrigues, ©ChristianLarit, ©pmonetta, Alexandra Battut – Agence Camille Carlier, Christophe Marguin, Julien LE GUILLOU - Restaurant Le Petit Frère, Le 39V, © Shutterstock et X Conception / Création Graphique : WR&S
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Caillettes, gratin dauphinois et ravioles Le nouveau découpage administratif de la France en treize régions dotées de nouvelles appellations, a parfois rendu le pays méconnaissable. Bonne question pour le jeu des « 1000 euros » de France-Inter : quels sont les départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes traversés par le 45ème parallèle : Savoie, Isère, Drôme, Ardèche, Haute-Loire, Cantal ? Alors, le gratin dauphinois, la caillette et la raviole du Royans seraient-ils nés sous la même latitude ? Il est vrai que pour la caillette de Chabeuil (Drôme) et celle d’Aubenas (Ardèche), la seule frontière, c’est le Rhône. Même rivales, elles font désormais partie toutes deux du patrimoine culinaire régional. Ce n’est pas rien. Le couloir rhodanien à la hauteur de Valence, est une unité géographique de transition, entre les Terres froides, au Nord, et les Baronnies, annonciatrices de la Provence. Comment les habitants de cette plaine ont-ils réussi à échapper à l’emprise de la prestigieuse cuisine lyonnaise et pourquoi l’ensorcelante table provençale n’a-t-elle eu qu’une influence réduite ? Est-ce la proximité de l’Ardèche, de ses saveurs rustiques et celles du Dauphiné et de ses produits si typés ? La caillette d’Aubenas a t’elle fait école à Chabeuil ou inversement ? En Ardèche, c’est un hachis de foie de porc, de blettes, d’épinards et d’herbes sauvages entouré d’une crépine, autrefois conservé l’hiver dans du saindoux. Ni la viande ni la verdure ne doivent imposer leur goût, sinon « vun gasto l’aoutré » (l’un gâte l’autre) dit-on en patois ardéchois. Cela n’empêche pas Michel Chabran, à Tain l’Hermitage, d’ajouter parfois « quelques grains de genièvre et surtout de la plume : perdreau et faisan » René Fonvieille , magistrat et auteur de « La cuisine dauphinoise à travers les siècles » (1983), n’a jamais trouvé le mot caillette dans les documents d’archive, mais se dit persuadé qu’elles existaient sous le nom de « pâtés d’assiette » ou « petits pâtés », souvent cités dans des recueils de repas « modestes. », vers 1740. D’autres sources estiment qu’un pâté d’assiette est un pâté en croute garni d’un mélange de veau, de graisse de boeuf, de lard, et d’oeufs. Or, les caillettes ne sont jamais cuites dans une pâte. Beaucoup pensent aujourd’hui que les caillettes actuelles sont plus proches des hastereaux décrits en 1611 par le lexicographe anglais Randle Cotgrave. Composés de gorges de porc ou de foie de veau, assaisonnés avec de « bonnes herbes », et enveloppés de crépine, ces hastereaux seraient alors une forme ancienne, à la fois des caillettes et des attriaux
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savoyards et bourguignons. Ce n’est qu’au XIXème siècle que le nom et la recette semblent fixés : « mets fait avec du foie, du porc et des épinards (1873) ». Curnonsky et Austin de Croze, signaleront en 1933, dans « Le trésor gastronomique de France » les remarquables « caillettes tricastine truffées » qu’ils avaient dégustés à Pierrelatte (Drôme). Aujourd’hui, Chabeuil est le siège de la « Confrérie des chevaliers du taste caillette », créée en 1967, alors que Saint Peray (Ardèche), en 2012, organisait un pittoresque Championnat du monde de la caillette, objet d’une rivalité historique entre la recette de Chabeuil (Drôme), riche en viande, et la tradition ardéchoise où les herbes dominent. La caillette de Chabeuil contient en effet, un « gros quart » ou un « petit tiers » de légumes. La Confrérie précise cependant qu’au palais, le goût de la caillette de Chabeuil ne doit pas être dominé par l’une ou l’autre des composantes et privilégie les blettes, épinards et salades. Les herbes sont lavées et ébouillantées, laissées à refroidir puis égouttées. Elles sont hachées, soit au couteau, soit au hachoir (grille moyenne 6 à 8 mm) puis à nouveau égouttées. Les viandes sont triées, découpées en morceaux et mélangées pendant quelques minutes, avant d’être hachées ensemble et assaisonnées. La cuisine du Dauphiné ne se limite pas au gratin de pommes de terre, si souvent martyrisé. Il suffit pourtant d’un plat allant au four, frotté à l’ail, bien beurré, dans lequel les pommes de terre finement émincées, non lavées, disposées en lits, sont couvertes de crème fleurette et de quelques noisettes de beurre. Une bonne heure de cuisson à four moyen, « surtout ni œufs, ni fromage », précise la fille du fondateur du Musée dauphinois de Grenoble. Toujours appréciées, les ravioles du Royans (et non de Royan !) doivent leur nom à une vallée encaissée au pied du massif du Vercors. Sont-ce les « charbonniers » (bûcherons piémontais) qui, remplaçant la viande des raviolis par une feuille de rave (rabbiolo, en italien), ont donné ce nom aux petits carrés de pâte délicatement pochés dans un bouillon de volaille ? Les rissoles, connues de Rabelais étudiant à l’Université de Valence, sont des ravioles passées dans la friture. Les archives locales ont aussi conservé le souvenir – mais pas la recette – d’un potage d’artichauts et truffes servi à Grenoble en 1624 à l’occasion du ban des vendanges. C’est cette même truffe – elle l’a avoué dans une de ses lettres – qui rendait « si tendre » Madame de Sévigné. n
LE PETIT
Anecdote
journal GOURMANDE
Canard
AUX PETITS POIS Gourmand et gourmet, Flaubert l’était, et asperges et petits pois constituaient son ordinaire. On rapporte qu’importuné, à Croisset (Seine Maritime), par les cris obstinés de la volaille, et des canards en particulier, il n’avait qu’à crier : « Jeannette, il est temps d’écosser les petits pois ! », pour que les impudents palmipèdes, promis au célèbre plat normand du canard aux petits pois, allassent barboter sur la Seine. n
« Le travail est la plaie
des classes qui boivent. » (Oscar Wilde)
Consommer AVEC MODÉRATION
Les membres du Cercle des Hydropathes (allergiques à l’eau), autour d’Alphonse Allais et de Jules Laforgue, devaient tout ignorer des vins rosés, si l’on s’en tient au refrain de leur chanson composée par Charles Cros : « Le vin est un liquide rouge, sauf le matin lorsqu’il est blanc »… Les habitués de ce cercle littéraire un peu loufoque, qui se réunissaient à l’hôtel Boileau (sic) vers 1880, étaient, il est vrai, davantage portés sur l’absinthe et autres boissons fortes. n
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Pour la petite
histoire
« Mathieu Varille,
écrivain et gourmet lyonnais » Mathieu Varille, né à la fin du XIXème siècle, était un industriel passionné autant par l’aviation naissante que par la gastronomie, et qui se retira à la fin de sa vie au Château de Lourmarin. C’est dans un milieu simple, mais fier et cultivé, que Mathieu est né à Lyon, rue Montgolfier aux Brotteaux, le 31 mars 1885. Il fit, de la neuvième à la quatrième, aux côtés de Laurent Vibert, ses études à l’école Ozanam, puis il entra au lycée Ampère. Il eut comme professeur, en réthorique à l’âge de seize ans, Edouard Herriot, alors jeune professeur agrégé de lettres, qui devait rester toute sa vie son ami. Auteur de « La Cuisine Lyonnaise », imprimé à Lyon chez Marius Audin en 1927, et heureusement disponible en « reprint » (chez Champion – Slatkine). Il nous décrit le Lyon des Mères cuisinières, qui en firent la réputation. L’ouvrage est dédié à sa fille « afin qu’en bonne lyonnaise elle sache / que la cuisine est le plus aimable des arts domestiques / et qu’il faut pour le pratiquer, / la sûreté du goût et la finesse de l’esprit ». Historien, gastronome, humoriste, romancier, poète, et homme d’affaires, Mathieu Varille a été tout cela, et mieux encore « il a été lui-même, un homme de sagesse et de clarté » écrit Marcel Colly, archivistes et historien des hospices civils de Lyon. Car Mathieu Varille fut aussi administrateur des Hospices et s’occupa longtemps de son musée. Il dirigea la publication en 1953 d’un ouvrage intitulé « Les Hospices Civils de Lyon » (542-1952). Au début des années 1920 ; il publia successivement: « Une Lyonnaise en Russie pendant la Révolution », puis « Les Journées d’Avril 1834 à Lyon ». Enfin « Hostelleries et Cabarets du Vieux Lyon ». Les années 1924 et suivantes ne furent pas moins fertiles. Si Lyon l’attirait toujours, avec sa « Cuisine lyonnaise » et « Les Amours de Louise Labé, la Belle Cordière », il s’intéressait aussi à la Provence qu’il chantait dans « Les Santons de soleil dans les crèches d’hiver » et « Les Fontaines de Provence ». Mathieu Varille nous dit que la cuisine lyonnaise a des origines bourgeoises. « La magie des casseroles, de ses bistrots légendaires » est l’apanage des Mères, soit de braves femmes, toutes cuisinières « en places », puis qui s’étaient mises à leur compte...pour recevoir leurs anciens « maîtres » chez qui elles avaient tout appris. La quenelle, la fameuse quenelle dont Mathieu Varille rappelle la recette mémorable de Lucien Tendret, est pour lui un symbole : « la cuisine lyonnaise est de goût noble, sans exagération d’aucune sorte ; on n’y trouve ni les violences provençales, ni les fadeurs des pays de montagne ». Il a fait revivre les hostelleries et cabarets du vieux Lyon : À Vaise, le Chapeau Rouge et le Logis du Mouton; au Bourgneuf, les Trois Rois, le Lion d’Or et la Cloche; à Saint-Jean, la Bombarde; à la Guillotière, l’Ecu de France.
En ces temples du bien-manger, pénétrons avec lui, nous rapporte encore Marcel Colly, dans le Saint des Saints, la cuisine: « ... À la crémaillère pend la marmite ventrue où cuisent les poulets, dans un bouillon aromatisé de cannelle, de girofle et de gingembre. Devant le feu, le gâte-sauce tourne dans un demi-sommeil la broche, puisant dans la lèche-frite avec des mouvements d’automate le jus avec lequel il arrose les volailles et gibiers qui dégagent de troublants effluves ... » À travers les générations se sont conservées les recettes des chefs-d’œuvre culinaires lyonnais « .le poulet célestine, les cuisses d’oie grillées à la lyonnaise, la matelote d’Oullins au poisson de Saône, le brochet au bleu, la soupe mitonnée, la queue de bœuf en hochepot, le ris de veau, le cochon de lait, les filets de truite, le gras-double, j’en oublie et des meilleurs ... » et les bugnes ! « ... Voilà bien quelque chose où les Lyonnais ont mis le meilleur de leur cœur : bugnes à l’éperon, bugnes à la rose, beignets à la pomme et à l’acacia, croquante au sucre, et tant d’autres que l’imagination des cuisinières lyonnaises se plaisait à créer ... ». Deux petits livres méconnus font aujourd’hui la joie des bibliophiles. La « Mustardographie » en collaboration avec Marius Audin, nous rappelle : « il faut beaucoup de moutarde dans l’existence pour en avaler sans dégoût les innombrables couleuvres ». Autre bijou pour bibliolâtres : « La Nef du parfait vinaigrier : Sur laquelle doit voguer le créateur de ce fluide subtil qui donne de l’esprit aux cornichons et à leurs congénères, traité en manière de dialogue à tous nécessaire pour connaître et pratiquer les précieuses recettes du vinaigre de qualité » publié à Lyon, Aux Deux-Collines, en 1951. Il s’agit d’un dialogue, loufoque et sérieux, entre Mathieu Varille (Monsieur Prudhomme), maître-vigneron à Lourmarin-de-Provence et Marius Audin (Monsieur Homais), herboriste et vinaigrier. Illustrations de Jean Chièze sur bois. Pendant l’occupation, rappelle Marcel Colly, son ardent patriotisme l’inclina naturellement vers la Résistance et, avec son ami l’abbé Marty, aumônier des prisons, plus tard fusillé par les Allemands, il rendit maints services aux patriotes prisonniers et fut décoré de la Croix de Guerre avec deux citations. Si l’on considère les multiples aspects de cette vie, on constate que Mathieu Varille a été à la fois homme d’affaires, pionnier et technicien de l’aviation, collectionneur, numismate, amateur d’art, mais surtout écrivain et gourmet avisé. n
LA CUISINE LYONNAISE A DES ORIGINES BOURGEOISES