VSD Au royaume des plaisirs tarifés 2009

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ÉPOQUEREPORTAGE

ORGANISATION HUILÉE À l’étage, un couloir à la déco kitsch mène aux chambres. L’hôtesse est identifiée avec ses empreintes digitales. UN COMMERCE LUCRATIF Au Lady’s Dallas, près de deux cents femmes monnaient leurs charmes, chaque jour.

ELLES SONT ÉTUDIANTES, MAÎTRESSES D’ÉCOLE…

ENTREPRENANTES Le contact s’établit au rez-de-chaussée, dans un bar glauque. Les filles, en majorité roumaines, ne vous laissent pas seul longtemps.

la dentelle. L’une des hôtesses, roumaine, comme 80 % des filles, aborde malicieusement les clients : « Madonna ne viendra pas, ce soir. Alors, montons tout de suite ! » Difficile d’expliquer que vous êtes venu boire une bière à 10 euros dans ce bar glauque de bord d’autoroute sans vouloir consommer. Prétextez que vous attendez le mariage, aussitôt cette brune

À LA JONQUERA, TRISTE VILLE-FRONTIÈRE ESPAGNOLE, DES BORDELS VIVENT D’UNE CLIENTÈLE EN 34

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« J’ai appris le français ici en trois mois, confie une Moldave brune en phase d’approche. L’espagnol, ça ne sert à rien : tous les clients sont français ! » Les plaques des voitures garées devant l’établissement le confirment. Marinella, une Bulgare de 25 ans, arborant un crucifix sur sa poitrine avantageusement mise en avant, confesse : « Je m’ennuie, quand je ne bosse pas. Je préfère être là-haut. Je pense toujours à l’argent. Je ne suis pas là pour me marier ! » Depuis que leur pays fait partie de l’Union européenne, ces jeunes femmes peuvent venir travailler en Espagne sans visa. Étudiante, informaticienne ou maîtresse d’école, durant trois mois, ou plus, elles viennent tenter de faire fortune. Pour « acheter une voiture », « envoyer à la famille », « ouvrir un resto »… Côté clients, Éric, la vingtaine, sourit en repensant à ses acrobaties. « Je suis monté avec une blonde et une brune, je leur ai demandé de se faire plaisir. J’ai négocié à 100 euros. » Fier, il montre du doigt à un copain : « Mate la blonde qui dépasse. Je lui ai dit : “Je t’héberge en France. Tu parles quatre langues, tu 쐌쐌쐌

GRANDE PARTIE FRANÇAISE, COMME AU LADY’S DALLAS. VSD N° 1669 DU 19 AU 25 AOÛT 2009

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Six mille hôtesses figurent sur le fichier du club. Elles versent 80 euros par jour pour travailler

CHAUDE AMBIANCE Les jeunes femmes déambulent dans la discothèque en soutiengorge et string. Sur des écrans plats défilent des clips de rock roumain et des images érotiques. UNE LONGUE ATTENTE Il faut être patient si l’on veut accéder aux chambres, entretenues par une douzaine de personnes. « Le week-end, assure le patron, il y a une heure d’attente. »

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trouveras du boulot.” Elle m’a répondu : “Tu rêves ! Pour être femme de ménage ? Dans mon pays, je gagnais 100 euros par mois à coudre des chemises. Ici, je me fais 6 000 euros en cash.” » Une fois trouvée la plastique de vos rêves, l’autorisation de « monter au paradis » se monnaie entre 50 euros, pour l’habitué habile négociateur, et 80 euros, pour le gogo. Mais à 2 heures, le chemin vers le lit est embouteillé. Malgré douze personnes qui nettoient et administrent les chambres, une quarantaine de « couples » font la queue. « Le week-end, assure Nico, le patron du Lady’s Dallas, il y a une heure d’attente. Vous attendriez une heure, vous, pour baiser ? »

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Je n’ai pas de pouvoir sur ces femmes. Elles peuvent tirer les cartes ou regarder la télé dans la chambre

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Le directeur du Lady’s Dallas

Alors, pour tromper l’ennui, les hôtesses se frottent contre leurs clients. Surtout, ne pas laisser redescendre l’excitation du consommateur. Et faire le plus de passes possible. Chaque soir, il faut satisfaire entre cinq et dix hommes.

LA MUNICIPALITÉ TOUCHE 500 000 EUROS D’IMPÔTS Passé la porte gardée par un vigile, en haut des marches, une dame-pipi muette fournit, contre 5 euros, un petit paquet contenant des draps en papier stérilisé et un préservatif parfumé à la fraise. Elle vérifie l’identité de la prostituée qui dépose son doigt sur un scanner. « Nous voulons juste savoir si la fille a payé. Avec le nom,

c’était impossible : on a un fichier de six mille hôtesses et elles s’appellent toutes Iliana, Sandra ou Samantha ! », précise le patron. Chaque jour, à 17 heures, elles payent leur pension de 80 euros en liquide et laissent leur empreinte digitale. Après le couloir carrelé décoré de petits tableaux kitsch, le couple arrive dans une petite pièce dotée d’un lit en bois. La professionnelle baisse la lumière et allume des spots roses et jaunâtres. Après une rapide toilette intime, elle déploie son drap et ses charmes. Généralement, l’affaire dure une demiheure, pour un coût deux fois moins élevé qu’en Allemagne. Une différence due au fait que les « eros centers d’outreRhin rémunèrent les filles avec une fiche de salaire », explique le patron. Ce bon père de famille a quitté son exploitation de pommes… « pour les poires », dit-il en suggérant une poitrine avec ses mains. « Nous n’avons rien à cacher, nous louons des chambres. Nous payons une licence pour cela : 49 000 euros à la municipalité et 500 000 euros d’impôts… Et nous faisons vivre quarante employés au bar, au restaurant, pour le ménage et pour la sécurité. » N’allez pas lui parler de proxénétisme. « Je n’ai aucun pouvoir sur ces femmes, récuse-t-il. Du moment qu’elles règlent leur piaule, elles peuvent y tirer les cartes ou regarder la télé. C’est leur problème. Le client et la fille s’arrangent entre eux. » Et la petite entreprise tourne. Avec des soirées exceptionnelles, comme en ce mardi, où le Lady’s a connu un record d’affluence en raison de l’arrivée des vacanciers d’août dans les campings proches de la frontière. Près de mille cinq cents draps ont été distribués. La fermeture a même été repoussée à 5 h 30, au lieu de 4 heures. Pour un chiffre d’affaires d’au moins 75 000 euros. 쐍 VSD N° 1669 DU 19 AU 25 AOÛT 2009


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